Question au Gouvernement n° 706 :
délinquance

11e Législature

Question de : M. Damien Alary
Gard (5e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 10 juin 1998

M. le président. La parole est à M. Damien Alary.
M. Damien Alary. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la ministre, la représentation nationale exprime régulièrement son inquiétude devant l'augmentation du nombre des actes délictueux commis par des mineurs. Les raisons de cette situation, telles que nous les analysons et d'après ce que nous observons dans nos circonscriptions, sont variées et complexes: échec scolaire, déstructuration familiale, précarisation du travail des parents.
Il s'agit d'un phénomène très inquiétant car les auteurs de ces actes sont de plus en plus jeunes et les faits qui leur sont reprochés sont de plus en plus graves.
Au cours du dernier mois, un adolescent de dix-sept ans a été lynché en Seine-Saint-Denis par une vingtaine de jeunes. Il est décédé des suites de ses blessures. Quelques jours plus tôt, à Créteil et à Marseille, deux jeunes gens de dix-sept et vingt ans ont été tués par balle. Il y a à peine quelques jours, dans ma propre circonscription, un élève de cinquième, scolarisé depuis peu - il était auparavant placé dans un centre spécialisé -, a poignardé dans la cour de récréation un élève de quatrième, le blessant très grièvement.
Deux parlementaires, Christine Lazerges, députée de l'Hérault, et Jean-Pierre Balduyck, député du Nord, vous ont remis, dans le cadre de la mission interministérielle sur la prévention et le traitement de la délinquance des mineurs, un rapport qui met l'accent sur la responsabilisation nécessaire des acteurs concernés par la socialisation de ces jeunes, ainsi que sur une redéfinition des missions de l'Etat.
Le conseil de sécurité intérieur, qui s'est tenu hier à Matignon sous la présidence du Premier ministre, Lionel Jospin, s'est semble-t-il inspiré de ce rapport. Il a par ailleurs arrêté un certain nombre de mesures destinées à accroître l'efficacité de la lutte contre la délinquance des mineurs.
Pouvez-vous, madame la ministre, exposer ces mesures devant la représentation nationale ? Je vous en remercie par avance.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous venez de le rappeler devant la représentation nationale, la délinquance des mineurs est sans doute le plus grave des problèmes de société que nous avons à affronter aujourd'hui. Vous en avez brièvement analysé les causes. Certaines sont générales - la crise économique, le chômage, la précarité -; d'autres, plus spécifiques, tiennent à la plus grande fragilité des jeunes, aux multiples carences, affectives, psychologiques et sociales, dont ils peuvent souffrir. Face à ce problème très grave et en même temps très complexe, le Gouvernement a pris un certain nombre de décisions. Partant de l'idée qu'il fallait que cela change, il s'est inspiré des propositions qui ont été excellement analysées dans le rapport Lazerges-Balduyck.
D'abord, il faut agir sur l'environnement des jeunes en responsabilisant les parents et en les aidant à assumer leurs responsabilités. Cela signifie concrètement que l'on punira plus sévèrement les parents qui enfreignent la loi, ceux qui font du recel, par exemple, lorsque leurs enfants rapportent à la maison des objets volés, ou ceux qui sont en infraction avec la législation sur les armes. Mais en même temps, on les aidera à assumer leurs responsabilités de parents en renforçant les dispositifs sociaux.
Ensuite, pour renforcer le rôle de l'école en matière de prévention, il faut lutter contre l'absentéisme scolaire et créer des classes-relais. Ces classes, dont nous devons porter le nombre de 60 environ, aujourd'hui, à 250, permettront d'accueillir et d'encadrer plus précisément ces élèves qui sèment souvent la pagaille dans les établissements et dans les classes.
Par ailleurs, favoriser l'accès des jeunes à l'emploi, c'est permettre à ceux des quartiers d'accéder véritablement, beaucoup plus qu'aujourd'hui, aux emplois-jeunes.
Enfin, en matière d'environnement il faut lutter davantage contre la violence des images. La loi sur la délinquance sexuelle permet, pour la première fois, de réglementer les jeux vidéos et de sanctionner les images violentes, celles qui incitent à la pornographie, ou pis encore aux violences sexuelles.
Les décisions prises par le Gouvernement apporteront une réponse systématique à chaque acte de délinquance. A chaque acte: une sanction !
Pour les affaires les moins graves, chaque adolescent coupable d'un acte de délinquance ou bien recevra un avertissement des services de police, ou bien sera convoqué par le procureur avec ses parents et se verra infliger une sanction qui, dans toute la mesure du possible, sera une réparation, afin qu'il prenne mieux conscience de son acte.
Pour les affaires les plus graves, il faut à la fois renforcer les sanctions et diversifier les dispositifs d'hébergement. Il doit y avoir une continuité dans la prise en charge de ces mineurs qui doivent pouvoir être accueillis, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, par des foyers ou des familles et, si nécessaire, faire l'objet de mesures d'éloignement.
Enfin, nous avons décidé d'améliorer les conditions de détention des mineurs. Je vous rappelle qu'en 1997 3 600 d'entre eux sont passés dans nos prisons.
L'application du plan gouvernemental implique une autre façon de travailler pour les services de l'Etat, c'est-à-dire une meilleure coordination, sur le terrain, de tous les services de l'Etat, en particulier des préfets et des procureurs, qui devront se pencher sur ce problème de la délinquance des mineurs, notamment dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Il faut renforcer les politiques de proximité en permettant aux services de police d'être plus proches des jeunes, développer les attributions des brigades de mineurs et coordonner davantage le travail des services de l'Etat avec celui des conseils généraux.
Ce plan d'action sérieux cherche à établir un équilibre entre la prévention et la sanction, entre des actions de type général sur la société et des actions de type plus individuel concernant les jeunes. Il aborde ce grave problème sous tous ses aspects et il tourne le dos - c'est heureux s'agissant d'un phénomène aussi grave et aussi complexe - aux effets d'annonce et à certaines propositions, qui n'étaient que des leurres mais qui n'ont malheureusement que trop fleuri dans l'enceinte de cette assemblée sous la précédente majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Vasseur. C'est purement gratuit !
M. Charles Cova. C'est de la provocation !

Données clés

Auteur : M. Damien Alary

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Jeunes

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 juin 1998

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