Visite d'État en Chine : quel bilan pour réduire la dépendance commerciale ?
Question de :
M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. François Ruffin interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, sur le bilan de la visite d'État en Chine concernant le déficit commercial de la France avec ce pays. En matière de commerce extérieur, l'année 2022 a été celle de tous les records, mais dans le mauvais sens. En 2022, selon les mots de M. le ministre, la France a enregistré « le plus important déficit commercial que nous n'avons jamais connu ». Dans la longue liste des déficits, le déficit commercial avec la Chine est devenu « abyssal », selon cette fois un titre du journal Les Echos, qui faisait état d'un déficit commercial bilatéral de plus de 50 milliards d'euros ! La visite d'État effectuée en Chine par le Président de la République début avril 2023 devait ainsi contribuer au rééquilibrage des relations commerciales. D'ailleurs, 53 patrons de multinationales et de PME françaises étaient du voyage, dans l'espoir de rapporter des contrats. Au final, en matière d'industrie, ils rentrent avec, dans leur besace, un accord pour une nouvelle ligne de construction d'avions Airbus, qui va ainsi doubler sa capacité de production en Chine, des accords de coopération d'EDF avec le chinois CGN pour la construction de centrales nucléaires et de projets éoliens en Chine, ou encore la construction d'une usine de dessalement d'eau par Suez dans la province du Shandong. Il faut noter, c'est intéressant, que ce contrat inclut des partenaires chinois « comme le veut la règle locale ». Mais qu'en est-il de l'industrie en France ? Qu'en est-il de l'industrie au moment où Valdunes, unique producteur de roues et d'essieux de trains en France, est abandonné par son actionnaire, chinois, MA Steel ? Le Haut-Commissariat au Plan insiste sur le fait que la « bataille du commerce extérieur » ne se mènera pas sans reconstruire un appareil productif en France. Notamment pour produire ici les très nombreux biens dont la consommation intérieure est « non satisfaite » par l'outil industriel français et que la France importe donc massivement. C'est tout le problème de la relation commerciale de la France avec la Chine. On se souvient du triste exemple des masques pendant le covid : 40 millions d'euros d'aides publiques qui ont été investis pour soutenir le développement d'une filière française du masque, mais des usines qui tournent à vide. Les commandes publiques préférant les masques chinois au détriment de la production locale. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ! Selon l'inventaire très précis du Haut-Commissariat au Plan, la France est dépendante de l'industrie chinoise pour la fabrication des téléphones et ordinateurs portables, des aspirateurs, des appareils photos numériques, des batteries au lithium, des câbles de fibres optiques, des cellules photovoltaïques, des anoraks et robes en matières synthétiques, des sacs de voyages et des gants et moufles. Derrière ce catalogue digne d'une chanson de Boris Vian, ce sont des pans entiers de l'industrie française qui manquent. Lors de son audition devant la commission des affaires étrangères le 24 mai 2023, M. le ministre a mentionné que le président Emmanuel Macron avait dit au président Xi Jinping vouloir sécuriser un certain nombre d'approvisionnements avec le rapatriement en France d'un certain nombre d'industries stratégiques. M. le ministre a ajouté : « Ce n'est pas une politique de défiance vis-à-vis de la Chine, c'est une politique de diversification de notre production et des approvisionnements ». Il lui demande s'il peut indiquer ce qui a été précisément discuté sur ce volet « rapatriement d'industries en France » avec le président chinois afin que le pays devienne moins dépendant des importations de biens fabriqués en Chine.
Réponse publiée le 2 janvier 2024
La Chine représente un marché important pour nos entreprises. Les entreprises françaises comptent 2 085 filiales implantées en Chine en 2021, pour un chiffre d'affaires de 72 Mds€, et y emploient plus de 300 000 personnes. La Chine est par ailleurs un partenaire nécessaire pour répondre aux enjeux globaux, qu'il s'agisse de la lutte contre le changement climatique, la transition énergétique ou encore la préservation du multilatéralisme. Toutefois, son modèle économique alimente une concurrence déloyale et de nombreuses barrières d'accès au marché. Il est donc nécessaire que le principe de réciprocité soit au cœur de nos relations. C'est le message porté par le Président de la République lors de sa visite à Pékin, qui a permis d'amorcer un rééquilibrage de nos relations économiques et commerciales. Cette conviction est partagée par l'Union Européenne et a été réaffirmée lors du Sommet UE-Chine de décembre 2023. Cette visite d'Etat a permis d'intensifier le dialogue économique sur de nombreux secteurs et d'obtenir des avancées en matière d'accès au marché. Le projet annoncé le 12 mai entre le chinois XTC et le français Orano, qui vont investir 1,5 milliard d'euros et créer 1 700 emplois dans un site lié aux batteries lithium à Dunkerque, s'inscrit par ailleurs dans cette logique. Le rééquilibrage de la relation avec la Chine pourra par ailleurs s'appuyer sur une boite à outils européenne, qui s'applique à l'ensemble de nos partenaires commerciaux : elle a été renforcée notamment sous présidence française de l'Union européenne avec un règlement sur la réciprocité dans les marchés publics, sur les subventions étrangères faussant le marché intérieur ou encore sur la coercition économique. Nous poursuivons d'autres travaux importants, notamment sur le devoir de vigilance en matière de durabilité ou encore sur l'instrument destiné à interdire l'accès au marché européen des produits issus du travail forcé. Nous partageons enfin avec la Commission européenne et nombre de nos partenaires la conviction qu'il est impératif de réduire nos dépendances excessives à la Chine en améliorant la résilience de nos chaînes d'approvisionnement. La France et l'Union Européenne cherchent ainsi à diversifier leurs partenaires, par le biais d'accords commerciaux ou d'autres modalités, par exemple sur les métaux critiques. Nous œuvrons par ailleurs à renforcer notre industrie innovante dans les territoires pour réduire les risques liés aux vulnérabilités de nos chaînes d'approvisionnement. C'est un des enjeux majeurs du plan d'investissement France 2030 lancé il y a maintenant deux ans.
Auteur : M. François Ruffin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : Commerce extérieur, attractivité et Français de l'étranger
Ministère répondant : Commerce extérieur, attractivité et Français de l'étranger
Dates :
Question publiée le 27 juin 2023
Réponse publiée le 2 janvier 2024