FICHE QUESTION
9ème législature
Question N° : 45749  de  M.   Cazenave Richard ( Rassemblement pour la République - Isère ) QE
Ministère interrogé :  droits des femmes et à la consommation
Ministère attributaire :  droits des femmes et à la consommation
Question publiée au JO le :  15/07/1991  page :  2729
Réponse publiée au JO le :  06/04/1992  page :  1602
Rubrique :  Femmes
Tête d'analyse :  Politique a l'egard des femmes
Analyse :  Violences conjugales. lutte et prevention
Texte de la QUESTION : M Richard Cazenave attire l'attention de Mme le secretaire d'Etat aux droits des femmes et a la vie quotidienne sur la situation des femmes qui font l'objet de la part de leur conjoint de violences conjugales et sur l'insuffisante protection qui leur est reconnue par la loi. A Grenoble, une jeune femme vient d'etre assassinee par son mari devant ses jeunes enfants ages de trois et sept ans. Huit mois auparavant, elle s'etait enfuie du domicile conjugal en raison des violences dont elle etait la victime et du danger dans lequel le pere mettait les enfants. La procedure de divorce qu'elle avait engagee avait cependant permis au pere de localiser son lieu de residence et d'obtenir un droit de visite. Pour eviter que de tels drames ne se reproduisent trop souvent a l'avenir, quelques reformes simples pourraient etre envisagees : faire proceder, prealablement a toute decision relative au droit de visite et d'hebergement du pere, a une enquete rapide qui aura pour objet d'evaluer la situation de danger de la mere et des enfants ; prevoir pour la femme qui demande le divorce ou la separation de corps la possibilite de ne donner aucune adresse ; la mise en route de la procedure pourrait etre envisagee dans ce cas sous le controle du juge qui prendrait des mesures de sauvegarde urgentes dans l'attente du debat contradictoire ; revoir la redaction de l'article 356-1 du code penal pour mettre la femme en situation de danger a l'abri de toute poursuite judiciaire. Il faut enfin relever la relative complexite du systeme judiciaire actuel qui prevoit trois types de procedure devant trois juridictions differentes : juge des tutelles (autorite parentale) susceptible d'intervenir hors procedure de divorce ou de separation de corps ; juge des enfants qui intervient en cas de danger pour l'enfant ; juge aux affaires matrimoniales competent pour statuer sur l'autorite parentale et les modalites d'hebergement de l'enfant des qu'une demande de divorce ou de separation de corps est presentee. Les conflits de competence ne sont pas rares ; pourquoi n'envisagerait-on pas de reunir les prerogatives interessant ce type de probleme entre les mains d'une seule juridiction ? Compte tenu de l'urgence du probleme, il lui demande si elle entend agir de telle maniere que ces mesures aient au plus vite un caractere imperatif.
