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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
XVIIe LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2024
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES,
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325),
par M. Jean-Didier Berger
Député
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SOMMAIRE
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Pages
PremiÈre partie : l’Équilibre gÉnÉral et les recettes
2. Une situation excédentaire pour les exercices en cours et à venir
B. LE solde pour 2024 est marquÉ par la modération de la croissance et la normalisation des prix
1. Un contexte de croissance modérée et de normalisation des prix
2. La dégradation du solde rectifié pour les régimes obligatoires de base en 2024
3. Un surcroît de dépenses plus important que celui des recettes
1. Un scénario macroéconomique pour 2025 jugé « fragile » par le HCFP
2. Une légère amélioration du solde prévisionnel pour les régimes obligatoires de base en 2025
1. La gestion différenciée du flux et du stock de dette avant la crise
a. Les déficits accumulés dans le bilan du régime général pèsent sur la trésorerie de l’ACOSS
b. La cible d’une extinction en 2033 est fragilisée par l’accumulation des déficits sociaux
II. Les recettes : une réforme d’ampleur du paysage des exonérations de cotisations sociales
1. Les règles de compensation des allègements sociaux
I. Les dÉpenses de la branche maladie
C. uNE augmentation modérée de l’ONDAM en 2025 résultant d’une maîtrise accrue DES déPENSES
1. Un ONDAM pour 2025 fixé à 263,9 milliards d’euros
2. Les mesures nouvelles visant à réaliser des économies en dépenses
a. Le renforcement de la régulation des médicaments et dispositifs médicaux
b. Renforcer l’efficience de la dépense au sein des établissements de santé
c. Lutter contre la pénurie de médicaments
II. Les dÉpenses de la branche vieillesse
A. eN 2023, une croissance des dépenses qui ralentit légèrement
B. en 2024, une forte accélération des dépenses sous l’effet de la revalorisation des prestations
1. L’objectif de dépenses et les dépenses du FSV
2. L’évolution des dépenses après 2025
III. Les dÉpenses de la branche famille
A. En 2023, un accroissement des Dépenses de prestations porté par l’effet prix
B. En 2024, les revalorisations contribuent à l’augmentation des dépenses de prestations
C. En 2025, les dÉpenses demeurent DYNAMIQUES EN l’absence de mesures nouvelles
1. Les déterminants de l’évolution hors mesures nouvelles
IV. Les dÉpenses de la Branche accidents du travail – maladies professionnelles
A. UNE INCIDENCE IMPORTANTE DE LA REVALORISATION SUR LES DÉPENSES DE LA BRANCHE EN 2023
B. Un ACCROISSEMENT DE LA DéPENSE À un rythme moins soutenu EN 2024
C. En 2025, un accroissement de la dÉpense dans la continuitÉ des exercices prÉcÉdents
1. Des dépenses qui poursuivent une croissance plutôt soutenue
2. Une mesure nouvelle ayant des incidences en dépenses
V. Les dÉpenses de la branche autonomie
A. en 2023, UNE AUGMENTATION FRANCHE DES DéPENSES DE LA BRANCHE
B. Une augmentation soutenue par l’augmentation des dépenses de prestations sociales en 2024
C. En 2025, des dÉpenses portées par des évolutions tendancielles et par DES mesureS nouvelleS
1. Une progression des dépenses s’expliquant en partie par le taux de reconduction
2. Les mesures nouvelles ayant un effet en dépenses
Ce rapport présente, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, l’avis de M. Jean-Didier Berger sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
● Sur la forme, il s’agit du second PLFSS à voir s’appliquer intégralement les dispositions de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022, laquelle a révisé en profondeur la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS).
Ainsi, les LFSS de l’année comprennent désormais une partie modifiant l’équilibre pour l’exercice en cours – ce à quoi peuvent également procéder les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale (LFRSS), catégorie à laquelle il n’a été recouru que trois fois ([1]) – et deux parties respectivement consacrées aux recettes puis aux dépenses de celui à venir. Les dispositions relatives au dernier exercice clos, qui faisaient l’objet de la première partie jusqu’à la LFSS pour 2023, sont désormais comprises dans la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS).
L’Assemblée nationale a rejeté le PLACSS de l’année 2022 puis le PLACSS de l’année 2023 ([2]). L’examen en séance publique du PLACSS de l’année 2023, interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, était indispensable à la mise en discussion du PLFSS pour 2025. En effet, la mise en discussion du PLFSS de l’année à venir est subordonnée à l’examen préalable, en séance publique, de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale afférente à l’année qui précède ([3]). Un texte en tout point identique à la première version du PLACSS de l’année 2023 a été rejeté en première lecture par l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024, cet examen permettant la mise en discussion du PLFSS pour 2025.
Surtout, la nomination tardive du Gouvernement, le 21 septembre 2024, a retardé le dépôt du PLFSS pour 2025. Le premier alinéa de l’article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale dispose que le PLFSS de l’année et ses annexes sont déposés « au plus tard le premier mardi d’octobre » sur le bureau de l’Assemblée nationale, soit, cette année, le mardi 1er octobre 2024. Le dépôt du PLFSS pour 2025 le jeudi 10 octobre 2024, avec plus d’une semaine de retard sur le calendrier organique, induit des conditions d’examen inédites depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale.
● Sur le fond, le texte dont le Gouvernement demande l’approbation pour 2025 est marqué par un effort de redressement des comptes sociaux.
* En recettes (645,5 milliards d’euros attendus en 2025), le rapporteur pour avis a concentré son analyse sur les mesures de soutien aux agriculteurs, de réforme des allègements généraux et ciblés de cotisations sociales et de financement de la trésorerie des ROBSS :
– l’alignement de l’effort contributif des non-salariés agricoles sur celui des travailleurs indépendants (article 3), la pérennisation du dispositif d’exonération de cotisations patronales dit TO-DE, applicable à l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (article 4), et l’instauration du cumul de l’exonération réservée aux jeunes agriculteurs (JA) et des taux réduits de droit commun des cotisations maladie et famille (article 5) ;
– la refonte des allègements généraux par la création d’un régime d’exonération dégressive unique dont le point de sortie se situe à 3 fois le SMIC (article 6), ainsi que la rationalisation de niches sociales ciblées sur certains secteurs dont publics (article 7) ;
– le relèvement du plafond en deçà duquel l’ACOSS est autorisée à recourir à des ressources non permanentes et de sa durée d’emprunt maximale (article 13).
* En dépenses (661,5 milliards d’euros attendus en 2025, dont 264 milliards d’euros pour l’assurance maladie) :
– le renforcement de la régulation des médicaments et dispositifs médicaux par la mise en place de conventions pour maîtriser les dépenses remboursées par l’assurance maladie dans des secteurs dynamiques, tels que l’imagerie et la biologie (article 15), l’extension du dispositif d’accompagnement à la pertinence des prescriptions aux transports de patients et aux examens de biologie (article 16), ainsi que l’obligation de remontée de données d’utilisation pour garantir l’efficacité des dispositifs médicaux (article 20) ;
– la maîtrise des dépenses des établissements de santé avec des mesures de régulation des transports sanitaires (article 17) et l’extension du plafonnement des rémunérations en intérim médical aux personnels non-médicaux et de maïeutique des établissements publics, sanitaires, sociaux et médico-sociaux (article 18) ;
– la lutte contre les tensions d’approvisionnement avec la généralisation de la dispensation à l’unité des médicaments, l’extension des ordonnances conditionnelles pour certains médicaments à risque, ainsi que la prise en charge dérogatoire d’alternatives aux dispositifs en rupture (article 19) ;
– la transformation du financement des EHPAD pour les conseils départementaux volontaires (article 21) ;
– une réforme des retraites pour le régime agricole visant à aligner le calcul des pensions sur un système par annuités, prenant en compte les vingt-cinq meilleures années de revenus (article 22) et une maîtrise de la dynamique des prestations de retraite via le décalage de la date de revalorisation annuelle des prestations d‘assurance vieillesse du 1er janvier au 1er juillet (article 23) ;
– une réforme des modalités d’indemnisation du déficit fonctionnel permanent (article 24).
Le rapporteur pour avis considère que le PLFSS pour 2025 constitue une première étape en vue du redressement des comptes sociaux, en se félicitant que le Gouvernement ait formulé un ensemble de propositions de nature législative et réglementaire susceptible de générer une économie de 14,8 milliards d’euros. Il alerte toutefois sur l’accumulation des déficits des régimes obligatoires de base, lesquelles représentent une dette sociale qui ne dit pas son nom en l’absence de reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Il appelle par ailleurs à adopter une approche équilibrée entre le soutien à la compétitivité des entreprises et la maîtrise du coût des exonérations sociales pesant sur le budget de l’État et, dans une moindre mesure, de la sécurité sociale.
Le rapporteur pour avis salue l’effort de maîtrise de la dépense que propose le PLFSS pour 2025. Il relève toutefois deux points d’attention.
En premier lieu, le rapporteur pour avis rappelle la nécessité de contenir les dépenses d’indemnités journalières, qui participeraient à hauteur de près de 500 millions d’euros au dépassement de l’ONDAM en 2024 et pourraient encore augmenter de 5 % en 2025. Cette situation plaide, selon le rapporteur pour avis, pour examiner l’opportunité d’une modification du délai de carence, soit pour en étendre la durée, soit pour le faire évoluer en fonction du nombre de congés de maladie pris par les agents ou les salariés au cours de l’année.
En second lieu, le rapporteur pour avis invite à la prudence concernant le report de l’indexation des prestations de retraite du 1er janvier au 1er juillet à compter de 2025. Une telle mesure est, en effet, de nature à remettre en cause la confiance que les retraités placent en l’État pour assurer le versement régulier et indexé de leurs pensions.
*
* *
Conformément à l’article L.O. 111-8 du code de la sécurité sociale, « en vue de l’examen et du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année, et sans préjudice de toute autre disposition relative à l’information et au contrôle du Parlement, les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond de ce projet et les autres commissions concernées adressent au Gouvernement, avant le 10 juillet de chaque année, des questionnaires relatifs à l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Celui-ci y répond par écrit au plus tard le 8 octobre ».
La réunion de la nouvelle législature, à compter du 18 juillet 2024, n’a pas permis à la commission des finances d’adresser au Gouvernement le questionnaire relatif au PLFSS pour 2025 à une date conforme aux dispositions organiques. Ledit questionnaire a été transmis le 31 juillet 2024.
Dans un contexte inédit marqué par le dépôt tardif du PLFSS pour 2025, aucune des quarante-et-une réponses attendues n’avait été transmise au rapporteur pour avis à la date du 8 octobre 2024. S’il est conscient du contexte inédit dans lequel intervient l’examen du PLFSS pour 2025, le rapporteur pour avis regrette qu’aucune réponse écrite ne lui soit parvenue à la date du 23 octobre 2024.
*
* *
Nota bene : dans les tableaux et graphiques du présent rapport pour avis, des effets d’arrondis ou de transferts peuvent expliquer que les totaux soient légèrement inférieurs ou supérieurs à l’addition des agrégats qu’ils retracent.
PremiÈre partie :
l’Équilibre gÉnÉral et les recettes
La présente partie porte sur les articles figurant dans la première et la deuxième partie du PLFSS pour 2025, à l’exception de l’article 2 relatif à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), abordé dans la seconde partie du rapport pour avis, et de l’article 9 réformant les modalités d’appel des clauses de sauvegarde sur les médicaments et dispositifs médicaux.
Il analyse les perspectives d’ensemble pour le budget de la sécurité sociale (I), ainsi que les principales dispositions s’agissant des recettes (II), lesquelles sont abordées successivement au titre des mesures de soutien au secteur agricole et de la réforme des allègements généraux de cotisations patronales et de divers dispositifs dérogatoires ciblés.
I. La situation DÉgradÉe des comptes sociaux : un dÉficit en lÉgÈre baisse en 2025, le défi de la soutenabilité ensuite
Il convient de rappeler, en introduction, que la révision organique du 14 mars 2022 a mis un terme à la convention suivant laquelle le solde de la sécurité sociale s’entendait comme l’addition de celui des branches du seul régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV).
● Le solde de la sécurité sociale s’entend désormais de l’ensemble constitué des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et du FSV. Ces premiers regroupent les régimes couvrant les assurés contre les cinq risques sociaux suivants : la maladie, les accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP), les coûts engendrés par la famille ou la vieillesse et la perte d’autonomie ([4]). Le régime général des salariés du secteur privé, qui couvre également les indépendants depuis le 1er janvier 2018 ([5]), occupe une place prépondérante parmi l’ensemble des ROBSS. Il représente 492,8 milliards d’euros de dépenses et 482,1 milliards d’euros de recettes en 2023, soit respectivement 80,7 % et 80,6 % du total des ROBSS pour cet exercice ([6]). Toutefois, il existe aux côtés du régime général d’autres régimes de base, correspondant à des activités ou à des statuts d’emplois spécifiques : les deux régimes qui couvrent les exploitants et les salariés agricoles, les deux régimes regroupant les professions libérales et les différents régimes spéciaux ou assimilés, comme celui des fonctionnaires de l’État, des agents de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), du personnel des industries électriques et gazières (CNIEG) ou des marins (ENIM). Une partie des régimes spéciaux sont dits fermés, en ce qu’ils ont cessé d’accueillir de nouveaux assurés. Les nouveaux cotisants intégrant les entreprises et institutions en relevant sont ainsi affiliés au régime général ([7]).
L’annexe 1 du PLFSS pour 2025, qui présente de manière exhaustive les ROBSS dont le financement est régi par les LFSS, fait état de trente-deux régimes de base au total ([8]).
● Les derniers résultats excédentaires de la sécurité sociale ont été enregistrés entre 1999 et 2001, période marquée par une « conjoncture salariale extrêmement favorable ». À compter de l’exercice 2002, les comptes sociaux se dégradent fortement et affichent des déficits chroniques. M. François Monier, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), alerte dès 2004 sur la « situation de déséquilibre structurel » du régime général, dont il estime qu’elle « ne pourra être corrigée durablement que par des mesures structurelles » ([9]). Vingt ans après cet avertissement, le déficit des ROBSS et du FSV continue de se creuser sans perspective raisonnable de stabilisation et moins encore de retour à l’équilibre.
Plusieurs périodes peuvent être distinguées depuis le retour au déficit des régimes obligatoires de base en 2002 :
– déficitaire depuis 2002, le résultat avait connu un premier point bas lors de la crise de 2009 et 2010, avec un passif de 24,9 puis de 29,6 milliards d’euros ;
– le solde s’était ensuite amélioré jusqu’en 2019 (– 1,7 milliard d’euros), une fois les difficultés sur les marchés bancaires surmontées et d’importantes réformes engagées ;
– alors que la sécurité sociale devait se rapprocher de l’équilibre à l’horizon 2023, les conséquences de la crise sanitaire ont bouleversé cette trajectoire de rétablissement des comptes sociaux, de sorte que le déficit avait atteint un pic historique de 39,7 milliards d’euros en 2020 ;
– un redressement s’est produit jusqu’à l’exercice 2023 dans un contexte de forte inflation, de reprise de l’activité et de quasi‑extinction des dépenses liées à l’épidémie de la covid-19, avec une amélioration du solde par un facteur de 3,7 en trois ans, pour un résultat déficitaire de 10,8 milliards d’euros en 2023, imputable aux branches maladie (– 11,1 milliards d’euros) et vieillesse (– 2,6 milliards d’euros) ;
– en raison d’un effet de ciseau, le déficit s’établirait à 18 milliards d’euros en 2024 sous l’effet du moindre dynamisme des recettes, dû au ralentissement de la progression de la masse salariale, et de la hausse des dépenses liée à la revalorisation des prestations sociales ;
– si les mesures nouvelles proposées dans le PLFSS pour 2025 conduiraient à une amélioration modeste et temporaire du solde des ROBSS et du FSV en 2025 (– 16 milliards d’euros), le déficit se creuserait de nouveau à partir de 2026 pour atteindre 19,9 milliards d’euros en 2028, soit un retour à la situation dégradée de 2022.
Évolution du dÉficit agrÉgÉ des rÉgimes obligatoires de base
et du fonds de solidaritÉ vieillesse de 2008 À 2028
(en milliards d’euros)
Source : commission des finances, d’après les annexes des LFSS pour 2010 à 2024 et du rapport annexé au PLFSS pour 2025.
● La trajectoire financière de la sécurité sociale retracée supra est moins favorable que les dernières prévisions pluriannuelles connues, inscrites dans la LFSS pour 2024 et dont la rectification était proposée dans le PLACSS de l’année 2023 pour les exercices 2023 et 2024.
En revanche, la différence constatée d’une LFSS à une autre (puis à une LACSS) ne saurait s’assimiler à une sur‑exécution ou une sous-exécution, contrairement au cadre d’analyse applicable à la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes concernant l’État. En effet, les 1° à 3° de l’article L.O. 111-3-5 du code de la sécurité sociale disposent que la LFSS « fixe les charges prévisionnelles des organismes concourant au financement des ROBSS ; fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l’ensemble des ROBSS […] ; fixe l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs ». Dès lors, les agrégats financiers retracés dans la LFSS présentent un caractère indicatif et non limitatif, ce que traduit l’usage du terme « objectifs » plutôt que celui de « plafonds » par le législateur organique ([10]). Une part essentielle des charges des ROBSS et du FSV correspondent à des dépenses dites de guichet, dont les assurés ont le droit de bénéficier même en cas de dépassement des objectifs.
Le PLFSS pour 2025 comprend un article liminaire retraçant la situation de l’ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO) (A). Le solde des ROBSS et du FSV se dégrade fortement en 2024 par rapport à l’année précédente et à la prévision de la dernière LFSS (B), puis connaîtrait une amélioration modérée et temporaire en 2025 (C). Enfin, l’accumulation des déficits des régimes de base, dont témoigne le relèvement du plafond et de la durée d’emprunt de l’ACOSS proposé par le PLFSS pour 2025, fragilise l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la CADES à l’horizon 2033 (D).
A. L’article liminaire prévoit que le solde des administrations de sécurité sociale serait nul en 2025
La disposition qui précède les trois parties de la LFSS améliore l’information du Parlement sur un périmètre plus large que les comptes inclus dans domaine de la LFSS. Il s’agit d’une novation introduite par la révision organique du 14 mars 2022 (1). Le solde serait nul pour l’exercice 2024 et légèrement positif pour l’exercice 2025 (2).
DÉcomposition du solde effectif et projetÉ de 2020 À 2026
(en points de PIB)
Note : les prévisions de solde des sous-secteurs des administrations publiques ne sont pas indiquées au-delà de l’année 2026, en raison de la caducité des prévisions pluriannuelles figurant dans le programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. À l’inverse, la trajectoire de solde prévisionnel toutes APU inscrite dans l’article liminaire du PLF pour 2025 repose sur les hypothèses les plus récentes fournies par le Gouvernement pour les années 2025 et 2026.
Source : comptes nationaux de l’INSEE (31 mai 2024) pour l’année 2020 ; programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 ; article liminaire du projet de loi de finances pour 2025 pour les années 2023 à 2025.
1. Un enrichissement de la LFSS sur le champ des administrations de sécurité sociale dans leur ensemble
Créé par la loi organique du 14 mars 2022, le nouvel article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale dispose que « dans son article liminaire, la loi de financement de l’année présente, pour l’exercice en cours et pour l’année à venir, l’état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale ». Une telle configuration rapproche la LFSS de la LACSS mais la distingue des lois de finances – initiales, rectificatives ou de fin de gestion–, ainsi que des LFRSS ([11]), dont l’article liminaire concerne l’ensemble des administrations publiques (APU), conformément à l’article 1er H de la LOLF.
Il convient de faire le départ entre l’agrégat européen des administrations de sécurité sociale (ASSO), plus large que la sécurité sociale au sens du dix‑septième alinéa de l’article 34 de la Constitution – et à plus forte raison à celui de la LOLFSS –, et les régimes obligatoires de base (ROBSS) et leurs satellites, objet principal du présent rapport pour avis.
Les ASSO sont l’un des sous-secteurs d’administration publique du système européen des comptes nationaux (SEC 2010) établi par la direction générale des statistiques de la Commission européenne (EUROSTAT), les deux autres catégories d’administrations définies par la nomenclature européenne étant les administrations publiques centrales (APUC) et les administrations publiques locales (APUL). Aux termes du paragraphe 20.67 du SEC 2010, relèvent du sous-secteur des ASSO « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes » ainsi que « les hôpitaux publics [qui] fournissent un service non marchand à la communauté dans son ensemble et s’ils sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale ».
L’article liminaire du PLFSS pour 2025 précise que, dans le cas de la France, les ASSO regroupent l’ensemble des ROBSS, les régimes de retraite complémentaire obligatoires, comme l’AGIRC-ARRCO pour les salariés du secteur privé, et l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) pour une large partie des agents publics non titulaires, l’assurance chômage (Unédic), les hôpitaux, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), ainsi que les fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV) et de réserve pour les retraites (FRR).
2. Une situation excédentaire pour les exercices en cours et à venir
D’après l’article liminaire du PLFSS pour 2025, les ASSO afficheraient un solde nul en 2024, contre une prévision d’excédent à hauteur de 0,6 point de PIB dans la LFSS pour 2024, puis un solde positif à hauteur de 0,2 point de PIB en 2025.
Le rapporteur pour avis s’étonne que l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2025 fasse état d’un solde des ASSO de 0,4 % du PIB en 2023, alors même que le PLACSS de l’année 2023 redéposé par le Gouvernement le 19 juillet dernier et rejeté en première lecture par l’Assemblée nationale le 15 octobre dernier mentionne un solde de 0,5 % du PIB en 2023. Aucune explication n’est fournie à l’appui de ces nouvelles données dans l’exposé de l’article liminaire et les documents annexés. L’écart pourrait être dû à des remontées d’informations comptables tardives pour les organismes autres que les ROBSS relevant du périmètre des ASSO, à la manière des hôpitaux publics. Le déficit de ces derniers dépasserait 2 milliards d’euros en 2024 selon la Fédération hospitalière de France (FHF) ([12]).
prÉvisions de dÉpenses, recettes et solde des asso
(en point de PIB)
|
2023 |
2024 |
2025 |
Recettes |
26,7 |
26,6 |
26,7 |
Dépenses |
26,2 |
26,6 |
26,4 |
Solde |
0,4 |
0 |
0,2 |
Source : article liminaire du PLFSS pour 2025 et article liminaire du PLACSS de l’année 2023.
Le rapporteur pour avis constate que la trajectoire inscrite dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 ([13]), considérée comme définitivement adoptée par l’Assemblée nationale il y a moins d’un an, est d’ores et déjà caduque. En effet, les objectifs figurant à l’article 3 de la LPFP 2023-2027 visaient un solde des ASSO à hauteur de 0,6 point de PIB en 2024 et 0,7 point de PIB en 2025.
L’exposé de l’article liminaire du PLFSS pour 2025 se borne à indiquer que « les excédents de la CADES […] contribuent largement au solde de l’ensemble [du sous-secteur des ASSO] ». Le rapporteur pour avis a déjà alerté, lors de l’examen du PLACSS de l’année 2023, sur « l’amélioration en trompe-l’œil de la situation financière des administrations de sécurité sociale » attachée à la comptabilisation des sommes amorties par la CADES parmi les recettes des ASSO ([14]). En effet, le solde annuel de la CADES correspond à la dette sociale amortie nette de la charge des intérêts des emprunts qu’elle émet. La contribution artificielle de l’amortissement des déficits passés des ROBSS au résultat excédentaire des ASSO ne peut qu’interpeller.
B. LE solde pour 2024 est marquÉ par la modération de la croissance et la normalisation des prix
Il convient de rappeler que le solde des ROBSS et du FSV de l’année 2023 devait être arrêté par le PLACSS afférent à cet exercice. Rejeté en première lecture par l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024, le texte faisait état d’un déficit agrégé de 10,8 milliards d’euros en 2023, soit une réduction de près de moitié par rapport à l’année 2022, où il s’élevait à 19,6 milliards d’euros.
En raison d’un contexte économique marqué par la modération de la croissance et la normalisation des prix (1), les déficits des régimes obligatoires de base pour l’exercice en cours seraient significativement aggravés par rapport à la prévision initiale (2).
1. Un contexte de croissance modérée et de normalisation des prix
Après une hausse du produit intérieur brut (PIB) de 6,8 % en 2021 et de 2,5 % en 2022, signe d’une reprise vigoureuse après la crise liée à l’épidémie de la covid-19, la croissance du PIB en volume – c’est-à-dire corrigée du niveau de l’inflation et corrigée des jours ouvrables (CJO) pour neutraliser les effets du calendrier – s’est établie à 1,1 % en 2023 ([15]).
● La croissance du PIB demeurerait modérée en 2024, s’élevant de nouveau à 1,1 % en moyenne annuelle. Il s’agit d’une hausse de 0,1 point par rapport aux hypothèses soumises à la Commission européenne en avril 2024 dans le cadre du programme de stabilité (Pstab) pour les années 2024 à 2027. Aux termes de la saisine du Haut Conseil des finances publiques par le Gouvernement, « l’accélération de l’économie serait retardée en 2024 par l’effet du resserrement monétaire passé et de l’incertitude économique », notamment en raison des aléas de la conjoncture internationale, telles que les élections présidentielles américaines de novembre et la perspective d’une nouvelle récession en Allemagne ([16]).
L’acquis de croissance à la moitié de l’année 2024 se situe à 0,9 % du PIB, porté pour l’essentiel par le commerce extérieur et les dépenses publiques. Dans sa note de conjoncture de septembre dernier, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) indique que la cible de croissance du PIB de 1,1 % ne nécessite qu’une faible croissance au second semestre de l’année 2024. Celle-ci devrait être atteinte sous l’effet de la hausse des dépenses des ménages dans le cadre de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris (achat de billets, dépenses dans l’hôtellerie-restauration et les transports, etc.).
Dans son avis du 9 octobre dernier, rendu en application du IV de l’article 61 de la LOLF, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé « réaliste » le scénario de Gouvernement pour l’année en cours quant au PIB, à l’indice des prix à la consommation (IPC) et à la masse salariale, ainsi que « cohérentes avec les informations comptables et budgétaires disponibles et avec le scénario macroéconomique » les prévisions de recettes, de dépenses et de solde public pour 2024.
Variation des Principales hypothÈses macroÉconomiques
retenues par le Gouvernement pour 2024
(en pourcentage)
|
PLF et PLFSS |
PSTAB |
PLF et PLFSS |
Produit intérieur brut (PIB) |
+ 1,4 % |
+ 1 % |
+ 1,1 % |
Masse salariale ([17]) |
+ 3,6 % |
+ 2,9 % |
+ 2,9 % |
Indice des prix à la consommation (IPC) |
+ 2,6 % |
+ 2,5 % |
+ 2,1 % |
Consommation des ménages |
+ 1,8 % |
+ 1,6 % |
+ 0,7 % |
Consommation des APU |
+ 1,4 % |
+ 0,1 % |
+ 2,7 % |
Formation brute de capital fixe (FBCF) |
+ 0,3 % |
– 0,4 % |
– 1,7 % |
Importations |
+ 3,1 % |
+ 0,8 % |
– 1,1 % |
Exportations |
+ 3,5 % |
+ 2,1 % |
+ 2,1 % |
Source : PLF et PLFSS pour 2024 et 2025 ; PSTAB pour 2024 à 2027.
Le dernier rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) ([18]) insiste sur la « normalisation de l’inflation et des salaires » en 2024. La croissance de la masse salariale du secteur privé (+ 2,9 %) serait plus modérée qu’en 2023 (+ 5,4 %) sous l’effet de la normalisation des prix dans un contexte de désinflation, qui induit également la décélération du salaire moyen par tête (SMPT). Ce dernier progresserait de 3,1 % en 2024, contre 4,3 % en 2023.
● Inévitablement, la modération de l’activité économique et celle de la croissance de la masse salariale ont une incidence sur les finances sociales :
– d’un côté, les recettes inscrites dans le PLFSS reposent en grande partie sur l’activité, via les rémunérations au titre de la contribution sociale généralisée (CSG), ou via la consommation s’agissant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des accises sur les tabacs ou l’alcool ;
– de l’autre, de nombreux dispositifs de solidarité sont indexés, pour tout ou partie sur le coût de la vie, au premier titre desquels les pensions de retraite.
Le dernier rapport du Gouvernement à la CCSS estime ainsi qu’une variation d’un point de PIB correspond à un surcroît de dépenses de près de 2,5 milliards d’euros sur le champ de l’ONDAM, dont 2,2 milliards d’euros pour l’assurance maladie. Par ailleurs, la hausse d’un point du taux d’inflation représente près de 3,2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires au titre de la revalorisation légale des prestations, dont 2,5 milliards d’euros pour la seule branche vieillesse.
Sensibilité des produits et des charges des ROBSS
aux principales hypothèses économiques, budgétaires et fiscales
(en millions d’euros)
Source : rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale (octobre 2024).
2. La dégradation du solde rectifié pour les régimes obligatoires de base en 2024
L’article 1er du PLFSS pour 2025 indique qu’à la fin de l’année en cours, les ROBSS seraient en déficit à hauteur de 18,9 milliards d’euros. Ce résultat serait réduit à 18 milliards d’euros en y intégrant celui du FSV, en équilibre pour la troisième année consécutive.
La branche maladie aurait à elle seule un déficit de 14,6 milliards d’euros, majoré de 3,5 milliards d’euros par rapport à son niveau de 2023 et de 6,1 milliards d’euros en comparaison avec la prévision de la LFSS pour 2024. Le déficit de la branche vieillesse s’établirait à 6,3 milliards d’euros, en hausse de 3,7 milliards d’euros par rapport à 2023 et de 0,5 milliard d’euros en comparaison avec la prévision de la LFSS pour 2024.
Contrairement à la prévision initiale de solde positif, la branche autonomie serait déficitaire à hauteur de 0,9 milliard d’euros en 2024, soit une aggravation de 0,3 milliard d’euros par rapport à 2023.
SOlde des branches des ROBSS et du fSV en 2024
(en milliards d’euros)
|
Prévision |
Prévision rectifiée |
Maladie |
– 8,5 |
– 14,6 |
Accidents du travail et maladies pro. |
+ 1,1 |
+ 0,7 |
Vieillesse |
– 5,8 |
– 6,3 |
Famille |
+ 0,8 |
+ 0,4 |
Autonomie |
+ 1,2 |
– 0,9 |
Régimes obligatoires de base |
– 11,3 |
– 18,9 |
Fonds de solidarité vieillesse |
+ 0,8 |
+ 0,8 |
ROBSS + FSV |
– 10,5 |
– 18 |
Source : articles 1ers de la LFSS pour 2024 et du PLFSS pour 2025.
Les données du PLFSS pour 2025 concernant l’exercice 2024 montrent une dégradation du déficit des ROBSS et du FSV de 7,2 milliards d’euros par rapport à la clôture des comptes de 2023, mais aussi une dégradation par rapport aux estimations initiales pour 2024 soumises au Parlement.
3. Un surcroît de dépenses plus important que celui des recettes
Le PLFSS pour 2025 indique que les recettes des ROBSS et du FSV représenteraient 625,3 milliards d’euros en 2024, soit une baisse de 6,2 milliards d’euros par rapport à la prévision (– 1 %). Les dépenses s’élèveraient à 643,4 milliards d’euros en 2024, soit 1,4 milliard d’euros au-dessus de la cible initiale (+ 0,2 %). Le dernier rapport du Gouvernement à la CCSS signale ainsi que « la dégradation du déficit traduit une dynamique beaucoup plus forte des charges que celle des produits, pourtant soutenue ».
Recettes et dÉpenses des branches des ROBSS et du FSV en 2024
(en milliards d’euros)
|
Rectification PLFSS pour 2025 |
||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Maladie |
239 |
253,6 |
– 14,6 |
Accidents du travail et maladies pro. |
16,7 |
16 |
+ 0,7 |
Vieillesse |
287,4 |
293,7 |
– 6,3 |
Famille |
58,3 |
57,9 |
+ 0,4 |
Autonomie |
40,9 |
40 |
– 0,9 |
Régimes obligatoires de base |
624,2 |
643,0 |
– 18,9 |
Fonds de solidarité vieillesse |
21,4 |
20,6 |
+ 0,8 |
ROBSS + RSV |
625,3 |
643,4 |
– 18 |
Source : article 1er du PLFSS pour 2025.
● Dans un contexte de normalisation de la situation sanitaire liée à l’épidémie de la covid‑19 et de désinflation, les dernières prévisions du PLFSS pour 2025 indiquent que les dépenses ont progressé plus rapidement que les recettes entre 2023 et 2024. Les premières progressent de 32,7 milliards d’euros (+ 5,1 %) sur la période, contre une hausse des recettes de 25,3 milliards d’euros (+ 4 %).
La différence de dynamisme s’explique en partie par la baisse de l’inflation, dont l’incidence est plus rapide sur les recettes que sur les dépenses en raison des règles de revalorisation légale des prestations servies par les ROBSS ([19]). La modération de l’inflation constatée en 2024 aurait ainsi un effet différé – à compter de 2025 – à la baisse sur les dépenses, les recettes étant quant à elles plus sensibles à la conjoncture et à la décélération des assiettes qui les financent. L’annexe A du PLFSS pour 2024 résumait ainsi l’absence de symétrie d’une évolution de l’inflation en année n : « le retour progressif d’une inflation en-dessous de 2 % après des niveaux de l’ordre de 5 % en 2022 et 2023 […] produirait ses effets dans deux temporalités distinctes sur les dépenses et les recettes : les dépenses réagissent avec un délai de l’ordre d’une année du fait des règles de revalorisation automatique des prestations, tandis que les recettes réagissent plus instantanément ; il s’ensuit un effet retard favorable au solde dans les périodes de hausse de l’inflation, mais défavorable en période de baisse ».
Le dernier rapport du Gouvernement à la CCSS souligne que l’indexation des prestations monétaires servies par les ROBSS a produit « un effet maximal en 2024 ». À titre d’exemple, les charges de la branche vieillesse s’établissent à 294,1 milliards d’euros en 2024, en hausse de 6,8 % par rapport à 2023. Cette hausse est due pour 5,3 points de pourcentage à l’effet de la revalorisation légale des pensions, ces dernières étant en principe revalorisées chaque année au 1er janvier en fonction de l’évolution des prix à la consommation hors tabac ([20]).
● En dépit de la décélération marquée de la masse salariale en 2024 (+ 2,9 %) par rapport à 2023 (+ 5,4 %), le rendement des cotisations du secteur privé croîtrait cette année de 4 %, marquant un léger ralentissement par rapport à 2023 (+ 4,3 %). Il atteint 302,8 milliards d’euros en 2024. Le dernier rapport du Gouvernement à la CCSS insiste sur la moindre progression des allègements généraux. Leur coût s’établirait à 78,7 milliards d’euros en 2024, soit une hausse de 0,8 % par rapport à 2023, après une augmentation de 10,1 % en 2023. Cette modération est due à une progression du SMPT (+ 3,1 %) plus importante que celle du SMIC (+ 1,8 %) en 2024, conduisant à réduire l’assiette salariale des allègements généraux sur les plus bas salaires.
En parallèle, la CSG affectée aux branches progresserait plus fortement en 2024 (+ 5,8 %) qu’en 2023 (+ 4,5 %) pour atteindre 127,8 milliards d’euros. Cette progression est principalement due à la réaffectation, à compter du 1er janvier 2024, de 0,15 point de CSG de la CADES à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) en application de l’article 3 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie. Chargée de la gestion de la branche autonomie, la CNSA a ainsi bénéficié d’un apport de recettes supplémentaires à hauteur de 2,6 milliards d’euros en 2024.
Les autres recettes fiscales verraient également leur produit ralentir. Le rendement de la TVA serait en hausse de 1,6 % en 2024, après 3,2 % en 2023, et celui de la taxe sur les salaires de 3,7 %, tandis que les recettes relatives aux droits sur les tabacs reculeraient de 3,1 % en 2024 en raison de la baisse de la consommation des produits du tabac.
dÉterminants de l’Évolution des recettes des ROBSS et du FSV de 2022 À 2025
(en pourcentage)
Note : le taux d’évolution des recettes retracé dans le présent graphique pour l’année 2024 (+ 4,2 %), issu des données de la CCSS, diffère de celui mentionné supra, fondé sur le rapport annexé au PLFSS pour 2025 en raison d’un effet de périmètre.
Source : rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale (octobre 2024).
● Les dépenses, analysées dans la seconde partie du présent rapport pour avis, croissent de 5,1 % en 2024 en comparaison avec 2023. Elles s’établissent à 643,4 milliards d’euros, dont 293,7 milliards d’euros au titre de la branche vieillesse et 253,6 milliards d’euros au titre de la branche maladie.
L’accélération des dépenses serait principalement due aux prestations légales, qui progressent de 5,4 % en 2024 et représentent 93,3 % des charges nettes des ROBSS et du FSV. Le dynamisme des prestations légales s’explique par leur évolution spontanée (3,1 points de pourcentage), liée à des facteurs démographiques induisant une hausse tendancielle des dépenses, et par l’effet des revalorisations avec un an de décalage sur l’inflation (2,8 points de pourcentage).
Le dernier rapport du Gouvernement à la CCSS souligne que l’indexation des prestations monétaires servies par les ROBSS a produit « un effet maximal en 2024 », en raison de l’effet « base » liée à la revalorisation anticipée des prestations en 2022. Les comptes de l’année 2023 n’ont ainsi supporté, en moyenne annuelle, « qu’un peu plus de la moitié du coût de l’indexation des prestations ». À titre d’exemple, l’article 9 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a revalorisé de manière anticipée les pensions de retraite et d’invalidité de base au 1er juillet 2022.
dÉterminants de l’Évolution des prestations lÉgales des ROBSS et du FSV de 2022 À 2025
(en pourcentage)
Source : rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale (octobre 2024).
Par ailleurs, l’ONDAM pour l’année 2024 est rectifié à 256,1 milliards d’euros (article 2 du PLFSS pour 2025), soit une hausse de 1,2 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale (+ 0,5 %) et une hausse de 10,2 milliards d’euros par rapport à 2023 (+ 3,2 %). L’exposé dudit article indique que le dépassement « s’explique principalement par la prise en compte d’une dynamique particulièrement importante sur les dépenses de soins de ville, notamment sur les indemnités journalières et les honoraires de médecins spécialistes ». Par ailleurs, le montant de l’ONDAM rectifié intègre une prévision de dépenses liées à la crise sanitaire à hauteur de 0,5 milliard d’euros en 2024, soit une majoration de 0,3 milliard d’euros de l’enveloppe initiale. En cohérence avec l’hypothèse d’une circulation endémique de la covid-19 et de la normalisation de l’offre de soins, les surcoûts liés à la crise sanitaire refluent nettement par rapport à l’année 2023, où ils représentaient 1,1 milliard d’euros.
C. Après une légère amélioration en 2025, la trajectoire des comptes sociaux est marquée par de fortes incertitudes au-delà
En dépit des hypothèses macroéconomiques jugées « volontaristes » par le Haut Conseil des finances publiques (1), les mesures d’économies proposées dans le PLFSS pour 2025 permettraient une légère amélioration du solde des ROBSS et du FSV (2).
