Compte rendu

Commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

– Audition, ouverte à la presse, de M. Patrick Roux, co-auteur du livre Le revers de nos médailles : Des clubs au haut niveau, en finir avec la violence dans le sport (2023), accompagné de : Mme Véronique Leseur, directrice du pôle formation de l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), Mme Léonore Perrus, ancienne escrimeuse de haut niveau (championne du monde par équipe), adjointe administrative au pôle formation de l’Insep, Mme Anne Capron, ancienne entraîneuse nationale de natation synchronisée, cheffe de projet formation des cadres à l’Insep, Mme Marie David, professeure de judo, Mme Myriam Wendling, ancienne conseillère technique nationale de gymnastique artistique, cadre d’État à la DRAJES Grand Est, Mme Karine Repérant, psychologue indépendante, co-auteure du livre Le revers de nos médailles, M. Yacine Ghediri, professeur de judo, entrepreneur, Mme Marie-Laurence Urvoy, ancienne athlète du Dojo nantais, M. Hervé Gianesello, professeur spécialiste des sports de combat, UFR Staps à l’université Rennes 2, M. Alexandre Vel, professeur de judo, ancien athlète du Dojo nantais, M. Cédric Hilarion, ancien judoka du Dojo nantais, professeur de judo, et Mme Alexandra Soriano, ancienne judoka, éducatrice spécialisée dans l’aide sociale à l’enfance, membre de l’association Artemis Sport              2

– Présences en réunion.....................................................40


Mercredi
6 septembre 2023

Séance de 8 heures 30

Compte rendu n° 10

session de 2022-2023

Présidence de
Mme Béatrice Bellamy,
Présidente de la commission

 


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La séance est ouverte à huit heures trente.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Mes chers collègues, nous accueillons M. Patrick Roux, champion de judo et entraîneur de l’équipe de France de judo, auteur du livre Le revers de nos médailles – Des clubs au haut niveau, en finir avec les violences dans le sport.

Monsieur Roux, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie vivement de vous être rendu disponible pour cette audition. À votre demande, vous êtes accompagné de plusieurs professionnels – psychologues, kinésithérapeutes, professeurs de judo ou d’éducation physique et sportive (EPS), présidents de club – et de nombreuses victimes de violences dans le sport, qui sont dans la salle ou en visioconférence et qui pourront témoigner ou répondre aux questions des membres de la commission.

L’Assemblée nationale a choisi de créer cette commission d’enquête à la suite de nombreuses révélations publiques relatives à des violences et discriminations dans le milieu du sport et à divers scandales judiciaires ayant trait à la gestion de certaines fédérations. Nous avons entamé nos travaux, le 20 juillet 2023, avec l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et de ses organismes de gouvernance. Ils se déclinent autour de trois axes : l’identification des violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport ; l’identification des discriminations sexuelles et raciales dans le sport ; l’identification des problématiques liées à la gouvernance financière des fédérations sportives et des organismes de gouvernance du monde sportif bénéficiant d’une délégation de service public.

Dans votre livre, vous dénoncez les violences physiques, le harcèlement ou encore les insultes que subissent les jeunes sportifs dans certains pôles d’entraînement de judo. En vous appuyant sur de très nombreux témoignages, vous décrivez les méthodes violentes utilisées dans les dojos sous prétexte de mener les espoirs du judo au sommet.

Par ailleurs, les témoignages transmis par certaines personnes en visioconférence mettent également en évidence des problèmes de gouvernance, tant au sein de la Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées qu’au sein de certains clubs.

Compte tenu du nombre d’intervenants, cette audition sera organisée autour de cinq thématiques. Le premier thème sera consacré à l'identification des victimes et aux difficultés qu’elles rencontrent encore aujourd’hui. Après une courte introduction de M. Roux, j’invite donc les victimes en visioconférence à nous faire part de leurs témoignages.

Le deuxième thème sera consacré à la clarification de la nature des faits et à leurs conséquences post-traumatiques. Il s’agit de lever toute confusion entre des techniques d'entraînement, parfois dures, et des violences sur mineurs ou autres exactions inacceptables.

Le troisième thème concernera le régime de l’omerta qui a longtemps régné et qui demeure encore parfois, pour comprendre ses éléments constitutifs, ses origines et son développement.

Le quatrième thème abordera les incohérences de certaines enquêtes administratives, les difficultés rencontrées dans le recueil de la parole des victimes et le respect de la confidentialité des échanges.

Enfin, le dernier thème sera l’occasion d'apprécier si les récentes réformes mises en œuvre par le ministère des sports, comme la création de la cellule Signal-sports, sont efficaces et ont permis d’améliorer la situation.

En conclusion, nous demanderons à M. Roux de nous faire part de ses recommandations pour l’avenir et nous pourrons évoquer avec Mmes Leseur, Capron et Perrus, qui travaillent au pôle formation de l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), les actions à mener pour améliorer la lutte contre les violences dans le sport.

Afin que tous ceux qui le souhaitent puissent s’exprimer ce matin et répondre à nos questions, et bien que cela puisse être difficile, en particulier pour les victimes, je vous invite à rester précis et concis dans vos propos.

Je vous rappelle par ailleurs que cette audition est ouverte à la presse et qu’elle est retransmise en direct sur le site de l’Assemblée nationale.

Enfin, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

J’invite donc toutes les personnes qui seront amenées à prendre la parole au fur et à mesure de l’audition, à se présenter puis à lever la main droite et dire : « Je jure de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. »

(M. Patrick Roux prête serment.)

M. Patrick Roux, auteur du livre Le revers de nos médailles – Des clubs au haut niveau, en finir avec les violences dans le sport. Je tiens à remercier toutes les personnes présentes ce matin, notamment mes collègues de l’Insep ainsi que les témoins, victimes et contributeurs qui nous accompagnent en visioconférence.

Je souhaite tout d’abord vous dire en quelques mots comment j’en arrive devant vous. Des femmes comme Mmes Catherine Moyon de Baecque, Isabelle Demongeot et Sarah Abitbol sont passées par des épreuves de manière bien plus intense que moi : si nous sommes là, c’est avant tout grâce à des personnes comme elles.

Pour nous, il y a un avant et un après janvier 2020. Quand le livre de Sarah Abitbol Un si long silence et les articles de presse qui lui ont été consacrés ont été publiés, j’étais en mission à l’étranger. La parution de ces articles a permis à beaucoup de personnes dans le monde du judo de réaliser que les expériences qu’ils avaient vécues étaient similaires : même si les détails des faits ne l’étaient pas forcément, le livre de Sarah Abitbol racontait exactement ce qu’elles avaient subi. Dans leur cas, cela prenait la forme de harcèlement et de violences physiques sur mineurs mais le mécanisme de l’omerta, lorsqu’ils ont voulu alerter les instances, était identique.

À l’époque, tout le monde avait très peur. Les personnes dont je parle travaillent aujourd’hui dans la fonction publique, dans des clubs de judo, comme professeur d’éducation physique et sportive, ou dans le secteur de la petite enfance par exemple. Chacun souhaitait parler mais redoutait d’avoir de très gros problèmes si la fédération l’apprenait, de perdre son emploi et de se retrouver dans une situation très difficile. En dépit de ces craintes, un petit groupe citoyen s’est très rapidement développé : au début du printemps 2020, en quelques semaines, nous sommes passés de trois ou quatre personnes à cinquante.

En l’espace de deux ans et demi, nous avons mené des entretiens, environ 150 heures en tout, avec une cinquantaine de personnes. Nous avons adressé entre trente et quarante signalements à la cellule Signal-sports. Quand cela a commencé à se savoir, nous avons eu droit à toutes sortes de réactions. Nous avons ainsi été accusés de vouloir influencer les élections à la fédération de judo de novembre 2020, de faire cela pour que l’on parle de nous, ou encore pour régler des comptes après avoir été virés de la fédération, par esprit de revanche. Mais ce n’est pas vrai. Les élections ont eu lieu et, comme vous le voyez, cela ne nous a pas intéressés. On m’avait également accusé de faire cela pour obtenir « un poste à la fédé » mais non, je ne travaille pas à la fédé, même si on m’avait fait des appels du pied lorsque je suis revenu de ma mission à l’étranger. Aujourd’hui, les manipulations contre nous sont un peu différentes : on prétend qu’il ne s’agissait pas de violences mais de techniques dures d’entraînement, que nous aurions réinterprétées ou surinterprétées – je détaillerai un peu plus tard le contenu des signalements.

Dans ces signalements, et même s’il faut se garder de généraliser car tous les clubs ne pratiquent pas ainsi, nous avons recensé des viols, des agressions sexuelles, des abus et des violences sur mineurs, du harcèlement, des phénomènes d’emprise, du bizutage, le visionnement de films pornographiques en présence de mineurs, l’exhibition de parties génitales, des jeux à caractère sexuel, ainsi que des moqueries, surnoms, brimades, insultes, humiliations publiques et coups – bref, toute la panoplie de l’horreur. Quand un agresseur est pointé du doigt, il nie évidemment avoir commis ces actes. Pourtant, quand on met tous ces signalements sur la table, c’est tout cela qu’on récolte.

Il existe des liens évidents entre tous ces cas, le premier d’entre eux étant l’omerta. Il y a dans ces affaires des personnes dont il est impossible qu’elles n’aient pas été au courant, certaines étant mêmes envoyées par la fédération, avant 2020, en tant que conciliateurs. J’ai travaillé seize ans à la fédération, je sais comment cela se passe : dès lors que l’on envoie un cadre national comme conciliateur dans une réunion, il est absolument impossible que toute la hiérarchie ne soit pas mise au courant des faits. De même, on ne peut pas nommer un cadre sur une mission nationale sans que toute la hiérarchie en soit informée.

Avant d’en venir au premier thème, j’aimerais dire une dernière chose : pour nous, ce qui se passe ici est formidable. Je remercie vraiment les députés qui ont pris l’initiative de la création de cette commission d’enquête, ainsi que les quelque trente ou quarante personnes qui sont connectées en visioconférence. Il faut en effet comprendre que nous n’avançons que grâce au courage et à la parole des victimes ; or personne ne veut les recevoir. Je suis allé voir les instances nouvellement élues de la fédération pour leur demander de prendre le taureau par les cornes et d’inviter ces gens pour écouter ce qu’ils ont à dire – je tiens tout le dossier à leur disposition. Je ne m’explique pas pourquoi cela n’a pas été possible. Vous êtes les premiers à le faire et, pour nous, c’est très important.

J’en viens maintenant à la première thématique, consacrée à l’identification des victimes et aux difficultés auxquelles elles sont confrontées une fois qu’elles se sont dévoilées. Par le passé, quand une victime se faisait connaître, tout l’environnement sportif lui tombait dessus. Souvent, le président départemental ou le président de la ligue, parfois le conseiller technique régional (CTR), allaient la voir pour la dissuader de porter plainte en lui conseillant de bien réfléchir à la suite : faire du haut niveau, s’entraîner au pôle, être sélectionné, cela ne serait plus possible ; et puis il fallait penser au club, c’est un jury de la fédération qui fait passer les grades, cela mettrait en difficulté ses camarades. Plusieurs témoins parlent même de « terreur administrative » pour décrire les instances de leur région. Souvent, cela fonctionnait : des personnes ayant subi des exactions, des faits graves, renonçaient à témoigner ou retiraient leur plainte sous la pression.

Au bout de quelques années, cette pratique devient une sorte de modus vivendi : quand il y a un problème, avant quelque action que ce soit, des proches de la victime lui conseillent de ne rien faire parce que cela va se retourner contre elle et contre le club. Parfois, même l’entraîneur ou l’éducateur sportif, qui souhaite pourtant l’accompagner, lui conseille de ne rien faire. Nous avons également des cas de jeunes qui, dans les pôles Espoirs, vivent des choses abominables – ils se font lyncher sur le tatami, des choses qui n’ont rien à voir avec des techniques dures d’entraînement – et qui supplient leurs parents, qui, eux, sont furieux, de ne pas porter plainte, parce qu’ils craignent que tout soit fini pour eux ensuite. Nous avons des kilomètres de tels témoignages.

Aujourd’hui, la situation a un peu évolué. Depuis les révélations de Sarah Abitbol et la création du dispositif Signal-sports, ce sont les pouvoirs publics qui se tournent vers toute la communauté sportive et demandent aux victimes d’avoir le courage de parler. En tant qu’associatifs, nous appuyons cette démarche du ministère et encourageons les victimes à parler, car elles sont parfois réticentes. Sauf que, du fait de l’omerta que j’ai décrite, les faits que l’on nous signale sont la plupart du temps prescrits. Résultat : il ne se passe rien, en dehors de quelques enquêtes administratives. Les victimes continuent de croiser leur agresseur « présumé », qui parfois n’hésite pas à les narguer, voire les menace d’une plainte en diffamation.

Il y a là un paradoxe. Les pouvoirs publics demandent aux victimes de témoigner alors que celles-ci sont déjà en situation de vulnérabilité et éprouvent de grandes difficultés à reparler de ce qui s’est passé ; mais quand elles prennent leur courage à deux mains et témoignent, il ne se passe rien. C’est un deuxième préjudice pour elles, qui se demandent à quoi cela a servi puisque, un an ou deux après, l’agresseur est non seulement toujours là, mais soutenu par de nombreuses personnes – des cadres, des conseillers techniques sportifs (CTS) – qui envoient des lettres de soutien sans leur avoir jamais demandé, à elles, ce qui s’était passé.

Et il y a un troisième préjudice, quand une commission de discipline de la fédération déclare que les faits sont prescrits. De plus en plus, les personnes accusées d’agression, avec le soutien de certaines instances régionales, annoncent qu’elles vont attaquer la victime en diffamation. Je soulève ce point parce que c’est une difficulté majeure. Nous respectons évidemment le principe de la prescription, mais nous constatons que la justice ne fonctionne pas. Je ne vois pas comment nous pourrons avancer si nous ne trouvons pas une solution pour rééquilibrer la situation.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je vous remercie d’avoir accepté de témoigner devant cette commission d’enquête. Je souhaiterais que vous précisiez deux points. Tout d’abord, vous avez indiqué avoir transmis entre trente et quarante signalements à la cellule du ministère des sports : pouvez-vous nous dire quelles suites leur ont été données ? Y a-t-il eu une instruction ?

Par ailleurs, vous avez évoqué la présence de conciliateurs pour régler certaines affaires. Je suppose, compte tenu de la manière dont vous le dites, que le but est d’éviter le dépôt de plaintes et d’échapper à une instruction. Vous avez parlé de cadres nationaux : de quels cadres s’agit-il ? Viennent-ils du ministère des sports ou de la fédération ?

M. Patrick Roux. Dans les signalements et aussi parfois les comptes rendus d’auditions que nous avons pu consulter, nous avons relevé la présence de cadres faisant partie de la direction technique nationale de la gouvernance précédente, celle de la fédération d’avant les élections de novembre 2020. Ces cadres techniques nationaux ont été envoyés dans différentes régions de France – leurs noms apparaissent à plusieurs reprises – à l’évidence pour éteindre l’incendie. Ils jouent un rôle de « conciliateur », mais je vous invite à lire en détail les signalements et à vérifier ce qui s’est passé ensuite… Deux choses me surprennent : le fait que certaines personnes sont envoyées de manière récurrente et le fait que, dans au moins un ou deux cas, les personnes envoyées sont elles-mêmes signalées dans d’autres dossiers et ont des « casseroles ».

Concernant les signalements, nous en avons envoyé beaucoup et je sais que cela a, dans un premier temps, déclenché des enquêtes administratives. J’ai moi-même été auditionné par les DRAJES (délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports) de Paris et du Val-de-Marne et par le SDJES (service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports) de l’Hérault. Dans les deux premiers cas, j’ai trouvé les enquêteurs très sérieux et professionnels ; j’étais très satisfait de l’entretien. Dans le troisième, j’ai été choqué par le rapport qui a été rédigé, avec un contresens à chaque paragraphe et dénaturant complètement mes propos. Karine Repérant, qui a également été auditionnée, a fait le même constat. Je ne veux pas faire un procès d’intention à qui que ce soit, mais cela amène à s’interroger.

