Question au Gouvernement n° 370 :
Irak

11e Législature

Question de : M. Jean-Jacques Weber
Haut-Rhin (6e circonscription) - Union pour la démocratie française

Question posée en séance, et publiée le 4 février 1998

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Weber.
M. Jean-Jacques Weber. Ma question s'adresse à M. Le Premier ministre.
Je regrette d'abord que Mme Voynet n'ait pas daigné répondre vraiment à la question qui vient d'être posée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jean-Louis Debré. Le Gouvernement est aux abonnés absents !
M. Jean-Jacques Weber. Monsieur le Premier ministre, dimanche, votre ministre de l'intérieur, M. Chevènement, a déclaré: aujourd'hui, l'Irak n'est plus une menace militaire, c'est évident, pour personne dans cette région. Le pétrole joue le rôle principal. La stratégie américaine est prisonnière d'une espèce de diabolisation imbécile qui date de sept à huit ans. Il est temps, a ajouté M. Chevènement, de lever un embargo féroce qui a déjà probablement conduit à 1 million de morts. C'est absolument déshonorant, et j'espère que la France fera entendre une voix claire.
J'ai moi-même, monsieur le Premier ministre, beaucoup de compassion pour le peuple irakien pris en otage par un dictateur. Mais de telles déclarations sont d'une extrême gravité, parce que, au regard du monde et de l'opinion irakienne aussi, elles sont susceptibles d'engager le gouvernement de la France.
M. Chevènement oublie-t-il la nature de l'enjeu ? Des stocks d'ogives nucléaires, de gaz innervant, d'armes biologiques - armes terrifiantes de destruction massive - qui sont à la merci d'un dictateur !
La déclaration de M. Chevènement est, de plus, dangereusement contradictoire avec le message du Président de la République dont est porteur le secrétaire général du Quai d'Orsay qui sera demain à Bagdad. C'est hallucinant et scandaleux ! Aussi, monsieur le Premier ministre, je vous demande, au nom de la représentation nationale, de nous dire clairement si, oui ou non, vous cautionnez ces déclarations. Dans la négative, croyez-vous possible que M. Chevènement reste ministre de votre gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) alors que des positions si divergentes s'expriment en son sein de façon aussi ostensible ? Peut-être attendez-vous qu'il démissionne de lui-même, comme il le fit en 1991 en pleine guerre du Golfe, alors même qu'il était ministre de la défense ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Pierre Lellouche. Du courage, monsieur Védrine, c'est facile !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, M. le ministre de l'intérieur a exprimé, avec la sensibilité qui lui est propre et que l'on connaît (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du du Rassemblement pour la République) des questions qu'on ne peut pas ne pas se poser sur tous les bancs.
Si j'entends bien, en effet, c'est une chose que de considérer que les résolutions adoptées à l'unanimité par le Conseil de sécurité doivent être appliquées, respectées pour établir une zone de sécurité dans cette région, c'en est une autre que d'être indifférent aux conséquences qu'elles peuvent avoir sur une population en quelque sorte doublement victime, et elle n'en peut mais, des décisions prises par ses dirigeants et des réactions inévitables du Conseil de sécurité. (Protestations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Thierry Mariani. Alors il ne fallait pas voter les résolutions !
M. le ministre des affaires étrangères. C'est pourquoi la France, tant le Président de la République que le Gouvernement, ne cesse d'agir pour que l'embargo, qui est la conséquence de l'enchaînement que j'ai rappelé, soit atténué dans ses effets.
M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas la politique de M. Chevènement !
M. le ministre des affaires étrangères. Il m'a semblé que, lorsqu'il s'est récemment exprimé, M. Chevènement visait en particulier l'embargo et ses conséquences sur la population. Et c'est bien à cela que nous pensons alors que le Président de la République ou le Gouvernement ne cessent d'agir au sein du Conseil de sécurité pour que la résolution 986, dite «pétrole contre nourriture» et que ceux d'entre vous qui ont étudié de près la question connaissent, soit élargie...
M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas ce qu'a dit M. Chevènement ! Il a fait allusion à une opération militaire ! Il y a une contradiction au sein du Gouvernement !
M. le ministre des affaires étrangères. ... afin que la vie de la population puisse être améliorée, qu'il s'agisse de l'aspect alimentaire, des médicaments ou des conditions sanitaires. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Thierry Mariani. Ce n'est pas la question !
M. le ministre des affaires étrangères. A la suite de l'insistance française, le secrétaire général du Conseil de sécurité, qui a peut-être également entendu M. Chevènement, a décidé de proposer que l'Irak vende désormais 5,2 milliards de dollars de pétrole par semestre au lieu de 2 milliards.
Les conséquences de l'embargo, excessivement cruelles pour la population...
M. Arnaud Lepercq. Et les armes chimiques, elles ne sont pas cruelles, peut-être !
M. le ministre des affaires étrangères. ... sont dans l'esprit de tous, sur tous les bancs, et ont pris en considération par tous les gouvernements qui sont sensibles à l'aspect humain de la situation.
M. Thierry Mariani et M. Patrick Ollier. Ce n'est pas la question !
M. le ministre des affaires étrangères. Grâce à la politique française sur l'élargissement de l'embargo, je pense que nous allons réussir à desserrer l'étau. C'est cela que M. Chevènement a voulu dire avec la force qui est la sienne.
Pour le reste, je vous rappelle ce que nous disions tout à l'heure: la France fera tout pour que la crise dans laquelle nous sommes encore soit résolue par d'autres moyens que la force. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Jacques Weber

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 4 février 1998

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