1. Un scénario macroéconomique pour 2025 jugé « fragile » par le HCFP
Selon la saisine du Haut Conseil des finances publiques par le Gouvernement, le PIB français augmenterait de nouveau de 1,1 % en 2025, « l’accélération de l’économie [étant] retardée […] par la contrainte de la consommation publique ». Le rythme de l’inflation repasserait quant à lui durablement sous 2 % à compter de 2025, soit la cible d’inflation poursuivie par la Banque centrale européenne (BCE) ([21]).
Principales hypothÈses macroÉconomiques
retenues par le Gouvernement pour 2025
(en pourcentage)
|
2025 |
Produit intérieur brut (PIB) |
+ 1,1 % |
PIB potentiel |
+ 1,2 % |
Masse salariale ([22]) |
+ 2,8 % |
Indice des prix à la consommation (IPC) |
+ 1,8 % |
Solde commercial Importations Exportations |
|
Demande intérieure Consommation des ménages Investissement des ménages Investissement des entreprises Investissement public |
+ 0,4 % |
Taux d’épargne Ménages Entreprises |
17,6 % 17,1 % |
Taux de marge des entreprises |
30,7 % |
Salaire moyen par tête (SMPT) |
+ 2,7 % |
Pouvoir d’achat du revenu disponible |
+ 0,8 % |
Source : saisine du Haut Conseil des finances publiques par le Gouvernement (octobre 2024).
Le HCFP conclut que le scénario macroéconomique sur lequel le Gouvernement fonde ses hypothèses pour l’année 2025 « est dans l’ensemble fragile ». Il juge ainsi « un peu élevée » l’hypothèse de croissance de l’exécutif pour 2025, bien qu’elle soit identique à celle du consensus des économistes (Consensus Forecasts). La prévision de hausse du PIB de 1,7 % serait en partie fondée sur des hypothèses « volontaristes », telles que la relance de la consommation des ménages en raison d’une baisse de l’inflation ou le léger rebond de l’investissement des entreprises en dépit de la dégradation de leur taux de marge de 31,2 % à 30,7 % entre 2024 et 2025 ([23]).
Par ailleurs, le HCFP considère que la trajectoire des finances publiques portée par les PLF et PLFSS pour 2025 se caractérise par son « orientation restrictive », fondée sur des mesures de hausse des prélèvements obligatoires et de modération de l’investissement et de la consommation des administrations publiques. Cet ajustement budgétaire est susceptible de dégrader le PIB en 2025, alors même que l’acquis de croissance à la fin de l’année 2024 devrait être faible. L’INSEE l’estime à 0,2 % du PIB dans une note de conjoncture du 9 septembre dernier, soulignant que « l’élan pour 2025 serait faible ».
De la même manière, le HCFP qualifie d’ « un peu élevée » la prévision d’inflation du Gouvernement. Celle-ci s’établit à 1,8 % en 2025 après 2,1 % en 2024, se situant « en haut de la fourchette des prévisions disponibles ». La prévision de progression de la masse salariale à hauteur de 2,8 % serait également « un peu élevée » en raison de la prévision des effectifs salariés du secteur marché (+ 0,1 %) et de celle du salaire moyen par tête (+ 2,8 %). Il est toutefois précisé que « l’effet du durcissement attendu des aides à l’apprentissage sur le nombre d’apprentis devrait, mécaniquement, pousser quelque peu le SMPT à la hausse » ([24]).
panorama des hypothÈseS macroÉconomiques pour 2024 et 2025
(en pourcentage)
|
2024 |
2025 |
||
PIB |
IPC |
PIB |
IPC |
|
Gouvernement |
+ 1,1 % |
+ 2,1 % |
+ 1,1 % |
+ 1,8 % |
Fonds monétaire international |
+ 0,9 % |
n. c. |
+ 1,3 % |
n. c. |
INSEE |
+ 1,1 % |
+ 2,1 % |
n. c. |
|
Commission européenne |
+ 0,7 % |
n. c. |
+ 1,3 % |
n. c. |
Consensus Forecasts |
+ 1,1 % |
+ 2,3 % |
+ 1,1 % |
+ 1,8 % |
Rexecode |
+ 1,1 % |
+ 2,3 % |
+ 0,7 % |
+ 1,6 % |
OFCE |
+ 1,1 % |
+ 2,2 % |
+ 1 % |
+ 1,7 % |
Banque de France |
+ 1,1 % |
+ 2,2 % |
+ 1,2 % |
+ 1,3 % |
OCDE |
+ 1,1 % |
n. c. |
+ 1,2 % |
n. c. |
Sources : avis n° HCFP-2024-3 du 8 octobre 2024 du Haut Conseil des finances publiques relatif aux projets de lois de finance et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025.
2. Une légère amélioration du solde prévisionnel pour les régimes obligatoires de base en 2025
● L’article 11 du PLFSS pour 2025 envisage que les cinq branches des ROBSS enregistrent en 2025 un déficit de 16,7 milliards d’euros, réduit à 16 milliards d’euros en y ajoutant le résultat positif du FSV. Le solde agrégé s’améliorerait ainsi de 2 milliards d’euros par rapport à l’année 2024, où il s’établirait à 18,0 milliards d’euros
Les branches maladie et vieillesse portent l’essentiel du déficit en 2025 (16,5 milliards d’euros en cumulé), la branche autonomie connaissant un déficit modéré de 0,4 milliard d’euros. La branche famille est à l’équilibre, seuls la branche AT-MP (+ 0,2 milliard d’euros) et le FSV (+ 0,7 milliard d’euros) affichant une prévision de solde excédentaire.
SOlde des branches du ROBSS et du FSV en 2025
(en milliards d’euros)
|
Prévision |
Prévision |
Maladie |
– 8,5 |
– 13,4 |
Accidents du travail et maladies pro. |
+ 1,1 |
+ 0,2 |
Vieillesse |
– 5,8 |
– 3,1 |
Famille |
+ 0,8 |
0 |
Autonomie |
+ 1,2 |
– 0,4 |
Régimes obligatoires de base |
– 11,3 |
– 16,7 |
Fonds de solidarité vieillesse |
+ 0,8 |
+ 0,7 |
ROBSS + FSV |
– 10,5 |
– 16 |
Source : annexe A de la LFSS pour 2024 ; rapport annexé au PLFSS pour 2025.
Un tel résultat traduit une amélioration notable de 12,4 milliards d’euros par rapport au tendanciel calculé par la CCSS, d’après lequel le solde aurait été négatif de 28,4 milliards d’euros en l’absence des mesures de recettes et de freinage des dépenses contenues dans le PLFSS pour 2025. Dans un sens conservateur, elle envisageait respectivement 18,7 milliards d’euros, 11,1 milliards d’euros et 0,1 milliard d’euros de déficit pour les branches maladie, vieillesse et famille mais, dans un sens optimiste, des excédents de 0,5 milliard d’euros pour la branche AT-MP et de 0,2 milliard d’euros pour la branche autonomie.
D’après l’annexe 3 du PLFSS, la différence s’expliquerait à hauteur de 8,6 milliards d’euros par les mesures en recettes et de 4,9 milliards d’euros par des économies. Les flux internes à la sécurité sociale auraient un solde nul, tandis que la baisse de la fraction de TVA attribuée à la sécurité sociale par l’État dans le cadre de la réforme des allègements généraux de cotisations patronales conduirait à de moindres transferts à hauteur de 1 milliard d’euros.
Recettes et dÉpenses des branches des ROBSS et du FSV en 2024
(en milliards d’euros)
|
Rectification PLFSS pour 2024 |
||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Maladie |
247,4 |
260,8 |
– 13,4 |
Accidents du travail et maladies pro. |
17,1 |
17 |
+ 0,2 |
Vieillesse |
297,1 |
300,2 |
– 3,1 |
Famille |
59,7 |
59,7 |
0 |
Autonomie |
42 |
42,4 |
– 0,4 |
Régimes obligatoires de base |
644,4 |
661,1 |
– 16,7 |
Fonds de solidarité vieillesse |
22 |
21,3 |
+ 0,7 |
ROBSS + FSV |
645,4 |
661,5 |
– 16 |
Source : article 11 du PLFSS pour 2025.
Les données retenues par le Gouvernement dans le PLFSS pour 2025 montrent que, à l’inverse de l’exercice 2024, la hausse des dépenses serait moins forte que celle des recettes, avec respectivement 18,1 milliards d’euros (+ 2,7 %) et 20,1 milliards d’euros (+ 3,1 %) de plus en 2025 qu’en 2024.
L’annexe 3 du PLFSS pour 2025 commente ainsi l’évolution des recettes :
– les cotisations sociales brutes progresseraient de 5,1 %, principalement sous l’effet des mesures du PLFSS pour 2025 (2,6 points de pourcentage) ;
– le produit de la CSG augmenterait moins fortement qu’en 2024, à hauteur de 2,3 % en 2025, contre 5,7 % l’année précédente. Ce ralentissement s’expliquerait pour 1,2 point par le contrecoup du transfert de 0,15 point de CSG de la CADES à la CNSA en 2024, tandis que la décélération de la masse salariale et la moindre revalorisation des pensions conduiraient au ralentissement des recettes de la CSG assise sur les revenus d’activité (2,8 % en 2025, contre 3,2 % en 2024) et de la CSG assise sur les revenus de remplacement (1,3 % en 2025, contre 7,8 % en 2024) ;
– les autres impositions affectées à la sécurité sociale croîtraient de 1,1 % après 2,8 % en 2024, en raison notamment de la moindre affectation de TVA à l’assurance maladie, laquelle est liée à la compensation pour l’État de la baisse des recettes de l’impôt sur les sociétés, induite par la réforme des allègements généraux (1 milliard d’euros).
La progression des dépenses des ROBSS est intégralement imputable à la hausse des prestations légales, qui s’élèverait à 2,7 % en 2025 après 5,4 % en 2024. L’évolution spontanée des prestations légales est le principal facteur explicatif, alors que les revalorisations légales ne contribueraient à cette évolution qu’à hauteur de 0,6 point de pourcentage, contre 2,8 points en 2025. L’annexe 3 du PLFSS pour 2025 indique que la montée en charge de la réforme des retraites adoptée en 2023 permettrait de générer des économies de 0,7 milliard d’euros en 2025 ([25]).
● L’évolution des ressources et des charges serait à nouveau défavorable à compter de 2026 et jusqu’en 2028, terme des estimations fournies par le Gouvernement sur la trajectoire des comptes sociaux. Le déficit des ROBSS et du FSV s’établirait à 19,9 milliards d’euros en 2028. À l’instar de la prévision pour 2025, les branches maladie et vieillesse porteraient l’essentiel du déficit, respectivement à hauteur de 14,9 milliards d’euros et de 6,1 milliards d’euros. Les branches AT-MP et autonomie seraient également déficitaires, à hauteur respectivement de 0,5 milliard d’euros et de 2,5 milliards d’euros. Seuls la branche famille (+ 0,9 milliard d’euros) et le FSV (+ 3,1 milliards d’euros) enregistreraient un solde excédentaire.
Le rapporteur pour avis prend acte des fortes incertitudes pesant sur le redressement des comptes sociaux à moyen terme, en dépit de la montée en charge de la réforme de retraites et des mesures inscrites dans le PLFSS pour 2025.
Au surplus, il relève que ces estimations sont construites sur la base d’une trajectoire pluriannuelle jugée « optimiste » par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) couvrant la période 2024-2031 ([26]), document que la France s’est engagée à remettre à la Commission européenne avant le 31 octobre 2024 ([27]). L’institution budgétaire indépendante relève que le scénario macroéconomique du Gouvernement à compter de l’année 2025 « suppose que l’ajustement budgétaire inscrit dans la prévision n’empêchera pas la croissance effective d’atteindre, et même de dépasser en début de période, la croissance potentielle, même si une orientation plus accommodante de la politique monétaire peut venir le compenser en partie ». À titre subsidiaire, le rapporteur pour avis se félicite que le Gouvernement ait décidé de saisir le HCFP du PSMT qui doit être transmis à la Commission européenne, alors que cette saisine n’est obligatoire qu’à compter de l’année 2032. Cette sollicitation intervient dès le premier exercice de mise en œuvre du nouveau cadre européen de gouvernance économique, entré en vigueur le 30 avril 2024, et témoigne de l’attention portée par le Gouvernement à la soutenabilité des finances publiques.
D. L’objectif d’amortissement de la dette sociale est fragilisé par l’accumulation des déficits des régimes de base
Répartie entre deux compartiments (1), la dette sociale voit ses perspectives d’apurement en 2033 fortement fragilisées en raison de l’accumulation de nouveaux déficits à compter de l’année 2024 (2).
1. La gestion différenciée du flux et du stock de dette avant la crise
La récurrence des soldes négatifs au cours des différents exercices annuels a entraîné, dès avant la survenue de la covid-19, la constitution d’une dette sociale pour l’ensemble des régimes de base. Celle-ci se décompose entre les déficits portés en trésorerie (a) et la dette reprise par la CADES en vue de son amortissement (b).
a. Les déficits accumulés dans le bilan du régime général pèsent sur la trésorerie de l’ACOSS
La première mission de l’ACOSS, également connue sous le nom d’URSSAF Caisse nationale, consiste à assurer la gestion commune de la trésorerie des cinq branches du régime général ([28]) et à porter, le cas échéant, les déficits cumulés desdites branches dès lors qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une reprise par la CADES. Par ailleurs, l’ACOSS pilote le réseau des URSSAF et verse à la CADES les ressources qui lui sont affectées (cf. infra).
● Conformément au chapitre 9 ter du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, l’ACOSS couvre ses besoins de trésorerie par des emprunts auprès de banques ou de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), par des émissions de court terme sur les marchés financiers, au moyen soit de negotiable european commercial papers (NeuCP) depuis 2007, soit de euro commercial papers (ECP) depuis 2008, ou, en application de l’article L. 225-1-3 du même code, par la rémunération de disponibilités que placeraient auprès d’elle d’autres entités de la sphère sociale depuis 2009.
Le graphique reproduit ci-dessous indique que la structure de financement de l’ACOSS a significativement évolué depuis dix ans, la part des titres de marché passant de 57 % à 97 % de son encours annuel entre 2013 et 2023. Le dernier rapport à la CCSS, publié en octobre 2024, ne comporte pas de données actualisées sur l’encours de dette de l’ACOSS. L’annexe 9 du PLFSS pour 2025 confirme toutefois que « le recours désormais quasi exclusif aux financements de marché, cohérent avec une optimisation des coûts » caractérise la structure de financement de l’organisme.
Évolution de la structure de financement de l’ACOSS de 2013 À 2023
(en pourcentage)
Source : rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2023).
● Aux fins de couverture des besoins de trésorerie ponctuels du régime général, l’ACOSS compte parmi les ROBSS habilités par la loi de financement de l’année « à recourir à des ressources non permanentes » dans la limite d’un plafond fixé par cette loi ([29]). Le recours par l’ACOSS à des ressources non permanentes est justifié par le décalage temporel entre, d’une part, les encaissements par les régimes de recettes affectées et de cotisations et contributions sociales et, d’autre part, les décaissements réalisés par ceux-ci au titre du paiement des prestations aux assurés et des frais de gestion.
Dans la limite dudit plafond, l’ACOSS peut également consentir, contre rémunération et selon certaines limites de maturité, à des prêts et des avances de trésorerie d’une durée inférieure à douze mois au régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles et au régime d’assurance vieillesse du régime spécial de sécurité sociale dans les mines. Les ROBSS autre que le régime général peuvent également bénéficier d’avances d’une durée inférieure à un mois pour couvrir leurs besoins de trésorerie ([30]). L’annexe 9 du PLFSS pour 2025 indique que, sur l’année 2023, la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), la CNARCL ([31]) et la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire (CPRP SNCF) ont bénéficié dans ce cadre d’avances de trésorerie pour un encours moyen de 4,2 milliards d’euros.
L’article 13 du PLFSS pour 2025 relève le plafond en deçà duquel l’ACOSS est autorisée à recourir à des ressources non permanentes (i) et étend sa durée d’emprunt (ii) afin d’anticiper la hausse des besoins de trésorerie à court terme des régimes de base.
● Aux termes du I de l’article 13 du PLFSS pour 2025, l’habilitation de l’ACOSS à recourir à des ressources non permanentes sera plafonnée à 65 milliards d’euros au cours de l’année 2025. Il s’agit d’un plafond d’emprunt nettement supérieur à ceux de l’année 2024 et de l’année 2023, tous deux fixés à 45 milliards d’euros, mais en revanche identique à celui retenu en 2022 et moindre que celui des années 2021 et 2020, où il avait été porté à 95 milliards d’euros en raison de la crise de la covid-19.
L’exposé de l’article 13 du PLFSS pour 2025 précise que le relèvement de la limite des encours assure « une marge de sécurité permettant de faire face à une dégradation brutale de la situation de trésorerie de l’ACOSS », tout en indiquant qu’elle n’a pas vocation à être saturée puisque « le recours effectif à des ressources non permanentes [devrait lui être] en moyenne nettement inférieur ». Le besoin de trésorerie maximal « brut » est attendu pour le mois de décembre 2025, à près de 60 milliards d’euros selon l’annexe 9 du PLFSS pour 2025.
Profil de trÉsorerie prévisionnel de l’acoss en 2025
(en millions d’euros)
Source : annexe 3 du PLFSS pour 2025.
Les plafonds d’emprunt de l’ACOSS sont fixés en fonction de l’estimation du « point bas brut » des besoins de trésorerie des ROBSS, c’est-à-dire le solde négatif le plus important susceptible d’être atteint par ces organismes au cours de l’exercice à venir en intégrant la politique de gestion des risques financiers de l’ACOSS et les avances aux partenaires ([32]). Au cours des dix dernières années, le rapport à la CSS de septembre 2023 indiquait que le « point bas brut » le plus important avait été constaté au cours de l’exercice 2020, à hauteur de 89,7 milliards d’euros.
Principales donnÉes de trÉsorerie pour le rÉgime GÉNÉral de 2013 À 2023
(en milliards d’euros)
Note : l’encours maximum mobilisé ou point bas « brut » comprend tous les financements mobilisés, y compris l’immobilisation de sommes sur des comptes de secours pour pallier d’éventuels incidents, ainsi que les sommes liées aux « surémissions », notamment en amont de l’échéance des pensions.
Source : rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2023).
● Le relèvement du plafond d’emprunt de l’ACOSS pour l’année 2025 est rendu nécessaire par le maintien de déficits sociaux à des niveaux élevés.
La fin du cycle de reprise des déficits des ROBSS par la CADES, prévu par les lois organique n° 2020-991 et ordinaire n° 2020-991 du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie, conduit incidemment à confier à l’ACOSS la responsabilité de faire « rouler » la dette des ROBSS n’ayant pas fait l’objet d’une reprise par la CADES. Le rapporteur pour avis partage l’analyse de ses collègues M. Hadrien Clouet et Mme Stéphanie Rist, selon laquelle, « à l’instar des reprises de dette effectuées par la CADES, la gestion de la trésorerie du régime général par l’ACOSS permet de combler les besoins de financement des régimes de sécurité sociale, c’est-à-dire des déficits cumulés de ces régimes » ([33]).
Les comptes de l’ACOSS sont ainsi susceptibles de supporter un important besoin de trésorerie au cours de l’année 2025, qui semble davantage relever d’un besoin de financement structurel et fragilise le principe du recours dérogatoire à l’emprunt. Le rapporteur pour avis alerte sur le poids de la dette sociale refinancée par l’ACOSS, que le dernier rapport à la CCSS résume dans les termes suivants : « Sans même prendre en compte les déficits prévisionnels pour 2025 [16 milliards d’euros], plus 37 milliards d’euros de dette sociale sont aujourd’hui dépourvus de perspectives d’amortissement, alors même que l’horizon de leur remboursement dépasse l’année et que les perspectives financières des régimes de base et du FSV excluent qu’ils dégagent des excédents permettant d’assurer ce remboursement. »
L’estimation de 37 milliards d’euros correspond au cumul du reliquat de « dette covid » du régime général non repris par la CADES à l’issue des transferts engagés en 2020, estimé à 8,6 milliards d’euros, au déficit prévisionnel des ROBSS et du FSV au 31 décembre 2024 (18 milliards d’euros), aux déficits cumulés de la CNRACL de 2020 à 2023 (7,1 milliards d’euros) et au déficit prévisionnel de ce dernier régime au 31 décembre 2024 (3,4 milliards d’euros).
● Le II de l’article 13 du PLFSS pour 2025 propose de modifier le premier alinéa de l’article L. 139-3 du code de sécurité sociale pour permettre à l’ACOSS de recourir à des emprunts pour une durée pouvant aller jusqu’à vingt-quatre mois dès lors que la durée moyenne annuelle pondérée demeure inférieure ou égale à douze mois.
L’impossibilité pour l’ACOSS d’émettre des titres de créances dont la maturité est supérieure à un an, qui prévaut jusqu’à présent, était justifiée par la volonté du législateur de prévenir la constitution d’une dette sociale pérenne, celle-ci ayant vocation à être intégralement remboursée. Par ailleurs, les émissions de l’ACOSS affichent une durée moyenne d’environ un mois et demi, la maturité moyenne des titres offerts par les marchés dits NeuCP et CP – qui représentent l’essentiel de la structure de financement de l’ACOSS – étant d’un mois.
L’annexe 9 du PLFSS pour 2025 indique que la rédaction actuelle de l’article L. 139-3 du code de sécurité sociale empêche l’ACOSS d’intervenir sur le marché des titres négociables à moyen terme (NEU MTN), dont la maturité est supérieure à un an.
Le relèvement de douze mois à vingt-quatre mois de la durée d’emprunt maximum de l’ACOSS présente un double avantage :
– optimiser les conditions de financement de l’ACOSS dans un contexte de maintien des taux d’intérêt à un niveau élevé, en dépit de l’assouplissement de la politique monétaire engagé par la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne (BCE) ;
– garantir une base de financement plus pérenne à l’ACOSS en mobilisant une offre de titres diversifiée, associant des titres de créances négociables à court et moyen termes.
Le rapporteur pour avis est favorable au desserrement de la contrainte de gestion de la trésorerie de l’ACOSS. L’établissement est exposé à un risque de liquidité significatif, ses opérations de trésorerie et de refinancement à court terme des ROBSS nécessitant d’emprunter des sommes importantes plusieurs fois par an. En avril 2020, l’ACOSS n’a ainsi pas pu obtenir des marchés l’ensemble des financements qu’elle avait sollicités en urgence pour faire face à la hausse des besoins de financement des régimes, en particulier de la branche maladie, et à la baisse concomitante des encaissements dans le contexte de la crise sanitaire (report de cotisations, exonération de cotisations et de taxe sur les salaires au titre de l’activité partielle, etc.).
● Afin de prévenir un report trop important de la dette sociale sur l’ACOSS, il est toutefois proposé que la durée moyenne des emprunts ne puisse excéder douze mois. Concrètement, l’ACOSS serait habilitée à contracter des emprunts dont la maturité peut atteindre 24 mois, mais « la durée moyenne annuelle pondérée » serait limitée à douze mois.
L’annexe 9 du PLFSS pour 2025 précise que cet indicateur sera calculé pour une année glissante de la manière suivante : « (montant initial de l’emprunt 1 x durée initiale de l’emprunt 1) + (montant initial de l’emprunt 2 x durée initiale de l’emprunt 2) + (montant initial de l’emprunt n x durée initiale de l’emprunt n) / somme des montants initiaux des emprunts de l’ACOSS observée chaque jour ».
Il est anticipé que la durée moyenne des titres émis par l’ACOSS serait ainsi portée de trois à six mois, soit un niveau équilibré permettant d’alléger les contraintes de gestion de l’ACOSS sans remettre en cause la distinction établie entre les déficits portés en trésorerie à court terme et la dette reprise par la CADES en vue de son amortissement.
Les difficultés financières de la CNRACL
L’ACOSS n’est pas le seul organisme dont le fonds de roulement ne permet pas de couvrir les besoins de trésorerie au cours de l’année et qui a recours à des ressources non permanentes sous la forme d’avances de trésorerie ou d’emprunts de court terme.
L’article 13 du PLFSS pour 2025 arrête ainsi la liste de l’ensemble des ROBSS et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les plafonds de ces ressources. Comme en 2024, trois organismes, outre l’ACOSS, bénéficieront d’une telle habilitation en 2025 en application du I de l’article 13 du PLFSS pour 2025 :
– le plafond de ressources non permanentes de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) reste stable par rapport à 2024, à hauteur de 450 millions d’euros, afin de financer ses reports à nouveau négatifs ;
– le plafond de ressources non permanentes de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire (CPRPF) s’établit à 300 millions d’euros, après que la LFSS pour 2024 a prévu un premier plafond d’emprunt de 595 millions d’euros pour la période du 1er au 31 janvier 2024, puis un second plafond de 350 millions d’euros pour le reste de l’année.
Les besoins de trésorerie de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) sont plus significatifs, l’organisme ayant renoué avec un besoin de recourir à des ressources non permanentes à compter de 2019. La CNRACL gère un régime spécial de retraite couvrant le risque vieillesse (23,3 milliards d’euros de pensions en 2023) et le risque invalidité (2,7 milliards d’euros de prestations en 2023) des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Il est proposé de porter le plafond de ressources non permanentes de la CNRACL de 11 milliards d’euros en 2024 à 13,2 milliards d’euros en 2025. Il convient de préciser que, même si le plafond d’autorisation de recours à des ressources non permanentes de la CNRACL est distinct de celui de celui de l’ACOSS, ses besoins de trésorerie sont intégralement couverts par des emprunts souscrits par cette dernière et reversés à la CNRACL sous forme d’avances.
La dégradation de la situation financière de la CNRACL a été documentée par un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA), dont les conclusions ont été publiées en septembre dernier ([34]). Selon le dernier rapport du Gouvernement à la CCSS, le régime présenterait un solde déficitaire de 3,4 milliards d’euros en 2024 et de 4,8 milliards d’euros en 2025 en l’absence de mesures nouvelles. Selon le rapport de la mission inter‑inspections, le déficit de la CNRACL est susceptible d’atteindre 11,1 milliards d’euros en 2030 « si aucune mesure de redressement n’est prise ».
Les difficultés de la CNRACL sont imputables à plusieurs facteurs, parmi lesquels :
– la dégradation du ratio démographique du régime, qui s’élève à 1,46 cotisant pour un pensionné en 2023 contre un rapport supérieur à 4 dans les années 1980 ;
– le phénomène de contractualisation dans le secteur public, qui conduit à la substitution tendancielle de fonctionnaires titulaires – cotisant auprès de la CNRACL – par des agents contractuels – affiliés au régime général pour la retraite de base et à l’IRCANTEC pour leur régime complémentaire ;
– l’absence de ressources consacrées au financement des prestations non contributives versées par la CNRACL à ses affiliés, telles que la validation de périodes de congé maladie non cotisées dans leur entièreté.
Le Gouvernement a annoncé, à l’occasion de la présentation du PLFSS pour 2025, que le taux de cotisation patronale vieillesse par les employeurs des fonctions publiques territoriale et hospitalière serait porté de 31,65 % à 40,85 % des traitements. La hausse de 4 points de la contribution employeur dès 2025 représenterait un surcroît de recettes estimé à 2,3 milliards d’euros.
Le rapporteur pour avis prend acte de cette mesure, qui s’inscrit dans la continuité des augmentations successives du taux de la contribution employeur décidées par voie réglementaire. Le taux de la contribution employeur a déjà fait l’objet d’une augmentation d’un point à compter du 1er janvier 2024 ([35]), dont le coût pour les employeurs territoriaux et les établissements hospitaliers est estimé à 600 millions d’euros pour cette même année et à 342 millions d’euros pour la seule fonction publique territoriale ([36]).
Toutefois, le rapporteur pour avis relève que :
– les hausses régulières de la contribution employeur sont insuffisantes pour redresser durablement les comptes de la CNRACL, le dernier rapport à la CCSS estimant que « le taux de cotisation permettant d’assurer l’équilibre du régime est de 41,85 % pour 2025 (+ 10,2 points par rapport à 2024) et de 50,34 % pour 2030 (+ 18,69 points) ». Le seul levier des cotisations patronales ferait ainsi peser une charge prohibitive sur les employeurs concernés ;
– l’État a compensé au titre du seul exercice 2024 la hausse de la contribution employeur intervenue au 1er janvier de la même année. Une baisse d’un point des cotisations maladie a ainsi été décidée par décret, abaissant temporairement celles-ci de 9,88 % à 8,88 % ([37]). La perte de recettes correspondante a donné lieu à une compensation par l’État à la branche maladie à hauteur de 342 millions d’euros, en ce qui concerne les employeurs territoriaux, par l’intermédiaire d’une hausse des crédits du programme 379 de la mission Santé du budget général de l’État ([38]), et la compensation pour la branche maladie s’agissant des employeurs hospitaliers a pris la forme d’une hausse de l’ONDAM hospitalier pour l’année 2024.
Par conséquent, sur le modèle de ce qui a été fait en 2024, le rapporteur pour avis considère qu’il est souhaitable que l’État envisage une compensation aux employeurs locaux et hospitaliers de la hausse du taux de la contribution employeur décidée pour 2025, même si cette prise en charge est temporaire ou partielle.
b. Les passifs transférés à la CADES ont donné lieu à l’amortissement de 242,6 milliards d’euros de dette sociale à la fin de l’année 2024
Créée en 1996 ([39]) et engagée dans un rapprochement opérationnel avec l’Agence France Trésor (AFT) à compter du 1er janvier 2017, la CADES doit apurer la dette sociale suivant trois principes : elle bénéficie de ressources spécifiques ; la durée d’amortissement est limitée dans le temps ; chaque nouveau transfert de dette doit être accompagné de recettes suffisantes.
● Aux termes de l’article 6 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, la CADES bénéficie de l’affectation de trois ressources pérennes ([40]), lesquelles représenteraient 18,4 milliards d’euros en 2025 selon le tome I du rapport Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2025. Sont ainsi distingués :
– l’intégralité du produit de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), due au taux de 0,5 % du revenu brut, pour un montant de 8,70 milliards d’euros en 2023, puis estimé à 9,05 milliards d’euros en 2024 et à 9,30 milliards d’euros en 2025 ([41]) ;
– le produit d’une fraction de la CSG sur les revenus d’activité, de remplacement et du capital et celui d’une fraction de 0,22 point de la CSG sur les revenus des jeux, soit 10,14 milliards d’euros en 2023 (la fraction sur les revenus d’activité, de remplacement et du capital étant alors de 0,6 point), puis des prévisions de 7,86 milliards d’euros en 2024 et de 8,07 milliards d’euros en 2025 (la fraction étant ramenée à 0,45 point) ;
– un versement du fonds de réserve pour les retraites (FRR) à hauteur de 2,1 milliards d’euros en 2023 et 2024, lequel passe à 1,45 milliard d’euros à compter de 2025 ([42]).
Évolution des ressources de la CADES de 2023 À 2025
(en milliards d’euros)
Source : commission des finances, d’après le tome I du rapport Voies et moyens annexé au PLF pour 2025 (p. 114).
● L’article 1er de l’ordonnance du 24 janvier 1996 dispose que la CADES disparaîtra à la date de l’extinction de ses missions. Initialement instituée pour treize ans et un mois, son existence a été prorogée à plusieurs reprises et ce terme est désormais fixé à 2033 ([43]), la crise sanitaire étant survenue alors que l’année 2024 correspondait à l’horizon prévisionnel d’amortissement de la dette sociale. Le prolongement de la CADES a conduit incidemment au maintien de la CRDS, laquelle était initialement conçue comme un impôt temporaire dû « jusqu‘à l’extinction des missions » de l’établissement aux termes du second alinéa du I de l’article 14 de l’ordonnance de 1996.
La baisse des ressources affectées à la CADES constatée à compter de 2024 est la contrepartie du prolongement de son existence jusqu’en 2033, lequel permet un étalement du remboursement de la dette sociale. À cet égard, la fraction de CSG affectée à la CADES a été réduite de 0,15 point de pourcentage sur l’ensemble de ses assiettes, à l’exception des revenus des jeux, à compter de 2024 afin d’accroître les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) dans le cadre la création de la branche autonomie.
● Enfin, le législateur organique, afin de ne pas repousser l’horizon de remboursement, avait introduit l’exigence que « tout nouveau transfert de dette à la CADES est accompagné d’une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale » ([44]), dont le Conseil constitutionnel a confirmé le caractère organique ([45]).
Le report du terme de l’amortissement prévisionnel de la dette sociale et, par conséquent, la date d’extinction de la CADES ne peut ainsi relever que de dispositions organiques.
De manière symétrique, le Conseil constitutionnel contrôle que le transfert de nouvelles ressources à la CADES pour assurer le remboursement de la dette sociale soit conforme à l’objectif constitutionnel d’équilibre financier de la sécurité sociale, dégagé dans sa décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 ([46]). Comme la jurisprudence du Conseil constitutionnel l’exige depuis 2010, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent attribuer des ressources à la CADES qui conduiraient, « par un transfert sans compensation au profit de ladite caisse d’amortissement de recettes affectées aux régimes de sécurité sociale et aux organismes concourant à leur financement, à une dégradation des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale de l’année à venir » ([47]).
Au 31 décembre 2023, la CADES a amorti 242,6 milliards d’euros dette sociale. Le montant de dette restant à rembourser s’élève à 145,1 milliards d’euros, soit 37,4 % de la dette reprise. La CADES devrait amortir près de 16 milliards d’euros supplémentaires en 2024 selon le dernier rapport à la CCSS.
Chronique des transferts effectifs de dette à la CADES de 1996 À 2025
(en milliards d’euros)
Source : rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale (octobre 2024).
2. Un horizon d’amortissement de la dette sociale fixé à 2033, fragilisé par la trajectoire dégradée des comptes sociaux
Indispensable afin de soulager la trésorerie des régimes, la reprise de passifs par la CADES engagée en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire est arrivée à son terme en septembre 2024 (a). L’apurement de ces passifs a été reporté de 2024 à 2033, cet horizon d’amortissement étant fragilisé par l’accumulation des déficits sociaux (b).
a. La reprise de 136 milliards d’euros décidée lors de crise sanitaire est arrivée à son terme en septembre 2024
Dans le contexte de la crise sanitaire et simultanément au report du terme d’amortissement de la dette sociale, le législateur a organisé une nouvelle reprise de dette par la CADES à hauteur de 136 milliards d’euros.
● L’article 1er de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie rétablit un II septies à l’article 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, lequel distingue trois échéances de transfert :
– au plus tard le 30 juin 2021 et dans la limite de 31 milliards d’euros, la CADES devra avoir couvert les besoins de l’ACOSS au 31 décembre 2019, soit 31 milliards d’euros, correspondant aux déficits cumulés de la branche maladie du régime général et du FSV, de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles et du régime de retraite des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, géré par la CNRACL ;
– à compter de 2021 et dans la limite de 92 milliards d’euros, la CADES devra couvrir les déficits cumulés entre 2020 et 2023 par le régime général, le FSV et la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles, soit une composante correspondant à la « dette covid » dans la limite de 92 milliards d’euros ;
– à compter de 2021, la CADES versera à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) les dotations nécessaires lui permettant d’assurer la couverture des échéances des emprunts contractés par les hôpitaux à hauteur de 13 milliards d’euros, soit près d’un tiers de la dette de ces établissements ([48]).
Enfin, le D du II septies de l’article 4 de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie dispose que le montant total des versements réalisés par la CADES à ces trois titres ne peut excéder 40 milliards d’euros par an.
● La CADES, après avoir repris 27,2 milliards d’euros de dette sociale répartis entre le régime général (24,2 milliards d’euros) et la dette des hôpitaux (3 milliards d’euros) en 2023, a versé 8,8 milliards d’euros à l’ACOSS au titre de la branche maladie en 2024. La quatrième et dernière opération, consistant en un transfert de 1,6 milliard d’euros, a été réalisée en septembre 2024 conformément l’échéancier prévu ([49]).
Par conséquent, la reprise de dette sociale prévue par la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie est désormais achevée.
RÉpartition par exercice et catÉgories d’opÉrations de la reprise
de passifs par la CADES pour l’application de la loi du 7 aoÛt 2020
(en milliards d’euros)
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Total |
Déficits jusqu’au 31 décembre 2019 |
20 |
11,2 |
s. o. |
31,2 |
||
Déficits pour 2020 (maladie et FSV) |
s. o. |
23,8 |
9,1 |
0 |
0 |
32,9 |
Déficits pour 2021 (vieillesse) |
0 |
25,9 |
1,7 |
0 |
26,1 |
|
Déficits pour 2022 (maladie et vieillesse) |
0 |
0 |
22,5 |
0 |
24 |
|
Déficits pour 2023 (maladie) |
0 |
0 |
0 |
8,8 |
8,8 |
|
Dette hospitalière (dotations de la CNAM) |
5 |
5 |
3 |
0 |
13,0 |
|
Total |
20 |
40 |
40 |
27,2 |
8,8 |
136 |
Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des LFSS (mai 2024).
b. La cible d’une extinction en 2033 est fragilisée par l’accumulation des déficits sociaux
L’article 1er de la loi organique n° 2020-991 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie dispose que la durée d’amortissement de la dette sociale ne peut être prolongée au‑delà du 31 décembre 2033.
● Le programme de financement de l’année en cours vise à couvrir la dernière étape de la reprise de dette sociale à hauteur de 8,8 milliards d’euros, ainsi que le refinancement des tombées d’obligations intervenant en 2024 à hauteur de 20,2 milliards d’euros. Au premier semestre 2024, la CADES a ainsi émis 15,4 milliards d’euros de titres en euros et en dollars.
L’annexe 2 du PLFSS pour 2025 indique que le taux de refinancement de la CADES s’est établi à 2,25 % au 30 juin 2024, contre 1,93 % l’année précédente. Pour les seuls instruments fixes (77,7 % de l’encours), il atteignait 1,67 % au 30 juin 2024, contre 3,84 % pour les bons révisables (19,7 %) et 2,74 % pour les obligations indexées (2,6 %).
Le 4° du I de l’article 1er du PLFSS pour 2025 rectifie à 15,99 milliards d’euros l’objectif d’amortissement en 2024, contre un montant initial de 16 milliards d’euros.
Le I de l’article 12 fixe à 16,28 milliards d’euros l’objectif pour 2025 avec une charge d’intérêt estimée par la CADES.
Ainsi, à la fin de 2024, auraient été amortis près de 275 milliards d’euros depuis la création de la CADES et resteraient à amortir 121,5 milliards d’euros.
● Le dernier rapport à la CCSS confirme que « dans un scénario médian, […], la CADES amortirait au cours de l’année 2032 l’intégralité de la dette qui lui aura été transférée ; selon un scénario plus optimiste à 5 % de risque, la CADES pourrait amortir l’intégralité de la dette en 2031, contre 2033 pour un scénario plus pessimiste à 95 % de risque ». Ces prévisions indiquent que les ressources transférées à la CADES sont proportionnées pour garantir, en prévision, le respect par la caisse de son calendrier d’amortissement.
La possibilité d’un amortissement définitif de la dette actuellement portée par la CADES dès 2032, soit un an avant la date de son extinction, est ainsi envisagée. Selon les travaux précités de M. Hadrien Clouet et Mme Stéphanie Rist, citant une réponse écrite du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), cette année de « marge » permettrait une nouvelle reprise de dette par la CADES à hauteur de 27 milliards d’euros, sans que le terme de l’amortissement ne soit repoussé.
