FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 19068  de  M.   Baeumler Jean-Pierre ( Socialiste - Haut-Rhin ) QE
Ministère interrogé :  travail, emploi et formation professionnelle
Ministère attributaire :  travail, emploi et formation professionnelle
Question publiée au JO le :  23/10/1989  page :  4687
Réponse publiée au JO le :  01/01/1990  page :  69
Rubrique :  Participation
Tête d'analyse :  Interessement des travailleurs
Analyse :  Prime d'interessement. conditions d'attribution. salaries licencies pour faute grave
Texte de la QUESTION : M Jean-Pierre Baeumler attire l'attention de M le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle sur la disparite d'appreciation existant entre les directions departementales du travail et de l'emploi, quant a l'attribution de la « prime d'interessement » aux salaries licencies pour faute grave ou faute lourde, etant entendu que l'appreciation de la faute releve du pouvoir exclusif du juge du fond (conseil de prud'hommes, cour d'appel, Cour de cassation) et que la somme attribuee au depart au salarie licencie pour faute grave ou lourde ne revient pas a l'entreprise, mais est repartie entre les autres salaries au prorata de leurs droits a interessement. Plusieurs directions departementales du travail et de l'emploi admettent la validite d'une telle clause et d'autres pas. Cela cree une situation tres genante pour des entreprises qui peuvent etre voisines, mais ne relevent pas de la meme DDTE Il lui demande, par consequent, quelles mesures il compte prendre pour harmoniser la position des differentes DDTE.
Texte de la REPONSE : Reponse. - Il est rappele a l'honorable parlementaire qu'en application de l'ordonnance no 86-1134 du 21 octobre 1986, les procedures d'homologation des accords d'interessement et de participation ont ete supprimees et remplacees par un depot obligatoire de tous ces accords aupres des directions departementales du travail et de l'emploi. Il en resulte une modification importante du role des services exterieurs du travail et de l'emploi qui substitue au controle administratif prealable de la conformite des accords une mission generale de conseil et d'information des partenaires sociaux. Les directions departementales du travail et de l'emploi ne disposent donc en la matiere d'aucun pouvoir de sanction juridique directe a l'egard des entreprises concernees. Dans le cadre du regime de la participation financiere des salaries institue par l'ordonnance de 1986, la circulaire DRT 88/4 du 29 janvier 1988 et la lettre-circulaire ACOSS du 29 mai 1988 ont precise les procedures de liaisons au plan local entre les directions departementales du travail et de l'emploi et les URSSAF en vue d'assurer la coordination de leurs interventions. Le contentieux eventuel pouvant survenir entre l'URSSAF et une entreprise a la suite d'une requalification des sommes indument versees au titre de son accord d'interessement releve des juridictions competentes de l'ordre judiciaire (commission de recours amiable de l'URSSAF et tribunal des affaires de securite sociale en premiere instance). Par ailleurs, conformement aux articles L 135-5 et 135-6 du code du travail relatifs au contentieux des accords collectifs de travail dont relevent a titre subsidiaire les accords d'interessement ou de participation, un recours en annulation de la clause ou de l'accord litigieux peut etre engage par les organisations ou groupements signataires (syndicats ou comite d'entreprise) ainsi que par toute personne liee par cet accord ayant interet actuel, personnel et direct a agir. Tout salarie, a l'occasion d'un litige individuel porte devant le conseil de prud'hommes peut egalement invoquer l'illegalite de la clause ou de l'accord en vue d'en ecarter l'application dans le cas particulier ayant donne lieu a saisine de la juridiction prud'homale. Afin de reduire ou d'eviter de tels contentieux, et considerant que seuls les tribunaux sont juges en dernier ressort de la materialite et de la gravite des fautes reprochees aux salaries ainsi que de leurs consequences de droit, l'administration, par circulaire du 29 janvier 1988 precitee, a ete amenee a preciser que la resiliation du contrat de travail, quelle qu'en soit la cause, ne peut entrainer la suppression des droits acquis par le salarie au titre de l'interessement. Cette position, concernant notamment l'incidence de la faute grave ou lourde commise par le salarie sur ses droits a l'interessement