Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner le projet de loi
relatif à l’industrie verte

 Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’industrie verte (1) (n° 1443 rect.) (M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général, et M. Damien Adam, Mme Anne-Laure Babault, Mme Christine Decodts et Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteurs)              2

 


Mardi 4 juillet 2023

Séance à 21 heures 30

Compte rendu n° 01

session ordinaire de 2022-2023

Présidence de

M. Bruno Millienne,

président


  1 

La Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’industrie verte a entamé l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’industrie verte (n° 1443 rect.) (M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général, et M. Damien Adam, Mme Anne-Laure Babault, Mme Christine Decodts et Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteurs).

M. le président Bruno Millienne. Mes chers collègues, la commission spéciale commence ce soir et poursuivra demain, jeudi et peut-être vendredi l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte. En votre nom à tous, je salue M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie, qui a présidé la commission des affaires économiques pendant la quinzième législature.

Je souhaite également la bienvenue à notre collègue, M. Charles Sitzenstuhl, membre de la commission des finances, qui a récemment présenté au nom de la commission des affaires européennes un rapport d’information portant observations sur le projet de loi relatif à l’industrie verte.

Le présent projet de loi, sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée, a été déposé sur le bureau du Sénat le 16 mai. La commission des affaires économiques s’est saisie du texte au fond ; les commissions du développement durable et de l’aménagement du territoire, des finances et des lois se sont également saisies de ce texte pour avis. Examiné par le Sénat les 20 et 21 juin, il a été adopté le 22 juin. À l’Assemblée nationale, en application de l’article 31, alinéa 1, de notre règlement, et à la demande du président de la commission des affaires économiques, M. Guillaume Kasbarian, le texte a été renvoyé à notre commission spéciale. Il sera examiné en séance publique à compter du 17 juillet, ce qui vous laissera un temps supplémentaire pour déposer vos amendements.

Ont été nommés rapporteurs M. Guillaume Kasbarian, pour les chapitres Ier et V du titre Ier et rapporteur général pour l’ensemble du texte ; Mme Christine Decodts, pour le chapitre II du titre Ier ; Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, pour les chapitres III et IV du titre Ier ; Mme Anne-Laure Babault, pour le titre II ; et M. Damien Adam, pour le titre III.

J’ai été conduit à déclarer 271 des 1 415 amendements déposés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. Par ailleurs, 35 amendements ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances, au titre de l’article 40. Il a aussi été considéré qu’un amendement était irrecevable car constitutif d’une injonction au Gouvernement et que cinq amendements ne respectaient pas le périmètre d’une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance. Compte tenu des amendements retirés ou scindés pour une meilleure lisibilité de nos débats, 1 044 amendements restent en discussion.

Je donnerai d’abord la parole au ministre délégué, puis, pour cinq minutes chacun, à nos rapporteurs ainsi qu’au rapporteur de la commission des affaires européennes. Les représentants des groupes politiques pourront ensuite s’exprimer durant trois minutes, avant que le ministre délégué n’apporte sa réponse. Il en ira de même pour les orateurs individuels, dont le temps de parole sera d’une minute. Compte tenu du nombre d’amendements à examiner, les signataires disposeront d’une minute trente pour défendre leur amendement, puis le rapporteur et le ministre délégué donneront leur avis. Un orateur pour et un contre seront ensuite entendus, à raison d’une minute chacun, sauf si l’importance du sujet justifie des échanges plus longs.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Ce n’est pas sans émotion que je retrouve cette place où j’ai siégé plusieurs années. Je souhaite tout d’abord excuser mon collègue Bruno Le Maire, qui n’a pu être parmi nous compte tenu des circonstances : il travaille en ce moment même avec Olivia Grégoire, pour soutenir les commerçants. La déclaration qu’il m’a chargé de prononcer vise à vous présenter les éléments principaux du projet de loi relatif à l’industrie verte.

Ce texte arrive en commission spéciale après des discussions instructives, constructives et apaisées au Sénat, où il a reçu un très large soutien. Véritable tournant pour notre économie, il poursuit une ambition stratégique, l’accélération de la réindustrialisation de la France grâce à une révolution verte. Il doit mettre définitivement fin à l’ère de désindustrialisation massive, qui a été une faute économique, sociale et écologique, et dont nous sortons à peine. Aucune autre nation occidentale ne s’est autant affaiblie. En France, la part de l’industrie est passée de 22 % à 11% du PIB entre 1973 et 2018, quand elle est restée stable en Allemagne et en Italie. Nous avons perdu 2,5 millions d’emplois industriels – une catastrophe. Si cette part s’est stabilisée depuis 2018, à 11 % environ du PIB, notre projet a vocation à l’accroître. C’est pour mettre fin à ce désastre qu’avec le Président de la République nous avons agi pour ouvrir une nouvelle ère de réindustrialisation nationale et européenne.

Depuis 2017, nous avons, avec vous, baissé les impôts sur les sociétés et les impôts de production, car il n’y a pas d’industrie sans capital. Nous avons misé sur la formation, en faisant de l’apprentissage la voie royale d’accès à l’emploi. Nous avons simplifié l’ouverture de sites industriels, avec la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur général. Nous avons enfin lancé le plan « France 2030 » et relancé la construction de réacteurs nucléaires.

Ces résultats sont sans appel : la France est désormais la nation la plus attractive d’Europe pour les investissements. Depuis 2017, elle a enregistré 300 créations nettes d’usines, dont 200 ces deux dernières années. Elle a également créé près de 100 000 emplois industriels et entamé la construction de nouvelles filières comme celle des batteries électriques.

Nous disposons aussi d’une base européenne. Avec le Président de la République, nous avons mené la révolution idéologique consistant à laisser les États membres apporter des soutiens financiers au développement de leur industrie, sous la forme de subventions ou de crédits d’impôt. Partant de cette base, trois choix politiques sont possibles. Le premier est le statu quo : on continue, comme avant, la croissance pour la croissance, l’ouverture de sites pour l’ouverture de sites, peu importe le climat. Ce choix est une impasse. Il n’est pas durable et synonyme de coûts vertigineux pour les finances publiques, les assureurs et les particuliers, puisqu’il contribue à construire aujourd’hui les sources des catastrophes de demain.

Le deuxième choix est celui de la décroissance, c’est-à-dire l’appauvrissement de nos compatriotes, la relégation du pays, un modèle social que l’on ne financerait plus, avec moins de soins, moins de technologies, moins de transports. C’est faire le choix de vivre moins bien et, probablement, replié sur soi. Surtout, ce choix n’est pas crédible, puisque nos compatriotes n’arrêteront pas d’acheter des voitures ou des vélos, que l’on espère électriques, ni des pompes à chaleur. Au lieu d’acheter des produits fabriqués dans notre territoire, ils importeront les mêmes produits conçus ailleurs, dans des conditions moins respectueuses de l’environnement. Nous serons perdants sur tous les tableaux : ni verts, ni prospères.

La troisième option, celle que nous vous proposons d’adopter, est la croissance verte, une croissance qui s’opère en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Elle est le cœur de ce projet de loi. Il s’agit, j’en suis convaincu, d’une chance, qui nous permettra d’ouvrir des usines, d’innover, de créer plus de richesses tout en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre.

L’industrie verte n’est pas un oxymore : l’industrie peut, et doit, être verte. Ce sont deux stratégies complémentaires.

La première stratégie vise à favoriser la décarbonation de l’industrie traditionnelle, qui représente environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Nous devons réduire ces émissions – nous nous sommes engagés à les diviser par deux d’ici à 2030 et à atteindre zéro émission nette d’ici à 2050.

La seconde stratégie est de produire massivement des technologies vertes, que l’on surnomme les Big Five – pompes à chaleur, éolien, photovoltaïque, batteries et hydrogène vert. L’industrie verte n’est pas une contradiction : elle est une évidence, car c’est grâce à l’industrie que la France deviendra la première nation décarbonée en Europe.

Pour y parvenir, nous procéderons par étapes, après nous être interrogés sur ce dont nous avons besoin pour produire et faire tourner des usines vertes. Ce texte court, incisif, propose des instruments qui changeront la donne.

Premier élément : nos industriels ont besoin de foncier industriel, qui est rare en France. Nous prendrons donc, avec vous, deux mesures radicales : d’abord, grâce à la Banque des territoires, qui s’engage à y consacrer 1 milliard d’euros d’ici à 2027, nous mettrons à disposition de l’industrie cinquante sites intégralement dépollués représentant 2 000 hectares. La seconde mesure, qui vise à simplifier l’accès au foncier, est importante, originale et, d’une certaine manière, révolutionnaire. Elle consiste à rehausser la créance environnementale au rang des créances privilégiées. Le but est de récupérer 25 % des sommes nécessaires pour dépolluer les friches.

Le deuxième élément essentiel que les industriels mentionnent lorsqu’il s’agit de s’installer ou d’élargir leurs installations en France est la simplification et l’accélération des procédures.

Pour cela, nous diviserons par deux les délais d’ouverture ou d’agrandissement d’une usine en France, de dix-sept à neuf mois. Nous passerons d’une procédure dite « successive », où les étapes s’enchaînent, souvent avec des délais entre chacune d’entre elles, à une procédure « parallèle ». Le changement, radicalement efficace et nouveau, n’affectera ni les exigences environnementales ni la consultation publique, dont nous accroissons la durée – elle passera d’un à trois mois.

Une procédure d’exception sera lancée pour quelques projets d’intérêt national majeur, identifiés par décret : l’État prendra la main, de manière à accélérer les procédures de raccordement électrique, de permis de construire ou de modification du plan local d’urbanisme (PLU). La procédure est nécessaire pour attirer en France les plus grands investisseurs. Tout en conservant cette ambition, nous soutenons une meilleure prise en compte de l’avis des élus, en particulier des maires et des responsables d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) : on ne construit pas une usine contre un territoire ni contre ses représentants.

Troisième élément essentiel : nous avons besoin de construire une industrie plus économe en ressources. Notre projet de loi vise donc à développer l’usage de matières premières recyclées dans l’industrie, en facilitant la sortie du statut de déchet. Il sécurise le cadre légal de cette sortie dite « implicite », dans les cas où le déchet vient remplacer une matière première vierge, sans modification du produit final. Il ouvre ainsi la possibilité de recycler sans procédure particulière les résidus de production au sein des plateformes industrielles si ces résidus ne présentent pas d’incidence globale nocive pour l’environnement et la santé humaine. Cela va sans dire, mais cela va naturellement mieux en le disant. Ces dispositions favoriseront les pratiques d’écologie industrielle et territoriale au sein de ces plateformes.

Le texte instaure, par ailleurs, des amendes administratives contre le transfert illicite de déchets en dehors du territoire national, ce qui permettra d’éviter des dépôts sauvages dans des pays où les contrôles sont parfois insuffisants et d’apporter une valorisation et un traitement favorisé des déchets sur notre territoire.

Quatrième élément : dans une période contrainte sur le plan budgétaire, nous voulons mieux mobiliser l’épargne privée. C’est pourquoi nous créons un plan d’épargne avenir climat. Il sera disponible pour tous les mineurs, bloqué jusqu’à leur majorité, avec un taux de rémunération qui devra être à terme supérieur à celui du livret A et un régime fiscal incitatif, sans impôt ni cotisation. Nous attendons de ce nouveau produit 1 milliard d’euros de collecte, c’est-à-dire 1 milliard d’euros de financement pour l’industrie verte et, pourquoi pas, davantage. Grâce à ce produit d’épargne, les jeunes, sans doute avec l’argent de leurs parents ou grands-parents, contribueront au développement de l’industrie verte et développeront ainsi leur connaissance des produits d’épargne financière. Nous souhaitons aussi que le plan d’épargne retraite instauré par la loi Pacte et, plus généralement, l’assurance vie aient au moins une unité de compte consacrée aux investissements verts. Au total, ce sont 5 milliards d’euros d’épargne privée supplémentaire que nous envisageons de rassembler pour financer l’industrie verte.