Tout transfert de dette sociale à la CADES excédant cette limite de 27 milliards d’euros devra s’accompagner, soit d’une augmentation des recettes affectées à la CADES, qui peut être effectuée par une loi ordinaire ou dans le cadre d’une LFSS, soit d’une prolongation de la durée de vie de la CADES, ce qui implique l’adoption d’une loi organique.
Le rapporteur pour avis partage l’analyse formulée par la Cour des comptes dans son dernier rapport sur l’application des LFSS, selon laquelle « la durée des emprunts serait allongée [en raison du report du terme de l’amortissement] mais le niveau des déficits attendus devient tel, en l’absence d’un plan crédible de retour à l’équilibre des comptes, qu’une prolongation indéfinie de la Cades permettrait à peine de stabiliser la dette sociale à son niveau actuel et non plus de la réduire » ([50]).
En l’absence d’un plan crédible de redressement des comptes sociaux, en particulier des branches maladie et vieillesse, le rapporteur pour avis est défavorable à tout nouveau transfert de dette sociale à la CADES, qui conduirait à saturer la capacité d’amortissement restante en 2033 ou à étendre l’horizon de remboursement de la dette sociale.
II. Les recettes : une réforme d’ampleur du paysage des exonérations de cotisations sociales
L’année 2025 sera marquée par la mise en place de mesures de soutien aux exploitants agricoles (A) et d’une refonte des allègements généraux de cotisations patronales (B).
A. Le secteur agricole bénéficierait de mesures favorables À l’attractivité et à la compétitivité de ses filières
La deuxième partie du PLFSS pour 2025, qui comprend les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général du prochain exercice, prévoit trois mesures de soutien au secteur agricole pour mettre en œuvre une partie des engagements pris par le Gouvernement en février 2024 afin d’améliorer les conditions d’exercice des agriculteurs.
Il est ainsi proposé d’aligner l’effort contributif des non-salariés agricoles sur celui des travailleurs indépendants (1), de pérenniser le dispositif dit TO-DE d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs saisonniers agricoles (2) et d’autoriser le cumul du bénéfice de l’exonération ciblée dont les jeunes agriculteurs bénéficient avec la réduction des taux des cotisations famille et maladie (3).
1. L’alignement de l’effort contributif des non-salariés agricoles sur celui des travailleurs indépendants
L’article 3 du PLFSS pour 2025 aligne l’effort contributif des non-salariés agricoles sur celui des autres travailleurs indépendants non‑agricoles en contrepartie de la révision des règles de calcul de leurs retraites figurant à l’article 22. Celui-ci prévoit, à l’instar du régime général, que les vingt-cinq meilleures années de revenus d’activité seront prises en compte pour déterminer les droits à pension.
● L’effort contributif des non‑salariés agricoles, variable selon leur statut, est inférieur à celui des travailleurs indépendants affiliés au régime général.
La pension de base des non‑salariés agricoles est ainsi composée :
– une pension de retraite forfaitaire au titre de l’assurance vieillesse individuelle (AVI), attribuée au chef d’exploitation, aux collaborateurs et aux membres de la famille lorsque l’activité non‑salariée agricole est exercée à titre exclusif ou principal ([51]) ;
– une pension de retraite proportionnelle au titre de l’assurance vieillesse agricole (AVA), dont le montant est calculé sur la base des points acquis en fonction des cotisations versées et de la durée d’assurance ([52]).
Le tableau figurant à l’annexe 9 du PLFSS pour 2025, reproduit ci‑dessous, indique que les non‑salariés agricoles sont redevables de cotisations d’assurance vieillesse inférieures à celles acquittées par les travailleurs indépendants non‑agricoles.
Effort contributif des non‑salariÉs agricoles et des travailleurs indÉpendants au titre de l’assurance vieillesse
|
Chef d’exploitation à titre principal ou exclusif |
Chef d’exploitation à titre secondaire |
Collaborateur et membre de famille à titre principal ou |
Collaborateur et membre de famille à titre |
Travailleur indépendant au régime |
Pension forfaitaire – assurance vieillesse individuelle (AVI) |
3,32 % Assiette minimale de 800 SMIC horaires |
|
3,32 % Assiette minimale de 800 SMIC horaires |
|
|
Pension proportionnelle – assurance vieillesse agricole (AVA) |
11,55 % dans la limite du PASS (1) 2,36 % sur la totalité du revenu Assiette minimale de 600 Smic horaires |
11,55 % dans la limite du PASS (1) 2,36 % sur la totalité du revenu Assiette minimale de 600 SMIC horaires |
11,55 % |
11,55 % |
s. o. |
Retraite de base régime général |
s. o. |
s. o. |
s. o. |
s. o. |
17,15 % dans la limite du PASS (1)
0,72 % sur la totalité du revenu |
Taux de cotisations d’assurance vieillesse de base |
17,23 % |
13,91 % |
14,87 % |
11,55 % |
17,87 % |
(1) Au 1er janvier 2024, le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) s’établit à 46 368 euros.
Source : annexe 9 du PLFSS pour 2025.
Le régime de retraite des non‑salariés agricoles souffre à la fois de la complexité des règles de calcul des pensions et d’un niveau de cotisation plus faible que le régime général. Selon les dernières données publiées par la direction de la recherche, des études, de l‘évaluation et des statistiques (DREES), les pensions les plus faibles sont versées aux affiliés relevant de la Mutualité sociale agricole (MSA). La pension moyenne de droit direct d’un retraité dont le régime principal d’affiliation est celui des non-salariés agricoles était de 840 euros bruts en 2021, contre 1 530 euros bruts en moyenne pour l’ensemble des retraités. L’écart est notamment attribué « aux différences de revenus d’activité et de taux de cotisations sociales » ([53]).
● La prise en compte des vingt-cinq années d’assurance vieillesse les plus avantageuses, prévue à l’article 22 du PLFSS pour 2025, est de nature à renforcer l’attractivité des métiers agricoles, tout en assurant la convergence du système de retraite des non-salariés agricoles avec celui des salariés et des indépendants, ces derniers étant confrontés à des conditions de travail similaires (fluctuation des revenus, participation des conjoints collaborateurs et des aidants familiaux, etc.).
En contrepartie de ces règles de calcul plus avantageuses, l’article 3 prévoit de simplifier l’architecture de cotisation des non‑salariés agricoles à trois égards :
– les cotisations d’assurance vieillesse de base acquittées par les exploitations agricoles, l’AVI et l’AVA, seraient fusionnées en une seule cotisation de retraite de base (article L. 731-42 du code rural et de la pêche maritime modifié) ;
– la nouvelle cotisation serait progressivement alignée sur celle due par les travailleurs indépendants affiliés au régime général selon le calendrier présenté infra, soumettant par exemple les chefs d’exploitation à titre exclusif ou principal à un taux de cotisation plafonné au niveau du PASS (17,15 %) et à un taux de cotisation déplafonné (0,72 %) sur la totalité de leurs revenus (article L. 731‑42 du code rural et de la pêche maritime modifié) ;
– la nouvelle cotisation serait soumise, pour les chefs d’exploitation, à une assiette minimale unique correspondant à 600 fois le SMIC horaire et pour les membres de la famille, à une assiette forfaitaire du même montant afin de permettre la validation de quatre trimestres par année civile et faciliter la constitution de droits à la retraite.
Évolution du taux de cotisation des non‑salariÉs agricoles (2026-2029)
|
Chef d’exploitation à titre principal ou exclusif |
Chef d’exploitation à titre secondaire |
Collaborateur et membre de famille à titre principal ou |
Collaborateur et membre de famille à titre |
Taux au 1er janvier 2026 en l’absence de réforme |
17,23 % |
13,91 % |
14,87 % |
11,5 % |
2026 |
17,87 % |
14,87 % |
13,05 % |
|
2027 |
14,87 % |
14,55 % |
||
2028 |
16,87 % |
|||
2029 |
17,87 % |
Source : annexe 9 du PLFSS pour 2025.
● Les taux et les assiettes présentés supra seront applicables à l’ensemble des statuts, que l’activité soit exercée à titre principal, exclusif ou secondaire.
Le III de l’article 3 dispose que l’assiette harmonisée sera appliquée simultanément à la réforme du mode de calcul de la retraite de base des non‑salariés agricoles, dès le 1er janvier 2026. Le taux de cotisation sera progressivement relevé par voie réglementaire jusqu’au 1er janvier 2029, l’annexe 9 du PLFSS pour 2025 indiquant que « cet alignement progressif [sur les travailleurs indépendants affiliés au régime général] permettra de lisser les effets de la hausse de cotisations qui résulte de la réforme ».
Le rapporteur pour avis relève la temporalité différente de l’alignement de l’effort contributif prévu par l’article 3, qui serait engagé à partir du 1er janvier 2026, et de la revalorisation des pensions des non‑salariés agricoles, qui serait applicable avec effet rétroactif pour les nouveaux retraités à compter du 1er janvier 2028. L’annexe 9 du PLFSS pour 2025 précise que la réforme du mode de calcul des pensions implique des « travaux informatiques […] particulièrement lourds » pour la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), laquelle ne sera en mesure de procéder au calcul des pensions sur la base des vingt-cinq années les plus favorables qu’au 1er janvier 2028.
Le premier alinéa et le second alinéa du B. du VII de l’article 3 précisent que les pensions prenant effet du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2027 seront provisoirement calculées selon les règles en vigueur, avant de faire l’objet d’une révision en 2028. Les modalités de révision seraient favorables aux assurés : si le montant issue du nouveau calcul est supérieur à celui attribué en application des règles temporaires couvrant les années 2026 et 2027, les pensions versées antérieurement feront l’objet d’une régularisation ; à l’inverse, si le montant issue du nouveau calcul aboutit à un niveau de pension moins favorable, l’annexe 9 du PLFSS pour 2025 indique que « le montant de la pension ne serait pas révisé et le montant issu du calcul initial serait conservé à titre définitif ».
L’alignement du taux de cotisation sur celui des travailleurs indépendants représenterait 19,7 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2026 pour le régime des non‑salariés agricoles, ce gain progressant chaque année jusqu’à atteindre 38 millions d’euros en 2029. Dès lors, cette mesure a une incidence limitée sur les comptes des ROBSS, en particulier au regard du coût de la réforme du mode de calcul de la pension de retraite présentée supra.
2. La pérennisation du dispositif dit TO-DE d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs saisonniers agricoles
L’article 4 du PLFSS pour 2025 pérennise et renforce le dispositif d’exonération de cotisations patronales applicable à l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO-DE).
● L’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime dispose que les entreprises de la production agricole primaire recrutant, pour 119 jours ouvrés par an et par salarié au plus ([54]), des « travailleurs occasionnels » sont exonérées des cotisations sociales suivant un barème dégressif fixé par décret.
Relèvent de la catégorie des travailleurs occasionnels les salariés ayant conclu un contrat à durée déterminée (CDD) et les demandeurs d’emploi ayant conclu un contrat à durée indéterminée (CDI) avec un groupement d’employeurs. Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime, les tâches des saisonniers ouvrant droit aux exonérations de cotisations patronales sont liées soit « au cycle de la production animale et végétale », soit aux « activités de transformation, de conditionnement et de commercialisation de produits agricoles lorsque ces activités, accomplies sous l’autorité d’un exploitant agricole, constituent le prolongement direct de l’acte de production ».
En application du cinquième alinéa du I de l’article L. 741-16 du code rural du code précité, l’exonération « TO-DE » est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale à 1,2 fois le SMIC puis décroît et devient nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure à 1,6 fois le SMIC. Les filières intensives en main-d’œuvre saisonnière, qui ont un besoin important de personnel lors des périodes de récolte ou de vendange (arboriculture, maraîchage, viticulture), sont les principales bénéficiaires du dispositif « TO-DE ».
Taux de l’exonÉration « TO-DE » en fonction de la rÉmunÉration
Source : annexe 2 du PLACSS de l’année 2023.
L’annexe 9 au PLFSS pour 2025 rappelle que les employeurs de saisonniers bénéficient en règle générale d’une exonération totale de cotisations patronales, la durée moyenne des contrats saisonniers (21 jours) et leur rémunération moyenne (1,14 SMIC) permettant au dispositif de produire son plein effet. Au niveau de 1,2 fois le SMIC, les exonérations spécifiques du TO-DE représentent 44 points de pourcentage de plus que les allègements généraux. Près de 73 000 entreprises bénéficient du dispositif TO-DE en année pleine, soit près de la moitié des employeurs de la production agricole.
Le régime actuel des exonérations du dispositif « TO-DE » a été introduit par l’article 8 de la LFSS pour 2019 ([55]), laquelle prévoyait également sa suppression à compter du 1er janvier 2021. L’article 16 de la LFSS pour 2021 a prorogé cet allègement jusqu’au 1er janvier 2023 ([56]), avant que l’article 8 de la LFSS pour 2023 ne le prolonge une nouvelle fois jusqu’au 1er janvier 2026 ([57]).
● Au regard des effets positifs du dispositif « TO-DE » sur la compétitivité du secteur agricole, l’article 4 du PLFSS pour 2025 pérennise et étend les exonérations de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs saisonniers :
– le plafond d’exonération totale de cotisations patronales est rehaussé de 1,2 à 1,25 SMIC pour les cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er mai 2024, l’annexe 9 signalant que près de 88 000 contrats par an, correspondant à une rémunération comprise entre 1,2 et 1,25 fois le SMIC, pourront bénéficier de la mesure, soit 10 % de contrats supplémentaires ;
– le bornage temporel du dispositif est abrogé, conduisant à sa pérennisation au-delà du 1er janvier 2026.
La réforme du dispositif « TO-DE » aurait un coût limité en 2024 et en 2025 puisque seul le relèvement du plafond d’exonération constituerait une mesure nouvelle, à l’origine de moindres recettes de 14 millions d’euros puis 18 millions d’euros. En revanche, la pérennisation des exonérations de cotisations aurait mécaniquement un coût plus important, de l’ordre de 606 millions d’euros en 2026 et qui progresserait jusqu’à 629 millions d’euros en 2029.
Le rapporteur pour avis souligne que l’incidence financière du dispositif « TO-DE » est intégralement compensée par l’État à la MSA et à l’Unédic. Sont ainsi budgétés 612 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2025, répartis entre les crédits portés par le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (163,5 millions d’euros) et le programme 381 Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (448,5 millions d’euros).
3. La mise en place du cumul de l’exonération applicable aux jeunes agriculteurs (JA) et des taux réduits de droit commun des cotisations maladie et famille
L’article 5 du PLFSS pour 2025 autorise les jeunes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole à cumuler l’exonération dite jeunes agriculteurs (JA) et les réductions dégressives de cotisations sociales auxquelles les non‑salariés agricoles sont éligibles.
● Créée en 1985 afin de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs ([58]) et prévue à l’article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime, l’exonération « JA » est ouverte aux nouveaux exploitants agricoles âgés de dix‑huit à quarante ans à la date d’affiliation au régime de protection sociale des non‑salariés agricoles. Ces derniers sont éligibles à une exonération partielle des cotisations d’assurance maladie, invalidité et maternité, de prestations familiales et d’assurance vieillesse agricole. Le dispositif est applicable pour une période de cinq ans à compter de la première année au titre de laquelle les cotisations précitées sont dues.
Le taux d’exonération décroît chaque année, de 65 % la première année à 15 % la dernière année ([59]). Son plafond est fixé par décret ([60]).
Taux et montant maximum de l’exonÉration « JA » (2024)
Année d’exploitation |
Taux d‘exonération |
Plafond d’exonération |
1ère année |
65 % |
3 612 euros |
2e année |
55 % |
3 056 euros |
3e année |
35 % |
1 945 euros |
4e année |
25 % |
1 389 euros |
5e année |
15 % |
834 euros |
Source : Mutualité sociale agricole (janvier 2024).
Selon l’annexe 2 du PLACSS de l’année 2023, laquelle recense les allègements sociaux, le coût de l’exonération « JA » s’élevait à 45,2 millions d’euros en 2023 et bénéficiait à 45 687 exploitants agricoles. La sécurité sociale supporte entièrement le coût, relativement modéré, de l’exonération « JA », laquelle a été créée avant que la loi dite Veil du 25 juillet 1994 ([61]), présenté infra, ne consacre le principe de la compensation intégrale des exonérations et réductions de cotisations sociales par l’État.
● Par ailleurs, des réductions dégressives, à proportion des revenus, des taux de cotisation d’allocations familiales et de cotisation d’assurance maladie et maternité ont été établies au profit des travailleurs indépendants, catégorie à laquelle appartiennent les non‑salariés agricoles.
Ces allègements correspondent à deux dispositifs juridiquement distincts, prévus respectivement aux articles L. 613‑1 et L. 621-1 du code de la sécurité sociale. Tous deux sont intégralement compensés aux régimes de base par l’affectation de TVA « pour solde de tout compte ».
D’une part, la réduction du taux de cotisation d’allocations familiales bénéficie aux travailleurs indépendants, y compris les exploitants agricoles, dont le revenu d’activité est inférieur ou égal à 140 % de la valeur du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) ([62]), lequel s’élève à 46 368 euros depuis le 1er janvier 2024. L’exonération est totale pour les travailleurs indépendants dont le revenu est inférieur ou égal à 110 % du PASS, soit 51 005 euros en 2024, et décroît à partir de ce seuil jusqu’à devenir nulle à 140 % du PASS. Selon l’annexe 2 du PLACSS de l’année 2023, 419 618 exploitants agricole ont bénéficié du dispositif en 2023, pour un coût de 755,9 millions d’euros.
D’autre part, la réduction du taux de cotisation d’assurance maladie et maternité assure une exonération totale pour les travailleurs indépendants dont le revenu d’activité est inférieur ou égal à 40 % du PASS, soit 18 547 euros en 2024. Le taux de cotisation est progressif pour les revenus compris entre 40 % et 110 % du PASS, variant de 0 % à 6,5 % pour les exploitants agricoles ([63]). Selon l’annexe 2 du PLACSS de l’année 2023, 409 228 exploitants agricole ont bénéficié du dispositif en 2023, pour un coût de 1,4 milliard d’euros.
● Aux termes des articles L. 613‑1 et L. 621-1 du code de la sécurité sociale, le bénéfice de la réduction de droit commun des cotisations maladie et famille ne peut en principe « être cumulé avec aucun autre dispositif de réduction et d’abattement applicable à ces cotisations ».
L’article 3 de loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a utilement introduit un dispositif d’option, permettant aux jeunes exploitants agricoles de choisir le dispositif le plus avantageux. Cette faculté constitue une avancée, mais impose aux jeunes agriculteurs de déterminer lequel de ces dispositifs leur est le plus favorable et d’exercer l’option de manière définitive auprès de la MSA. Par ailleurs, la dégressivité de l’exonération « JA » réduit l’avantage comparatif de ce dispositif après plusieurs années d’activité. L’annexe 9 du PLFSS pour 2025 souligne ainsi que l’absence de cumul conduit dans certains cas les bénéficiaires de l’exonération ciblée, en particulier à partir de la quatrième année d’exercice, « à acquitter des montants de cotisations supérieurs à ceux qu’ils auraient acquittés s’ils avaient bénéficié des réductions de taux de droit commun ».
● Afin de remédier à ces difficultés et de soutenir la trésorerie des exploitations agricoles, le I de l’article 6 autorise les jeunes agriculteurs à cumuler le bénéfice de l’exonération « JA » dont ils bénéficient avec les réductions de droit de commun, respectivement la réduction du taux des cotisations d’assurance maladie prévue à l’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale (1° du I) et la réduction du taux des cotisations d’allocations familiales établie par l’article L. 621-3 du même code (2° du I).
Selon l’évaluation figurant dans l’annexe 9 du PLFSS pour 2025, la mesure permettrait à 44 000 jeunes chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole de bénéficier des réductions de cotisations famille et maladie.
Le coût de la mesure pour l’exercice 2025 est estimé à environ 25 millions d’euros, répartis entre les branches famille (11,1 millions d’euros) et maladie (14 millions d’euros). Il augmenterait modérément jusqu’à atteindre 26,5 millions d’euros en 2028.
Le rapporteur pour avis se félicite que le coût supporté par la sécurité sociale soit intégralement compensé par l’État via l’ajustement de la fraction de TVA affectée à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et du taux de taxe sur les salaires affecté aux branches famille et maladie.
B. la rÉforme des exonÉrations de cotisations sociales modifierait profondÉment les relations financiÈres entre l’État et la sÉcuritÉ sociale
En raison du recours croissant aux exonérations de cotisations sociales dans le cadre de la politique de l’emploi, la compensation quasi-intégrale des pertes de recettes supportées par la sécurité sociale pèse sur les finances de l’État (1).
Par conséquent, le PLFSS pour 2025 réforme en profondeur le dispositif des allègements généraux de cotisations patronales et rationnalise des dispositifs dérogatoires ciblés (2).
1. Les règles de compensation des allègements sociaux
Les exonérations et réductions de cotisations sociales sont des instruments importants de la politique de l’emploi dont le coût pour la sécurité sociale est en principe compensé par l’État (a), pour un coût de près de 73,8 milliards d’euros (b).
a. Le coût des exonérations de cotisations est majoritairement compensé à la sécurité sociale par l’affectation de recettes fiscales
Le rapport de la mission confiée par le Gouvernement aux économistes MM. Antoine Bozio et Étienne Wasmer, rendu public le 3 octobre 2024, rappelle que la France a connu « trente ans de politique de réduction des cotisations employeur » à compter des allègements dits Balladur institués en 1993 ([64]), lesquels visaient à réduire le coût du travail pour les bas salaires.
L’incidence de ces mesures sur le financement de la sécurité sociale a été pour la première fois encadré par la loi dite Veil du 25 juillet 1994, laquelle prévoit l’obligation de compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales par l’État. Cet encadrement a été renforcé régulièrement depuis, avant que les grands principes de la neutralité des relations entre l’État et la sécurité sociale ne soient codifiés à l’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale. Ce dernier prévoit que l’État attribue des recettes fiscales ou des crédits budgétaires à la sécurité sociale afin de compenser :
– toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi dite Veil ([65]) ;
– toute mesure soit de réduction ou d’exonération de contributions, soit de réduction ou d’abattement d’assiette de cotisations ou contributions instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004, dite Douste-Blazy ([66]) ;
– toute mesure de transferts de charges entre l’État et la sécurité sociale.
En application du principe de compensation intégrale évoqué supra, permettant une compensation à l’euro près, les exonérations ont été neutralisées par des crédits budgétaires de 1994 à 2006. Après 2006, on relève l’utilisation croissante de recettes fiscales affectées, principalement des fractions de TVA.
Le principe de compensation « pour solde de tout compte » s’impose avec l’article 32 de la LFSS pour 2011, conduisant à différencier le financement des allègements généraux et des exonérations ciblées sur des publics, des secteurs ou des territoires spécifiques. Les premiers font l’objet d’une compensation pour solde de tout compte via l’affectation de recettes fiscales couvrant le coût des exonérations ou réductions de cotisations sociales pour les régimes concernés. Cette règle signifie, selon l’annexe au projet de loi de finances pour 2024 relative aux relations financières entre l’État et la protection sociale, « qu’il n’existe plus de mécanisme de régularisation en N+1 du montant de TVA affectée, de manière à ce que le montant de TVA affecté corresponde strictement au coût effectif de la perte de recettes résultant des allègements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires ». À l’inverse, les exonérations ciblées sont compensées de manière intégrale par l’affectation de crédits budgétaires.
Le rapporteur pour avis accueille favorablement l’encadrement renforcé des conditions de création ou d’extension des « niches sociales ». Aux termes de l’article L.O. 111-3-16 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la réforme organique de 2022, seules les LFSS peuvent créer ou modifier des réductions ou exonérations de cotisations ou de contributions de sécurité sociale
b. Les pertes de recettes occasionnées par les dispositifs dérogatoires sont quasi-intégralement compensées par l’État
En ne retenant que les exonérations, c’est-à-dire les minorations de l’assiette ou du taux d’un prélèvement, le montant des allègements généraux et ciblés s’élevait à 74,5 milliards d’euros en 2023 et représenterait 75,2 milliards d’euros en 2024 puis 76,5 milliards d’euros en 2025 ([67]). Pour l’année à venir, 96,5 % des mesures d’exonération seraient compensées à la sécurité sociale, laissant 2,7 milliards d’euros à la charge des ROBSS en droits constatés.
montants des allÈgements gÉnÉraux et ciblÉs (rOBSS) de 2023 à 2025
(en millions d’euros)
|
2023 |
2024 |
2025 |
|
Allègements généraux et mesures de modulation des taux |
65 391 |
65 876 |
66 853 |
+ 1,5 % |
Réduction générale sur la part patronale des cotisations |
26 842 |
26 906 |
27 464 |
+ 2,1 % |
Baisse des cotisations d’allocations familiales |
9 463 |
9 747 |
9 907 |
+ 1,6 % |
Baisse des cotisations d’assurance maladie (indépendants) |
1 244 |
1 111 |
1 138 |
+ 2,5 % |
Baisse des cotisations d’allocations familiales (indépendants) |
844 |
825 |
838 |
+ 1,5 % |
Baisse des cotisations d’assurance maladie (régimes spéciaux) |
286 |
283 |
281 |
– 0,7 % |
Baisse générale des cotisations d’assurance maladie |
26 712 |
27 004 |
27 225 |
+ 0,8 % |
Exonérations ciblées |
9 150 |
9 298 |
9 597 |
+ 3,2 % |
Exonérations ciblées compensées par le budget de l’État |
6 544 |
6 701 |
6 925 |
+ 3,3 % |
Exonérations ciblées non compensées |
2 606 |
2 597 |
2 673 |
+ 2,9 % |
TOTAL |
73 209 |
75 140 |
76 450 |
+ 1,74 % |
Source : annexe 4 du PLFSS pour 2025.
En 2025, les allègements généraux et exonérations ciblées porteraient sur la branche maladie pour 39,9 milliards d’euros, sur la branche vieillesse pour 19,9 milliards d’euros, sur la branche famille pour 16,1 milliards d’euros, sur la branche autonomie pour 451 millions d’euros et, enfin, sur la branche AT-MP pour 200 millions d’euros.
D’après l’article 10 du PLFSS pour 2025, l’effort serait de 6,45 milliards d’euros en 2025, en baisse de 650 millions par rapport à l’année précédente en raison des mesures d’économies inscrites dans le texte. L’annexe 4 souligne toutefois que « les montants de la compensation par l’État ne peuvent pas directement être rapprochés des coûts des exonérations ». En effet, la compensation budgétaire est réalisée « sur la base des coûts des exonérations "en encaissement", c’est-à-dire correspondant aux montants supplémentaires qui auraient été effectivement encaissés entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année en l’absence de mise en œuvre de l’exonération, tandis que les montants enregistrés dans les comptes des régimes […] correspondent à leur valeur en droits constatés ».
2. La création d’un régime d’exonération dégressive unique à la place des trois dispositifs d’allègements généraux
L’article 6 du PLFSS pour 2025 instituerait à compter du 1er janvier 2026 un dispositif unique de réduction générale dégressive des cotisations sociales (a), tandis que son article 7 rationnalise trois dispositifs dérogatoires de moindre envergure (b).
a. L’instauration d’une réduction générale dégressive des cotisations sociales dont le point de sortie se situerait à 3 fois le SMIC
L’article 6 du PLFSS engage une importante réforme des allègements généraux de cotisations et contributions patronales, générant une économie nette de 4,1 milliards d’euros sur le périmètre des ROBSS en 2025 selon les estimations du Gouvernement.
i. Les allègements généraux, des effets contestés sur l’emploi et un coût élevé pour les finances publiques
● Les allègements sont dits généraux en ce qu’ils s’appliquent à l’ensemble des employeurs du secteur privé sans autre condition que celle relative au niveau de rémunération. Leur architecture s’est progressivement stabilisée autour de trois dispositifs, examinés plus amplement dans des travaux parlementaires et académiques auxquels le rapporteur pour avis se permet de renvoyer ([68]).
Sont ainsi distingués :
– la réduction générale dégressive portant sur les salaires compris entre 0 et 1,6 fois le SMIC, dite allègement Fillon ([69]) ;
– la réduction forfaitaire de 6 points des cotisations maladie portant sur les salaires compris entre 0 et 2,5 fois le SMIC, dite bandeau maladie ([70]) ;
– la réduction forfaitaire de 1,8 point des cotisations famille portant sur les salaires compris entre 0 et 3,5 fois le SMIC en vigueur au 31 décembre 2023, dite bandeau famille ([71]).
Selon le rapport de MM. Antoine Bozio et Étienne Wasmer, les dispositifs de réduction du coût du travail ont abouti à une forte diminution du taux des cotisations patronales au niveau du SMIC, lequel serait passé de 45 % en 1993 à 6,9 % en 2024. Initialement conçue pour soutenir l’emploi des salariés peu qualifiés, la réduction générale dégressive a été complétée par des réductions proportionnelles sur le haut de la distribution des salaires afin de renforcer la compétitivité des secteurs exposés à la concurrence internationale.
AllÈgements gÉnÉraux de cotisations patronales –
taux d’ExonÉration en fonction de la rÉmunération
Source : annexe 9 du PLFSS pour 2025.
● Si les allègements généraux sont devenus des instruments incontournables de la politique de l’emploi, leur efficacité et leur coût ont progressivement été remis en cause.
En premier lieu, la politique de réduction du coût du travail produirait un effet maximal sur les salaires modestes, alors que les exonérations appliquées aux rémunérations plus élevées ont un effet plus modeste sur l’emploi (sensibilité moindre au coût du travail, répercussion des gains de compétitivité dans les marges de l’entreprise, etc.). À cet égard, MM. Marc Ferracci et Jérôme Guedj préconisaient, dans un rapport d’information présenté en septembre 2023, de supprimer le « bandeau famille » pour les rémunérations comprises entre 2,5 et 3,5 SMIC, considérant que cet allègement est « sans effet significatif sur l’emploi ou la compétitivité » en raison de son ciblage insuffisant sur les bas salaires.
En second lieu, le caractère fortement dégressif de la réduction générale dégressive et les effets de seuil liés aux points de sortie des trois dispositifs conduiraient à un tassement de la distribution des salaires. En effet, les employeurs peuvent être incités à maintenir les rémunérations dans le champ des allègements généraux en raison de taux marginaux de prélèvement susceptibles d’atteindre 80 %. Les travaux de MM. Antoine Bozio et Étienne Wasmer, concluent que, dans certaines circonstances, un employeur s’expose à une hausse du coût du travail de près de 500 euros pour augmenter de 100 euros une personne rémunérée l’équivalent de 1,2 fois le SMIC. S’ils soulignent « la difficulté de mettre en évidence l’impact causal de la pente des allègements sur l’existence de trappes à bas salaires », les économistes n’excluent pas ce phénomène et confirment l’existence de taux marginaux implicites de prélèvements obligatoires élevés, lesquels sont de nature à freiner la progression salariale.
coÛt pour l’employeur d’une augmentation de 100 euros
du revenu disponbile du salariÉ (2023)
Note : à partir des données de la DREES, le rapport de la mission Bozio-Wasmer évalue que pour augmenter de 100 euros une personne rémunérée l’équivalent de 1,2 Smic, vivant seule, sans enfant, non bénéficiaire de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et locataire en zone 2 – soit l’essentiel de la région Île-de-France hors de Paris et des grandes agglomérations françaises –, touchant toutes les prestations auxquelles elle est éligible, l’employeur doit augmenter son coût du travail de 497 euros en 2023.
Source : rapport de la mission confiée à MM. Antoine Bozio et Étienne Wasmer (p. 125).
Enfin, le coût des allègements généraux est élevé. Il s’élèverait à 74,4 milliards d’euros en 2024 sur le périmètre des ASSO, compte tenu de l’intégration des cotisations de retraite complémentaire et des contributions d’assurance chômage dans le champ des allègements dits Fillon à compter du 1er janvier 2019. Sur le seul périmètre des ROBSS, le coût des trois dispositifs s’établirait à 65,9 milliards d’euros en 2024, contre seulement 47,4 milliards d’euros en 2020. Les revalorisations successives du SMIC liées au contexte inflationniste ont renchéri le coût de la réduction générale dégressive en raison du tassement de la distribution des salaires au voisinage du SMIC, tout en alourdissant le coût des réductions proportionnelles via le report de leur point de sortie sur des rémunérations supérieures.
De premières mesures de modération des dépenses ont été prises, l’article 20 de la LFSS pour 2024 gelant les points de sortie du « bandeau maladie » et du « bandeau famille » au niveau du SMIC en vigueur au 31 décembre 2023 ([72]). Selon le rapport de la mission Bozio-Wasmer, cette mesure a abaissé le seuil de sortie du « bandeau maladie » de 2,5 à 2,47 SMIC et celui du « bandeau maladie » de 3,5 à 3,46 SMIC. Les économies afférentes s’élèveraient à 0,5 milliard d’euros en 2024.
ii. La mise en place progressive d’un dispositif unifié de réduction générale dégressive pour les rémunérations jusqu’à 3 SMIC
La réforme proposée par l’article 6 du PLFSS pour 2025 se déploierait en trois étapes, permettant d’aboutir à la suppression des bandeaux « famille » et « maladie » et à la mise en place d’un régime unifié d’allègements généraux applicable à l’ensemble des rémunérations inférieures à 3 fois le SMIC à compter du 1er janvier 2026.
● Concrètement, la nouvelle architecture proposée permettrait d’adoucir la pente des allègements généraux et de renforcer la convexité de leur trajectoire. Le taux d’exonération diminuerait progressivement de quatre points pour les rémunérations au niveau du SMIC, puis augmenterait entre 1,3 et 1,8 fois le SMIC avant d’augmenter à nouveau au-delà de ce seuil jusqu’au nouveau point de sortie du dispositif, abaissé à 3 fois le SMIC contre 3,5 fois aujourd’hui.
Sont ainsi distinguées les trois étapes suivantes, lesquelles visent dans l’ensemble à réduire le phénomène des trappes à bas salaire, à favoriser la progression salariale et à davantage maîtriser le coût des exonérations sociales.
Dès cette année, la valeur du SMIC prise en compte pour le calcul de la réduction générale dégressive sera fixée à un niveau égal à celle du SMIC au 1er janvier 2024. Il s’agit de maîtriser le coût des allègements généraux en neutralisant la revalorisation du SMIC qui interviendrait le 1er novembre 2024. En outre, l’assiette de rémunération prise en compte pour le calcul des allègements serait majorée des primes de partage de la valeur (PPV) versées à compter du 10 octobre 2024, date de dépôt du PLFSS, et minorée de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS). La modification des règles de calcul conduirait à réduire le montant de l’exonération, le point de sortie de la réduction générale dégressive reculant de 1,6 à 1,57 fois le SMIC en novembre 2024.
À compter du 1er janvier 2025, le montant maximal d’exonération de la réduction générale dégressive serait diminué de deux points via l’augmentation correspondante du taux des cotisations d’assurance vieillesse, contribuant au redressement des comptes de la branche vieillesse du régime général. Par ailleurs, les points des réductions forfaitaires seraient ramenés respectivement à 2,2 et 3,2 SMIC pour les bandeaux maladie et famille.
À compter du 1er janvier 2026, le taux des cotisations d’assurance vieillesse au niveau du SMIC serait de nouveau augmenté de deux points, tandis que les bandeaux maladie et famille seraient supprimés. Pour les entreprises de plus de cinquante salariés, soumises au taux de 0,5 % au titre de l’allocation de logement social ([73]), le taux des cotisations patronales au niveau du SMIC s’élèverait désormais à 36,1 %, contre 40,1 % au titre du droit en vigueur.
pente des AllÈgement gÉnÉraux À compter du 1er janvier 2026 –
taux d’ExonÉration en fonction de la rÉmunÉration
Source : annexe 9 du PLFSS pour 2025.
● Le rapporteur pour avis prend acte de la réforme des allègements généraux proposée à l’article 6 du PLFSS pour 2025, se félicitant que le dispositif envisagé entraînerait un surcroît de recettes de 0,6 milliard d’euros dès 2024 et de 5,1 milliards d’euros en 2025. Selon les données arrondies figurant dans l’annexe 9, ce dernier montant serait réparti entre la branche maladie (2,1 milliards d’euros), la branche vieillesse (2,7 milliards d’euros) et la branche famille (0,3 milliard d’euros).
L’effet net de la réforme sur le champ des ROBSS s’établirait à 4,1 milliards d’euros l’année prochaine, en raison de la rétrocession à l’État d’une fraction de TVA équivalente à 1 milliard d’euros. Cette rétrocession doit compenser pour l’État la diminution du rendement de l’impôt sur les sociétés qu’engendrerait la réforme des allègements généraux, laquelle pèserait sur les bénéfices des entreprises. L’article 38 du PLF pour 2025, qui modifie le 9° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale pour réduire la fraction de TVA affectée à la CNAM de 28,57 % à 28,14 %, permettrait d’assurer la neutralité de « l’effet retour » de l’impôt sur les sociétés sur le budget de l’État.
En parallèle, l’article 8 du PLFSS pour 2025 modifie le 8° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale afin de répartir l’incidence de la rétrocession de TVA à l’État entre les trois branches du régime général qui bénéficieraient de la réforme des allègements généraux. Seraient réalisés les mouvements suivants :
– la fraction du produit de la taxe sur les salaires affectée à la CNAV serait abaissée de 55,57 % à 52,96 % (– 534 millions d’euros) ;
– la fraction du produit de la taxe les salaires affectée à la CNAF serait abaissée de 15,8 % à 14,31 % (– 266 millions d’euros) ;
– la fraction du produit de la taxe sur les salaires affectée à la CNAM serait portée de 23,55 % à 27,65 % (+ 800 millions d’euros).
● Sans contester le bien-fondé des mesures envisagées, le rapporteur pour avis formule deux remarques quant à l’incidence de la réforme des allègements généraux.
D’une part, il s’interroge sur l’articulation de la réforme des allègements généraux avec les dispositifs d’exonération spécifiques, tels que la réduction de cotisations pour les entreprises implantées en outre-mer, dite LODEOM, et l’aide TO‑DE. L’annexe 9 indique qu’une « déclinaison mécanique de la réforme voudrait que la modification du coefficient maximum d’exonération de cotisations applicable au niveau du SMIC pour la réduction générale entraine symétriquement une modification identique pour ces exonérations spécifiques », réduisant le niveau d’allègement procuré par les exonérations ciblées.
Le V de l’article 6 habiliterait le Gouvernement à prendre des ordonnances pour aménager les dispositifs dont le bénéfice est cumulable avec les allègements généraux. Les modifications interviendraient « en vue de tenir compte des conséquences sur l’emploi de ces règles, ainsi que des évolutions rendues nécessaires par l’entrée en vigueur [de la réforme des allègements généraux] afin de respecter les crédits votés en loi de finances ». Cette rédaction interroge la volonté du Gouvernement d’opérer des ajustements à coût constant pour assurer la pérennité des exonérations ciblées, dont le coût pour la sécurité sociale est compensé au moyen de crédits budgétaires, ou de réaliser des économies.
Le rapporteur pour avis appelle à ne pas affaiblir des dispositifs utiles et éprouvés, mis en place pour répondre aux besoins de publics, de secteurs ou de territoires fragiles.
