Impact de l'avancée de la date des vendanges sur l'hébergement des vendangeurs
Publication de la réponse au Journal Officiel du 15 juillet 2025, page 6307
Question de :
M. Daniel Labaronne
Indre-et-Loire (2e circonscription) - Ensemble pour la République
M. Daniel Labaronne attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur l'impact causé par l'avancée de la date des vendanges sur les possibilités d'hébergement des vendangeurs. Il l'interroge sur la possibilité de faire évoluer le code de l'urbanisme pour faciliter le recours à des mobil homes. De 1960 à 2010, la température moyenne d'avril à septembre - période de croissance de la vigne - a augmenté de + 1,4 °C à Nantes, de + 1,8 °C à Angers, de + 1,8 °C à Saumur, de + 1,7 °C à Tours, de + 1,3 °C à Romorantin et de + 1,8 °C à Bourges, selon Météo France. Cette évolution conduit à qualifier le climat du Val de Loire de « tempéré » quand il était qualifié de « frais » jusqu'au milieu des années 1980. L'accroissement de l'exposition de la vigne aux gels tardifs et l'avancée de la date des vendanges sont parmi les principaux effets observables de ce réchauffement climatique. Cette dernière est en moyenne de 18 jours sur les 40 dernières années selon les études concordantes de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC). Les conséquences sur les exploitations viticoles sont nombreuses, qui touchent aussi bien la conduite de la vigne que le travail au chais en passant par l'organisation de la récolte : la vendange nocturne permettant de préserver la fraîcheur du raisin est une pratique qui se développe en France, pour des raisons de qualité sanitaire des raisins comme pour éviter aux vendangeurs les fortes chaleurs. Une conséquence moins évoquée, mais non moins importante de cette évolution qui va se renforcer, est la coïncidence croissante de la période des vendanges - déterminante pour la filière viti-vinicole - avec la saison touristique estivale. Elle exacerbe les difficultés liées à l'hébergement à un prix abordable des saisonniers recrutés pour les vendanges dans un contexte où la recherche de main-d'oeuvre est déjà un défi. Dans ce contexte, l'installation de mobil homes peut constituer une solution pratique et plus avantageuse pour les vendangeurs, vu la tendance à la hausse des températures estivales, que l'extension par arrêté ministériel de la liste des départements où l'hébergement sous tente des saisonniers est autorisé en application de l'article R. 716-16 du code rural et de la pêche maritime. Qualifiés par le code de l'urbanisme de « résidences mobiles de loisirs », les mobil homes sont sujets à une réglementation spécifique prévue au articles R. 111-41 à R. 111-46 du code de l'urbanisme qui restreint leur usage. En conséquence, M. le député souhaite savoir si des aménagements législatifs ou réglementaires sont envisagés pour favoriser le logement en mobil homes des vendangeurs (et par extension d'autres saisonniers agricoles) pour répondre à ce besoin exprimé par différents représentants de la filière viti-vinicole. Dans l'objectif d'adapter l'action publique aux situations locales et de simplifier les démarches administratives, M. le député suggère de prévoir dans la future loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOAA), au titre des mesures relatives à l'adaptation au changement climatique, de nouvelles possibilités de dérogation aux plans locaux d'urbanisme (PLU et PLUi) sur décision des préfets. Il l'interroge sur sa volonté d'examiner cette proposition.
Réponse publiée le 15 juillet 2025
L'hébergement collectif des salariés saisonniers en agriculture, notamment les vendangeurs, est régi par les dispositions des articles R. 716-6 à R. 716-25 du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Le mobil-home constitue bien un hébergement en résidence mobile des travailleurs saisonniers au sens de l'article R. 716-17 du CRPM et est donc bien couvert par les dispositions du code afférentes au logement des travailleurs saisonniers. Cet hébergement reste toutefois régi par les dispositions du code de l'urbanisme, prévues aux articles R. 111-41 à R. 111-46 qui concernent les mobil-homes, en tant que résidences mobiles de loisirs pour un usage de tourisme ou de loisir. L'implantation de mobil-homes destinés à usage de logement de travailleurs saisonniers relève du droit commun des sols en tant que constructions (même mobiles). En zone agricole ou naturelle, ces constructions peuvent être implantées dans des secteurs de taille et de capacité limitées (STECAL) qui peuvent être délimités à titre exceptionnel dans le règlement des plans locaux d'urbanisme (PLU) et doivent respecter les conditions posées par l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme (conditions relatives au raccordement aux réseaux publics, à l'hygiène et à la sécurité, et à leur insertion dans l'environnement). Le secteur agricole, incluant la viticulture, déroge déjà au code du travail, en ce qui concerne les normes permettant de qualifier un logement décent notamment en termes de règles applicables concernant la surface, en autorisant des volumes et des surfaces inférieures dans le CRPM que dans le code du travail. De plus, s'il n'existe pas de dérogation possible concernant les surfaces dans le code du travail, il en existe dans le CRPM sur décision de l'inspection du travail, notamment pour les vachers et bergers d'estive (article R. 716-15, article 4 de l'arrêté du 1er juillet 1996) et pour les travailleurs sur des chantiers, notamment paysagistes et forestiers (article 3 de l'arrêté du 1er juillet 1996). Une disposition dérogatoire portant autorisation d'hébergement de travailleurs saisonniers sous les tentes, dans certains départements, a par exemple été établie pour la période du 1er juin au 15 septembre en application de l'article 17-I du décret du 24 août 1995 (voir article R. 716-16 du CRPM). Actuellement, l'article L. 716-1 du CRPM, portant sur les conditions d'hébergement des travailleurs agricoles, offre de la souplesse en prévoyant que l'on peut tenir compte, le cas échéant, « des conditions locales ». De même, d'autres articles du même code précisent que doivent être prises en considération les contraintes inhérentes aux formes d'habitat, tenant en particulier à l'absence d'infrastructure suffisante, au regard d'un habitat disponible quantitativement insuffisant eu égard à l'importance de la main-d'œuvre accueillie lors des travaux saisonniers. Ces particularités agricoles résultent de demandes de la profession et des contraintes et spécificités auxquelles celle-ci est soumise en milieu rural, et ont permis de considérer de manière distincte dans le droit, et au bénéfice des besoins des employeurs agricoles, l'hébergement temporaire et le logement, ce dernier impliquant des notions de pérennité et donc de décence plus détaillées figurant au sein du code de la construction. Le Gouvernement attache une grande importance à la problématique de la disponibilité de la main-d'œuvre saisonnière. En témoigne le fait que, sous l'impulsion du ministère chargé de l'agriculture, une enveloppe dédiée aux saisonniers de 6 millions d'euros (M€), mutualisée sur la participation de l'employeur agricole à l'effort de construction (PEECA), avait été mise en place en 2020, et a depuis été pérennisée, se traduisant notamment par le dispositif d'aide aux saisonniers porté par action logement, s'élevant à 150 € par mois et par saisonnier pendant 4 mois, renouvelable 2 ans. Le Gouvernement entend également confier une mission au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) relative à l'emploi saisonnier et son impact sur l'économie agricole. Cette mission comporte un volet social (logement, transport, impact du changement climatique) sur la difficulté de recrutement des saisonniers qui pénalise l'attractivité, et donc l'économie des exploitations agricoles des filières. Ainsi, cette mission offre l'occasion d'examiner les enjeux associés aux modalités d'hébergement dans le contexte de l'avancée des périodes de vendanges.
Auteur : M. Daniel Labaronne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, souveraineté alimentaire
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 27 janvier 2025
Dates :
Question publiée le 12 novembre 2024
Réponse publiée le 15 juillet 2025