Enfin, comme vous en discuterez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, nous serons le premier pays d’Europe à instaurer un crédit d’impôt pour la production industrielle verte. L’intégralité de ce crédit d’impôt sera financée par la réduction de niches fiscales sur les énergies fossiles, conformément à notre stratégie de bascule d’une fiscalité « brune » vers une fiscalité « verte ».

Cinquième élément : la protection. Une fois que les usines vertes sont lancées, il est indispensable de protéger leur production. Nous créerons par décret un nouveau label « Excellence environnementale européenne », dit « triple E », qui valorisera les entreprises les plus vertueuses, avec notamment un accès privilégié à la commande publique, laquelle représente près de 150 milliards d’euros par an. Nous voulons transformer en profondeur la culture des acheteurs publics : vous le savez, ils éprouvent souvent un sentiment d’insécurité lorsqu’ils cherchent à réaliser des achats de qualité sur le plan environnemental, près de chez eux. C’est l’objet des mesures du projet de loi en faveur d’une commande publique plus responsable, qui favorise les entreprises plus vertueuses.

Nous modifierons en outre les critères du bonus électrique, pour exclure les véhicules électriques à faible performance environnementale, souvent venus d’Asie. Le bonus automobile que vous avez voté représente 1,2 milliard d’euros de subventions à l’achat de véhicules propres. Or un tiers de cette somme part au bout du monde pour financer la production de véhicules en Asie. Il est indispensable que nous puissions favoriser les productions européennes, comme le font les États-Unis ou la Chine.

Même si ce pilier de la réindustrialisation, dont les industriels de vos circonscriptions doivent vous entretenir fréquemment, ne figure pas de manière explicite dans le texte, nous voulons renforcer la formation et la qualification. Depuis 2017, le Président de la République, les gouvernements et la majorité sont pleinement mobilisés en matière de formation et d’égalité entre les hommes et les femmes. Nous défendrons plusieurs mesures sur ce sujet dans les mois qui viennent, au-delà de la réforme des lycées professionnels et de la poursuite de l’aide à l’apprentissage. Nous appliquerons l’augmentation de 22 % des places dans les écoles des mines et des télécommunications à l’horizon de 2027 ; la création de 100 écoles de production, qui permettent d’attirer des jeunes vers les métiers de l’industrie. Elles sont autant d’exemples à suivre.

Nous souhaitons agir avec l’appui des parlementaires. Ce projet de loi de loi est une méthode : il a été préparé avec un certain nombre d’entre vous, élus locaux, chefs d’entreprise, qui ont réalisé près de 300 consultations. Par ailleurs, avec mon collègue Bruno Le Maire, nous avons échangé avec la totalité des groupes parlementaires en amont, pour améliorer le texte. Nous sommes prêts à continuer à le faire dans le cadre de cet examen.

Je remercie les membres de la commission spéciale qui sont présents depuis le début de la rédaction de ce projet de loi, en particulier M. Bruno Millienne, son président, M. Guillaume Kasbarian, son rapporteur général et les rapporteurs Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback et M. Damien Adam ainsi que Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Mathieu Lefèvre, pilotes de la consultation, et tous ceux qui nous rejoignent aujourd’hui et dans les jours qui viennent, au service de notre économie et de l’écologie.

Le mois dernier, le Sénat a enrichi le texte. Je pense notamment aux modalités précises du plan d’épargne avenir climat. À l’Assemblée, deux débats importants sont en cours. Le premier concerne le fameux « zéro artificialisation nette » (ZAN). La proposition de loi, adoptée à l’unanimité par les deux chambres du Parlement, sera examinée en commission mixte paritaire dès le 6 juillet. Je ne doute pas qu’un accord sera trouvé et que nos débats sur le sujet s’en trouveront limités.

Concernant l’article 9 du projet de loi, qui porte sur l’association des élus locaux à l’implantation d’un projet d’intérêt national majeur, le Sénat a fait part au Gouvernement de sa volonté de mieux associer les élus locaux. Nous partageons cette ambition. Un amendement, qu’appuie l’Association des maires de France, a été déposé, notamment par le rapporteur général : le Gouvernement le soutiendra.

Le projet de loi présente un enjeu d’union nationale : je ne doute pas que nous dégagerons un consensus ; du moins nous ferons tout pour l’atteindre. Les postures n’ont pas leur place lorsqu’il s’agit de renforcer notre souveraineté, de réduire les émissions, à hauteur de plus de 40 millions de tonnes de gaz à effet de serre d’ici à 2030, de moderniser notre industrie, de créer des dizaines de milliers d’emplois, bien rémunérés, avec des effets qui vont au-delà, dans tous les territoires. Chaque emploi industriel crée deux ou trois emplois indirects supplémentaires : quand une usine s’implante quelque part, tout le territoire revit. Ce sont des écoles, des sous-traitants, des commerces, des services publics et, avec eux, du lien social. Le Mirail à Toulouse, Valenciennes, Montbéliard, Flins, Aulnay-sous-Bois, des pans entiers de nos villes se sont construits par et pour l’industrie.

Ces derniers jours, où les incidents n’ont pas épargné les villes, petites et moyennes, nous avons vu combien nous avons besoin de retrouver cette fierté, cette cohésion, ce sens de la contribution au bien commun. Je suis certain que l’industrialisation verte peut y apporter sa contribution. L’industrie doit et va jouer son rôle pour donner des perspectives à notre jeunesse, de l’emploi et de l’espoir. Produire en France est une évidence économique, sociale et écologique. Nous en ferons bientôt, ensemble, une option concrète, attractive, immédiate, c’est-à-dire incontournable.

M. Guillaume Kasbarian, rapporteur général de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’industrie verte. Après avoir œuvré à accélérer la production d’énergie décarbonée par deux projets de loi, nous entamons une troisième étape cruciale pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et accélérer la décarbonation de notre industrie. Cet objectif est un immense défi et une formidable opportunité économique et stratégique pour accélérer le processus de réindustrialisation dans lequel la France est engagée depuis 2017.

Je crois profondément que l’industrie permet de réconcilier économie et écologie. Vous le dites souvent, monsieur le ministre délégué, l’industrie représente 20 % de nos émissions mais 100 % des solutions. Aux partisans de la décroissance, à ceux qui considèrent qu’il faudrait moins de production, donc moins d’usines et moins d’emplois industriels dans notre pays, je réponds que c’est au contraire par l’innovation, par l’investissement, par la production dans notre pays que nous parviendrons à répondre à l’urgence climatique. Le modèle français ne doit pas consister à importer tout ce que nous consommons, en faisant fonctionner des usines à des milliers de kilomètres avec de l’énergie carbonée. Notre modèle doit être celui de la décarbonation, de l’indépendance et de la fierté industrielle.

Le travail que nous menons aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des réformes d’attractivité et de compétitivité menées par le Président de la République et la majorité en faveur de la réindustrialisation du pays. Après des décennies de désindustrialisation, nous commençons à voir les premiers résultats de cette politique. Depuis 2017, notre pays a créé plus de 90 000 emplois industriels, et ouvert plus d’usines que déploré de fermetures. La France est désormais le pays le plus attractif d’Europe en matière d’investissements étrangers. Nous devrions tous nous en réjouir.

Face à la concurrence mondiale, nous ne devons pas nous arrêter en si bon chemin : il nous faut accélérer. C’est le sens du projet de loi relatif à l’industrie verte, qui vise trois objectifs : accélérer l’implantation et le développement de sites industriels ; favoriser les entreprises vertueuses dans la commande publique ; et financer la décarbonation de l’industrie.

Avant d’en venir au fond du texte, je souhaite rappeler la méthode qui a présidé à son élaboration. Dès janvier 2023, les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure ont lancé des concertations. Avec cinq binômes de coordinateurs, dont certains sont présents ce soir, nous avons mené plus de 300 auditions et analysé plus de 150 contributions écrites. Parlementaires, élus locaux, dirigeants d’entreprises et représentants de la société civile ont contribué à faire émerger vingt-neuf propositions, dont certaines ont été reprises dans le texte. Je tiens à rassurer les députés qui regrettent l’absence de mesures relatives à la fiscalité ou à la formation : ces questions ne sont nullement laissées de côté, mais elles seront abordées dans le cadre de dispositions législatives ou réglementaires à venir.

J’en profite pour remercier chaleureusement Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Bolo et les représentants des dix groupes de l’Assemblée nationale qui ont participé aux travaux du groupe de suivi relatif à la préparation du projet de loi, ainsi que chacun des rapporteurs de la commission spéciale et son président, pour l’excellent travail qu’ils ont mené ces derniers jours, dans des délais contraints. Nous pouvons nous réjouir d’avoir fait atterrir ce texte dans les meilleures conditions.

J’en viens aux deux chapitres que je rapporte, à savoir le chapitre Ier sur la planification industrielle et le chapitre V qui doit permettre de faciliter et d’accélérer l’implantation de l’industrie verte. Je laisserai le soin aux rapporteurs d’entrer dans le détail des autres dispositions du texte.

L’article 1er introduit des objectifs de développement industriel dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Cela permettra d’identifier plus facilement les zones propices à l’implantation de nouvelles industries, à une maille territoriale suffisamment importante, et favorisera la mise en œuvre de grands projets industriels.

Le chapitre V concerne les procédures applicables à ces projets industriels, qu’il propose d’optimiser pour les plus importants.

L’article 8 élargit ainsi aux implantations industrielles vertes reconnues d’intérêt général la procédure de déclaration de projet, qui permet à l’État d’adapter directement les documents de planification territoriale compliquant leur réalisation.

L’article 9 s’attache à accélérer plusieurs étapes du traitement administratif des projets reconnus d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale. L’État pourra, en particulier, mettre en compatibilité les documents de planification et d’urbanisme et délivrer les autorisations d’urbanisme nécessaires. Je défendrai des amendements visant à revenir sur des ajouts ou des suppressions du Sénat qui contreviennent à notre objectif d’accélération. Mais j’entends l’inquiétude des élus locaux : je serai donc favorable à l’introduction d’un droit, pour les maires, de refuser une implantation industrielle sur leur territoire, à condition qu’il en soit fait usage avant l’engagement de toute procédure.

L’article 10 permet de reconnaître la raison impérative d’intérêt public majeur des projets industriels faisant l’objet d’une déclaration d’utilité publique (DUP).

L’article 11 encourage les regroupements de surfaces commerciales au sein d’une grande opération d’urbanisme. Cela libérera du foncier déjà artificialisé, qui pourra être mobilisé pour de nouvelles implantations.

En revanche, je soutiendrai un amendement de suppression de l’article 9 bis, qui propose une comptabilisation de l’artificialisation des sols très différente de celle que nous venons d’adopter dans la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires. Nous avons voté ce texte à une très large majorité et nous espérons tous que la commission mixte paritaire convoquée jeudi matin sera conclusive.

Je suis convaincu que nous pouvons rassembler autour de ce projet de loi l’ensemble des Français, au-delà des clivages politiques traditionnels, et que nous arriverons ensemble à faire de notre pays une grande nation industrielle décarbonée.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour le chapitre II du titre Ier. Le chapitre II du titre Ier vise à réduire les délais de procédure tout en renforçant la participation du public.

En janvier 2022, M. Laurent Guillot remettait au Gouvernement un rapport intitulé « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France ». Ce rapport met en évidence le retard de la France, par rapport à ses voisins européens, en ce qui concerne la durée réelle des procédures d’implantation de ces activités. Si la durée théorique des procédures d’autorisation est globalement comparable – autour de neuf mois –, les écarts se creusent lorsque l’on s’intéresse à leur durée réelle, qui atteindrait dix-sept mois en moyenne en France, contre huit mois en Allemagne. Selon l’auteur du rapport, cette durée s’explique en grande partie par les délais intercalaires entre les différentes phases de la procédure d’autorisation environnementale. Ces délais de coordination entre les acteurs découlent du caractère séquentiel de la procédure, en particulier pour l’organisation de l’enquête publique.