Un bémol cependant : en deux ans, la cellule Signal-sports a reçu un tsunami de signalements qu’elle n’était pas préparée à gérer et qu’elle a redirigés sur les SDJES, au niveau départemental, voire sur les DRAJES. Or, les cadres administratifs de ces structures ont d’autres tâches à effectuer, et ne sont pas du tout formés dans ce domaine. Je suis allé les voir : l’inspectrice avec qui j’avais rendez-vous m’a posé un lapin et la personne qui m’a reçu s’est avérée calamiteuse. Un tel fonctionnement entrave véritablement l’efficacité des enquêtes.

Par ailleurs, il y a des hypothèses qu’on ne peut pas ne pas faire. Dans le monde du sport, tout le monde se connaît. Certains entraîneurs de haut niveau deviennent, quelques années plus tard, un de ces conseillers administratifs de DRAJES dans les mains desquels passent les dossiers. Ils peuvent connaître la personne mise en cause, voire avoir travaillé à ses côtés. Je me contente de décrire la situation, sans faire de procès d’intention, mais nous avons connaissance de cas où la personne responsable de la lutte contre les violences sur son territoire est citée dans trois ou quatre dossiers par des victimes ou des témoins. Cela évolue sans doute, au fur et à mesure que les choses se mettent en place, mais quand on regarde le tableau d’ensemble, l’existence de collusions et d’arrangements ne fait aucun doute. Les personnes du secteur associatif en sont conscientes : pourquoi cela n’est-il pas le cas de celles chargées des enquêtes ?

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous souhaiterions que vous nous fassiez parvenir par la suite le nom des administratifs et conciliateurs concernés, afin de pouvoir également les entendre. Par ailleurs, avez-vous reçu de nouveaux témoignages, ou des menaces, depuis la publication de votre livre, ou même depuis 2020 ?

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Depuis les élections de 2020, les choses ont-elles changé ?

M. Patrick Roux. Depuis la parution du livre, à chaque article ou enquête publiés dans les journaux – Mediapart, L’Équipe, Le Monde –, nous recevons un ou deux nouveaux témoignages. Cela ne rate jamais.

Au printemps 2022, j’ai reçu un témoignage concernant des faits importants de violences et de harcèlement sur mineur, datant de 2021. Comme d’habitude la victime, voulant poursuivre son parcours à haut niveau, ne voulait pas parler par peur de représailles. J’ai tout de même dirigé cet homme vers la personne responsable du SDJES concerné : celle-ci l’a appelé à deux reprises, alors qu’il n’était pas disponible ; il a sollicité un rendez-vous en visioconférence mais, à ma connaissance, n’a jamais été rappelé. Il s’agit d’agissements préoccupants, au sein d’un pôle Espoirs où plus de vingt signalements ont été recueillis, et que j’analyse comme la répétition, par la génération suivante d’entraîneurs, des comportements violents qu’ils ont eux-mêmes subis. Karine Repérant pourra vous expliquer que ce mécanisme psychologique est quasiment inévitable.

Quant à d’éventuelles menaces, j’ai plutôt fait l’objet de tentatives de découragement ou de manipulation. Au printemps, juste après la parution du livre, un personnage un peu fantasque a produit une vidéo sur YouTube, dans laquelle il m’accusait d’abord d’avoir été moi-même un entraîneur violent. Ces accusations ridicules ne m’atteignent pas beaucoup, dans la mesure où les gens me connaissent bien, dans le milieu – alors que j’étais entraîneur, j’essayais déjà de favoriser la préparation mentale, justement parce que j’estimais que la dimension humaine était négligée. Cet homme m’accusait aussi d’avoir abusé sexuellement de l’une des athlètes que j'entraînais. Cette femme – désormais policière – a témoigné en ma faveur et j’ai porté plainte. Il est à noter que ce monsieur se dit très ami avec l’un des entraîneurs qui a fait l’objet d’une enquête après le dépôt de plainte de plusieurs femmes – mais les faits sont prescrits.

Car il y a des gens qui collectionnent les affaires. Dans un cas, après un premier témoignage terrible qui date de 2002 – un jeune âgé de quinze ans qui s’était fait broyer les vertèbres –, d’autres se succèdent quasiment jusqu’à aujourd’hui. Et, entre l’omerta et la prescription, ces gens se sentent autorisés à intimider, à contre-attaquer en nous accusant de diffamation, à réclamer aux clubs des listes de soutien à notre encontre. Certes, cela n’est pas très agréable, mais personne ne m’a encore cassé la figure, pour l’instant.

(Mme Marie David prête serment.)

Mme Marie David, professeure de judo. J’ai été victime de violences psychologiques et sexuelles à l’âge de dix-huit ans, alors que j’étais judokate au sein d’un pôle Espoirs. Pendant deux ans je n’ai rien dit, parce que j’avais peur et que je pensais que personne ne me croirait. Lorsque j’en ai parlé, à vingt ans, j’ai été exclue de ce pôle Espoirs où je m’entraînais. À l’époque, très peu de gens m’ont crue et j’ai été traitée en paria dont il fallait se débarrasser. Pardon pour ma voix qui tremble : on dit souvent que la peur doit changer de camp, mais pour l’instant, elle est toujours de mon côté.

Pendant les dix-huit années suivantes, je n’ai plus rien dit, pensant que c’était inutile. Je suis tout de même devenue professeure de judo, notamment pour protéger mes élèves. Je n’y suis pas totalement parvenue, puisque l’un de mes élèves a subi une agression sexuelle de la part d’un professeur de judo.

Suite aux révélations de Sarah Abitbol et à ce qu’elles ont déclenché, j’ai décidé de témoigner. En mars 2020, j’ai adressé mon témoignage à la cellule Signal-sports, ainsi qu’à la fédération de judo, qui venait d’ouvrir un onglet dédié pour recueillir des témoignages. L’ancienne gouvernance de la fédération a considéré qu’il ne lui appartenait pas de traiter du cas des trois entraîneurs dont je dénonçais le comportement, ceux-ci étant cadres d’État. Du côté de la cellule Signal-sports, j’ai d’abord été entendue à la DDJS (direction départementale de la jeunesse et des sports), qui a classé mon dossier sans suite, puis à la DRAJES, où j’ai dû à nouveau tout raconter, durant plus d’une heure, à deux hommes. On m’avait indiqué que, quelle que soit la décision qui serait prise, j’aurais des explications : au bout d’un ou deux mois, c’est une décision de ne pas donner suite qui a été rendue, fondée sur l’« intime conviction » de ces deux hommes, sans davantage de précisions. J’ai donc demandé des explications à la cellule, sans remettre en cause la décision mais pour la comprendre : puisque les victimes sont invitées à parler et qu’il est éprouvant d’être entendue plusieurs fois, la seule mention d’une « intime conviction » ne me paraît pas suffisante pour pouvoir aller de l’avant. Je n’ai jamais obtenu de réponse.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pouvez-vous revenir sur la nature des événements ?

Mme Marie David. Un premier entraîneur est venu dormir dans mon lit, en présence de témoins, lors d’un stage de judo, alors que j’étais âgée de dix-huit ans. Un deuxième, cadre d’État sur un autre pôle, m’a agressée sexuellement pendant une nuit : il m’aurait sans doute violée si une amie n’était pas entrée dans la pièce. Un troisième entraîneur, n’ignorant aucun de ces faits, n’a eu aucune autre réaction que de m’exclure du pôle lorsque j’ai parlé.

En novembre 2020, j’ai témoigné dans Le Parisien, qui publiait un article sur les dérives dans le judo. À la suite de ce témoignage, l’ancienne gouvernance de la fédération de judo a quand même ouvert une enquête, portant sur un seul des trois entraîneurs. Une commission de discipline s’est tenue, sous l’égide de la nouvelle gouvernance : la décision qui a été prise étant confidentielle, je ne peux pas en parler. S’agissant de l’entraîneur qui m’avait agressée sexuellement, on m’a indiqué qu’il n’était pas possible d’entreprendre quoi que ce soit car il n’était plus sur le sol français. Mais j’ai appris qu’il est revenu en France. J’ai été accusée de dénonciation calomnieuse. J’ai été entendue à la gendarmerie, ce qui a été une épreuve terrible : la société nous invite à parler, mais ensuite, on est toute seule… J’ai donc été entendue à la gendarmerie, à trois reprises : on a pris des photos de moi, de face et de côté, ainsi que mes empreintes digitales, de chaque doigt ; je me suis sentie comme une criminelle, terriblement seule, c’était horrible. La plainte a été classée sans suite, mais cela a été très éprouvant.

Il y a deux ans, j’ai porté plainte pour l’agression sexuelle d’un entraîneur. Il me semble que cet entraîneur n’a toujours pas été entendu, malgré son retour sur le sol français. Je sais qu’il est sur les tatamis et remet des diplômes de grade. J’ai à nouveau témoigné cette année, dans un article de Mediapart. À ce jour, aucune suite n’a été donnée par la gendarmerie, qui m’a indiqué avoir perdu mon dossier en raison d’un problème numérique. Je n’ai pas de nouvelles non plus de la fédération de judo. Pour avancer, j’ai sollicité un dialogue avec un élu sur ces questions, mais je n’ai aucun retour, ni de la fédération, ni de la gendarmerie, ni du procureur.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous vous remercions beaucoup pour votre témoignage, car nous savons que cela n’est pas facile. Si vous le souhaitez, vous pourrez nous communiquer par écrit le nom des personnes que vous mettez en cause, afin que nous les entendions.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Hier, nous avons auditionné d’autres victimes, en ayant ce même sentiment que parler se retournait contre elles, comme cela a d’ailleurs été longtemps le cas pour les femmes battues. Pour ces dernières, on a un peu progressé, mais dans le domaine sportif non. Ce que je ne comprends pas, c’est que pour des violences sexuelles, la justice habituellement va très vite. Les délais que vous décrivez sont incompréhensibles. Avez-vous des explications sur ce point ?

Par ailleurs, l’une des deux victimes auditionnées hier ne connaissait pas la cellule Signal-sports alors qu’elle était membre de l’Insep. On a le sentiment que les paroles recueillies sont diluées dans une multitude d’associations, sans qu’au bout du compte, rien ne bouge. Quels sont les chiffres ? Combien de personnes ont donné l’alerte, pour combien de condamnations ? Quel est le nombre de plaintes déposées ? En vous entendant, madame David, on mesure à quel point votre démarche demande du courage, et il n’y a rien de pire que l’injustice. Les procédures entamées par les personnes auditionnées hier avaient toutes été classées sans suite : qu’en est-il pour vous, madame David ?

Mme Marie David. Pour le moment, je n’ai aucune nouvelle. J’ajouterai qu’il est également éprouvant de devoir rappeler sans cesse la gendarmerie ou le tribunal judiciaire pour savoir où on en est.

Pendant un temps, ce dernier me disait n’avoir reçu aucun dossier alors que la gendarmerie affirmait l’avoir transmis. Au final, il y a six mois, le tribunal m’a indiqué que mon dossier avait été égaré suite à une erreur numérique et qu’il allait être relancé. Voilà ce qui s’est passé en un an et demi. Mon amie, témoin de l’agression, a été entendue dans un poste de gendarmerie il y a un an, mais depuis, je ne saurais vous dire si l’affaire est classée ni si la personne mise en cause a été entendue.

M. Patrick Roux. J’ai écouté l’audition des deux athlètes, hier, et beaucoup de parallèles peuvent être faits. Je précise toutefois qu’il ne faut pas se focaliser sur les violences sexuelles : Mme Repérant évoquera aussi le harcèlement et les violences sur mineur qu’ont vécus une dizaine des personnes qui sont connectées aujourd’hui. La violence sur mineur, dans le cadre d’un sport de combat, cela veut dire qu’on camoufle dans de fausses techniques de judo des coups, des étouffements, des étranglements – en réalité des actes inacceptables, destinés à faire souffrir. Les signalements nous ont montré que certaines des personnes qui ont subi cela à l’âge de quinze ans ou de seize ans, dans une atmosphère coercitive où on leur répétait en boucle qu’elles étaient nulles, incapables et ne seraient jamais des champions, ont complètement dévissé : certaines d’entre elles se sont retrouvées à seize ans en suivi psychiatrique, ou ont développé des addictions. Il s’agit donc potentiellement d’un problème de santé publique, qui concerne énormément de sportifs et pas seulement des judokas. Nous ne connaissons pour l’instant que la partie émergée de l’iceberg.

(Mme Myriam Wendling prête serment.)

Mme Myriam Wendling, ancienne conseillère technique de gymnastique artistique, cadre d’État à la DRAJES Grand Est. J’ai été conseillère technique sportive (CTS) de gymnastique durant plus de trente ans et je travaille actuellement à la DRAJES de la région Grand Est. J’ai quitté la Fédération française de gymnastique, n’en partageant plus les valeurs. Je souhaite revenir sur l’omerta et sur la difficulté à effectuer des signalements qu’a évoqués Patrick Roux, qui existent aussi dans le milieu de la gymnastique. À la sortie de son livre, j’ai réalisé que nous vivions exactement la même chose. J’insisterai sur le harcèlement moral et les violences psychologiques et physiques, qui sont différentes de celles ayant cours dans le judo, qui est un sport de combat.

En tant que CTS, j’ai travaillé dans la filière d’accession au haut niveau et j’ai observé ou eu connaissance de cas de harcèlement moral sur des gymnastes. Puis ma fille a eu la chance d’intégrer une structure de haut niveau, ce qui était son rêve. Mais, alors que j’appréciais l’entraîneur, que je l’avais même félicité pour sa bienveillance, l’envers du décor s’est avéré bien différent une fois les portes closes, avec des pratiques d’un autre temps, des humiliations, de l’abaissement, des entraînements allant au-delà du raisonnable, y compris en cas de douleurs liées à des pathologies de croissance. Ma fille a pu entendre, quand une athlète était blessée, « ce n’est pas grave s’il y a de la casse, du moment qu’il en reste une à la fin » et autres réflexions de ce genre, régulièrement. Il y avait aussi de fortes pressions sur l’esthétique et sur le poids, et beaucoup d’humiliations, tout cela dans un cadre de silence imposé et d’incitation au mensonge, car ce qui se passe dans le gymnase ne doit pas en sortir.

Il y a eu une montée en puissance et, après un événement particulier qui ne la concernait pas directement, en décembre 2020, j’ai décidé de parler. Ma fille m’a suppliée de ne rien dire, sachant que ce serait la fin de sa carrière dans une structure de haut niveau ; et c’est ce qui s’est passé. Mais en tant que maman et cadre d’État, considérant que les sportives étaient en danger, je me devais de donner l’alerte. J’ai souhaité avoir un échange avec la structure d’entraînement afin de tout mettre à plat, de faire prendre conscience des souffrances psychologiques et des conséquences engendrées par ce type d’entraînement sur des jeunes gymnastes, âgées de douze ans à seize ans, et de provoquer un changement de méthodes. L’entraîneur a directement contacté les responsables nationaux, qui m’ont avisé, deux jours plus tard, que ma fille ne resterait pas dans cette structure de haut niveau. Début janvier 2021, il m’a été signifié que je ne participerais plus aux stages des équipes de France, où j’étais systématiquement convoquée, étant aussi juge internationale. Dès lors, j’ai été écartée de toutes les sélections des équipes de France et de toutes les compétitions internationales, au motif que ma présence perturberait les gymnastes de la structure concernée. Ma fille, qui avait été transférée, devait quant à elle subir la présence de celui qui lui a fait du mal, ce qui a été extrêmement difficile à vivre.

Au début du mois de janvier s’est tenue une réunion de conciliation avec les responsables nationaux. Pour ma part, j’ai trouvé leur positionnement insuffisamment ferme, sans réelle écoute des victimes, dont ma fille. J’ai contacté l’association Colosse aux pieds d’argile, qui a signalé les faits auprès de la fédération ; une réunion s’est tenue avec les responsables nationaux ; c’est le DTN qui a alors déposé le dossier auprès de la cellule Signal-sports. Une enquête administrative a été engagée, ainsi qu’une enquête judiciaire à l’initiative des inspecteurs du SDJES concerné.

