Préservation des chemins ruraux
Question de :
Mme Véronique Riotton
Haute-Savoie (1re circonscription) - Renaissance
Mme Véronique Riotton attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la préservation des chemins ruraux. Les communes ont des difficultés juridiques pour réhabiliter et récupérer les chemins ruraux non goudronnés. Il arrive que des sentiers ou chemins ruraux anciens qui ne sont pas utilisés pour la circulation automobile, ayant été délaissés ou envahis de végétation, soient barrés par des riverains qui en interdisent l'accès en toute illégalité ce qui supprime et empêche leur affectation au public telle que définie par les articles L. 161-1 et L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime. Malgré les dispositions extrêmement utiles et attendues par les communes que la majorité est parvenue à faire adopter dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation et la déconcentration, de nombreux acteurs demeurent inquiets par les moyens octroyés par l'administration ministérielle et judiciaire pour appliquer ces mesures et faire respecter le droit de propriété là où l'usage l'a progressivement brouillé. Elle lui demande ses intentions pour aider les communes à appliquer la loi votée afin qu'elles ne soient plus dépossédées de leurs chemins ruraux anciens sans titre et si elle peut apporter des précisions à leur statut afin de ne plus le baser sur le seul usage du public quand celui-ci est interrompu, lorsque notamment ces chemins ruraux peuvent relier d'autres voies.
Réponse publiée le 4 octobre 2022
La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite "loi 3DS", modifie de manière significative le régime des chemins ruraux afin de mieux les protéger. Ainsi en vertu du nouvel article L. 161-6-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), la commune peut initier un recensement de ses chemins ruraux qui aura pour effet de suspendre pendant deux ans le délai de la prescription acquisitive. Le législateur permet ainsi de prévenir la désuétude des chemins ruraux et offre aux communes la possibilité de mettre un terme à une appropriation progressive des chemins par les riverains. Il y a lieu de rappeler que dans le cadre de la police de la circulation et de la conservation des chemins ruraux définie à l'article L. 161-5 du CRPM, le maire dispose de pouvoirs de police pour préserver l'intégrité des chemins ruraux de sa commune. L'article D. 161-11 du code précité dispose, en effet, que : « lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural (…) les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction ». Ainsi, une commune peut à tout moment réhabiliter un chemin rural sans que puisse y faire obstacle la circonstance « que l'usage public dudit chemin aurait cessé durant une longue période et que les [riverains] auraient procédé à leurs frais au nettoyage d'une partie de celui-ci » et ainsi exiger des riverains qu'ils procèdent à l'enlèvement de la barrière qu'ils avaient implantée (CAA Bordeaux, 22 mars 2007, n° 03BX02163). Lorsqu'un chemin rural fait l'objet d'une action en revendication de propriété par un riverain, il revient au juge judiciaire de se prononcer. La commune bénéficie, en application des articles L 161-2 et L. 161-3 du CRPM, d'une présomption de propriété lorsque le chemin rural est affecté à l'usage du public, ce qui ressort des critères alternatifs de l'utilisation du chemin comme voie de passage ou d'actes réitérés de surveillance ou de voirie réalisés par l'autorité municipale (cass. 3e civ., 4 avril 2007, n° 06-12.078). En outre, la présomption de propriété ne s'épuise pas par l'acte du riverain qui pose une barrière en faisant cesser la circulation sur le chemin et par l'inaction prolongée de la commune. Lorsqu'un chemin rural n'est plus, ni emprunté par le public, ni entretenu par la commune, il suffit à cette dernière d'établir que le chemin a été ouvert au public avant qu'un riverain ne le ferme à la circulation pour entrer dans le champ de la présomption (cass. 3e civ., 2 juillet 2013, n° 12-21.203). Le juge administratif considère également que le chemin qui « a été utilisé par le passé comme voie de passage » demeure un chemin rural bien qu'il soit difficilement praticable, partiellement recouvert de végétation et occasionnellement entretenu par des riverains (CAA Marseille, 27 avril 2018, n° 16MA02158). Par conséquent, l'interruption de l'usage public n'est pas déterminant. Enfin, le juge prend en considération l'ensemble des éléments qui lui sont rapportés, notamment les cadastres anciens (cadastre napoléonien) et la fonction de liaison du chemin qui peuvent jouer en faveur de la commune (cass., 3e civ., 3 juin 2021, n° 20-16.299). Ainsi, le fait de rapporter une fonction de liaison avec la voirie publique et des témoignages attestant que le chemin était ouvert à la circulation établit la propriété de la commune faute pour le riverain de pouvoir se prévaloir d'un titre de transfert de propriété (cass. 3e civ., 2 avril 2003, n° 00-13.430). Dans ces conditions, le Gouvernement n'envisage pas d'adopter de nouvelles mesures.
Auteur : Mme Véronique Riotton
Type de question : Question écrite
Rubrique : Voirie
Ministère interrogé : Transition écologique et cohésion des territoires
Ministère répondant : Transition écologique et cohésion des territoires
Dates :
Question publiée le 12 juillet 2022
Réponse publiée le 4 octobre 2022