D’autre part, il regrette que les effets potentiels de la réforme des allègements généraux sur l’activité et l’emploi ne fassent pas l’objet d’une évaluation plus robuste. L’annexe 9 du PLFSS pour 2025 se borne à relever que, « si plusieurs études semblaient considérer une forte élasticité-coût du travail essentiellement au niveau du SMIC, des travaux récents et qui n’ont pas pu être intégrés dans les modélisations gouvernementales indiquent plutôt que les emplois à bas salaires sont en réalité moins exposés à la concurrence internationale ». Ces développements sont insuffisants pour éclairer le législateur sur une réforme majeure de la politique de l’emploi, qui revient sur près de trente années de renforcement des exonérations de cotisations patronales.
b. La rationalisation de trois dispositifs dérogatoires ciblés, pour un surcroît de recettes de 1 milliard d’euros dès 2025
L’article 7 du PLFSS pour 2025 modifie trois dispositifs sociaux dérogatoires dans un objectif de maîtrise des dépenses publiques. Ces mesures seraient à l’origine d’un surcroît de recettes de 1 milliard d’euros par an dès 2025.
i. L’assujettissement de la rémunération des apprentis à la CSG et à la CRDS pour les rémunérations supérieures à 50 % du SMIC
● La rémunération des apprentis n’a jamais été assujettie à la CSG ni à la CRDS depuis la création de ces deux impositions dans les années 1990. Cette exemption d’assiette, dont le coût est évalué à 1,2 milliard d’euros, n’est pas compensée à la sécurité sociale par l’État, le dispositif étant antérieur à la loi dite Veil du 25 juillet 1994.
Dans sa revue des dépenses publiques d’apprentissage et de formation professionnelle, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’administration (IGA) relèvent que « l’exonération du revenu des apprentis fait figure d’exception parmi l’ensemble des revenus du travail » et que « le caractère universel de la protection sociale [financée par la CSG et la CRDS] rend l’exonération particulièrement injustifié » ([74]). À titre d’illustration, les stagiaires en milieu professionnel sont assujettis aux prélèvements sociaux dès que leur gratification dépasse 15 % du PASS par heure de stage effectuée au cours d’un mois. Les apprentis acquièrent également des droits sociaux contributifs en cotisant à l’assurance chômage et les trimestres passés en apprentissage sont pris en compte pour la constitution de droits à retraite ([75]).
● Dans un objectif de rationalisation des exonérations de prélèvements sociaux, le I de l’article 7 assujettit la rémunération des apprentis à la CSG et la CRDS au-delà de 0,5 fois le SMIC à compter du 1er janvier 2025. Cette mesure représenterait un surcroît de recettes de 360 millions d’euros par an. Le rapport de la mission IGF-IGA indique que « près d’un quart de la masse salariale des apprentis excède le seuil 0,5 SMIC en raison de la concentration autour de 0,56 SMIC ». Selon l’annexe 9, la mesure aurait une incidence négative modérée, à hauteur de 9,7 %, sur la part de la rémunération des apprentis supérieure à la moitié du SMIC brut (supérieure à 883 euros par mois au 1er janvier 2024).
Le rapporteur pour avis relève que le Gouvernement envisage, en parallèle, d’abaisser par voie réglementaire le seuil d’exonération de cotisations salariales de la rémunération des apprentis, aujourd’hui fixé à 0,79 fois le SMIC ([76]). En cohérence avec les règles d’assujettissement à la CSG et CRDS proposées, la baisse du seuil d’exonération de cotisations salariales à 0,5 fois le SMIC est privilégiée. Cette mesure représenterait une économie supplémentaire de 300 millions d’euros au titre du budget de l’État, qui compense aujourd’hui l’allègement à la sécurité sociale par le biais du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi ».
ii. Le resserrement du dispositif d’exonération de cotisations patronales applicable au secteur maritime
● En application de l’article L. 5533-1 du code des transports, les armateurs de navires de transport et de service maritimes soumis « à titre principal à la concurrence internationale » et battant pavillon français, d’un État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’espace économique européen (EEE) ou suisse sont exonérés de cotisations employeurs d’allocations familiales et d’assurance chômage pour l’emploi de marins. Le coût du dispositif est compensé à l’Unédic et à l’ACOSS par l’État au moyen des crédits portés par le programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture de la mission Écologie, développement et mobilité durables ».
L’annexe 9 indique que les marins employés sur des navires de fret et de service perçoivent des rémunérations comprises entre 2,5 et 4 fois le SMIC, correspondant à « des emplois qualifiés pour lesquels la concurrence internationale repose davantage sur la compétitivité hors-prix (compétence, qualification, savoir‑faire) ».
● Afin de contenir l’effet d’aubaine lié à l’absence de ciblage sur les bas salaires, le II de l’article 6 du PLFSS pour 2025 modifie l’article L. 5533-1 du code des transports pour resserrer le bénéfice de l’exonération de cotisations patronales pour les armateurs en le limitant aux navires de passagers, secteur le plus intensif en emplois moins qualifiés. Une économie de 20 millions d’euros sur la compensation de l’État aux ASSO est attendue de cette mesure.
iii. La suppression de l’exonération de cotisations sociales pour les jeunes entreprises innovantes (JEI) ou de croissance (JEC)
Dans le cadre de la politique de soutien à l’innovation, les jeunes entreprises intensives en recherche et développement (R&D) bénéficient d’un cadre fiscal et social dérogatoire.
● Depuis le 1er janvier 2004, les petites et moyenne entreprises (PME) créées depuis moins de huit ans et dont les dépenses de recherche et développement représentent au moins 15 % des charges déductibles bénéficient du statut de jeune entreprise innovante (JEI). Ces dernières sont exonérées de cotisations d’assurance maladie, d’assurance vieillesse et d’allocations familiales pour les rémunérations inférieures à 4,5 fois le SMIC, dans la limite de 5 fois le PASS ([77]). La limite d’éligibilité est portée à 11 ans pour les entreprises créées avant le 31 décembre 2023.
L’article 44 de la loi de finances pour 2024 crée une nouvelle catégorie de JEI dénommée Jeunes Entreprises de Croissance (JEC) ([78]), dont les dépenses de de recherche et développement représentent entre 5 % et 15 % des charges déductibles. Sont éligibles au statut de JEC les entreprises qui respectent des critères de performance économique définis par décret, à savoir le doublement des effectifs sur deux ans glissants, lequel doit représenter au moins dix salariés, et la stabilité des dépenses de recherche et développement en valeur ([79]).
Selon l’annexe 2 du PLACSS pour l’année 2023, le dispositif des JEI bénéficiait à 20 057 entreprises en 2023 pour un coût de 266,6 millions d’euros, compensé par l’État au régime général par l’attribution de crédits budgétaires portés par le programme 150 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES). Le coût de ces exonérations sociales a presque doublé depuis 2014, année durant laquelle elles s’établissent à 139,8 millions d’euros.
Outre le dynamisme de la compensation assurée par l’État, il est indiqué que l’exonération au titre du statut de JEI « est largement plus favorable » que les allègements généraux en raison d’un point de sortie à 4,5 fois le SMIC. Pour un salarié rémunéré à hauteur 1,3 fois le SMIC en 2024, l’exonération « JEI » permettrait une diminution du coût du travail deux fois plus importante qu’en cas d’application des allègements généraux.
● Le III de l’article 6 supprime l’exonération de cotisations patronales dont bénéficient les JEI et les JEC, pour un surcroît de recettes estimé à 300 millions d’euros par an.
Le statut de jeune entreprise universitaire (JEU), créé par l’article 71 de la loi de finances pour 2008 afin de renforcer les synergies entre le monde de la recherche et celui de l’entreprise ([80]), est quant à lui maintenu. Son coût est plus modeste ; il estimé à 3,23 millions d’euros en 2023 et compensé par l’État via le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » de la MIRES.
L’annexe 9 indique que la suppression des exonérations de cotisations sociales pour les JEI et les JEC vise à recentrer la politique de soutien à l’innovation « sur l’aide à l’investissement et plus à la création d’emploi », en cohérence avec le renforcement du dispositif dit IR-PME ou « Madelin » par l’article 48 de la loi de finances pour 2024. Codifié à l’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts, celui-ci permet désormais aux particuliers de bénéficier d’une réduction d’impôt majorée au titre des souscriptions en numéraire au capital de JEI et JEC.
rÉpartition des dÉpenses par branche
(en millions d’euros et en pourcentage)
|
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Évolution 2024-2025 |
Évolution 2021-2025 |
Maladie |
242 178 |
243 898 |
253 642 |
263 525 |
4 % |
8 % |
AT-MP |
14 456 |
15 408 |
15 974 |
16 591 |
4 % |
14 % |
Famille |
51 367 |
55 734 |
57 913 |
59 733 |
3 % |
19 % |
Vieillesse |
263 281 |
275 067 |
293 702 |
304 456 |
4 % |
17 % |
Autonomie |
35 169 |
37 579 |
40 000 |
41 593 |
4 % |
21 % |
FSV |
18 027 |
19 281 |
20 584 |
21 266 |
3 % |
7 % |
Consolidation des transferts entre régimes de base et le FSV |
– 32 369 |
– 36 238 |
– 38 436 |
– 39 444 |
3 % |
16 % |
Dépenses consolidées du régime de base et du FSV |
592 109 |
610 729 |
643 379 |
667 720 |
4 % |
13 % |
Source : rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale d’octobre 2024.
Les dépenses des régimes de base et du FSV ont fortement augmenté en 2020 (+ 5,3 %) et 2021 (+ 5,7 %), après avoir connu une progression moyenne modérée de 1,7 % en valeur entre 2012 et 2019. En 2022 et en 2023, les dépenses ont continué de croître mais de façon moins soutenue que les années précédentes, à hauteur de 4,4 % et 3,1 %.
L’année 2023 a signé la normalisation progressive des dépenses des ROBBS du fait d’une circulation du virus devenue endémique et d’une forte baisse des dépenses induites par la crise liée à l’épidémie du covid-19 qui se sont élevées à 1,1 milliard d’euros en 2023 après 11,7 milliards d’euros en 2022 et 18,3 milliards d’euros en 2021. Néanmoins, les dépenses sont demeurées dynamiques, principalement du fait de deux tendances.
En premier lieu, une grande partie des dépenses engagées durant la crise sanitaire ont été pérennisées pour renforcer le système de protection sociale. Le Ségur de la santé a contribué à redonner de l’attractivité à un secteur particulièrement touché par la crise sanitaire. Ces accords ont conduit à une revalorisation de 183 euros nets par mois des personnels non médicaux des établissements de santé et des EHPAD, puis des agents et salariés des ESMS et des travailleurs des métiers du secteur social et médico-social. L’instauration d’un tarif plancher pour les soins à domicile par la LFSS pour 2022, ou encore le déploiement progressif des mesures de la stratégie « Ma santé 2022 », constituent également des mesures de renforcement et de modernisation du système de protection sociale.
En second lieu, le contexte économique marqué par une importante inflation a contribué à l’augmentation significative des dépenses en 2023 et en 2024 en raison de l’indexation des prestations.
En 2024, les dépenses ont fortement progressé par rapport à l’année précédente (+ 5,3 %), en raison des effets en année pleine de l’indexation des prestations monétaires et de la dynamique des dépenses d’assurance maladie, notamment celles relevant de l’ONDAM. En prévoyant une dépense totale de 640 milliards d’euros, le PLFSS pour 2024 a poursuivi des mesures visant à la modernisation du système de santé. Il a également consacré la montée en charge progressive de la branche autonomie.
En retranchant les effets des mesures nouvelles du PLFSS pour 2025, les dépenses devraient augmenter de 3,7 %, avec l’effet toujours important en 2025 de l’indexation des prestations. Les mesures envisagées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 reflètent la priorité accordée à la préservation et au renforcement de notre système de protection sociale, dans un contexte où la sécurité sociale est appelée à prendre sa part dans l’effort de redressement des finances publiques entrepris pour ramener le déficit de 6,1 % en 2024 à 5 % en 2025. L’année 2025 est, en effet, marquée par un niveau inédit d’économies à réaliser afin d’améliorer l’efficience et la pertinence des dépenses de l’assurance maladie.
La programmation des dépenses de sécurité sociale dans la loi
de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
La loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit en son article 18, de la même manière que la précédente loi de programmation, la trajectoire de l’objectif de dépenses des ROBSS pour les années 2023 à 2026. D’après cet article, les dépenses des ROBSS et du FSS devraient atteindre 610,9 milliards d’euros en 2023, 641,8 milliards d’euros en 2024, 665,2 milliards d’euros en 2025, 685,8 milliards d’euros en 2026 et 705,4 milliards d’euros en 2027. Cette augmentation en euros courants se traduit par une stabilisation des dépenses des ROBSS dans le PIB autour de 21,8 %.
I. Les dÉpenses de la branche maladie
Les dépenses de santé sont appréhendées par le biais de deux indicateurs aux périmètres différents.
● La branche maladie des ROBSS couvre l’ensemble des dépenses de santé réalisées par les différentes caisses de sécurité sociale, en premier lieu la CNAM et son réseau de 102 caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Depuis 2017, la branche maladie du régime général des salariés du privé gère également les dépenses de santé des fonctionnaires. D’autres régimes spéciaux disposent de leur propre caisse d’assurance maladie : c’est le cas par exemple de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la société nationale des chemins de fer français (CPRP SNCF) pour les assurés du régime spécial de la SNCF ;
● L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), instauré par la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, est composé de six sous-objectifs. Il se distingue des dépenses de santé des ROBSS par son périmètre. Si l’ensemble des ROBSS sont intégrés dans le calcul de l’ONDAM, le périmètre de ce dernier est interbranches : il excède le périmètre strict de la branche maladie, pour inclure également des dépenses d’indemnités relevant de la branche AT-MP et, depuis 2021, l’ensemble du financement par la nouvelle branche autonomie des établissements médico-sociaux (objectif global de dépenses (OGD)).
A contrario, alors que la branche maladie intègre quatre risques (maladie, maternité, invalidité et décès), l’ONDAM n’inclut pas l’intégralité des dépenses de la branche maladie : il exclut par exemple les indemnités journalières de maternité et les prestations invalidité et décès. Sont également exclues de l’ONDAM les charges de gestion de la branche. Enfin, l’ONDAM tient compte des recettes atténuatives venant minorer la norme de dépenses, comme les remises sur les produits de santé ou les taxes sur les organismes complémentaires (OC) ([81]).
composition de l’ondam et des comptes des branches
Source : annexe V du PLFSS pour 2025.
Note : les dépenses du champ de l’ONDAM sont identifiées par la partie grisée.
En 2023, en dépit du reflux des dépenses liées à la crise sanitaire, les dépenses seraient bien au-dessus de la prévision (A) et, portées par l’inflation, continueraient leur évolution à un rythme très soutenu en 2024 (B). Le dynamisme devrait ralentir sous l’effet des mesures nouvelles décidées dans le PLFSS pour 2025 (C).
A. En 2023, les dépenses ont considérablement excédé les prévisions initiales, malgré le repli des coûts liés à la crise sanitaire
En 2023, les dépenses de la branche maladie se sont élevées à 243,9 milliards d’euros, en augmentation de 0,7 % par rapport aux dépenses de 2022, pour un objectif fixé en LFSS pour 2023 à 238,3 milliards d’euros.
L’année 2023 a été marquée par le reflux des dépenses liées à la crise sanitaire qui se sont établies à 1,1 milliard d’euros en 2023 contre 11,7 milliards d’euros en 2022. Atteignant un niveau proche de celui inscrit dans l’ONDAM initial (1 milliard d’euros), les dépenses liées à la crise sanitaire ont servi à financer la prise en charge de la campagne de vaccination et des achats de vaccins (0,6 milliard d’euros) ainsi que des tests PCR et antigéniques remboursés (0,5 milliard d’euros).
Pour la troisième année consécutive, l’ONDAM exécuté (247,9 milliards d’euros) dépasse l’objectif de dépenses voté en LFSS initiale (244,1 milliards d’euros).
La loi de financement rectificative de la sécurité sociale d’avril 2023 a rectifié l’ONDAM en le relevant de 750 millions d’euros pour intégrer une mesure ciblée de prorogation de la majoration des rémunérations d’horaires de nuit et de garde des personnels hospitaliers (600 millions d’euros) et pour couvrir en partie la dynamique des dépenses de soins de ville (150 millions d’euros).
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a, ensuite, procédé à une rectification à la hausse de 2,8 milliards d’euros de l’ONDAM pour 2023 en raison du contexte inflationniste persistant.
Par rapport à l’objectif initial fixé en LFSS 2023, le dépassement de l’ONDAM hors dépenses liées à la crise sanitaire est de 3,8 milliards d’euros et s’explique par :
– la prise en compte des revalorisations salariales dans la fonction publique et leur extension aux établissements sanitaires et médico-sociaux privés pour un montant de 1,6 milliard d’euros ;
– les répercussions de l’inflation sur les dépenses d’indemnités journalières pour un montant de 500 millions d’euros ;
– le dépassement de l’objectif soins de ville à hauteur de 700 millions d’euros à la suite d’une forte accélération des dépenses en fin d’année ;
– la mesure ciblée de prorogation de la majoration des rémunérations d’horaires de nuit et de garde des personnels hospitaliers (600 millions d’euros) ;
– une aide exceptionnelle de 500 millions pour soutenir les établissements dont l’activité a progressé en 2023 ;
– une révision à la baisse de 100 millions d’euros au titre du Ségur de la santé.
Les dépenses se sont finalement établies à 247,9 milliards d’euros, dépassant de 0,3 milliard d’euros l’objectif révisé pour 2023 établi dans la LFSS pour 2024, et de 3,9 milliards d’euros l’objectif initial de la LFSS pour 2023. Ce dépassement s’est produit malgré des taux de progression prévisionnels significativement supérieurs à ceux d’avant la crise sanitaire, ainsi que la présence de provisions.
éVOLUTION DE L’ONDAM 2023 CONSTATéE PAR RAPPORT à L’OBJECTIF INITIAL
EN LFSS POUR 2023
(en milliards d’euros et en pourcentage)
Source : commission des finances d’après le rapport des comptes de la sécurité sociale d’octobre 2024.
B. EN 2024, des dépenses en progression témoignant du retour d’une trajectoire dynamique des dépenses hors crise
En 2024, les dépenses de la branche maladie s’élèveraient à 253,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 4 % par rapport aux dépenses de la branche en 2023, pour un objectif de dépenses fixé en LFSS pour 2024 établi à 251,9 milliards d’euros.
Les dépenses de l’ONDAM s’élèveraient à 256,1 milliards d’euros, en progression de 3,3 % par rapport aux dépenses constatées en 2023, et dépasseraient de 1,2 milliard d’euros l’objectif fixé en LFSS pour 2024.
Ce dépassement s’explique par :
– des surcoûts bruts liés à la crise sanitaire, estimés à 0,5 milliard d’euros, soit un dépassement de 0,3 milliard d’euros par rapport aux prévisions initiales ;
– un surcroît de dépenses dans les soins de ville, atteignant 1 milliard d’euros, principalement dû à l’augmentation des dépenses liées aux indemnités journalières, qui ont généré un dépassement de 500 millions d’euros, ainsi qu’à l’accélération des remboursements des honoraires des médecins spécialistes tout au long de l’année 2023 ;
– des dépenses des établissements de santé supérieures de 0,2 milliard d’euros par rapport à l’objectif voté dans la LFSS pour 2024, en raison notamment du dynamisme persistant de l’activité en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) ;
– des mesures nouvelles d’économie inférieures de 0,2 milliard d’euros aux prévisions, principalement en raison des signatures plus tardives que prévu de la convention médicale et des avenants avec les auxiliaires médicaux, réduisant ainsi le coût des mesures pour 2024.
In fine, les dépenses sous ONDAM seraient encore dynamiques en 2024 et enregistreraient une hausse de 3,6 %, – une fois neutralisées les dépenses de santé directement liées à la crise sanitaire, prévues à environ 0,2 milliard en 2024. Les mesures exceptionnelles en lien avec la crise sanitaire atteindraient 0,5 milliard d’euros en 2024, notamment pour financer la prise en charge de la campagne de vaccination et des achats de vaccins (0,35 milliard d’euros) ainsi que la montée en charge du recours à un médicament antiviral prescrit pour les personnes à risque dans les premiers jours de l’infection (0,1 milliard d’euros).
Les dépenses de soins de ville atteindraient 102 milliards d’euros, soit un montant en progression de 5,1 % par rapport à 2023 et qui fait suite à une croissance soutenue de + 4,8 % en moyenne par an entre 2019 et 2023.
La croissance des dépenses de soins de ville est ainsi plus marquée depuis la crise du covid-19 qu’au cours des années qui l’avaient précédée : elles avaient augmenté en moyenne annuelle de 2,9 % entre 2015 et 2019. Cette accélération est principalement portée par le dynamisme des produits de santé et des indemnités journalières, ces deux postes représentant à eux deux un peu plus de la moitié de la dépense totale des soins de ville en 2024.
Évolution des dÉpenses relevant du champ de l’ondam depuis 2004
Source : rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale d’octobre 2024.
Note de lecture : en abscisses figure le niveau de dépenses constaté en milliards d’euros et en ordonnées le taux d’évolution associé ; la taille de la bulle représente l’ampleur du dépassement (en rouge) ou de la sous-exécution (en vert). Ainsi, en 2024, les dépenses totales dans le champ de l’ONDAM atteindraient 256,1 milliards d’euros, soit une évolution à périmètre constant de 3,3 %.
C. uNE augmentation modérée de l’ONDAM en 2025 résultant d’une maîtrise accrue DES déPENSES
La progression de l’ONDAM en 2025 resterait contenue (1) grâce à la modération des dépenses instaurée par les mesures du PLFSS pour 2025 (2).
1. Un ONDAM pour 2025 fixé à 263,9 milliards d’euros
Le PLFSS pour 2025 propose de fixer l’ONDAM à 263,9 milliards d’euros, ce qui correspond à une hausse de 2,8 % par rapport à l’ONDAM 2024 rectifié en PLFSS pour 2025.
La construction de l’ONDAM repose sur l’hypothèse d’une circulation devenue endémique du covid-19 et d’un retour à une dynamique d’activité des différents acteurs de l’offre de soins comparable aux années antérieures à la crise sanitaire.
Cette progression est principalement portée par la hausse spontanée du sous-objectif des soins de ville, qui s’élève à 3,7 %, tandis que le sous-objectif des établissements sanitaires connaît une évolution plus modérée, à 2,4 %.
L’ONDAM connaîtrait une progression de 2,8 %, avec une influence négligeable des dépenses liées au covid-19 sur son évolution tendancielle. En effet, le montant prévu pour la gestion de la crise sanitaire en 2025 reste stable par rapport à celui rectifié dans la LFSS pour 2024, à hauteur de 0,5 milliard d’euros. Ces dépenses seraient maintenues à un niveau équivalent à 2024, comprenant 0,14 milliard d’euros de dotation à Santé Publique France pour honorer les contrats de livraison déjà signés, et 0,4 milliard d’euros alloués aux soins de ville, afin de couvrir d’éventuels surcoûts persistants liés au dépistage et à la rémunération des professionnels chargés de la vaccination.
Les dépenses de soins de ville, qui constituent la dépense la plus importante sous ONDAM, progresseraient de 2 %, une fois prises en compte les mesures nouvelles en dépenses, contribuant à une augmentation de 1,6 % et les mesures de régulation, contribuant à une diminution de 3,3 %.
Parmi les dépenses du sous-objectif soins de ville, le montant des indemnités journalières progresserait de 5 % en 2025, hors maîtrise médicalisée, du fait de l’effet prix induit par la hausse du SMIC. Au regard du montant croissant des dépenses d’indemnités journalières, qui ont représenté un total de 12 milliards d’euros en 2022, soit une augmentation de 56 % par rapport à 2017, le rapporteur pour avis rappelle la nécessité de contenir ces dépenses. Il suggère d’examiner l’opportunité d’une modification du délai de carence, soit pour en étendre la durée, soit pour le faire évoluer en fonction du nombre de congés de maladie pris par l’agent au cours de l’année.
Les financements nouveaux consacrés à l’hôpital expliqueraient la croissance de + 3,1 % des dépenses des établissements de santé, soit :
– 1,1 milliard d’euros au titre du coût de l’augmentation du taux de la cotisation employeur versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ;
– 2,6 milliards d’euros pour couvrir l’évolution spontanée des charges des établissements ;
– 0,8 milliard d’euros destinés au financement des priorités de santé publique et d’accès aux soins, comprenant à la fois des mesures nouvelles ciblées (0,7 milliard d’euros) et le refinancement lié au gel des mises en réserves sur les dotations de 2024.
La construction du sous-objectif relatif aux établissements de santé intègre des mesures d’efficience au sein des établissements de santé, à hauteur de 0,6 milliard d’euros. En outre, des économies transversales, notamment par la baisse des prix des produits de santé et l’impact de la hausse du ticket modérateur sur les actes et consultations externes, s’élèvent à 1,3 milliard d’euros, dont 0,6 milliard pesant directement sur les établissements.
Évolution de l’ondam et de ses sous-objectifs en 2024
(en milliards d’euros et en pourcentage)
Sous-objectif |
Prévision 2025 |
Évolution par rapport à 2024 |
Dépenses de soins de ville |
111,6 |
1,9 % |
Dépenses relatives aux établissements de santé |
108,8 |
3,1 |
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées |
17,7 |
9,9 % |
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées |
15,7 |
3,3 % |
Dépenses relatives au Fonds d’intervention régional et soutien à l’investissement |
6,6 |
– 1,5 % |
Autres prises en charge |
3,5 |
9,4 |
Total |
263,9 |
2,8 % |
Source : commission des finances à partir du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Selon la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, l’ONDAM progresserait de 3 % en 2025 puis de 2,9 % en 2026 et 2027. Cette évolution assez modérée des dépenses relevant de l’ONDAM serait notamment permise « par la maîtrise de certaines typologies de dépenses de soins de ville et de produits de santé ainsi que par le développement de la politique de prévention » ainsi que par le renforcement de la prévention qui constitue « un levier d’efficience de la dépense et d’amélioration de l’état de santé de la population ».
Évolution prÉvisionnelle des dÉpenses de la branche maladie
(en milliards d’euros et en pourcentage)
2023 |
2024* |
2025* |
2026* |
2027* |
Évolution entre 2024 et 2025 |
Évolution entre 2025 et 2027 |
243,9 |
253,6 |
260,8 |
268,3 |
276,2 |
2,95 % |
6,07 % |
Source : commission des finances à partir de l’annexe A au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Note : les dépenses des années accompagnées d’un astérisque sont prévisionnelles.
2. Les mesures nouvelles visant à réaliser des économies en dépenses
Afin de garantir la soutenabilité de notre modèle sociale, l’année 2025 est marquée par un niveau inédit d’économies à réaliser afin d’améliorer l’efficience et la pertinence des dépenses de l’assurance maladie.
Le PLFSS pour 2025 prévoit un certain nombre de mesures nouvelles ayant un effet sur les dépenses des régimes obligatoires de base de l’assurance maladie. Ces mesures visent à poursuivre les efforts de régulation sur les médicaments et dispositifs médicaux (a), à renforcer l’efficience de la dépense au sein des établissements de santé (b) et à prévenir les pénuries de médicament (c).
a. Le renforcement de la régulation des médicaments et dispositifs médicaux
● L’article 15 propose de renforcer les outils mobilisables pour maîtriser les dépenses remboursées par l’assurance maladie dans des secteurs dynamiques, tels que l’imagerie et la biologie.
Les dépenses d’assurance maladie en ville sont très dynamiques dans certains secteurs relevant du champ conventionnel, tels que la biologie médicale dont les dépenses ont crû de 2,2 % en 2023 pour atteindre 3,64 milliards d’euros et l’imagerie médicale dont les dépenses connaissent depuis 2021 une croissance annuelle de l’ordre de 6 %.
La mesure introduit un cadre légal pour les protocoles sectoriels conclus entre l’assurance maladie et les professionnels de santé, à l’image des accords existant dans la biologie avant la crise sanitaire. Ces accords, signés au niveau national, fixent des objectifs de maîtrise des dépenses et des mesures correctrices en cas de dépassement. Si ces objectifs ne sont pas atteints, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) pourra imposer unilatéralement des baisses tarifaires sur les actes médicaux.
La mesure prévoit également que les ministres de la santé et de la sécurité sociale peuvent exiger la signature de tels protocoles dans un délai de quatre mois. À défaut, ils pourront eux-mêmes procéder à des réductions tarifaires.
En outre, pour le secteur de l’imagerie, un nouveau protocole doit être signé avant le 30 avril 2025, avec un objectif de 300 millions d’euros d’économies entre 2025 et 2027. Si aucun accord n’est conclu, l’UNCAM aura l’autorité pour réduire les tarifs d’imagerie par décision unilatérale.
Enfin, la mesure s’applique également aux protocoles en biologie, permettant des économies d’environ 100 millions d’euros par an pour les trois prochaines années.
● L’article 16 étend le dispositif d’accompagnement à la pertinence des prescriptions, actuellement limité aux produits de santé, à d’autres secteurs comme les transports de patients et les examens de biologie.
Les prescriptions de transports de patients et d’examens de biologie présentent des dépenses croissantes, représentant 6,3 milliards d’euros pour les transports en 2023, avec des hausses de coûts par trajet pour les ambulances et taxis.
En biologie, le mésusage de certains examens comme le dosage de vitamine D a représenté 45 millions d’euros en 2023, dont une partie pourrait être économisée grâce à la mesure.
Pour maîtriser la dynamique de croissance des dépenses d’assurance maladie et limiter le mésusage associé à certaines prescriptions, l’article 16 du PLFSS pour 2025 propose d’étendre à ces nouveaux secteurs le dispositif d’accompagnement à la prescription instauré par l’article 73 de la LFSS pour 2024 pour les produits de santé.
Ce dispositif exige que les prescripteurs, via un formulaire (téléservice ou papier), précisent les circonstances de la prescription, qui sera ensuite validée ou non pour être prise en charge par l’assurance maladie. Si une prescription est jugée non conforme aux recommandations, elle ne sera pas remboursée. Ce mécanisme s’applique particulièrement aux actes de biologie médicale, avec un arrêté ministériel déterminant les examens concernés. De plus, les prescripteurs doivent désormais cibler les transports adaptés aux patients, réservant les ambulances aux cas nécessitant des soins particuliers.
Dans le secteur de la biologie, l’accompagnement renforcé des prescripteurs pourrait permettre de réduire les pratiques non conformes aux recommandations, notamment pour les dosages de vitamine D, de thyréostimuline et les examens cytobactériologiques des urines. Cette mesure pourrait générer des économies annuelles potentielles de 7,5 millions d’euros, 10 millions d’euros et 30 millions d’euros respectivement, en réduisant le mésusage de ces actes.
Concernant les transports, une expérimentation dans le Val-de-Marne a montré qu’un accompagnement renforcé des prescripteurs permet de réduire l’usage des ambulances au profit de transports assis professionnalisés, générant des économies potentielles estimées à 114 millions d’euros à terme, après déploiement de la mesure à partir de 2025.
● L’article 20 vise à associer la prise en charge des dispositifs médicaux à une obligation de remontée de données d’utilisation pour garantir leur efficacité.
Entre 2017 et 2023, les dépenses consacrées aux dispositifs médicaux, en particulier ceux à composante numérique, ont connu une croissance annuelle moyenne de 4,2 %, atteignant 4,6 % entre 2022 et 2023.
Actuellement, l’assurance maladie rembourse des dispositifs médicaux sans tenir compte de leur utilisation effective, ce qui engendre des dépenses superflues. Les contrôles a posteriori des données d’utilisation se heurtent à des difficultés pratiques en raison du nombre élevé de patients traités, entraînant un risque de fraude lié à des remboursements non justifiés.
La mesure propose d’associer la prise en charge des dispositifs médicaux à une obligation de remontée de données d’utilisation pour garantir leur efficacité. La prise en charge de la télésurveillance doit donc être conditionnée à l’utilisation réelle du dispositif. En intégrant la transmission de données dans les arrêtés de prise en charge de la liste des produits et prestations, les prescripteurs devront évaluer la pertinence des prescriptions et orienter les patients vers d’autres options si nécessaire.
Cette mesure vise également à renforcer la lutte contre la fraude en exigeant la transmission d’informations attestant de l’utilisation effective des dispositifs aux services de l’assurance maladie.
L’impact de cette mesure dépendra de la capacité des prescripteurs à utiliser ces données et de la pertinence des dispositifs concernés. La mesure sera d’abord appliquée au secteur de la pression positive continue, dispositif de ventilation nasale, dont la dépense remboursée atteint 950 millions d’euros. En améliorant l’utilisation des données, près de 40 millions d’euros d’économie pourraient être réalisés.
L’entrée en vigueur mi-2025 de cette mesure permettrait un gain de 20 millions d’euros en 2025 et en 2026.
Par ailleurs, la mise en place d’un système de vérification par l’assurance maladie ou par un tiers de confiance des indicateurs pour confirmer la prise en charge de la facturation permettrait d’identifier les situations de fraude ou de facturation erronée. La correction de 1 % des facturations erronées pourrait générer une économie proche de 10 millions d’euros.
b. Renforcer l’efficience de la dépense au sein des établissements de santé
● L’article 17 propose de mieux maîtriser la dépense associée aux transports sanitaires.
Les dépenses de transports sanitaires ont connu une augmentation notable, particulièrement pour les ambulances (115 euros par trajet en 2023) et les taxis (61 euros), tandis que celles des véhicules sanitaires légers (VSL) se sont stabilisées (35 euros). Cette hausse s’explique par des revalorisations tarifaires, comme l’avenant 11 à la convention des transporteurs sanitaires privés signé en mai 2023, ainsi que par l’augmentation des trajets pris en charge par les taxis au détriment des VSL.
Les taxis, dont les tarifs sont basés sur le temps passé, sont plus coûteux que les VSL, facturés selon la distance. Le rapport de l’assurance maladie « Charges et produits pour 2025 » indique que ce basculement contribue à l’augmentation des dépenses. Par ailleurs, l’accès aux transports assis professionnalisés est inégalement réparti sur le territoire, posant des difficultés d’accès aux soins. En 2023, on comptait en moyenne 21,6 ambulances, 20,9 VSL, et 58,7 taxis pour 100 000 habitants, avec de grandes disparités régionales.
Afin de mieux contrôler ces dépenses et d’améliorer l’efficacité du système, il est proposé de réformer les relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les taxis. Les critères de conventionnement des taxis seraient élargis pour mieux adapter l’offre aux besoins des territoires, et les éléments tarifaires (montant socle, tarif kilométrique, et suppléments) fixés au niveau départemental. La facturation excessive au patient par rapport aux tarifs négociés serait interdite et sanctionnée.
L’objectif de ces réformes est de permettre à l’assurance maladie de négocier une refonte du modèle tarifaire avec les représentants des taxis. À terme, cette mesure devrait générer une économie estimée à 45 millions d’euros par an en 2025, avec une réduction des coûts des transports en taxis conventionnés de 2 à 4 %, dans le cadre d’une mise en œuvre progressive.
● L’article 18 étend la mesure de plafonnement des rémunérations en intérim médical aux personnels non-médicaux et de maïeutique des établissements publics, sanitaires, sociaux et médico-sociaux.
Les dépenses d’intérim pour les personnels non-médicaux dans les établissements publics de santé et médico-sociaux, ayant plus que triplé en cinq ans, atteignent 462 millions d’euros pour le personnel paramédical en 2023 dans les établissements publics de santé, et 50,6 millions d’euros pour le personnel paramédical et médical dans les établissements publics sociaux et médico-sociaux.
La mesure proposée dans le PLFSS pour 2025 vise à plafonner les rémunérations des professionnels non-médicaux intérimaires (y compris les sages-femmes) dans les établissements publics de santé et médico-sociaux, afin de rétablir une équité entre intérimaires et agents statutaires et de réduire les abus en matière de rémunération.
Bien que ces abus soient moins fréquents pour les personnels non-médicaux que pour les médecins, la tension sur le marché de certains métiers pousse les établissements à accepter des rémunérations bien au-delà de celles des agents publics. La modification de l’article L. 6146-3 du code de la santé publique permettra d’étendre le plafonnement des rémunérations à l’ensemble des professionnels non-médicaux (dont les sages-femmes) dans les établissements publics de santé. De plus, l’article L. 313-23-3 du code de l’action sociale et des familles sera rétabli pour permettre un plafonnement similaire dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, incluant des professions telles que les infirmiers, aides-soignants, éducateurs spécialisés, et assistants de service social.
Le plafonnement des rémunérations des intérimaires non médicaux pourrait générer une économie annuelle de 22,5 millions d’euros, en considérant qu’environ 15 % des missions d’intérim dépassent actuellement ce plafond. En cas d’entrée en vigueur au 1er juillet 2025, le gain serait de 11,25 millions d’euros pour cette année-là.
c. Lutter contre la pénurie de médicaments
● L’article 19 établit des mesures pour renforcer les outils de lutte contre ces pénuries et pour ajuster la gestion de l’approvisionnement en produits de santé, tant au niveau national qu’européen.
En 2023, la France a enregistré 4 925 signalements de ruptures ou de risques de ruptures de stock pour des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, contre seulement 1 499 en 2019. Cette tendance est également observée pour les dispositifs médicaux, avec 105 signalements de pénuries en 2023, affectant des disciplines variées telles que la cardiologie, la pédiatrie et la neurologie. Ces pénuries perturbent gravement la prise en charge des patients, d’où la nécessité de renforcer les outils légaux et les solutions opérationnelles pour l’acquisition et la distribution de ces produits.
L’article 19 vise à renforcer les dispositifs de lutte contre les pénuries de médicaments en élargissant les outils existants.
Le premier axe de cette initiative consiste à généraliser la dispensation à l’unité (DAU) des médicaments, initialement réservée aux antibiotiques en cas de rupture avérée. Cette généralisation s’appliquera également à d’autres médicaments soumis à une forte saisonnalité, comme les antibiotiques en hiver et les antihistaminiques au printemps, afin de prévenir les pénuries durant les pics de demande, d’optimiser l’utilisation des médicaments et de réduire le gaspillage ainsi que l’antibiorésistance. Par ailleurs, cette mesure contribue à la maîtrise des dépenses liées à la gestion des tensions ou des ruptures d’approvisionnement, avec une rémunération du pharmacien de 1 euro par délivrance à l’unité dans une enveloppe maximale de 500 euros par an. Étant donné que cette enveloppe est déjà atteinte avec la DAU des stupéfiants, la DAU des antibiotiques n’entraînera pas de surcoût, tout en générant des économies estimées à 6 millions d’euros pour l’assurance maladie, grâce à une délivrance plus précisément adaptée aux besoins des patients.
De plus, les ordonnances conditionnelles, obligatoires pour certains antibiotiques en cas de rupture, seraient étendues à d’autres médicaments à risque. Le ministre pourra ainsi activer la DAU et rendre obligatoire les ordonnances conditionnelles pour les médicaments identifiés par l’ANSM comme étant à risque de rupture.
Le second volet concerne les dispositifs médicaux, dont les tensions d’approvisionnement sont également de plus en plus fréquentes, notamment en milieu hospitalier. La mesure propose de permettre une prise en charge provisoire et dérogatoire d’une ou plusieurs alternatives aux dispositifs en rupture, au même tarif que ceux-ci. Ce cadre dérogatoire s’étendra également aux conditions de délivrance, de distribution ou de facturation de ces produits.
