Première séance du lundi 06 mars 2023
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Garantir le respect du droit à l’image des enfants
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- M. Alexis Jolly
- Amendements nos 30 et 20
- Après l’article 1er
- Amendement no 23
- Article 2
- M. Alexis Jolly
- Amendements nos 14 et 21
- Article 3
- Après l’article 3
- Amendements nos 26
- Sous-amendement no 33
- Amendements nos 28 et 8, 9, 10, 11
- Article 4
- Après l’article 4
- Amendement no 16
- Titre
- Amendement no 13
- Article 1er
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 2. Prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1. Garantir le respect du droit à l’image des enfants
Discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Studer et plusieurs de ses collègues visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (nos 758, 908).
Présentation
M. le président
La parole est à M. Bruno Studer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Bruno Studer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Le droit à l’image, en particulier celui des enfants, n’a jamais présenté une importance aussi grande qu’aujourd’hui dans notre société. L’avènement des réseaux sociaux a bouleversé son exercice, comme le montrent les chiffres suivants : plus d’un internaute sur deux prend une photographie dans le but de la partager en ligne ; plus de 300 millions d’images sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux – rien que sur Facebook, le réseau social de notre génération,…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
De la vôtre ! (Sourires.)
M. Bruno Studer, rapporteur
…plus de 70 milliards de photos sont publiées annuellement ; à 13 ans, âge à partir duquel l’enfant a le droit, avec l’autorisation de ses parents, de s’inscrire sur un ou plusieurs réseaux sociaux – je salue le travail mené la semaine dernière par Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons, et l’ensemble de la majorité sur la question de la majorité numérique, une vraie avancée –, il apparaît déjà sur 1 300 photographies publiées en ligne, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches ; un tiers des enfants ont une existence numérique avant même d’être nés, par la diffusion de leur échographie.
Ces chiffres colossaux et quelque peu déroutants – ils le seraient plus encore si j’avais commencé mon propos en évoquant le « caca Nutella challenge », le « cheese challenge » ou la police des enfants – révèlent des enfants exposés non seulement parce qu’ils utilisent les réseaux sociaux sans toujours en mesurer les dangers, mais aussi parce que leurs parents appartiennent de plus en plus à une génération qui a connu ce phénomène dès l’adolescence.
Le droit à l’image des enfants occupe une place singulière dans le droit civil français car ce sont les parents, et non l’intéressé lui-même, qui consentent ou non à ce que l’image de leur enfant soit publiée ou diffusée. Ainsi, tout journaliste souhaitant filmer le visage d’un enfant doit auparavant avoir recueilli le consentement de ses parents sous peine de poursuites pénales. Mais que reste-t-il de cette règle à l’heure où des mineurs utilisent seuls les réseaux sociaux et où leurs parents publient des photos d’eux sans leur avoir demandé leur avis, puisque rien ne les y oblige, sur des plateformes dont ils ne mesurent pas toujours l’audience ?
La diffusion de photographies de famille sur les réseaux sociaux – le « sharenting » – n’obéit pas à un cadre juridique précis et présente plusieurs risques, leur détournement et leur mésusage pouvant avoir de graves conséquences pour l’enfant au présent comme au futur : usurpation d’identité, chantage, cyberharcèlement, pédopornographie, etc. Encore un chiffre, mes chers collègues : 50 % des images circulant sur les réseaux pédopornographiques ont été initialement publiées par des parents sans aucune mauvaise intention.
Qui aujourd’hui est capable de prévoir ce que deviendront les images publiées, et si ce qui est acceptable à notre époque le sera encore dans quelques années ? De surcroît, les progrès des nouvelles technologies de reconnaissance faciale pourraient permettre de faire ressurgir en quelques clics toutes les photos oubliées, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur la réputation et l’intimité des personnes concernées : je pense bien sûr aux photos impliquant la nudité, mais aussi aux nouvelles tendances telles que les vlogs – abréviation de « blogs vidéo » –, sur lesquels des familles publient des vidéos de leur vie quotidienne, ou encore aux « pranks », ces canulars consistant à jouer de la crédulité des enfants pour les effrayer ou les ridiculiser, ce qui peut faire rire au premier abord – et encore… – mais peut aussi dissimuler ce que l’on appelle désormais des violences éducatives ordinaires.