Partant de ce constat, l’article 2 propose d’accélérer la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale et de moderniser la consultation du public.

Il prévoit un déroulement simultané des phases, aujourd’hui successives, d’examen du dossier de demande d’autorisation, d’une part, et de consultation du public, d’autre part. Cette mesure permettra de gagner près de trois mois après le dépôt du dossier, et même souvent davantage, en évitant les temps de passage de relais ou de blocage entre administrations.

L’article 2 crée surtout une nouvelle procédure de consultation du public. Celui-ci sera désormais consulté dès le début de la phase d’examen, pendant une période de trois mois, contre un mois aujourd’hui. En permettant au public de participer au processus décisionnel dès le début de la procédure, c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles, nous assurerons un meilleur respect de la Charte de l’environnement de 2004, en particulier de son article 7. Cette nouvelle procédure de consultation permettra aussi une plus grande interactivité et une plus grande transparence entre le public et le porteur de projet ; elle rendra notamment plus effective la possibilité pour le public d’améliorer le projet. L’article 2 précise que le commissaire enquêteur doit organiser deux réunions publiques, au début et à la fin de la période de consultation, en présence du porteur de projet.

Je souhaite saluer ici les apports du Sénat, qui ont permis d’améliorer et de préciser cette nouvelle procédure de consultation du public. Le Sénat a ainsi prévu la possibilité de désigner une commission d’enquête à la place d’un commissaire enquêteur unique, comme c’est le cas aujourd’hui dans le cadre de la procédure d’enquête publique, pour les projets les plus complexes. Par ailleurs, et afin de ne laisser aucun citoyen de côté, le Sénat a précisé que le public pouvait faire parvenir ses observations et ses propositions par voie postale, et pas seulement par courrier électronique. Il a enfin souhaité maintenir l’obligation de nommer un commissaire enquêteur figurant sur une liste d’aptitude : c’est un gage de compétence et d’impartialité.

J’en viens maintenant à l’article 3, qui concerne la phase amont de la procédure d’autorisation environnementale. Cet article permet l’organisation d’un débat public global ou d’une concertation préalable globale pour plusieurs projets d’aménagement ou d’équipement envisagés dans les dix ans à venir sur un même territoire délimité et homogène. Cette possibilité, qui s’inscrit dans le prolongement de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, peut être mise en œuvre à la demande d’une personne publique, à savoir du préfet, d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale.

L’organisation d’un débat global ou d’une concertation globale est pertinente pour les projets envisagés au sein d’une même zone à forte activité industrielle – une zone industrialo-portuaire, par exemple. Je pense en particulier au développement d’un centre industriel autour de la batterie automobile dans le port de Dunkerque, que je connais bien. La mutualisation des débats offre au public une meilleure visibilité sur l’ensemble des projets en cours dans la zone. Je précise néanmoins que le caractère facultatif de cette mutualisation est conservé. Cet article 3 pourra faire l’objet d’ajustements dont nous aurons l’occasion de débattre en commission.

Enfin, le chapitre II du titre Ier comporte un nouvel article 2 bis. Introduit à l’initiative du Sénat, il prévoit des délais maximaux pour l’instruction des projets de déploiement d’énergies renouvelables dans les zones d’accélération créées par la loi du 10 mars 2023. Je proposerai de supprimer cet article, dont les dispositions relèvent du niveau réglementaire et posent des problèmes d’articulation avec le droit de l’Union européenne en cours de modification sur ce sujet.

Je ne doute pas qu’ensemble, nous ferons mieux tout en faisant plus vite pour réindustrialiser et décarboner les beaux territoires de notre pays.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, rapporteure pour les chapitres III et IV du titre Ier. Certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi l’élue d’une cité maritime embarque, si vous me permettez l’expression, sur un texte relatif à l’industrie verte. Vivre et grandir dans une ville au passé industriel, puis administrer cette ville qui, comme de nombreuses villes de taille moyenne, se relève plus lentement qu’elle n’a chuté, est une motivation pour trouver des solutions. Ainsi, lorsque les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure m’ont demandé de copiloter un groupe de travail avec mes collègues Marie-Claude Jarrot, Ilham Kadri et François Pontais, j’ai accepté bien volontiers. Je les remercie de leur confiance.

Le chapitre III du titre Ier comprend des dispositions permettant d’encourager le développement de l’économie circulaire en diminuant le recours à de la matière première vierge et de réduire les émissions de gaz à effet de serre en renforçant le recyclage et la réutilisation.

L’article 4 prévoit plusieurs mesures, parmi lesquelles la possibilité d’utiliser, au sein des plateformes industrielles, des résidus de production qui sont présumés être des sous‑produits et non des déchets, la clarification du régime de sortie du statut de déchet, ainsi que la création d’un régime de sanctions administratives applicable aux transferts transfrontaliers de déchets illégaux.

L’article 4 A, introduit au Sénat, vise à instituer des projets territoriaux de l’industrie circulaire. Mon groupe, soutenu par le Gouvernement, proposera de le supprimer. De nombreux documents de planification sont déjà élaborés, tant en matière d’économie circulaire que de politique en faveur des entreprises, en particulier au niveau régional.

J’en viens maintenant au chapitre IV, avec cette question simple : quel est le point commun entre une usine désaffectée et une ancienne station-service ? Il s’agit bien de la réhabilitation des friches.

L’existence de friches peut représenter pour les collectivités une opportunité de construire sur un sol déjà artificialisé. Face à la raréfaction des réserves foncières disponibles et à l’impératif de limitation de l’artificialisation des sols, il est indispensable de faciliter la réhabilitation des friches. Le parcours pour remobiliser les sites en friche est actuellement trop complexe. Nous proposons plusieurs évolutions pour le simplifier.

Ainsi, à l’article 5, nous entendons faciliter les procédures existantes de cessation d’activité des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Concrètement, l’article 5 permettra l’intervention facultative de bureaux d’études certifiés pour attester de la mise en sécurité et de la réhabilitation des ICPE, pour les cessations d’activité notifiées avant le 1er juin 2022. L’article prévoit également l’extension du champ des opérations pouvant être prises en charge par un tiers demandeur.

À l’article 5 bis, nous proposons que la procédure de déclaration d’état d’abandon manifeste – une possibilité dont une commune peut faire usage lors de l’abandon d’un terrain ou d’un bien – puisse être justifiée par le souhait d’une implantation industrielle.

L’article 5 ter prévoit la prise en compte des friches dans les orientations du schéma de cohérence territoriale (Scot), comme c’est déjà le cas dans le Sraddet ou la carte communale.

L’article 6 vise à réformer le mécanisme des garanties financières obligatoires pour les ICPE les plus polluantes. Ce dispositif, qui n’a pas fait la preuve de son efficacité en dix ans et qui ne permet pas aux pouvoirs publics de bénéficier des financements nécessaires à la mise en sécurité et à la réhabilitation des sites industriels concernés, a été rétabli par le Sénat. À l’instar du Gouvernement, j’ai déposé un amendement visant à le supprimer. En contrepartie, les plafonds des sanctions financières prévues en cas d’exploitation illégale sont renforcés et même triplés par rapport aux dispositions du texte initial. Il est également prévu que les sommes nécessaires à la réalisation des travaux prescrits par un arrêté de mise en demeure soient consignées auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Enfin, le niveau de privilège des créances nées pour assurer la mise en sécurité des sites a été relevé au sixième rang en cas de liquidation judiciaire. Cet article permet donc de sécuriser le financement des opérations de mise en sécurité des sites industriels dans les cas qui le nécessitent tout particulièrement. L’apparition de friches industrielles polluées pourra ainsi être plus efficacement limitée.

L’article 7 réforme les sites naturels de compensation, qui avaient été créés par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Renommés « sites naturels de restauration et de renaturation », ils auront vocation à faciliter la mise en œuvre des obligations de compensation des porteurs de projet portant atteinte à la biodiversité. La mutualisation entre plusieurs projets ne sera notamment plus obligatoire. Les personnes publiques ou privées mettant en place ces sites pourront également vendre leurs unités de restauration et de renaturation à toute autre personne publique ou privée, en dehors de toute obligation de compensation. J’ai déposé plusieurs amendements visant à clarifier la rédaction de ce nouveau dispositif.

Je nous souhaite des débats riches et apaisés, qui nous permettent collectivement de faire de l’industrie française un levier de réduction de notre empreinte carbone.

Mme Anne-Laure Babault, rapporteure pour le titre II. Le projet de loi relatif à l’industrie verte poursuit l’œuvre résolue que nous avons engagée en faveur du verdissement de la commande publique. En effet, les marchés publics, qui représentent plus de 110 milliards d’euros annuels, constituent un levier massif et incontournable de la transition écologique.

L’action de notre majorité sur cette question est constante. La loi « Climat et résilience », adoptée à la fin de la précédente législature, a apporté des évolutions majeures dans le droit de la commande publique, dont la dimension écologique a été renforcée. Nous sommes aujourd’hui quasiment à mi-chemin de l’entrée en vigueur de sa disposition la plus ambitieuse : à l’été 2026 au plus tard, 100 % des marchés publics devront intégrer au moins un critère écologique. D’ici à cette échéance, il nous reste encore du travail à accomplir : c’est tout l’enjeu du titre II relatif aux enjeux environnementaux de la commande publique et de ses articles 12 à 14.

L’article 12 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour introduire un nouveau motif d’exclusion de la commande publique en cas de non-respect des obligations de transparence extrafinancière prévues par la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite « directive CSRD » – je veux parler de l’obligation d’établir un rapport de durabilité. Il s’agit là d’un dispositif analogue à celui qui avait été introduit par la loi « Climat et résilience » à propos du plan de vigilance des sociétés. Cet article jouera un rôle incitatif utile auprès des entreprises qui souhaitent accéder à la commande publique.

L’article 13, qui occupera – à juste titre – une place prédominante dans nos débats, comprend trois mesures principales. Tout d’abord, il poursuit le renforcement des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser), dont l’importance pour orienter l’évolution de la commande publique est primordiale. Ensuite, il crée un nouveau motif d’exclusion des marchés publics pour méconnaissance de l’obligation d’établir un bilan d’émission de gaz à effet de serre (Beges). Enfin, il précise la façon dont l’offre économiquement la plus avantageuse est déterminée, notamment par la prise en compte du critère environnemental et dans l’attente de l’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi « Climat et résilience ».

L’article 14 étend les dispositions de ce même article et du présent projet de loi aux îles Wallis et Futuna, à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux Terres australes et antarctiques françaises.

La discussion de ces articles au Sénat s’est avérée fructueuse. Je relève l’adoption de trois dispositions additionnelles, à l’initiative du Gouvernement, correspondant aux articles 12 bis, 12 ter et 12 quater. Ces derniers introduisent des exceptions au droit de la commande publique pour les activités d’opérateurs de réseaux, acteurs majeurs de la transition écologique, afin de prévenir les risques d’infructuosité des marchés dans un contexte économique marqué par la rareté de l’offre par rapport à des besoins croissants. Le Sénat a également introduit un article 13 bis visant à favoriser le retrofit dans le renouvellement annuel des flottes de véhicules des acheteurs publics.