Par ailleurs, l’article 19 renforce les sanctions financières prononcées par l’ANSM à l’encontre des industriels en cas de non-respect des obligations en matière de lutte contre les ruptures de stock. Il est proposé d’augmenter le montant des sanctions pour renforcer leur caractère dissuasif, tout en articulant cette mesure avec une formalisation claire de la doctrine de sanctions, encadrant l’utilisation de ces pouvoirs renforcés.
Enfin, l’article 19 prévoit d’intégrer les achats conjoints européens dans la procédure d’achat public des produits de santé. Cette disposition vise à faciliter la gestion de certains médicaments et dispositifs médicaux dont l’approvisionnement pourrait être assuré par des marchés européens groupés, notamment pour les produits structurellement en tension, tels que les vaccins ou les antibiotiques. Elle permettra de suspendre temporairement toute procédure d’inscription au remboursement de ces produits afin d’éviter le double paiement par l’assurance maladie, garantissant ainsi une meilleure coordination des régimes d’accès aux spécialités et une maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, si 20 % des immunisations annuelles étaient réalisées au moyen d’autres produits que ceux du stock État et vendus au même tarif, le surcoût induit pour l’assurance maladie est estimé à 11,4 millions d’euros. La mesure permettrait donc une économie équivalente pour l’assurance maladie.
II. Les dÉpenses de la branche vieillesse
Alors que la croissance des dépenses de la branche vieillesse ralentit légèrement en 2023 (A), l’année 2024 devrait marquer une forte accélération des dépenses sous l’effet de la revalorisation des prestations (B). En 2025, un ralentissement modéré des dépenses s’opérerait (C).
Les dépenses de la branche vieillesse atteignent en 2023 275,4 milliards d’euros, en augmentation de 4,5 % par rapport à 2022 mais proche de l’objectif prévu en LFSS pour 2023 fixé à 273,3 milliards d’euros.
En 2023, le montant des pensions de retraite versées par les régimes de base s’élève à 269,7 milliards d’euros, soit une hausse de 4,7 % par rapport à l’année précédente. Cette augmentation s’explique par :
– la revalorisation des pensions de 0,8 % au 1er janvier 2023 ;
– l’effet en année pleine de la revalorisation de 4 % intervenue par anticipation le 1er juillet 2022.
En moyenne annuelle, la revalorisation des pensions s’est élevée à 2,8 %.
Les dépenses de la branche vieillesse incluent également celle du fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont la mission est de financer au moyen de recettes qui lui sont affectées des avantages vieillesse non-contributifs, le minimum vieillesse (ASPA et des anciennes allocations pour lesquelles il n’y a pas de nouveaux bénéficiaires) et les cotisations afférentes aux périodes non travaillées. Cette prise en charge relève de la solidarité nationale : elle ne repose pas sur la logique contributive qui caractérise le fonctionnement de droit commun des régimes de sécurité sociale.
Les dépenses du FSV s’élèvent à 19,3 milliards d’euros, soit un montant en nette hausse par rapport à 2022 (+ 7,22 %). Cette hausse des dépenses est essentiellement imputable à la revalorisation du SMIC horaire de 5,4 % en moyenne annuelle en 2023, qui augmente mécaniquement le montant de la cotisation de référence conditionnant le niveau des dépenses de prise en charge des cotisations, qui représentent trois quarts des charges du FSV.
B. en 2024, une forte accélération des dépenses sous l’effet de la revalorisation des prestations
En augmentation de 6,8 % par rapport à 2022, les dépenses de la branche vieillesse atteindraient en 2024 294 milliards d’euros, dépassant l’objectif initial de 293,7 milliards d’euros fixé dans le PLFSS pour 2024.
En 2024, la progression des prestations de retraite serait principalement due à leur revalorisation, avec une augmentation de 5,3 % au 1er janvier 2024, contre 2,8 % en 2023, qui comprenait l’effet en année pleine de la revalorisation de 4 % de juillet 2022 et de la hausse légale de 0,8 % au 1er janvier 2023. En moyenne annuelle, les pensions augmenteraient de 5,3 % en 2024, après une hausse de 2,8 % en 2023.
La contribution de l’évolution des effectifs serait plus limitée, avec un ralentissement des effectifs de pensionnés (+ 1 %) en raison de flux de départs en retraite inférieurs à ceux observés en 2023, sous l’effet de la réforme de septembre 2023 pleinement appliquée.
Les impacts financiers de la réforme des retraites se renforcent progressivement, combinant un effet croissant des mesures d’âge et, à court terme, une revalorisation des minimas de pension pour tous les retraités éligibles. Cette revalorisation, touchant à la fois les nouveaux et les anciens retraités, entraînerait une hausse de 0,4 milliard d’euros des dépenses.
L’augmentation du montant de la pension moyenne est portée par la croissance des prestations de base du fait de l’effet noria, le niveau de pension des nouveaux retraités étant en moyenne et tendanciellement plus élevé que le niveau des pensions des retraités qui décèdent. Hors revalorisation l’effet noria progresserait de 0,6 % en 2024 (contre 0,5 % en 2023) sous l’effet principalement de la majoration exceptionnelle du minimum contributif. La pension annuelle moyenne servie dans le cadre du régime général s’élèverait à 8 938 euros par an tandis que celle du flux de retraités décédés dans l’année atteindrait 7 800 euros par an.
contribution des diffÉrents facteurs À l’Évolution des droits propres
Source : rapport du Gouvernement à la commission des comptes de la sécurité sociale d’octobre 2024.
En 2024, les dépenses du FSV progresseraient de 6,8 %, après une hausse de 7 % en 2023, dans un contexte de légère hausse des effectifs de chômeurs pris en charge et de moindre inflation. Cette croissance serait soutenue par l’augmentation des prises en charge de cotisations (+ 5,9 % après 7,3 %), notamment celles liées au chômage (+ 5,4 % après 8,8 %). Les prises en charge de cotisations maladie, invalidité et AT-MP augmenteraient fortement (+ 9,3 % après - 0,2 %), en raison de la hausse de la cotisation de référence. La revalorisation du minimum vieillesse, alignée sur celle des pensions de base, entraînerait une hausse des prestations prises en charge (+ 9,8 % après 6,4 %).
Évolution des charges et produits nets du fsv
|
2024 |
Taux d’évolution entre 2023 et 2024 |
Prises en charge des cotisations |
15 378 |
5,9 % |
Au titre du chômage |
12 620 |
5,4 % |
Au titre de la maladie |
2 410 |
9,3 % |
Au titre de la formation professionnelle |
255 |
2,4 % |
Au titre du service national |
39 |
2,6 % |
Au titre des périodes d’activité partielle |
0 |
0 % |
Prises en charge de prestation au titre du minimum vieillesse |
4 839 |
9,8 % |
Transferts avec les régimes complémentaires |
253 |
3,7 % |
Autres charges nettes |
114 |
1,8 % |
Total des charges nettes |
20 584 |
6,8 % |
Source : rapport du Gouvernement à la commission des comptes de la sécurité sociale d’octobre 2024.
C. En 2025, Un ralentissement modéré des dépenses, mais une tendance structurelle toujours orientée à la hausse
Si les effets des revalorisations s’atténuent en 2025 (1), la dynamique de croissance devrait toutefois se poursuivre par la suite (2).
1. L’objectif de dépenses et les dépenses du FSV
L’objectif de dépenses est fixé à 300,2 milliards d’euros en 2025, en hausse de 2,36 % par rapport à 2024.
Évolution prÉvisionnelle des dÉpenses de la branche vieillesse
des rÉgimes obligatoires de base
(en milliards d’euros et en pourcentage)
2023 |
2024* |
2025* |
2026* |
2027* |
Évolution entre 2024 et 2025 |
Évolution entre 2025 et 2027 |
275,1 |
293,7 |
300,2 |
309,3 |
318,6 |
2,36 % |
6,26 % |
Source : commission des finances à partir de l’annexe A au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Note : les dépenses des années accompagnées d’un astérisque sont prévisionnelles.
En 2025, la croissance des prestations ralentirait (+ 3,6 % après 6,8 % en 2024) sous l’effet de la moindre revalorisation attendue (+ 2,3 % après 5,3 %). La croissance des effectifs de bénéficiaires contribuerait pour 1,1 point à l’évolution des prestations en 2025, soit une hausse de 0,1 point par rapport à 2024, atténuée par les effets de la réforme. En 2024, la réforme des retraites engendrerait une économie nette de 0,7 milliard d’euros au titre des économies générées par la nouvelle hausse de l’âge d’ouverture des droits de 3 mois supplémentaires.
En 2025, les dépenses du FSV devraient augmenter de 1,7 milliard d’euros par rapport à 2024 pour s’établir à 21,3 milliards d’euros. Au total, la progression des dépenses du FSV (+ 3,3 %) serait moins prononcée qu’en 2024 (+ 6,8 %). Les effectifs de chômeurs, dont les cotisations de retraite font l’objet d’une prise en charge par le FSV, seraient en léger recul (– 0,3 %, soit – 10 700 chômeurs prévus par rapport à 2024).
Les dépenses de prise en charge de cotisations au titre du chômage progresseraient de 1,5 %. La cotisation forfaitaire augmenterait du fait de son indexation sur le SMIC mais ne serait plus portée par la hausse du taux de cotisation vieillesse de 0,12 point intervenue en 2024. Les prises en charge de cotisations maladie, invalidité et AT-MP seraient toujours dynamiques (+ 6,4 %, après 9,3 %), portées par la hausse de la cotisation de référence et les dynamiques en volume des indemnités journalières et des pensions d’invalidité. Les prises en charge de prestations au titre du minimum vieillesse resteraient dynamiques mais ralentiraient fortement (+ 6,8 % après 9,8 %) en lien avec la moindre revalorisation des pensions de base.
Évolution prÉvisionnelle des dÉpenses du fonds de solidarité vieillesse
(en milliards d’euros et en pourcentage)
2023 |
2024* |
2025* |
2026* |
2027* |
Évolution entre 2024 et 2025 |
Évolution entre 2025 et 2027 |
19,3 |
20,6 |
21,3 |
21,9 |
21,6 |
3,63 % |
1,46 % |
Source : commission des finances à partir de l’annexe A au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Note : les dépenses des années accompagnées d’un astérisque sont prévisionnelles.
2. L’évolution des dépenses après 2025
À partir de l’année 2025, les effets du vieillissement démographique se feront sentir nettement sur la branche vieillesse du fait de l’augmentation de la taille des générations partant à la retraite.
À cet égard, le Conseil d’orientation des retraites (COR) anticipe un changement démographique significatif. Le nombre de retraités de droit direct passerait de 17 millions de personnes à 20,9 millions en 2070. Cette progression serait particulièrement rapide autour des années 2035 et 2040 avec l’arrivée à la retraite des générations nombreuses du baby-boom, en dépit des mesures de relèvement de l’âge de la retraite. Par conséquent, le « rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités […] diminuerait sensiblement, passant de 1,7 cotisant par retraité de droit direct en 2021 à environ 1,4 à l’horizon de la projection [l’année 2070] » ([82]).
La croissance des cohortes partant en retraite au cours des années à venir devrait entraîner des conséquences majeures sur la branche vieillesse.
En effet, après avoir retrouvé un solde excédentaire en 2021, le solde des régimes obligatoires de base de retraite se dégraderait progressivement. Il serait déficitaire en 2030 et le resterait jusqu’à l’horizon de la projection établie par le COR, c’est-à-dire jusqu’en 2070. La dégradation du solde s’explique davantage par une diminution des ressources que par l’évolution des dépenses. Ces dernières diminueraient en passant de 13,7 % du PIB en 2022 à 13 % en 2070 mais insuffisamment pour compenser les effets de la baisse des ressources.
Les effets en dépenses de la réforme introduite par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Après avoir augmenté entre 2002 et 2022 de 1,8 % en moyenne par an en réel, tirées par la progression régulière du nombre de retraités (+ 1,7 % en moyenne annuelle) et l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses, les dépenses de retraite ralentiraient dans les années suivantes. Entre 2022 et 2030, elles devraient progresser en réel entre 1,3 % et 1,4 % en moyenne annuelle, ralentie par les effets de la réforme sur la progression du flux de nouveaux retraités qui s’élèverait à + 0,7 % en moyenne entre 2022 et 2030. Ce ralentissement permettrait de faire évoluer les dépenses de retraite en-deçà du PIB et de réduire la fraction de la richesse nationale consacrée aux dépenses de retraites, qui passerait de 13,7 % en 2022 à 13,5 % en 2030. Sans la réforme, ce ratio serait resté stable sur cette période.
Source : Conseil d’orientation des retraites (COR), Rapport annuel, juin 2023.
3. Deux mesures nouvelles pour renforcer l’équité du régime agricole et maîtriser la dynamique des prestations de retraite
● L’article 22 introduit une réforme des retraites pour le régime agricole.
Le régime de retraite des non-salariés agricoles, distinct du régime général et des régimes des indépendants, se compose de trois niveaux : l’assurance vieillesse individuelle (AVI), l’assurance vieillesse agricole (AVA) et une retraite complémentaire obligatoire (RCO). Contrairement aux autres régimes, le régime agricole ne fonctionne pas sur un système par annuités, ce qui entraîne des différences dans le calcul des retraites, mais il partage certaines règles avec les régimes alignés, notamment en ce qui concerne l’âge légal d’ouverture des droits et les modalités de calcul des pensions.
Les agriculteurs bénéficient également de dispositifs garantissant des droits minimaux, comme la pension majorée de référence (PMR) et le complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (CDRCO). Ces mécanismes assurent un minimum de pension pour les exploitants ayant une carrière complète, visant à garantir un revenu décent à la retraite.
Le régime de retraite agricole présente plusieurs limites qui affectent défavorablement les agriculteurs. Tout d’abord, les pensions qu’ils perçoivent restent nettement inférieures à celles des autres retraités. En 2021, la pension brute mensuelle moyenne des retraités était de 1 531 euros, tandis que celle des retraités agricoles s’élevait à seulement 840 euros. Malgré certaines réformes visant à revaloriser les petites retraites, le niveau des pensions demeure insuffisant, avec une moyenne de 1 320 euros pour les polypensionnés et de 1 076 euros pour les monopensionnés en 2023. De plus, la complexité du système, notamment l’architecture duale du régime de base, rend difficile sa compréhension. Le mode de calcul des pensions sur l’ensemble de la carrière pénalise également les agriculteurs, dont les revenus varient souvent en raison de facteurs externes, comme les aléas climatiques. Cette situation crée une iniquité par rapport à d’autres travailleurs indépendants, qui bénéficient de la règle des vingt-cinq meilleures années. Enfin, les minimas de pensions ne sont pas accessibles à tous les agriculteurs, ce qui limite leur sécurité financière à la retraite.
Pour répondre à ces enjeux, la réforme prévue à l’article 22 vise à aligner le régime des non-salariés agricoles sur les règles du régime général. Cette réforme supprimera progressivement les pensions de retraite forfaitaire et proportionnelle, pour mettre en place un système basé sur un calcul en annuités, où seules les vingt-cinq meilleures années de revenus seront prises en compte. Les meilleures années de revenus seront retenues pour les périodes postérieures à 2026, tandis que les meilleures années de points seront utilisées pour les périodes antérieures. Ainsi, le calcul des pensions sera effectué en deux étapes : d’abord, la répartition des vingt-cinq meilleures années entre les différents régimes, puis la répartition de ces années entre les périodes antérieures et postérieures à 2026, en fonction de la durée d’assurance.
Cette réforme, qui entrera en vigueur pour les pensions liquidées à compter du 1er janvier 2026, ne sera pleinement effective qu’au 1er janvier 2028, en raison des ajustements nécessaires.
● L’article 23 décale la date de revalorisation annuelle des prestations d’assurance vieillesse du 1er janvier au 1er juillet.
Comme les autres prestations sociales, les pensions de retraite font l’objet d’une revalorisation annuelle pour tenir compte de l’inflation. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, les pensions sont revalorisées au 1er janvier, en même temps que le minimum vieillesse ([83]). Les autres prestations sociales, notamment les prestations familiales et les minimas sociaux, sont revalorisées le 1er avril de chaque année.
En application de ce mécanisme, les pensions de retraite et les prestations assimilées ont été revalorisées de 5,3 % le 1er janvier 2024. Selon les dernières prévisions, cette revalorisation contribuerait à hauteur de 5,3 points à l’évolution totale du montant des droits propres en 2024 (+ 7 % par rapport à 2023), soit plus de 13 milliards d’euros de dépenses supplémentaires ([84]).
Malgré un ralentissement de l’inflation, l’application des règles d’indexation normales conduirait à revaloriser les pensions à hauteur de 2,3 % au 1er janvier 2025.
L’article 23 décale la date de revalorisation des pensions de retraite du 1er janvier au 1er juillet avec application dès 2025. Il s’appliquerait aux prestations suivantes :
– les prestations de vieillesse revalorisées en application de l’article L. 161‑23‑1 du code de la sécurité sociale : les pensions de retraite de droit direct, les pensions de réversion, y compris les majorations pour enfant à charge et l’allocation de veuvage ;
– les minima de pension, qu’il s’agisse du minimum contributif (MiCo) des assurés du régime général et des régimes alignés, du minimum garanti des fonctionnaires (MiGa) ou de la pension majorée de référence (PMR) du régime de base des non-salariés agricoles.
Toutefois, toutes les prestations de vieillesse ne sont pas concernées. Dans sa rédaction, l’article exclut ainsi les allocations du minimum vieillesse, notamment l’ASPA, du champ des prestations dont la date de revalorisation est décalée.
Selon les estimations du Gouvernement, cette mesure générerait des économies de 2,9 milliards d’euros pour les régimes d’assurance vieillesse en 2025. Ces économies sont de deux ordres :
– d’une part, en ne revalorisant les pensions qu’à compter du 1er juillet 2025, le volume total des pensions versées en 2025 serait nécessairement moins élevé que si la revalorisation avait lieu en janvier (effet volume) ;
– d’autre part, il est probable que le coefficient de revalorisation applicable à une revalorisation le 1er juillet 2025 soit moins favorable que celui qui serait applicable au 1er janvier, compte tenu du fonctionnement des règles de revalorisation prévu à l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale (effet de base).
III. Les dÉpenses de la branche famille
La progression du montant des prestations familiales versées explique le dynamisme des dépenses de la branche famille en 2023 (A) et, dans une moindre mesure, en 2024 (B). L’année 2025 sera marquée par la poursuite du déploiement du service public de la petite enfance (C).
A. En 2023, un accroissement des Dépenses de prestations porté par l’effet prix
En 2023, les dépenses de la branche famille atteignent 55,7 milliards d’euros – pour une prévision initiale de 55,3 milliards d’euros –, soit un montant en progression de 8,5 % par rapport à 2022.
Cette progression est liée au dynamisme des prestations légales nettes de la branche, notamment des prestations d’entretien. Pour moitié, cette hausse traduit le transfert pérenne des indemnités journalières post-natales à la CNAF qui a accru de 2,1 milliards d’euros le montant des prestations financées par la branche famille. En plus de cet effet, la revalorisation de 50 % de l’ASF depuis novembre 2022 a engendré un coût supplémentaire de 1 milliard d’euros et l’inflation a entraîné une augmentation de 5,6 % des prestations en avril 2023.
Enfin, il convient de relever que l’allocation journalière de présence parentale a crû de 40 % en 2023 grâce à une hausse du taux de recours depuis qu’elle est versée simultanément ou alternativement aux deux membres du couple des parents.
L’effet prix contribue à hauteur de 3,7 points à la hausse des prestations. Il inclut l’effet en année pleine de 2 points de la revalorisation anticipée de 4 % au 1er juillet 2022 et un effet de 3,6 points en moyenne annuelle au titre de la revalorisation de 5,6 % au 1er avril 2023 par rapport aux montants des prestations fixés en avril 2022. Un effet plafond négatif freine la dynamique des prestations. En effet, la hausse des revenus de 2021, prise en compte dans la base ressources des allocataires en 2023, a été en moyenne supérieure à la revalorisation du plafond de l’année 2023, ce dernier étant indexé sur l’inflation hors tabac de l’année 2021. Cette situation a conduit de nombreux allocataires à dépasser le plafond de ressources fixé pour l’ouverture des droits aux allocations familiales.
Les prestations extralégales nettes ont connu un ralentissement dans l’attente de la réalisation des investissements nécessaires à la réforme du service public de la petite enfance.
B. En 2024, les revalorisations contribuent à l’augmentation des dépenses de prestations
En 2024, les dépenses de la branche famille devraient atteindre 57,9 milliards d’euros – pour un objectif de dépense fixé à 58 milliards d’euros –, soit une progression de 2,2 milliards d’euros par rapport à 2023. Les prestations familiales connaîtraient une hausse de 4,2 % par rapport à l’année précédente pour s’établir à 49,5 milliards d’euros.
Cette hausse tiendrait d’abord à l’augmentation des prestations légales nettes à hauteur de 1,1 milliard d’euros (+ 3,5 %), en raison de la revalorisation de ces prestations à hauteur de 4,6 % au 1er avril 2024, avec l’effet différé d’un an environ de l’inflation constatée en 2023. Cette progression du montant des prestations familiales est néanmoins en partie freinée par la dynamique constatée en volume, suite à la baisse de la natalité constatée en 2023, qui se diffuse progressivement à l’ensemble des prestations familiales.
Les prestations extralégales nettes progresseraient également de 8 % en 2024, soit 522 millions d’euros, principalement sous l’effet de la montée en charge des investissements en faveur du service public de la petite enfance.
Au total, l’effet prix expliquerait à nouveau à hauteur de 3,7 points la hausse des prestations. Il résulterait essentiellement de la forte croissance de la seule revalorisation légale du 1er avril 2024 de 4,6 %, conséquence du pic d’inflation observé en 2023. Contrairement à 2023, l’effet plafond contribuerait positivement à l’évolution des prestations en 2023 (+ 0,2 point). La revalorisation des plafonds de 5,3 % au 1er janvier 2024, supérieure à la hausse des revenus de 2022 (+ 4,3 %), permettrait à certains allocataires de retrouver leur éligibilité à certaines prestations familiales ou de bénéficier d’une augmentation de leurs allocations.
Les transferts à la charge de la Cnaf connaîtraient, en 2024, une augmentation de l’ordre de 412 millions d’euros (+ 3,1 %), en raison de la majoration des pensions de retraite pour enfants (+ 6,1 %).
C. En 2025, les dÉpenses demeurent DYNAMIQUES EN l’absence de mesures nouvelles
La croissance des dépenses de la branche en 2025 s’explique essentiellement par l’évolution naturelle des dépenses (1), une partie des mesures adoptées dans la précédente LFSS n’ayant des incidences qu’à partir de 2025 (2).
1. Les déterminants de l’évolution hors mesures nouvelles
Pour l’année 2025, l’objectif de dépenses de la branche famille est fixé à 59,7 milliards d’euros, soit une hausse de 1,8 milliard d’euros par rapport à 2024.
Évolution prÉvisionnelle des dÉpenses de la branche famille
des rÉgimes obligatoires de base
(en milliards d’euros et en pourcentage)
2023 |
2024* |
2025* |
2026* |
2027* |
Évolution entre 2024 et 2025 |
Évolution entre 2025 et 2027 |
55,7 |
57,9 |
59,7 |
61,4 |
62,8 |
3,23 % |
5,35 % |
Source : commission des finances à partir de l’annexe A au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Note : les dépenses des années accompagnées d’un astérisque sont prévisionnelles.
Le ralentissement des dépenses de prestations légales, qui progressent de 2,5 % en 2025 après 3,5 % en 2024, s’expliquerait par la revalorisation prévue à 1,9 % au 1er avril 2025. La linéarisation du complément de libre choix du mode de garde (CMG) prévue pour la fin de l’année 2025, dont le coût s’élèverait à 250 millions d’euros, serait compensée par l’effet volume résultant de la baisse des naissances constatée en 2023 et 2024.
L’allocation de rentrée scolaire connaîtrait une évolution moins dynamique, avec un effet prix de 1,9 % en moyenne annuelle, compte tenu de son versement en une seule fois lors de la rentrée scolaire, qui serait moindre que l’an passé (– 0,1 point).
Les prestations extralégales poursuivraient leur forte croissance, à hauteur de 700 millions d’euros supplémentaires (+ 9,9 %), en lien avec la montée en charge du service public de la petite enfance.
ÉVolution des dépenses de la branche famille entre 2023 et 2024
avant mesures nouvelles
(en millions d’euros)
|
2024 |
2025 |
Évolution entre 2024 et 2025 |
Prestations sociales nettes |
40 774 |
42 318 |
3,8 % |
Dont prestations légales nettes |
33 726 |
34 570 |
2,5 % |
Dont prestations extralégales nettes |
7 048 |
7 748 |
9,9 % |
Transferts versés nets |
13 900 |
14 140 |
1,7 % |
Charges de gestion courante |
3 223 |
3 258 |
1,1 % |
Autres charges nettes |
17 |
17 |
0 % |
Charges nettes |
57 913 |
59 773 |
3,1 % |
Source : rapport d’octobre 2024 de la Commission des comptes de la sécurité sociale.
2. Des mesures prises en LFSS pour 2023 ayant des incidences sur les dépenses dans les années à venir
La LFSS pour 2023 ([85]) a posé les premiers jalons du service public de la petite enfance, en garantissant un accès plus juste aux modes de garde du jeune enfant. Ce texte a prévu en effet une réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG) « emploi direct », qui permet de financer le recours à un assistant maternel ou une garde d’enfant à domicile. Seront mis en place au 1er janvier 2025 :
– le rapprochement du barème des modes d’accueil individuels de celui des crèches, par le calcul d’un CMG horaire, permettant de tenir compte du niveau de recours, et linéaire, correspondant à un niveau de taux d’effort en fonction des ressources et de la composition du foyer ;
– l’extension du CMG « emploi direct » aux enfants âgés de 6 à 12 ans à la charge des familles monoparentales.
– le partage du CMG « emploi direct » en cas de résidence alternée de l’enfant à charge.
Le coût total de ces mesures serait de 474 millions d’euros en 2025 pour la branche famille.
IV. Les dÉpenses de la Branche accidents du travail – maladies professionnelles
L’année 2023 a été marquée par une hausse notable des dépenses de la branche accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP) en lien avec la revalorisation des prestations (A). Les dépenses connaîtraient un rythme de croissance plus modéré en 2024 (B) et 2025 (C).
A. UNE INCIDENCE IMPORTANTE DE LA REVALORISATION SUR LES DÉPENSES DE LA BRANCHE EN 2023
Les dépenses de la branche AT-MP atteignent 15,4 milliards d’euros en 2023, pour un objectif fixé en LFSS pour 2023 à 14,8 milliards d’euros.
Les prestations relevant du champ de l’ONDAM ont augmenté de 6,8 %, portées par le dynamisme des indemnités journalières dans le contexte de hausse des salaires et du SMIC en particulier. Les prestations hors ONDAM ont également augmenté de 3,6 %, en lien avec le dynamisme des rentes pour incapacité permanente, porté par la revalorisation de ces prestations. Celle-ci résulte du report en année pleine de deux points de la revalorisation anticipée de 4 % au 1er juillet 2022, ainsi que de la revalorisation légale de 1,6 % au 1er avril 2023. Au total, les prestations sociales nettes s’élèvent à 12,1 milliards d’euros en 2023.
Les transferts vers les régimes de base ou les fonds – dont le FIVA – représentent 24,7 % des dépenses. Ces transferts croissent du fait de la réévaluation à la hausse de la compensation à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail. Les dépenses liées à l’exposition à l’amiante ont également décru, en raison de la baisse du public bénéficiaire.
B. Un ACCROISSEMENT DE LA DéPENSE À un rythme moins soutenu EN 2024
En 2024, les dépenses de la branche atteindraient 15,9 milliards d’euros, pour une prévision initiale de 16 milliards d’euros.
Les prestations du champ de l’ONDAM seraient en hausse de 5,2 % et constitueraient le principal contributeur à la croissance des dépenses : elles seraient portées par le dynamisme des indemnités journalières toujours très dynamiques bien qu’en léger ralentissement (+ 7,2 % contre 8,6 % en 2023) dans le contexte d’une normalisation des prix.
Les prestations hors ONDAM progresseraient à un rythme proche de 4,7 %, sous l’effet d’une revalorisation des rentes, en moyenne annuelle toujours élevée (+ 3,9 %), ainsi que de la montée en charge du compte professionnel de prévention et du Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU), avec une enveloppe de 70 millions d’euros. Par ailleurs, la baisse tendancielle des dépenses liées à l’amiante ralentirait, avec des allocations en hausse, sous l’effet d’une croissance attendue de la pension moyenne de 7,8 % (après 7,6 % en 2023).
Les transferts se replieraient légèrement (– 1,9 %) et atteindraient 2 milliards d’euros, en raison de la baisse attendue de la contribution au financement de la sous-compensation à l’Unédic des allégements généraux, conséquence de la stagnation de ces derniers et de la baisse de l’excédent de la branche.
C. En 2025, un accroissement de la dÉpense dans la continuitÉ des exercices prÉcÉdents
1. Des dépenses qui poursuivent une croissance plutôt soutenue
Pour l’année 2025, l’objectif de dépenses de la branche AT-MP est fixé à 17,1 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, soit une augmentation de 1 milliard d’euros par rapport à 2023 (+ 6,8 %).
Évolution prÉvisionnelle des dÉpenses de la branche AT-MP
(en milliards d’euros et en pourcentage)
2023 |
2024* |
2025* |
2026* |
2027* |
Évolution entre 2024 et 2025 |
Évolution entre 2025 et 2027 |
15,4 |
16 |
17,1 |
17,4 |
18,2 |
6,49 % |
7,50 % |
Source : commission des finances à partir de l’annexe A au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Note : les dépenses des années accompagnées d’un astérisque sont prévisionnelles.
Sur la période 2023 – 2025, les rentes AT-MP bénéficieraient de l’effet des fortes revalorisations (respectivement 3,6 %, 3,9 % et 2,6 %), cet effet n’étant que partiellement freiné par un recul de l’effet volume (– 1 % par an en moyenne sur la période).
En 2025, les prestations sociales nettes relevant de la branche AT-MP atteindraient un montant de 13,2 milliards d’euros, soit une hausse de 3,9 % par rapport à 2024. Cette dépense est décomposée :
– de 6,51 milliards d’euros pour financer les prestations d’incapacité temporaire entrant dans le champ de l’ONDAM, soit une hausse de 4 % par rapport à 2024 ;
– de 6,69 milliards d’euros pour financer les prestations d’incapacité permanente (hors ONDAM), soit une progression de 4 % par rapport à l’année précédente ;
– de 32 millions pour financer les autres prestations, prévisions et pertes sur créances nettes.
Il convient également de mentionner :
– des transferts nets pour un montant de 2,5 milliards d’euros, dont 2,1 milliards d’euros vers d’autres régimes de base ;
– 990 millions de charges de gestion courante.
La branche AT-MP opère un transfert vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, qui s’est élevé à 1,1 milliard d’euros en 2022, puis 1,2 milliard d’euros en 2023 et 2024. La dernière estimation du coût réel, pour la branche maladie, de la sous-déclaration, présentée dans le rapport au Parlement et au Gouvernement de la commission instituée par l’article L. 176-2 du code de la sécurité sociale remis en juin 2024, le situe dans une fourchette comprise entre 2,009 et 3,797 milliards d’euros, soit une hausse très significative de cette estimation par rapport à celle du précédent rapport, établi trois ans auparavant, qui le situait entre1,230 et 2,112 milliards d’euros.
Au vu de ces estimations actualisées, le PLFSS pour 2025 propose de relever graduellement le montant du versement annuel, en le portant à 1,6 milliard d’euros en 2025 (VII de l’article 25). Il est en outre indiqué par le Gouvernement que ce montant augmentera progressivement par la suite, pour atteindre 2 milliards d’euros.
Le rapporteur pour avis s’interroge sur la nécessité de devoir prévoir, dans les années à venir, une réévaluation encore plus significative du montant du transfert annuel de la branche AT-MP au profit de la branche maladie au titre de la compensation de cette sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles.
En 2025, le montant de la contribution de la branche au financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est fixé à 335 millions d’euros, soit un montant en très forte progression (40 %) afin de couvrir les dépenses d’indemnisation de l’année à venir et compenser le résultat déficitaire de 2024 en restaurant le fonds de roulement à un niveau prudentiel correspondant à un mois de dépenses d’indemnisation.
2. Une mesure nouvelle ayant des incidences en dépenses
● L’article 24 du PLFSS rénove les modalités d’indemnisation du déficit fonctionnel permanent.
La reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ouvre droit à une indemnisation spécifique reposant sur une logique forfaitaire. La victime est indemnisée par la branche AT-MP qui est financée par les cotisations des employeurs, indépendamment de toute faute reconnue de l’employeur. L’assuré bénéficie :
– d’indemnités journalières à hauteur de 60 % du salaire de base ;
– de la prise en charge intégrale des frais médicaux ;
– en cas d’incapacité permanente, d’une indemnité en capital (lorsque le taux d’incapacité est inférieur à 10 %) ou d’une rente viagère forfaitaire (lorsque le taux d’incapacité est supérieur à 10 %) ;
– en cas de faute inexcusable reconnue de l’employeur, d’une majoration de la rente ou de l’indemnité en capital versée au titre de l’incapacité permanente.
La Cour de cassation a longtemps considéré que le versement de la rente attribuée au titre d’une incapacité permanente indemnisait à la fois le déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire les atteintes physiques et psychologiques de l’assuré, et les préjudices professionnels. Par deux arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation a jugé que la rente indemnisait le seul préjudice économique professionnel.
Le PLFSS pour 2024 comportait déjà un article 39 ayant pour objet d’adapter la loi au changement d’interprétation du juge judiciaire, mais il avait été supprimé dès son examen en première lecture par l’Assemblée nationale.
L’article 23 tire à nouveau les conséquences de ce revirement de jurisprudence qui a des effets sur le mode de calcul de la rente. La mesure proposée précise que lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à 10 %, la victime se voit attribuer une rente forfaire composée d’une part professionnelle et d’une part fonctionnelle, cette dernière correspondant au déficit fonctionnel permanent. L’article précise ainsi qu’en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur, la majoration de la rente attribuée à la victime concerne tant la part professionnelle que la part indemnisant le déficit fonctionnel permanent.
Cette amélioration de l’indemnisation du préjudice augmenterait les dépenses de la branche, avec un coût progressif d’environ 21,3 millions d’euros dès 2026, puis de 48,9 millions d’euros en 2027 jusqu’à environ 65,9 millions d’euros en 2029.
V. Les dÉpenses de la branche autonomie
En application de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), établissement public créé en 2004, gère désormais la branche « autonomie », cinquième branche de la sécurité sociale. La LFSS pour 2021 ([86]) a conféré à la CNSA le statut de caisse nationale de sécurité sociale, alors qu’elle était auparavant financée en grande partie par la branche maladie. Les dépenses financées par la CNSA ainsi que l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), jusqu’alors financée par la branche famille, sont désormais retracées au sein de la branche autonomie.
En 2023, les dépenses de la branche ont enregistré une hausse significative (A). Cette progression se poursuivra en 2024 sous l’effet de l’augmentation des dépenses de prestations sociales (B). En 2025, la progression des dépenses sera assurée par des tendances structurelles, auxquelles s’ajoutera le coût budgétaire d’une nouvelle mesure (C).
A. en 2023, UNE AUGMENTATION FRANCHE DES DéPENSES DE LA BRANCHE
En 2023, les dépenses de la branche autonomie atteignent 37,6 milliards d’euros, soit une hausse de 6,9 % par rapport au montant des dépenses constatées en 2022.
Un montant de 29,9 milliards d’euros, représentant la majeure partie des dépenses de la branche, est alloué au financement des établissements et services médico-sociaux (ESMS) accompagnant les personnes âgées en perte d’autonomie ainsi que celles en situation de handicap. Cette évolution s’explique essentiellement par les mesures de revalorisations salariales dans le secteur médico-social. En 2023, le montant des mesures de revalorisations salariales intervenues en 2020 représente un coût en année pleine de 3,5 milliards d’euros. La revalorisation de 3,5 % du point d’indice et sa transposition au secteur privé ont entraîné une dépense de 1 milliard d’euros.
Ces dépenses sont traduites par l’objectif global de dépenses (OGD) de l’ONDAM, lequel se divise en deux volets : 15,2 milliards d’euros dédiés à l’OGD pour les personnes âgées, et 14,7 milliards d’euros pour l’OGD visant les personnes handicapées.
Par rapport à 2022, l’OGD pour les établissements accueillant les personnes âgées en perte d’autonomie augmente de 6,6 % tandis que celui des personnes handicapées croît de 5,7 %.
En 2023, le taux de reconduction de l’OGD ([87]) s’élève à + 2,29 % pour les volets personnes âgées et personnes en situation de handicap. Ce taux, plus important qu’en 2022, s’explique en partie par les différentes mesures liées à l’inflation et à la revalorisation du point d’indice puis à leur extension au secteur privé. Plus marginalement, le taux de reconduction de l’OGD traduit :
– la montée en charge du Ségur de la santé et ses extensions pour 200 millions d’euros ;
– l’augmentation des dotations soins, à la suite de l’actualisation des « coupes PATHOS ([88]) », pour 100 millions d’euros ;
– la hausse du taux d’encadrement en EHPAD et du déploiement des EHPAD centres territoriaux de ressources pour 100 millions d’euros ;
– le financement des engagements pris dans le cadre du Comité interministériel du handicap pour 100 millions d’euros (CIH) ;
– la tarification des SSIAD financés à hauteur de 40 millions d’euros ;
– la création de place dans les SSIAD pour 60 millions d’euros.
La branche autonomie finance également des prestations en espèce, dont le montant s’élève, en 2023, à 1,6 milliard d’euros contre 1,4 milliard d’euros en 2022. Parmi ces prestations, l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) connaît une progression dynamique et augmente de 4 % pour atteindre un montant total de 1,5 milliard d’euros, traduisant une meilleure détection et une reconnaissance élargie du handicap. L’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) et l’assurance vieillesse des aidants (AVA), introduite par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale de 2023, représentent un montant total de 100 millions d’euros.
Les transferts vers les départements sont également dynamiques, en hausse de 13 % par rapport au montant versé en 2022. Parmi ces concours, le cofinancement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) représente 3,7 milliards d’euros, en hausse de 200 millions d’euros par rapport à 2022.
Outre ces dépenses, la CNSA contribue au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en finançant des investissements visant à améliorer la qualité de la prise en charge des personnes en situation de perte d’autonomie. La branche contribue également au déploiement d’expérimentations et d’initiatives locales modernisant les services apportés aux personnes en perte d’autonomie. L’ensemble de ces mesures représentent une dépense de 700 millions d’euros en 2023.
réparTition des dépenses de la branche autonomie en 2023
(en milliards d’euros)
Source : commission des finances, d’après l’annexe VII du PLFSS pour 2025.
Il convient également de noter que le déploiement du plan de relance de l’investissement du « Ségur de la santé » s’est poursuivi en 2023 dans les établissements sanitaires et médico-sociaux. Ces dépenses ont été intégrées au plan France Relance à hauteur 1,5 milliard d’euros. 1,25 milliard d’euros sont destinés au financement de la construction ou de la rénovation de places d’hébergement pour les personnes âgées et 0,25 milliard d’euros sont consacrés au financement de l’aide à l’équipement dans l’objectif d’améliorer la prise en charge des personnes âgées.
