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Texte de la QUESTION :
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M Pierre Esteve expose a M le garde des sceaux, ministre de la justice, les graves problemes decoulant de deux arrets rendus par la Cour de cassation, le 31 mai 1988, en matiere de cautionnement. En rendant obligatoire la mention manuscrite avec indication du montant du cautionnement, d'une part, a la procuration donnee en vue de consentir au cautionnement, d'autre part, au cautionnement fourni par le dirigeant d'une societe, il en est resulte la nullite de nombre de cautionnements, pourtant regulierement conclus anterieurement a ces arrets, sur le fondement des anciennes solutions jurisprudentielles. La solution nouvelle produit donc des effets retroactifs qui paraissent, comme toute retroactivite defavorable, nuisibles a la securite du commerce juridique, dans des conditions qui, au demeurant, ne paraissaient pas tellement s'imposer au point de vue rationnel. Il lui demande en consequence ce qu'il envisage pour limiter la consequence de telles retroactivites jurisprudentielles, d'une part sur le plan limite du cautionnement, et de ses regles de forme qui etaient dans cette affaire en cause, d'autre part de maniere plus generale. Sur ce dernier plan,le droit francais ne gagnerait-il pas a s'inspirer de la theorie de la « doctrinal legal » de nos voisins espagnols, concernant la jurisprudence du tribunal supreme de Madrid, de nature a conferer une securite au commerce juridique, au regard d'eventuels revirements de jurisprudence ?
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Texte de la REPONSE :
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Reponse. - La decision rendue par la Cour de cassation le 31 mai 1988, qui a soumis aux formalites de l'article 1326 du code civil la procuration donnee en vue de consentir a un cautionnement, repose sur l'idee, deja affirmee par la jurisprudence anterieure (voir notamment Civ. 30 juin 1987, Bull. I, no 210), que les exigences relatives a la mention manuscrite devant figurer sur l'acte de cautionnement ne constituent pas de simples regles de preuve mais ont pour finalite la protection de la caution. Quant au cautionnement, fourni par un dirigeant de societe, il n'apparait pas qu'une decision de la Cour de cassation ait traite, a la date indiquee, du probleme pose par l'auteur de la question. Sur un plan plus general, toute interpretation par un juge d'un texte de loi regissant une situation juridique dont il aurait a connaitre produit necessairement sur celle-ci un effet retroactif, lequel est inherent au mode de formation des regles jurisprudentielles puisque le juge statue sur des faits qui sont anterieurs a son jugement (traite de droit civil de Ghestin et Goubeau, tome I, no 460). Toutefois, cette retroactivite est limitee a l'espece qui lui est soumise du fait de l'autorite relative de la chose jugee. La garantie de la securite du commerce juridique souhaitee par l'auteur de la question ne pourrait etre acquise qu'au prix d'une uniformatisation et d'un immobilisme de la jurisprudence qui empecheraient toute evolution du droit, quelle qu'elle soit.
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