Texte de la REPONSE : Reponse. - L'honorable parlementaire appelle l'attention du secretaire d'Etat aux droits des femmes et a la vie quotidienne, sur les consequences dramatiques que peut entrainer l'obligation pour une femme victime de violences de la part de son conjoint de faire connaitre, dans le cadre d'une action judiciaire en divorce, l'adresse de sa nouvelle residence. Le secretaire d'Etat aux droits des femmes et a la vie quotidienne tient en premier lieu a faire part a M le depute de l'attention toute particuliere qu'elle porte au probleme douloureux dont il l'a saisie. Elle lui precise que des reflexions interministerielles ont ete menees sur ce sujet, notamment avec le ministere de la justice. La gravite de ce probleme sur le plan humain ne doit toutefois pas occulter sa complexite, comme les travaux poursuivis ont permis de le constater. S'agissant de la premiere suggestion formulee, il peut etre observe que le droit positif permet d'y repondre tres largement. En effet, le juge aux affaires matrimoniales peut toujours ordonner, avant de statuer sur le droit de visite et d'hebergement, une enquete sociale. Les enqueteurs peuvent notamment intervenir en urgence a la demande du juge. De meme le juge peut suspendre le droit de visite et d'hebergement en cas de suspicion de violences dans l'attente des resultats de l'enquete sociale diligentee. Il apparait toutefois difficile de systematiser celle-ci ; en effet, un mecanisme d'une telle rigidite ne se justifierait pas en l'absence d'indice de danger couru par la mere et les enfants. C'est au juge a apprecier, en fonction des elements communiques, l'opportunite de la mesure. L'absence d'indication de l'adresse de la femme dans la demande en divorce ou en separation de corps pose davantage de difficulte. L'indication, dans les pieces de procedure et notamment dans l'acte introductif d'instance, du domicile du demandeur est en effet considere comme une garantie des droits de la defense. C'est la raison pour laquelle cette mention est exigee, en application des textes du nouveau code de procedure civile, a peine de nullite de la requete ou de l'assignation. Toutefois, eu egard aux consequences dramatiques que cette mention peut provoquer, il pourrait etre envisage, lorsque la revelation de l'adresse du demandeur serait de nature a entrainer un risque pour l'integrite physique de la personne, un assouplissement de cette regle en permettant la designation d'un domicile elu auquel les actes de procedure seraient signifies (avocat, association). Une telle derogation aux dispositions du droit commun de la procedure devrait en tout etat de cause etre placee sous le controle du juge qui pourrait rapporter l'autorisation donnee s'il l'estime necessaire. Le ministere de la justice etudie actuellement les incidences d'une telle mesure au regard de l'imperatif que constitue le respect des droits de la defense. Quant a l'exercice du droit de visite par le pere, il pourrait s'effectuer dans un lieu neutre. A cet egard le developpement des « points rencontres » apporte d'ores et deja une solution interessante au probleme souleve. Pour ce qui concerne la modification de l'article 356-1 du code penal, il n'apparait pas, en revanche, opportun de souscrire a la proposition de l'honorable parlementaire. Les dispositions de cet article,qui ont pour objectif d'empecher les atteintes a l'exercice de l'autorite parentale pouvant survenir a la suite d'un divorce ou d'une separation de corps, sont edictees dans l'interet des enfants et il parait, dans ces conditions, difficile d'en reduire le domaine d'application. Ces dispositions ont d'ailleurs ete integralement reprises, a la suite d'un vote de l'Assemblee nationale, dans l'article 227-3 du livre II du projet du nouveau code penal, actuellement a l'examen d'une commission mixte paritaire. En tout etat de cause, dans les hypotheses, heureusement exceptionnelles, ou une mere divorcee ne notifierait pas son changement de domicile a son ex-mari de crainte que celui-ci continue d'exercer des violences a son encontre, il est bien evident que le principe de l'opportunite des poursuites permettrait au procureur de la Republique de ne pas mettre en mouvement l'action publique. Par ailleurs, si des poursuites etaient engagees a la seule initiative de l'ex-mari, le tribunal correctionnel pourrait relaxer la prevenue des lors qu'il serait etabli que celle-ci a agi en etat de necessite du fait du comportement violent de son ex-epoux. Enfin, s'agissant du regroupement du contentieux familial, le secretaire d'Etat peut indiquer a M le depute qu'a l'initiative de son departement ministeriel, le ministere de la justice a elabore un projet de loi instituant un juge aux affaires familiales. Afin de regrouper, sur le plan civil, devant une meme juridiction l'essentiel des actions liees a la vie de la famille, ce juge aura une competence elargie a l'ensemble des conflits lies au divorce et a la separation de corps ainsi qu'a leurs consequences, a l'obligation alimentaire et a l'exercice de l'autorite parentale. Ce projet de loi a ete depose le 23 decembre 1991, devant l'Assemblee nationale sous le no 2531 et viendra en discussion a la prochaine session parlementaire.
RPR 9 REP_PUB Rhône-Alpes O