B. Une augmentation soutenue par l’augmentation des dépenses de prestations sociales en 2024
En 2024, les dépenses de la branche autonomie s’élèveraient à 40 milliards d’euros, soit une hausse de 6,7 % par rapport au montant des dépenses constatées en 2023. Cette dynamique s’explique par l’évolution des différentes catégories de dépenses.
D’une part, le financement des établissements et services médico-sociaux progresse de 5 % par rapport à 2023 pour s’établir à 31,3 milliards d’euros. Cette hausse découle de plusieurs mesures : le renforcement du virage domiciliaire, l’amélioration du taux d’encadrement dans les EHPAD et la création de nouvelles places pour les personnes handicapées. En outre, cette augmentation résulte en partie des revalorisations mises en œuvre dans le cadre du Ségur et de ses extensions, ainsi que des revalorisations transversales dans la fonction publique en réponse au choc d’inflation.
En 2024, les moyens des ESMS relevant de l’OGD progresseraient de 0,86 %, cette progression étant moindre pour le volets personnes âgées (+ 0,72 %) que pour le volet personnes en situation de handicap (+ 1 %), pour prendre en compte l’inflation et l’évolution naturelle de la masse salariale.
D’autre part, les dépenses de prestations sociales augmenteraient 30 % en 2025 pour s’établir à 2,1 milliards d’euros. Les dépenses d’AEEH, dont la hausse sur la période est portée par l’augmentation du nombre de bénéficiaires, s’établiraient à 1,6 milliard d’euros en 2024. En outre, la LFRSS 2023 a élargi les bénéficiaires de l’AVPF et créé une assurance vieillesse pour les aidants (AVA), dont les dépenses devraient atteindre 0,5 milliard d’euros en 2024, soit plus du double par rapport à 2023.
Les transferts de la branche autonomie vers les départements seraient également très dynamiques, en hausse de 0,9 milliard d’euros (+ 15,9 %), dont 332 millions d’euros supplémentaires au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et 100 millions d’euros supplémentaires alloués au financement des services à domicile. Les transferts au titre de l’APA et de la PCH atteindraient 4 milliards d’euros en 2024, soit 0,3 milliard de plus que l’année précédente, sous l’effet de la dynamique des recettes de la branche et de la montée en charge de mesures intégralement financées par la CNSA.
C. En 2025, des dÉpenses portées par des évolutions tendancielles et par DES mesureS nouvelleS
En 2025, les dépenses de la branche seraient en progression de 6 % par rapport à 2024, une évolution qui s’explique par leur dynamisme naturel (1) et par des mesures nouvelles qui auront des effets importants dans les années à venir (2).
1. Une progression des dépenses s’expliquant en partie par le taux de reconduction
Selon les prévisions établies en octobre 2024, les dépenses de la branche autonomie s’élèveraient au total à 42 milliards d’euros en 2025.
Les dépenses prévisionnelles au titre du financement des ESMS s’élèveraient à 34,1 milliards d’euros, ce qui correspond à une hausse de 3,5 % par rapport à l’année précédente.
Parmi les facteurs de cette augmentation, on retrouve :
– la progression des dépenses de l’OGD, pour 1,1 milliard d’euros (+ 3,5 %) ;
– le dynamisme des dépenses d’AEEH, pour 127 millions d’euros (+ 7,9 %) ;
– la croissance des dépenses de transferts aux départements, pour près de 345 millions d’euros (+ 5 %).
Évolution des dépenses de la branche autonomie entre 2023 et 2025
|
2023 |
2024 |
2025 |
||||
|
Montant |
Montant |
Évolution 2024/2023 |
Évolution 2024/2023 |
Montant |
Évolution 2025/2024 |
Évolution 2025/2024 |
(M€) |
(M€) |
(M€) |
(%) |
(M€) |
(M€) |
(%) |
|
Dépenses |
37 579 |
40 000 |
2 421 |
6,4 % |
41 593 |
1 593 |
4 % |
Prestations sociales |
31 441 |
32 937 |
1 496 |
4,8 % |
34 153 |
1 216 |
3,7 % |
dont prestations OGD |
29 946 |
31 320 |
1 374 |
4,6 % |
32 406 |
1 086 |
3,5 % |
dont OGD PA |
15 200 |
16 139 |
939 |
6,20 % |
16 788 |
649 |
4 % |
dont OGD PH |
14 746 |
15 180 |
434 |
2,90 % |
15 618 |
438 |
2,9 % |
dont AEEH |
1 481 |
1 600 |
119 |
8,1 % |
1 727 |
127 |
7,9 % |
Transferts |
5 905 |
6 842 |
937 |
15,90 % |
7 187 |
345 |
5 % |
dont AVPF / AVA |
140 |
505 |
365 |
261 % |
542 |
37 |
7,4 % |
dont subventions aux fonds, organismes et départements |
5 338 |
5 791 |
453 |
8,5 % |
6 182 |
391 |
6,8 % |
dont concours versés aux départements |
4 887 |
5 451 |
564 |
11,5 % |
5 796 |
345 |
6,3 % |
– APA |
2 760 |
3 092 |
332 |
12,1 % |
3 090 |
– 2 |
– 0,1 % |
– PCH |
917 |
940 |
23 |
2,6 % |
959 |
19 |
2 % |
Charges de gestion courante |
205 |
191 |
-14 |
– 6,9 % |
221 |
30 |
15,7 % |
Autres charges nettes |
28 |
30 |
2 |
6 % |
32 |
2 |
6,5 % |
TOTAL |
37 579 |
40 000 |
2 421 |
6 % |
41 593 |
1 593 |
4 % |
Source : Commission des finances d’après le rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale, octobre 2024.
* Fonds d’intervention régional
2. Les mesures nouvelles ayant un effet en dépenses
Les mesures nouvelles comprises dans la construction de l’OGD représentent un montant total de 1,2 milliard d’euros. Ainsi l’OGD 2025 s’élèverait à 33,4 milliards d’euros, soit une progression de 4,7 % par rapport à 2024.
Concernant le volet personnes âgées de la branche, l’évolution des dépenses liées aux mesures nouvelles sera notamment portée par :
– l’amélioration de l’accompagnement en EHPAD, avec un renforcement de l’encadrement et des moyens supplémentaires pour l’actualisation des coupes PATHOS, pour un montant de 400 millions d’euros ;
– le renforcement du virage domiciliaire pour 100 millions d’euros, destinés en particulier à la montée en charge de la réforme de la tarification des SSIAD et à la création de services autonomie à domicile ;
– la mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2025, de l’expérimentation relative à la fusion des sections tarifaires « soin » et « dépendance » des EHPAD pour un coût net de 200 millions d’euros (article 21 du PLFSS pour 2025, cf. infra).
Concernant le volet handicap, le PLFSS 2025 prévoit un certain nombre de mesures annoncées lors de la conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril 2023. Il convient de mentionner les dépenses suivantes :
– 300 millions d’euros pour renforcer les solutions d’accueil pour les enfants et adultes en situation de handicap ;
– 100 millions d’euros pour soutenir l’inclusion sociale et la mise en place de solutions de répit pour les familles.
mesures nouvelles en 2025
(en milliards d’euros)
|
Personnes âgées |
Personnes en situation de handicap |
Ensemble |
Mesures salariales (dont compensation CNRACL) |
0,15 |
0,04 |
0,19 |
Mesures EHPAD (dont augmentation ETP en EHPAD) |
0,38 |
|
0,38 |
Mesures DOMICILE |
0,06 |
0,01 |
0,07 |
Créations pour installation de places |
0,07 |
0,26 |
0,33 |
Surcoûts fusion des sections |
0,16 |
|
0,16 |
Refinancement des mises en réserve |
0,1 |
0,04 |
0,14 |
Mesures de régulation |
– 0,02 |
– 0,04 |
– 0,06 |
Ensemble des mesures |
0,9 |
0,31 |
1,21 |
Source : commission des finances, d’après l’annexe VII du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
● L’article 21 précise les modalités de transfert du financement des EHPAD vers la branche autonomie.
Le financement des EHPAD repose actuellement sur un modèle mobilisant trois financeurs différents :
– la sécurité sociale pour les charges liées aux soins ;
– le département et les résidents pour les charges liées à la dépendance ;
– les résidents pour les charges liées à l’hébergement.
Ce modèle de financement comporte d’importantes limites, notamment du fait de l’évolution du profil des résidents accueillis en EHPAD qui rend confuse la distinction entre les charges liées à l’hébergement et celles liées à la dépendance. L’implication de trois financeurs différents est également source de complexité et entraîne des coûts de gestion significatifs. Enfin, la marge de décision des conseils départementaux est relativement faible puisqu’elle se limite à la seule détermination de la valeur du point GIR départemental.
L’article 79 de la LFSS pour 2024 a prévu l’expérimentation, dans les départements volontaires, d’un régime adapté de financement avec la fusion des sections « soins » et « dépendance » au sein d’un forfait global unique relatif aux soins et à l’entretien de l’autonomie. À ce titre, il était prévu le versement, par les départements expérimentateurs, d’une rétro-compensation financière sous la forme d’une reprise d’une partie de leurs recettes fiscales par l’État et d’une diminution du concours financier de la CNSA au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour les personnes hébergées en établissement.
L’article 79 de la LFSS pour 2024 prévoyait un maximum de 20 départements pouvant expérimenter la fusion des sections « soin » et « dépendance » des EHPAD, avec une candidature à transmettre avant le 30 avril 2024. Toutefois, 27 départements se sont portés volontaires, dont certains après la date limite.
En conséquence, l’article 21 du PLFSS pour 2025 propose de :
– décaler la date à laquelle les départements doivent avoir transmis leur délibération faisant état de leur candidature au préfet de département du 30 avril 2024 au 31 octobre 2024 ;
– de supprimer la référence à l’existence de deux vagues de l’expérimentation (au 1er janvier 2025 et au 1er janvier 2026) pour ne conserver qu’une entrée dans l’expérimentation à compter du 1er janvier 2025 (sans possibilité de l’intégrer ultérieurement) ;
– de fixer à 23 le nombre maximum de départements expérimentateurs, au lieu de 20.
L’expérimentation dans 23 départements entraînera des transferts financiers significatifs :
– le montant de la reprise, par la CNSA, des dépenses auparavant engagées par les départements expérimentateurs au titre de l’APA en établissement est évalué à 744 millions d’euros en 2025 ;
– le montant de la reprise d’une partie des recettes dont bénéficiaient les départements expérimentateurs pour financer l’APA en établissement est évalué à 535 millions d’euros en 2025, sans qu’il ne soit précisé, à l’heure actuelle, le montant des concours APA repris par la CNSA et le montant et la nature des recettes fiscales reprises par l’État et affectées à la CNSA ;
– le surcoût généré par l’expérimentation pour la sécurité sociale est évalué à 234 millions d’euros en 2025, principalement sous l’effet d’une modulation à la baisse de la reprise de recettes auprès des départements et du financement de la convergence des points GIR départementaux.
— 1 —
Au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre à 9 heures 30, la commission examine, pour avis, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325).
M. le président Éric Coquerel. L’ordre du jour appelle l’examen pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. La commission des finances s’est, comme à son habitude, saisie pour avis de l’ensemble de ce texte.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 intervient dans un contexte inédit, puisqu’il a été déposé par le Gouvernement avec plus d’une semaine de retard par rapport au calendrier prévu par les dispositions organiques. Je regrette, par ailleurs, de n’avoir reçu aucune réponse aux quarante-et-une questions écrites adressées cet été aux ministres compétents.
Après un solde négatif de 10,8 milliards d’euros en 2023, en net reflux par rapport aux exercices marqués par la crise sanitaire, le déficit s’établirait à 18 milliards d’euros en 2024. Les comptes sociaux souffrent de la modération de la croissance et de celle de l’évolution de la masse salariale, alors que la normalisation de l’inflation produit ses effets en deux temps : la désinflation constatée en 2024 a directement provoqué le ralentissement des recettes, sensibles à la conjoncture, tandis que la décélération des dépenses n’interviendra – espérons-le – que l’année prochaine.
Pour 2025, le PLFSS envisage un solde négatif de 16,7 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de base, ramené à 16 milliards d’euros en intégrant l’excédent du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), les branches maladie et vieillesse portant l’essentiel de ce déficit. Il ne faut pas s’y tromper, cette amélioration n’est que provisoire, pas structurelle. Si nous ne consentons pas davantage d’efforts, le déficit de la sécurité sociale repartira à la hausse, atteignant 17,7 milliards d’euros dès 2026 et près de 20 milliards d’euros en 2027.
Certaines caricatures opposent deux visions, l’une solidaire et l’autre comptable. Mais il n’y a pas de vision solidaire possible sans comptes solides. Au contraire, l’équilibre de nos comptes sociaux est la condition sine qua non de la soutenabilité de notre modèle social et de la solidarité nationale. En outre, une vision qui sacrifierait la solidarité de demain à celle d’aujourd'hui ne serait pas vraiment solidaire.
En l’absence d’une nouvelle reprise de dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), l’accumulation des déficits des régimes de base pèse sur l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Le dernier rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale prévoit l’aggravation du besoin de trésorerie, dont nous avions discuté à l’occasion du projet de loi d’approbation des comptes de l’année 2023. Ainsi, fin 2024, près de 37 milliards d’euros de dette sociale seront dépourvus de perspectives d’amortissement. Certes, l’article 13 du PLFSS prévoit de desserrer les contraintes de gestion, en relevant le plafond d’emprunt de l’Acoss de 45 à 65 milliards d’euros et en portant la durée maximale d’emprunt de douze à vingt-quatre mois. Mais il ne faut pas s’y tromper : si ces dispositions permettent de faciliter et d’optimiser les conditions de financement de l’Acoss, nous ne faisons que continuer à faire rouler la dette sociale. Nous ne pouvons envisager sa reprise par la Cades qu’avec une amélioration structurelle de notre modèle de financement.
S’agissant des recettes, le PLFSS s’inscrit dans un paquet de mesures législatives et réglementaires visant à dégager près de 15 milliards d’euros d’économies dans le périmètre de la sécurité sociale. C’est un premier pas sur le long chemin du redressement.
Je salue trois mesures en recettes visant à soutenir la compétitivité du secteur agricole et les droits sociaux de ceux qui nous nourrissent. Je me félicite en particulier de la pérennisation et du renforcement du dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TO‑DE). C’est un instrument éprouvé pour réduire le coût du travail au voisinage du Smic et lutter contre le travail illégal des saisonniers.
Inscrite à l’article 6 du PLFSS, la réforme des allègements généraux de cotisations patronales visait une réduction générale, dégressive et unifiée à compter du 1er janvier 2026. Des remarques pertinentes ont émergé de tous les bancs de notre assemblée, et la commission des affaires sociales a supprimé cet article. Je ne doute pas qu’il sera possible, dans la suite de nos travaux et avec la bonne volonté de tous, de faire émerger des solutions pour adoucir la pente des prélèvements sociaux et abaisser raisonnablement le point de sortie, afin de maintenir la compétitivité des entreprises et le taux d’emploi – paramètres encore peu documentés par le Gouvernement.
Enfin, je regrette que le Gouvernement ait une nouvelle fois choisi la facilité s’agissant des comptes de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le régime spécial des agents territoriaux et hospitaliers. Celle-ci devrait afficher un solde déficitaire de 3,4 milliards d’euros, mais le texte prévoit pour seule solution l’augmentation de 4 points des cotisations à la charge des employeurs, pour une économie estimée à 2,3 milliards d’euros en 2025. Bien sûr, c’est beaucoup moins que les 18 points préconisés, mais nous ne pouvons pas demander aux collectivités locales et aux hôpitaux de consentir un tel effort sans la moindre compensation. Il faudra poser à nouveau la question de la durée de cotisation, même s’il ne nous appartient pas d’y toucher dans le cadre de l’examen du PLFSS. Aussi proposerai-je des amendements pour compenser le surcoût pour les hôpitaux. J’en proposerai d’autres, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF), concernant les collectivités locales.
J’en viens aux dépenses. Celles des régimes de base ont progressé de 5 % entre 2019 et 2020 et de 5,7 % entre 2020 et 2021, au pire moment. En 2023, le rythme a été plus modéré puisque les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) ont progressé de seulement 0,3 %, tandis que celles liées à la crise sanitaire connaissaient bien sûr un reflux, s’établissant à 1,1 milliard contre 11,7 milliards d’euros en 2022. En 2024, les dépenses sont en forte progression, à hauteur de 5,3 %. Cette croissance est essentiellement due à l’indexation des prestations sur l’inflation, avec la revalorisation de 5,3 % des pensions au 1er janvier. En outre, les dépenses de l’Ondam ont dépassé de 1,2 milliard d’euros la prévision initiale, pour s’élever à 256,1 milliards d’euros. Ce dépassement s’explique principalement par les soins de ville et par les indemnités journalières, qui ont généré, à elles seules, un dépassement de 500 millions d’euros.
En 2025, les dépenses liées à la crise sanitaire ne devraient plus représenter que 500 millions d’euros et l’inflation devrait revenir à un niveau tendanciel autour de 1,8 %. Ce rétablissement d’un contexte économique normalisé nous oblige : il ne sera plus possible de compter sur la réduction des dépenses sanitaires.
Le PLFSS pour 2025 reflète la priorité accordée à la préservation et au renforcement de notre système de protection sociale, alors que la sécurité sociale est appelée à prendre toute sa part dans l’effort de redressement visant à ramener le déficit public à 5 %.
En retranchant les effets des mesures nouvelles du projet de loi, les dépenses retrouveraient une trajectoire de croissance de 3,7 %, sous l’effet des mécanismes d’indexation des prestations sur l’inflation. Néanmoins, ce texte porte une ambition : celle de garantir la soutenabilité financière de la protection sociale des Français, avec 10,1 milliards d’euros d’économies pour les dépenses sociales. Il propose de fixer l’Ondam à 264 milliards d’euros, soit une progression de 2,8 %, et prévoit une dépense totale de 668 milliards d’euros.
J’appelle votre attention sur quelques mesures nouvelles. Le texte présenté par le Gouvernement est marqué par l’ambition d’engager une trajectoire de redressement du solde de la sécurité sociale. Il est ainsi prévu de ralentir la progression des dépenses de l’Ondam en contenant les dépenses remboursées, en particulier dans les secteurs de l’imagerie, de la biologie et des transports sanitaires. Nous pouvons envisager des mesures complémentaires par voie d’amendement, et je proposerai de réformer le délai de carence.
Je proposerai en revanche de rétablir l’entrée en vigueur de l’indexation des retraites au 1er janvier 2025, au lieu de la reporter au 1er juillet comme le texte le prévoit, d’une part pour éviter un effet défavorable sur le pouvoir d’achat des retraités, et d’autre part parce que c’est une question de crédibilité de l’État. Changer les règles du jeu en cours de partie pour des personnes qui ne peuvent pas modifier leurs comportements pose un problème de confiance. La croissance ne peut pas venir sans confiance, laquelle ne peut pas venir sans respect de la parole donnée.
Enfin, dans le sillage de ses prédécesseurs, ce texte comporte des mesures de modernisation de notre système de santé, en particulier pour lutter contre les tensions d’approvisionnement en médicaments et pour répondre aux difficultés financières des Ehpad.
Pour assurer la préservation et le renforcement de notre système de protection sociale, je vous invite à voter ce PLFSS.
M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je voterai contre.
D’abord, la sécurité sociale est à l’équilibre et sera même en excédent de 0,2 point de PIB en 2025. Si les régimes de base affichent un déficit, c’est largement dû à la façon dont la dette sociale doit être remboursée – celle-ci ne pouvant pas « rouler », contrairement à celle de l’État, ce qui signifie qu’on ne paie pas les seuls intérêts de la charge de la dette. Cela soulève la question des transferts de politiques publiques de l’État vers les comptes sociaux qui ont été réalisés, notamment lors de la crise du covid. On peut se demander si c’est à la sécurité sociale d’endosser des aides décidées par l’État, comme celles, par ailleurs justifiées, qui visaient à aider les entreprises par des dispositifs de chômage partiel.
Ensuite, comme pour le budget de l’État, le déficit découle largement d’une baisse des recettes et pas d’une hausse des dépenses. Ces baisses indiquent, d’une part, que l’exécutif prend progressivement le contrôle de la sécurité sociale par des politiques d’aide aux entreprises passant par des exonérations massives – 84 milliards d’euros pour 2024 – elles-mêmes remplacées par des recettes de TVA plus ou moins dynamiques – elles devraient être inférieures cette année de 1,5 milliard d’euros aux prévisions. Cette politique d’aide passant par des baisses de cotisations fragilise le système. D’autre part, la politique économique crée depuis 2017 insuffisamment d’emplois salariés. Les 700 000 travailleurs ubérisés, par exemple, ne paient pas de cotisations à la sécurité sociale, alors qu’ils pourraient être requalifiés en emploi salarié. La politique massive de primes participe également, selon la Cour des comptes, au dérèglement du système car souvent aucune cotisation ne leur est adossée.
Enfin, comme le relève l’Observatoire français des conjonctures économiques, la baisse de 0,8 point des dépenses sociales, en affectant la consommation populaire, aura un aspect récessif. C’est particulièrement vrai pour les retraites. Le ministre envisage que les retraités les moins favorisés ne soient pas touchés par le gel de l’indexation, mais cela ne serait pas suffisant : le problème est global. Depuis 2017, les pensions n’ont augmenté que de 13,6 %, pour une inflation cumulée de 19,5 % – sans parler de l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) en 2018. De surcroît, les retraités sont les premiers à subir la hausse du reste à charge pour les soins, puisque les cotisations des complémentaires de santé sont particulièrement élevées pour eux, qui les paient à 100 %, contrairement à de nombreux salariés. Autrement dit, cette mesure touchera une population qui ne peut être tenue pour responsable de l’augmentation des déficits, et aura une forte incidence sur la consommation populaire.
Il est également prévu une baisse de 3,8 milliards d’euros des dépenses de l’Ondam, alors que cette enveloppe n’a pas couvert le coût de l’inflation entre 2022 et 2024, ce qui a creusé le déficit structurel des hôpitaux publics de 2 milliards d’euros et fait passer la part d’Ehpad déficitaires de 27 à 66 %. Cette politique ne peut pas se poursuivre. Elle est d’ailleurs dénoncée par la Fédération hospitalière de France et par son président, le maire de Reims, par ailleurs membre d’Horizons.
Enfin, il y aura aussi une offensive contre les arrêts maladie. L’augmentation de ces arrêts incite surtout à s’interroger sur la hausse des maladies au travail et sur la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en 2017. On ferait mieux d’essayer de comprendre pourquoi de plus en plus de personnes sont malades au travail plutôt que d’abaisser les indemnités.
Pour toutes ces raisons, et d’autres, j’estime que ce budget ne correspond pas à ce qu’il faut pour l’hôpital public et aura des répercussions considérables sur la consommation populaire.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez indiqué que la réforme inscrite à l’article 6 n’avait pas fait l’objet d’une étude d’impact économique précise. Le problème de cette réforme est surtout qu’elle va aboutir, deux années consécutives, à augmenter de deux points le coût des salaires compris entre 1 et 1,3 Smic. Les études sur les exonérations de cotisations sociales patronales montrent que, si l’on peut douter de leur utilité au-delà d’un certain niveau, elles sont efficaces pour les bas salaires. En surenchérissant de 4 points en deux ans les bas salaires, n’aboutira-t-on pas au résultat inverse à celui recherché, à savoir une disparition plus rapide des emplois peu qualifiés ? Puisque vous vous êtes montré assez critique, proposez-vous des solutions alternatives ? Nombre de spécialistes préconisent de plafonner l’exonération sur la branche famille, qui va jusqu’à 3,5 Smic, à 2,5 Smic, à une vitesse à déterminer.
L’article 23, qui reporte au 1er juillet la revalorisation des retraites, concerne indifféremment tous les niveaux de pension. Si l’on souhaite un dispositif maintenant le pouvoir d’achat des plus petites retraites, en restant conforme au montant d’économies proposé par le Gouvernement, le point d’équilibre se situerait à 1 600 euros par mois. Maintenir le pouvoir d’achat des retraites allant jusqu’à ce montant paraîtrait raisonnable.
L’autre inconvénient de cet article 23, que vous n’avez pas soulevé, est que c’est un fusil à un coup : l’an prochain, on ne va pas reporter la revalorisation du 1er juillet au 1er janvier d’après ! Le système alternatif que je propose pourrait être pérenne.
Enfin, l’augmentation des cotisations employeur à la CNRACL est considérable : 4 points en 2025 et 4 points en 2026, pour un coût de 2,3 milliards d’euros en 2025 – dont 1 milliard pour les hôpitaux et 1,3 pour les collectivités territoriales – et 4,6 milliards d’euros l’année suivante. A-t-on parlé aux partenaires sociaux de cette caisse qui assure de meilleures prestations que le régime général ? Quelle est la position des organisations syndicales ? Un partage des efforts a-t-il été envisagé, à l’instar de ce qui se passe dans les régimes de base et les régimes complémentaires des salariés du privé ?
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Les points que vous soulevez constituent le cœur du sujet.
Concernant l’article 6, je crains qu’un retour en arrière s’agissant des exonérations pénalise de toute façon l’emploi. Quand on augmente le coût du travail, quel que soit le niveau de salaire, on ne peut pas dire qu’on fait acte de croissance, a fortiori dans un monde aussi compétitif que celui dans lequel interagissent nos entreprises. Un point de sortie à 2,5 Smic serait un peu bas et poserait d’autres types de problèmes aux entreprises qui pratiquent des salaires plus importants. Une analyse est nécessaire pour éviter les effets de seuil et adoucir intelligemment la pente pour les bas salaires, sans créer une mesure contre-productive.
S’agissant des retraites, je n’ai pas bien compris le principe de votre point d’équilibre. Si l’on évite la désindexation des retraites inférieures à 1 600 euros, il faut dégrader autre chose pour garder le même rapport. Cela signifie-t-il qu’il n’y aurait aucune indexation pour les autres ? Cette solution n’est pas politiquement acceptable. Comment expliquer qu’on perçoive plus d’argent en 2025 avec une retraite de 1 599 euros qu’avec une retraite de 1 601 euros ? L’effet de seuil serait difficile à expliquer.
M. Charles de Courson, rapporteur général. Il n’y a pas d’effet de seuil dans le dispositif que je propose, mais un effacement graduel de la revalorisation entre 1 600 et 1 660 ou 1 670 euros. Il n’y aura donc pas de problème.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Cela pose un problème de justice. Nous sommes tous le riche de quelqu’un d’autre. On ne peut pas distinguer en permanence les petites, les moyennes et les grosses retraites. Je suis favorable à une revalorisation à égalité pour tout le monde. J’espère que le Gouvernement parviendra à faire un effort par ailleurs pour que la date de l’indexation soit avancée, même au 1er mai ou au 1er avril, pour adoucir cette mesure douloureuse pour les retraités. Mais appliquer des seuils serait une double peine pour les retraités qui les dépassent. Ce n’est pas une bonne idée.
Par ailleurs, appliquer une mesure pérenne consistant à ne plus indexer les retraites au-delà d’un certain seuil pour éviter d’utiliser un « fusil à un coup » serait particulièrement injuste pour tous les retraités concernés.
Enfin, s’agissant de la CNRACL, nous arriverons à 10 milliards de déficit en 2027. On cherche à boucher le trou par une mesure qui rapportera 2 milliards d’euros cette année et probablement 2 à 2,5 milliards d’euros l’année prochaine : ce n’est rien, par rapport à ce qui nous attend. Augmenter de 18 points – donc de 50 % – les cotisations patronales ne me paraît pas être la bonne solution. Il me semble donc que les négociations que vous évoquez n’ont pas eu lieu, ou pas suffisamment, et qu’il faut envisager d’autres pistes.
À force d’augmenter les cotisations patronales, les employeurs pourraient renoncer à employer des fonctionnaires et faire appel à davantage de contractuels. Or l’Ircantec va bien, et la CNRACL va mal. On ferait donc mieux de réfléchir, pour ce qui concerne les collectivités territoriales, à la façon de fusionner ces deux caisses, pour retrouver un équilibre. Je ne suis pas sûr en effet qu’inciter les collectivités locales à employer plus de contractuels que de fonctionnaires pour éviter d’avoir à payer des cotisations toujours plus lourdes soit l’objectif recherché, notamment à gauche. Ce débat est devant nous, et il faut envisager l’allongement de la durée de cotisation comme l’une des solutions.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons évidemment contre ce PLFSS, qui montre bien, si besoin était, les échecs des sept dernières années. S’il y avait eu un succès économique et de réindustrialisation, si le plein emploi était au rendez-vous, si vous aviez lutté contre toutes les formes de fraude, les caisses de la sécurité sociale seraient pleines ! Mais non, elles sont en déficit – un déficit plus important que prévu. C’est même le retour à un déficit structurel que l’on pensait derrière nous. Et je n’ai pas entendu d’explication convaincante concernant l’état des caisses et la contradiction flagrante entre les résultats économiques proclamés à longueur de journée et la situation des finances sociales.
Nous voterons contre ce PLFSS pour protester contre cette nouvelle guerre des classes qu’est la guerre des âges, une guerre ouverte contre les retraités, présentés sans cesse par les chiens de garde du système comme des nouveaux privilégiés, des nantis dont le niveau de vie serait responsable de la misère du pays. Or, le président de la commission l’a rappelé, les pensions des retraités n’ont pas été revalorisées à la hauteur de l’inflation depuis que le sinistre François Hollande était au pouvoir, avec sept points de retard par rapport au niveau de vie qu’ils devraient avoir. Le décalage de l’indexation des retraites, c’est toujours le début de la fin de l’indexation pérenne ! C’est ce que François Hollande avait fait : d’abord un décalage, puis une désindexation totale. Pourquoi les retraités devraient-ils payer pour l’échec des autres ? Nous combattons cette idée et nous rétablirons l’indexation.
Autre folie, celle de la hausse du coût du travail. Comme le rapporteur général l’a souligné, il n’y a pas eu d’étude d’impact. Pourquoi ne commencez-vous pas par vous occuper de la « trappe à stagnation des salaires » autour de 2,5 Smic ? C’est un mystère.
Les sujets à critiquer sont nombreux, mais ces deux points expliquent à eux seuls notre vote contre ce budget.
M. David Amiel (EPR). Les chiffres du chômage ne sont pas établis par le Gouvernement, mais par le Bureau international du travail, qui applique la même méthodologie dans tous les pays. En l’occurrence, ils montrent bien que le chômage a baissé et que la précarité a reculé, avec une part des CDI en hausse. Quant au développement de l’apprentissage, c’est plutôt une bonne nouvelle pour les jeunes Français et pour l’orientation professionnelle.
Nous partageons le diagnostic du PLFSS : nous devons mieux maîtriser nos dépenses sociales, qui expliquent en grande partie l’écart en matière de dépenses publiques qui existe entre la France et les autres pays, y compris ceux du nord de l’Europe connus pour leur progressisme.
Nous partageons beaucoup des mesures proposées, parmi lesquelles la réduction des dépenses excessives en matière de transport sanitaire, la poursuite du travail engagé contre la fraude ou le renforcement de la lutte contre les pénuries de médicaments.
Pour autant, nous avons deux divergences importantes avec le texte initial. La première concerne le coût du travail : nous considérons que les économies budgétaires ne peuvent pas se faire au détriment des salaires et de l’emploi. Le travail est trop taxé. Nous proposons des alternatives à l’augmentation des charges, qui détruirait des centaines de milliers d’emplois et irait à rebours de l’objectif de « désmicardisation » et de lutte contre les trappes à bas salaires.
Ensuite, nous proposerons de rétablir l’indexation des retraites. Il y a un peu d’ironie à voir certains se faire les défenseurs du niveau des pensions de retraite alors qu’ils proposent, dans le même temps, de supprimer la réforme des retraites, qui permet de financer ces pensions à un juste niveau. C’est une forme de schizophrénie, budgétaire et politique !
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). S’il y avait le plein emploi, comme le Gouvernement et les macronistes s’en gargarisent, il n’y aurait pas de problème avec la sécurité sociale : les cotisations seraient très élevées. Mais force est de constater que le plein emploi n’existe pas et que les chiffres avancés par le Gouvernement sont systématiquement manipulés. Et si l’on peut se réjouir du développement de l’apprentissage, il est bon de rappeler aussi que vous avez sorti les apprentis des chiffres du chômage, faisant ainsi artificiellement baisser le niveau de ce dernier – et je passe sur la précarité de l’emploi que vous avez alimentée.
Non, nous ne sommes pas obligés de baisser nos dépenses sociales et de santé, alors que la France a rarement compté autant de pauvres, autant de personnes en difficulté et autant qui renoncent aux soins. Au contraire, nous avons besoin de les augmenter. Pour cela, vous avez raison, il faut de l’argent. Mais, pour le budget de la sécurité sociale comme pour celui de l’État, vous avez vidé les caisses à grands coups d’exonérations de cotisations ! On tourne cette année autour des 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales. Or quand on permet aux patrons ou aux grandes entreprises de ne pas payer leurs cotisations sociales, on a moins d’argent. Vous en concluez qu’il faut baisser les dépenses : non, il faut supprimer les exonérations sociales et surtout arrêter de les faire payer aux Français par des transferts de TVA.
Mme Sophie Pantel (SOC). Nous aussi, nous considérons que le dialogue avec les partenaires sociaux est insuffisant et nous étonnons des incohérences entre l’autosatisfaction au sujet du plein emploi et le manque de recettes.
Il y a un an, Christian Baptiste déclarait que le PLFSS pour 2024 déshabillait Pierre pour faire semblant d’habiller Paul. Cette année, il déshabille les deux !
Comment répartir l’effort ? Ce PLFSS fait plusieurs victimes. D’abord, la santé, avec une baisse du niveau des remboursements des consultations médicales, aucune vraie mesure pour l’hôpital public et le maintien de la tarification à l’activité, qui ne permet pas de prendre en compte les besoins des territoires. La moitié des Français ont déjà renoncé à une consultation médicale en raison des délais d’attente, parce qu’il leur fallait se rendre dans un autre département ou en raison du reste à charge.
Les deuxièmes victimes sont les plus jeunes. Le secteur de la petite enfance aurait mérité une réflexion plus ambitieuse, face à la privatisation et à certaines dérives. Je pense aussi aux jeunes actifs, notamment les apprentis, qui seront désormais assujettis à la contribution sociale généralisée (CSG). En outre, peu de place est faite à la prévention.
Enfin, les grands perdants sont les seniors. Nous sommes contre le report de l’indexation des retraites, et aucune solution n’est apportée pour les Ehpad. La branche autonomie est peu dotée, malgré le vieillissement de la population. Aucune réponse n’est apportée non plus pour le financement du Ségur.
Je mentionnerai encore le transfert politique effectué par l’État vers les comptes sociaux et les transferts non compensés sur le dos des collectivités – je pense en particulier à la question de la démographie médicale.
Une vision uniquement comptable n’est pas satisfaisante. Il est essentiel de préserver notre modèle social, héritage du Conseil national de la résistance.
M. Nicolas Ray (DR). Comme nous, les Français sont attachés à notre régime de sécurité sociale et à sa philosophie, selon laquelle chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Or force est de constater que nos comptes sociaux dérapent, avec un déficit de 18 milliards d’euros et un déficit prévisionnel de 16 milliards d’euros pour 2025, qui alimentent l’ensemble de nos déficits publics.
Le gouvernement de Michel Barnier hérite d’une situation financière dégradée et des efforts sont indispensables pour redresser nos comptes et garantir la pérennité de notre système. Nous saluons ceux qui sont proposés par le Gouvernement et nous en débattrons dans un esprit constructif.
Néanmoins, ce redressement ne peut s’opérer sur le dos de la France qui travaille et qui a travaillé toute sa vie. Le report de l’indexation des retraites au 1er juillet notamment constitue un coup de canif dans le contrat avec nos retraités.
Nous sommes inquiets des déremboursements de soins et des transferts de prise en charge de l’assurance maladie vers les mutuelles, qui auront pour effet d’accroître le tarif de celles-ci. Nous sommes préoccupés par la réduction des allègements de charges sur les bas salaires, notamment peu qualifiés – attention à bien étudier son impact sur l’emploi ! Nous sommes dubitatifs face à l’évolution de l’Ondam hospitalier, fixé à + 3,1 % mais qui sera fortement grevé par les hausses de cotisations à la CNRACL.
Il serait plus juste de privilégier des économies différentes, qui encouragent le travail et l’emploi – lequel finance notre système social. Création d’une allocation sociale unique, plafonnée à 70 % du Smic, gel de la revalorisation du revenu de solidarité active (RSA), recentrage des dépenses de l’aide médicale de l’État et de l’hébergement d’urgence, lutte accrue contre les abus et la fraude sociale : voici les pistes d’économies que nous proposerons, des économies acceptées et même demandées par nos concitoyens qui travaillent et qui contribuent au financement de notre modèle social.
M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Ce PLFSS est encore plus décevant que celui de l’an dernier. L’Ondam global est en hausse de 2,8 %, mais une fois l’augmentation des cotisations à la CNRACL neutralisée, la progression n’est que de 2 % sans compter l’inflation. Qui plus est, le Haut Conseil des finances publiques juge l’hypothèse de croissance du PIB de 1,1 % trop optimiste, du fait des effets récessifs qui résulteront des coupes budgétaires massives proposées dans le PLF. Les effets sur l’emploi, donc sur les cotisations et les dépenses sociales, fragiliseront encore plus les prévisions de ce PLFSS. La commission des finances est prévenue de cet optimisme qui confine à la témérité.
Hier soir, nous avons obtenu des compensations pour les agriculteurs. Toutefois, les grandes questions comme la santé mentale, la dépendance des personnes âgées ou encore le financement des fauteuils roulants sont absentes de ce texte. Aussi notre groupe parlementaire fera-t-il des propositions fortes pour ces thématiques, tout en présentant des pistes d’économies.
Enfin, en tant que représentant des Français établis hors de France, je souligne la désinvolture scandaleuse et l’indigence des budgets des politiques d’action sociale qui leur sont destinées : 15 millions par an pour une population de 2,5 millions de personnes ! La question de la dépendance des Français établis hors de France ne fait même pas l’objet d’une ligne budgétaire, si ce n’est celle des rapatriements d’urgence, qui sont un outil onéreux et inadapté.
Cet impensé dans nos politiques publiques n’est pas une fatalité, et nous avons des solutions. La Caisse des Français de l’étranger pourrait être l’instrument idoine, mais cette caisse de sécurité sociale qui assure une mission de service public et de solidarité pour 2,5 millions de nos compatriotes reçoit en tout et pour tout 380 000 euros du budget de l’État. Merci pour la charité !
Par conséquent, nous défendrons des amendements au PLFSS et au PLF proposant des mesures de financement pour une réelle politique publique de la santé, couvrant les thématiques que j’ai citées et intégrant nos compatriotes à l’étranger ainsi que les grands impensés comme la malnutrition ou la pollution de l’air. Le groupe Écologiste et social continuera de défendre un budget de sécurité sociale à la hauteur des défis posés par la préservation de la santé et la dignité des Français.