Au-delà de la somme des données personnelles ainsi partagées, il faut rappeler que le droit à l’image de l’enfant ne concerne pas seulement son visage mais aussi tout son environnement, du surnom de son doudou à ses habitudes, à son adresse, à ses caractéristiques physiques et morales, à sa santé.
Il me paraissait donc urgent de rappeler que les titulaires de l’autorité parentale ont la responsabilité de protéger leur enfant en contrôlant l’usage qu’il fait de son image, tout en respectant sa vie privée à travers leurs propres comportements numériques. Voilà ce qui implique aujourd’hui une modification du droit existant.
Cette actualisation à l’aune de l’émergence des nouvelles technologies préoccupe le législateur depuis de nombreuses années : il est intervenu à plusieurs reprises pour favoriser la protection des mineurs sur internet – la semaine dernière encore, comme je l’ai rappelé. Ainsi, dès 2016, il a amélioré le droit à l’oubli pour les plus jeunes ; en 2020, il a proposé une protection juridique spécifique pour les enfants influenceurs et permis aux mineurs de demander l’effacement des images les concernant sans l’accord de leurs parents ; en 2022, il a renforcé le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet tout en développant une nouvelle plateforme de prévention, jeprotegemonenfant.gouv.fr, sur laquelle nous devrons prévoir un espace dédié à l’exercice du droit à l’image.
La présente proposition de loi n’est pas une initiative isolée : elle s’inscrit aux côtés de deux autres propositions de loi, l’une concernant la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans, déposée par Caroline Janvier, et l’autre concernant l’instauration d’une majorité numérique, déposée par Laurent Marcangeli. Ces trois propositions de loi constituent le pendant législatif d’une stratégie de grande ampleur engagée depuis le début de l’année par le Gouvernement pour mieux protéger nos enfants sur internet.
La question du droit à l’image des enfants présente une certaine complexité juridique puisqu’elle se trouve à l’intersection entre la liberté d’expression des parents et l’intérêt supérieur de l’enfant. Il faut donc être très précis lorsqu’on fait évoluer le cadre d’exercice de l’autorité parentale. Dans la majorité des cas, les intentions des parents sont bonnes. C’est pourquoi le texte que je propose vise avant tout à sensibiliser et à responsabiliser ces derniers, afin que la sanction n’intervienne qu’en dernier recours. Mais le législateur doit tout de même tracer des lignes rouges et élaborer des mesures juridiques contraignantes pour les cas où les parents portent atteinte aux droits de leur enfant, poussés par la rémunération de la viralité ou par les injonctions au narcissisme des réseaux sociaux.
Cette proposition de loi s’adresse aussi aux mineurs qui, trop souvent, n’ont pas conscience de leurs droits et pensent que leurs parents disposent d’un droit absolu sur leur image. Certes, ce sont bien les parents qui exercent le droit à l’image pour le compte de leur enfant et expriment ainsi son consentement ; mais si le droit, en l’état, protège bien les mineurs contre les atteintes à leur vie privée venant de l’extérieur de sa famille, il n’encadre pas clairement l’intervention des parents dans la vie privée de l’enfant ni l’usage que ceux-ci peuvent faire de son image. Le présent texte complète donc les dispositions du code civil afin de moderniser la définition de l’exercice de l’autorité parentale et de la mettre à jour au vu des nouveaux défis auxquels sont confrontés les parents.
Les quatre articles du texte énoncent des principes et définissent des règles et des limites relatives à l’exercice, par les parents, du droit à l’image de leur enfant, et créent des outils juridiques contraignants qui élargissent les moyens dont dispose le juge pour, au besoin, le protéger.
