15ème législature

Question N° 31384
de M. Vincent Descoeur (Les Républicains - Cantal )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > enseignement supérieur

Titre > Projet de création d'écoles vétérinaires privées

Question publiée au JO le : 28/07/2020 page : 5020
Réponse publiée au JO le : 15/09/2020 page : 6258

Texte de la question

M. Vincent Descoeur appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les inquiétudes exprimées par le Syndicat national de l'enseignement technique agricole public concernant des mesures qui pourraient figurer dans le prochain projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Des mesures modifieraient le code rural afin de permettre la création d'écoles vétérinaires privées. Sous couvert de tension sur le nombre insuffisant de vétérinaires notamment dans les zones rurales, cette mesure viserait à privatiser un nouveau pan de l'enseignement supérieur et pourrait avoir pour conséquence de diminuer la capacité de recherche dans ce domaine. Ces écoles seraient avant tout professionnelles et le volet « recherche » y serait peu développé car il est onéreux et nécessiterait un niveau de formation des enseignants élevé pour être en capacité de recruter de vrais enseignants-chercheurs. Or le statut des enseignants des écoles nationales vétérinaires est celui d'enseignant-chercheur, qui assure l'excellence de l'enseignement. Selon les prévisions du ministère de l'agriculture, 4 à 8 millions d'euros seraient engagés dans cette réforme. Au moment où la France et le monde entier traversent la pire crise sanitaire connue de ces cinquante dernières années, provoquée par un virus animal, il semble inconcevable d'affaiblir le système de formation et de recherche des vétérinaires. Il paraît impératif d'être vigilant sur le statut des enseignants et leurs obligations, sur le coût du diplôme pour les étudiants, sur les critères et les obligations devant permettre l'unicité et l'équivalence public-privé et les moyens de contrôle et de veiller à ne pas diminuer le financement d'un enseignement public de qualité pour assurer la rentabilité d'un système privé. Il souhaiterait connaître sa position en la matière.

Texte de la réponse

Les organisations d'éleveurs, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture et les élus ruraux constatent régulièrement que les vétérinaires sont de moins en moins nombreux en milieu rural, ce qui pose des problèmes de continuité des soins aux animaux d'élevage et de surveillance des maladies animales, dont celles transmissibles à l'homme. Par ailleurs, la profession vétérinaire fait état de difficultés de recrutement de jeunes vétérinaires pour assurer des missions courtes (remplacement) ou longues (collaboration, voire association). Face aux inquiétudes exprimées par les représentants des professions agricole et vétérinaire s'agissant du maillage sanitaire vétérinaire du territoire, la refondation de l'enseignement supérieur vétérinaire a été inscrite dans le plan de transformation ministériel du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Le diagnostic de la démographie des vétérinaires réalisé par l'observatoire national démographique de la profession vétérinaire a mis en évidence que si le nombre de vétérinaires inscrits en France métropolitaine a augmenté de 7,5 % entre 2012 et 2016, la situation n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire. Certains départements, notamment ruraux, subissent une baisse significative du nombre de vétérinaires inscrits sur cette même période quand ce dernier progresse dans d'autres, en zones urbaines notamment. Par ailleurs, il est à noter un recul de l'activité de soins aux animaux d'élevage, alors que le marché de l'activité de soins aux animaux de compagnie est en forte croissance. Les études prospectives montrent des tensions encore grandissantes dans les années à venir sur le marché de l'emploi vétérinaire. Parmi les primo-inscrits à l'ordre national des vétérinaires, 40 % des vétérinaires de nationalité française ont été formés à l'étranger, dans des facultés vétérinaires de pays de l'Union européenne (UE). Cette délocalisation subie est favorisée par une offre importante de l'enseignement supérieur vétérinaire de pays voisins tels que l'Espagne (13 écoles vétérinaires contre seulement 4 en France) la Roumanie, la Hongrie, l'Estonie ou le Portugal. Ces écoles européennes peuvent être publiques ou privées. Le flux estimé de 300 élèves français par an se formant dans des pays de l'UE équivaut à une perte d'activités et d'emplois sur le territoire national. De surcroît, la pénurie de vétérinaires en zone rurale et l'arrivée de vétérinaires formés à l'étranger en dehors de tout contrôle de l'État français est susceptible de fragiliser le réseau sanitaire français. Pour pallier à l'insuffisance de vétérinaire en zone rurale, le ministère chargé de l'agriculture a engagé un certain nombre de réformes : - augmentation du nombre d'étudiants dans les écoles nationales vétérinaires (ENV) de + 35 % en 8 ans, augmentation de la proportion de places ouvertes aux diplômés de brevet de technicien supérieur agricole ; - programme de stages tutorés en milieu rural avec un accompagnement professionnel, pédagogogique et financier des étudiants ayant un projet d'installation en milieu rural ; - création à compter de la rentrée 2021 d'un accès post-bac aux ENV pour élargir la base sociale et géographique de recrutement de ces quatre écoles publiques (Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse), réduisant ainsi la durée des études conduisant au diplôme d'État de docteur vétérinaire à 6 ans, contre 7 à 8 ans dans le cadre du cursus actuel, rapprochant ainsi la durée des études vétérinaires en France de celle rencontrée dans les autres pays de l'UE. Par ailleurs, un amendement sénatorial, complété par un amendement gouvernemental, à la loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit national au droit de l'UE en cours d'examen par le Parlement vise à autoriser les collectivités territoriales à soutenir, au plus près du terrain, l'installation et le maintien des vétérinaires ruraux dans les zones à faible densité d'élevages. La formation vétérinaire est une formation exigeante en termes d'encadrement et d'équipements scientifiques, techniques et hospitaliers. Elle est soumise à accréditation par l'association européenne des établissements d'enseignement vétérinaire. Aussi, compte-tenu de ces contraintes techniques (capacité d'accueil des écoles vétérinaires, notamment pour les formations cliniques limitée) et financières, les quatre ENV ne peuvent apporter seules une réponse au besoin de vétérinaires, sans remettre en cause la qualité de la formation qui y est dispensée. L'encadrement par la loi de la possibilité de création d'écoles vétérinaires privées d'intérêt général par les établissements d'enseignement supérieur privés agricole sous contrat avec le ministère chargé de l'agriculture pourrait contribuer à augmenter le nombre de vétérinaires français formés sur le territoire national. Cet encadrement doit impérativement garantir le niveau de formation délivrée correspondant aux standards européens et l'adossement de la formation à une recherche en santé et productions animales de qualité, sans affaiblir l'excellence reconnue des ENV, ainsi que les moyens qui leur sont accordés. Par ailleurs, d'autres dispositions pourraient également être explorées pour faire face à ce défi en matière de démographie et de répartition territoriale des vétérinaires, à l'instar d'un dispositif de contractualisation entre éleveurs et vétérinaires pour les soins aux animaux de rente et une délégation possible de compétences aux auxiliaires vétérinaires spécialisés, spécialement formés, pour certains soins aux animaux de compagnie travaillant sous le contrôle d'un vétérinaire. Cette dernière disposition relève également de la loi et doit encore faire l'objet de réflexions au sein de la profession vétérinaire.