FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 45566  de  M.   Destot Michel ( Socialiste - Isère ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  15/07/1991  page :  2748
Réponse publiée au JO le :  15/06/1992  page :  2675
Rubrique :  Femmes
Tête d'analyse :  Politique a l'egard des femmes
Analyse :  Violences conjugales. lutte et prevention
Texte de la QUESTION : M Michel Destot attire l'attention de M le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'inadaptation du dispositif legislatif relatif aux femmes victimes de violences conjugales. Ainsi a Grenoble, une jeune femme en instance de divorce vient d'etre assassinee par son mari qui avait pu localiser sa residence grace a l'adresse qu'elle devait obligatoirement indiquer dans son dossier judiciaire. En effet, une femme dont la vie et celle de ses enfants est mise en danger par le mari, ne dispose, avant decision de justice, d'aucun moyen legal pour empecher les tiers de donner au pere des renseignements sur les enfants, elle ne peut non plus leur interdire de les lui remettre s'il le demande. De plus, il faut un mois au minimum pour obtenir une decision du juge aux affaires matrimoniales qui statuera sur les problemes des enfants. Ce delai est celui pendant lequel femmes et enfants sont le plus exposes, car la convocation au mari doit parvenir au minimum quinze jours avant l'audience et elle comporte obligatoirement l'indication du domicile de la femme. Meme s'il s'agit d'une simple domiciliation au siege d'une association, cette indication ainsi que celle du nom de l'avocat peut suffire au mari pour localiser son epouse et la suivre, ainsi que le cas grenoblois l'a malheureusement demontre. En outre, il faut rappeler que la mere peut etre poursuivie sur le fondement de l'article 356-1 du code penal si elle ne notifie pas le changement de residence des enfants lorsqu'un droit de visite a ete accorde au pere, quelles qu'en soient les modalites. Quelques reformes simples pourraient etre envisagees pour ameliorer la protection des femmes : faire proceder, prealablement a toute decision relative au droit de visite et d'hebergement du pere, a une enquete rapide qui aura pour objet d'evaluer la situation de danger de la mere et des enfants ; prevoir pour la femme qui demande le divorce ou la separation de corps, la possibilite de ne donner aucune adresse. La mise en route de la procedure pourrait etre envisagee dans ce cas sous le controle d'un juge qui prendrait des mesures de sauvegarde urgentes dans l'attente du debat contradictoire ; revoir la redaction de l'article 356-1 du code penal pour mettre la femme en situation de danger a l'abri de toute poursuite judiciaire. Il lui demande donc son opinion sur ces propositions et s'il envisage des mesures repondant a ces problemes.
Texte de la REPONSE : Reponse. - S'agissant de la premiere proposition de l'honorable parlementaire, il convient d'observer que le juge aux affaires matrimoniales peut d'ores et deja ordonner, avant de statuer sur le droit de visite et d'hebergement, une enquete sociale en urgence si la situation l'impose. Il peut de meme suspendre le droit de visite et d'hebergement en cas de suspicion de violences dans l'attente des resultats de l'enquete sociale diligentee. S'agissant de la deuxieme suggestion de l'auteur de la question, il y a lieu de rappeler que la mention dans les pieces de procedure, et notamment dans l'acte introductif d'instance, du domicile du demandeur est consideree comme une garantie des droits de la defense. C'est pourquoi cette indication est exigee a peine de nullite de la requete ou de l'assignation. Toutefois, un examen est entrepris en vue d'etudier dans quelle mesure cette regle pourrait etre amenagee lorsque la revelation de l'adresse du demandeur en divorce serait de nature a entrainer un risque pour son integrite physique, et, dans l'affirmative, quelles en seraient les conditions. Notamment, une reflexion est entamee sur la possibilite, pour parer au danger denonce, de recourir a la notion de domicile elu. Une telle derogation aux dispositions du droit commun devrait en tout etat de cause etre assortie de garanties propres a permettre le respect des droits de la defense. En ce qui concerne un eventuel amenagement des dispositions de l'article 356-1 du code penal, il apparait difficile, s'agissant de mesures edictees dans l'interet meme des enfants, d'en reduire le domaine d'application. Ces dispositions ont d'ailleurs ete integralement reprises dans le projet de nouveau code penal actuellement en discussion au Parlement. En tout etat de cause, dans l'hypothese ou une mere divorcee ne notifierait pas son changement de domicile a son ex-mari de crainte que celui-ci continue d'exercer des violences a son encontre, le procureur de la Republique pourrait, en opportunite, decider de ne pas poursuivre et le tribunal pourrait, sous reserve de son appreciation souveraine, prononcer la relaxe de la prevenue des lors qu'il serait etabli qu'elle a agi en etat de necessite du fait du comportement violent de son ex-epoux.
SOC 9 REP_PUB Rhône-Alpes O