Je défendrai une série d’amendements qui, sans revenir sur les apports du Sénat, proposeront différents compromis afin de rendre pleinement opérationnels les dispositifs que j’ai évoqués. Ils renforceront l’obligation d’établir un Beges, d’abord en rétablissant le motif d’exclusion facultative supprimé au Sénat, ensuite en conditionnant le bénéfice des aides de la Banque publique d’investissement et de l’Agence de la transition écologique (Ademe) à l’établissement d’un Beges simplifié pour les PME ; enfin, en supprimant le délai de mise en conformité dont bénéficient actuellement les entreprises n’ayant pas respecté leur obligation d’établir ce bilan, ce qui permettra d’accroître la puissance dissuasive de l’amende.

Une partie importante de nos débats portera sur le renforcement de la prise en compte des critères environnementaux dans la commande publique ou sur une définition plus précise de ceux-ci, notamment pour favoriser les entreprises locales. Si les marges de manœuvre ne sont pas nulles, bien au contraire – j’en veux pour preuve la loi « Climat et résilience » et le présent projet de loi –, elles demeurent néanmoins limitées. En effet, le droit de l’Union européenne encadre le droit de la commande publique par deux directives et impose le respect d’un certain nombre de principes fondamentaux, dont celui de non-discrimination, notamment en matière d’origine géographique des produits ou des soumissionnaires. Il faut aussi garder en tête que l’acheteur reste libre de définir ses critères de choix et qu’une définition législative des critères utilisés pourrait s’avérer vaine, dans la mesure où ils doivent être en lien direct avec l’objet de chaque marché.

Malgré ces contraintes, je suis convaincue que le texte qui nous est soumis, modifié par les amendements que je défendrai, est ambitieux. Il correspond à un juste équilibre entre les avancées nécessaires à la transition écologique et la capacité des acheteurs publics et des entreprises à absorber de nouvelles contraintes. Je ne doute pas que nos discussions seront constructives et qu’elles permettront de tendre vers notre seul objectif : le verdissement de la commande publique.

M. Damien Adam, rapporteur pour le titre III. Face aux investissements importants que nécessite la transition écologique, la France dispose de deux atouts : une épargne privée considérable et un secteur financier solide.

Le rapport Pisani-Mahfouz estime que 66 milliards d’euros d’argent privé et public seront nécessaires chaque année pour atteindre les objectifs climatiques que nous nous sommes fixés à l’échelle européenne pour 2030. Si ce chiffre peut donner le tournis, le montant de l’épargne des ménages donne le vertige. Entre les produits réglementés et les produits de fonds propres, le patrimoine financier des Français a atteint 5 600 milliards d’euros au dernier trimestre de l’année 2022. Malgré les avancées importantes permises par la loi pour la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », qui a accéléré le déploiement des labels et imposé la prise en compte des enjeux environnementaux dans la gestion des sociétés, l’épargne française pourrait être davantage fléchée vers la transition écologique.

Certains voudraient augmenter la fiscalité qui pèse sur les Français ou accentuer le recours à la dette pour répondre à l’enjeu du financement de la transition écologique. Nous pensons, dans la majorité présidentielle, que d’autres moyens existent et qu’il faut les mobiliser davantage. C’est fort de ces constats qu’avec Michel Paulin, directeur général d’OVHcloud, j’ai piloté le chantier « Financer l’industrie verte française » dans le cadre de la consultation entamée le 5 janvier dernier et qui a permis de coconstruire ce projet de loi. Le titre III est directement issu des concertations que j’ai conduites et auxquelles ont participé des représentants du monde associatif, du secteur bancaire et assurantiel, des experts environnementaux, ainsi que les services du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Les mesures que je vous propose d’adopter nous permettront de franchir de nouvelles étapes et d’atteindre deux objectifs : développer des champions français de l’industrie de la transition et accompagner toutes les entreprises françaises dans leur décarbonation.

Pour ce faire, nous continuons et accélérons la politique de labellisation, pour laquelle nous sommes déjà une référence en Europe. En effet, le label « Investissements socialement responsables » (ISR) est le label « Environnement, social et gouvernance » (ESG) le plus populaire d’Europe. Son encours est de 777 milliards d’euros, soit six fois plus que le deuxième label de sa catégorie.

Nous créons le plan d’épargne avenir climat, qui offrira aux jeunes de notre pays un produit en adéquation avec leur engagement en matière de transition écologique. Ce n’est pas une mince affaire, puisque l’épargne des mineurs s’élève aujourd’hui à 40 milliards d’euros.

Nous favorisons l’investissement dans les infrastructures, les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, ce tissu indispensable pour réussir la décarbonation de notre économie et la transition écologique.

En même temps, nous élargissons l’horizon d’investissement des épargnants français en adaptant les règles applicables aux contrats d’assurance-vie et aux plans d’épargne retraite. Les épargnants pourront, dans des conditions protectrices, accéder plus facilement à des placements au couple rendement-risque attractif.

Enfin, nous adaptons notre droit pour renforcer l’attractivité de la place de Paris tout en nous préparant au déploiement des fonds européens d’investissement de longue durée dits « Eltif 2.0 ». Ce véhicule souple doit nous permettre de lever, à l’horizon 2027, 100 milliards d’euros orientés vers un ensemble précis d’émetteurs : les plus petites entreprises et les actifs réels dont les contraintes de financement obèrent la décarbonation.

La transition écologique est une nécessité. Grâce à ce projet de loi, elle pourra aussi être, pour notre économie, un levier de croissance majeur. Je me réjouis donc que nous puissions avancer dans ce domaine, pour le bien de notre économie et de la transition écologique.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur d’information de la commission des affaires européennes. La commission des affaires européennes s’est saisie du projet de loi relatif à l’industrie verte, considérant que les intentions animant ce texte revêtaient une dimension européenne évidente. Ce projet de loi va dans le sens de ce que doit être l’Europe du XXIe siècle : un continent plus souverain sur le plan économique, moins dépendant des autres, innovant dans l’industrie et à l’avant-garde de la transition écologique.

Grâce à la reconquête industrielle entamée en 2017 sous l’impulsion du Président de la République, la France est en train de redevenir une grande nation industrielle, ce que de nombreux pays européens n’ont jamais cessé d’être – et ce que nous aurions toujours dû rester. L’ambition affichée par le Gouvernement de faire de la France le leader européen de l’industrie verte mérite d’être saluée. Nous démontrerons ainsi que nous pouvons allier développement économique, innovation et écologie.

Le Green Future Index, classement établi par le prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), montre que l’Europe est aujourd’hui leader mondial de la transition écologique. Parmi les premiers États du classement, huit sont européens : citons la Finlande, qui est deuxième, le Danemark, quatrième, la Suède, cinquième, les Pays-Bas, sixièmes, la France, neuvième, et l’Espagne, dixième, tandis que les États-Unis ne sont que dix-neuvièmes et la Chine vingt-septième. Ce classement montre que l’ambition écologique européenne est réelle.

Dans ce projet de loi, il faut saluer l’objectif de raccourcir les délais d’installation et d’extension des sites industriels en France. En tant qu’élu alsacien, j’observe ce qui se passe de l’autre côté du Rhin : je vois que nous devons faire mieux, paralysés que nous sommes par la bureaucratie et les procédures trop longues.

L’objectif de verdissement de la commande publique va aussi dans le bon sens. Le droit européen permet l’introduction de critères environnementaux dans les procédures de passation des marchés publics. Assumons de vouloir énoncer une préférence européenne en la matière ! Il est déjà possible d’exclure des acteurs non communautaires dans le cadre des marchés de défense, de sécurité et d’opérateurs de réseau. Une mesure opérationnelle à court terme consisterait à étendre le droit de préférence européenne aux contrats publics relatifs à l’acquisition de technologies vertes, par exemple pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur des bâtiments publics. À long terme, pour protéger efficacement son tissu industriel, son marché unique et sa monnaie commune, l’Europe devra se doter d’un Buy European Act digne de ce nom.

Le Gouvernement a annoncé la création prochaine d’un crédit d’impôt « investissement industries vertes », une incitation fiscale simple qui s’appuie sur un dispositif encouragé par la Commission européenne. La France a joué un rôle moteur dans sa conception bruxelloise ; elle est le premier pays à notifier à la Commission un régime d’aide relevant de la nouvelle section II.8 de l’encadrement temporaire de crise et de transition adopté en mars 2022 pour aider les États membres à soutenir directement leur économie et pallier les conséquences économiques néfastes de la guerre en Ukraine. Si le ciblage des secteurs éligibles – les batteries, les panneaux solaires, les éoliennes et les pompes à chaleur – paraît suffisant à ce stade, il faut laisser ouverte la possibilité d’une extension à de nouvelles technologies, à compter de 2025 par exemple. L’encadrement temporaire, censé s’achever le 31 décembre 2025, mériterait d’être pérennisé.

La véritable avancée que constituent les projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) doit aussi être préservée. Ce dispositif permet un usage intelligent des aides d’État pour favoriser la structuration de filières industrielles compétitives à l’échelle mondiale, qu’il s’agisse de batteries, d’hydrogène ou de composants microélectroniques. La religion de la concurrence étant ce qu’elle est dans certains services de la Commission, il faut toujours rester prudent et veiller à ne pas complexifier davantage des procédures déjà lourdes pour les entreprises et les États qui y recourent.

S’agissant de la production d’énergie, indispensable à toute industrie, j’appelle le Gouvernement à continuer de relayer à Bruxelles la nécessité d’inclure le nucléaire dans la liste des financements pour les technologies propres.

Pour terminer, je souhaite saisir l’occasion qui m’est donnée de dire notre insatisfaction quant à la proposition de la Commission européenne de créer une plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe, dite « Step ». Ce n’est qu’une parodie de fonds de souveraineté, comme l’a d’ailleurs relevé le groupe Renew au Parlement européen. L’enveloppe de 10 milliards d’euros ne fait pas le poids face aux financements américains et chinois ; elle pourrait être doublée, pour s’établir à 20 milliards d’euros dans un premier temps. Un fonds de souveraineté à l’échelle de nos ambitions européennes devrait figurer dans le prochain cadre financier pluriannuel post-2027.

Vous l’avez compris, la commission des affaires européennes est plus que favorable à l’esprit de ce projet de loi. Je remercie le Gouvernement, le président de la commission spéciale et le rapporteur général de défendre vigoureusement ce texte.

M. le président Bruno Millienne. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie Lebec (RE). Nous entamons aujourd’hui les débats sur le projet de loi relatif à l’industrie verte. Ce texte est la traduction concrète de notre engagement en faveur de la décarbonation de notre industrie.

Avant de partager avec vous quelques considérations sur les objectifs visés, je tiens à saluer la méthode proposée par les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure. En s’inspirant de la loi Pacte, ils ont fait le choix de coconstruire ce texte avec l’ensemble des parties prenantes : 300 auditions ont ainsi été conduites par des binômes composés d’un chef d’entreprise et d’un parlementaire, aboutissant à un texte équilibré et réaliste, qui répond aux légitimes attentes et exigences des industriels, des investisseurs, des élus locaux ainsi que des partenaires sociaux et associatifs. La réindustrialisation de notre pays est un défi collectif, qui nécessite l’engagement de tous les acteurs.

Depuis 2017, nous avons inversé la tendance de destruction d’emplois industriels grâce à une politique économique esquissée par le Président de la République et déployée par les gouvernements successifs, avec le soutien de la majorité. Avec un solde positif de 300 usines et 90 000 emplois industriels recréés depuis six ans, nous avons rempli la première partie du contrat. La France a retrouvé sa capacité à produire localement, quantitativement et qualitativement. J’en veux pour preuve les récentes décisions prises à Dunkerque, qui démontrent notre capacité à attirer, innover et produire en France.

Nous abordons désormais une nouvelle étape, qui consiste à doubler notre objectif économique d’une exigence climatique. Nous voulons produire davantage sur notre sol, car chaque relocalisation ou création de site industriel contribue à réduire notre impact climatique.

