Fiche de synthèse n°41 : L’examen parlementaire des lois de financement de la sécurité sociale

Point clé : résumé de la fiche de synthèse

Alors même que les masses financières en jeu sont supérieures à celles du budget de l’État, le contrôle de la politique du Gouvernement en matière de sécurité sociale échappait très largement au Parlement en raison du fonctionnement et du financement originellement paritaires de la sécurité sociale. Dès lors que l’impôt, et non plus seulement les cotisations sociales, est devenu une source majeure de financement des dépenses de sécurité sociale, le Parlement, depuis plus d’une vingtaine d’années, se prononce désormais sur cette question.

La catégorie particulière des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) a été instaurée par la révision constitutionnelle du 22 février 1996 (1). Encadrées par des dispositions constitutionnelles complétées par une loi organique, les conditions d’examen annuel des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) par l’Assemblée nationale se distinguent de celles des projets de loi ordinaires.

(1) Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale.

I. – Les lois de financement de la sécurité sociale : spécificité, contenu, présentation, annexes

1. – Une catégorie particulière de loi ordinaire, au périmètre bien défini

L’article 34 de la Constitution dispose que les lois de financement de la sécurité sociale « déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

Les règles spécifiques qui leur sont applicables résultent de la loi organique n° 96‑646 du 22 juillet 1996, modifiée par les lois organiques n° 2005‑881 du 2 août 2005 et n° 2010-1380 du 13 novembre 2010. Ces dispositions organiques sont codifiées principalement sous les articles L.O. 111-3 à L.O. 111-10-2 du code de la sécurité sociale.

Comme la loi de finances, la LFSS est une catégorie particulière de loi ordinaire dont les conditions d’examen sont encadrées par des règles propres (cf. infra) et le périmètre défini par la Constitution et la loi organique.

La sécurité sociale, au sens de la LFSS, s’entend des régimes obligatoires de base et des fonds concourant à leur financement :

- les régimes obligatoires de base incluent pour l’essentiel le régime général, la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI) ;
- le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est désormais le seul fonds à concourir au financement des régimes obligatoires ;
- les régimes complémentaires et l’assurance chômage sont hors du champ de la sécurité sociale au sens des LFSS.

Entrent également dans le champ des LFSS, le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) ainsi que la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Comme pour les lois de finances, on peut distinguer quatre domaines des LFSS :

- le domaine obligatoire concerne les mesures devant obligatoirement figurer en loi de financement. Aux termes mêmes de l’article 34 de la Constitution, la LFSS doit déterminer les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, prévoir ses recettes et fixer ses objectifs de dépenses. La LFSS comporte depuis 2005 des tableaux d’équilibre, qui présentent pour chaque exercice considéré la situation financière par branche du régime général, de tous les régimes obligatoires de base ainsi que des organismes concourant à leur financement. L’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que les comptes des régimes et organismes de sécurité sociale doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de leur patrimoine et de leur situation financière ( 2) ;

- le domaine exclusif concerne les mesures qui, si elles ne doivent pas obligatoirement figurer en loi de financement, ne peuvent figurer dans une autre loi (affectation – totale ou partielle – à toute autre personne morale d’une recette exclusive des régimes de base et des organismes concourant à leur financement ; non compensation par l’État de mesures d’exonération de cotisations sociales) ;

- le domaine partagé concerne les mesures qui peuvent figurer en loi de financement, mais qui pourraient figurer dans une autre loi, typiquement les dispositions qui modifient l’assiette ou le taux d’un impôt dont le produit est affecté aux organismes de sécurité sociale, ou encore les mesures permettant d’améliorer l’information du Parlement sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale ;

- le domaine interdit renvoie aux « cavaliers sociaux », c’est-à-dire aux mesures étrangères au domaine des LFSS (cf. infra).

2. – La structure des lois de financement de la sécurité sociale

La loi de financement de la sécurité sociale pour l’année n + 1 comprend quatre parties.

La première partie est relative au dernier exercice clos et constitue l’équivalent d’une loi de règlement en matière de finances de l’État, c’est-à-dire d’une forme d’arrêté des comptes de l’année n-1.

La deuxième partie est consacrée aux dispositions relatives à l’année en cours (année n), ce qui permet au Gouvernement de proposer au Parlement d’adopter des rectifications des données arrêtées en loi de financement pour l’année n. Cette partie est articulée en deux sous-parties, la première relative aux recettes et à l’équilibre général, la seconde relative aux dépenses. Cette partie correspond en quelque sorte à une loi de finances rectificative pour le budget de l’État. On notera que si la loi organique prévoit de véritables lois de financement rectificatives, seulement deux ont été promulguées, en 2011 et en 2014.

