16ème législature

Question N° 9630
de M. Florian Chauche (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Territoire de Belfort )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, plein emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, plein emploi et insertion

Rubrique > femmes

Titre > Réduire les inégalités femmes-hommes, dans l'emploi, pendant les grossesses

Question publiée au JO le : 04/07/2023 page : 6087
Réponse publiée au JO le : 12/09/2023 page : 8180

Texte de la question

M. Florian Chauche attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur le manque de mesures engagées dans la perspective de la réduction des inégalités entre les pères et les mères au sein du monde du travail pendant la grossesse. En effet, au regard du rapport de l'Observatoire de l'émancipation économique des femmes intitulé « Le coût d'être une mère », des actions sont envisageables afin d'engager de réels progrès dans ce domaine. Alors que la maternité est une expérience encore très largement valorisée par la société dans son ensemble et que la natalité apparaît comme un indicateur de la santé économique d'un pays, les mères portent seules le poids des discriminations et les inégalités entre elles et leurs compagnons se creusent avant même la naissance de l'enfant. Ainsi, au début de la grossesse, alors que les femmes évoluent toujours au sein du monde du travail, celles-ci doivent faire face à de nombreux obstacles qui entravent leur vie professionnelle, tout en subissant de très larges discriminations à cet égard. En effet, alors que la grossesse n'est pas considérée comme une maladie, elle implique pour la grande majorité des femmes enceintes des contraintes physiques et psychologiques que ne connaissent pas leurs compagnons. Parmi les multiples désagréments induits par la gestation, notamment lors du premier trimestre, les plus fréquents sont ; les nausées, les vomissements fréquents, le manque de sommeil, l'hypersomnie. Ainsi, le début de la grossesse est de manière majoritaire vécu par les femmes dans l'inconfort et le silence tandis qu'elles sont contraintes de poursuivre leur vie professionnelle de manière totalement habituelle. De plus, les interruptions précoces de grossesses, malheureusement fréquentes durant cette période, puisqu'entre 15 % et 25 % des grossesses s'interrompent avant la 14e semaine, sont des évènements traumatisants vécus par le couple dans le silence et qui ne justifient en rien, à l'heure actuelle, un arrêt de travail pour la femme en ayant été victime ni même pour son conjoint. En plus des désagréments physiques que l'on vient de développer, les femmes sont également victimes de nombreuses discriminations au travail, contrairement aux hommes, induisant des écarts et des inégalités qui se creusent et ce, avant même la naissance de l'enfant. Cela se traduit concrètement, par exemple, par une adaptation du temps de travail, ou par une exclusion des promotions de l'entreprise. Ainsi, 27 % des femmes discriminées au travail affirment l'avoir été en raison d'une grossesse ou de la maternité, contre seulement 7 % d'hommes. Par ailleurs, au cours des cinq dernières années, les femmes actives de 18 à 44 ans qui ont été enceintes ou mères d'un enfant en bas âge, sont deux fois plus victimes de discrimination que les autres. Plus généralement, une femme sur deux affirme que sa grossesse a eu un impact négatif sur sa situation professionnelle. Afin de diminuer les inégalités entre les femmes et les hommes, au cours de la grossesse, dans le monde du travail, induites par les phénomènes énoncés plus haut, l'Observatoire de l'émancipation économique des femmes propose des solutions à soumettre aux entreprises. Parmi elles, une proposition de réduction d'activité tout en maintenant les rémunérations peut être envisagée, tout comme l'élargissement du télétravail durant la période de grossesse pour les emplois tertiaires et la limitation voire la suppression des déplacements de travail de l'employée durant cette période. Un aménagement des postes pour les professions s'exerçant « débout » peut également être une mesure à prendre pour les entreprises dans ce sens. M. le député regrette, qu'en dépit des nombreuses annonces et de l'affichage politique du Gouvernement en matière d'égalité femmes-hommes, les femmes continuent de subir les conséquences d'une société patriarcale. M. le député aimerait connaître l'avis du ministre sur les propositions formulées par l'Observatoire de l'émancipation économique des femmes. De plus, il lui demande de l'informer des mesures qu'il compte prendre pour remédier aux inégalités que subissent les femmes lors des grossesses dans le monde du travail.