L’article 1er introduit la notion de vie privée de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale, à l’article 371-1 du code civil, afin de souligner l’importance que les parents doivent accorder à cet enjeu, auquel ils doivent veiller tout comme à la sécurité, à la santé et à la moralité de leur enfant. Être parent au XXIe siècle implique d’avoir conscience de l’impératif de protection de la vie privée.
L’article 2 rétablit l’article 372-1 du code civil pour rappeler que le droit à l’image de l’enfant est exercé en commun par les parents dans le respect de la vie privée de ce dernier, qui doit être associé aux décisions concernant son image selon son âge et son degré de maturité, comme l’exige la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Le message est très clair : demandez à votre enfant s’il accepte de partager des photos de lui sur les réseaux sociaux et, s’il n’a pas l’âge d’exprimer un consentement éclairé, abstenez-vous. Car ces images peuvent faire l’objet de véritables mésusages dont nous redoutons tous aujourd’hui la portée.
L’article 3 complète l’article 373-2-6 du code civil pour prévoir une mesure spécifique d’interdiction de publication à l’encontre d’un parent qui diffuse des photos de son enfant contre l’avis de l’autre parent. Cette mesure pourrait être prononcée par le juge et compléterait des dispositions spécifiques déjà existantes. Le droit à l’image des enfants n’est pas un acte usuel.
Enfin, l’article 4 complète l’article 377 du code civil qui fixe les conditions dans lesquelles l’autorité parentale peut faire l’objet d’une délégation totale ou partielle. Actuellement, la délégation forcée a lieu en cas de désintérêt pour l’enfant, de crimes d’un parent sur l’autre parent ou d’impossibilité d’exercer toute ou partie de l’autorité parentale : il serait aussi dorénavant prévu qu’une délégation partielle pourrait être prononcée lorsque la diffusion de l’image de l’enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale. Le juge pourra ainsi se saisir de ce nouvel outil. À la suite des débats en commission – je veux, à ce propos, remercier les députés de chacun des groupes pour les interventions équilibrées et constructives qui ont été les leurs –, certains se sont inquiétés du caractère disproportionné de cette mesure et je vous proposerai une nouvelle rédaction afin de ne permettre que la délégation du seul droit à l’image – à moins bien sûr que les critères de délégation totale ne soient remplis.
L’élaboration de cette proposition de loi est le fruit de la recherche d’un point d’équilibre entre la liberté d’expression des parents et l’intérêt supérieur des enfants, entre l’importance de la sensibilisation et la nécessité de tracer des lignes rouges, entre la pédagogie et la répression. C’est ainsi que notre droit pourra faire évoluer les comportements et les mentalités tout en régulant juridiquement notre société de l’image et du numérique.
Permettez-moi pour conclure, monsieur le président, de remercier celles et ceux qui m’ont accompagné, pour certains depuis six ans, dans ce travail sur la protection du droit à l’image des enfants – je pense en premier lieu à mon collaborateur parlementaire Quentin Ehrmann-Curat. Monsieur le ministre de la justice, madame la secrétaire d’État chargée de l’enfance, je vous remercie pour votre soutien et j’y associe, pour leur qualité et leur engagement, les fonctionnaires du ministère de la justice et les membres de vos cabinets respectifs, qui m’ont particulièrement aidé. Et bien sûr, comme d’habitude, j’adresse aussi mes remerciements à l’administrateur François Joly et, à travers lui, à toutes les personnes qui font fonctionner cette belle maison qu’est l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. le président
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
« Cette femme n’était ni une victime ni un bourreau, elle appartenait à son époque. Une époque où il était normal d’être filmé avant même d’être né. […] Et si la vie privée n’était plus qu’un concept dépassé, périmé, ou pire, une illusion ? » Dans son dernier roman, Les Enfants sont rois, Delphine de Vigan traite remarquablement de la surexposition des enfants sur les réseaux sociaux par certains parents. Protéger la vie privée, notamment l’image des enfants, voilà précisément l’objet de la présente proposition de loi présentée avec conviction par M. Bruno Studer, que je tiens ici à remercier chaleureusement pour son engagement en faveur de cette cause majeure pour le Président de la République et la Première ministre. Son initiative complète le texte important présenté par le président Marcangeli et adopté à l’unanimité jeudi dernier. Toute la majorité est engagée aux côtés de mes collègues Charlotte Caubel, Jean-Noël Barrot et de moi-même sur ces questions. Je salue l’appui des députés Sarah Tanzilli, Guillaume Gouffier Valente, Mathilde Desjonquères et Naïma Moutchou, tout comme celui de la délégation aux droits de l’enfant et de sa présidente Perrine Goulet. Cet engagement dépasse les clivages partisans et je veux ici remercier la mobilisation des oppositions sur ces questions, notamment celle du député Iordanoff.
