16ème législature

Question N° 9174
de M. Marc Le Fur (Les Républicains - Côtes-d'Armor )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > Qualification juridique et protection des orgues

Question publiée au JO le : 20/06/2023 page : 5438
Réponse publiée au JO le : 09/04/2024 page : 2805
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

M. Marc Le Fur alerte Mme la ministre de la culture sur la qualification juridique et la protection des orgues, en particulier les instruments à vocation liturgique se trouvant dans les lieux de culte. Effectivement, bien que généralement qualifiés de bien immeuble par destination, certains de ces instruments sont menacés d'être vendus. Tous ne peuvent pas être protégés par une classification aux monuments historiques comme ce fut le cas à la chapelle Saint-Louis à Vire. Ainsi, il souhaiterait savoir ce qu'elle va mettre en œuvre pour protéger ces orgues et leur permettre de demeurer là où ils sont implantés.

Texte de la réponse

La France compte environ 10 000 orgues sur son territoire. Pour recenser et diffuser la connaissance de ce patrimoine instrumental, le ministère de la culture (direction générale des patrimoines et de l'architecture et direction générale de la création artistique), en partenariat avec des associations nationales - Orgue en France et Fédération francophone des amis des orgues - a permis de créer en ligne, sur le mode participatif, un « Inventaire national des orgues en France ». En cours d'élaboration, cet inventaire nous renseigne sur la propriété de 5 600 d'entre eux : 4 675 orgues appartiennent à des communes ou à des intercommunalités ; 740 à des associations culturelles, congrégations, associations diocésaines ou paroisses ; 151 sont la propriété de l'État ; 35 appartiennent à des établissements scolaires ; 25 à des particuliers et 10 à des conservatoires. 1 600 orgues sont protégés au titre des monuments historiques. Ils se trouvent, pour la plupart, dans des édifices affectés au culte catholique : 1 091 dans des églises, 99 dans des cathédrales ou anciennes cathédrales, 41 dans des chapelles (établissements scolaires, de santé, de château, ou isolées en milieu rural), 21 dans des monastères, abbayes, prieurés, couvents et abbatiales, 27 dans des basiliques. Pour ce qui concerne les autres cultes : 52 orgues protégés au titre des monuments historiques se situent dans des temples ou des églises relevant du culte protestant et 3 orgues garnissent des synagogues (source : ministère de la culture : base Palissy et sous-direction des monuments historiques et des sites patrimoniaux). Protégés au titre des monuments historiques en tant qu'objets mobiliers - meubles par nature ou immeubles par destination (article L. 622-1 du code du patrimoine) - les orgues bénéficient des dispositions du code du patrimoine qui encadrent fortement leur éventuelle sortie de leur édifice : Les orgues classés au titre des monuments historiques sont imprescriptibles (article L. 622-13) ; Les orgues classés au titre des monuments historiques appartenant à l'État sont inaliénables (article L. 622-14) ; Les orgues classés appartenant à une personne publique autre que l'État (collectivité territoriale, établissement public) ne peuvent être aliénés qu'après autorisation du préfet de région et seulement au bénéfice d'une autre personne publique (article L. 622-14) ; Les orgues inscrits appartenant à une collectivité territoriale ou à l'un de ses établissements publics ne peuvent être aliénés à titre gratuit ou onéreux sans que l'autorité administrative ne soit informée à l'avance de l'intention de cession dans un délai fixé par décret en Conseil d'État (article L. 622-23) ; En cas de vente d'un orgue en main privée, protégé au titre des monuments historiques, son propriétaire a l'obligation de faire connaître au nouvel acquéreur l'existence de la servitude de classement ou d'inscription et d'informer dans les quinze jours le préfet de région de la vente. Les effets du classement ou de l'inscription au titre des monuments historiques d'un objet mobilier suivent le bien en quelques mains qu'il passe (article L. 622-29). Les orgues non protégés au titre des monuments historiques bénéficient toutefois de dispositions favorisant leur maintien au sein de l'édifice dans lequel ils ont été installés, ou au sein d'autres édifices publics : S'ils sont situés dans un édifice protégé au titre des monuments historiques, ils ne peuvent en être sortis sans autorisation. En effet, en tant qu'effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, à un immeuble protégé au titre des monuments historiques, les orgues ne peuvent en être détachés sans autorisation de l'autorité administrative (article L. 621-9 du code du patrimoine s'il s'agit d'un immeuble classé ou d'une partie classée au sein d'un immeuble et article L. 621-27 s'il s'agit d'un immeuble inscrit ou d'une partie inscrite au sein d'un immeuble) ; S'ils sont situés dans un édifice non protégé, leur sortie de cet édifice ne requiert aucune autorisation des services du ministère de la culture. Cependant, s'agissant d'éléments du domaine public de la commune et, le cas échéant, affectés au culte, cette sortie est soumise à des procédures précises. Même s'ils ne sont pas protégés, les orgues, comme tous les objets mobiliers, dès lors qu'ils présentent un intérêt historique ou artistique, appartiennent au domaine public de la personne publique propriétaire, et sont donc inaliénables et imprescriptibles (article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques CG3P). Par conséquent, la collectivité territoriale devra, pour céder un bien de son domaine public, l'en déclasser préalablement, afin de l'incorporer dans son domaine privé. Par dérogation à ce principe d'inaliénabilité du domaine public, les dispositions des articles L. 3112-1 et suivants du CG3P autorisent les cessions et les échanges de propriétés publiques relevant du domaine public entre personnes publiques, sans déclassement préalable. Ces mesures sont de nature à permettre une simplification des cessions de biens entre les collectivités territoriales et leurs groupements, notamment dans le cadre de l'intercommunalité. De plus, dès lors que l'édifice ou l'orgue en tant qu'objet mobilier n'a pas fait l'objet d'une procédure de désaffectation cultuelle, dans les conditions prévues par l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l'État et par le décret du 17 mars 1970, l'orgue doit demeurer au sein d'un édifice légalement affecté au culte. Si un orgue a fait l'objet d'une procédure de désaffectation cultuelle, mais non d'un déclassement du domaine public, il pourra alors être conservé ou exposé sans autre formalité dans tout autre lieu approprié en dehors d'un édifice du culte. La désaffectation cultuelle n'implique pas le déclassement du domaine public et la perte de l'intérêt patrimonial. Par l'action de ses réseaux professionnels, qu'il s'agisse des agents des services déconcentrés (CRMH DRAC), des techniciens-conseil agréés pour les orgues protégés au titre des monuments historiques ou des conservateurs des antiquités et objets d'art, le ministère de la culture favorise le maintien des orgues au sein de leur édifice : il encourage la protection au titre des monuments historiques des instruments lorsque ceux-ci présentent un intérêt historique ou artistique et il développe la sensibilisation des propriétaires en contribuant à la diffusion au plus grand nombre des informations relatives aux orgues. Le ministère de la culture incite également les communes à susciter la création d'associations locales, susceptibles de rejoindre les associations nationales (Fédération francophone des Amis de l'orgue et Orgue en France), ce qui leur permet, dans l'élaboration de projets de valorisation et de restauration des instruments, de bénéficier de la grande vitalité de ces réseaux d'amateurs et de professionnels passionnés.