Pour réussir ce pari ambitieux, le présent projet de loi s’articule autour de trois exigences : faciliter, financer, favoriser.

Si nous voulons produire en France, nous devons impérativement nous doter des outils juridiques, techniques et financiers facilitant les créations de sites industriels, car nous souffrons encore d’un écart de compétitivité par rapport à nos partenaires européens. Nous devons donc accélérer les procédures, sans jamais renoncer à la protection de l’environnement ni à la consultation du public.

Nous devons investir dans les friches pour les reconvertir en lieux de production et améliorer le dispositif « Sites industriels clés en main », qui a connu un réel succès mais demande à être encore plus performant.

Nous devons par ailleurs soutenir les entreprises les plus vertueuses grâce à une commande publique plus responsable, car mue par de nouvelles exigences environnementales, climatiques et sociales. Nous modifierons donc le code de la commande publique afin d’accompagner les acheteurs dans l’intégration de critères environnementaux lors de l’attribution des marchés et des concessions.

En complément des actions visant une meilleure orientation des soutiens publics, le projet de loi entend mobiliser l’épargne privée en faveur du verdissement de notre économie, et singulièrement de nos industries. Les besoins de financement seront massifs et l’épargne doit être orientée vers des industries vertes.

Depuis six ans, nous avons posé les premiers jalons de cette politique : le plan « France relance », le plan « France 2030 » ainsi que les lois sur le nucléaire et les énergies renouvelables ont permis à notre industrie d’amorcer sa mue et de démontrer sa capacité à produire de manière décarbonée. Mais atteindre la neutralité carbone nécessitera un effort historique de modernisation et de transformation en profondeur de notre industrie. L’État y prendra toute sa part. Avec ce projet de loi, nous élaborons le cadre législatif propice à la réussite de ce nouveau cap de réindustrialisation. Nous renforcerons ainsi l’attractivité et la compétitivité de la France et nous répondrons à l’ambition du Gouvernement et de la majorité de placer les enjeux climatiques au cœur de leur action.

M. Alexandre Loubet (RN). En compagnie de M. Bruno Le Maire, vous avez présenté ce projet de loi en grande pompe. À vous entendre, il s’agit du bras armé de la « reconquête industrielle » de la France. Or la montagne a accouché d’une souris : au-delà des effets de communication, c’est en réalité un texte bureaucratique, sans vision, qui se limite à du saupoudrage et à des mesurettes. Si certains éléments vont dans le bon sens – par exemple, les dispositions visant à réhabiliter les friches et celles ayant pour objet d’alléger les normes environnementales, que nous saluons –, le projet de loi est insuffisant et rate sa cible.

Le texte aurait pu permettre de créer de l’emploi tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, mais vous avez préféré limiter l’industrie verte au développement d’une poignée de technologies comme les éoliennes, le photovoltaïque ou les pompes à chaleur. Vous ratez ainsi l’occasion de soutenir massivement la décarbonation de l’industrie française existante, tous secteurs confondus. Surtout, alors que la moitié de l’empreinte carbone de la France est liée aux importations, vous refusez de mener une politique de réindustrialisation globale ayant pour effet de relocaliser autant d’activités et d’emplois que possible sur le sol national.

En affirmant que le texte ne créerait que 40 000 emplois d’ici à 2030, vous reconnaissez vous-même qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux. Cela traduit votre incapacité à rompre avec quarante années de désindustrialisation qui ont détruit 2,5 millions d’emplois, réduit la part de l’industrie dans le PIB – selon la Banque mondiale, elle ne représente plus que 9 % de celui-ci – et aggravé le déficit commercial, qui est désormais de l’ordre de 160 milliards d’euros.

Nous ne romprons pas avec quarante années de désindustrialisation sans arrêter de subventionner les délocalisations avec l’argent du contribuable ; sans mener une stratégie nationale visant à développer des filières de substitution aux importations pour réduire nos dépendances ; sans appliquer une politique fondée sur le patriotisme économique, notamment en matière de commande publique ; sans protéger nos très petites entreprises (TPE) et nos petites et moyennes entreprises (PME) de la concurrence déloyale ; sans améliorer la compétitivité de notre industrie, notamment en agissant sur le coût de l’énergie, ou encore sans développer des compétences sur notre sol. Nous avions formulé toutes ces propositions à travers 215 amendements, mais près d’un quart a été arbitrairement rejeté. À ce mépris du droit d’amendement, qui possède pourtant une valeur constitutionnelle, s’ajoute le fait que le texte est examiné en urgence, en plein mois de juillet, sans que ce choix trouve aucune justification valable.

Sur le fond comme sur la forme, vous démontrez donc que le projet de loi est bien éloigné des belles intentions que vous affichiez, à savoir s’enrichir des propositions des différents courants politiques et, surtout, réindustrialiser le pays.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). À la fin du premier confinement, alors que la France entière avait été privée pendant des semaines d’un bien aussi simple et essentiel qu’un masque, le Président de la République Emmanuel Macron avait affirmé qu’il fallait « interroger » notre « modèle de développement ». Il avait ajouté : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. ».

Depuis cette épiphanie vite oubliée, la reprise post-covid, la guerre en Ukraine et une inflation historique ont achevé de démontrer que la mondialisation triomphante des trente dernières années était derrière nous. Alors que les États-Unis ont adopté l’Inflation Reduction Act (IRA), que l’Allemagne a octroyé aux entreprises des subventions permettant de maintenir le prix de l’énergie en dessous du coût de production et que le marché européen de l’électricité nous a pénalisés l’hiver dernier – ce qui témoigne du fait que le mécanisme sur lequel il repose est entièrement déconnecté de la réalité –, il est temps que la France ait une réponse à la hauteur.

Notre pays est l’un de ceux, en Europe, dont le déficit commercial est le plus élevé et dont la part de l’industrie dans le PIB a le plus chuté. Puisqu’il est question d’industrie verte, il est bon de rappeler que la désindustrialisation a provoqué une explosion des émissions importées, ce qui annihile les efforts accomplis sur le territoire national pour réduire les gaz à effet de serre.

Par ailleurs, les émissions du secteur industriel, qui pèsent pour 20 % de l’ensemble, n’ont pas bougé. Les quotas carbone gratuits ont été un désastre européen et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières s’annonce comme une pantalonnade, aussi bien pour le climat – car il ne couvrira qu’une portion ridicule de ce que nous importons – qu’en matière de relocalisations – puisque les matières premières seront taxées, mais les produits finis ne le seront pas. Pour respecter les objectifs climatiques, il faut que le secteur industriel réduise ses émissions de 5 % par an.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, de nombreux sites industriels sont vulnérables au changement climatique, notamment à l’expansion des zones inondables – c’est le cas de l’usine de Borealis située dans ma circonscription, qui est la jumelle de celle d’AZF.

Il est d’autant plus difficile de relever ces défis que le nombre d’entreprises contrôlées par la puissance publique est passé de 2 600 en 1995 à 1 800 aujourd’hui. Les privatisations ont aggravé les délocalisations. Les effectifs de ces entreprises sont passés de 1,5 million à 560 000. Celles qui restent nous font du chantage aux subventions publiques, lesquelles sont pourtant déversées par dizaines de milliards à travers le plan de relance, sans contreparties sociales ou environnementales. L’entreprise parapétrolière Vallourec en est un brillant exemple : alors qu’elle a été sauvée par Bpifrance pendant la covid, elle a fermé aussitôt après le site de Déville-lès-Rouen, détruisant ainsi 380 emplois. Toutefois, ce n’est pas parce qu’on s’est trompé dix fois qu’on ne peut pas recommencer : ainsi, vous avez décidé de supprimer 16 milliards d’impôts de production par an, là encore sans aucune contrepartie.

Produire en France a beau être une évidence, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre délégué, la crise de l’énergie a fait exploser le nombre de faillites de PME industrielles, ce qui menace 117 000 emplois. Au-delà des annonces, comme celle de la construction d’une « gigafactory » à Dunkerque, le secteur automobile continue lui aussi, en réalité, sa sortie de route : le nombre de personnes qu’il emploie est passé de 300 000 en l’an 2000 à 190 000 en 2020, et 70 000 autres emplois seront en danger au cours des six prochaines années. Les usines Renault de Cléon et de Flins sont régulièrement au chômage partiel payé par l’État, car les voitures électriques ne se vendent pas. Or les constructeurs ne prévoient aucun infléchissement de leur stratégie en vue de produire des véhicules plus légers, afin de relever le défi immense de la décarbonation, et plus abordables.

Émissions importées colossales, déficit commercial incontrôlable, pénurie de médicaments, secteur automobile en roue libre, menaces pesant sur 117 000 emplois, sites Seveso seuil haut situés en zone inondable : ce sont autant de sujets dont nous devrions discuter dès maintenant. Aussi, quelle ne fut pas notre surprise quand nous avons découvert l’étroitesse du projet de loi ! Le texte est à ce point vide que nous ne pouvons même pas l’amender avec des propositions émanant des travailleurs des industries ou des associations de riverains. Avec ce projet de loi, ce sont les salariés des industries que vous allez rendre verts, car ils n’ont toujours pas reçu de réponses quant à l’avenir de leurs emplois.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Je remercie les rapporteurs pour la présentation qu’ils ont réussi à nous proposer en dépit de délais très courts.

Je vous remercie également, monsieur le ministre délégué, pour votre présentation. Comme vous l’avez indiqué, ce texte constitue un tournant pour notre économie. Le secteur industriel a subi une érosion importante, qui s’est traduite, depuis plus de quarante ans, par la perte de 2,5 millions d’emplois, liée à des délocalisations et à la vente d’actifs à des groupes étrangers. Pendant des années, nous avons assisté à une tertiarisation de notre économie, justifiée par une mondialisation effrénée, au nom de la baisse des coûts de production. La part de l’industrie dans notre PIB est désormais de 11 %, contre quasiment le double en Allemagne et en Italie. Par ailleurs, l’industrie est responsable de 19 % des émissions de gaz à effet de serre.

Il aura fallu plusieurs crises successives pour en revenir à la notion de patriotisme industriel et désormais à celle de souveraineté, d’abord dans le domaine médical et dans celui de l’alimentation, puis s’agissant de l’industrie. Celle-ci est évidemment importante ; elle implique aussi d’autres enjeux, notamment la dépendance à l’égard des matières premières.

Le texte permet certaines avancées : il contient des dispositions visant à enrayer la désindustrialisation massive et se veut ambitieux, notamment en matière de verdissement. Les mesures ayant pour objectif de libérer du foncier vont, elles aussi, dans le bon sens, de même que le raccourcissement des délais d’installation pour les entreprises, l’instruction en parallèle des procédures et la réhabilitation des friches industrielles polluées, même s’il faudra veiller à articuler ces dispositions avec celles relatives à l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN).

La définition de l’industrie verte se limite à ce que vous avez appelé les « Big Five », dont les « gigafactories ». Dans le cadre du groupe de travail que nous avons piloté en amont de l’examen du texte, M. Philippe Bolo et moi-même nous sommes interrogés sur l’opportunité de l’élargir.

Le fait de privilégier une commande publique responsable, tenant compte des critères environnementaux lors du choix des fournisseurs, va également dans le bon sens.

Je salue la méthode que vous avez employée : vous avez associé des élus et des entreprises très en amont du texte, sur le modèle de ce qui avait été fait pour la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).