Mme Perrine Goulet (Dem). Le PLFSS s’inscrit dans un contexte de perte de maîtrise des comptes sociaux, relevé par la Cour des comptes. Si le déficit pour 2023 plafonnait à 10,8 milliards d’euros, il pourrait atteindre 18 milliards d’euros à la fin de l’année en cours. En tant que membres de la commission des finances, notre priorité absolue doit être d’endiguer ce point de bascule déterminant pour l’avenir de nos comptes publics.
Toutefois, malgré la baisse des crédits du côté du budget général, les dépenses de sécurité sociale progresseront au total de 18 milliards d’euros par rapport à la base 2024 rectifiée.
Nous saluons plusieurs mesures qui étaient attendues, comme la traduction des engagements conventionnels signés avec les professionnels de santé, portant la consultation à 30 euros ; l’accès à une unité de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire d’ici fin 2025 ; l’accès des familles monoparentales au complément de mode de garde jusqu’à 12 ans ; la création du service public de la petite enfance. Sur ce dernier point, nous avons besoin d’accroître le nombre de places, mais pas au détriment de la qualité de l’accueil et de la sécurité du jeune enfant. Cela doit être accompagné budgétairement, et notamment par les communes, autorités organisatrices. Enfin nous saluons le recours facilité au dispositif Mon soutien psy, sans prescription médicale, et l’élargissement de VigilanS aux mineurs, pour prévenir les suicides et les actions d’aller vers.
Cependant, nous émettons des réserves sur le nombre trop important de dispositions essentielles qui sont à la discrétion du pouvoir réglementaire. Elles doivent être soumises au débat démocratique.
Nous sommes également réservés quant au décalage de la revalorisation de toutes les pensions de retraite au 1er juillet. Nous souhaitons une mesure plus ciblée, permettant aux petites retraites d’être revalorisées dès le 1er janvier.
De manière générale, notre dispositif de protection sociale – l’un des plus redistributifs au monde – constitue un héritage qu’il nous faut préserver.
M. Christophe Plassard (HOR). Cette année encore, le PLFSS s’inscrit dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. Les dépenses sociales devraient dépasser les 643 milliards d’euros, c'est-à-dire un budget supérieur à celui de l’État. L’Ondam reste dynamique, à + 2,8 %, accompagné de réformes structurantes et d’une trajectoire de près de 5 milliards d’euros d’économies fondées sur l’efficience et la santé publique.
Le groupe Horizons et indépendants rappelle son attachement à l’équilibre des comptes et à l’efficience de la dépense publique : chaque euro de l’argent des Français doit être dépensé de façon juste et efficace.
Ce texte reflète un engagement ferme à protéger les Français face aux défis économiques et budgétaires. Avec une hausse des dépenses de sécurité sociale de 18 milliards, le PLFSS répond aux besoins croissants en matière de santé, de retraite et d’autonomie. Malgré cette augmentation, les efforts budgétaires restent maîtrisés. Nous veillerons à ce que les mesures affectant les régimes de retraite ou le coût du travail soient conçues avec une attention particulière, pour ne pas fragiliser davantage ceux qui sont vulnérables.
Par ailleurs, le PLFSS poursuit le renforcement de la lutte contre les fraudes sociales, avec le déploiement de 1 000 agents supplémentaires et des outils modernes pour sécuriser le système, avec un objectif de 5,5 milliards d’euros de redressements cumulés d’ici 2027.
Notre groupe soutiendra ce texte, mais nous resterons attentifs à ce que les mesures d’économies ne mettent pas en péril les principes fondamentaux de la protection sociale, et garantissent la justice sociale dans l’effort budgétaire.
M. Michel Castellani (LIOT). Nous notons quelques avancées dans ce texte, mais aussi des lacunes. Ainsi, nous regrettons que des sujets majeurs comme la prévention, la santé mentale ou la petite enfance semblent avoir été mis de côté. Ce PLFSS présente un Ondam insuffisant, ce qui posera in fine un problème d’accès aux soins. Nous déplorons aussi la non‑compensation de l’inflation et les surcoûts pour les territoires insulaires et ultramarins – c’est un problème récurrent. L’accès aux soins est fragilisé, avec la réduction du ticket modérateur, celle du plafond de rémunération des indemnités journalières et la hausse des franchises. Nous regrettons encore l’absence de financements ad hoc pour la branche autonomie, pour laquelle nous appelons à la création d’une contribution spécifique.
Il faut nous mettre à l’ouvrage pour proposer des modifications portant le texte à la hauteur des enjeux de santé.
M. Gérault Verny (UDR). Notre système de protection sociale repose quasiment intégralement sur les travailleurs et les entreprises, qui sont par ailleurs les moins consommateurs de prestations. Il existe une décorrélation totale entre l’augmentation du coût de ce système et la qualité de ses prestations, puisque les dépenses sociales sont passées de 20 % du PIB dans les années 1990 à 35 % aujourd’hui tandis que les déremboursements sont toujours plus massifs et que le transfert de responsabilité vers les mutuelles privées génère une double charge pour les particuliers et les entreprises.
Ce PLFSS devrait nous permettre de repenser l’hôpital, pour qu’il puisse se concentrer sur sa mission – soigner ; de repenser nos recettes, pour que le poids de notre système social ne soit pas un facteur de baisse de la compétitivité de nos entreprises ; d’améliorer le soutien aux familles pour inverser le déclin de la natalité, qui rend encore plus difficile la soutenabilité de notre système de retraites ; et d’améliorer la vie de nos aînés.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Monsieur Tanguy, je ne suis ni l’avocat, ni le procureur du passé. J’essaie simplement d’être le promoteur des solutions proposées pour le présent tout en veillant à ce qu’elles soient les plus justes et les plus équitables possible. Voter contre ce texte, c’est ne pas permettre à l’Acoss de gérer la dette qui est la nôtre dans les deux ans qui viennent. C’est une responsabilité qui pèse sur chacun d’entre nous.
J’attends avec impatience les alternatives évoquées par le groupe Ensemble pour la République concernant la baisse des exonérations, afin d’étudier la façon d’améliorer la première version du Gouvernement.
La France insoumise considère que nous ne sommes pas obligés de baisser les dépenses, mais alors, nous n’aurons pas de marge de manœuvre pour la suite. Le PLFSS prévoit déjà 18 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, ce qui prouve que nous sommes très loin des logiques d’austérité parfois évoquées. L’austérité, ce n’est pas quand les dépenses continuent à augmenter mais quand elles baissent, et très fortement.
Je répondrai à notre collègue socialiste que si rien n’est fait, ce sont Pierre, Paul et Jacques qui seront nus demain. Nous n’aurons plus le sou pour nous occuper ni des uns ni des autres. Il est vrai que les transferts vers les collectivités posent problème, mais le texte prévoit aussi plusieurs mesures de modernisation, en particulier s’agissant des Ehpad. Nous devrions pouvoir nous accorder sur les mesures positives.
Je salue les propos de Nicolas Ray concernant les efforts indispensables à fournir, avec des propositions concrètes pour améliorer la copie du Gouvernement. J’y suis sensible.
Comme le groupe Écologiste, je pense qu’il y a des mesures à imaginer concernant les Français de l’étranger. Toutes les propositions seront les bienvenues. Mais affirmer que celles contenues dans le PLFSS sont décevantes, c’est ne pas mesurer l’ampleur des difficultés que nous rencontrons.
Pour répondre aux observations du groupe Les Démocrates, nous sommes déjà le pays qui redistribue le plus au monde. Prévoir des mesures ciblées pour les retraites augmenterait encore le caractère redistributif de notre pacte social. Or nous sommes déjà à un point si élevé que cela finit par devenir inéquitable vis-à-vis de ceux qui portent la solidarité.
Enfin, pour répondre aux groupes Horizons, LIOT et UDR, la dépense n’est évidemment pas un gage de qualité. Il faut sortir de ce paradigme et trouver des mesures équilibrées. Aussi serons-nous attentifs à tous les amendements qui seront proposés sur ce point.
Article liminaire : Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour 2024 et 2025
Amendement de suppression CF31 de M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est un amendement de suppression, puisque le groupe Rassemblement national ne croit pas aux prévisions de ce PLFSS et ne croit pas à la politique économique du Gouvernement – passé ou présent. En toute logique, nous ne pouvons pas cautionner ces prévisions.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Par principe, nous n’aimons pas trop les suppressions d’articles. Mais surtout, sur le fond, cette demande est difficile à soutenir venant d’un groupe qui propose d’abroger la réforme des retraites, donc d’aggraver encore la situation de 15 milliards d’euros par an.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article liminaire.
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2024
Article 1er : Rectification des prévisions de recettes, des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépenses pour 2024
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement CF32 de M. Jean-Philippe Tanguy.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 1er.
Article 2 : Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de ses sous‑objectifs pour 2024
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 2.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Article 3 : Alignement de l’effort contributif des non-salariés agricoles sur celui des travailleurs indépendants dans le cadre de la réforme du mode de calcul de la pension de retraite de base
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 non modifié.
Après l’article 3
Amendements identiques CF77 de Mme Élise Leboucher et CF157 de M. Philippe Brun
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement vise à abroger l’injuste réforme des retraites que la Macronie nous a imposée – réforme qui n’a jamais été soumise au vote de cette assemblée et qui a mis des millions de personnes dans la rue, dans un mouvement social comme la France n’en avait pas connu depuis plusieurs dizaines d’années. Une réforme qui a été désapprouvée par 70 % des Français et 93 % des actifs ! Si elle avait été voulue et souhaitée, vous n’auriez sans doute pas perdu chacune des dernières élections, messieurs les macronistes.
Il s’agit donc d’y revenir – mais pas pour faire semblant, pas pour tromper tout le monde en mentant comme le fait le Rassemblement national. Celui-ci a voté contre cet amendement en commission des finances, il essaie de nous faire croire de manière hypocrite qu’il voudrait abroger cette réforme mais il ne propose aucune solution de financement, sinon faire payer les Français plus longtemps – leur faire payer eux-mêmes pour leur propre abrogation de la réforme des retraites, leur faire payer eux-mêmes la différence entre les 64 et les 62 ans ! Ne venez pas faire les beaux sur les plateaux de télévision et affirmer que vous voulez abroger la réforme des retraites alors que vous avez été absents des mobilisations et que vous avez fait partie de ceux qui ont le moins amendé le texte !
Il existe un moyen, pour abroger cette réforme : voter cet amendement, parce qu’il permet les augmentations de cotisations sociales qui le rendent possible. Si l’on veut abroger la réforme des retraites, il va falloir que les employeurs qui en ont les moyens y contribuent.
M. Philippe Brun (SOC). Nous demandons effectivement l’abrogation de la réforme des retraites. Cette proposition n’a pas rencontré de majorité en commission des affaires sociales, mais ce serait un beau symbole qu’en commission des finances, nous réparions cette injustice – injustice qui a amené des millions de personnes dans la rue au printemps 2023.
Cette réforme, c’est deux années de vie prises à ceux qui ont commencé à travailler le plus tôt et qui exercent les métiers les plus pénibles, ceux qui ont commencé à 20 ans, qui ne sont pas concernés par les mesures promises pour les carrières longues et à qui l’on va demander de cotiser quarante-quatre ans, soit une ou deux années de plus que ceux qui ont commencé à travailler à 25 ans. C’est cette inégalité fondamentale qui a justifié notre rejet de cette réforme des retraites. C’est cette inégalité fondamentale qui a conduit des millions de Français dans la rue, y compris dans nos campagnes. Par cet amendement, nous voulons revenir sur cette mesure d’âge injuste, qui n’a été comprise par personne et qui est massivement rejetée par les Français.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Vous dites qu’il faut trouver des mesures pour compenser, mais vous les faites peser sur tout le monde : les employeurs, les salariés et tous ceux qui ne seront pas embauchés parce que le coût du travail sera tel que nous n’aurons plus la compétitivité suffisante ! En outre, faire et défaire sans arrêt aboutit à une situation illisible pour nos compatriotes.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Nous avons fait cette réforme des retraites parce que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter et qu’il faut financer notre modèle social. Pour cette raison, il faut travailler un peu plus longtemps – c’est un effort collectif. Nous avons aussi besoin d’augmenter la quantité de travail, car les chiffres et les comparaisons internationales sont têtus : la France est toujours un pays qui, de façon globale, travaille moins que ses principaux concurrents économiques européens.
Compte tenu de nos finances publiques, l’abrogation de la réforme des retraites serait irresponsable, car elle se traduirait par un trou de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Ce serait la ruine, voire la banqueroute assurée. Il est donc impossible d’y revenir dans la situation actuelle. Nous nous opposerons donc avec vigueur à ces amendements.
Mme Perrine Goulet (Dem). Je n’ai pas voté cette réforme des retraites pour embêter les Français, mais pour résoudre une difficulté liée à l’allongement de la durée de vie. La baisse des actifs et l’augmentation des inactifs imposent de faire quelque chose pour pérenniser le système de retraite. Les amendements que vous défendez empêchent cette pérennisation. Il est tellement plus facile d’être dans l’opposition pour faire de la démagogie, pour ne pas avoir à dire les vérités qui font mal ! Oui, il est difficile de dire qu’il faut travailler plus pour remettre notre système à l’équilibre, mais c’est la vérité. Les acteurs syndicaux de l’Agirc-Arrco ont d’ailleurs instauré un système de malus pour obliger les gens à travailler un an de plus afin justement de pérenniser le système.
Arrêtons la démagogie. Nous devons tous défendre notre système de retraite, car nous y tenons tous. Abroger cette réforme serait la plus grosse stupidité pour nos comptes publics et pour les retraites à venir.
M. Philippe Juvin (DR). La position du groupe Les Républicains est claire : abroger la réforme des retraites, si imparfaite soit-elle, coûterait un argent considérable. Les cotisations ne financent que les deux tiers des retraites, qui sont alimentées par des taxes affectées et par des concours de l’État. Le système est déjà déficitaire, et revenir sur la réforme creuserait davantage encore ce déficit.
Il faut réfléchir aux vraies questions. Si l’on veut pérenniser un système par répartition, faut-il le compléter par de la capitalisation collective ? La gauche, qui hurle aux loups dès qu’on parle de capitalisation collective, a été la première à affirmer qu’il fallait défendre le système de capitalisation de la Banque de France quand il s’est agi de le supprimer : c’est assez curieux… Par ailleurs, quand on divise le nombre d’heures travaillées par le nombre de personnes en âge de travailler, la France a le ratio le plus faible de l’Union européenne. Ainsi, sauver le système par répartition, c’est travailler plus, travailler probablement plus longtemps pour un certain nombre de personnes, et ajouter un système de capitalisation collective.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Ce débat fait apparaître certains arguments assez curieux. Un collègue indique que les cotisations ne financent que deux tiers des retraites, qui sont alimentées par les concours de l'État. Une autre évoque un trou de plusieurs dizaines de milliards d’euros à la sécurité sociale. Mais c’est vous qui votez 60 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales ! C’est plus que le trou ! Et le pire, c’est que vous faites quand même payer ces cotisations aux Français, avec la TVA. Il n’est donc pas vrai que le système de retraites soit dans une difficulté insoutenable.
Et même si l’on retenait quelques secondes vos arguments, l’allongement de la durée du travail ne serait pas la seule solution. Certaines cotisations patronales ou certaines cotisations sociales pour les plus hauts revenus pourraient être augmentées, comme nous l’avions proposé lors du débat sur les retraites. On pourrait aussi augmenter les cotisations dans le temps, pour que ce soit indolore sur la fiche de paie. Mais vous avez refusé de le faire, au nom de l’idéologie. Car, non, vous n’êtes plus dans la réalité : en votant 60 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales tous les ans, on n’est plus dans la réalité !
M. Matthias Renault (RN). Nos collègues ont fait le même numéro en commission des affaires sociales, mais attention : cet amendement n’abroge pas la réforme des retraites, il augmente les cotisations. Je sais que la gauche est gênée par la proposition de loi que nous présenterons dans le cadre de notre niche, le 31 octobre. Débrouillez-vous pour vos positions de vote respectives, mais on ne peut pas voter un amendement dont le seul effet est d’augmenter les cotisations.
M. le président Éric Coquerel. Vous aviez reçu une invitation à un colloque que nous avons organisé avec Charles de Courson ce lundi 21 octobre et qui a réuni toutes les organisations patronales et syndicales ainsi que des économistes. J’en retiens trois points.
D’abord, le président du Conseil d’orientation des retraites, Gilbert Cette, nommé en remplacement de M. Pierre-Louis Bras et favorable à la réforme, a expliqué que l’objectif n’était pas de réduire le déficit du régime de retraite, mais celui de l’État. C’est ce que nous avons toujours dit.
Ensuite, comme l’avait indiqué son prédécesseur, ce n’est pas un problème de dépenses que nous avons, mais de recettes.
Enfin, dans les pistes de financement pour éviter le recul à 64 ans de l’âge de départ à la retraite, il suffisait d’augmenter les cotisations de seulement 0,15 % pendant sept ans pour parvenir à l’équilibre.
Ce colloque était très intéressant, quelle que soit la position qu’on peut avoir, et je vous encourage à en écouter l’enregistrement.
M. Éric Woerth (EPR). C’est une présentation totalement orientée ! Évidemment, on peut toujours tout augmenter. Il suffit de monter jusqu’au ciel, de percevoir 100 % des revenus des Français et l’on finance le modèle social !
M. le président Éric Coquerel. Je peux donner ma position, comme vous le faisiez quand vous étiez président de cette commission !
M. Éric Woerth (EPR). Mais alors, laissez-nous vous répondre, comme je le faisais.
M. le président Éric Coquerel. Vous êtes intervenu et nous avons entendu vos positions.
M. Éric Woerth (EPR). À quel moment ?
M. le président Éric Coquerel. Vous ne présidez pas. Je vous rappelle que je peux intervenir et donner ma position. C’est mon droit comme président de la commission. M. Sitzenstuhl a donné la position de votre groupe.
Je vous informe des éléments avancés dans ce colloque et, bien évidemment, je suis favorable à cet amendement.
Je souhaite, par ailleurs, apporter une explication. Un amendement au PLFSS ne peut pas abroger la réforme des retraites, car il serait jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Cela répond à l’observation de M. Renault. Cet amendement avance donc des pistes en vue d’une conférence de financement que pourrait proposer le Gouvernement.
La commission rejette les amendements.
Article 4 : Pérennisation du dispositif d’exonération de cotisations patronales lié à l’emploi des travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi et relèvement du plafond d’exonération totale de 1,20 Smic à 1,25 Smic
Amendement CF16 de M. Fabrice Brun.
Mme Josiane Corneloup (DR). Cet amendement a pour objet de maintenir le système spécifique d’exonération de cotisations et contributions sociales patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi du secteur agricole. La baisse des allègements généraux engendrerait une hausse du coût du travail de 39 millions d’euros pour les employeurs de CDD saisonniers dès l’an prochain, et 80 millions d’euros par an à partir de 2026. Ce serait donc contreproductif et provoquerait une nette dégradation de la compétitivité de la ferme France.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Amendement CF7 de M. Fabrice Brun
Mme Josiane Corneloup (DR). Les coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) permettent à des agriculteurs de se procurer du matériel et de créer des emplois en temps partagé qu’ils n’auraient pas eu les moyens de financer seuls. Elles ne bénéficient pas de l’exonération TO‑DE. Cet amendement vise à les y intégrer.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de cet amendement. Je comprends le point de vue, mais l’objet des Cuma n’est pas tant la production que le partage d’investissements.
M. Emmanuel Mandon (Dem). J’ai déposé un amendement identique en commission des affaires sociales. Renvoyer les Cuma au partage d’investissements et à la mutualisation est un peu réducteur. Elles emploient aussi du personnel, même si cette mesure concernerait très peu de salariés. Les Cuma doivent être soutenues. C’est important pour notre agriculture, notamment en zone de montagne ou s’agissant des exploitations de petite taille.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je comprends la volonté de notre collègue, mais l’objectif des Cuma est essentiellement de mettre en commun du matériel, pas du personnel. Il n’est donc pas cohérent de leur ouvrir le dispositif TO‑DE. Par ailleurs, on nous dit que cette mesure concernerait très peu de monde, mais nous n’avons pas d’estimation de son coût. Je ne voterai donc pas cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Article 5 : Cumul de l’exonération applicable aux jeunes agriculteurs et des taux réduits de droit commun des cotisations maladie et famille
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 non modifié.
Après l’article 5
Amendement CF23 de M. Fabrice Brun
Mme Josiane Corneloup (DR). La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2024 a réformé l’assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants avec l’objectif, d’une part, de simplifier le calcul de ces cotisations sur la base d’une assiette unique, et d’autre part d’améliorer les droits à retraite des exploitants agricoles. Cependant, certaines spécificités fiscales agricoles n’ont pas été préservées. L’objet de cet amendement est donc de revenir à l’assiette originelle.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Vous proposez que l’exclusion d’assiette « tienne compte » de différents dispositifs, sans plus de précision. Je crois que le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yannick Neuder, travaille à une rédaction plus robuste. Dans cette attente, je vous invite à retirer cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CF55 et CF56 de M. Philippe Juvin (discussion commune)
M. Philippe Juvin (DR). Le système de santé libéral tient en grande partie grâce aux médecins libéraux qui sont en cumul emploi-retraite. C’est le cas d’un quart des psychiatres, qui sont à la retraite mais continuent à travailler. Sans eux, le système ne fonctionne pas.
Jusqu’ici, les médecins qui travaillaient en cumul emploi-retraite continuaient à cotiser pour la retraite sans que cela leur ouvre de nouveaux droits. Il y a deux ans, nous avions fait passer dans le PLFSS une disposition pour les exonérer de ces cotisations retraite. Puis le 49.3 était passé par là et avait mis deux conditions : c’était seulement pour 2023, et les médecins ne devaient pas gagner plus de 80 000 euros par an. Sachant que la médiane est à 90 000 euros, cela excluait de fait la plupart de ceux qui souhaitaient travailler en cumul emploi-retraite.
Mes deux amendements visent à pérenniser la mesure, en supprimant la limite de 2023, et à supprimer le plafond de 80 000 euros qui exclut plus de la moitié des médecins. Aujourd’hui, 10 % de l’ensemble des médecins libéraux sont en cumul emploi-retraite et l’on sait bien, dans nos circonscriptions, les difficultés qui se posent lorsqu’un médecin part à la retraite.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis favorable aux deux amendements.
M. Matthias Renault (RN). Nous avons déposé une proposition de loi précisément sur ce sujet. Nous serons donc favorables à cet amendement. Je précise que, selon ce que la direction de la sécurité sociale nous a indiqué en audition, le dispositif n’a été prévu que pour une année car la nouvelle réforme des retraites ouvrait des droits nouveaux à compter de 2024 et avait donc vocation à s’y substituer.
Je note l’avis favorable du rapporteur, car il y avait une ambiguïté dans le discours de politique générale de Michel Barnier, qui se disait ouvert à une évolution du cumul emploi‑retraite sans en préciser les modalités.
La commission adopte l’amendement CF55.
En conséquence, l’amendement CF56 tombe.
Article 6 : Réforme des allègements généraux de cotisations patronales
Amendements de suppression CF3 de M. Charles Sitzenstuhl, CF25 M. Mathieu Lefèvre et CF151 de Mme Christine Loir
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Nous arrivons à un article très inquiétant du PLFSS. Le groupe Ensemble pour la République a été le premier à alerter sur l’effet néfaste des hausses de charge ici prévues.
Depuis sept ans, avec Emmanuel Macron, nous avons tout fait pour aider les entreprises, pour augmenter la quantité de travail, pour aider les chefs d’entreprise à recruter et à revaloriser les salaires. Cette politique a produit de nombreux effets, dont une baisse du chômage inédite depuis trente ans.
L’article 6, comme l’augmentation de l’impôt sur les sociétés (IS), remet en cause la politique de l’offre et met en danger les acquis économiques. J’en demande donc la suppression.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). C’est une constante depuis trente ans : augmenter le coût du travail détruit mécaniquement de l’emploi compte tenu de la structuration de notre économie. Même François Hollande et la gauche avaient commencé à en baisser le coût avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Il est donc incompréhensible que l’actuel gouvernement augmente le coût du travail.
Nous sommes le quatrième pays au coût du travail le plus élevé parmi les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et le deuxième en matière de cotisations patronales. Par ailleurs, l’augmentation des allègements de charges depuis 2017 est essentiellement liée à la hausse du Smic. Si celui-ci n’était pas indexé, l’augmentation des charges serait bien moindre. Ce sont 50 milliards d’euros de recettes sociales et 50 milliards d’euros de recettes fiscales qui ont pu être obtenues grâce à cette politique.
J’ai reçu de nombreux messages d’entrepreneurs – pas des grandes entreprises qui gagnent un argent mirobolant, mais des pressings, des commerçants, des artisans, des TPE et des PME. Faisons très attention et, surtout, ne touchons pas au coût du travail.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous proposons également de supprimer cet article qui est présenté sans étude d’impact, dans la précipitation la plus totale, après plusieurs décennies de politique de baisse des charges sur les emplois les moins qualifiés et ayant le moins de valeur ajoutée.
En revanche, on ne peut pas laisser dire aux députés Ensemble pour la République que ce sont eux qui ont prévenu les Français du danger d’un dispositif qu’ils ont eux-mêmes conçu au gouvernement, puisqu’il est issu d’une commande d’Élisabeth Borne confirmée par Gabriel Attal. Nous sommes heureux de savoir que les députés macronistes ne soutiennent pas leurs deux derniers Premiers ministres dans leur effort pour annuler la politique des trente années précédentes…
Bref, tout cela est ridicule. La vérité est que vous n’assumez pas l’absurdité de vos politiques. Le vrai problème, c’est la trappe à bas salaires. Un récent rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques montre que l’employeur ne doit pas combler 500, mais 700 euros pour sortir ses salariés du Smic. C’est le Frankenstein monstrueux que vous avez créé, qui fait que près de 20 % des salariés français sont bloqués au plus bas des salaires, nourrissant beaucoup de frustration légitime et d’injustice sociale. Il faut y travailler avec les partenaires sociaux – mais vous en êtes incapables, puisque vous êtes incapables d’être d’accord avec d’autres personnes que vous-mêmes !
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. J’aboutis sur ce point à la même conclusion que la commission des affaires sociales : nous manquons de précisions sur l’impact des dispositions proposées par le Gouvernement. Or, pour bien légiférer, nous ne pouvons pas avancer à l’aveugle.
Se pose aussi la question de l’articulation de ce qui est proposé avec des dispositifs dérogatoires comme ceux de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) ou les exonérations TO‑DE.
En tout état de cause, nous devons conserver l’ambition de réformer le dispositif existant pour éviter les trappes à bas salaires, adoucir la pente des exonérations, ajuster les points de sortie et maîtriser le coût des exonérations. En somme, il faut faire attention à ne pas augmenter le coût du travail, tout en gardant nos comptes sociaux sous maîtrise.
Yannick Neuder et le Gouvernement travaillent à une nouvelle rédaction en vue de la séance. Dans cette attente, je donne un avis favorable à ces amendements.
M. le président Éric Coquerel. J’appelle pour ma part à voter contre.
Deux questions nous opposent en matière de politique économique. D’abord, je ne connais pas le coût du travail, mais son prix. Ensuite, ce que vous appelez des charges et des cotisations sont du salaire socialisé. Après la Seconde Guerre mondiale, il a été décidé qu’une part des salaires serait socialisée, à la fois par les cotisations sur les salariés et par les cotisations patronales, pour assurer la protection sociale. Vouloir aider les entreprises au moyen de la baisse de cotisations a entraîné un financement du régime de sécurité sociale par des recettes fiscales, avec les inconvénients que l’on observe. Une fois cette politique enclenchée, il est difficile d’en sortir, à cause de ses effets de seuil qui peuvent effectivement devenir des trappes à bas salaires. Cet effet pervers devrait nous amener à revoir complètement le dispositif. Si aide aux entreprises il doit y avoir, ce qui peut être nécessaire, il convient de la prendre sur le budget de l’État et non de jouer sur les comptes sociaux, qui sans cela pourraient s’équilibrer, comme le montre l’Agirc‑Arrco.
Ce sont deux philosophies qui s’affrontent. C’est la raison pour laquelle, même si cet article 6 ne va pas assez loin à mon sens dans la remise en question des exonérations, je m’opposerai à ces amendements de suppression.
M. Philippe Juvin (DR). Nous devons être prudents. D’abord, le pays a besoin de stabilité fiscale. Changer la règle en permanence désincite les investisseurs à venir en France.
Ensuite, le coût du travail est une charge pour les entreprises. Or quand on augmente la charge de l’entreprise, directement ou indirectement, celle-ci répercute toujours ses coûts, soit sur les consommateurs en augmentant ses prix, soit sur les salariés en n’embauchant pas, en n’augmentant pas les salaires ou en licenciant. C’est une règle absolue. Il n’y a pas d’argent magique.
M. Thomas Cazenave (EPR). Qu’on l’appelle hausse du coût ou du prix du travail, l’effet est le même ! Il est mécanique et documenté : l’augmentation du coût ou du prix du travail détruit des emplois – y compris des emplois sans concurrence internationale.
Monsieur Tanguy, notre groupe n’a jamais défendu une proposition de hausse du coût du travail. Le rapport Bozio-Wasmer commandé par Élisabeth Borne avait un objectif : « désmicardiser », et non faire des économies. C’est pourquoi nous proposerons une réforme structurelle de l’étalement de charges, et en aucune manière des économies qui seraient une remise en question de la politique que nous menons depuis plus de sept ans.
M. Nicolas Sansu (GDR). Je m’étonne de ce que ces amendements de suppression viennent du socle gouvernemental. C’est ubuesque ! Le Gouvernement propose un article 6 pour revenir sur des exonérations de cotisations sociales pour un montant de 5 milliards d’euros – sur 80, je le rappelle – mais le bloc dit central veut le supprimer !
La multiplication des exonérations de cotisations sociales a-t-elle entraîné un mieux vivre et une amélioration du pouvoir d’achat ? Non. Les études menées par l’Institut des politiques publiques ou par nos collègues Marc Ferracci et Jérôme Guedj montrent que certaines ne sont utiles ni à l’emploi, ni à l’amélioration du pouvoir d’achat. C’est problématique de ne pas le voir. Nous voterons contre ces amendements.
M. François Jolivet (HOR). À titre personnel, je voterai contre la suppression de l’article 6.
Le partage opéré par le Conseil national de la résistance se fondait sur l’idée que la famille et la santé devaient reposer sur les familles et les entreprises, tandis que les impôts d’État ne devaient financer que les services publics et les forces armées. Depuis une trentaine d’années, on fait passer de l’argent du budget général vers celui de la sécurité sociale : il ne faut pas s’étonner d’avoir moins de services publics ! Qui plus est, les conquêtes sociales ont entraîné des déséquilibres structurels non financés, et l’on compte sur le budget de l’État pour le faire. Ainsi, il faudrait que le budget de l’État finance les augmentations de salaire. C’est d’ailleurs déjà le cas, avec la prime d’activité : par ce dispositif, l’État compense l’insuffisance de l’employeur vis-à-vis de son salarié – lequel oublie souvent qu’il peut le quitter, en situation de plein emploi, pour aller travailler chez quelqu’un qui pourrait le payer mieux.
Le Gouvernement a peut-être besoin de ressources complémentaires, mais cet article va dans le bon sens, car je suis pour l’étanchéité totale entre le PLFSS et le budget général de l’État.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cette discussion rapide est l’occasion de revenir sur un paradoxe. Le coût du travail et le prix du travail ne sont pas la même chose. La différence, c’est la mondialisation. À partir du moment où vous avez ouvert le marché français et européen aux quatre vents, où vous avez exposé les salariés les moins formés et les emplois avec le moins de valeur ajoutée à la concurrence de pays qui pratiquent quasiment l’esclavage, avec des conditions de travail indignes et l’exploitation de la misère et des ressources écologiques, oui, vous avez transféré dans l’entreprise le conflit entre coût et prix du travail dont nous devrions être protégés par nos frontières. Les entrepreneurs, qui aimeraient payer mieux leurs salariés, et les salariés, qui voudraient percevoir un salaire juste, sont en conflit alors qu’ils devraient être unis contre cette concurrence déloyale. Et qui a organisé cette concurrence déloyale ? Pas les Insoumis certes, mais les socialistes, les Verts, le marché unique européen, les traités de libre-échange ! J’ai eu un débat avec Ségolène Royal sur l’ouverture du marché européen au pays de l’Est, à la Bulgarie et à la Roumanie, où les salaires n’ont pas augmenté depuis vingt ans et se montent à 300 ou 400 euros par mois !
Oui, nous aimerions que le travail ait un prix mais malheureusement, à cause des socialistes et des Verts, il a un coût.
M. le président Éric Coquerel. C’est la raison pour laquelle un amendement a été proposé sur la taxe kilométrique aux frontières de la France, avec des critères écologiques et sociaux – pour lequel vous avez d’ailleurs voté.
La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 6.
En conséquence, les amendements CF88 de M. Damien Maudet, CF90 de Mme Élise Leboucher, CF26 de M. Mathieu Lefèvre et CF143 de M. Jean-Philippe Tanguy tombent.
Article 7 : Rationalisation des exonérations de cotisations sociales pour les contrats d’apprentissage, les entreprises d’armement maritime, les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises de croissance
Amendement de suppression CF34 de M. Jean-Philippe Tanguy
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de cet amendement. Sur la forme, la suppression sèche d’un article empêche le débat. Surtout, il est dommage de supprimer l’article 7 sans distinguer les trois dispositifs visés, dont certains nécessitent effectivement encore un peu de travail.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques CF27 de M. Mathieu Lefèvre et CF96 de Mme Zahia Hamdane
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Si l’on croit dans les vertus de l’apprentissage, on ne commence pas à le taxer ! Je m’oppose à l’assujettissement aux prélèvements sociaux des indemnités que perçoivent nos apprentis. Autant je soutiens les mesures budgétaires difficiles qui sont proposées, autant cette mesure est une mauvaise manière faite à des gens qui sont peu payés.
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). L’assujettissement des apprentis à la CSG et à la CRDS serait particulièrement injuste : sur un salaire moyen de 1 042 euros par mois, on leur prendrait 24 euros par mois ! On prend à ceux qui touchent le moins, mais on ne touche pas les aides aux entreprises. Pourtant, elles représentaient quasiment 25 milliards d’euros pour l’apprentissage en 2023. C’est une aubaine formidable pour les employeurs, qui sont littéralement arrosés d’aides publiques. Les plus grandes entreprises recourent aux apprentis, sans les conserver, alors même qu’elles envisageaient d’embaucher. Bref, cela ne coûte rien aux employeurs mais très cher aux finances publiques, en débouchant peu souvent sur de l’emploi. Une autre solution consisterait à supprimer les exonérations de cotisations qui coûtent si cher à notre sécurité sociale.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le principe de la CSG est d’être générale. En outre, ces amendements créent une inégalité. En effet, les stagiaires sont assujettis à des prélèvements sociaux dès que leur gratification dépasse le minimum légal, soit 15 % du Smic, tandis que les salariés en sont redevables dès le premier euro de rémunération. En faisant droit à ces amendements, on permettrait aux apprentis – notamment ceux qui poursuivent des études supérieures – de se constituer des droits sociaux à la retraite et au chômage sans la moindre participation.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). C’est la situation qui existe déjà et il n’y a pas de rupture d’égalité ! Mon amendement n’en créera donc pas.
La commission adopte les amendements.
Amendement CF28 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Le statut de jeune entreprise innovante a permis l’émergence de nombreux champions français. Il crée de l’emploi et incite à l’investissement, pour un coût assez modique pour les finances sociales. Faisons attention à ne pas casser ce qui fonctionne. Nous devons à tout prix préserver les outils qui permettent le déploiement d’entreprises innovantes.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cet avantage social est disproportionné par rapport aux allègements généraux en vigueur, et l’objectif de l’article 7 est de recentrer la politique de soutien à l’innovation.
Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Il faut de la cohérence dans notre politique, et de la lisibilité. Toutes les entreprises sont assujetties aux cotisations sociales et je ne vois pas pourquoi les jeunes entreprises innovantes continueraient à en être exonérées. Bien sûr, il faut les soutenir, mais elles bénéficient d’autres dispositifs. Le socle de cotisations sociales doit être équivalent partout.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). Pour être cohérent, si l’on a refusé l’augmentation généralisée du coût du travail à l’article 6, il faut refuser à l’article 7 l’augmentation spécifique du coût du travail pour les jeunes entreprises innovantes ! Cela ne peut se faire à géométrie variable.
Si nous n’étions pas au quatrième rang de l’OCDE en termes de coût du travail et au deuxième en termes de taux de cotisations patronales, je serais d’accord avec vous. Mais si cette exonération spécifique existe, c’est d’abord parce que le coût du travail est trop élevé et dissuade la création d’entreprises innovantes. Il faut la préserver.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je suis d’accord avec Mme Dalloz. Une entreprise un peu ancienne peut être innovante. Des artisans et des commerçants peuvent aussi l’être. On crée une catégorie à part, mais le monde n’est pas ainsi. On parle beaucoup des start-up, mais d’autres entreprises peuvent rebondir et devenir des formes de start-up innovantes.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.
Après l’article 7
Amendement CF29 de M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre (EPR). C’est un amendement d’appel, que je vais retirer. Dans le PLF et le PLFSS, certains seuils préjudiciables à l’économie française ne sont pas revalorisés. Ne pas revaloriser le seuil d’entrée dans la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour les petites et moyennes entreprises, par exemple, est une hausse déguisée du coût du travail. Je comprends que nous le fassions, pour des raisons financières, mais je rappelle que les impôts et taxes frappant les acteurs de production sont cinq fois plus élevés que chez nos voisins allemands, ce qui n’est pas sans incidence sur l’emploi.
L’amendement est retiré.
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement CF162 de M. Philippe Brun.
Amendement CF199 de M. Damien Maudet
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer la récupération sur les successions des sommes allouées au titre d’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Cette allocation ponctionne l’héritage des bénéficiaires, d’où une incitation à ne pas y recourir. Elle pénalise les retraités modestes qui ont pu acquérir leur logement à une époque où la propriété immobilière était plus accessible. Quelle hypocrisie de vouloir récupérer les sommes versées en minimum vieillesse sur des héritages modestes pendant que 0,1 % des héritiers reçoivent en moyenne 180 fois l’héritage médian !
S’il est difficile à établir, le niveau de non-recours est régulièrement évalué à plus de 30 %, et une enquête de la Caisse nationale d’assurance vieillesse faisait du recouvrement l’une des premières causes de cette situation. Cet amendement vise donc à assurer aux plus âgés de nos concitoyens leur droit à la subsistance et à la dignité.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. De nombreuses mesures sont déjà venues assouplir ce principe : la récupération sur succession ne peut intervenir sur la part de succession attribuée au conjoint ou à une personne âgée ou invalide à la charge de l’allocataire qu'au décès de ce dernier. L’équilibre issu de la LFSS de 2024 semble satisfaisant, puisque depuis le 1er janvier, la récupération sur succession n’est opérée que si l’actif net est supérieur à 105 300 euros en métropole et à 150 000 euros dans les départements et régions d’outre-mer.
Du point de vue politique, je peine à comprendre votre amendement. Vous dites toujours qu’il faut taper dans les successions, au motif qu’il n’y a pas de raison de laisser cet argent à des gens qui ne le mériteraient pas, pour reprendre vos termes, mais là, vous empêchez de récupérer une part de solidarité qui a bénéficié à la famille.
