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Texte de la QUESTION :
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M Christian Kert attire l'attention de M le ministre de l'agriculture et de la foret sur les difficultes d'application des articles L 322-1 et L 322-3 du code forestier qui, dans les zones particulierement exposees aux incendies de foret, imposent aux proprietaires et aux residents de maintenir leurs terrains en etat debroussaille jusqu'a une distance de 50 metres au moins des habitations. Or, cette obligation de debroussaillement s'etend egalement sur les terrains voisins lorsqu'ils sont inclus dans la limite de 50 metres ce qui a pour consequence d'entrainer de nombreuses difficultes. En effet, peut-on considerer comme normal qu'un proprietaire soit tenu pour responsable du debroussaillement de terrains ne lui appartenant pas, au seul pretexte qu'ils approchent sa propriete dans la limite de ces 50 metres. Cette dispositions n'a d'ailleurs pas tarde a montrer ses effets pervers des lors qu'il n'est pas rare que le proprietaire du terrain inclus dans la limite des 50 metres d'une habitation appartenant a un tiers refuse a celui-ci de penetrer sur son terrain, et par consequent de faire effectuer les operations de debroussaillement. L'obligation legale ne pouvant ainsi etre respectee, il lui demande donc quels sont les moyens dont dispose le tiers pour la faire appliquer malgre l'attitude negative du proprietaire du fond voisin puisque pese sur lui la charge materielle et financiere du debroussaillement. De meme, il lui demande quelle position doit adopter la municipalite lorsque ce type de conflit intervient sur son territoire.
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Texte de la REPONSE :
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Reponse. - L'honorable parlementaire evoque les problemes poses a l'occasion de la mise en application integrale des dispositions des articles L 322-1 et L 322-3 et 4 relatives a l'extension de l'obligation de debroussailler sur le territoire du proprietaire voisin dans la limite de la zone de 50 metres. Il est certain que cette procedure est de nature a toucher gravement la sensibilite des personnes concernees tant pour effectuer les travaux que pour subir ceux-ci. Le probleme est accru dans le cadre des amenagements collectifs (lotissements, zones artisanales) dans la mesure ou l'obligation commune repose sur plusieurs acteurs. D'une maniere generale, tout proprietaire, notamment celui d'un immeuble bati en foret, lande, maquis, garrigue, doit, en application de l'article 1384 du code civil, assumer la responsabilite des choses qu'il a sous sa garde. La jurisprudence constante relative a responsabilite pour faute prevue par l'article 1384, paragraphe 2 du code civil retient et reconnait responsable tout proprietaire d'objets en ignition potentielle qui commet une negligence en ne prenant pas les doubles precautions de lutte passive (dispositif pare-feu entretenu) et active (inefficacite des moyens et pratiques d'extinction) permettant d'eviter la communication du feu sur la propriete d'un tiers. C'est ainsi que la Cour de cassation a retenu (Cass. civ, 3o, 31 mai 1976, Bull. civ. III no 236) que la responsabilite de celui qui detient a titre quelconque tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels l'incendie a pris naissance, est engagee vis-a-vis des tiers victimes des dommages causes par cet incendie des lors qu'il est prouve que soit la naissance dudit incendie, soit son aggravation ou son extension doivent etre attribuees a sa faute ou a celle des personnes dont il est responsable. Le proprietaire du bien construit est donc investi d'une double mission : en premier lieu, il doit diminuer le risque d'eclosion autour de son habitation et faciliter l'extinction des feux naissants au moyen du debroussaillement de son propre bien et de celui des proprietaires voisins jusqu'a la limite de la zone prevue par l'article L 322-1 ; en second lieu, lorsqu'un feu arrive par la foret, il doit faciliter l'intervention des pompiers et augmenter leur securite. De plus, il est soumis, par les articles L 322-1 et L 322-3 du code forestier, a un ensemble de contraintes de debroussaillement du sous-bois qui doit, pour contribuer au maximum a la prevention, etre regulier et continu. La responsabilite du