Néanmoins, certains manques subsistent. D’abord, la formation, l’innovation et le financement ne sont pas abordés. Même si vous avez justifié cette approche, nous regrettons qu’un débat d’ensemble sur ces enjeux ne puisse avoir lieu. Ensuite, l’estimation de la consommation énergétique future fait défaut. Cette question apparaît pourtant comme un préalable essentiel à la réindustrialisation. Le coût du travail n’est pas évoqué non plus, pas davantage que les importations, qui comptent pour 51 % de l’empreinte carbone de notre pays. Il aurait fallu aborder aussi la question des contrats à long terme pour l’énergie et celle des écarts de compétitivité. Nous serons vigilants à ces enjeux durant l’examen du texte.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Après plusieurs mois de concertation, nous voici réunis pour examiner le projet de loi qui actera et renforcera la trajectoire que notre industrie a amorcée depuis quelques années. En effet, si les chiffres de la désindustrialisation intervenue depuis le début des années 1970 sont éloquents, la situation se débloque, comme en témoignent l’ouverture de 300 usines et la création de 90 000 emplois industriels nets. Cette évolution est due à la baisse de l’impôt sur les sociétés et des autres impôts de production, aux investissements des plans « France relance » et « France 2030 », ainsi qu’à l’engagement des industriels. Les attentes de ces derniers à l’égard du projet de loi sont très fortes.

Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que les procédures pour l’implantation d’une nouvelle usine sont quasiment deux fois plus longues que chez nos voisins allemands ; que le foncier manque ; que les PME veulent prendre le virage de la transition écologique, mais que l’accompagnement n’est pas suffisant. Surtout, au-delà de son impact économique, la réindustrialisation de notre pays permettrait d’éviter l’émission de millions de tonnes de CO2 par rapport à un scénario sans changement majeur. Notre planète ne peut pas se passer de cette économie. Le texte porte donc cette double exigence : produire en France et produire propre.

Pour garantir la réussite du projet, l’ensemble des sites doit être pris en compte ; le groupe Démocrate y sera particulièrement attentif. Il faut se garder de se concentrer uniquement sur les futures installations : les enjeux liés à la transition des structures industrielles existantes doivent être abordés.

Nous serons également force de proposition pour ce qui concerne la simplification des procédures. Il convient, tout en préservant les exigences environnementales, de préciser les conditions de réutilisation d’un résidu de production, d’intégrer la gestion de la ressource en eau au sein des documents d’urbanisme, ou encore d’interdire l’organisation de consultations publiques au mois d’août. Ces dispositions, qui nous paraissent de bon sens, permettront d’engager l’ensemble des acteurs dans la transition.

Nous soutiendrons également la suppression des dispositions relatives au ZAN : notre assemblée vient de se prononcer sur la question à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi et la commission mixte paritaire (CMP) se réunira jeudi. Évitons-nous cette répétition et concentrons-nous sur les mesures qui sont au cœur du texte. Parmi celles-ci, je mentionnerai la création d’un plan d’épargne avenir climat pour les mineurs, ou encore les mesures rendant obligatoire le référencement des actifs non cotés et des fonds labellisés. Il y a 6 000 milliards d’euros d’épargne privée en France : mobilisons-la avec efficacité et pragmatisme.

Le groupe Démocrate se réjouit donc des débats à venir. Nous serons au rendez-vous des enjeux, pour notre planète, pour notre souveraineté, pour notre croissance, pour notre modèle social et pour nos emplois.

M. Gérard Leseul (SOC). Vous avez mené durant le premier trimestre, à grand renfort de communication, des consultations avec des députés de votre majorité et des chefs d’entreprise pour dessiner un renouveau industriel dans notre pays. Celui-ci souffre depuis quarante ans d’une grave désindustrialisation. Il ne s’agit pas uniquement de PIB et de balance commerciale : des milliers d’emplois ont disparu dans les territoires. Or, si le titre du projet de loi prétend remédier au problème, son contenu est en réalité très peu ambitieux.

Le renouveau industriel ne saurait se limiter à des slogans proclamant le verdissement de l’outil de production. Du reste, on peine à trouver dans le texte une définition claire de la notion d’industrie verte. L’ambition initiale du texte, tel qu’il avait été présenté en Conseil des ministres, a disparu. Je pense notamment aux dispositions relatives à la formation, au financement de la décarbonation des industries, aux aides en faveur des constructeurs automobiles nationaux, ou encore au standard triple E, dont la définition a été repoussée. Pourtant, vous avez vous-même répété que ces questions étaient importantes.

Votre vision libérale de l’industrie, conformément à la logique du « Choose France », consiste à encourager – voire à privilégier – des investissements étrangers sur le sol national, en contrepartie de cadeaux fiscaux, et même d’une baisse de la vigilance en matière d’environnement.

La principale ambition du texte est de diviser par deux le délai administratif pour l’implantation d’une usine. Certes, l’intention est louable, mais il conviendrait d’apprécier davantage les risques qui pourraient en découler, ainsi que de respecter les précautions environnementales et les concertations publiques. En outre, la disposition concernerait indifféremment une PME ou une usine chinoise de batteries – dont nous ne maîtrisons ni la chaîne de valeur, ni les brevets. Nous ne saurions traiter tous les projets de la même manière : il importe de fixer des priorités.

Nous devons privilégier les procédés de fabrication satisfaisant à nos objectifs en matière de réduction de la consommation énergétique, de décarbonation et de réduction de notre dépendance à l’égard des importations de matériaux stratégiques. Autrement dit, il faut privilégier notre souveraineté industrielle. Nous voulons des éoliennes françaises, des panneaux solaires et des vélos européens. Nous souhaitons renforcer nos fleurons industriels dans les domaines de l’énergie et de la mobilité, préserver les PME ayant développé des techniques spécifiques, relocaliser les médicaments essentiels. Il faut aborder de manière concrète les enjeux d’une réindustrialisation qui soit au service de nos besoins fondamentaux. Cela suppose de créer une véritable odyssée industrielle, inscrite dans une logique européenne, avec la création d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières adopté à l’échelon européen mais décliné à l’échelon national.

L’examen au Sénat a permis d’ouvrir certaines portes. L’adoption d’un amendement du groupe socialiste, écologiste et républicain a ainsi permis d’inscrire dans le texte la définition de la stratégie industrielle. Si nous nous en félicitons, nous aurions souhaité renforcer encore cette ambition. Malheureusement, l’article 45 a frappé d’irrecevabilité nos propositions en la matière.

Nous nous opposerons à l’article 9 bis, qui exclut les implantations industrielles du décompte du ZAN.

Enfin, en matière de financement, l’ambition du texte est très limitée : vous entendez mobiliser l’épargne à hauteur de 5 milliards d’euros, alors que le surcroît d’épargne lié à la covid est estimé à 300 milliards d’euros.

Pour toutes ces raisons, nous abordons l’examen du texte avec circonspection et exigence.

M. Henri Alfandari (HOR). Nous devons produire plus de valeur. Hélas, la part de l’industrie dans le PIB a atteint la cote d’alerte – et ce, depuis longtemps. Toutefois, les efforts consentis depuis plusieurs années commencent à porter leurs fruits. Nous devons accélérer car, après l’industrie, c’est l’ensemble des secteurs d’activité qui sera entraîné dans une dynamique vertueuse.

L’industrie verte, c’est un impact maîtrisé et raisonné, mais c’est surtout une décarbonation de la société qui est vitale pour l’avenir. Grâce à la simplification des procédures, nous relocaliserons des activités dont les produits n’émettront pas de gaz à effet de serre, car il n’aura pas été nécessaire de les transporter. L’enjeu est avant tout de ne pas laisser à d’autres des responsabilités qui nous incombent. C’est pourquoi le groupe Horizons soutiendra ce projet de loi.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Le sujet aura sans doute du mal à percer dans une actualité très chargée. Pourtant, les usines ont façonné nos territoires, notamment les banlieues, dont il est beaucoup question, et la désindustrialisation a sans doute contribué à créer la situation que nous connaissons.

L’industrie verte est un enjeu qui nous concerne tous, que ce soit comme chefs d’entreprise, salariés, consommateurs ou riverains. Il convient donc de s’en saisir pleinement.

Vous nous proposez de produire en France et de manière décarbonée. Le texte est très technique. Il vise à rapatrier des usines et à réduire l’empreinte carbone. Il s’agit, selon vous, d’une loi à zéro euro. Le concept est d’autant plus discutable que, par ailleurs, l’argent coule à flots sans contrepartie. J’ai visité récemment l’entreprise STMicroelectronics, à Grenoble. Elle s’est vu accorder une aide publique de 2,9 milliards d’euros. J’ai demandé quelles seraient les contreparties. On m’a répondu qu’il n’y en avait pas vraiment…

Selon vous, le texte contribuera à transformer l’industrie, mais quelles sont les mesures qui participeront à la transformation des sites existants ? En outre, produire sans limite, sans s’interroger sur la qualité et la quantité des produits que nous consommons, même s’ils sont décarbonés, ne permet pas de parler d’une industrie verte.

Une industrie qui néglige toutes les autres pressions exercées sur l’eau, les sols, l’air et les matières premières ne saurait être qualifiée de verte, pas davantage qu’une industrie qui vise seulement à nous situer dans la compétition internationale, sans se soucier des limites planétaires, et qui n’interroge pas les filières qu’il convient d’accélérer et celles qu’il faut transformer, voire arrêter.

Non, une industrie dessinée à Matignon ou à Bercy et dont le modèle est la « gigafactory » ne saurait être qualifiée de verte. Non, une industrie qui ne se soucie pas des hommes et des femmes, notamment de leur santé, ne saurait être qualifiée de verte – je pense, à cet égard, au fait que la présence de substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas) a été mise en évidence, en France, dans le corps humain, ce qui devrait nous alerter. Non, une industrie qui ne prend pas compte ce que signifie le travail à l’usine dans une France où la température atteint 50 degrés et qui n’associe pas les salariés au futur de leur usine ne saurait être qualifiée de verte.

C’est cet écart entre votre vision des choses et la nôtre qui a orienté la manière dont vous avez évalué la recevabilité des amendements. Ainsi, tous ceux qui portaient sur les Pfas, sur la participation des territoires et sur l’industrie circulaire ont été rejetés. Bien d’autres sujets ont été écartés de la sorte, ce qui témoigne d’un désaccord profond sur ce qu’est l’industrie verte. À nos yeux, celle-ci repose sur trois piliers.

D’abord, elle doit être décarbonée, certes, mais aussi préserver les ressources : c’est une industrie qui refuse l’« extractivisme » et fait un usage sobre des matières premières. Ensuite, elle doit réinterroger nos besoins au regard des limites planétaires. Enfin, elle doit correspondre à une planification décentralisée et démocratique. Tous les amendements que nous avions déposés répondaient à cette triple ambition. Nous espérons que le débat pourra vraiment s’engager sur ceux qui n’ont pas été déclarés irrecevables.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Vous faites comme si la casse industrielle avait été une opération du Saint-Esprit. Or il y a des renoncements politiques à l’origine de cette situation, avec la complicité de patrons dont la vision était court-termiste. Le résultat, ce sont les 2,2 millions d’emplois qui ont été laminés, avec les drames humains, l’humiliation des salariés, les déménagements du territoire – dont les friches sont les cicatrices – et les pertes de souveraineté que cela suppose. Tout cela n’est pas tombé du ciel : c’est le fruit de renoncements que, d’une certaine manière, vous incarnez, puisque vous vous situez dans la filiation des libéraux.

À cette situation, vous répondez également comme des libéraux, tout en ajoutant des « cocoricos », comme s’il suffisait, pour recouvrer la souveraineté industrielle, de dire que « les hauts taux tuent les totaux » et qu’il faut donc diminuer les impôts. Simplifier le discours ne rend pas les choses plus simples. Pour l’essentiel, votre texte se limite à ces antiennes libérales rabougries, tant utilisées dans d’autres pays – avec l’efficacité que l’on connaît.

Les réponses que vous proposez sont-elles efficaces ou bien gazeuses ? Je considère que vous n’avez aucune stratégie de planification. Le haut-commissaire au plan a pourtant produit des rapports intelligents. Le dispositif « France 2030 » est lui aussi intéressant, car il permet d’accompagner concrètement des entreprises, sans toutefois opérer un maillage, dans une logique de structuration des filières, en intégrant les sous-traitants, et d’aménagement du territoire.