Car oui, le développement d’internet et des réseaux sociaux invite à repenser les moyens de protection pour faire face aux nouvelles dérives qui mettent à mal la vie privée et l’image des plus jeunes. Le constat partagé par tous nous impose d’agir : l’exposition des mineurs par leurs parents sur internet devient un phénomène massif porteur de risques, dont on n’a pas encore fini de mesurer l’ampleur.
Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur : avant ses 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur le compte de ses parents ou de ses proches sur 1 300 photographies publiées en ligne. Dans le même temps, les parents d’enfants âgés entre 0 et 13 ans partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an sur les réseaux sociaux. Un cinquième des parents ont des profils Facebook, réseau qui n’est pas de toutes les générations (Sourires), et la moitié d’entre eux partagent des photos avec des amis virtuels qu’ils ne connaissent pas vraiment.
Avec cette vitesse de diffusion, d’ici 2030, les informations partagées en ligne par les parents seront la première cause d’usurpation d’identité pour leurs enfants. Or les images des enfants sont des données personnelles sensibles, qui soulèvent des enjeux de pédocriminalité, d’identité numérique, d’exploitation commerciale ou encore de harcèlement. S’agissant de la pédocriminalité, je partage le constat alarmant des auteurs de la présente proposition de loi : en 2020, 50 % des images qui s’échangent sur les sites pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents.
Parallèlement, les données personnelles des enfants mises en ligne par leurs parents posent la question du droit à l’oubli et de l’identité numérique. Sur le long terme, les contenus publiés, même en toute bonne foi, par leurs parents, pourraient porter préjudice aux enfants et compromettre par exemple leur crédibilité lors d’une candidature scolaire ou professionnelle. Selon la directrice de l’association e-Enfance, les enfants devenus jeunes adultes ne sont pas libres de constituer leur propre identité numérique : ils ne partent pas de zéro. En effet, un quart des enfants nés avant 2015 possédaient déjà une identité numérique avant leur naissance.
La société du « tout-image » dans laquelle nous vivons incite chacun à mettre en scène sa vie réelle ou fantasmée. Pour cela, les parents n’hésitent pas à commettre des intrusions quotidiennes dans la vie privée de leur enfant, à des fins tant commerciales que récréatives. On ne compte plus les vidéos postées sur les réseaux sociaux, parfois de manière quasi professionnelle, dans lesquelles les enfants sont exposés à l’initiative malheureuse de leurs parents. La mise en scène de la vie des enfants peut même aller jusqu’à l’humiliation, comme le montre l’exemple particulièrement révoltant du cheese challenge. Récemment la publication de vidéos de punitions a été qualifiée par les tribunaux américains d’actes de maltraitance aggravée justifiant le retrait de la garde de l’enfant. Enfin, je n’oublie pas que, dans certains cas, les contenus mis en ligne par les parents peuvent alimenter une vague de haine et de cyberharcèlement.
Face à ces risques, et dans l’intérêt supérieur de l’enfant, il est nécessaire de cadrer les conditions d’exercice par les parents de leur autorité parentale en matière de vie privée et de droit à l’image de leurs enfants. Pendant la minorité de l’enfant, ce sont en effet les parents qui sont chargés de la protection de sa vie privée et de son droit à l’image.
