16ème législature

Question N° 8812
de M. Raphaël Gérard (Renaissance - Charente-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > discriminations

Titre > Mise en œuvre de l'article 11-2 du code de procédure pénale

Question publiée au JO le : 13/06/2023 page : 5268
Réponse publiée au JO le : 24/10/2023 page : 9455
Date de renouvellement: 19/09/2023

Texte de la question

M. Raphaël Gérard appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les constats posés par le rapport de la mission de lutte contre les discriminations dans l'action des forces de sécurité intérieure, remis par M. Christian Vigouroux en juillet 2021 au sujet des difficultés de mise en œuvre des dispositions de l'article 11-2 du code de procédure pénale. Le cadre juridique actuel issu de la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 prévoit que le ministère public ne peut informer par écrit l'autorité hiérarchique des décisions de condamnation, de saisine d'une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d'instruction ou de mise en examen, rendues contre une personne qu'elle emploie qu'à la double condition qu'elles concernent un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et qu'il estime cette transmission nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l'ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens. Comme le confirme la circulaire d'application du 4 août 2016, il en résulte a contrario que le ministère public ne peut légalement informer l'autorité hiérarchique de faits, même très plausibles en l'état de l'instruction, qui auraient donné lieu à des mesures alternatives aux poursuites pénales, d'un rappel à la loi d'une mesure de composition pénale ou qui, sur le plan pénal, ne pourraient donner lieu qu'à une qualification contraventionnelle ou à une qualification de délit non puni d'une peine d'emprisonnement. Ces dispositions rendent très difficiles, dans certaines situations, la communication de pièces à l'administration alors même que cela serait utilement de nature à éclairer cette dernière. Le rapport annuel du ministère public pour l'année 2020 fait également l'état de difficulté dans la mise en œuvre de l'article 11-2 à l'occasion du traitement de plaintes contre des gendarmes et des policiers, notamment lorsqu'une alternative aux poursuites est décidée ou lorsqu'aucune infraction n'est finalement caractérisée, mais qu'un manquement déontologique apparaît néanmoins constitué, l'acte de procédure ayant révélé ce manquement ne pouvant pas, hors saisine d'une juridiction de jugement ou d'une mise en examen, être transmis à l'autorité administrative. Il l'interroge sur l'opportunité d'assouplir les dispositions de l'article 11-2 du code de procédure pénale, aux fins de permettre la communication par l'autorité judiciaire à l'autorité hiérarchique d'élément de procédure, en particulier lorsqu'un agent, dont la culpabilité a été établie, a fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites.

Texte de la réponse

La loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 a mis en place une procédure d'information des administrations par l'autorité judiciaire de certaines décisions pénales concernant les agents et les personnes placées sous leur contrôle, en insérant dans le code de procédure pénale un nouvel article 11-2. Cette possibilité de transmission est dérogatoire aux dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale relatif au secret de l'enquête et de l'instruction. En outre, parce qu'il est essentiel de préserver le droit au respect de la vie privée et la présomption d'innocence de toute personne mise en cause dans le cadre d'une procédure pénale, les travaux parlementaires, en commission mixte paritaire après avis défavorable du Sénat, ont rejeté la possibilité d'informer l'administration de tutelle d'un agent au stade de l'enquête (garde à vue ou audition libre), en ce qu'elle portait une atteinte excessive à la présomption d'innocence. Les informations susceptibles d'être transmises à l'administration de rattachement ont donc été circonscrites, afin de concilier les impératifs de sécurité et d'ordre public avec les droits et intérêts légitimes de l'agent concerné. En ce sens, l'administration est informée d'une décision de non-culpabilité aux seules fins d'effacement de toute information relative à la procédure pénale dans le dossier administratif de l'agent. Cet encadrement ne permet donc pas, sur la base des dispositions de l'article 11-2 du code de procédure pénale, de transmettre une copie des pièces issues d'une procédure pénale ayant donné lieu à une mesure alternative aux poursuites. Pour autant, les enjeux qui entourent la communication d'informations issues d'une procédure pénale à l'administration de tutelle de l'agent sont réels et impactant, notamment pour les membres des forces de sécurité intérieure, qu'il s'agisse de l'hypothèse dans laquelle ce dernier est déclaré coupable des faits reprochés et qu'une mesure alternative aux poursuites est prononcée mais également, à l'inverse, dans l'hypothèse d'une décision de classement sans suite de la procédure pénale. En effet, l'absence de faute pénale n'exclut pas automatiquement l'existence d'un manquement déontologique que certaines pièces de la procédure peuvent utilement mettre en évidence et ainsi permettre la mise en marche de la procédure disciplinaire.