16ème législature

Question N° 9771
de Mme Cécile Untermaier (Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) - Saône-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > administration

Titre > Publicité mesures annulation, suspension de décisions administratives

Question publiée au JO le : 11/07/2023 page : 6340
Réponse publiée au JO le : 26/03/2024 page : 2427
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

Mme Cécile Untermaier appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les carences des pratiques administratives en matière de publicité des mesures d'annulation, réformation ou suspension de décisions administratives, lorsqu'elles résultent de décisions de la justice administrative. Alors que la justice administrative annule, réforme voire suspend régulièrement des décisions administratives, rares sont les publications de ces mesures au Journal officiel, aux recueils des actes administratifs des préfectures, voire aux bulletins officiels des ministères, ou autre support de publicité mis en œuvre par d'autres personnes publiques que l'État. Des pratiques administratives actuelles, il apparaît que seules les mesures d'annulation d'actes réglementaires ordonnées par le Conseil d'État sont publiées sous forme d'avis sous quelques jours au Journal officiel, sans qu'il en soit ordonné expressément aux termes de la décision de justice intervenue. Au niveau local, les mesures d'annulation ou suspension ordonnées par la justice administrative font parfois l'objet d'un communiqué de presse préfectoral censé porter information des usagers intéressés, ce qui ne saurait constituer une mesure adéquate de publicité produisant des effets juridiques. En effet, l'état du droit est modifié par certaines décisions juridictionnelles, justifiant que la publicité des mesures ordonnées aux termes desdites décisions, intervienne dans les meilleurs délais pour les rendre opposables aux tiers non parties à la procédure juridictionnelle. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui préciser les instructions émises en la matière en direction des autorités administratives intéressées (État et autres personnes morales de droit public) afin de renforcer la sécurité juridique, sans préjudice de la création éventuelle d'une obligation réglementaire de publicité dans le code de justice administrative concernant toutes mesures ordonnées par la juridiction administrative modifiant l'état du droit en vigueur.

Texte de la réponse

La publication des décisions rendues par les juridictions administratives, qui ne relève pas d'un principe général du droit et qui ne s'impose pas au titre du droit au procès équitable garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CE, 19 août 2022, n° 443528), n'est que rarement prévue par les textes. Il résulte des articles L. 10 et R. 741-13 et suivants du Code de justice administrative que le Conseil d'État est responsable de la mise à disposition du public de ces décisions, sans que les modalités de cette publication ni sa granularité ne soient précisées. En dehors de certaines hypothèses imposant cette publication (publication obligatoire sur le site internet du Conseil d'État des décisions statuant sur les actions de groupe ou les actions en reconnaissance de droits – CJA, art. R. 77-10-11 et R. 77 12-12 ; publication au Journal officiel de la République française des décisions du Conseil d'État annulant totalement ou partiellement un acte règlementaire – circulaire du 28 décembre 1973), celle-ci est généralement décidée par ces juridictions lorsque l'importance de l'affaire le justifie. Ainsi, le Conseil d'État a pu, dans des situations particulières, ordonner la publication de ses décisions au Journal officiel de la République française notamment lorsqu'il a rejeté les conclusions d'une requête tendant à l'annulation d'un acte ou de la partie d'un acte dont l'exécution avait été suspendue en référé (CE, 27 oct. 2006, Sté Techna et a., n° 260767). En outre, les juridictions administratives ont procédé à la publicité de leurs décisions par le biais de communiqués de presse publiés sur leur site ou d'une publication dans une revue spécialisée (CE, ordonnance, 7 septembre 2023, n° 487891 concernant le port de l'abaya à l'école ; CE, ordonnance, 24 mai 2023, n° 473547 s'agissant du recours dirigé contre le décret n° 2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en œuvre des traitements d'images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative). Enfin, la juridiction administrative a, depuis 2022, mis en place une plateforme open data sur laquelle sont accessibles toutes les décisions des juridictions administratives, à compter du 31 mars 2022 pour les cours administratives d'appel et du 30 juin 2022 pour les tribunaux administratifs. Cette plateforme complète la base de données Ariane Web qui recense à l'heure actuelle plus de 270 000 décisions sélectionnées en raison de leur intérêt jurisprudentiel. Les décisions des juridictions administratives ne sont pas davantage au nombre des actes devant faire l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs des préfectures, ne s'agissant pas d'actes réglementaires de portée générale émanant d'une autorité administrative. Il appartient ainsi à l'autorité préfectorale le soin d'apprécier l'opportunité d'en faire état dans un communiqué de presse, notamment lorsque ces décisions ont une portée autre qu'individuelle. En effet, les décisions rendues par les juridictions administratives le sont avant tout dans un litige particulier et n'ont pas vocation à modifier l'état du droit. Lorsqu'elles annulent un acte réglementaire, celui-ci n'est, en tout état de cause, plus appliqué par l'administration qui en était à l'origine. Dans ces conditions, l'élaboration d'instructions demandant aux autorités administratives d'assurer la publicité des décisions des juridictions administratives les concernant, qui au demeurant ne relèverait pas de la compétence du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, n'apparait pas, en l'état, opportune.