Texte de la QUESTION :
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M Jean de Lipkowski appelle l'attention de M le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultes liees au versement de leurs indemnisations que rencontrent les veuves de deux fonctionnaires de la CRS de La Rochelle assassines par le terroriste Philippe Bidart, le 19 mars 1982, a Saint-Etienne-de-Baigorry. Par son jugement rendu le 18 mai 1987, la cour d'assises des Pyrenees-Atlantiques a reconnu Bidart coupable du meurtre des deux gardiens de la paix, Bernard Boussarie et Jacky Bouyer ; elle l'a condamne par contumace a la reclusion criminelle a perpetuite. Le meurtrier a, par ailleurs, a la meme date, ete condamne par la cour d'assises a la reparation des prejudices moraux et materiels que son acte a entraines pour les familles des victimes. Il s'agit, au titre du prejudice moral, de 80 000 F pour chacune des veuves, de 60 000 F pour chacun des enfants mineurs et de 50 000 F pour chacun des enfants majeurs. D'autre part, au titre du prejudice materiel, la cour a accorde a chacune des epouses des victimes la somme de 300 000 F a titre provisionnel. Depuis, ces femmes ont desesperement, pour elles et leurs enfants, tente d'obtenir le versement des indemnisations prevues par le jugement. Le fonds de garantie contre les actes de terrorisme auquel elles se sont adressees dans un premier temps s'est declare incompetent quant a leur prise en charge dans la mesure ou les faits dont ont ete victimes les deux CRS et leurs familles sont anterieurs au 31 decembre 1984, date a partir de laquelle la loi du 30 decembre 1986 permet l'intervention du fonds de garantie. De plus, les commissions d'indemnisation des victimes d'infraction des tribunaux de grande instance de La Rochelle et de Pau devant lesquelles les veuves avaient presente leur requete se sont egalement declarees incompetentes a la fin du mois de decembre 1987. Ces femmes ont ete invitees a presenter leur requete devant une commission equivalente du tribunal de grande instance de Bayonne. Elles esperaient enfin aboutir, la commission d'indemnisation de Bayonne ayant ete satisfaite dans son ultime demande de preuve d'insolvabilite de Philippe Bidart. Or, l'arret de la cour d'assises de Pau a ete prononce par contumace en mai 1987 et, depuis, Philippe Bidart a ete arrete et la contumace purgee. L'arret octroyant les indemnisations aux veuves, de meme que les condamnations, sont desormais nulles. Les veuves des deux victimes devront donc attendre que Philippe Bidart soit a nouveau juge pour se constituer a nouveau partie civile et pour que d'autres indemnites leur soient octroyees. Ainsi, au bout de six ans, le dossier est a reprendre a nouveau et aucune duree pour ce nouveau combat ne peut etre fixee. Il lui demande devant cet etat de fait, auquel les veuves de ces fonctionnaires ne peuvent rien, quelles dispositions le Gouvernement envisage de prendre pour accorder aux familles les reparations au moins financieres qu'elles sont en droit d'obtenir.
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Texte de la REPONSE :
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Reponse. - Mmes Bouyer et Roussarie, veuves de deux gardiens de la paix victimes d'un assassinat commis le 19 mars 1982 reproche a M Philippe Bidart, ont, independamment des dispositions prises en leur faveur par le ministere de l'interieur, ete indemnisees, en application des dispositions des articles 706-3 et suivants du code de procedure penale, par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions penales de Bayonne. Par decisions definitives rendues le 19 novembre 1985 et le 3 juillet 1986, cette commission a en effet attribue 150 000 francs pour elle-meme et 50 000 francs pour chacun de ses enfants mineurs a Mme Bouyer et 50 000 francs pour elle-meme et 50 000 francs pour son fils mineur a Mme Roussarie. A la suite de l'arret par contumace rendu le 28 mai 1987 par la cour d'assises des Pyrenees-Atlantiques, qui a condamne M Philippe Bidart a verser aux victimes des sommes superieures a celles allouees par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions penales de Bayonne, Mmes Bouyer et Roussarie ont saisi a nouveau cette instance pour obtenir un complement d'indemnisation, le maximum des sommes susceptibles d'etre eventuellement allouees etant fixe actuellement a 400 000 francs par ayant droit. L'arrestation de M Philippe Bidart, le 24 fevrier 1988, qui a mis a neant l'arret de contumace de la cour d'assises des Pyrenees-Atlantiques, prive toutefois cette requete de fondement. La loi ne prevoit, en effet, la possibilite de saisir la commission en complement d'indemnisation qu'apres jugement definitif sur les interets civils. Les interessees ne pourront reiterer leur demande qu'apres qu'un nouvel arret de condamnation soit intervenu. A cet egard, il est veille a ce que la procedure ne connaisse pas de retard. Toutefois, Mmes Roussarie et Bouyer pourraient saisir le tribunal de grande instance de Pau en refere aux fins d'obtenir une provision dont le montant pourrait etre fixe en reference a la somme allouee par la decision annulee. Munies de ce titre, les requerantes pourraient alors renouveler leur demande aupres de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions penales qui apprecierait si elle peut considerer cette decision comme repondant aux exigences de l'article 706-8 du code de procedure penale. Au-dela du cas d'espece, le dispositif legislatif d'indemnisation des victimes d'infractions, bien qu'encore perfectible, peut etre considere comme relativement complet : 1o Toute victime d'infraction penale ayant subi un prejudice corporel d'une certaine gravite peut en effet obtenir, dans la limite d'un maximum de 400 000 francs, et sous reserve de n'avoir pu recevoir par ailleurs une indemnisation suffisante, notamment en raison de l'insolvabilite de l'auteur du delit, une provision dans les trente jours de sa demande, puis une indemnisation dans un delai de quelques mois ; 2o S'agissant des victimes d'infractions en relation avec une entreprise terroriste, la loi du 9 septembre 1986 a instaure un regime encore plus favorable puisqu'il prevoit la reparation integrale du prejudice corporel, sans condition aucune, et, dans un delai d'un mois, le versement de provisions suivi d'une offre d'indemnisation integrale dans les trois mois qui suivent la justification du prejudice. Ces dernieres dispositions n'ayant pu, compte tenu de la date des faits, etre appliquees dans le cas de Mmes Roussarie et Bouyer, celles-ci ont vu leur situation examinee conformement aux mesures transitoires retenues lors du vote de la loi ; le ministere de l'interieur a ainsi pris toutes dispositions utiles. telles que le versement de pensions de reversion calculees de maniere tres favorable et l'attribution d'un capital deces ; il a egalement facilite leur recrutement en qualite de fonctionnaires de ses services. Ce dispositif, dont l'interet est deja reconnu, n'en demeure pas moins perfectible, ne serait-ce que parce qu'il peut introduire entre les victimes une difference de traitement contestable. C'est donc dans le sens d'une uniformisation des procedures que j'ai demande d'engager une reflexion en poursuivant un triple objectif : renforcer les droits des parties civiles dans le cadre de la procedure penale ; simplifier et rendre plus rapide le traitement des demandes en tentant d'instaurer un dispositif unique ; enfin, offrir une reparation plus equitable a toutes les victimes de prejudice corporel grave.
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