Pour le reste, le Président de la République Emmanuel Macron se voulait le président de la start-up nation, mais son bilan s’apparente surtout à une protection des rentes.

Les défis à relever sont pourtant majeurs. Nous devons nous réapproprier notre souveraineté. La crise de la covid a démontré à quel point cet enjeu était vital, qu’il s’agisse des médicaments, des semi-conducteurs, de l’énergie, de l’agroalimentaire ou de nombreux autres secteurs stratégiques. Ainsi, 40 % des matières premières et des composants utilisés dans l’industrie sont importés.

Il faut également décarboner l’ensemble des filières, ce qui suppose d’élargir la responsabilité des grandes entreprises et d’intégrer leurs sous-traitants.

Il importe de lutter contre les émissions importées en assumant une forme de protectionnisme : il faut taxer. Les produits les plus verts et les plus propres sont ceux qui ne traversent pas le monde pour arriver chez nous.

Le projet de loi est-il utile et prometteur, ou bien n’est-ce qu’un texte à énigmes et à trous ? Il n’est pas prévu de conditionner les aides. Le texte ne comporte aucune mesure destinée à faire baisser le coût de l’accès à l’énergie, ce qui est pourtant essentiel pour garantir la compétitivité de l’industrie. Rien n’est prévu non plus en matière de formation. Sur ces questions et bien d’autres, vous dites que l’on verra plus tard, car vous avez choisi de saucissonner cette politique publique – comme si nous pouvions attendre pour recouvrer notre souveraineté.

Tel est l’état d’esprit avec lequel le groupe communiste aborde l’examen du texte. Hubert Wulfranc, Jean-Marc Tellier et moi-même serons force de proposition, non seulement pour verdir l’industrie, mais aussi pour recouvrer, dans une logique d’aménagement du territoire et de planification, une industrie qui prenne en compte l’intelligence et la vie des salariés, car ces derniers sont les grands oubliés du projet de loi.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Vous avez évoqué, à propos de ce texte, un « tournant » économique majeur, la « fin du désastre » de la désindustrialisation ou encore une démarche « révolutionnaire » par certains aspects. Il faut en finir avec de tels éléments de langage ! Le projet de loi peut être utile, voire nécessaire, mais il a pour seuls objectifs de pallier des besoins fonciers en fournissant des sites clés en main, de diviser par deux les délais pour les procédures d’urbanisme, de verdir la production, sur le fondement d’une définition contestable, et d’essayer de trouver un début de financement. Il s’agit de répondre à l’IRA, adopté par les États-Unis, à ceci près que celui-ci représente 370 milliards de dollars d’investissements. En tenant compte de la différence de population entre les deux pays, il faudrait que nous consacrions environ 70 milliards à ce plan. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas…

Depuis le début de la législature, je m’étonne que le vocabulaire utilisé ne corresponde pas à la réalité. Ainsi, vous avez parlé de « concertation ». Non ! Nous avons seulement été consultés – après que les groupes de la majorité avaient travaillé et une fois que le texte avait été présenté en Conseil des ministres ; à ce moment-là, vous nous avez demandé si le projet nous convenait…

Sur la méthode, vous avez décidé de saucissonner le sujet. Ainsi, il n’est pas question de formation, d’emploi et de financement. À cet égard, le plan d’épargne avenir climat ne répond en rien aux besoins et, si la contribution minimale sur l’assurance vie et le plan d’épargne retraite sont des pistes intéressantes, il est fatigant de constater qu’une fois encore, un enjeu majeur comme celui de l’industrie est abordé par le petit bout de la lorgnette. Le texte fera de nombreux déçus si vous n’allez pas au bout de la logique.

Enfin, nous nous interrogeons sur la place réservée aux collectivités dans le projet. Concevoir des procédures permettant aux préfets de court-circuiter l’échelon local, c’est se mettre en difficulté. En effet, en prétendant accélérer les décisions avec des dérogations s’agissant des consultations publiques et la mutualisation des concertations, vous prenez un risque majeur, car les contentieux vont se multiplier. Or, comme vous n’avez pas de prise sur le temps que prennent les recours, le texte pourrait produire des effets inverses par rapport à ceux qui sont visés.

Si le projet de loi va plutôt dans le bon sens, nous regrettons donc la méthode employée et déplorons les éléments de langage auxquels vous avez recours, qui sont en décalage avec la réalité.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je voudrais d’abord remercier les rapporteurs pour leurs interventions qui montrent leur parfaite maîtrise du texte. Leurs propositions permettront d’enrichir encore celui-ci, après les avancées enregistrées au Sénat.

Je remercie aussi le rapporteur d’information de la commission des affaires européennes pour son intervention extrêmement importante. Effectivement, nous ne réindustrialiserons la France qu’en travaillant dans un cadre européen ambitieux. De ce point de vue et contrairement à ce que certains ont déclaré, nous avons fait beaucoup pour que l’Europe bouge. En outre, la politique industrielle française est tout sauf libérale, et il en va de même de l’infléchissement qui s’amorce à l’échelon européen. Le dispositif des aides d’État a été renforcé et des pans entiers de l’économie ont été soutenus, pendant la covid et au sortir de la pandémie, dans une logique de relance keynésienne que la gauche ne devrait pas refuser. Nous nous engageons également dans le financement du verdissement de l’industrie, d’une manière somme toute assez conditionnelle.

Je vous rejoins, monsieur Sitzenstuhl : les démarches très ambitieuses effectuées par la France depuis six ans, dans la lignée du discours de la Sorbonne, ont permis d’obtenir des résultats concrets en matière d’endettement commun et d’aides d’État, et la notion de souveraineté a été intégrée dans la politique industrielle européenne.

Vous jugez insuffisants les montants affectés au fonds souverain. Retenons quand même que, sans le Président de la République Emmanuel Macron et le commissaire français Thierry Breton, il n’existerait sans doute même pas.

S’il faut continuer à faire progresser l’Europe dans la voie de la réindustrialisation, il convient donc de noter l’apport très important de la France depuis six ans au renforcement et à la transformation en profondeur de la politique européenne, notamment en matière industrielle.

À partir d’un constat que, me semble-t-il, nous partageons tous, je souhaite que nous nous engagions dans une démarche de construction. La désindustrialisation de la France a été un désastre. J’observe qu’en Allemagne, pays qui n’est pas moins libéral que le nôtre, l’industrie pèse pour 22 % du PIB, soit deux fois plus que chez nous. Il est donc un peu simpliste d’établir un lien entre libéralisme et degré d’industrialisation. Les impôts sont moins élevés en Allemagne et les aides d’État, rapportées au nombre d’habitants, y sont tout aussi importantes qu’en France, voire légèrement supérieures. Depuis six ans, nous avons stabilisé la part de l’industrie dans le PIB à un niveau de 11 %, selon les chiffres de l’Insee. Nous devons à présent nous donner les moyens d’aller plus haut.

Certes, des usines ont continué à fermer, ce qui engendre des difficultés pour les territoires. Face à cela, nous avons agi dans deux directions. Premièrement, nous avons rouvert des usines en France : depuis cinq ans, on ouvre plus d’usines qu’on en ferme – citons, par exemple, ACC et STMicroelectronics. Deuxièmement, nous aidons au quotidien les industries qui souffrent. Nous avons trouvé un repreneur pour Carelide ; nous faisons tout pour en trouver un pour Tereos et Caudry ; nous travaillons sur la reprise potentielle de Valdunes. Nous avons, au minimum, une obligation de moyens pour aider les entreprises en difficulté à rester là où elles sont et à se développer. Nous n’avons pas lésiné sur les moyens ; nous commençons à obtenir des résultats. Je ne pense pas que l’on puisse nous reprocher un manque de volontarisme industriel au cours des six dernières années.

Monsieur Loubet, je vous invite à relire en détail le projet de loi. Toutes les dispositions que nous y avons insérées pour simplifier les procédures et développer les installations industrielles en France concernent l’ensemble de l’industrie. Nous avons deux convictions très fortes : premièrement, produire en France permet, dans la majorité des cas, de réduire les émissions de gaz carbonique ; deuxièmement, même l’industrie traditionnelle française est une source de décarbonation, comme l’attestent les chiffres. Les clients, les employés, les actionnaires, l’État le demandent. Le mécanisme très puissant d’accompagnement de la réindustrialisation va permettre de verdir l’industrie traditionnelle et de développer une industrie verte de qualité.

Notre déficit commercial est en effet beaucoup trop élevé. Il est le fruit de la désindustrialisation massive que l’on connaît depuis vingt-cinq ans. Si l’on veut renverser cette tendance, il va falloir produire une industrie compétitive et verte, capable de s’exporter, de se développer dans le cadre de frontières ouvertes.

Madame Dufour, Monsieur Saint-Huile, nous répondons à l’IRA. Nous n’avons pas à rougir des montants engagés : « France 2030 », c’est 54 milliards d’euros, après les 100 milliards d’euros de « France relance ». Nous sommes bien au-delà des montants de l’IRA. Les industriels et les élus locaux nous font part d’un besoin de terrains, de talents, de financement. Les salariés, chez Duralex et ailleurs, nous disent : vous nous avez bien aidés, continuez à le faire. Ce ne sont pas les montants qui nous posent problème mais les procédures, notre capacité à accélérer le mouvement sans baisser la garde sur l’environnement. Ce projet de loi n’entraîne aucune remise en cause des contraintes environnementales. Nous parallélisons des procédures déjà existantes, nous étendons la durée de l’enquête publique, nous renforçons un certain nombre de mécanismes. Nous souhaitons aller plus vite, être plus efficaces, mais sans aucunement réduire nos efforts en faveur de l’environnement, car nous sommes convaincus que la décarbonation est l’un des éléments essentiels de la compétitivité de demain. Cela étant, nous n’avons pas encore atteint le niveau de simplicité et d’efficacité des procédures américaines.

Il y a trois semaines, en Ardèche, le Président de la République a annoncé la relocalisation en France de la production de vingt-cinq médicaments essentiels.

Madame Dufour, vous avez affirmé que l’industrie n’avait pas baissé ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2021. Or, c’est le secteur qui les a le plus diminuées, à hauteur de 44 %. Il est très probable que ce soit encore le meilleur élève dans les vingt à trente ans qui viennent. À titre d’exemple, si l’on décarbone Borealis, on en retirera un triple gain. Le premier concernera l’entreprise elle-même, qui n’émettra plus que 50 % de gaz à effet de serre en 2030 et une quantité nulle en 2050. Deuxièmement, cette société produira des engrais moins carbonés que ceux que l’on importe, ce qui aura des effets bénéfiques pour une partie de notre agriculture sans faire peser le fardeau de cette évolution sur nos agriculteurs. Troisièmement, nous disposerons d’engrais compétitif, ce qui nous permettra d’exporter, de contribuer au développement de nos territoires et de réduire notre déficit commercial.

Ce texte participe d’un changement d’état d’esprit et reflète un consensus quasi-général des élus en faveur de l’industrie. Montrons que nous pouvons travailler ensemble pour faire avancer l’industrie verte.

Je travaille tous les jours avec les comités stratégiques de filière (CSF). Les plans de filière que nous sommes en train de signer pour les cinq ans qui viennent ont pour objet de nous permettre de décarboner ensemble. Monsieur Jumel, vous avez raison, la gestion des sous-traitants par certaines filières est perfectible – nous y travaillons avec elles. D’autres filières, en revanche, sont exemplaires.

Madame Duby-Muller, l’énergie constitue en effet le nerf de la guerre de la désindustrialisation. Je vous invite à attendre le projet de loi de programmation énergétique, qui sera présenté à l’automne et qui vous apportera toutes les réponses sur ce sujet.