Je veux ici rappeler la loi « enfants influenceurs » – loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne –, dont vous étiez déjà à l’origine, monsieur le rapporteur. Elle a constitué une première étape importante dans la protection de l’exercice du droit à l’image des enfants exposés sur les réseaux sociaux. Cependant, les risques induits par la diffusion d’images de mineurs s’étendent bien au-delà du monde des influenceurs.
C’est pourquoi la présente proposition de loi prétend aller plus loin. Dans une démarche pédagogique, sans bouleverser l’état du droit, elle prévoit des mesures graduées permettant de s’assurer de la bonne utilisation par les parents de l’image de l’enfant.
L’article 1er modifie l’article 371-1 du code civil afin d’introduire la notion de « vie privée de l’enfant » dans la définition de l’autorité parentale. Pour rappel, l’article 371-1 indique ceci : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs » ; elle vise à protéger l’enfant « dans le respect dû à sa personne ». Or, parmi les droits de la personnalité de l’enfant figure, bien sûr, celui au respect de la vie privée, lequel inclut le droit à l’image. Cet article du code civil, qui définit de manière large l’autorité parentale, se verrait ainsi précisé d’une mention relative à la vie privée du mineur. Il s’agit pour vous, monsieur le rapporteur, d’un moyen pour mettre en exergue cette notion importante, de lui donner davantage de visibilité.
L’article 2 permet d’ailleurs d’atteindre cet objectif : il prévoit de réintroduire l’article 372-1 du code civil afin de préciser que le droit à l’image de l’enfant mineur est exercé en commun par les deux parents. Le texte renvoie à l’article 9 du code civil, lequel dispose que « [c]hacun a droit au respect de sa vie privée ». Je suis favorable à l’article 2, qui pose le cadre dans lequel les parents exercent le droit à l’image de leur enfant, ce qui me semble particulièrement important à la lumière des innombrables dérives observées, que je viens d’évoquer.
L’article 3 passe au cran supérieur, si je puis dire. En cas de désaccord entre les parents dans l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur, il prévoit que le juge aux affaires familiales peut, en référé, interdire à l’un des parents de publier ou de diffuser tout contenu lorsque l’autre parent n’a pas donné son autorisation. Cet article est important car il rappelle que chaque parent ne peut mettre en ligne, en dehors du cercle familial, une photo, un film ou un enregistrement audio qui concerne la vie privée de l’enfant sans l’accord de l’autre parent. Il confie également au juge la mission d’arbitrer les éventuels différends entre les titulaires de l’autorité parentale.
L’intervention du juge ne concernera que les actes non usuels, c’est-à-dire les actes qui sont en rupture avec le passé de l’enfant, ceux qui engagent de façon déterminante son avenir, ou encore ceux qui ont une incidence sur ses droits fondamentaux. Cette différence entre actes usuels et actes non usuels est appréciée au cas par cas par les juges. Je suis donc favorable à l’article 3. Je veux d’ailleurs saluer le travail de la commission : il a permis de préciser que le contenu visé est bien sûr celui qui est relatif à l’enfant.
Enfin, l’article 4 – le dernier de cette proposition de loi – concerne les cas les plus graves, qui ne correspondent pas pour autant à une situation de danger nécessitant l’intervention du juge des enfants. Cette disposition ouvre la voie à une délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale dans les situations où le comportement des parents entre en conflit avec l’intérêt de l’enfant. Ce nouveau cas de délégation de l’exercice de l’autorité parentale concernera les situations qui ne relèvent pas de la compétence du juge des enfants, mais où les parents exercent leur droit à l’image d’une manière particulièrement attentatoire à la dignité ou à l’intégrité morale de leurs enfants. L’exercice du droit à l’image de l’enfant pourra alors être confié à un tiers soucieux de son intérêt.
Face à une exposition accrue des enfants sur internet et à des risques internes provenant du foyer familial, il est indispensable de repenser la notion de « droit à l’image » des enfants et de responsabiliser davantage leurs parents. Je me réjouis donc des débats qui s’annoncent cet après-midi. Vous l’aurez compris, mesdames et messieurs les députés : je soutiendrai cette proposition de loi avec force et conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enfance.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance