16ème législature

Question N° 9905
de Mme Martine Etienne (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Rubrique > Internet

Titre > Fermeture de la cagnotte en soutien au policier qui a tiré sur Nahel

Question publiée au JO le : 11/07/2023 page : 6345
Réponse publiée au JO le : 31/10/2023 page : 9703
Date de changement d'attribution: 08/08/2023

Texte de la question

Mme Martine Etienne interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la cagnotte de soutien pour le policier qui a tiré sur le jeune Nahel. Le mardi 27 juin 2023, l'adolescent Nahel est a été tué par un policier. La mort du jeune homme a profondément choqué l'ensemble du territoire national. Alors que l'enquête se poursuit, une cagnotte pour venir en soutien du policier auteur du tir et responsable de la mort du jeune Nahel a été mise en place. Une cagnotte qui dépasse le million d'euros à ce jour. Cette cagnotte est une insulte à des millions de personnes dans ce pays. Elle récompense, en quelques sortes, un policier pour avoir tué un jeune adolescent racisé de 17 ans. Elle créé un précédent moral et juridique dangereux, largement renforcé par l'inaction du Gouvernement. Pourtant, le Gouvernement a mis deux jours pendant la crise des « gilets jaunes » pour demander la fermeture de la cagnotte en soutien au « gilet jaune » ayant frappé un policier. Il faut constater que le Gouvernement fait part d'une indignation à géométrie variable, puisqu'il n'a toujours pas fait part de sa volonté concernant la fermeture de cette cagnotte. Cette caisse de soutien est une honte pour la France et une insulte pour des millions de personnes. La Première ministre a d'ailleurs déclaré que cette cagnotte « n'aidait pas à l'apaisement ». Elle souhaite donc savoir quand il prévoit de demander la fermeture de cette cagnotte, indigne et dangereuse.

Texte de la réponse

Le financement participatif, ou crowdfunding, est un échange de fonds entre individus en dehors des circuits financiers institutionnels, afin de financer un projet via une plateforme en ligne. L'appel de fonds se fait à partir de la description d'un projet précis (artistique, humanitaire, entrepreneurial…), au moyen d'une plate-forme en ligne permettant de recueillir de nombreux apports de petits montants. Le financement peut prendre la forme d'un don, d'un prêt avec ou sans intérêts, ou encore d'un investissement en capital. Il convient de rappeler qu'à l'occasion de l'ouverture d'une cagnotte sur une plateforme de financement participatif, un contrat est établi entre la personne qui fait appel aux fonds et ladite plateforme. En application des articles 6 et 1162 du code civil, ce contrat ne peut déroger à l'ordre public, ni par ses stipulations, ni par son objet. Ainsi, la licéité du contenu contractuel est une condition de validité du contrat (article 1128 du code civil) et sa contrariété à l'ordre public est une cause de nullité du contrat. Cette nullité doit nécessairement être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord (article 1178 du code civil). Par ailleurs, l'article 40 de la loi du 29 juillet 1881 « interdit d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d'indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, des amendes forfaitaires, des amendes de composition pénale ou des sommes dues au titre des transactions prévues par le code de procédure pénale ou par l'article 28 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ». En conséquence, les cagnottes poursuivants l'un de ces objectifs pourront être déclarées contraires à l'ordre public et être frappées de nullité par décision judiciaire. A ce titre, un jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 6 janvier 2021 s'est prononcé sur la question de la validité d'une cagnotte visant à soutenir une personne soupçonnée d'avoir commis des violences à l'encontre de policiers. Bien que la cagnotte n'ait pas expressément poursuivi l'un des objectifs visés par l'article 40 de la loi du 29 juillet 1881, le tribunal a constaté qu'elle avait « pour but de soutenir un combat consistant en l'usage de la violence physique contre les forces de l'ordre afin, toujours selon les termes de l'objet, de “défendre les manifestants” ». Dès lors, considérant que le contrat était contraire à l'ordre public, le tribunal en a prononcé la nullité et a ordonné la restitution des fonds aux souscripteurs. Enfin, il convient de souligner que le principe général de la liberté commerciale régit les relations entre les prestataires de financement participatifs et leurs clients. Les prestataires peuvent mettre fin à une relation d'affaires avec leurs clients, dès lors que cette rupture respecte les conditions prévues par les conditions générales d'utilisation du service et ne constitue pas une décision discriminatoire. Dans ce contexte, la nullité du contrat souscrit à l'occasion de l'ouverture d'une cagnotte sur une plateforme de financement participatif ne peut être appréciée et prononcée que par un juge. En outre, si la collecte était censurée par une ou des plateformes de financement participatif, en violation des conditions générales d'utilisation de celles-ci ou des dispositions du code pénal relatives à la non-discrimination, le destinataire des fonds, les personnes physiques ou morales à l'origine de l'ouverture de la collecte pourraient saisir le juge judiciaire pour établir si la décision prise par la ou les plateformes de financement participatif constitue une infraction.