16ème législature

Question N° 9945
de M. Louis Boyard (La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale - Val-de-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur et outre-mer
Ministère attributaire > Intérieur et outre-mer

Rubrique > ordre public

Titre > Violences policières à l'encontre de jeunes exilés en procédure de recours

Question publiée au JO le : 11/07/2023 page : 6346
Réponse publiée au JO le : 09/04/2024 page : 2845
Date de changement d'attribution: 12/01/2024

Texte de la question

M. Louis Boyard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur l'évacuation de 450 exilés installés place du Palais-Royal à Paris, le 20 juin 2023. En effet, dans la nuit du mardi au mercredi, des centaines de migrants et militants associatifs se sont mobilisés pour réclamer un droit à l'abri en déployant des tentes en face du Conseil d'État. C'est aux alentours de 20 heures que les forces de l'ordre ont mis fin à cette mobilisation, insensible aux conditions de vie et aux risques sanitaires subis par ces jeunes migrants. Cela faisait près de 77 jours qu'ils occupaient une école désaffectée dans le 16e arrondissement de Paris sans eau ni électricité. Face à cette détresse et urgence humanitaire, ces jeunes personnes ont occupé de manière pacifique la place du Palais-Royal, leur manifestation étant la seule manière de réclamer leurs droits et dénoncer leurs conditions de vie alarmantes. Alors que ces migrants expliquent se sentir « abandonnés par la France », les forces de l'ordre mobilisées en nombre ont procédé à une évacuation particulièrement violente en démontant les tentes une à une, extrayant de force leurs occupants et usant massivement de gaz lacrymogène. La manifestation pacifique est alors devenue une zone de tensions. Après l'évacuation, les violences se sont poursuivies par une escorte forcée et une nasse. M. le ministre n'est pas sans savoir que cette pratique est illégale. La situation de l'école dans laquelle ils habitaient étant trop compliqué, leur nuit s'est terminée dans le square Jules Ferry. Ce n'est pas la première fois que les forces de l'ordre répondent de manière violente à des mobilisations pacifiques alors que celles-ci ne font que légitimement réclamer des droits et des libertés. Cela fait bien trop longtemps que ces évènements se répètent. Pourtant, à entendre M. le ministre, « les violences policières n'existent pas », il s'agirait seulement « d'actes individuels ». Quand M. le ministre compte-t-il admettre que les forces de l'ordre agissent dangereusement envers des individus exerçant leurs droits pacifiquement ? Quand M. le ministre va-t-il changer les méthodes de formation et les consignes d'intervention qui amènent les agents à recourir de manière réccurente à la violence face à des militants pourtant pacifiques ? Il lui demande quand il compte faire appliquer la loi au sein de son ministère en faisant cesser les pratiques prohibées, en particulier l'utilisation de la « nasse ».

Texte de la réponse

Le mardi 20 juin 2023 vers 20h00, une manifestation était organisée sur la voie publique, place du Palais-Royal à Paris, à l'initiative de l'association Utopia 56. Cinq cent personnes, munies de 192 tentes, participaient à ce rassemblement, qui n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalable en préfecture comme l'exige la loi.  Pour pouvoir exercer son droit de manifester, les organisateurs d'une manifestation doivent en effet systématiquement procéder à une déclaration préalable auprès des services de la préfecture de police, en vertu de l'article L.211-2 du Code de la sécurité intérieure. La manifestation organisée le 20 juin dernier sur la place du Palais-Royal a donc eu lieu en dehors de tout cadre légal. Il convient de rappeler que l'article 431-9 du Code pénal punit de 6 mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait d'avoir organisé une manifestation sur la voie publique n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration préalable. En outre, la présence de 200 tentes installées sur la place du Palais-Royal entravait totalement la liberté de circulation des piétons. L'article R644-2 du Code pénal dispose que « le fait d'embarrasser la voie publique en y déposant des matériaux ou objets quelconques qui entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté du passage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4ème classe ». Au regard de ces différentes infractions, les fonctionnaires de police ont procédé, à compter de 21h10, au contrôle d'identité des participants. Les personnes ne pouvant ou ne voulant justifier de leur identité ou de leur droit à circuler et à séjourner en France, ont été conduites devant l'officier de police judiciaire territorialement compétent. C'est dans ce cadre uniquement, admis par la jurisprudence, que les forces de l'ordre ont eu recours à un dispositif leur permettant de maintenir à leur disposition les personnes interpellées dans la perspective imminente de leur acheminement jusqu'aux commissariats et présentation à un officier de police judiciaire.  A 23h40, les opérations de contrôle d'identité ont été suspendues face à des jets de bouteilles sur les forces de l'ordre. A 00h10, un mouvement de foule, accompagné de nouveaux jets de projectiles, a entraîné plusieurs interpellations. Face à cette situation, les policiers ont sommé les personnes présentes à évacuer la place. Les individus refusant de quitter les lieux, un dispositif a été mis en place pour disperser la manifestation.  A 01h05, l'ensemble des manifestants était définitivement dispersé.  Au cours de l'opération : - 65 personnes ont été interpellées ; - 7 individus ont été placés en garde à vue, principalement pour violences volontaires sur des policiers et rébellion, parmi lesquels un membre de l'association Utopia 56, placé en garde à vue pour outrage et rébellion ; - 4 personnes ont été placées en retenue administrative ; - 54 individus ont été conduits dans des services de l'accueil et de l'investigation de proximité (SAIP), en charge des missions de police judiciaire, pour procéder aux vérifications d'identité. Après l'occupation illégale de la place du Palais Royal, les associations et les migrants ont décidé de ne pas retourner sur le site de l'école désaffectée située rue Erlanger qu'ils occupaient sans droit ni titre depuis de nombreuses semaines, ce qui avait conduit la Ville de Paris à engager une action en justice. Il est à noter que, dans le cadre d'une possible évacuation prononcée par le juge, une opération de mise à l'abri, pilotée par la préfecture de Paris, était prévue seulement quelques jours plus tard.