Question écrite n° 9318 :
Réutilisation des eaux grises dans l'industrie laitière

16e Législature

Question de : M. Stéphane Delautrette
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES)

M. Stéphane Delautrette appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la réutilisation des eaux grises au sein de l'industrie laitière. Dans un contexte de changement climatique et de raréfaction de la ressource en eau, la gestion de cette dernière, au sein des sites de transformation laitière, doit être adaptée aux contraintes en matière de ressources. La filière ne part pas de zéro. La généralisation des bonnes pratiques concernant la gestion, le traitement et la réutilisation de l'eau ont permis de réduire ces dix dernières années de 20 % les volumes d'eau nécessaires. Face à la recrudescence et à l'intensification des périodes de sécheresse, les producteurs n'ont pas d'autres choix que d'adapter leurs outils de travail sous peine de devoir interrompre leur production en cas de forte pénurie. Alors qu'aujourd'hui le plan eau proposé par les ministres Christophe Béchu et Marc Fesneau prévoit un nouvel objectif de baisse de 10 % du volume d'eau prélevé pour l'ensemble des secteurs d'ici à 2030, les acteurs de la filière font face à un vide réglementaire qui les empêche de réutiliser les eaux grises issues de la production du lait sur les chaînes de production en contact avec les aliments. L'industrie laitière génère en effet une quantité non-négligeable d'eau. Les eaux grises sont donc aujourd'hui largement exploitées pour des usages comme le nettoyage des installations extérieures. Cependant, contrairement à leurs voisins européens, les exploitants français ont l'interdiction de rincer les équipements de production avec les eaux issues de la transformation du lait. Ainsi, selon les entreprises du secteur, près de 16 millions de m3 par an pourraient être récupérés en cas d'autorisation de réutilisation de ces eaux. Dans cette hypothèse, le recyclage des eaux grises permettrait, à terme, de réduire le volume d'eau prélevé par les laiteries de 20 %, participant ainsi à la préservation de la ressource. Face à cette situation, M. le député lui demande quelles sont les pistes de travail envisagées par le ministère pour faire évoluer le cadre réglementaire concernant l'utilisation des eaux issues de la production et de la transformation du lait. Il l'interroge notamment sur la publication d'un décret interministériel qui comblerait le vide juridique existant et permettrait ainsi aux acteurs de la filière d'investir dans des solutions innovantes et propres, tout en s'assurant de la bonne qualité de l'eau réutilisée. Enfin, il souhaite lui demander si un soutien opérationnel et financier est en réflexion afin d'aider les producteurs à mettre en place des solutions permettant la réutilisation la plus efficace possible de la ressource en eau.

Réponse publiée le 24 octobre 2023

La réglementation française, et plus précisément le code de la santé publique (CSP) précise que seule l'eau destinée à la consommation humaine (eau potable) peut être utilisée pour la préparation, la transformation et la conservation des aliments (article L. 1321-1 du CSP). Les eaux recyclées dans les industries agroalimentaires (IAA), quand bien même elles peuvent satisfaire aux critères de potabilité, ne peuvent donc être qualifiées réglementairement d'eaux potables. Cependant, le CSP prévoit qu'une eau non potable peut être utilisée dans les IAA selon des conditions définies par décret (article L. 1322-14). La loi n'interdit donc pas l'usage des eaux usées traitées en IAA mais elle renvoie à un décret pour définir les conditions dans lesquelles cela est possible. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et le ministère de la santé et de la prévention ont ainsi élaboré au cours des derniers mois un projet de décret en Conseil d'État prescrivant les conditions de réutilisation des eaux usées traitées dans les IAA, en concertation étroite avec les représentants des organisations professionnelles des filières agroalimentaires. Le décret sera complété d'un arrêté ministériel, en cours de finalisation, pour définir les exigences de qualité et de surveillance auxquelles devront satisfaire les eaux recyclées. Les projets de décret et d'arrêté ont été soumis par ailleurs à l'expertise de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Le projet de décret vient d'être notifié au Conseil d'État. Ces projets de texte répondent autant que possible aux problématiques soulevées par les industriels, et permettront de déployer une utilisation beaucoup plus large de ces eaux réutilisées et recyclées. S'agissant de l'accompagnement des investissements, les projets innovants pourront être soutenus par la mobilisation de l'appel à projets « Démonstrateurs Territoriaux » du plan France 2030.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Delautrette

Type de question : Question écrite

Rubrique : Eau et assainissement

Ministère interrogé : Agriculture et souveraineté alimentaire

Ministère répondant : Agriculture et souveraineté alimentaire

Dates :
Question publiée le 27 juin 2023
Réponse publiée le 24 octobre 2023

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