La troisième partie établit les prévisions de recettes et l’équilibre général des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement pour l’année n + 1 ; outre les tableaux d’équilibre relatifs à l’année n + 1 (recettes, dépenses et soldes), elle fixe ainsi les plafonds d’avances de trésorerie auxquelles peuvent recourir les régimes ( 3).

La quatrième partie fixe les objectifs de dépenses des différentes branches de la sécurité sociale (maladie, accidents du travail – maladies professionnelles, vieillesse et famille). L'objectif le plus important - et le plus commenté - est sans nul doute l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) découpé en six sous-objectifs dans le PLFSS 2017 ( 4) ; l’ONDAM donne la tendance d’évolution des masses financières les plus importantes, et affiche les priorités retenues par le Gouvernement dans la politique de soins.

3. – Les documents annexés aux projets de loi de financement de la sécurité sociale

Les PLFSS sont accompagnés d’une dizaine d'annexes, dont trois présentent un intérêt particulier : l’une identifie l’impact financier des mesures nouvelles proposées ; une autre fait le point sur les exonérations de cotisations et de contributions sociales et le montant de la compensation financière versée par l’État à la sécurité sociale ; enfin, et surtout, une annexe rassemble les études d’impact de chacun des articles contenus dans le projet de loi initial.

En outre, les LFSS approuvent deux rapports qui leur sont annexés ( 5) : l’un porte sur la situation patrimoniale de la sécurité sociale et décrit les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés pour le dernier exercice clos ; l’autre porte sur l’évolution prévisionnelle des finances de la sécurité sociale pour les quatre années à venir.

II. – Une procédure parlementaire particulière

Depuis la loi organique du 2 août 2005, le Parlement est associé à la préparation du projet de loi de financement grâce à la tenue, au printemps, d’un débat d’orientation des finances publiques, qui concerne le budget de l’État, mais aussi les finances sociales et locales. Ce débat s’engage sur la base d’un rapport présenté par le Gouvernement.

Comme en matière de lois de finances, le Gouvernement dispose du monopole de la présentation des lois de financement, qui ne peuvent donc résulter que de l’adoption d’un projet de loi. L’article 47-1 de la Constitution fixe les grands traits de la procédure applicable à l’examen par le Parlement des PLFSS.

1. – Une discussion encadrée par des délais constitutionnels

L’article 39 de la Constitution dispose que les PLFSS, comme les projets de loi de finances (PLF), sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. Le projet de loi de financement de l’année n+ 1 doit être déposé sur son bureau au plus tard le 15 octobre  de l'année n.

De même que l’article 47 pour les projets de loi de finances, l’article 47-1 de la Constitution fixe de manière stricte les délais d’examen des projets de loi de financement : si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans un délai de vingt jours après le dépôt du projet, le Gouvernement saisit le Sénat. Ce dernier doit statuer dans un délai de quinze jours. Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai global de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance, ce qui ne s'est jamais produit jusqu'ici.

La loi organique du 2 août 2005 rend la procédure accélérée applicable de droit à l’examen des PLFSS. Le dernier alinéa de l’article 42 de la Constitution dispose par ailleurs que le délai de six semaines devant en principe s’écouler entre le dépôt d’un texte et sa discussion en séance publique n’est pas applicable aux PLFSS.

Comme pour les lois de finances, la contrepartie de ces délais contraignants est une protection particulière du domaine des lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, les dispositions qui n’ont pas de lien avec le financement de la sécurité sociale sont considérées comme des « cavaliers sociaux » et censurées à ce titre :

- soit par le président de la commission des finances, s’agissant des amendements parlementaires (cf. fiche n° 38) ;

- soit par le Conseil constitutionnel, dont la compétence en la matière s’étend aux amendements gouvernementaux et même aux articles du projet de loi initial.

2. – L’examen en commission

Contrairement aux PLF qui, en application d’une disposition organique, sont renvoyés aux commissions chargées des finances, il n’existe pas de renvoi automatique du projet de loi de financement aux commissions parlementaires chargées des affaires sociales. Cependant, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, la commission des affaires sociales est traditionnellement chargée de l’examen au fond des PLFSS ; la commission des finances, s'en saisit pour avis.