est fondee sur les considerations suivantes. Les dispositifs de la participation financiere des salaries, qu'il s'agisse notamment de l'interessement ou de la participation, n'ont jamais ete concus comme pouvant constituer meme indirectement un element du droit disciplinaire dans l'entreprise. Ces dispositifs visent, par la distribution d'une partie des resultats ou des gains de productivite degages par l'effort collectif, a associer l'ensemble des salaries au fonctionnement et au developpement de l'entreprise. La vocation sociale de l'interessement, de meme que son caractere essentiellement collectif, conduisent a le distinguer nettement de la relation individuelle de travail, fondee sur le contrat de travail et le lien de subordination juridique du salarie a l'egard de l'employeur. Si l'application des conditions d'execution de la prestation individuelle de travail releve du pouvoir de direction du chef d'entreprise et peut se traduire, le cas echeant, par une diminution de certains elements du salaire voire par la mise en oeuvre de sanctions disciplinaires, le benefice de l'interessement pour chaque salarie entrant dans le champ d'application de l'accord collectif ne saurait etre subordonne a l'absence de sanction prononcee a son encontre, sauf a faire de l'interessement un element du droit disciplinaire de l'entreprise. La suppression de l'interessement dans une telle hypothese apparait du reste non conforme aux dispositions de l'article L 122-42 du code du travail qui interdit les sanctions pecuniaires et prevoit que toute disposition ou stipulation contraire est reputee non ecrite. Par ailleurs, le fait pour un salarie de commettre une faute passible de sanction disciplinaire - qui peut aller du simple avertissement au licenciement pour faute grave ou lourde - n'implique pas pour autant que l'interesse n'ait pas contribue a la realisation du resultat servant de base au calcul de l'interessement. Au regard des textes, les consequences de la resiliation du contrat de travail pour faute grave ou faute lourde sont expressement prevues par les articles L 122-8, L 122-9 et L 123-14 du code du travail qui prevoient que, dans ces cas, la perte d'emploi du salarie peut entrainer egalement la privation des indemnites de rupture du contrat (preavis, indemnite de licenciement, voire de l'indemnite compensatrice de conge paye). Aucune disposition legislative en ce sens ne prevoit la possibilite de suppression des droits acquis par le salarie en matiere d'interessement ou de participation lorsque son contrat de travail se trouve resilie. A cet egard, la Cour de cassation, appelee a se prononcer recemment sur ce point en matiere de participation, a considere qu'une salariee (caissiere licenciee pour vol sans preavis ni indemnite) ne pouvait etre privee, en raison des motifs de son licenciement, des droits a participation qu'elle avait acquis en application de l'accord collectif et de la loi, malgre une deliberation du comite d'entreprise ayant admis une telle exclusion (cass. soc. 9 mars 1989 Bordais c/Mme V). La portee de cette decision rendue en matiere de participation semble devoir etre etendue au regime legal de l'interessement des salaries qui procede du meme esprit et qui repond aux memes caracteristiques generales. Le fait que l'interessement constitue un regime facultatif n'est pas de nature a ecarter cette analogie dans la mesure ou la participation pratiquee a titre volontaire entraine les memes droits et obligations que le regime legal. Il y a donc lieu de considerer, sous reserve de l'appreciation souveraine des tribunaux, qu'en matiere d'interessement comme de participation, l'ensemble des salaries de l'entreprise ont vocation a beneficier de la repartition des lors qu'ils remplissent les conditions d'anciennete eventuellement requises et que les accords collectifs ne peuvent exclure de leur champ d'application les salaries dont le contrat de travail a ete resilie quel que soit le motif de la rupture. Pour repondre aux preoccupations exprimees par l'honorable parlementaire et en vue d'assurer la necessaire unite de doctrine administrative des services a l'occasion de l'examen des accords d'interessement et de participation deposes aupres des directions departementales du travail et de l'emploi, l'administration centrale diffuse actuellement l'ensemble de ces positions de principe aux responsables des services exterieurs du travail et de l'emploi.
SOC 9 REP_PUB Alsace O