Texte de la réponse

Le code du travail garantit aux salariées enceintes, venant d'accoucher ou allaitant une protection de leur emploi et de leur santé, qui peut être améliorée conventionnellement. La femme enceinte est protégée contre toute forme de discrimination, notamment lors de l'embauche. L'alinéa 1er de l'article L. 1225-1 du code du travail précise depuis plus de trente ans que “l'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai ou […] pour prononcer une mutation d'emploi”. La candidate bénéficie donc d'un droit au silence que l'employeur doit respecter en s'abstenant d'obtenir la moindre information. En matière de santé au travail, les femmes enceintes (ainsi que les mères venant d'accoucher ou allaitantes) bénéficient d'un suivi individuel adapté de leur état de santé. Elles bénéficient d'autorisations d'absence pour se rendre aux examens médicaux obligatoires de la période prénatale. Le conjoint salarié de la future mère, la personne salariée liée à elle par un Pacs ou vivant maritalement avec elle, bénéficie également d'une autorisation d'absence pour 3 de ces examens. Elles sont orientées sans délai si elles le souhaitent vers le médecin du travail afin de bénéficier d'une nouvelle visite. La réglementation prévoit que les femmes enceintes ou ayant accouché ne peuvent être affectées sur des postes à risques incompatibles avec leur état de grossesse. Si le médecin du travail constate que le poste de travail est incompatible avec l'état de santé de la femme enceinte ou ayant accouché, il peut ainsi proposer des mesures d'aménagement de poste ou du temps de travail. Les femmes ayant accouché bénéficient par ailleurs systématiquement d'un examen de reprise après un congé maternité visant à vérifier que le poste de travail est adapté à leur état de santé. L'employeur est en outre tenu, en collaboration avec le médecin du travail, de procéder à une évaluation des risques, qui doit servir de base à la mise en œuvre des mesures de prévention adéquates. En matière d'aménagement de poste, le recours au télétravail, lorsque le poste le permet, peut être bénéfique à la salariée. Pour l'encourager, la loi visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle prévoit désormais que l'accord collectif ou la charte de l'employeur doit préciser les modalités d'accès au télétravail des salariées enceintes. Dans les cas où le risque est le plus sérieux, d'une mutation provisoire de poste. Lorsqu'il est objectivement impossible d'aménager le poste de la salariée ou de lui confier un autre emploi compatible avec son état, l'employeur a alors l'obligation de suspendre le contrat de travail de la salariée. Parallèlement, a été instaurée une allocation journalière de maternité spécifique équivalente à l'indemnité journalière maladie, complétée par une indemnisation à la charge de l'employeur, sans condition d'ancienneté. La salariée bénéficie également d'une protection de son emploi. A partir du moment où l'employeur est informé de la grossesse, la rupture du contrat de travail n'est possible que dans des cas strictement limités, sous peine de sanctions civiles et pénales. La salariée qui revient de son congé de maternité doit être réintégrée dans l'emploi précédemment occupé ou dans un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Afin de remédier aux pertes de salaires engendrées par l'arrivée d'un enfant, la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes impose aux entreprises d'augmenter les rémunérations des salariées de retour de congé maternité à hauteur des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles dont ont pu bénéficier leurs collègues relevant de la même catégorie professionnelle, ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles ayant eu lieu dans l'entreprise en leur absence. L'Index de l'égalité professionnelle mis en place depuis 2019 et qui vise à mesurer de façon objective les écarts de rémunération et de situation entre les femmes et les hommes, tout en mettant en évidence les points de progression sur lesquels agir, a permis d'améliorer l'effectivité de la loi en la matière. En effet, l'indicateur relatif au pourcentage de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité vise à mesurer le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris. Celui-ci permet d'obtenir 15 points à l'Index, sur un total de 100. Ainsi, si plusieurs femmes sont revenues de congé de maternité pendant l'année de référence, et qu'une seule d'entre elles n'a pas été augmentée alors qu'elle relève d'une catégorie professionnelle où la rémunération a été augmentée, la note obtenue à l'indicateur sera égale à 0 sur 15. En pratique, cet indicateur a révélé une mauvaise connaissance ou application de la loi par les entreprises, et a conduit à changer les pratiques en la matière. Ainsi, alors qu'en 2022, 11 % des entreprises déclarant l'Index avaient obtenu un score de 0 point à cet indicateur, elles étaient 6% à obtenir ce même score en 2023. Le Gouvernement poursuit en outre l'ambition d'améliorer la participation des pères aux premières périodes de la vie de l'enfant dans un objectif de développement du lien entre le père ou le deuxième parent et l'enfant, et donc de développement de l'enfant, et plus généralement d'égalité entre les femmes et les hommes. Un congé de paternité supplémentaire de 30 jours lorsque l'état de santé du nouveau-né nécessite une hospitalisation consécutive à la naissance a ainsi été instauré. En outre, depuis le 1er juillet 2021, la durée du congé paternité et d'accueil de l'enfant est doublée, elle est désormais de 28 jours contre 14 jours auparavant (en cas de naissances multiples, la durée est portée à 32 jours contre 18 auparavant). Ce congé paternité et d'accueil de l'enfant est rendu en partie obligatoire, en interdisant à l'employeur d'employer le salarié pendant une période de 7 jours immédiatement consécutive à la naissance de l'enfant. Cette interdiction d'emploi vise tout d'abord à lutter contre les inégalités de taux de recours à ce congé, en permettant aux salariés plus précaires d'y avoir accès plus facilement et permet également d'apporter un soutien à la mère et de garantir la protection de sa santé. En effet, pendant cette période où la mère peut être vulnérable, la présence du second parent permet d'apporter un soutien essentiel et une possibilité de répit. Au fil des années, le droit du travail évolue pour renforcer les droits des parents-salariés. Ces avancées normatives participent d'une meilleure prise en compte des responsabilités et contraintes personnelles et d'une égalité (plus concrète) au sein du couple.