debroussaillement incombe naturellement a chacun des proprietaires de biens batis en foret. Le fait de ne pas mettre en oeuvre ces obligations peut, des lors, etre considere comme une faute au sens de l'article 1384 du code civil. De ce fait, si le proprietaire non equipe peut demander une prestation de service a un entrepreneur, ou encore si faute de l'assurer par lui-meme, l'administration y pourvoit d'office, il demeure, en tout etat de cause, pecuniairement responsable de l'entretien de son bien. En effet, les articles L 322-1 et suivants du code forestier reconnaissent a l'administration la capacite d'intervenir sur le fonds d'un proprietaire inactif aux frais de ce dernier. C'est pourquoi, il incombe exclusivement au porteur potentiel de risque d'assumer a ses frais la prevention a proportion de la permanence du risque : c'est a ce titre que les ouvrages lineaires (voirie, lignes de chemin de fer) sont egalement assujettis a leur frais, a une obligation de debroussaillement de part et d'autre de l'axe de la voie. Pour sa part le proprietaire public ou prive du fonds ne voit sa responsabilite engagee que dans la mesure ou une faute sera constatee. Des lors que le perimetre forestier riverain des risques d'incendies est gere selon les usages admis dans le secteur, l'eclosion ou l'extension du sinistre ne peut etre imputee a une faute de sylviculture. Cela etant, il demeure responsable de l'apport de feu effectue par lui-meme ou ses preposes. La situation du fonds qui ne remplit pas une des conditions des articles L 322-1 et L 322-3 (habitation, dependance, chantier) pose effectivement un probleme dans la mesure ou les textes n'en prevoient le debroussaillement que par extension pour une condition de securite particuliere. Il s'agit bien ici d'une mesure destinee a assurer le respect de l'ordre public en prevoyant la mise en oeuvre eventuelle d'un acte de police administrative preventive consistant a s'ingerer dans la gestion du fonds en procedant d'office au debroussaillement. Il convient d'indiquer que si les travaux de debroussaillement sont a la charge du proprietaire de l'installation, ceci ne l'autorise pas a les faire d'office lui-meme. En l'abence d'arrangement amiable avec le proprietaire selon les modalites prevues a l'article R 322-6 du code forestier, le proprietaire de l'installation devra obtenir du tribunal de grande instance statuant en refere apres exploit d'huissier, une ordonnance autorisant l'entrepreneur charge des travaux a penetrer. C'est dans le cas ou le proprietaire demandeur, a la charge de qui sont les travaux, n'a pas fait le necessaire, que la commune ou l'autorite superieure peut y pourvoir d'office, selon les modalites prevues a l'article R 322-6-1 du code forestier, y compris sur les terrains voisins, sauf a obtenir egalement une autorisation de l'autorite judiciaire en cas de cloture. Cette procedure judiciaire peut paraitre lourde aux particuliers. C'est pourquoi il peut paraitre quelquefois plus opportun au maire d'etablir un plan de debroussaillement pour l'ensemble de sa commune (selon les dispositions de la circulaire du 15 fevrier 1980) qui doit etre approuve par le prefet. C'est le maire qui obtiendra alors l'autorisation du juge pour l'ensemble des travaux prevus sur les terrains d'autrui et en avisera les proprietaires concernes. Le recours a cette procedure de referes contradictoire, assure, par le controle du president du tribunal de grande instance, la garantie des libertes fondamentales prevues par le preambule de la Constitution. En ce qui concerne le partage des charges pecuniaires du debroussaillement d'office par les proprietaires d'installation du lotissement concerne, il est preferable que le chantier fasse l'objet d'une operation groupee engagee par une association syndicale de proprietaires assurant la tache d'une maitrise d'ouvrage unique ou par une collectivite qui sollicite chacun des interesses par part virile. Il va de soi que la premiere mise en oeuvre du debroussaillement collectif necessite ces procedures mais assure egalement la mise en place d'une servitude de securite imposee aux heritages peripheriques pour l'usage et la securite de l'heritage appartenant au proprietaire de l'installation. Il s'agit d'une servitude legale et administrative d'interet public.
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