Malgré cela, et malgré des courriers de plusieurs parents relatant des faits graves, la commission disciplinaire de la fédération n’a pas sanctionné l’entraîneur, qui a pu revenir dans le gymnase, en faisant appel de l’interdiction en urgence dont il avait fait l’objet par le SDJES. Tout au long des dix ou onze mois de l’enquête judiciaire, cet entraîneur était présent tout à fait normalement sur les plateaux et les victimes devaient supporter d’être à son contact. Au final, nous avons été cinq parents à porter plainte contre cet entraîneur. J’étais la seule dont la fille faisait encore de la gymnastique, toutes les autres, qui ont décidé de porter plainte, étant parties dans les mois précédents, pour les mêmes raisons ; elles avaient fait des signalements à la fédération, sans avoir de retour.

De telles maltraitances ont des conséquences post-traumatiques effroyables sur les athlètes. Je connais des gymnastes qui sont encore hospitalisées aujourd’hui pour des rechutes de dépression, alors qu’elles ont arrêté de pratiquer depuis cinq ou six ans. L’une d’entre elles est en affection de longue durée. On ne peut plus accepter que des enfants subissent cela et que des jeunes femmes continuent, après la fin de leur carrière, à souffrir de ce qu’elles ont vécu dans les gymnases.

Tous les entraîneurs ne sont pas maltraitants et tous les gymnases ne sont pas le lieu de violences, mais les pratiques, notamment dans la gymnastique, sont rudes – comme si on ne pouvait pas atteindre la performance sans humilier, rabaisser, négliger les blessures et les maladies de croissance.

Je porte la parole de toutes les gymnastes qui ont témoigné lors du procès qui a eu lieu deux ans après le signalement – dès lors qu’on se décide à parler, on part pour un long combat ! Les filles ont été traitées de menteuses sur les réseaux sociaux, et moi, de folle. Au cours de ce long parcours judiciaire, j’ai eu la chance, contrairement à Marie David, d’être informée, même s’il a fallu que j’en prenne l’initiative ; mais à force de renvois, la procédure a duré deux ans avant que nous puissions nous expliquer à la barre. L’entraîneur a été condamné à six mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende.

À la suite d’un reportage diffusé dans « Stade 2 » en mai, la ministre des sports a prononcé à son encontre une interdiction d’exercer. C’est aux médias que nous devons cette avancée. Et si la position de la fédération a évolué et qu’elle s’est progressivement placée aux côtés des victimes, c’est bien aussi grâce aux articles de presse – L’Équipe a publié un article en août, puis six pages ont été consacrées au sujet dans L’Équipe magazine, en donnant la parole aux victimes. Les réactions sont rudes pour les gymnastes et leurs parents car l’omerta demeure – il ne faut pas casser l’image de la gymnastique.

La gymnastique est un sport exceptionnel, mais il faut que les choses avancent. La volonté des cinq gymnastes qui ont porté plainte, c’est que ce qu’elles ont vécu n’arrive plus à d’autres petites filles dans aucun gymnase.

 

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous allons aborder la deuxième thématique de cette audition, avec d’abord Mme Karine Repérant, psychologue indépendante et co-auteure du Revers de nos médailles, qui va clarifier la nature des faits et leurs conséquences post-traumatiques, et lever toute confusion entre techniques d’entraînement à la dure et violences sur mineurs ou autres exactions.

(Mme Karine Repérant prête serment.)

Mme Karine Repérant, psychologue indépendante, co-auteure du livre Le revers de nos médailles. Permettez-moi d’abord de remercier toutes les personnes qui ont accepté de témoigner car, vous l’avez constaté, ce n’est pas facile. Certaines d’entre elles le font pourtant pour la énième fois.

Je suis diplômée de psychologie du sport, avec une spécialisation dans la victimologie, matière dans laquelle on travaille aussi bien avec les victimes qu’avec les agresseurs.

J’ai commencé ma carrière dans le domaine de la prévention du harcèlement ainsi que des violences sexuelles et sexistes dans le sport, ce qui correspondait à la volonté ministérielle de l’époque. Nous avons créé des groupes de parole pour permettre aux sportifs des pôles Espoirs et des pôles France de s’exprimer. L’un des objectifs était de clarifier la limite, qui n’est pas toujours reconnue, entre les concessions nécessaires pour devenir un sportif de haut niveau et la souffrance.

J’ai été missionnée par la DRDJS (direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale) de l’Hérault pour animer des groupes de parole dans des petits clubs de natation synchronisée et de judo. S’agissant du judo, j’ai noté des pratiques choquantes. On m’a alors expliqué que je n’y connaissais rien, puisque j’étais issue de la natation. J’ai donc beaucoup écouté, et recueilli des témoignages de jeunes judokates et judokas – car les victimes ne sont pas seulement des adolescentes, tout comme les entraîneurs maltraitants ne sont pas toujours des hommes. Ils m’ont rapporté des maltraitances au cours de stages des pôles Espoirs dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et montpelliéraine.

J’ai remis un rapport faisant état d’une suspicion de maltraitance à la DRDJS – devenue la DRAJES – qui m’a répondu qu’elle ne pouvait pas faire grand-chose et que je devais déposer plainte en mon nom, ce que j’ai fait dans les deux régions. J’ai été entendue par la brigade des mineurs pendant une éternité. Et voilà. Il ne s’est rien passé d’autre sur le plan judiciaire. Une enquête administrative a été diligentée par la fédération de la région Paca. Elle a conclu à l’absence d’omerta. Les entraîneurs ont nié la maltraitance, justifiant l’utilisation de certains objets par exemple par la volonté de faire peur et non de faire souffrir. L’histoire s’est arrêtée là. C’était en 2011. Depuis cette date, les entraîneurs ont continué à exercer leur activité et les victimes à subir.

Pour ma part, pour répondre à votre question de tout à l’heure, je n’ai pas été menacée. On m’a juste demandé – on m’a appelée pour me poser la question – si je n’avais pas eu des relations sexuelles avec la moitié des membres de la fédé de judo.

Par la suite, on m’a complimentée pour mon action en faveur de la prévention des violences sexuelles, tout en m’expliquant qu’il était tout de même un peu malvenu de faire remonter autant de choses et qu’il serait préférable que j’aille travailler ailleurs. Après deux ans, j’ai donc changé de métier – car j’en avais la possibilité. Un sportif n’a pas cette chance. Pour un sportif qui fait partie d’un pôle Espoirs, dénoncer quelqu’un, cela signifie arrêter sa carrière et renoncer à son rêve olympique. C’est déjà difficile de ne pas croire en son entraîneur, mais l’accuser de maltraitance, c’est ruiner sa propre carrière. L’omerta commence là, quand la victime se retient de dénoncer celui qui peut lui permettre d’atteindre son objectif.

Vous avez remarqué que Marie David a encore la voix qui tremble aujourd’hui, en parlant de faits qui remontent à plusieurs années, même si elle est dans son bon droit et que tout le monde le sait. Un abus sexuel, qu’il ait été commis dans le cadre du sport ou pas, est un traumatisme à vie. Mais dans le microcosme sportif, il y a encore une autre dimension : le corps est un outil de performance. Certes, votre corps vous appartient, vous le savez bien, mais vous le laissez aussi aux autres : vous êtes pesé, étiré ; votre alimentation est contrôlée ; votre corps est touché par votre kiné, votre médecin, votre entraîneur. En fait, le sportif ne le maîtrise pas entièrement. Il est donc compliqué de connaître les limites, et un enfant de quinze ans ne peut tout simplement pas savoir quand dire « stop », ce n’est pas possible.

J’ai été entendue récemment par la DRAJES de l’Hérault sur des faits prescrits, s’agissant notamment d’un entraîneur qui aurait eu des relations dites consenties avec une mineure de seize ans. Le monsieur qui m’interrogeait m’a demandé si « la demoiselle était fière de sortir avec son entraîneur ». Je crois que cela résume tout ce que l’on peut répondre lorsque vous demandez ce qu’il advient des plaintes… Puisqu’on en arrive à poser des questions pareilles à des psychologues, il faut que je le dise clairement : un entraîneur n’a pas à sortir avec une gamine de seize ans, un point c’est tout. Il est très choquant de constater que la parole est encore mise en doute.

Lorsqu’un entraîneur est condamné par la justice à une peine avec sursis, il faut que la ministre prononce une interdiction d’exercer pour qu’il cesse enfin d’entraîner. Certains continuent à travailler avec des mineurs malgré des dossiers judiciaires bien remplis. Ils peuvent avoir été condamnés, les fédérations ne font rien. Les mécanismes de pouvoir permettent de maintenir l’omerta : personne ne jouera sa place au sein de la fédération pour sauver des victimes ; et dans les petits clubs, dans lesquels la gagne est moins cruciale, j’ai entendu des parents et des responsables m’expliquer que l’entraîneur travaillait à la mairie et qu’on ne pouvait donc rien dire ! C’est sidérant. Il faut que des journalistes publient les faits pour qu’enfin les victimes soient entendues. C’est d’ailleurs le principe de base de l’omerta : il ne faut rien rendre public, pour ne pas dévaloriser le sport. Le judo et la gym sont de super sports ; les entraîneurs, dans leur grande majorité je l’espère, sont de super entraîneurs. Mais, par crainte de se voir coller une mauvaise étiquette, on cache les dérives, on les autorise.

Certains sportifs ayant obtenu des résultats corrects ont connu des entraîneurs qui les ont tabassés, maltraités. Dans des sports de combat comme le judo, des filles m’ont dit que quand elles tenaient tête à l’entraîneur, elles recevaient des coups ; quand elles s’ouvraient la lèvre, des entraîneurs venaient la leur lécher. Ce n’est pas une agression sexuelle, on est loin du viol, mais c’est humiliant. Ces gamines ne se sentiront jamais autorisées à exister – on leur a léché le sang ! Vous vous rendez compte à quel point cela peut bousiller quelqu’un pour toute sa vie. Ces jeunes filles seront dépressives chroniques ; si elles parviennent à être mères, elles vivront difficilement leur maternité ; leur rapport aux hommes sera complexe. Bref, toute une vie compliquée pour des jeunes filles qui voulaient juste faire du sport. Et pour ceux qui ont laissé faire sans rien dire, c’est horrible.

Certains, pour pouvoir continuer à vivre correctement, vont reproduire ce qu’ils ont vécu. Des entraîneurs maltraitent leurs sportifs parce qu’eux-mêmes ont été maltraités, pour pouvoir accepter ce qu’ils ont subi. La maltraitance devient légitime. Si on ne casse pas ce cercle vicieux, cela continuera. Certes, il y a des entraîneurs pervers, des gens qui commettent des agressions sexuelles, qui travaillent avec des mineurs parce qu’ils ont une perversion au départ. Mais certains développent une déviance parce qu’ils ne sont pas assez stables psychologiquement par exemple pour travailler avec des adolescents. Ils sont dans une boucle qu’il faut casser. Il faut faire cesser ces pratiques, il faut juger et condamner ceux qui ont commis des actes répréhensibles, mais il faut aussi faire disparaître cette boucle. Il ne faut pas avoir peur du monde sportif.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je précise que le fait que vous avez rapporté constitue bien une agression sexuelle.

Avez-vous une suggestion, pour mettre fin à ce processus ? Par ailleurs, quel regard portez-vous sur la présence des psychologues au sein de l’Insep et des fédérations sportives ? Vous citez dans le livre des exemples étrangers – de mémoire, le Japon et la Chine. Quelles leçons pouvons-nous en tirer ?

Mme Karine Repérant. Je ne suis pas sûre d’avoir une solution miracle. Toutefois, il est clair qu’il faut compléter la formation des entraîneurs. À aucun moment les déviances potentielles ne sont abordées. Or il y a une proximité physique qui peut être problématique entre un jeune entraîneur et son élève adolescent. Par exemple, pour le tennis, il faut beaucoup travailler sa posture : le corps-à-corps est inévitable. Entre un entraîneur de vingt-cinq ans et une gamine de seize ans, cela peut devenir compliqué pour l’un et pour l’autre. Or les entraîneurs ne sont pas préparés : on ne leur dit pas que la proximité peut provoquer quelque chose, qu’il leur appartient de gérer. On ne leur explique pas que même chez eux, cela peut faire naître une attirance, qui n’est pas perverse mais que c’est à l’adulte de gérer, et non à la gamine qui vit sa vie d’adolescente. Il faut donner aux entraîneurs des outils pour arriver à reconnaître une pulsion et à la maîtriser.

Ensuite, il faut mettre à disposition des sportifs un lieu où ils peuvent venir poser des questions pour savoir de quel côté de la limite ils sont, avec des interlocuteurs qui doivent absolument être extérieurs au sport. N’oublions pas qu’un préparateur mental dans un club a pour seul but de faire gagner le sportif. Il ne fera rien qui aille à l’encontre de cet objectif. Il faut donc une instance hors sport, une commission multidisciplinaire avec les points de vue de juristes, de conseillers d’orientation, de psychologues, de médecins du sport, pour apporter au sportif un accompagnement global dont l’objectif ne serait pas d’aller chercher des médailles. Pour l’instant, les victimes se font balader, alors qu’elles jouent leur vie !

Les psychologues jouent un rôle crucial dans le monde sportif, parallèlement aux préparateurs mentaux. Bien souvent, on confond préparation mentale et suivi psychologique.

Enfin, il faut continuer à recenser toutes les victimes, parce qu’elles ont aujourd’hui des vies très compliquées.

Pour la petite histoire, je ne travaille plus dans le monde du sport mais j’ai reçu la semaine dernière une adolescente de dix-sept ans qui a dû abandonner le handball professionnel à cause du harcèlement qu’elle connaissait de la part de son entraîneur – avec entre autres un chantage aux relations sexuelles pour faire partie de l’équipe ou être plus valorisée. Oui, cela existe encore.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Le nombre de psychologues au sein de l’Insep et des fédérations sportives vous semble-t-il suffisant ?

Comment assurer la confidentialité des échanges ? Les deux athlètes que nous avons auditionnées hier ont refusé de solliciter les psychologues de l’Insep, sachant qu’à plusieurs reprises des informations recueillies lors des consultations avec les psychologues avaient été transmises aux entraîneurs.

Mme Karine Repérant. Rares sont les psychologues à travailler pour des fédérations. Ils font des interventions ponctuelles, selon le budget que le ministère des sports leur alloue. C’est plutôt le ministère qui les envoie, en gros pour assurer un suivi psychologique annuel. Les sportifs n’ont donc pas accès aux psychologues quand et comme ils veulent.

En tant que psychologues, mais aussi en tant que citoyens, nous sommes tenus de faire un signalement lorsque nous considérons qu’une personne est en danger ou met quelqu’un en danger. Or un psychologue qui travaille pour un club aura probablement pour premier réflexe d’essayer de trouver une solution avec l’entraîneur. Il sera plus facile à un psychologue indépendant, qui n’a aucun compte à rendre à la structure concernée, de faire un signalement – lequel doit être fait à la justice, pas à la fédération qui ne le traitera pas comme il le faudrait. Un viol est un viol. La fédération ne peut rien faire, c’est à la justice de s’en saisir. Si l’on travaille pour l’Insep ou pour une fédération, on aura plutôt tendance à envoyer un médiateur en cas de problème. Sauf que pour un viol, la médiation n’a pas lieu d’être. Pour une agression sexuelle, pour un entraîneur qui bousille le corps des gamins, il n’y a pas de médiation. Cela relève du pénal.

Donc non, il n’y a pas assez de psychologues, mais ceux auxquels il faudra faire appel ne doivent pas appartenir aux fédérations.

Mme Claudia Rouaux (SOC). J’ai toujours évolué dans le monde du sport, mais plutôt dans le secteur associatif, au niveau local. J’avais l’impression qu’en professionnalisant les entraîneurs, en les formant au sein des fédérations et en exigeant qu’ils obtiennent un brevet, nous les avions mieux sensibilisés à la prévention de tous les types de violences, notamment du harcèlement moral. Or, à vous entendre, on a le sentiment que rien n’a changé. C’est très inquiétant.