Chaque année, la commission des affaires sociales désigne ses rapporteurs, au nombre de six à la fin de la XIVe législature, chargés respectivement : des recettes et de l’équilibre général ; de la branche maladie ; de la branche accidents du travail–maladies professionnelles ; du secteur médico‑social ; de la branche vieillesse et de la branche famille ( 6). Ces rapporteurs rédigent chacun une partie du rapport consacré au projet de loi. Ils suivent et contrôlent l’application des lois de financement et procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale ; à cette fin, ils peuvent effectuer des contrôles sur pièces et sur place. Avant le 10 juillet de chaque année, ils adressent des questionnaires au Gouvernement afin de préparer l’examen du projet de loi de financement à venir. La commission des affaires sociales peut également suivre toute l’année l’application des LFSS grâce aux travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) constituée en son sein.

Les travaux relatifs au PLFSS débutent, à la mi-septembre, par l’audition par la commission des affaires sociales du Premier président de la Cour des comptes et sa présentation du rapport annuel de la Cour sur l'application des LFSS.

Après l’audition des ministres qui suit l’adoption du projet de loi par le Conseil des ministres, la commission des affaires sociales examine le texte. Généralement, trois à quatre réunions sont nécessaires, compte tenu du nombre d’articles et d’amendements à examiner (respectivement 60 et 443 pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017).

3. – La discussion en séance publique

En application de l’article 42, alinéa 2 de la Constitution, l’examen en séance publique du PLFSS, comme du PLF, s’engage sur la base du texte présenté par le Gouvernement.

Les modalités de discussion du PLFSS sont décidées par la Conférence des présidents. Dans l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et compte tenu des délais très courts imposés par les textes, la discussion du PLFSS se déroule durant la dernière semaine d’octobre, après l’adoption de la première partie du PLF. La procédure dite du « temps législatif programmé » (fixation de la durée maximale de l’examen d’un texte) n’est pas applicable à l’examen du PLFSS.

La discussion en séance publique occupe en général quatre à cinq jours. Si elle suit les règles habituelles en matière de discussion de projets de loi, elle présente des particularités en matière d’ordre de vote des différentes parties du projet de loi. En effet, l’article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale prévoit notamment que la quatrième partie du projet de loi de financement - comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année à venir - ne peut être mise en discussion avant l’adoption de la troisième partie - comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour la même année.

Enfin, la possibilité pour le Gouvernement  de recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (engagement de responsabilité sur le vote d’un texte) a été maintenue sans limitation pour le vote des PLFSS.

4. – La navette parlementaire et la promulgation de la loi

La procédure accélérée s’appliquant de droit, le projet de loi de financement fait donc l’objet, après sa lecture au Sénat, de la réunion d’une commission mixte paritaire (CMP) chargée d’examiner les dispositions du texte restant en discussion. La procédure suivie en cas de succès de la CMP (élaboration d’un texte) ou d’échec de cette commission est la procédure normale applicable à tous les projets de loi.

Avant sa promulgation, la loi de financement est soumise à l’appréciation du Conseil constitutionnel s’il en est saisi, ce qui a toujours été le cas jusqu’à présent. Le juge constitutionnel a développé une abondante jurisprudence.

Il a notamment censuré à de multiples reprises certaines dispositions considérées comme des « cavaliers sociaux » soit parce qu’elles ne relevaient à l'évidence pas du domaine de la sécurité sociale (exemple : obligation faite à l’employeur de proposer un plan de mobilité à ses employés), soit parce qu’elles n’avaient pas d’incidence directe et suffisante sur les conditions générales de son équilibre financier (exemple : autorisation de la vaccination par les centres d’examen de santé ou aménagement du partage du congé d’adoption entre les parents).

Table des renvois

(2)

Le même article du code prévoit d’ailleurs la certification des comptes sociaux par la Cour des comptes.

(3)

Il faut en effet préciser que contrairement à l’État, les organismes de sécurité sociale ne sont en principe pas autorisés à s’endetter de manière pérenne ; le recours à l’emprunt a simplement vocation à couvrir des besoins de trésorerie infra-annuels.

(4)

Sachant que le nombre de sous-objectifs ne saurait être inférieur à cinq (article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale). Les sous-objectifs 2017 sont les suivants : dépenses de soins de ville ; dépenses relatives aux établissements de santé ; contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées ; contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées ; dépenses relatives au Fonds d’intervention régional (FIR) ; autres prises en charge.

(5)

À la différence des annexes au PLFSS, de nature informative, les rapports dont il est ici question sont formellement adoptés par le Parlement, à l’occasion du vote de deux articles du projet de loi.

(6)

En application des articles 39 et 47 du Règlement, dans leur rédaction résultant de la résolution du 28 novembre 2014, la commission des affaires sociales désigne, à compter de la XVe  législature, un rapporteur général, dont le champ de compétences reste à ce stade à définir plus précisément.