Pour ces raisons, structurelles et politiques, avis défavorable.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est un bon amendement, que nous avions déposé puis retiré, ce que je regrette : je n’aurais pas dû faire confiance au Gouvernement, une fois de plus ! Il nous avait indiqué qu’il réfléchirait à améliorer le dispositif, mais il n’y a rien.
Votre réponse m’étonne, monsieur le rapporteur pour avis, car j’ai connaissance de plusieurs cas d’enfants en succession directe dont la maison a été confisquée pour récupération sur l’héritage. Dans une commune modeste, un héritier en situation de handicap est expulsé de sa maison, qui ne vaut que 30 000 euros, car elle est confisquée pour récupérer l’Aspa. Soit je ne comprends pas votre réponse, soit il y a un problème d’information de l’administration.
M. David Amiel (EPR). La récupération sur succession ne vise, par définition, pas la personne qui a bénéficié de l’Aspa mais la famille qui en hérite. La question doit s’apprécier en fonction des ressources de cette dernière. Les abattements sur les successions vont jusqu’à 100 000 euros. Nous discuterons en séance, dans le cadre de la première partie du PLF, de l’opportunité de les revoir à la hausse. Ne confondons pas les sujets.
M. Charles de Courson (LIOT). Il existe effectivement un abattement par part de 100 000 euros. Le cas que cite M. Tanguy paraît donc impossible.
Quel est le produit des récupérations de l’Aspa pour l’État ?
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Nous allons vérifier.
M. Charles de Courson (LIOT). Je pense que ces cas sont rarissimes.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Le cas décrit par M. Tanguy n’est pas possible, parce que l’Aspa n’est récupérable qu’avec un actif net de succession – une fois les dettes déduites – supérieur à 105 000 euros, par part.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Un mécanisme de protection existant déjà, l’amendement est infondé. Par ailleurs, savoir qui doit payer la solidarité, la chose publique ou une contribution de la famille, est un sain débat.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je partage la position du rapporteur pour avis. La récupération de l’Aspa ne concerne pas le défunt mais ses héritiers, et est très encadrée. En outre, la solidarité est prévue de longue date dans le code civil : les parents doivent s’occuper des enfants, lesquels doivent à leur tour aider leurs parents. Les équilibres sont fragiles, mais la solidarité doit aussi s’appliquer dans la famille.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF97 de M. Hadrien Clouet
M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer l’exonération de cotisations patronales sur les contrats d’apprentissage. J’ai parlé des montants exorbitants des aides publiques devant encourager le recours à l’apprentissage. Cela a ouvert un marché et créé un effet d’aubaine pour une série de centres de formation et d’écoles privées à but lucratif, pour des formations parfois très discutables.
Cela fait des décennies que j’entends dire que les exonérations de cotisations sociales sont un remède infaillible pour lutter contre le chômage. Au bout de trente ans, on peut dresser le bilan : nous sommes toujours dans une situation de chômage de masse, la précarité a explosé, avec 11,5 millions de pauvres, la sécurité sociale, dont on a tari les financements, est pillée et les hôpitaux publics sont à l’os ! Il est urgent d’inverser le cours des choses.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis défavorable pour cet amendement qui fragilise le dispositif actuel. Supprimer d’un coup toutes les exonérations liées à l’apprentissage pour toutes les entreprises provoquerait un carnage.
La commission rejette l’amendement.
Article 8 : Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 8.
Article 9 : Clarifier les modalités d’appel et de calcul des clauses de sauvegarde M et Z
Amendement CF53 de M. Philippe Juvin
M. Philippe Juvin (DR). Si la France connaît des pénuries de médicaments, c’est notamment parce que l’assurance maladie les paie moins que dans d’autres pays. En Allemagne, par exemple, le prix des génériques a été augmenté de 10 %.
Afin d’assurer une meilleure rentabilité des génériques et ainsi d’éviter les pénuries, cet excellent amendement vise à exonérer les génériqueurs de la clause de sauvegarde. Cette dernière est payée par l’ensemble des professionnels de la fabrication de médicaments et cela n’obérerait pas les recettes pour l’État.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. C’est un outil pertinent pour participer à la maîtrise de nos dépenses publiques. Avis favorable.
M. le président Éric Coquerel. Imputer la pénurie de médicaments à leur prix est, à tout le moins, partiel ! Je vous rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, nous avons connu une pénurie de paracétamol, qui est pourtant rentable – mais certains le jugent moins rentables que d’autres médicaments qu’ils peuvent produire.
Augmenter la rentabilité des médicaments ne servira qu’à rémunérer un peu plus encore les actionnaires : réfléchissons plutôt à la création d’un pôle public du médicament, pour sortir les médicaments essentiels de la logique de marché.
M. Philippe Juvin (DR). La pénurie de médicaments est évidemment multifactorielle, mais les fabricants ont tendance à servir en premier ceux qui paient le mieux. Les Allemands l’ont bien compris ! Mon amendement a pour objectif d’inciter les génériqueurs à privilégier la vente de leurs produits à la France.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Il y a d’autres moyens de lutter contre la pénurie, comme la relocalisation des médicaments produits l’étranger – car c’en est bien là l’une des principales causes.
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 non modifié.
TITRE II
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Article 10 : Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 non modifié.
Article 11 : Approbation, pour l’année 2025, des tableaux d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 11.
Article 12 : Objectif d’amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2025
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 12.
Article 13 : Liste et plafonds de trésorerie des régimes et organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes et allongement de la durée des ressources non permanentes auxquelles l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale peut recourir
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 non modifié.
Article 14 : Approbation de l’annexe pluriannuelle dite « annexe A »
Amendements identiques CF128 de M. Damien Maudet et CF170 de M. Boris Vallaud
M. Jacques Oberti (SOC). Nous sommes inquiets des graves conséquences sociales de la réforme des retraites, décidée dans une logique purement comptable et passée en force par le Gouvernement. Contrairement à ce qui avait été promis, cette réforme, qui entrera en vigueur le 1er janvier, ne prend pas en compte la pénibilité et pénalise les femmes, qui devront, pour la plupart, travailler plus longtemps alors qu’elles sont déjà moins bien payées que les hommes – une inégalité contre laquelle nous nous battons.
Cet amendement vise à abroger le passage de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ en retraite, qui, mécaniquement, allonge la durée de cotisation.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Pour les raisons déjà évoquées, avis défavorable.
Je rappelle que 37 milliards d’euros de dette ne peuvent être amortis faute de recettes – un montant qui pourrait atteindre 90 milliards d’euros à l’horizon 2027 si nous ne faisons rien. Abroger la réforme des retraites, c’est aggraver le déficit de 15 milliards d’euros par an à l’horizon 2032 : le système va exploser !
Alors qu’il y a de plus en plus de retraités et de moins en moins d’actifs, ceux qui prétendent améliorer la situation des retraités sans réformer le système par répartition mentent aux Français.
La commission rejette les amendements.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 14.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2025
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
Article 15 : Régulation des dépenses dans le champ conventionnel
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 non modifié.
Article 16 : Extension du champ de l’accompagnement à la pertinence des prescriptions
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 16.
Article 17 : Améliorer l’efficience des dépenses de transports de patients
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 non modifié.
Article 18 : Plafonnement des rémunérations des personnels non médicaux exerçant en intérim
Amendement CF188 de M. Hadrien Clouet
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Pour mettre fin à la précarité des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), cet amendement vise à les intégrer à notre système de santé, à travers un dispositif dédié.
Les médecins étrangers apportent une aide cruciale dans l'offre de soins. Ils représentaient 12,5 % des médecins en activité en France en 2023, contre 7,1 % en 2010. Ils comptent pour 20 % des effectifs des chirurgiens et 16,9 % des autres spécialistes. Principalement venus du Maghreb ou de Syrie, ces médecins apportent une aide particulièrement importante dans les départements où la densité médicale est faible.
Alors qu’ils sont essentiels à la garantie de notre contrat social et qu’ils ont, comme tous les soignants, participé à l’effort de crise face au covid-19, ces médecins font face à des difficultés administratives croissantes pour pouvoir exercer dignement. C’est une véritable injustice pour eux, pour l’ensemble des soignants et pour tous nos concitoyens.
Dans un souci d’économies, nombreux sont les services hospitaliers à recourir à des Padhue, payés en moyenne 1 800 euros, plutôt qu’à des intérimaires, qui demandent des rémunérations pouvant aller jusqu’à 12 000 euros. Un chef de service témoignait ainsi dans Le Figaro que trois des cinq médecins de son service étaient étrangers et que, faute d’autre option, il envisageait d’en recruter un quatrième pour pallier des départs en retraite vieux de deux ans.
Cette situation n’est plus acceptable. L’amendement vise donc à reconnaître le rôle essentiel des Padhue dans le fonctionnement de notre système de santé en leur y accordant la place qu’ils méritent.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Le recours aux Padhue est une solution de court terme, qui ne règle en rien le problème structurel de la pénurie de soignants. En outre, dans certains territoires, comme à Mayotte, il existe des doutes sur l’équivalence des diplômes présentés par les médecins étrangers, ce qui pose un problème pour la sécurité des patients. Le dispositif pose aussi un problème d’égalité entre les soignants. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
M. Philippe Juvin (DR). Les Padhue sont indispensables au bon fonctionnement du système de santé en France. J’ai d’ailleurs appelé plusieurs fois, dans l’hémicycle, à réformer le mode de sélection de ces médecins et les modalités d’accueil, afin qu’on en accueille davantage tout en garantissant le niveau de leurs connaissances – car les études de médecine, pour le dire aimablement, ne sont pas du même niveau dans tous les pays.
Néanmoins, l’amendement ne permet ni de mieux contrôler les connaissances – car c’est bien là le fond du sujet – ni de proposer de meilleures conditions d’accueil aux médecins étrangers. J’y suis donc défavorable.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). D’autres que moi ont dû rencontrer, à leur permanence, des directeurs d’hôpitaux ou des médecins étrangers qui exercent depuis plusieurs années dans nos hôpitaux, où ils donnent toute satisfaction, et qui demandent aujourd’hui à être régularisés ! Ne pourrait-on pas réfléchir, de manière transpartisane, à un moyen pour les intégrer à notre système de santé, où ils officient depuis parfois plus de cinq ans, pour les sortir enfin de la précarité ?
M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Inutile d’aller jusqu’à Mayotte, monsieur le rapporteur pour avis : de nombreux services des hôpitaux d’Île-de-France ne pourraient tourner sans les médecins étrangers. Vous prétendez que c’est une solution temporaire, de court terme, mais certains soignent nos concitoyens dans l’ensemble du territoire depuis plus de cinq ans ! À compétences égales, ils sont pourtant malheureusement payés bien moins que les médecins français. Il faut absolument régler cette situation et leur offrir la reconnaissance qu’ils méritent pour leur engagement au service de la santé des Françaises et des Français.
M. François Jolivet (HOR). Dans ma circonscription, certains Padhue travaillent à l’hôpital depuis sept ans, pour un salaire de 1 700 euros. Pourquoi ne pas leur permettre d’exercer aussi en dehors d’un centre hospitalier ? Ma circonscription ne comptera bientôt plus que 56 généralistes pour 200 000 habitants, mais le président de la Conférence des doyens de médecine, lui, estime qu’il est là pour former des médecins, pas pour répondre à la demande de soins. Personnellement, je préfère être soigné par un médecin étranger jugé apte à exercer depuis sept ans à l’hôpital sous l’autorité de médecins formidables, fût-il jugé incompétent par l’ordre des médecins, que pas soigné du tout !
Ce double discours est d’une duplicité incroyable. Sachez que les territoires qui manquent de médecins sont tout prêts à accueillir ces smicards de la médecine.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Oui, c’est vraiment d’une hypocrisie terrible. Si vous aviez pris un décret reconnaissant les qualifications d’un millier de praticiens étrangers présents en France et les autorisant à exercer, nos hôpitaux n’auraient pas été obligés, cet été, de fermer leurs urgences la nuit et le week-end, faute de professionnels de santé !
Pour faire face à la pénurie de médecins, plutôt que de faire travailler les médecins retraités en échange d’une exonération d’impôt sur le revenu, comme le propose le Rassemblement national, reconnaissons les qualifications des médecins étrangers et cessons de les surexploiter pour un salaire de misère. Il y a urgence !
La commission rejette l’amendement.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 non modifié.
Après l’article 18
Contre l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements CF303 et CF302 de M. Charles Rodwell
Amendements CF305, CF307 et CF308 de M. Jean-Didier Berger, CF71 de M. Philippe Juvin et CF306 de M. Jean-Didier Berger (discussion commune)
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Mes quatre amendements concernent les délais de carence. Je préconise que le délai de base soit de trois jours, dans le public comme dans le privé, mais je propose des dispositifs différents. On pourrait d’abord, à partir de ce minimum de trois jours, augmenter d’un jour au fur et à mesure des arrêts maladie si ceux-ci sont récurrents. Depuis 2017 en effet, le nombre d’arrêts maladie courts a explosé, entraînant la désorganisation des entreprises, des collectivités et des associations, ainsi que des milliards d’euros de dépenses supplémentaires qui doivent être assumées par tous les Français. Le deuxième système serait plus proche d’un bonus-malus et permettrait, pour ceux qui sont rarement malades, d’abaisser la carence à un ou deux jours.
M. Philippe Juvin (DR). C’est un sujet à la fois important et complexe. L’importante hausse du montant total des indemnités journalières, passé de 8 milliards d’euros en 2017 à 18 en 2024, doit nous interroger : la population est-elle simplement beaucoup plus malade qu’avant, ou les conditions de travail beaucoup plus difficiles, entraînant davantage de souffrances ? La réponse est forcément complexe.
Nous proposons pour notre part d’aligner le nombre de jours de carence entre public et privé ainsi que de créer un premier jour de carence d’ordre public, qui ne serait indemnisé ni par la sécurité sociale, ni par les mutuelles, ni par les conventions collectives. Cela ne résoudra pas le problème – nous devons aussi mener une réflexion sur les conditions de travail – mais c’est un début.
Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Ce que vos propos révèlent, c’est que vous ne connaissez rien aux conditions de travail des salariés des entreprises et des agents des services publics ! Dégradation des conditions de travail, perte de sens, manque de moyens : les causes de souffrance au travail se multiplient, et cette souffrance devient chronique. Je l’ai moi‑même constaté dans le secteur de la protection de l’enfance.
Arrêtez de penser que les médecins délivrent des arrêts de travail de complaisance à des salariés qui n’auraient simplement pas envie d’aller travailler. Quel mépris pour nos professionnels médicaux ! Les médecins font leur travail sérieusement. S’ils prescrivent un arrêt, c’est que l’état de santé de leur patient le justifie. Vous avez vraiment une vision incroyable de la société.
Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous cherchons tous des économies. Permettez-moi de prendre l’exemple d’un salarié qui s’est blessé au genou. Son médecin lui a prescrit une IRM et une radio. Délai : plus d’un mois. Comme il passe ses journées à marcher à l’atelier, il est contraint de rester en arrêt maladie en attendant ce rendez-vous alors que son souhait, c’est de reprendre le boulot le plus rapidement possible !
Plutôt que d’augmenter le nombre de jours de carence, donnons aux hôpitaux davantage de moyens pour réaliser le plus vite possible les examens prescrits aux patients.
M. Philippe Lottiaux (RN). Il y a sans conteste des abus. Il faut les combattre, car la multiplication des arrêts pose des problèmes, à la fois pour la gestion des personnels et en matière financière. Les patients souffrant d’une pathologie lourde ou d’une affection de longue durée (ALD) susceptible de nécessiter plusieurs arrêts maladie dans l’année seront-ils concernés par le relèvement du nombre de jours de carence ? Dans ce cas, il ne s’agit pas d’un abus.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Toutes les pathologies lourdes sont évidemment exclues du dispositif.
J’entends vos remarques, mais n’oubliez pas que la multiplication des arrêts pèse lourdement sur la solidarité, car elle occasionne aussi plus de souffrance pour ceux qui restent au travail pendant que leurs collègues sont arrêtés, et pour les usagers, qui pâtissent de services publics dégradés. Si un agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) est arrêté, qui s’occupe des enfants ? Pensez-vous vraiment que les collectivités peuvent les remplacer au pied levé, surtout en cas d’arrêts maladie successifs ?
Au final, tous les Français paient les pots cassés, assurés sociaux comme entreprises ! Les indemnités journalières ont un coût, nous devons le partager le plus équitablement possible. C’est tout l’objet de mes amendements.
M. Philippe Juvin (DR). Vous n’avez pas le monopole de la connaissance du monde travail, madame Maximi, arrêtez de dire qu’on n’y connaît rien ! Il se trouve que vous donnez des leçons de morale à la mauvaise personne : je suis de garde à l’hôpital tout le week‑end prochain. Venez, je vous montrerai comment ça fonctionne !
De façon générale, il n’y a aucune raison de prévoir un nombre de jours de carence différent pour le public et le privé. Nous proposons donc d’aligner les délais à trois jours.
La commission rejette l’amendement CF305, puis adopte l’amendement CF307. En conséquence, les amendements CF308, CF71 et CF306 tombent.
Article 19 : Lutter contre les pénuries de produits de santé
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 non modifié.
Article 20 : Pertinence des dispositifs médicaux numériques pris en charge par l’assurance maladie
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 non modifié.
Article 21 : Modification des paramètres de l’expérimentation relative au modèle de financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 non modifié.
Article 22 : Aligner le mode de calcul de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles sur le régime général
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 non modifié.
Article 23 : Décalage de la revalorisation des prestations d’assurance vieillesse au 1er juillet
Amendements de suppression CF142 de M. Damien Maudet, CF149 de Mme Christine Loir, CF178 de M. Philippe Brun et CF297 de M. Jean-Didier Berger
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous proposons de revenir sur l’une des mesures les plus honteuses et les plus injustes de ce budget : la désindexation des retraites pour six mois. Le pays compte 2 millions de retraités pauvres, qui galèrent tous les mois pour se nourrir et se loger alors qu’ils ont bossé toute leur vie. Vous volez aux gens deux années de repos avec la réforme des retraites, mais ça ne vous suffit pas : vous continuez à les faire galérer, vous leur faites vivre un enfer ! Tout ça pour 4 milliards d’euros, que vous préférez prendre dans leurs poches plutôt que dans celle des patrons. Pire : en supprimant l’article 6, qui prévoyait de limiter un tout petit peu les exonérations de cotisations sociales, vous avez aggravé le déficit de 5 milliards !
C’est toujours la même histoire : vous prenez aux plus pauvres pour donner aux plus riches. Bien des solutions permettraient de ne plus avoir de pensions sous le seuil de pauvreté et de s’assurer que ceux qui ont travaillé toute leur vie et qui peuvent justifier d’une carrière complète ont une pension décente, supérieure à un Smic revalorisé. Mais pour ça, il faut accepter de prélever des cotisations sociales. Quand il manque 80 milliards d’euros de recettes chaque année parce que vous avez décidé d’enrichir les grandes entreprises à coups d’exonérations, c’est forcément plus compliqué !
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous l’avons dit lors de la discussion générale, nous sommes favorables à l'indexation systématique des pensions des retraités, en particulier la pension de base de la sécurité sociale, qui est, je le rappelle, plafonnée.
La désindexation des pensions, qui affecte durement nos compatriotes, est une mesure injuste à double titre. L’indexation est un devoir moral de la nation envers les retraités, qui ont cotisé toute leur vie : la désindexation est vécue comme une trahison, d’autant qu’elle touche le plus les pensions les plus modestes. Dans le même temps, on apprend que l’Agirc‑Arrco a, au contraire, décidé d’indexer les pensions complémentaires, de fait augmentées de 1,6 %, afin de garantir le niveau de vie des assurés.
La loi garantit l’indexation des retraites. Pourquoi, chaque année, remet-on en cause une loi souverainement adoptée par le Parlement ?
M. Mickaël Bouloux (SOC). Il est tout simplement injuste de prendre 4,5 milliards d’euros dans les poches des retraités modestes. Vous arguez de la nécessité de redresser les comptes de la sécurité sociale, mais dans le même temps, vous creusez le déficit de 5 milliards d’euros en refusant de réformer les allègements de cotisations patronales à l’article 6.
Le présent article frappera aveuglément les retraités, particulièrement les plus modestes, qui sont à la dizaine d’euros près. Le montant de la perte pourra s’élever à 218 euros, pour les retraités dont la pension de retraite atteint le Smic, alors qu’ils ont besoin de cet argent pour se nourrir et se loger – et que cet argent est immédiatement réinjecté dans l’économie.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Le contrat social qui nous lie avec ceux qui ont travaillé toute leur vie et la confiance qu’ils nous portent ne doivent pas être mis à mal. Cela créerait une période d’incertitude, néfaste pendant plusieurs années à l’investissement de nos concitoyens, à leur consommation et donc à la croissance.
La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 23.
En conséquence, l’amendement CF22 de M. Fabrice Brun tombe.
Article 24 : Améliorer l’indemnisation en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle et mieux prendre en compte le préjudice personnel
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 24.
TITRE II
DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DÉPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES
Article 25 : Dotations des branches maladie et autonomie au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé, de la branche autonomie aux agences régionales de santé, de la branche maladie à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, transfert de compensation de la sous déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles et dépenses engendrées par les dispositifs de prise en compte de la pénibilité
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 non modifié.
Article 26 : Objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 26.
Article 27 : Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de ses sous‑objectifs pour 2025
Amendement de suppression CF182 de M. Philippe Brun
M. Jacques Oberti (SOC). Cet article prévoit une augmentation de 3 % de l’Ondam pour 2025. Or, selon nos calculs, il faut déduire de ce taux 0,2 point de dépenses liées à la covid, 1,8 point à cause de l’inflation et 0,9 point puisque vous avez pris en compte dans l’Ondam la hausse de 4 points du taux de cotisation retraite pour les collectivités et les hôpitaux.
Ainsi, en 2025, la croissance réelle de l’Ondam ne sera que de 0,1 %, alors que la population augmentera de 0,3 %. Nous demandons la suppression de l’article 27 car nous refusons cette politique d’austérité.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Vous évoquez une logique austéritaire alors que l’Ondam croîtra en 2025. Ce n’est pas en supprimant cet article que vous réglerez les problèmes actuels.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CF304 de M. Jean-Didier Berger
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. Le Gouvernement prévoit une hausse des cotisations versées par les employeurs à la CNRACL. Je déposerai un amendement au PLF pour compenser les effets de cette hausse pour les collectivités locales et je défends le présent amendement pour compenser ses effets pour les établissements hospitaliers.
La commission adopte l’amendement.
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 27.
Article 28 : Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 non modifié.
Article 29 : Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2025
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 29.
Après l’article 29
Amendement CF287 de M. Louis Boyard
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous proposons de subordonner, d’ici trois ans, l’attribution d’aides financières publiques à l’absence de caractère lucratif des établissements d’accueil du jeune enfant.
Les récentes enquêtes sur les crèches privées dessinent un monde où le souci de rentabilité se substitue au souci de la qualité de l’accueil du jeune enfant. L’ouverture du secteur de la petite enfance au secteur privé, il y a vingt ans, a fait du jeune enfant un bien marchand, qui sert à enrichir les grands groupes.
Une poignée d’entre eux, détenus par des fonds d’investissement, déploie une stratégie prédatrice. Arrosées d’argent public, ces entreprises de crèche réduisent au maximum les coûts et favorisent ainsi la maltraitance. L’exigence de rentabilité nuit au bien-être de l’enfant. Elle est incompatible avec la promesse d’un service public de la petite enfance.
Le délai de trois ans que nous prévoyons permettra les adaptations nécessaires. Il correspond également à l’âge auquel les derniers enfants fréquentant des établissements marchands entreront à l’école.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis. C’est une erreur d’attaquer les crèches privées. Vous vous targuiez tout à l’heure de votre expérience de terrain. Quant à moi, en tant que maire, je sais que ces structures démultiplient le nombre de places en crèche dans notre pays ; elles emploient les auxiliaires de puériculture et autres professionnels si recherchés.
Bien évidemment, il faut encadrer les crèches privées – nous y parvenons d’ailleurs très bien, dans le cadre des délégations de service public. Mais vous commettez une erreur d’analyse en vous attaquant de façon systématique à elles.
M. Emeric Salmon (RN). J’ai été contacté par les responsables d’une microcrèche rurale à Saint-Sauveur, en Haute-Saône, qui s’inquiétaient à la suite de la parution de l’enquête Les Ogres. Pourtant, les enfants y sont très bien, je peux en attester pour l’avoir visitée. Elle se développe d’ailleurs, avec une deuxième implantation, pour répondre à la demande des parents dans cette zone très rurale.
Même si une enquête doit être menée sur les problèmes mis au jour, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, si je puis dire. Ne détruisons pas une filière indispensable, notamment dans le monde rural où les communes n’ont pas les moyens de financer des crèches publiques.
M. le président Éric Coquerel. Ces crèches privées sont indispensables faute d’un service public de la petite enfance et de crèches publiques. C’est de cela qu’il faut débattre.
Toutes les crèches privées ne sont certes pas concernées par les dérives, mais le scandale révélé par Les Ogres est de même ampleur que celui des Ehpad.
M. Philippe Juvin (DR). Il y a des brebis galeuses partout. Ce n’est pas parce qu’un accident médical se produit dans un hôpital public qu’on supprime l’hôpital public ! Le service public de la petite enfance peut être délégué à des personnes de droit public ou de droit privé ; le tout est de contrôler sa qualité. Cet amendement ne rend pas service au service public en voulant supprimer un service au public.
Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Par idéologie, vous confondez secteur privé et finalité lucrative. Les associations loi 1901, qui relèvent du droit privé, ont pourtant un but non lucratif. Ce type de structures aussi doit être financé.
La commission rejette l’amendement.
Article 30 : Objectif de dépenses de la branche famille
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 non modifié.
Article 31 : Objectifs de dépenses de la branche autonomie
La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 31.
Article 32 : Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (Fonds de solidarité vieillesse)
La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 non modifié.
Après l’article 32
Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement CF37 de M. Jean-Philippe Tanguy.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale modifiée.
Elle émet un avis défavorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
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([1]) Loi n° 2011-894 du 28 juillet 2011 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011, loi n° 2014‑892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 et loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([2]) La première version du PLACSS de l’année 2023, déposée par le Gouvernement le 31 mai 2024, a fait l’objet de l’avis n° 2728 de M. Michel Lauzzana et du rapport n° 2724 de Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale, enregistrés à la présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2024. La seconde version du PLACSS de l’année 2023, en tout point identique au premier texte, a fait l’objet de l’avis n° 317 de M. Jean-Didier Berger et du rapport n° 292 de M. Yannick Neuder, rapporteur général, enregistrés à la présidence de l’Assemblée nationale respectivement le 9 octobre 2024 et le 25 septembre 2024.
([3]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022‑836 DC du 10 mars 2022 – Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (cons. 18).
([4]) Le risque de perte d’autonomie, dont le financement était assuré en grande partie par la branche maladie jusqu’en 2020, a été isolé et une branche propre créée par les lois organique et ordinaire n° 2020-991 du 7 août 2020 et n° 2020-992 du même jour relatives à la dette sociale et à l‘autonomie, ainsi que par la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([5]) Article 15 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.
([6]) Annexe 1 du PLFSS pour 2025, Présentation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, p. 22.
([7]) À titre d’exemple, l’article 1er de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a organisé la fermeture, à compter du 1er septembre 2023, des régimes spéciaux de retraite des industries électriques et gazières (CNIEG), de la RATP, des clercs et employés de notaires (CRPCEN), de la Banque de France et du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
([8]) Le régime général couvre ses affiliés pour les cinq risques sociaux, ainsi que l’ensemble des assurés pour les risques relatifs à la famille et à la perte d’autonomie en raison de l’universalité des branches correspondantes. Les branches vieillesse, maladie et AT‑MP sont davantage éclatées. Selon l’annexe 1 du PLFSS pour 2025, vingt-six régimes assurent la couverture du risque vieillesse, douze régimes assurent la couverture du risque maladie, dix régimes assurent la couverture du risque AT‑MP (p. 20).
([9]) Rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale. Résultats 2003. Prévisions 2004, juin 2004, p. 7.
([10]) À titre d’exemple, la loi de finances fixe, dans sa première partie, « les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État » en application du 6° du I de l’article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
([11]) Article L.O. 111-3-10 du code de la sécurité sociale.
([12]) Fédération hospitalière de France, « Après un nouvel été sous tension, la FHF appelle à des solutions pérennes et des moyens suffisants pour permettre à l’hôpital public de sortir la tête de l’eau », communiqué de presse du 3 septembre 2024.
([13]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
([14]) Avis n° 317 de M. Jean-Didier Berger sur le PLACSS de l’année 2023, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2024, XVIIe législature.
([15]) La croissance du PIB brut en volume s’est élevée à 0,9 % du PIB en 2023, atteignant 2 822,5 milliards d’euros selon les comptes nationaux publiés par l’INSEE en mai 2024 (Les comptes de la Nation en 2023, INSEE Première, n° 1997, mai 2024).
([16]) Selon les données de l’Office fédéral des statistiques (Destatis), le PIB allemand a reculé de 0,3 % en 2023 et pourrait de nouveau baisser de 0,2 % en 2024.
([17]) Il s’agit de la masse salariale des branches marchandes non-agricoles (BMNA).
([18]) Rapport du Gouvernement à la Commission des comptes de la sécurité sociale, Résultats 2023. Prévisions 2024 et 2025 (octobre 2024).
([19]) À titre d’exemple, le montant des prestations familiales servies par la branche famille est déterminé d‘après la base de calcul mensuelle des allocations familiales (BAMF) fixée par décret, deux ou plusieurs fois par an. En application de l’article L. 555-1 du code de la sécurité sociale, cette dernière se voit appliquer un coefficient de revalorisation tenant compte de l’inflation.
([20]) Article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.
([21]) La cible d’inflation de 2 % de la BCE est dite symétrique, assurant une marge de manœuvre au Conseil des gouverneurs autour de ce point d’ancrage. Cette évolution a été formalisée par la déclaration relative à la stratégie de politique monétaire de la BCE adoptée le 8 juillet 2021, selon laquelle « Le Conseil des gouverneurs estime que viser une inflation de 2 % à moyen terme est le meilleur moyen de maintenir la stabilité des prix, son engagement autour de cet objectif étant symétrique. Autrement dit, le Conseil des gouverneurs considère que les écarts positifs ou négatifs par rapport à l’objectif sont également indésirables ».
([22]) Il s’agit de la masse salariale des branches marchandes non-agricoles (BMNA).
([23]) Le taux de marge d’une entreprise est un indicateur calculé à partir du rapport entre l’excédent brut d’exploitation (EBE) et la valeur ajoutée de ladite entreprise.
([24]) Si le projet annuel de performances de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux annexé au PLF pour 2025 précise que « le principe d’une aide financière aux employeurs d’apprentis est maintenu » en 2025, les crédits demandés au titre de l’action n° 1 Développement des compétences par l‘alternance du programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l‘emploi s’élèvent à 4,56 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 4,81 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), contre 5,96 milliards d’euros en AE et 5,56 milliards d’euros en CP en loi de finances initiale pour 2024. Un ajustement à la baisse des aides en matière d’apprentissage pourrait conduire à une baisse du recrutement d’alternants, dont les rémunérations sont inférieures à la moyenne des salariés, et incidemment à la baisse du SMPT rapporté au nombre total de salariés.
([25]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([26]) Dans le cadre de la réforme des règles budgétaires européennes, le règlement (UE) 2024/1263 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2024 relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil prévoit que chaque État membre élabore, pour une durée de quatre ou cinq ans selon la durée de son cycle législatif, un plan budgétaire et structurel à moyen terme qu’il soumet à l’avis de la Commission européenne et à l’approbation du Conseil de l’Union européenne.
([27]) Aux termes du a) du 1. de l’article 36 du règlement précité, la présentation du PSMT à la Commission européenne devait intervenir au plus tard le 20 septembre 2024, « sauf si l’État membre et la Commission conviennent de prolonger ce délai pour une période raisonnable ». Un délai supplémentaire a été demandé par la France à la Commission européenne.
([28]) Article L. 225-1 du code de la sécurité sociale.
([29]) e) du 2° de l’article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale.
([30]) Article L. 225-1-4 du code de la sécurité sociale.
([31]) Les relations financières entre l’ACOSS et la CNARCL sont encadrées par une convention de financement conclue entre les deux entités le 25 janvier 2019, modifiée en 2023 par un avenant entré en vigueur le 1er janvier 2024.
([32]) Les plafonds de trésorerie de l’ACOSS peuvent être relevés pour répondre à des besoins de financement exceptionnels. Aux termes de l’article L.O. 111-9-2, « en cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national, des décrets en Conseil des ministres pris après avis du Conseil d‘État peuvent relever les limites prévues au e du 2° de l‘article LO 111-3-4, après information des commissions de l‘Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale ». La ratification de ces décrets de relèvement est demandée au Parlement dans le prochain PLFSS. À titre d’exemple, le plafond de trésorerie de l’ACOSS a été relevé à des niveaux inédits en 2020 pour faire face à la crise sanitaire, de 39 milliards d’euros à 70 milliards d’euros par le décret n° 2020-327 du 25 mars 2020, puis de 70 milliards d’euros à 95 milliards par le décret n° 2020-603 du 20 mai 2020. L’article 6 de la LFSS pour 2021 a ratifié les deux décrets précités.
([33]) Rapport d’information n° 302 de M. Hadrien Clouet et Mme Stéphanie Rist sur la gestion de la dette sociale, XVIIe législature, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2024.
([34]) Rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA), Situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Bilan et perspectives, mai 2024.
([35]) Article 2 du décret n° 2024-49 du 30 janvier 2024 relatif aux taux de cotisations maladie et vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
([36]) Conseil national d’évaluation des normes, séance du 11 janvier 2024, délibération n° 23-12-21-03280/23‑1221-03281.
([37]) Article 4 du décret n° 2024-49 du 30 janvier 2024 relatif aux taux de cotisations maladie et vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales
([38]) La compensation a été introduite par un amendement du Gouvernement lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2024, via la création d’une nouvelle action intitulée Neutralisation des pertes de recettes de la branche maladie au titre des fonctionnaires territoriaux suite à la bascule de taux maladie/CNRACL du programme Compensation à la sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) de la mission Santé.
([39]) Article 1er de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
([40]) Le taux de la fraction de CSG affectée à la CADES était de 0,2 point aux termes de la LFSS pour 2009 puis de 0,48 point aux termes de la LFSS pour 2010. Par ailleurs, la CADES a bénéficié, entre 2011 et 2016, d’une quote-part du produit du prélèvement social sur les revenus du capital, pour 1,3 point et du même prélèvement sur les revenus du patrimoine et de placement aux taux successifs de 2,2 points, 3,4 points, 5,4 points et 4,5 points. Elle a bénéficié de plus-values immobilières diverses entre 1999 et 2003 (467,2 millions d’euros).
([41]) Article 19 de l’ordonnance n° 96-50 précitée.
([42]) Troisième alinéa du I de l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale.
([43]) Premier alinéa de l’article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 précitée.
([44]) Article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 précitée, créé par l’article 20 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux LFSS (LOLFSS)
([45]) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (cons. 40).
([46]) Conseil constitutionnel, décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (cons. 25).
([47]) Conseil constitutionnel, décision n° 2010-620 DC du 16 décembre 2010, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, (cons. 6).
([48]) En application du I de l’article 50 de la LFSS pour 2021, le versement des dotations aux établissements bénéficiaires est soumis à la conclusion par chaque établissement concerné d’un contrat avec l’agence régionale de santé (ARS) compétente avant le 31 décembre 2021.
([49]) Décret n° 2024-176 du 6 mars 2024 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général en 2023 et au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général à effectuer en 2024
([50]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024, p. 60.
([51]) 1° de l’article L. 732-24 du code rural et de la pêche maritime.
([52]) 2° de l’article L. 732-24 et article L. 732-35 du code rural et de la pêche maritime.
([53]) DREES, Les retraités et la retraite – édition 2023, Panoramas de la DREES, 2023, p. 57.
([54]) Dernier alinéa de l’article D. 741-58 du code rural et de la pêche maritime.
([55]) Article 8 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.
([56]) Article 6 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([57]) Article 8 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.
([58]) Décret n° 85-570 du 4 juin 1985 relatif à l‘exonération partielle des cotisations dues au régime de protection sociale des personnes non-salariées agricoles par les jeunes agriculteurs.
([59]) Article D. 731-52 du code rural et de la pêche maritime.
([60]) Article D. 731-56 du code rural et de la pêche maritime.
([61]) Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.
([62]) Article D. 613-1 du code de la sécurité sociale.
([63]) Article D. 621-2 du code de la sécurité sociale.
([64]) En application de l’article 1er de la loi n° 93-953 du 27 juillet 1993 relative au développement de l’emploi et de l’apprentissage, les allègements dits Balladur prennent la forme d’une exonération totale de cotisations d’allocations familiales au bénéfice des employeurs pour les salaires compris entre le SMIC et 1,1 fois le SMIC (5,4 points) et leur réduction de moitié pour les salaires compris entre 1,1 et 1,2 SMIC (2,7 points).
([65]) Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.
([66]) Loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.
([67]) Selon l’annexe 4 du PLFSS pour 2025, le coût total des niches sociales s’élève à 91,3 milliards d’euros en 2024 sur le champ des ROBSS en intégrant les exemptions d’assiette dont le montant peut être évalué. Ces dernières se distinguent des exonérations de cotisations sociales en ce qu’elles consistent à exclure certains revenus de l’assiette soumise aux cotisations et contributions sociales.
([68]) Parmi les travaux les plus récents, peuvent être cités le rapport d’information n° 1685 de MM. Marc Ferracci et Jérôme Guedj, en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales (Mecss), enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 28 septembre 2023, et le rapport de MM. Antoine Bozio et Étienne Wasmer, Les politiques d’exonérations de cotisations sociales : une inflexion nécessaire, publié en octobre 2024.
([69]) Article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
([70]) Article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale.
([71]) Article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale.
([72]) Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([73]) La contribution au Fonds national d’aide au logement (FNAL) est due par l’employeur en application de l’article L. 813-4 du code de la construction et de l’habitation.
([74]) Rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA), Revue des dépenses publiques d’apprentissage et de formation professionnelle, mars 2024.
([75]) Article D. 373-4 du code de la sécurité sociale.
([76]) Article L. 6243-2 du code du travail et article D. 6243-5 du code du travail.
([77]) Article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.
([78]) Article 44 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([79]) Décret n° 2024-464 du 24 mai 2024 relatif à la définition des indicateurs de performance économique prévus au c du 3° de l‘article 44 sexies 0 A du code général des impôts.
([80]) Article 48 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
([81]) Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), Rapport sur la régulation du système de santé, 27 mai 2021.
([82]) Conseil d’orientation des retraites (COR), Rapport annuel, juin 2024, page 66.
([83]) Article L. 161‑23‑1 du code de la sécurité sociale.
([84]) Hors minimum vieillesse.
([85]) Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 (1)
([86]) Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([87]) Le taux de reconduction de l’OGD désigne l’augmentation tendancielle des dépenses attendues appliquée à la base de référence et hors mesures nouvelles.
([88]) Il s’agit de l’outil utilisé par les établissements pour évaluer les niveaux de soins nécessaires, à partir des situations cliniques observées