Dans la ville où je résidais il y a trente ans, on pouvait devenir entraîneur de judo avec une ceinture noire, sans suivre une formation spécifique. Aujourd’hui, les clubs de judo sont gérés par des sociétés privées, qui dispensent une initiation à des gamins dès l’âge de trois ou quatre ans, ce qui m’a toujours dérangée – ne peut-on pas faire de mal à un gamin de quatre ans qui pratique le judo ? Pensez-vous que nous n’avons pas pris la bonne direction pour améliorer l’éducation dispensée à ces enfants ? Sinon, quand on a acquis des valeurs tout petit dans un club, on devrait les garder quand on intègre un pôle !

M. Patrick Roux. C’est une question très importante, mais ne mélangeons pas tous les sujets, faute de quoi nous ne pourrons pas aller au fond des thématiques, à commencer par celle dont nous parlons sur l’identification des victimes.

(M. Yacine Ghediri prête serment.)

M. Yacine Ghediri, professeur de judo, entrepreneur. Il m’est difficile de parler aujourd’hui. Avant de le faire, je souhaite remercier Marie David pour son témoignage, ainsi que les filles qui ont été auditionnées hier. Elles ont évoqué des violences tout à fait différentes de celles que j’ai subies.

J’ai eu la chance de suivre des études fabuleuses à Marseille, dans l’un des meilleurs pôles France. Ma carrière de haut niveau a été tourmentée. Elle a démarré lorsque j’étais cadet, donc très jeune, dans un lycée où nous avions de très bons entraîneurs. Ce sont en réalité les entraîneurs d’autres sections, qui entretenaient une pseudo-rivalité, qui nous ont fait du mal. Lors de regroupements de structures, nous étions très souvent pris en charge par eux.

Je vous parlerai d’un stage que j’ai suivi dans les années 2000, auquel mes responsables de section n’ont pas participé ; l’un de nos entraîneurs était présent. Imaginez un gymnase classique dont la moitié de la surface est constituée d’un tatami. On vous met sur le bord de cette surface pour combattre quinze minutes avec un colosse, qui vous fait tomber un coup sur le tapis, un coup en dehors. Arrive un moment où vous vous demandez quand cela va se terminer.

Je suis toujours en colère. Grâce à ce qui se passe actuellement, l’individu qui m’a fait du mal a été un peu écarté, mais je crains qu’il ne revienne. C’est pour éviter son retour que je témoigne aujourd’hui. Si mes fils, en bas âge, ont un jour envie de suivre le même parcours que moi, je ne veux pas qu’ils soient confrontés à ce genre de personnage.

Lorsque j’ai commencé à témoigner, un certain nombre de judokas, notamment des enseignants, m’ont félicité. D’autres n’osent même plus me regarder. Mais même si le regard des gens est un peu difficile à supporter, je me dois de témoigner. Parce qu’à force de tomber un coup dedans, un coup dehors, il y a eu de la casse. Mon épaule s’en souvient encore – je ne peux plus faire certains mouvements. Mais la casse physique n’est pas la pire : la casse morale est plus grave. Lorsque j’ai eu mal, lorsque j’ai entendu le craquement, l’entraîneur, qui me regardait dans les yeux, m’a dit : « Tu aurais été dans mon pôle, tu n’aurais pas fait cinq minutes chez moi. » Cela résume bien le personnage.

Je ne veux pas être cet entraîneur-là. J’ai donc fait, comme Marie, le choix d’enseigner afin d’éviter que des enfants ou des jeunes sportifs vivent pareille situation.

Il y a deux ou trois ans, on m’a dit que mon témoignage ne servirait à rien. Mais je précise qu’à l’époque, ma mère était allée voir le président de la ligue : encore aujourd’hui, nous attendons de ses nouvelles.

(Mme Marie-Laurence Urvoy prête serment.)

Mme Marie-Laurence Urvoy, ancienne athlète du Dojo nantais. Je connais certaines des victimes présentes aujourd’hui. Je remercie Marie David : lorsqu’elle a commencé à témoigner de ce qu’elle a vécu, ce n’était pas vraiment le moment pour moi et je n’ai pas voulu parler. Mais par la suite, cela m’a beaucoup travaillée et j’ai craint que mon silence cause d’autres victimes. Avant de témoigner, j’ai échangé par téléphone avec plusieurs personnes, notamment avec Patrick Roux.

Ce que beaucoup décrivent, je l’ai vu sans forcément l’avoir vécu. J’ai moi-même quitté le domicile de mes parents parce que j’y subissais de la violence psychologique – de l’inceste, notamment. J’ai ainsi vu en mon entraîneur une autre figure paternelle. J’étais contente de sortir de chez moi. Si on m’a orientée vers le judo, c’est parce que je devenais très violente et que je gardais de la colère en moi. J’ai obtenu de bons résultats et, très rapidement, j’ai été admise au pôle Espoirs de Nantes. Cependant, il était difficile de s’épanouir du fait de la dualité entre le club et le pôle, qui a été évoquée.

J’ai essayé plusieurs fois de parler de ce que j’ai vécu. Cela paraîtra peut-être un peu violent à certains, mais je suis obligée de dire que parmi les personnes participant à cette table ronde se trouve l’un de mes agresseurs, qui m’a empêchée de parler. Témoigner reste très compliqué pour moi. Je reconnais qu’un agresseur a pu être une victime, mais il est aussi de ceux qui ont fait de moi une victime. J’ai beaucoup souffert, puisqu’il s’agissait de harcèlement sexuel. J’étais alors mineure. Il ne se passait pas grand-chose de vraiment sexuel au sein du club, mais une nuit par exemple, on m’a harcelée pour que j’aille coucher avec la personne qui assiste à cette réunion. Les souvenirs que je garde sont tout simplement horribles. J’avais connu la violence chez moi et voilà que je la retrouvais dans le sport, un lieu qui était censé me permettre de respirer.

Ces moments ont été à l’origine de nombreux traumatismes, car mes relations avec les hommes ont ensuite été désastreuses : je ne connaissais que la violence, les coups, les humiliations. Ainsi, ce que j’ai vécu dans le sport a eu des conséquences sur ma vie entière. Quant à la justice, elle a été totalement défaillante, considérant la victime comme quelqu’un qui simule et exagère. La plainte que j’ai déposée et les actions en justice que j’ai introduites pour obtenir réparation se sont avérées infructueuses. C’est pourquoi je ne vis plus en France aujourd’hui.

Il était important pour moi de venir témoigner aujourd’hui. Je viens aussi soutenir certaines personnes qui ont été victimes des mêmes bourreaux, qui ont subi les mêmes supplices que moi.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci à tous les deux pour vos témoignages. Nous avons choisi d’élargir le périmètre des faits concernés pour aborder aussi la question des violences physiques, nombreuses dans certaines disciplines.

Monsieur Ghediri, on comprend dans le livre que d’autres personnes ont subi des violences de la part du même entraîneur que vous. Au moment de ces entraînements, la fédération était-elle au courant ? Des adultes étaient-ils informés de ces pratiques au sein du club, qui se seraient abstenus d’alerter les parents, les familles, les athlètes ? Vous avez également indiqué qu’une procédure avait été engagée par votre mère, qui n’a pas eu de suite. S’est-il passé quelque chose depuis ? Vous avez dit que cet entraîneur n’était plus au contact d’athlètes aujourd’hui mais, au-delà des deux témoignages contenus dans le livre, lui connaissez-vous d’autres victimes ?

M. Yacine Ghediri. Au sein du pôle France où j’évoluais, il y a effectivement eu d’autres victimes : l’un de mes copains a eu un problème à la colonne vertébrale à la suite d’un combat du même genre. Dans mon cas, c’est l’articulation acromio-claviculaire qui a été touchée. Je parle au conditionnel, mais cet entraîneur a probablement causé d’autres blessures physiques – je n’ai pas suivi tous ses combats, je n’étais même pas dans sa section – et, encore une fois, le pire a vraiment été la phrase qu’il m’a dite, à la fin.

Si cet entraîneur n’est plus en fonction, c’est parce qu’il y a eu des procédures. J’ai été interrogé l’année dernière par le SDJES du Val-de-Marne, mais sans suites puisque les faits sont désormais prescrits.

J’aimerais rebondir sur des propos qui ont été tenus. Nous n’avons pas de formation ni de connaissances sur les procédures susceptibles d’être engagées. À l’époque, ma mère et moi étions commissaires sportifs : nous intervenions en tant que bénévoles lors de compétitions régionales ou locales. Après ma blessure, j’ai consulté mon médecin de famille et ma mère est allée voir directement le président de la ligue. Comme rien n’a été fait, il est clair que les faits ont été passés sous silence. Lorsque j’ai commencé à témoigner, l’entraîneur en cause a tout simplement déclaré qu’il n’avait pas participé au stage… Quelque chose s’est donc tramé pour éviter qu’il ne soit écarté.

S’agit-il d’un excellent entraîneur ? Je ne sais pas. Doit-il continuer à enseigner ? Ce n’est pas à moi de l’en empêcher. Je témoigne simplement de ce que j’ai vécu à l’âge de quinze ans. Encore aujourd’hui, à trente-sept ans, c’est difficile d’en parler. En tant que sportifs de haut niveau, nous sommes habitués à la douleur physique constante, aux petits bobos, au dépassement de soi. Mais un enfant qui n’est pas encore formé ne sait pas faire la différence entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Quant à la douleur causée par la phrase prononcée par cet entraîneur, elle reste présente.

À mon sens, les structures n’informent pas assez leurs sportifs. Je ne savais pas que l’on pouvait porter plainte pour des violences ou saisir un organisme fédéral afin que l’entraîneur en cause soit interpellé, écarté, sanctionné.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez indiqué qu’une plainte avait été déposée au niveau de la fédération. Confirmez-vous que cette dernière n’a jamais effectué de signalement ou transmis à la justice d’éléments émanant de votre plainte ?

M. Yacine Ghediri. Nous sommes allés auprès de la ligue, plus précisément auprès du président de l’époque.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pourrez-vous nous communiquer le nom de l’entraîneur en question ?

M. Yacine Ghediri. Je le ferai par écrit.

M. Patrick Roux. Le président de la ligue de cette époque est cité à l’occasion d’au moins cinq ou six signalements, pour des faits tout aussi graves – des enfants de quinze ou seize ans ayant subi un important traumatisme, tel qu’une fracture de vertèbres laissant des séquelles quasi définitives.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pourrez-vous nous donner le nom de cette personne ?

M. Patrick Roux. Je vous le communiquerai.

M. Ghediri a évoqué un autre jeune blessé encore plus gravement que lui, aux vertèbres. Il n’existe aucun rapport sur le stage en question, alors que trois entraîneurs de la fédération se trouvaient sur le tatami – je parle d’entraîneurs officiels, exerçant dans des structures officielles de la fédération. Après un tel accident, que font-ils, ils vont boire des bières ? La personne qui accueillait le stage est aujourd’hui chargée du sport de haut niveau à la DRAJES de Corse : elle est donc aussi cadre de l’État. Il est possible – je parle au conditionnel – qu’un élu membre d’un comité départemental ait aussi été présent.

Le président de la ligue de la région Paca, que vient d’évoquer M. Ghediri et qui est mentionné dans au moins cinq ou six signalements, a disparu du jour au lendemain, en 2016 ou 2017 si je me souviens bien, à l’issue d’une réunion assez nébuleuse à laquelle le président de la fédération aurait participé. On n’a jamais su ce qui s’était passé, mais le président de la ligue a démissionné de toutes ses fonctions. Si je ne me trompe pas, il était également vice-président de la fédération, membre du comité directeur et responsable national de l’arbitrage – des postes importants. Depuis, il n’apparaît plus. Certains le croisent de temps en temps. De notre côté, nous nous sommes interrogés, considérant que ce monsieur avait forcément entendu parler de Sarah Abitbol et de tout ce qui se passe en ce moment, et qu’il dispose sûrement d’informations très intéressantes. Mais il n’a pour l’instant fait aucune contribution.

 

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Monsieur Ghediri, madame Urvoy, vous avez tous deux subi des faits de violences, dans le cadre de votre pratique sportive ou à caractère sexiste et sexuel. Avec le recul, considérez-vous que certaines procédures, personnes ou institutions auraient pu vous « sauver » ? À qui un athlète pourrait-il parler afin d’éviter que les choses ne dégénèrent ?

Madame Urvoy, vous avez indiqué que vous ne viviez plus en France. Avez-vous pu comparer le fonctionnement du système sportif français avec celui d’autres systèmes à l’étranger ?

Mme Marie-Laurence Urvoy. En effet, je vis désormais en Espagne. J’ai pu discuter avec certains responsables de ce pays et donc comparer les deux systèmes. Malgré les événements qui secouent actuellement le football espagnol, il y a ici une écoute et un traitement différent des violences sexuelles – en tout cas, le système judiciaire a priorisé les affaires de violences sexuelles et de violences faites aux femmes. La parole des victimes est beaucoup plus écoutée. Dans une autre affaire, j’ai été entendue dans les quarante-huit heures par des juges, dans un tribunal, en bénéficiant d’un traducteur afin d’expliquer au mieux ma situation. Il y a aussi un vrai suivi.

En France, dans les années 2000, les choses auraient pu être différentes. On nous accuse aujourd’hui de mensonge mais au sein du système dans lequel nous évoluions, dans la fédération, tout le monde savait. Les violences physiques – je ne parle pas des violences sexuelles – se voyaient. Notre club était très visible, et les violences que nous subissions pouvaient se deviner dans notre attitude. Mais nous n’avions pas le droit de parler – au sein même du club, nous étions menacés par d’autres athlètes. Il y avait une véritable omerta. Notre structure était comparable à une mafia ou à un gang. Une fois que vous intégriez le club, vous ne pouviez plus en sortir – ou alors, vous ne seriez jamais bon au judo, ou vous seriez grillé. Si vous vouliez continuer le judo, vous n’aviez pas le choix.

Au pôle Espoirs de Nantes, tout le monde savait et personne ne nous posait de questions. Nous étions mineurs. Je n’accuse pas les entraîneurs, car la situation était tout aussi compliquée pour eux, mais notre club était mis à l’écart, ce qui nous protégeait de l’extérieur mais absolument pas des dangers à l’intérieur – j’ai également vécu au pôle France de Rennes, où j’étais protégée par mon club s’il m’arrivait quoi que ce soit. La seule solution était de partir. J’ai essayé de le faire, mais je n’ai pas pu et j’ai dû arrêter le judo.

Je le répète, les principes de fonctionnement sont ceux d’un gang. Tout le monde sait et personne ne fait rien. Il suffit de penser au nombre de personnes qui ont pu voir, entendre ou vivre des choses – toutes les histoires se rejoignent… J’espère que cela changera mais pour l’instant, c’est bien ce que l’on constate. Aujourd’hui, il y a donc un président du monde du judo qui, à peine condamné, est protégé par de nombreuses instances. Je crois qu’il n’entraîne plus, mais il l’a fait jusqu’à l’année dernière, censément avec des méthodes différentes – mais il me semble qu’un agresseur ne peut pas changer sans un suivi et un travail sur lui-même. Il a formé des lieutenants qui ont pu être tout aussi violents, y compris en son absence, voire pires, plus vicieux, et qui ont aussi maltraité des personnes d’autres clubs, qui ont dû arrêter le judo. Tout cela se passait au sein de la section sport-études et tout le monde savait.

Je peux tout à fait entendre que des agresseurs étaient des victimes, mais n’oublions pas qu’ils ont été des agresseurs. Les faits se sont répétés. Il y a encore une génération d’agresseurs dehors, et ils sont profs de judo.

(Mme Léonore Perrus prête serment.)

Mme Léonore Perrus, ancienne escrimeuse de haut niveau (championne du monde par équipe), adjointe administrative au pôle formation de l’Insep. Je m’exprime en tant qu’ancienne sportive de haut niveau : j’ai été membre de l’équipe de France d’escrime entre 2000, dans la catégorie cadettes, et 2012, dans la catégorie seniors. À différents moments de ma carrière, j’ai vécu ou été témoin de faits qui me laissent à penser que le système dans lequel évoluent les athlètes, notamment de haut niveau, les empêche de s’identifier comme victimes ou de témoigner de dérives comportementales. Ils ont été, d’une certaine manière, habitués à voir se répéter un certain nombre de pratiques.

