16ème législature

Question N° 8446
de Mme Christine Decodts (Renaissance - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, plein emploi et insertion

Rubrique > médecine

Titre > Manque de médecins du travail

Question publiée au JO le : 30/05/2023 page : 4847
Réponse publiée au JO le : 12/09/2023 page : 8175

Texte de la question

Mme Christine Decodts attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le manque de médecins du travail en France. Malgré les dernières réformes, la France subit encore une pénurie de médecins dans de nombreux secteurs. Si certaines spécialités rencontrent une augmentation de leurs effectifs d'actifs entre 2021 et 2022, comme la médecine d'urgence ou encore la médecine vasculaire, d'autres rencontrent plus de difficultés. C'est le cas notamment pour la médecine du travail qui, entre 2010 et 2020, affiche le solde négatif le plus important de toutes les spécialités puisqu'elle compte une perte de 1 063 médecins. Par ailleurs, cette tendance se confirme au cours de l'année 2021 puisque l'on constate une baisse des effectifs de 63 médecins, alors que ce solde était déjà déficitaire de 132 médecins en 2020. Cela représente une baisse inquiétante du nombre de médecins du travail, alors même que ces derniers sont les acteurs principaux de la prévention contre les accidents du travail. En 2019, le ministère du travail recensait 783 600 accidents, avec un ratio de 3,5 accidents mortels pour 100 000 salariés. La France détient le plus fort ratio de décès au travail en Europe. Au-delà de la dimension sécurité au travail, cette baisse importante impacte aussi l'aspect économique du monde du travail. En effet, les entreprises n'arrivent plus à faire passer les examens préalables d'aptitude, alors que ces visites sont indispensables pour travailler dans certains secteurs nécessitant un suivi individuel renforcé. La situation est d'autant plus préoccupante étant donné que l'âge moyen des médecins du travail est de 55 ans, alors qu'il est de 51 ans toutes catégories confondues. Il faut s'adapter aux départs à la retraite de ces médecins du travail dont le nombre affiche tous les ans un solde négatif. Ces dernières années, on a pu constater des avancées majeures, notamment avec la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 qui, crée la fonction de médecin praticien correspondant (MPC) et donne la possibilité aux médecins du travail de déléguer une partie de leurs missions à un infirmier en santé du travail. Ce dispositif permet de libérer du temps médical aux médecins du travail afin qu'ils puissent se consacrer aux missions ne pouvant être effectuées uniquement que par eux. Le suivi individuel renforcé des salariés exposés à des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, qui permet de s'assurer que le salarié est médicalement apte d'occuper le poste de travail sur lequel l'employeur envisage de l'affecter, ne peut être assuré par le biais d'entretien infirmier. Cette mission préventive prend un temps considérable aux médecins du travail. Ainsi, à l'instar de ce qui a été fait pour les infirmiers en pratique avancée, n'est-il pas envisageable au travers d'une formation de permettre aux infirmiers en santé du travail d'effectuer une partie des visites liées au suivi individuel renforcé, cela sous la tutelle d'un médecin du travail. ? Au vu des enjeux, mais aussi du manque avéré de médecins du travail, elle souhaite savoir s'il est envisageable d'étendre cette délégation de fonction dont bénéficient déjà les infirmiers en santé du travail pour les visites intermédiaires au suivi individuel renforcé, ce qui contribuerait à libérer du temps médical que l'on sait précieux dans le secteur.

Texte de la réponse

Le constat d'un déficit de ressources médicales, unanimement partagé, a conduit le législateur à faire évoluer les règles applicables à la médecine du travail pour pouvoir continuer à répondre aux besoins de prévention des entreprises et de leurs salariés. Ainsi, la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 a ouvert les possibilités de délégations de visites vers les infirmiers de santé au travail. Il s'agit notamment, par ce biais, de libérer du temps médical afin de permettre aux médecins du travail de se consacrer aux visites médicales les plus complexes et à la prévention en entreprise. Le décret d'application n° 2022-679 du 26 avril 2022 détermine les conditions de délégation de certaines missions par les médecins du travail aux membres de l'équipe pluridisciplinaire, notamment au personnel infirmier. Il précise que l'ensemble des visites du suivi médical des travailleurs peuvent être déléguées aux infirmiers, à l'exception des visites d'embauche et périodiques des salariés en suivi individuel renforcé ainsi que la visite post-exposition mentionnée à l‘article R. 4624-2-1 du code du travail. L'article R. 4623-14 du code du travail prévoit plusieurs dispositions encadrant cette possibilité de délégation. La délégation doit être réalisée dans le cadre de protocoles écrits et doit être adaptée à la formation et aux compétences des infirmiers. Lorsqu'elle est déléguée, la visite reste réalisée sous la responsabilité du médecin. En l'état actuel du droit et en application des dispositions prévues à l'article R. 4623-14 du code du travail, il n'est donc pas possible de déléguer aux infirmiers la réalisation des visites d'embauche et intermédiaires des travailleurs en suivi individuel renforcé. Ces visites requièrent en effet un avis d'aptitude, dont la délivrance est de la compétence exclusive du médecin du travail.