Rubrique > fonctionnaires et agents publics
Titre > Pacte discriminant
M. Hadrien Clouet alerte M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le caractère brutal et discriminant du « Pacte enseignant » vis-à-vis des personnels de l'éducation nationale en situation de handicap. Le Président de la République s'était engagé à revaloriser les salaires des enseignants de 10 %. Cette promesse électoraliste est abandonnée dès le lendemain de son élection. Mais avec le gel du point d'indice des fonctionnaires, l'inflation dévore le pouvoir d'achat des enseignants. Tout au long de leur carrière, ils franchissent des échelons et progressent dans leur grille tarifaire. Il serait logique de conclure que la hausse de leur rémunération se traduit de fait par une hausse de leur pouvoir d'achat. Or, les promotions d'échelon n'augmentent pas leur pouvoir d'achat mais permettent seulement de rattraper la perte causée par la sous indexation du point d'indice. Selon le collectif Nos services publics, ce phénomène s'apparente à « remonter un escalator qui descend ». Si le point d'indice était dégelé et que le salaire progressait au même rythme que l'inflation depuis 2000, les salaires des enseignants auraient gagné jusqu'à 500 euros mensuel. Comparativement à leurs collègues allemands, les enseignants français ont un salaire deux fois moins élevé tout au long de leur carrière, quand bien même ils travaillent 120 heures de plus dans le secondaire et 200 heures de plus dans le primaire. À la moitié de leur carrière, les enseignants français perçoivent jusqu'à 20 % de moins que la moyenne de l'OCDE. Comparativement aux autres pays européens, ils subissent les classes les plus surchargées dans le primaire comme dans le secondaire et arborent le volume horaire le plus important, derrière les seuls Pays-Bas. La revalorisation du salaire des enseignant qui sera effective à la rentrée 2023 ne résoudra en rien la situation. Cette revalorisation se fera donc en deux volets. Le premier volet est relatif à la hausse de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), pour les enseignants du premier degré et l'indemnité de suivi d'orientation des élèves (ISOE), pour les enseignants du second degré. Ce volet concerne l'ensemble des enseignants, sans condition et correspondrait à une hausse d'un peu plus de 90 euros par mois. Le second volet de la revalorisation, en revanche, n'est pas universel et ne concernera pas l'ensemble des enseignants. Il s'agit du « Pacte enseignant » : un tiers du budget dédié à la revalorisation annoncée lui est attribué. Concrètement, pour voir leur rémunération revalorisée, les enseignants devront, sur la base du volontariat, travailler plus : remplacement des absences de courtes durées au pied levé, heures de soutien scolaire ou d'heures de devoirs faits, mise en œuvre de projets dans le cadre du conseil national de la refondation, devenir référent sur la question de l'inclusion et accompagner leurs collègues. La logique du pacte va aggraver considérablement le phénomène européen selon lequel les enseignants français travaillent davantage que leurs voisins pour un salaire bien inférieur et cela malgré la revalorisation annoncée. Le pacte va alourdir davantage encore la charge de travail des enseignants dans la journée, dans la semaine et dans l'année. Il n'est en aucun cas une revalorisation salariale, mais un travail supplémentaire rémunéré au rabais. Il crée une concurrence entre les enseignants qui nuira à la bonne entente et au bon fonctionnement des équipes pédagogiques et de direction, au détriment des élèves. Demander aux enseignants ayant le volume horaire le plus élevé et les salaires parmi les plus bas d'Europe d'effectuer un travail supplémentaire pour obtenir une revalorisation microscopique est indécent. D'autant que le pacte n'est pas accessible à tous les enseignants, suivant une logique discriminatoire. En premier lieu, le pacte enseignant exclut les enseignants en situation de handicap. Beaucoup d'entre eux sont contraints de travailler à temps partiel, sans compensation, contraint de renoncer à une part importante de leur salaire du fait de leur handicap. Le « Pacte enseignant » constitue alors une double peine. Ces enseignants n'étant pas en mesure de remplir les conditions pour bénéficier de la rémunération complémentaire, ils verront se creuser davantage encore l'écart de salaires par rapport à leurs collègues valides. La majorité a déposé une loi sur « l'école inclusive », mais en refuse le principe à ses propres agents. Le pacte est également discriminant pour les enseignants qui, dans la diversité de leurs profils, ne disposent pas des mêmes conditions matérielles, familiales, géographiques et professionnelles. Les missions supplémentaires composant le pacte nécessitent plusieurs heures de travail supplémentaires dans l'établissement, ainsi que plusieurs heures de préparation, de suivi ou de correction tout au long de l'année. Ainsi, les enseignants ayant leur domicile très éloigné de leur établissement d'exercice n'auront pas la possibilité de se porter volontaire pour le pacte et seront exclus de l'augmentation de salaire. Il en va de même pour les titulaires d'une zone de remplacement (TZR), exerçant sur plusieurs établissements et qui, en plus d'avoir davantage d'heures de trajet hors temps de travail, n'auront pas la possibilité de s'insérer dans le pacte d'un des établissements d'exercice. Situation identique pour les personnels ayant un ou plusieurs enfants à charge et souhaitant s'occuper d'eux, en allant les chercher à l'école, en les accompagnant dans leurs devoirs scolaires, en leurs faisant à manger, en passant du temps avec eux. Structurellement, le pacte risque d'aggraver les inégalités entre les femmes et hommes. Ainsi, de manière générale, le « Pacte enseignant » discrimine toutes celles et ceux ayant une vie en dehors du travail et n'habitant pas à proximité de l'établissement scolaire. Cette mesure va coûter aux enseignants le peu de temps dont ils disposent avec leurs proches, pour leurs loisirs personnels ou leur réflexion intellectuelle. Le pacte fait l'unanimité contre lui. Les enseignants se sentent méprisés et voient leurs conditions de travail dégradées, les chefs d'établissement craignent un véritable casse-tête dans l'élaboration des emplois du temps et les parents d'élèves comme les élèves souhaitent avoir des enseignants focalisés sur leurs missions principales et non accaparés par des tâches annexes. Aussi M. le député demande à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse comment il compte répondre à ces discriminations multiples, consubstantielles au pacte. Compte-t-il renoncer à celui-ci au profit d'une hausse du point d'indice ? Entend-il basculer l'enveloppe du pacte dans celle prévue pour l'ISAE-ISOE, suivant la demande de l'intersyndicale ? Enfin, il souhaite savoir quand il augmentera le point d'indice des fonctionnaires pour les protéger de l'inflation.