Lors de mes premiers championnats du monde cadets, j’avais quinze ans et je découvrais l’escrime de haut niveau, puisque ma famille n’évoluait pas dans ce milieu. J’ai vu un parent d’athlète mimer un acte sexuel avec un entraîneur – en rigolant : ils blaguaient, mais venant de personnes qu’on ne connaît pas, on s’interroge. Par la suite, encore junior et alors que j’arrivais en équipe de France senior pour un stage de préparation, j’ai appris que j’avais été notée, au même titre que les autres athlètes féminines. J’ai également vu des athlètes expérimentés cherchant de manière répétée à obtenir, disons, certaines choses, ou encore un arbitre international faisant pression pour avoir une relation sexuelle avec une athlète – face à son refus, il l’a sanctionnée. J’ai parlé de ces choses avec mes coéquipières, mais je ne les ai pas fait remonter. Ayant observé certains comportements lors de moments festifs avec d’autres athlètes, je connaissais certains profils et j’ai tenté d’en protéger les plus jeunes.

Nous faisons partie de ce système. On parle à juste titre des entraîneurs, mais les membres du staff paramédical, les arbitres, les élus, les parents doivent aussi être formés. Cette omerta résulte du fait que nous sommes en quelque sorte conditionnés pour vivre ces choses inacceptables. On ne s’en rend compte que plus tard – sur le coup, on ne comprend pas pourquoi on est déstabilisé face à certains comportements. En disant cela, je n’apporte pas de solution, mais il convient de bien resituer les choses : il y a des actes dramatiques, ponctuels, perpétrés par une personne, mais il y a aussi un système qui est dysfonctionnel. Il faut pouvoir s’identifier comme victime, parler, faire remonter les faits, alors qu’on est pris dans cette omerta devant certains comportements qui se répètent, auxquels on s’habitue et dont on ne perçoit plus la gravité ou l’inadéquation.

(M. Hervé Gianesello prête serment.)

M. Hervé Gianesello, professeur spécialiste des sports de combat, UFR Staps à luniversité Rennes 2. Je suis professeur à luniversité Rennes 2 en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), professeur de judo et jai été le professeur de Marie David, qui a témoigné tout à lheure.

Je vais commencer par le cas de Marie – puisque cest ce quil y a de plus important. Jessaie toujours de me mettre à la place des victimes et de les soutenir. À l’époque, la personne qui a agressé Marie ma attaqué en justice pour propos diffamatoires. J’étais professeur stagiaire dEPS dans un lycée, responsable des sections sport-études de judo et de football. Jai laissé un témoignage oral sur la messagerie de ma tutrice professionnelle, qui connaissait bien à l’époque le cadre d’État. Il a transmis à son collègue qui venait darriver dans la région Bretagne et il a porté plainte contre moi auprès de la fédération pour diffamation.

Je me suis retrouvé devant la commission de discipline. Rien dextraordinaire : cest une table ronde, qui ne rend pas la justice traditionnelle. Bien quil ait été reconnu que ce quavait fait lentraîneur vis-à-vis de Marie ne devait pas se faire, jai été condamné à un avertissement, qui a été publié dans le journal Judo magazine. Avec le père de Marie, nous avons fait appel de cette décision. Nous nous sommes présentés avec un avocat en appel. Il a de nouveau été dit que lentraîneur naurait pas dû agir comme il lavait fait. Pour autant, ma condamnation a été maintenue.

Vingt ans ont passé. Laffaire Abitbol est sortie dans un livre. Jai alors envoyé un message à Marie. Sa réaction a été de dire que cela faisait longtemps quelle attendait cela. Les choses ont été relancées. La nouvelle gouvernance de la fédération a envoyé un courriel à ma ligue pour annoncer que je devais être considéré comme un professeur de judo normal, qui avait dénoncé des faits qui nauraient jamais dû avoir lieu.

Pendant vingt ans, jai été le professeur de judo quil fallait éviter. Sept procédures ont été lancées par le comité départemental ou la ligue contre moi-même, mes athlètes ou mon club, pour tenter de nous radier ou ne pas reconnaître la qualification de nos athlètes – qui lavaient pourtant méritée sur le tapis. Malgré tout le temps qui est passé, on sent encore une certaine tension et une animosité à mon égard.

Ce qui ma vraiment sauvé, cest davoir obtenu un poste stable en Staps à luniversité Rennes 2 en 2003. Cela ma permis de m’évader un peu. Quand Marie a décidé de relancer un dépôt de plainte, le club de l’époque la soutenue – et je lai soutenue aussi, bien sûr, à titre personnel.

Je rejoins ce qui a été dit sur de nombreux points.

Dans la formation des professeurs, rien nest prévu sur les violences et sur lattitude que doit avoir un professeur digne de ce nom. À luniversité, tous mes étudiants ont cette information sur les violences.

Il ne mest pas facile de parler de ce sujet, car mon propre fils, qui a intégré le pôle France de gymnastique, a été victime de violences physiques. Il a eu un gros accident – une rupture du tendon subscapulaire – dû à un manque de suivi. Il était déshydraté et sous-alimenté. Il a pu continuer à pratiquer, après un important suivi chirurgical et médical.

Voilà mon témoignage de professeur de sport, de parent et denseignant à luniversité. Chaque fois que j’évoque ce sujet en cours, des étudiants témoignent de ce quils ont subi dans leur petit club ou dans le cadre dune formation de haut niveau.

Vous avez évoqué la gouvernance du sport. Les problèmes ne datent pas daujourdhui. Médéric Chapitaux a publié en 2016 le livre Le sport, une faille dans la sécurité de l’État, que je fais lire à tous mes étudiants. En fait, les choses se savent depuis très longtemps, mais rien nest fait. Sans véritable décision politique, cela ne changera pas.

Il y a 5 500 clubs de judo en France et environ 600 000 licenciés – et je ne parle même pas du nombre de pratiquants. Un certain nombre de jeunes entrent dans des pôles ou des structures de formation. Je trouve que laccompagnement nest effectivement pas suffisant.

Quand il y a des problèmes, il faut quils soient gérés en dehors des fédérations. La psychologue Karine Repérant a raison de dire que si des choses se passent, elles doivent être réglées hors du milieu du sport. On peut envisager de confier un rôle à des associations. Nous-mêmes avons fait intervenir lassociation Colosse aux pieds dargile au sein de notre dojo.

Cest très compliqué parce quil faut aussi que la présomption dinnocence soit respectée.

Je viens dapprendre quun athlète de seize ans de mon club a été exclu de son établissement scolaire lannée dernière pour agression sexuelle. Il a demandé à rentrer au pôle, ce qui forcément nest pas possible. Jai appris la semaine dernière que les faits seraient beaucoup plus graves que ce que je pensais. Une enquête importante est en cours et nous allons forcément être entendus. Quand jen parle à mes présidents, on me dit que cela reste une affaire privée et que lon ne doit pas trop sen mêler. Mais cet athlète est tout de même licencié depuis dix ans dans le club. Cela pose un problème. Les enquêteurs vont sans doute nous interroger pour savoir si nous avons vu quelque chose au sein du club.

En fait, personne nest épargné. Il est très compliqué daider les victimes. On fait ce quon peut, mais la justice est très lente. Comme le soulignait Patrick Roux, on se retrouve avec des problèmes de délais qui rendent la suite un peu difficile.

Je pense beaucoup aux victimes et à leurs familles.

(M. Alexandre Vel prête serment.)

M. Alexandre Vel, professeur de judo, ancien athlète du Dojo nantais. Je voulais revenir sur ce que Karine Repérant a évoqué à propos de la psychologie post-traumatique et des conséquences sur la santé. Je vais parler de ce que j’ai vécu et de ce que j’ai pu voir.

J’ai quarante et un ans. Je me suis fait opérer de l’épaule et du dos – une arthrodèse L4-L5. Je suis en arrêt de travail assez fréquemment, pour des soucis de dépression et de gestion d’événements qui me reviennent assez souvent.

Je vais préciser le contexte de ce qui m’est arrivé. J’avais entre seize et vingt ans et j’étais à Nantes. Cela avait essentiellement lieu en club. Il est important de souligner que quand on est jeune athlète, on est la plupart du temps éloigné de ses parents. On n’a pas de cadre pour parler ou contrebalancer ce que l’on vit. La dépendance physique et psychologique vis-à-vis de l’entraîneur est immense : c’est lui qui représente le cadre.

J’ai vécu des violences physiques, psychologiques et à caractère sexuel.

J’ai été témoin d’une scène, sur le tapis, dans le cadre d’un entraînement au sol d’élèves mineurs. Alors que l’un d’eux était pris en immobilisation, pour faire lâcher, l’entraîneur lui dit : « Mets-lui un doigt dans les fesses. » Comme l’élève ne s’est pas exécuté, c’est l’entraîneur qui a introduit son doigt dans les fesses de l’autre mineur pour le faire lâcher, et il a dit : « Tu vois, ça marche. »

En ce qui me concerne, lors d’une séance de musculation, que nous étions incités à faire torse nu, l’entraîneur vient nous donner le programme. Il prend un marqueur indélébile et commence à dessiner des positions sexuelles sur mon dos et partout sur mon corps. Il dessine des sexes masculins et féminins et écrit aussi des grossièretés. Ensuite, il m’oblige à m’exhiber comme cela dans la salle et dans les différents étages – c’était un grand complexe – devant les parents et d’autres jeunes enfants. Ce jour-là, j’étais sa chose, je n’étais plus une personne. J’ai ressenti une immense colère et ce fait restera gravé pour toujours. Il est encore compliqué pour moi d’en parler.

J’ai vécu d’autres violences physiques, des coups, des humiliations. Dans ce club, la violence venait rarement de cet entraîneur. Mais il incitait les élèves à s’en prendre les uns aux autres. Cela conduit à un effet pervers dans le groupe. De ce fait, j’ai une relation aux amis qui est très compliquée. Les conséquences psychologiques sont énormes. Comme je l’ai dit, je suis assez souvent en arrêt de travail. C’est donc vraiment un problème de santé publique.

Il est difficile de parler au moment des faits quand on est concerné. Je suis parti de ce club. Je me suis coupé de l’ensemble du monde du judo car, à ce moment, la seule solution pour moi a été d’arrêter complètement. On se retrouve donc isolé, parce que l’on n’a plus sa passion ni ses amis. On est vraiment complètement seul. Il est difficile d’en parler à ses parents parce que c’est humiliant. Il n’y a pas de structure pour nous accueillir facilement – en tout cas au moment des faits je n’avais pas d’information, je ne savais pas vers qui me tourner. Je me suis adressé à la ligue, mais n’ai pas pu avoir le président ni le conseiller technique régional au téléphone. La réponse de la personne à qui j’ai parlé a été : « Alexandre, laisse tomber. On ne va pas pouvoir. »

J’avais vingt ans et je peux vous assurer que votre foi dans le monde sportif s’écroule. J’ai arrêté le sport et le judo pendant quelques années, avant de pouvoir repartir. J’ai cependant obtenu une licence de Staps éducation et motricité, ainsi qu’un brevet d’État en judo. Mais, à ce moment-là, je n’avais plus foi dans mon sport. La ligue – qui représente la fédération – ne vous écoute pas. Il est très compliqué pour un jeune de savoir comment faire.

En ce qui concerne les suites, un peu plus de vingt ans plus tard, cet entraîneur est revenu dans la région – il avait été muté ailleurs. C’est aussi un problème : lorsque des choses sortent, une simple mutation géographique et hop ! on repart presque de zéro et rien ne peut plus se passer. Cette personne revient donc dans notre région. La sortie de livres et le changement des mœurs font que nous sommes plusieurs à nous regrouper. Nous essayons de contacter la DDJS pour que quelque chose soit fait. C’est compliqué.

Après de nombreuses péripéties, cet entraîneur a fait l’objet d’une sanction administrative à titre provisoire, qui a ensuite été confirmée par la fédération. Il ne peut plus participer à des compétitions officielles, mais il peut en fait continuer à entraîner parce qu’un président de club l’a embauché et que cela ne dépend pas directement de la fédération. Il peut donc être en contact avec des jeunes. C’est un réel problème, car une sanction définitive est prise mais cela n’a pas de conséquences.

C’est difficile pour les victimes. Les faits ont déjà été compliqués à vivre, mais qu’une sanction n’ait pas d’effet constitue une injustice énorme. On se dit qu’on a essayé de protéger mais que cela ne marche pas.

Marie-Laurence Urvoy a qualifié de gang la structure de son club. Je l’associe plutôt à une secte. C’est très pernicieux. Beaucoup de personnes qui étaient au bord du tapis ont vu ce qui se passait et n’ont pas réagi. Pour un enfant, voir que les adultes ne réagissent pas est profondément injuste, et cela normalise les faits. Il y a vraiment un gros travail à faire sur l’ensemble des intervenants, pour que les personnes arrêtent de détourner la tête et que chacun fasse son devoir civique. C’est ainsi que les auteurs seront pointés du doigt, et non plus les victimes.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Merci pour ce témoignage très glaçant.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Les témoignages fournis à notre commission depuis hier sont en effet assez terrifiants.

Nous avons une importante responsabilité en tant que législateurs. Les conséquences des agissements en matière de santé publique ont été relevées à plusieurs reprises. On peut aussi souligner que les victimes le sont une deuxième fois lorsqu’elles sont poursuivies pour diffamation parce qu’elles ont dénoncé des faits aussi graves.

Hier encore, une victime nous a dit que lorsqu’elle se trouvait face à une classe, elle savait qu’il y avait au moins trois victimes parmi les élèves. Notre pays doit se saisir de ce problème. Mme Urvoy a indiqué qu’elle avait quitté la France et vivait désormais en Espagne. J’y étais la semaine dernière et j’ai rencontré la ministre de l’égalité. Les Espagnols ont d’autres méthodes, dont on ferait bien de s’inspirer. Rien n’est jamais parfait, mais il y a quand même des pays qui arrivent à se saisir d’une autre manière que la France de la question des violences en tout genre, et notamment des violences sexistes et sexuelles. Je le répète avec beaucoup de solennité.

Je vous remercie tous pour votre courage, ayant moi-même été victime.

M. Gianesello a indiqué qu’il sensibilisait ses étudiants aux questions de violence dans le monde sportif. S’agit-il d’une initiative personnelle, liée au fait qu’il a été confronté à ces situations, ou est-ce prévu dans le programme ?

Il serait intéressant que cela figure bien au programme, car il a été dit à plusieurs reprises qu’il fallait sensibiliser et former tous les acteurs qui peuvent être en contact avec les mineurs, dans le domaine du sport comme dans les autres – par exemple, la musique. Le fléau dont nous parlons touche l’ensemble des secteurs et notre pays sortirait grandi s’il pouvait, enfin, donner une réponse aux victimes. Ne pas avoir de réponse aggrave les faits.

M. Hervé Gianesello. C’est une initiative personnelle. Depuis que je suis enseignant, je m’intéresse à l’athlète en général, c’est-à-dire à son désir de réussir dans sa pratique mais aussi à la personne qu’il est. J’ai étudié les aspects sociologiques et psychologiques au cours de mes études, donc c’était assez facile.

Un de mes cours est forcément consacré exclusivement aux violences, à chacun des niveaux où j’enseigne, de L1 à L3. Il s’agit vraiment d’une initiative personnelle, car cela ne fait pas partie de la formation proprement dite. Les étudiants sont assez sensibilisés, dans la mesure où le bureau des élèves a également fait intervenir deux fois l’association Colosse aux pieds d’argile. C’était à distance, car cela a été fait pendant le covid, mais peu importe : des actions sont menées. Cependant, il n’est pas prévu dans la maquette du programme d’organiser un cours sur les violences dans le sport.

Et encore une fois, comme Patrick Roux, je parle des violences en général. J’ai du mal à m’en tenir aux seules violences sexuelles car, même si elles sont extrêmement importantes, elles sont toujours liées à des violences psychologiques – dont le harcèlement – et physiques.

Les lignes ont un peu bougé en ce qui concerne la formation des éducateurs sportifs. Quelques heures sont consacrées à la question des violences, mais il s’agit seulement d’un survol.

