16ème législature

Question N° 9835
de M. Hubert Brigand (Les Républicains - Côte-d'Or )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > élus

Titre > Protection des élus contre les violences

Question publiée au JO le : 11/07/2023 page : 6342
Réponse publiée au JO le : 30/01/2024 page : 672
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

M. Hubert Brigand attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la recrudescence des agressions et autres actes de violence à l'encontre des élus locaux et de leurs familles. Il prend pour exemple la violente attaque au domicile de Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses, qui a récemment secoué la France. Dans la nuit du 6 juillet 2023, les agresseurs ont pris d'assaut sa maison avec une voiture bélier incendiaire. Fuyant le domicile avec ses enfants, sa compagne s'est blessée et a dû être hospitalisée. Dans le cadre des émeutes qui fracturent le pays, Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise, a également été attaquée dans son véhicule et blessée. Or ces récentes agressions, bien que d'une rare violence, ne sont pas des cas isolés. Le Gouvernement a déjà été alerté sur la multiplication des outrages et violences subis par les élus. Malgré tout, la situation continue de s'aggraver avec une augmentation de 32 % de ces violences entre 2021 et 2022. Comme en témoignent ces deux récentes agressions, les actes de violence mettent de plus en plus en danger l'intégrité physique des élus et gagnent en intensité. Ces événements sont une menace directe pour la République puisque ce sont ses représentants qui sont visés. Il est impératif que l'État réagisse pour soutenir les élus locaux et les protéger. Par le passé, certains maires ont eu le sentiment d'être abandonnés et délaissés après avoir subi une agression. C'était le cas de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin, qui avait choisi de démissionner de ses fonctions en mai 2023 après avoir passé des mois à subir menaces, insultes, intimidation et jusqu'à l'incendie criminel de son domicile. Il avait déclaré ne pas se sentir soutenu par les autorités et manquer de recours contre ses agresseurs. En effet, la législation française peine à protéger les élus. La loi du 24 janvier 2023 avait déjà permis aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression. Elle étendait également le champ des infractions concernées et la protection des proches de l'élu. Ces progrès ont permis de mieux soutenir les élus dans leur action judiciaire. Cependant, il estime que les récents événements appellent à faire beaucoup plus. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement compte prendre les mesures nécessaires pour mieux protéger les élus, les soutenir, mais aussi prévenir les violences, accélérer les recours judiciaires et durcir les sanctions.

Texte de la réponse

La protection des élus locaux constitue un enjeu majeur pour le Gouvernement, en particulier celle des maires, qui sont les bras armés du service public au contact des citoyens et le rempart de la République contre les incivilités ainsi que l'a rappelé la Première ministre le 15 juin dernier lors de la présentation du plan France Ruralités. Face à la hausse des violences commises à l'encontre de personnes titulaires d'un mandat électif, plusieurs mesures ont été prises afin de renforcer les dispositifs en vigueur. Le Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit deux mécanismes de protection fonctionnelle. Conformément aux articles L. 2123-34, L. 3123-28, L. 4135-28 du CGCT, les exécutifs locaux, les élus et les suppléants ou titulaires de délégations peuvent bénéficier de la protection de leur collectivité lorsqu'ils font l'objet de poursuites pénales et civiles. Les mêmes élus ont également droit à la protection de leur collectivité lorsqu'ils sont victimes de menaces dans l'exercice de leurs fonctions (art. L. 2123-35, L. 3123-29, L. 4135-29 du CGCT). Le Gouvernement, conscient que la mise en œuvre de cette protection peut constituer une charge financière en particulier pour les communes, a souhaité rendre ces coûts plus prévisibles : la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a prévu, pour l'ensemble des communes, l'obligation de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de leur obligation de protection fonctionnelle. En outre, la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux a été augmentée de 3 millions d'euros afin de couvrir les frais engagés par les communes de moins de 3 500 habitants pour la souscription de ces contrats d'assurance. En parallèle, afin de mieux accompagner les élus victimes d'une infraction pour obtenir la réparation du dommage subi, l'action des associations d'élus a été étendue par la loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression. Le champ des associations disposant de la possibilité de se constituer partie civile a ainsi été élargi, ainsi que les infractions et les élus pour lesquels elles peuvent agir. Par ailleurs, en réponse à la nécessité de renforcer l'accompagnement des élus victimes de violences et d'incivilités, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité a mis en place un groupe de travail dédié à la prévention et à la sécurité des élus locaux dans le cadre du plan France Ruralités. A la suite de ces travaux, un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (CALAE) a été installé le 17 mai dernier. Celui-ci a vocation à constituer un outil national de suivi des violences faites aux élus, indispensable pour mieux appréhender ce phénomène et proposer des actions adaptées et efficaces en termes de prévention, d'accompagnement et de traitement. Ce centre est également chargé de piloter, en lien avec les associations d'élus, le déploiement d'un pack sécurité. Ce pack s'appuie, au niveau local, sur l'ensemble des forces de sécurité intérieure et est constitué de différentes mesures, parmi lesquelles la création d'un réseau de 3 400 référents « violences aux élus » au sein de la police et de la gendarmerie nationales. Enfin, le Gouvernement a annoncé le 7 juillet dernier un plan national de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus composé de 12 mesures complémentaires et doté de 5 millions d'euros. Élaboré conjointement par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires et la ministre déléguée chargée des Collectivités Territoriales et de la Ruralité, ce plan vise à mieux accompagner et protéger les élus, à améliorer la communication entre les élus et la justice et à renforcer le traitement judiciaire en cas d'agression. Le Gouvernement s'engage, notamment, à étendre aux communes de 3 500 à moins de 10 000 habitants la compensation (mentionnée supra) du coût des contrats d'assurance liés à la protection des élus. Cette mesure sera inscrite au projet de loi de finances pour 2024.