Mme Myriam Wendling. Comme Yacine Ghediri, j’ai été amenée à utiliser la cellule Signal-sports pour signaler des violences. C’est assez difficile et cela peut être délicat pour les victimes, parce qu’on se retrouve face à une simple adresse courriel et à une page blanche. Il faudrait les aider.

Cette cellule est, en outre, présentée comme destinée à lutter contre les violences sexuelles. Or nous sommes aussi confrontés à d’autres formes de violence, comme le harcèlement moral ou physique, qui sont à l’origine de séquelles vraiment importantes. Il faudrait faire en sorte que la victime qui veut signaler quelque chose ne pense pas qu’elle est à la mauvaise adresse. Il faut faire évoluer la démarche de Signal-sports pour montrer que l’on est vraiment à l’écoute et qu’aucune forme de violence n’est tolérée.

Des affaires sont sorties et des enquêtes judiciaires ont abouti en matière de harcèlement moral. Il faut que les victimes de ces agissements puissent les signaler aisément.

Je partage tout ce qui a été dit sur la notion de gang. Le monde du sport constitue un terreau propice aux violences, du fait de son autarcie et de l’omerta. En outre, les enfants ont été éduqués à accepter toutes les violences – notamment physiques – et à les taire. Ils sont souvent loin des parents et, de ce fait, acceptent tout. Ils se sentent redevables envers leurs familles, qui investissent beaucoup financièrement.

Il faut donc travailler sur l’ensemble de ce milieu, parce qu’il est bien imprégné par la culture de la violence.

M. Patrick Roux. Je souhaite apporter quelques informations factuelles, dans le prolongement de ce qu’a dit M. Vel – dont je n’avais jamais entendu le témoignage. Je connaissais son existence parce que d’autres victimes du même entraîneur m’avaient parlé de lui à l’occasion du signalement qu’ils avaient fait.

C’est une affaire lourde. Je pense qu’une procédure judiciaire est en cours. À ma connaissance, il y a plus de dix témoignages. Une phrase m’a frappé, qui revient souvent dans les signalements : « Cet entraîneur est très protégé. » Je voudrais savoir ce que cela veut dire.

Parmi les gens qui le soutiennent – puisqu’apparemment il a eu de nombreuses lettres de soutien –, je peux me tromper mais je pense qu’il y a de nombreux CTS, cadres d’État. Ce n’est pas un jugement de ma part, car je suis un simple observateur, mais compte tenu de ce que je lis dans les signalements et de ce que j’entends, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans l’équation.

Les témoins ont expliqué mieux que moi le deuxième thème, consacré à la clarification de la nature des faits – ce qui va nous faire gagner du temps et permettre de passer plus vite au thème du régime de l’omerta.

Si j’avais proposé ce deuxième thème, c’est parce que j’étais inquiet. Nous faisons face à des forces contraires et la manipulation par la communication consiste à dire qu’il s’agit seulement de techniques dures d’entraînement, mais pas de violences. Je pense que vous avez bien compris de quoi il s’agit et que je n’ai pas besoin de développer. On n’est pas du tout dans le cadre sportif. La déontologie sportive et celle de l’entraîneur ne sont plus du tout respectées. Il s’agit d’exactions, de violences et de harcèlement sur mineurs – et je ne parle même pas du reste.

La psychologue Karine Repérant a expliqué quelles sont les conséquences post-traumatiques, que l’on subit toute la vie, et des témoins en ont parlé.

Pour résumer ce deuxième thème, le summum de la violence est atteint, selon moi, quand l’entraîneur arrive à exercer une telle emprise sur son groupe qu’il fait commettre les actes de violence par les athlètes eux-mêmes, entre eux – ce qui est le cas dans trois ou quatre dossiers. C’est ce qui ressort très nettement des signalements et de ce qu’ont dit un ou deux témoins.

C’est un système très complexe. L’entraîneur identifie d’abord les personnes qu’il va pouvoir dominer. Il commence à les maltraiter, mais progressivement. Et si cela marche, ils sont pris dans ses filets. Très vite, apparaît une stratégie où l’entraîneur, en utilisant des surnoms ou des moqueries, n’a plus qu’à désigner les souffre-douleur à une partie du groupe – les privilégiés, qui sont souvent ceux qui sont un peu plus forts ou mûrs. Vous comprenez ce qui se passe par la suite. On arrive à un climat où l’on entend quotidiennement des choses absolument inacceptables pour des gamins de quinze ou seize ans. C’est irracontable. Il faut que vous lisiez les récits des témoins, quand c’est possible. On comprend tout de suite que l’entraîneur a organisé un environnement pervers.

À partir de là, tout peut se passer. Le processus d’escalade peut mener jusqu’aux choses les plus abominables – et elles ont eu lieu. Vous n’avez qu’à demander aux personnes que vous avez entendues ce matin et qui n’ont pas tout dit.

Mais l’entraîneur ne se salit pas les mains ; il manage la violence. Et quand quelqu’un ose parler ou porter plainte, c’est magique : il fait faire une liste de soutien et il obtient celui d’environ 80 % de son entourage. En général, cela met complètement l’enquête à plat et il ne se passe plus rien.

Cette stratégie a également été utilisée pour des cadres nationaux de la fédération à la suite d’incidents. Je peux me tromper, mais je pense que le service juridique ou l’ancienne fédération avait dit aux entraîneurs en difficulté de recourir à la liste de soutien. C’est ainsi que des cadres nationaux, voire des membres de la direction technique, écrivent parfois une lettre de soutien en faveur de l’agresseur présumé sans même avoir pris le temps de se renseigner sur le contenu du dossier. C’est un point qu’il faut signaler en ce qui concerne la clarification de la nature des faits.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Avez-vous des affaires en tête ?

M. Patrick Roux. Je pourrai vous transmettre les informations, mais il faut tenir compte du fait que certaines procédures judiciaires sont en cours.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous propose de regrouper les thématiques 3 et 4, qui concernent, d’une part, l’omerta et, d’autre part, les incohérences des enquêtes administratives, le recueil de la parole des victimes et la confidentialité.

Je souhaiterais que nous puissions entendre le témoignage de parents, mais il semble que nous n’ayons pas de liaison avec M. et Mme Jégo.

M. Patrick Roux. Ce que nous a raconté tout à l’heure Karine Repérant illustre comment l’omerta peut apparaître. À cet égard, le monde sportif dans son ensemble – et pas seulement les fédérations – a de quoi faire son introspection. À la suite du groupe de parole que Mme Repérant a organisé, la DRAJES de Paca a mené, en 2011 et en 2012, une enquête qui a révélé des faits, dont certains que je ne connaissais pas, tels que lécher une lèvre qui saigne après avoir provoqué le saignement. Toutefois, il semble que les informations fournies reposent uniquement sur les dires des entraîneurs, présumés de bonne foi. Je ne pense pas que les victimes aient été auditionnées. Je m’interroge même fortement sur une personne qui prend la parole dans ce rapport : demander à quelqu’un qui traîne des casseroles de témoigner ou d’être conciliateur me paraît totalement incohérent !

Un ex-membre du comité directeur de la fédération entre 1992 et 2000 – peut-être est-il en ligne ? – m’a dit qu’il y a eu des affaires de pédophilie à toutes les époques. Quand cela se produisait, il m’a dit que seules deux ou trois personnes étaient au courant qui réglaient l’affaire entre elles et le comité directeur apprenait simplement que l’affaire avait été réglée ; cela faisait l’objet d’une ligne au procès-verbal. J’en ai déduit que, pour trouver les sources de l’omerta, il faut remonter aux années 1970. Dans le Landerneau, on a entendu des choses absolument sidérantes.

C’est un problème aux racines profondes qui ne peut pas être résolu par les petites mains du sport, éducateurs ou conseillers techniques sportifs, ni même les élus dirigeants ; seul l’État le peut. C’est un peu comme un millefeuille : certaines affaires ont eu lieu il y a quarante ou cinquante ans mais sont toujours prégnantes ; les gens le savent, les hauts dirigeants en connaissent l’existence, et on peut supposer qu’ils n’interviennent pas sur des affaires récentes parce que les agresseurs présumés pourraient détenir des dossiers susceptibles de les inquiéter. Les instances sont parfois en place depuis fort longtemps. Dans certaines fédérations, comme le judo et les sports de glace, certains présidents restent aux manettes trente ans après avoir été DTN (directeur technique national) pendant une dizaine d’années ; ils tiennent la fédération pendant quelque quarante ans.

Le millefeuille, c’est l’accumulation de choses incroyables et de mauvaises habitudes prises depuis des décennies. On passe l’éponge sur de petites choses, puis, lorsque surviennent des faits beaucoup plus graves, on ne peut plus rien dire : si on tire un fil, toute la pelote va venir. Là, on vous balance tout : « attention à l’image de la fédération », « il ne faut pas cracher dans la soupe », « attention à ne pas nuire à l’économie des licences, qui représentent 70 % du budget », la primauté des Jeux olympiques et des médailles. Ces éléments de langage n’ont pas changé. Tout cela engendre l’omerta.

Les victimes réagissent mal, généralement ; elles ne suivent pas la bonne procédure. Très souvent, leur première réaction, c’est de porter plainte auprès de la ligue – comme si Sarah Abitbol, à l’époque où elle était agressée sexuellement, avait couru dire au président de sa fédération qu’il y avait peut-être des agressions sexuelles dans le patinage. J’ai fait la même chose pour le judo : lorsque j’ai eu connaissance des premières informations, je suis allé voir la direction de la fédération. J’étais complètement naïf ; je ne pensais pas une seconde que cela allait se retourner contre moi. D’où ma sidération.

Aujourd’hui, c’est différent, mais l’autre problème, il y a quinze ou vingt ans, c’était que les signalements et témoignages adressés aux services déconcentrés du ministère des sports – à l’époque, les DRDJSCS, devenues les DRAJES –, donnaient lieu à nombre d’irrégularités. D’une part, le passé d’entraîneur de nombreux conseillers d’animation ou d’administration sportive qui pose question quant à l’objectivité des enquêtes et la circulation de l’information. D’autre part, parce qu’une fois les informations délivrées à la DRAJES, il ne se passait pas grand-chose, au point qu’avec le recul, on peut vraiment s’interroger sur l’indépendance des enquêtes. Un collègue me confiait récemment que pour une histoire d’attribution de salle, un président de club avait un courrier de la mairie puis, après un coup de téléphone, la salle a été donnée à une autre association. C’est bien qu’il n’y a pas d’étanchéité entre les instances départementales du ministère des sports et le monde politique. Nous recevons beaucoup d’éléments qui signalent cela.

Je suis allé voir des députés, dans différentes régions. Plusieurs m’ont dit être très au courant de ce qui se passait – l’un d’eux avait peut-être plus d’informations que moi sur un dossier. Que vont-ils faire ? Vont-ils apporter leur contribution ? Trois ans après que l’affaire Sarah Abitbol a éclaté, j’espère que tout le monde a entendu que ce dont nous parlons là est potentiellement un sacré scandale. On a l’impression qu’on joue avec le temps pour lisser le scandale, le laisser s’étioler jusqu’à ce que les gens soient fatigués – ceux qui témoignent ce matin racontent ces histoires depuis dix ou vingt ans ; cette audition est un peu celle de la dernière chance. Notre association s’efforce de rester en contact avec les victimes et les témoins pour entretenir l’espoir que les procédures vont aboutir.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pour répondre à votre question, les députés travaillent dans le cadre de cette commission d’enquête. Ils sont trente à s’y être inscrits, et si nous ne sommes pas très nombreux dans cette salle, c’est que la rentrée parlementaire n’aura lieu que le 25 septembre, ce qui ne les empêche pas de suivre à distance nos réunions.

(M. Cédric Hilarion prête serment.)

M. Cédric Hilarion, ancien judoka du Dojo nantais, professeur de judo. Je reviens sur le mécanisme qui a été évoqué, consistant pour les entraîneurs à utiliser des élèves afin qu’ils exercent sur d’autres une influence ou fassent preuve de maltraitance et de violence contre eux. Il m’est difficile de prendre la parole, car je fais partie des personnes qui ont été à la fois victimes et bourreaux par le biais de ce mécanisme pervers. L’entraîneur responsable de cette pratique a déjà été cité ici par trois personnes. Je l’ai rencontré alors qu’il était entraîneur de la section sportive régionale de Nantes – aujourd’hui, le pôle Espoirs Pays de la Loire. Je quittais un milieu familial compliqué, sans véritable repère paternel, et cet entraîneur m’a immédiatement subjugué. J’ai été sous son emprise dès que je l’ai vu et jusqu’à ce que j’entame, il y a huit ans, une psychothérapie pour identifier certaines déviances dans lesquelles je suis tombé et mettre de la distance avec cette personne très nuisible et très dangereuse. Cet entraîneur nous instrumentalisait. Il demandait aux fortes personnalités du club, qui, bien que ne faisant plus partie du pôle Espoirs, participaient aux entraînements en tant qu’athlètes de haut niveau, d’être très dures avec les athlètes du pôle, de les marquer psychologiquement pour faire naître chez eux un sentiment de crainte à l’égard du club.

J’ai entendu beaucoup de témoignages concernant des jeunes filles, des jeunes femmes ou des athlètes masculins mineurs, mais j’ai moi-même été victime d’une agression sexuelle alors que j’étais majeur, à vingt-deux ans, et que j’avais la réputation d’avoir un fort caractère et de ne pas me laisser faire. Lors d’un déplacement pour une compétition, alors que j’étais très fatigué, étant au régime car devant perdre du poids pour le lendemain, je me suis battu pendant plus d’une heure avec ce même entraîneur pour l’empêcher de m’introduire une fève de cacao dans l’anus. Au cours de cette bagarre, il m’a mordu le sexe à trois reprises. Cela a été d’une violence extrême mais le plus terrible, c’est que la semaine suivante, cette histoire avait fait le tour des vestiaires et avait été reléguée au rang de blague, une anecdote de vestiaire sur un moyen d’endurcir une personne et de renforcer la cohésion du groupe. On nous faisait croire que c’était normal, que, pour être fort au judo, il fallait un mental d’acier, solide à toute épreuve ; que, si on faisait corps, rien ne pouvait nous arriver. En revanche, si on arrêtait, on était seul. Parce que nous étions victimes de mécanismes d’isolement. L’entraîneur était un prédateur. Il savait quelles personnes il pouvait manipuler et abuser, par exemple les jeunes adultes ou les adolescents dont les parents étaient éloignés ou qui avaient des repères familiaux fragiles.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci beaucoup pour ce témoignage important. Les victimes que nous avons entendues étaient souvent, à l’époque des faits, des jeunes filles mineures. Les faits que vous relatez montrent que le phénomène est beaucoup plus large. Alors que beaucoup d’adultes, entraîneurs et personnes travaillant au sein de votre club, ont eu connaissance de votre agression, vous nous confirmez qu’il n’y a eu aucun signalement, que ce soit auprès du club, de la fédération ou de la justice ?

M. Cédric Hilarion. En effet. Dans la mesure où j’étais majeur, c’était à moi de le faire. Ce qui rendait mon cas complexe, c’est que j’ai été le « kapo », l’exécutant de l’entraîneur, et très proche de lui pendant longtemps. Et même après l’épisode de la fève de cacao dans l’anus, d’autres faits beaucoup plus graves ont certainement été sus et tus.

Mme Marie-Laurence Urvoy. J’étais présente lorsque les faits décrits par Alexandre Vel ont été commis – il s’agissait d’une personne très timide. J’étais dans le même club qu’Alexandre et le précédent intervenant, et la réalité n’était pas celle que celui-ci a donnée. Le club s’apparentait effectivement à une secte – on devait appeler l’entraîneur « Dieu ». Il n’y avait que des adolescents, et ce qui se passait entre nous était à la limite du concevable et de la légalité. Mais lorsque des personnes, connues pour avoir commis des actes de maltraitance, sont arrivées dans le club, des faits de bizutage et des agressions sexuelles se sont produits – un élève a quitté l’école après avoir subi l’introduction d’une brosse à dents dans les fesses. Il a été confirmé que des personnes de l’extérieur sont venues dans ce club en raison de ces « qualités » et non pour leur judo, et la situation a empiré. Je veux bien entendre que certains aient été sous emprise, mais d’autres étaient majeurs et parfaitement conscients. On l’est quand on passe toute la nuit à dire à une jeune fille de seize ans « viens dans mon lit, sinon tu vas voir ce qu’il va t’arriver », et qu’on choisit de le faire en l’absence de l’entraîneur ou de sa propre petite amie. Les victimes n’ont pas pu être entendues parce qu’il y a eu trop de choses comme cela.

Le club a basculé à partir de 2001, lorsque ces personnes, avec des talents d’agresseur, sont arrivées. C’est alors que j’ai été victime d’agressions sexuelles. Je n’ai pas pu en parler à mon entraîneur – qui figure parmi vos témoins –, bien que j’aie voulu le faire des milliards de fois, parce que ces personnes m’ont menacée, ont appelé l’entraîneur et m’ont fait vivre un calvaire. Je veux bien entendre le mea culpa des agresseurs, mais parfois ils étaient pires que le bourreau initial.

Si on veut lutter contre cela, il faut écouter.

Les auteurs de tout cela étaient bien des membres du club, mais pas des athlètes performants. Ceux qui performaient ont dû arrêter le judo, car ils étaient constamment agressés par les autres. On m’a tapé dessus pendant des heures pour avoir mal répondu ; j’ai été punie pendant des semaines parce que j’avais pris du poids – on m’appelait « la grosse », « la truie ». J’ai vécu les mêmes choses qu’Alexandre Vel : on me faisait tomber en dehors du tapis, on me mordait… Avant que les personnes les plus dangereuses entrent au club, on pratiquait les « salades » : des chatouilles ou des moqueries. Les agresseurs, eux, mordaient les organes sexuels. J’ai vu Alexandre se prendre une « béquille » et être bloqué à ne plus pouvoir faire de judo pendant trois semaines.

Je ne prendrai pas la défense de mon entraîneur, mais je ne veux pas que la pierre soit jetée seulement sur lui : il s’agit d’un mécanisme d’ensemble. Des gens, qui étaient aux commandes de la fédération ou des instances régionales, étaient présents et m’ont punie. On était frappé à l’occasion des compétitions officielles. Je me suis pris des gifles devant témoins. Cette violence était donc visible, et elle était alimentée et parfois amplifiée par des membres du club. Je sais bien qu’avant de l’être soi-même, un agresseur a été victime, mais je n’accepterai pas que l’un de mes agresseurs parle uniquement de mon entraîneur.

(Mme Alexandra Soriano prête serment.)

Mme Alexandra Soriano, ancienne judoka, éducatrice spécialisée dans l’aide sociale à l’enfance, membre de l’association Artemis Sport. J’ai été victime, témoin et lanceuse d’alerte. Je suis actuellement élue au sein de la Fédération française de judo. Je suis professeure de judo et éducatrice spécialisée à l’aide sociale à l’enfance. Sans connaître tous les intervenants, j’ai reconnu tous les entraîneurs qu’ils ont cités dans leurs témoignages. C’est bien que ces histoires sont de notoriété publique dans le monde du judo, mais que, pour autant, il ne s’est pas passé grand-chose jusqu’à aujourd’hui.

S’agissant de l’omerta, je ne peux pas entendre que les dirigeants nationaux n’étaient pas informés. À l’occasion d’un stage national de professeurs de judo, en 2006, j’ai eu un entretien avec le président de la fédération, qui m’a reçue dans sa chambre ! Les choses se sont passées correctement mais il fallait que la discussion ait lieu à l’écart de tous. Il n’était pas aisé, dans ce contexte, d’évoquer les violences et les faits dont j’avais été témoin adolescente. L’entretien, d’une durée de deux heures, a été biaisé du début à la fin. Je n’ai pas pu m’exprimer. Le président me posait des questions très précises sur des affaires qui, soit ne concernaient pas ma structure, soit ne se sont pas produites au moment où j’y étais. Lorsque j’ai voulu parler des humiliations publiques, des violences physiques, du harcèlement, du bizutage, il a rapidement coupé court. Selon lui, j’étais trop jeune pour comprendre que certains actes étaient accomplis pour forger un mental. Il a conclu en disant qu’on n’en parlerait plus et que ça s’arrêterait là.

S’agissant des incohérences, j’en vois plusieurs, certainement en raison de ma profession. La première est de confier ce type d’enquête aux directions régionales (DR). C’est rester dans le milieu du sport, où tout le monde se connaît. Plusieurs cadres techniques mis en cause ont même été reclassés dans ces directions régionales. Autant dire que cela reviendrait à dénoncer des faits auprès des bourreaux ou de personnes qui ont cautionné leurs agissements ou participé à l’omerta.

Une deuxième incohérence réside dans le délai de prescription. La loi est ainsi faite, et c’est à ce niveau qu’il faut intervenir. En revanche, on a vu des évolutions pour ce qui relève du viol, pour lequel les délais ont été étendus à trente ans après la majorité de la victime.

Les jeunes entrent dans les pôles Espoirs à quinze ans, parfois même à treize ou quatorze ans. Il ne leur est pas toujours facile de dénoncer des adultes qui ont un ascendant, voire une emprise sur eux, des gens qu’ils respectent parce qu’ils ont un grade – notion très importante dans le judo. Je me demande donc pourquoi le délai de prescription court à partir de la date des faits, et non de la majorité du jeune. Il est très court : non seulement les violences physiques ou psychologiques, comme l’humiliation, sont difficiles à prouver, mais elles demandent du recul et, surtout, d’être sorti des griffes de l’agresseur.

Autre incohérence, le ministère a créé une cellule spécifique pour les signalements de violences dans le sport. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas le faire, mais je m’interroge sur les raisons pour lesquelles on traiterait celles-ci différemment des violences commises ailleurs dans la société. Quiconque veut signaler un enfant victime de violences dans le cadre intrafamilial contacte le 119 ; les évaluations sont menées par des travailleurs sociaux ou, en fonction des faits, le dossier est transmis directement au procureur de la République. J’ai l’impression que cette cellule supplémentaire participe à diluer la masse des signalements, d’autant que les personnes qui les traitent ne sont pas nécessairement formées. Surtout, tout le monde se connaît, et avoir à parler à un collègue de travail, finalement, de ce qui leur est arrivé peut constituer un frein pour les victimes.

Je constate une dernière incohérence, cette fois en tant que membre de la commission Violences de la Fédération française de judo : certains signalements que nous recevons sont traités dans le cadre administratif et d’autres, dans le cadre fédéral, par l’intermédiaire de nos commissions de discipline, qui sont indépendantes. Celles-ci demandent des témoignages écrits ou invitent les personnes à se présenter ; c’est parole contre parole. Sous couvert de la présomption d’innocence, finalement, c’est à la victime d’apporter des preuves. Or ce n’est pas si simple. Les violences, y compris sexuelles, sont difficiles à prouver – comment le faire s’agissant d’une fellation imposée ? Souvent, un non-lieu est prononcé, car les éléments de preuve sont insuffisants. Nous les transmettons évidemment à la justice mais, au niveau fédéral, il ne se passe rien. La commission de discipline est souvent incompétente pour traiter ces questions, d’autant qu’elle ne réalise pas d’évaluation élargie.

Dans le judo, les mêmes noms reviennent souvent. Si on élargissait les évaluations, lorsqu’une même personne est citée vingt fois, dans des régions différentes, pour des faits similaires, plutôt que de s’interroger sur la véracité de ces faits, on devrait se demander s’il ne conviendrait pas d’agir. Trop souvent, on est contraint par les services juridiques, qui appliquent des lois mais ne réalisent pas une évaluation globale, systémique, des situations.

Il faut réfléchir à ces incohérences. Il y a des choses à faire, parfois toutes simples, pour éviter des dérives. Par exemple, lever le huis clos dans lequel se déroulent de nombreux entraînements et stages pour les sportifs de haut niveau : la présence d’un public est dissuasive.

Trop souvent, les parents et les enseignants des clubs sont totalement écartés de la vie du sportif dès que celui-ci entre dans des structures de haut niveau. Il faut changer cela, car ce sont des garde-fous que l’on perd.

La situation dérape souvent au cours des stages. L’entraîneur est omniprésent, vingt-quatre heures sur vingt-quatre : il est avec vous à l’entraînement, il mange avec vous, il dort avec vous, parfois dans la chambre de certains sportifs. C’est toute une équipe d’encadrement qu’il faudrait, une équipe mixte, de sorte que si l’un de ses membres commence à dériver, ses collègues puissent le rappeler à l’ordre. Outre qu’on n’a pas besoin d’un diplôme d’État supérieur (DES) pour surveiller les dortoirs, le fait que l’entraîneur travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre soulève un autre problème au regard de l’encadrement de mineurs.

On n’arrivera pas à éradiquer les violences si l’on reste dans le huis clos et l’entre-soi. Confier les enquêtes administratives aux directions régionales n’est pas une bonne idée, à moins de créer des cellules spécifiques, avec des équipes pluridisciplinaires comprenant des travailleurs sociaux, des psychologues, etc.

De ce que j’ai vécu et de tous les témoignages que nous avons recueillis, je retire que la faute n’est pas seulement celle des agresseurs, mais aussi celle des autres éducateurs sportifs et de tous les adultes qui étaient présents. Lorsque des agressions se produisaient devant tout le monde, ces personnes-là étaient les premières à en rire. Celles qui voulaient les dénoncer étaient évincées ; il valait donc mieux faire alliance avec les agresseurs. Je considère ces personnes comme des complices de toutes les violences que nous avons subies.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci pour votre témoignage et vos propositions, que je partage totalement puisque nous travaillons sur les défaillances qui conduisent à la pérennisation de ce système. Nous avons demandé à plusieurs reprises si les dirigeants avaient effectué des signalements ou remonté des faits à la justice : quand on n’agit pas face à des violences ou des agressions sexuelles, on devient complice.

Selon vous, existait-il des critères pour déterminer quels signalements seraient traités par les services administratifs ou par les cadres de la fédération ?

Mme Alexandra Soriano. Je ne peux pas répondre pour la période pendant laquelle j’étais athlète. La certitude, c’est que les gens se connaissaient : ils savaient de qui on parlait.

Au sein de la fédération, une commission a été récemment créée pour réfléchir à cette question. La fédération de judo envoie systématiquement une copie de tous les signalements au ministère, par l’intermédiaire de Signal-sports, ou au tribunal compétent pour des faits graves, comme des agressions sexuelles. Je ne suis pas certaine qu’elle le faisait auparavant, car la plupart des personnes qui avaient déposé une plainte auprès de la gendarmerie ou des instances fédérales n’ont jamais eu de retour. Pour les rares qui ont pu rencontrer quelqu’un, il s’agissait de personnes qui connaissaient l’entraîneur. Dans le milieu du sport, tout le monde se connaît. Même si la personne n’est pas issue de la discipline concernée, les CTS sont des cadres d’État, collègues de travail des membres des DR.

M. Yacine Ghediri. Mme Soriano a évoqué la pression concernant les grades. Je suis ceinture noire, quatrième dan, et mon souhait était d’aller le plus loin possible dans les grades ainsi que dans l’arbitrage – j’ai été arbitre national et commissaire sportif national. On nous fait clairement comprendre que selon qu’on intervient ou pas à propos de ce qui se fait, le chemin peut être long et difficile. Une vie de sportif de haut niveau l’est déjà ; elle peut être raccourcie par des blessures ou par des personnes qui nous veulent du mal, ayant peut-être quelqu’un à faire passer devant nous. Vous devez entendre, et la Fédération française de judo aussi, qu’il faudra faire le tri, car ces personnes sont encore là.

En intervenant aujourd’hui, je fais peut-être une croix sur un, deux ou trois grades, comme j’ai déjà fait une croix sur ma carrière d’arbitre international et sur une sélection aux Jeux olympiques. Je n’avais pas le mental nécessaire, car j’ai été cassé dès ma jeunesse. Actuellement, je fais une croix sur beaucoup de choses pour mes élèves, dont je suis le premier contact avant la compétition.

Il faut que l’on arrive à faire un tri avec tous ces présumés innocents. Lorsque l’on a cinq, six, dix ou vingt dossiers sur une personne et que celle-ci est toujours présente au niveau national, clairement, il faut faire le nécessaire pour protéger nos gamins et les collègues de travail de ces personnes.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous sommes d’accord avec vous, monsieur Ghediri, mais j’ai l’impression que vous n’avez pas tout dit. Pour vous écouter, vous entendre et vous accompagner, nous avons besoin d’éléments concrets. Je vous propose de nous transmettre par écrit les noms et coordonnées de ces personnes, pour apporter votre témoignage jusqu’au bout.

M. Yacine Ghediri. Je le ferai.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous prolongeons l’audition au-delà des trois heures initialement prévues et abordons le cinquième thème : les choses ont-elles changé depuis la création du dispositif Signal-sports et comment évolue la situation ?

M. Patrick Roux. Je pourrai vous transmettre dix noms de cadres – entraîneurs, kinésithérapeutes, psychologues, et même un dirigeant élu – qui ont perdu leur place parce qu’ils avaient eu le courage de refuser de cautionner ces choses-là. Ce choix n’a pas été sans conséquence : certains ont fait des dépressions car, à trente ou quarante ans, ils étaient en pleine ascension professionnelle et vivaient leur passion.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Citons les noms des victimes, mais aussi ceux des bourreaux.

M. Patrick Roux. Vous aurez tout.

S’agissant du cinquième point, j’ai le sentiment que, dans la foulée des révélations de Sarah Abitbol, des efforts importants ont été consentis par le ministère, avec notamment la création de Signal-sports. Une vraie dynamique s’est engagée et de nombreuses victimes se sont senties encouragées à parler. Cela n’est certes pas négligeable, mais, à titre personnel, cela ne me satisfait pas.

En effet, l’année 2020, c’est le moment où sortent les révélations de Sarah Abitbol et où nous recueillons un grand nombre de témoignages et de signalements. C’est aussi l’année de l’arrivée d’un nouveau président à la tête de la fédération. Dès son élection, je suis allé le voir pour lui donner mon dossier, le convaincre qu’il s’agissait de la priorité des priorités, l’inciter à prendre le taureau par les cornes et toutes les initiatives – interroger les gens, organiser des réunions, faire de l’analyse de pratiques, faire venir les victimes, bref, ce que nous faisons aujourd’hui.

C’était à l’Insep, le nouveau directeur général (DG) de la fédération était aussi présent. Il m’a fallu cinq minutes pour comprendre que cela ne se passerait pas ainsi. La fédération s’est mise à la remorque du ministère : ils ont créé une commission ; un système pour recueillir les signalements – une sorte de Signal-sports au niveau fédéral ; un comité d’éthique ; une commission de lutte contre les violences qui, pendant deux ans, a essentiellement fait des posters. Et nous étions là, avec tous nos dossiers et les témoignages des victimes : nous ne pouvions qu’approuver les rappels à la morale, à la déontologie, à l’éthique, mais ce n’était pas ce qui résoudrait les problèmes. Les gens continueraient d’être au contact de leurs agresseurs présumés et les choses abominables continueraient de se passer. Très engagé, j’ai insisté : j’ai rencontré les membres du comité exécutif, je leur ai écrit, j’ai maintenu la pression.

Au ministère des sports, il nous a fallu un an et demi à deux ans pour faire comprendre ce que nous avons dit ce matin. Au départ, nos interlocuteurs semblaient n’entendre que les violences et les agressions sexuelles. Nous avons dû préciser que 80 % à 90 % des violences signalées étaient d’une autre nature, mais qu’elles causaient des dégâts post-traumatiques aussi importants. Il a fallu presque deux ans pour que le ministère commence à reprendre nos éléments de langage. Récemment, en entendant certains discours, nous avons compris qu’ils avaient acté la nécessité de s’occuper de toutes les violences. C’était une bataille importante à mener.

À partir de ce moment, le ministère semble avoir accentué la pression sur les fédérations, avec davantage de contrôles, et l’attitude de la fédération de judo a changé à notre égard. Nous reconnaissons le travail de prévention qu’elle réalise, notamment des actions d’information et de sensibilisation de leurs cadres, mais beaucoup de choses devraient être faites, qui ne le sont pas. Nous avons toujours droit aux mêmes éléments de langage : on ne va pas poursuivre des gens qui sont proches de la retraite ; on ne peut pas regarder le passé avec les yeux d’aujourd’hui ; il ne faut pas nuire à l’image du judo à l’approche des Jeux olympiques ni abîmer l’économie de la licence. Cela ne me satisfait pas du tout. On parle d’exactions très graves sur des enfants mineurs. L’intensité de la réponse n’est pas encore là.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Madame Capron, pouvez-vous présenter vos propositions ? Le dispositif Signal-sports fonctionne-t-il ?

(Mme Anne Capron prête serment.)

Mme Anne Capron, ancienne entraîneuse nationale de natation synchronisée, cheffe de projet formation des cadres à l’Insep. Je ne dispose pas des informations permettant d’affirmer que le dispositif fonctionne. J’ai de nombreux échanges avec Patrick Roux sur la cellule Signal-sports. J’ai moi-même invité des collègues menacées à effectuer des signalements – elles ne l’ont pas fait parce qu’elles étaient terrorisées.

Mon champ d’intervention est la formation, qui paraîtra peut-être une goutte d’eau compte tenu de l’ampleur des exactions signalées. Elle nécessiterait un important travail pluridisciplinaire avec le mouvement sportif, les services de la protection de l’enfance, de la santé, de l’éducation et les associations.

Les actions de prévention auprès des athlètes, des entraîneurs, des parents, des directions techniques nationales et des élus ne font que commencer. Elles devraient être obligatoires pour les majeurs, comme elles le sont, à l’Insep, pour les mineurs. Il s’agit de créer des groupes de parole, afin de mieux outiller les athlètes, et ce, dès l’enfance.

Les diplômes jeunesse et sport, notamment la formation initiale des brevets professionnels, présentent des manques importants dans les contenus, s’agissant notamment des stades de développement psychomoteur de l’enfant. En tant qu’ancienne certificatrice de ces diplômes, je peux affirmer que, souvent, ces contenus sont acquis de manière superficielle. Certaines fédérations ont fait un gros travail sur ces sujets, mais je ne sais pas si tous les animateurs sportifs sont concernés.

Le diplôme d’État (DE) et le diplôme d’État supérieur (DES), dont les titulaires interviennent dans les pôles espoirs et dans toutes les structures permettant d’accéder au haut niveau, abordent le sujet des violences dans le sport de manière balbutiante : nous préconisons de le rendre obligatoire.

On l’a bien vu ce matin, il y a un choc de cultures : d’un côté, un gros chêne, enraciné dans la dureté, l’intransigeance, l’éducation à l’obéissance, à l’abnégation et à la soumission ; de l’autre, une forêt naissante, où de nombreux acteurs travaillent sur un autre modèle de performance, fondé sur le bien-être, l’épanouissement et la pédagogie des apprentissages. Ce travail avance mais, selon un collègue, beaucoup estiment que la bienveillance ne suffit pas pour atteindre la performance. Les entraîneurs ne sont reconnus que pour leurs compétences techniques et leurs résultats, non parce qu’ils sont de bons pédagogues, qui privilégient l’épanouissement des enfants et des jeunes.

De même, l’attribution des subventions aux fédérations ne dépend que des résultats sportifs. On pourrait imaginer qu’elles soient conditionnées aux compétences de pédagogie et de valorisation du bien-être des enfants. Un tel changement serait d’ordre culturel et nécessiterait de faire évoluer une culture très ancienne.

Cette culture ne connaît pas non plus la notion de recyclage comme elle existe au Canada, en particulier. Parmi les éducateurs en poste depuis de nombreuses années, il y en a d’excellents, mais des mises à jour devraient être obligatoires pour tous ceux qui ont obtenu leurs diplômes il y a longtemps.

Pour toutes les raisons qui ont été évoquées, l’atteinte de la performance est à risque. Elle devrait être encadrée rigoureusement et associée aux notions d’épanouissement, de bien-être, de respect de l’intégrité physique et morale des jeunes, qui doivent être soutenues par la direction technique et par le président. Pour que cela fonctionne, c’est toute l’échelle hiérarchique qui doit s’impliquer, pas seulement quelques individus. Depuis 2009, l’Insep a instauré des programmes de formation continue portant sur la pédagogie, l’écoute, la déconstruction des représentations ou l’accès à la connaissance de son fonctionnement. Les personnes qui les suivent n’y sont pas contraintes. Il n’y a pas suffisamment de relais au niveau des directions techniques pour imposer un système de formation.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous dites avoir incité certaines de vos collègues à prendre la parole et à dénoncer des faits. De quels collègues parlez-vous précisément ? Vous avez dit aussi qu’elles étaient terrorisées : par qui ?

Mme Anne Capron. Je ne citerai évidemment pas de noms.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous pouvez nous les transmettre par écrit.

Mme Anne Capron. Oui. Elles étaient terrorisées par les personnes de leur fédération, qui les avaient déjà évincées du système.

(Mme Véronique Leseur prête serment.)

Mme Véronique Leseur, directrice du pôle formation de l’Insep. Je suis la responsable du pôle Formation continue à l’Insep. Sur la question de la performance et de sa dimension humaine, les choses ont commencé à bouger en 2009. C’était une volonté ministérielle et la direction générale de l’Insep s’est aussitôt emparée de cette question en créant des formations certificatives : il lui importait d’être un maillon de la chaîne et de contribuer au changement.

J’ai la chance d’avoir comme collaborateurs Patrick Roux, Anne Capron et Léonore Perrus et d’autres formateurs issus du sport de haut niveau. Parce qu’ils ont conscience de tout ce qui peut se passer dans l’entraînement et la performance de haut niveau, ils contribuent à faire évoluer les choses depuis des années, en matière de formation continue. Le problème, c’est que notre périmètre d’intervention, celui de la performance et du haut niveau, est très limité. Nous ne touchons pas les autres acteurs du sport, notamment les entraîneurs qui sont en club.

En outre, la formation est un droit et non une obligation, si bien que l’on ne touche même pas l’intégralité de notre public, déjà très restreint. Le volontariat, c’est la garantie d’avoir des gens motivés et pleins d’entrain, et c’est formidable. Si l’on crée une obligation, on change forcément de registre. Il me semble néanmoins que rendre la formation obligatoire permettrait une prise de conscience beaucoup plus massive.

L’Agence nationale du sport, dans le cadre du plan Coachs 2024, a obligé les entraîneurs olympiques à assister à des séminaires de formation. Cette obligation a eu des effets positifs puisque certains d’entre eux ont envie de poursuivre l’aventure et d’être accompagnés pour être plus performants – au sens de la performance humaine. Une contrainte peut donc avoir de bons effets dans la durée.

À l’Insep, nous continuons d’avancer sur ces questions. Nous avons créé, au sein de notre pôle, un groupe de travail sur les violences dans le sport, afin de faire évoluer les formations initiale et continue. Pour l’instant, nous n’avons vraiment de prise que sur les formations dispensées à l’Insep, mais nous essayons d’élargir notre influence. L’école des cadres du sport a vu le jour il y a deux ans et lorsque nous travaillons avec sa direction au ministère, nous sommes une vraie force de proposition, puisque l’offre de formation de l’Insep au programme national de formation est très importante. Ce qu’il faudrait, c’est que cette offre, qui ne concerne pour l’heure que le haut niveau, soit déclinée à l’échelle territoriale par d’autres opérateurs publics pour toucher tous les entraîneurs.

Nous ne sommes qu’un maillon de la chaîne. Or ce qu’il faut, c’est une révolution systémique, qui ne concerne pas que les entraîneurs, mais l’ensemble de l’encadrement, le staff, les élus et les parents. Il faut faire un travail d’acculturation auprès des parents : il faut qu’ils comprennent qu’ils ont leur place dans ce système et un rôle à jouer auprès de leur enfant. Pour qu’un sportif devienne un athlète de haut niveau, il doit être soutenu par ses parents. Je n’ai pas de proposition précise à vous faire, mais une révolution systémique s’impose. Cibler les entraîneurs ne suffira pas.

Mme Myriam Wendling. De mon point de vue, ce type d’enseignement devrait avoir un caractère obligatoire, en formation initiale comme en formation continue. Un gros travail de formation et de sensibilisation des entraîneurs doit être fait. Il faut leur rappeler les limites de la loi et leur faire comprendre les risques administratifs et pénaux qu’ils prennent en employant des méthodes inacceptables, mais aussi leur donner un guide des bonnes pratiques pour les aider à adopter de bons comportements.

Il faut également sensibiliser les athlètes aux différentes formes de violence et leur dire ce qu’ils peuvent, ou non, accepter. Il faut enfin, cela a été dit, former et sensibiliser les parents, pour qu’ils comprennent ce qui peut se passer dans le monde du sport et qu’ils soient à l’écoute. Aujourd’hui encore, c’est le règne de l’omerta et j’ai constaté, en tant que mère, que les parents n’ont pas le droit d’intervenir. Le projet de haut niveau est défini par l’athlète et l’entraîneur, et les parents ne sont pas consultés. S’ils interviennent, cela a des conséquences sur l’athlète.

S’agissant, enfin, des enquêtes administratives, j’ai eu la chance de tomber sur une personne qui avait été sensibilisée aux violences psychologiques et qui m’a aidée à aller au bout de la procédure, mais tout le monde n’est pas aussi bien formé. Tout le monde ne se sent pas forcément capable de mener des enquêtes administratives pouvant aboutir à des décisions très lourdes. Il faut former les gens qui vont être amenés à réaliser ces enquêtes pour qu’ils aient les compétences nécessaires et qu’ils soient capables d’écouter les victimes et les personnes mises en cause.

M. Patrick Roux. Pour conclure, je dirais que le sujet mériterait au moins trois heures de plus…

Notre métier, c’est la formation des entraîneurs : nous sommes dans le disque dur. Les codes de morale, les chartes éthiques, c’est utile, mais ce qui est absolument essentiel, c’est d’investir dans la formation des entraîneurs en amont de tout cela.

La plupart du temps, quand une fédération n’a plus d’entraîneur dans une structure du type pôle Espoirs, elle prend le premier qui se présente et, dans bien des cas, cette personne n’a pas été formée pour s’occuper de jeunes de cette tranche d’âge – celle, précisément, qui est la plus touchée par les violences.

Il faut réfléchir à la manière d’articuler beaucoup plus étroitement, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons, les lois relatives à la protection de l’enfance et celles relatives au sport. En Angleterre, où j’ai vécu, je suis arrivé avec mon comportement d’entraîneur français : il m’est arrivé de plaisanter ou de bousculer un peu un athlète. À chaque fois, quelqu’un m’a attrapé par le kimono pour me dire qu’en Angleterre, ça ne se fait pas. Là-bas, il est impossible de toucher un sportif ou de mimer certains gestes, même pour rire.

Dans la législation sur le sport, il y a le projet de performance fédérale, mais pas l’équivalent du Long Term Athlete Development (LTAD), cet outil créé par les Canadiens dans les années 1990 qui balise, étape par étape, le parcours de formation des jeunes athlètes, depuis le club jusqu’au très haut niveau, et au-delà. Il ne s’agit pas de formater, mais de donner des recommandations d’usage, étayées par des connaissances en physiologie, en psychopédagogie et dans toutes les disciplines qu’Anne Capron vient d’évoquer. On sait, par exemple, que mettre trop de pression à des enfants avant le pic pubertaire ne sert à rien et risque même d’entraîner un burn-out. Il faudrait intégrer toutes ces données dans la législation relative au sport, ce qui suppose un travail de fond et la consultation des spécialistes de la question : je pense au chercheur Sébastien Ratel, qui a travaillé sur les étapes de la formation sportive, en lien avec la croissance de l’enfant.

Il est également essentiel de fixer des règles. On l’a dit toute la matinée, dans le sport, il y a des lignes jaunes et de lignes rouges, mais on ne les distingue pas toujours très bien. Il faut repenser l’ensemble du système, en articulant les lois relatives à la protection de l’enfance et la définition précise d’un parcours du jeune sportif, fondée sur des recommandations techniques, physiologiques et psychopédagogiques. Il faut que la législation sur le sport oblige les fédérations à définir ce parcours et qu’il ne s’agisse pas d’une simple formalité administrative, mais que ce document soit le fruit d’un vrai travail, réalisé avec des éducateurs et des entraîneurs professionnels. Ensuite, il faut exiger des fédérations qu’à moyen et long termes, tous les entraîneurs passent par une formation à ces questions. De cette manière, lorsqu’on aura besoin d’un entraîneur dans une structure, on pourra compter sur un personnel déjà formé.

Les jeunes entraîneurs, quand ils commencent, sont pleins d’entrain et ont envie de très bien faire, mais ils font un copier-coller des techniques qu’ils ont connues quand ils étaient à un très haut niveau, parce qu’ils pensent que c’est ce qu’il faut faire, et cela crée des tas de problèmes.

Il faut absolument travailler sur nos croyances : c’est un enjeu essentiel. Les pays anglo-saxons et les pays émergents comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, qui nous taillent désormais des croupières aux Jeux olympiques, sont sortis de la vision de l’athlète robot et forment des athlètes qui ont des facultés d’adaptation et de la créativité. Le rôle de l’entraîneur moderne, c’est, avec l’appui des sciences du sport, de créer un environnement favorable à l’émergence de ce type d’athlète. Il faut absolument s’appuyer sur les théories cognitivo-comportementales. Or la France est en retard dans ce domaine par rapport à des pays comme le Japon ou le Canada, qui forment les athlètes depuis le plus jeune âge en essayant de créer l’environnement le plus favorable, de façon à ce qu’ils restent motivés et désireux d’apprendre très longtemps. Il faut tenir compte de l’équilibre de vie de l’athlète, faire en sorte qu’il ait de bonnes sensations, plutôt que de lui donner des petites tapes chaque jour pour qu’il avance. Ce changement de paradigme suppose que la loi impose aux fédérations de produire un vrai travail de définition du parcours de formation des jeunes athlètes.

Pour conclure de manière plus personnelle, je veux d’abord vous remercier infiniment ; je ne suis que le messager de toutes les personnes qui ont pris la parole ce matin. Je suis absolument convaincu que le sport peut véhiculer des valeurs, notamment les valeurs républicaines et de citoyenneté, mais cela repose avant tout sur les parents et les acteurs responsables de l’environnement dans lequel on le déploie. J’ai travaillé dans des pays très différents et je me suis aperçu qu’il ne suffit pas de pratiquer un sport pour que se développent les valeurs que vous souhaitez promouvoir. Le sport permet de développer un tas de qualités, comme l’adaptation, la créativité, le traitement de l’information, l’intuition, la persévérance, l’engagement, et j’en passe. Mais pour que le sport soit le vecteur des valeurs républicaines, il faut que les formateurs et les parents en soient porteurs et sachent les transmettre.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Merci à toutes et tous. Cette audition a duré près de quatre heures et je dois maintenant y mettre fin. Si certains d’entre vous n’ont pas pu s’exprimer, j’en suis désolée et je les invite à nous faire parvenir leur témoignage, par écrit ou oralement.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Merci à toutes et tous pour vos témoignages et pour vos propositions. Derrière les récits glaçants que nous avons entendus, on voit malgré tout l’attachement de chacun d’entre vous au mouvement sportif et à sa propre discipline sportive. Nous espérons que vos témoignages vont contribuer à libérer la parole des autres victimes et à briser l’omerta. Mais ce qui nous importe surtout, c’est de faire en sorte que cela ne se reproduise plus et que le mouvement sportif retrouve ce pour quoi il devrait exister. J’espère que nous aboutirons à des propositions très concrètes pour faire en sorte que le sport reste quelque chose de très positif, loin de ce qui nous a été décrit depuis le début de ces auditions.

 

La séance s’achève à midi vingt-cinq.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Béatrice Bellamy, Mme Fabienne Colboc, Mme Pascale Martin, M. François Piquemal, Mme Claudia Rouaux, Mme Sabrina Sebaihi

Excusé. - M. Bertrand Sorre