Vous vous êtes également interrogés sur la définition de l’industrie verte. Aujourd’hui, à mes yeux, le vert doit être partout. À définir trop précisément la notion, on risque de s’empêcher de développer un certain nombre de technologies, existantes ou à venir. Cela nous priverait, par exemple, de la possibilité de verdir les aciéries, qui, à l’heure actuelle, sont tout sauf vertes : à titre d’exemple, Arcelor représente 7 % des émissions de gaz à effet de serre en France.

M. le président Bruno Millienne. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Le projet de loi est réducteur et décevant. L’exclusion des projets industriels concourant à la transition écologique ou essentiels pour la souveraineté nationale du périmètre de la « zéro artificialisation nette » est une avancée, mais quels projets seront réellement concernés et comment fera-t-on pour tous les autres ? La réhabilitation des friches industrielles et la mise à disposition de terrains semble également une bonne idée, mais quelles solutions seront proposées pour les terrains et les territoires dépourvus de friches ? L’exclusion de la commande publique des entreprises ne respectant pas les obligations nourrit une véritable inquiétude. Toutes ont l’envie de se décarboner, mais elles ne pourront pas toutes aller à la même vitesse. Cette mesure va créer de profondes inégalités. On peut se demander si le projet de loi permettra réellement, en francisant autant que possible la commande publique, de réduire les émissions importées de la France, qui représentent la moitié de notre empreinte carbone.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Les industries électro-intensives, dans des secteurs tels que l’aluminium, l’acier, la chimie ou le silicium, sont essentielles à la production de biens stratégiques et à notre indépendance. Nous devons donc les conserver sur notre territoire. Elles font partie des industries les plus émettrices, sur lesquelles vous souhaitez agir. Toutefois, les plans de décarbonation sont très capitalistiques. Ils présentent des durées d’amortissement très longues et entraînent une perte de compétitivité au cours des dix années nécessaires à l’investissement. Que se passera-t-il après la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) ? Si des entreprises électro-intensives n’ont pas de visibilité sur le coût de l’énergie, alors que celle-ci représente 30 % de leurs coûts de production, elles ne pourront pas investir massivement dans la décarbonation.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Il y a deux problèmes dans ce projet de loi : le premier est ce qu’il contient, le deuxième, ce qu’il y manque. Rien n’est prévu pour la formation des travailleurs et des travailleuses de l’industrie de demain, pour l’anticipation de nos besoins en matière de qualification. Vous avez jugé irrecevables beaucoup de nos amendements, dont certains avaient pour objet d’anticiper les métiers à venir, afin d’adapter l’offre de formation. Vous avez aussi rejeté la création d’un conseil national de la qualification professionnelle, qui pouvait permettre de quantifier ces besoins, métier par métier. L’augmentation de 22 % des places dans les écoles des mines et des télécoms coûterait environ 1 milliard d’euros selon « France 2030 ». Quelle évaluation faites-vous des moyens nécessaires à la formation ?

M. Nicolas Meizonnet (RN). Nous sommes visiblement nombreux à ne pas comprendre comment vous pouvez former le vœu d’une grande loi sur l’industrialisation sans traiter la question de la main-d’œuvre et de la formation. Nous ne nous expliquons pas non plus pourquoi la totalité de nos amendements sur cette question a été rejetée. On est pourtant au cœur du sujet. Une industrie, c’est, avant tout, des ressources humaines. On souffre d’un déficit immense en la matière, ce qui se traduit par un taux de vacance d’emploi élevé, un défaut de compétences, un recours accru aux heures supplémentaires, une baisse de la productivité, des délais de production et de livraison plus longs et, in fine, une augmentation des importations. Monsieur le ministre délégué, comment avez-vous pu passer à côté de ce volet majeur ?

M. Pierre Meurin (RN). L’article 45 de la Constitution dispose que « tout amendement est recevable […] dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte ». Pourtant, vous avez déclaré irrecevables des amendements traitant de la responsabilité environnementale des filières industrielles, laquelle présente un lien avec l’industrie verte. Je m’offusque de cet arbitraire. Vous avez accepté un amendement sur les zones à faibles émissions (ZFE) qui me semble présenter un lien bien plus ténu avec le texte. Nous sommes nombreux à nous interroger sur ces décisions.

M. Nicolas Dragon (RN). Tous les pays qui s’en sortent disposent d’une industrie forte, comme l’illustrent le Japon, l’Allemagne, les États-Unis ou encore la Chine. La France doit revenir à ce niveau. Je citerai le projet d’implantation de l’usine Rockwool, près de Soissons, qui concernerait 130 emplois et implique un investissement de 130 millions d’euros. Cette usine a vocation à fabriquer des produits isolants en laine de roche, destinés principalement au marché français, grâce à une technologie de fusion électrique à faible émission de carbone. Que pensez-vous de ce projet, qui se heurte à de fortes contestations, même de la part d’élus locaux ?

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Votre projet de loi est un texte à trous. On cherche ce qu’il contient mais surtout ce qu’il y manque. À Saint-Nazaire, nous regrettons l’absence de mesures protectionnistes concernant, par exemple, les énergies marines renouvelables, que vous semblez ainsi prédestiner au même avenir que celui réservé, hier, au photovoltaïque. Il n’y a rien, non plus, sur les droits des salariés dans la perspective de la bifurcation écologique. Comment pensez-vous transformer les entreprises sans les salariés ? Nous avions déposé plusieurs amendements, qui ont été déclarés irrecevables, pour imposer la tenue de négociations sur cette bifurcation dans les entreprises et pour créer des droits nouveaux, par exemple sur les comités sociaux et économiques (CSE). Le texte ne prévoit rien, non plus, sur la protection des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les sites Seveso, pas même la création, pourtant nécessaire, d’une autorité indépendante.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). On a un peu l’impression que ce texte instaure une planification par le haut : on implante des usines, mais on inventera plus tard la vie qui va avec. S’agissant des panneaux photovoltaïques, je voudrais tirer la sonnette d’alarme à propos de l’usine Photowatt. On entend parler d’une gigafactory, dont on ne sait pas grand-chose, qui sera créée au détriment d’entreprises existantes. On pourrait reconstituer une filière à partir de ces dernières sans suivre uniquement le modèle de la gigafactory. Comment allez-vous associer toutes les parties prenantes dans les territoires pour réussir la réindustrialisation ?

Pourquoi ne prévoyez-vous pas de contreparties au financement de certaines entreprises qui, telle STMicroelectronics, utilisent des métaux rares ou dont l’activité est polluante ?

M. Julien Dive (LR). Quelque 30 000 à 40 000 emplois sont supprimés, chaque année, du fait des délocalisations, en particulier de la part des multinationales. L’un des angles morts du texte est la lutte contre les délocalisations, qui est pourtant le meilleur moyen de décarboner notre industrie. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

M. Vincent Thiébaut (HOR). Le projet de loi ne traite pas de la logistique, qui est pourtant essentielle à la maitrise des flux de transfert entre les industriels et entre les sites. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Le projet de loi aborde la transformation du système technique du capital, mais nous aurions aimé que la question du recours à l’argent public soit traitée d’emblée. Le texte comporte deux manques majeurs, qui s’ajoutent à d’autres lacunes déjà signalées : en amont du produit fini, le sujet des matières premières, des terres rares et la question des industries extractives dans notre pays ; en aval, la question des transports ferrés et fluviaux et celle de la logistique.

M. Charles de Courson (LIOT). L’article 17, qui vise à fixer un taux minimum d’utilisation des assurances vie et des plans d’épargne retraite (PER) vers les PME, est une bonne idée, que nous avions eue dès 1993. À l’époque, nous avions essayé de fixer les taux par voie d’amendement ; le ministre des finances nous avait dit que ce serait fait. Trente ans plus tard, nous en sommes à 1,3 % des 1 839 milliards d’assurance vie et 2,5 % des PER. Le Sénat a souhaité que le ministre fixe un taux minimum, mais il faudrait en réalité un taux minimum progressif. Nous comptons sur vous pour appuyer nos amendements en ce sens.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Outre la formation, le texte ignore deux facteurs supplémentaires de production. En premier lieu, vous refusez d’envisager l’extraction, sur notre territoire, des matières premières, en particulier des métaux rares, laquelle pourrait se faire de manière durable et écologique, puisqu’on maîtriserait les modes de production. En deuxième lieu, en termes de production d’énergie et quel que soit le scénario de RTE (Réseau de transport d’électricité) que l’on retienne, nous n’avons pas les moyens d’alimenter les usines électrifiées et les productions décarbonées.

M. Emmanuel Blairy (RN). Comment comptez-vous maintenir les emplois chez Tereos ? La fermeture de l’usine d’Escaudœuvres, qui emploie 123 personnes, est liée à l’arrêt de l’utilisation des néonicotinoïdes (NNI). Allez-vous revenir sur cette interdiction ? Ou ces 123 emplois seront-ils préservés au sein d’autres industries ?

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons été saisis par la faiblesse du volet financier du texte. Je ne comprends pas pourquoi vous avez choisi de créer un nouvel outil, ex nihilo, alors qu’il existe pléthore d’outils d’épargne, dont il aurait suffi de relever les plafonds au bénéfice du financement de l’industrie verte. Vous espérez mobiliser 5 milliards d’euros alors que 300 milliards de surépargne consécutive à la covid sont disponibles. Par ailleurs, pourquoi ne pas avoir tenu une grande conférence nationale sur l’industrie ?

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Lors de l’examen du projet de loi sur les énergies renouvelables, on nous a dit que ce n’était pas le moment de parler de formation. Lors de la discussion du projet de loi d’accélération du nucléaire, on nous a dit que ce n’était pas le moment de parler des métiers du nucléaire. Aujourd’hui, ce n’est pas le moment de parler de la formation liée aux métiers de l’industrie verte. Quand le moment sera-t-il venu ? Ce n’est pas le ministre Pap Ndiaye qui va s’en occuper !

Si la réindustrialisation, la relocalisation, le verdissement de l’industrie nécessitent une formation à ces métiers, elles exigent aussi une politique énergétique, une visibilité sur les prix et la reprise en main du mix énergétique au service d’une industrie décarbonée. Le texte ne contient rien, non plus, à ce sujet.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame Petex-Levet, les industries de la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, territoire dont vous êtes l’élue et que j’ai eu l’occasion de visiter voilà quelques mois avec mon collègue Bruno Le Maire, seront au cœur de la transition. Elles sont aujourd’hui très orientées vers les véhicules thermiques et nous devons appuyer leur diversification et leur réorientation vers d’autres secteurs. De fait, si la vallée de l’Arve compte de très belles entreprises, d’autres, plus petites, auront sans doute du mal à faire cette transition et nous devons vraiment aider à la consolidation de ce secteur. Je pense en particulier à l’une de ces entreprises, qui fournit des pièces pour les véhicules thermiques et qui se diversifie désormais en fabricant des moteurs électriques pour les vélos. Cette entreprise très productive et inspirante organise aussi la transition de ses salariés vers de nouveaux métiers. Dans certaines régions, les entrepreneurs se prennent en main, et nous allons les accompagner.

Vous avez posé une bonne question à propos du bilan d’émissions de gaz à effet de serre (Beges). Je précise toutefois que le texte ne prévoit pas de rendre ce bilan obligatoire en cas de candidature à la commande publique – pour les raisons mêmes que vous évoquez, nous n’avons pas voulu que ce soit le cas – et j’espère que cette mesure, proposée par des amendements déposés sur d’autres bancs, ne sera pas retenue. Un acheteur public qui souhaite que les entreprises candidates aient fait leur travail en matière d’émission de gaz à effet de serre pourra l’exiger grâce à ce projet de loi, mais il ne sera pas obligé de le faire, afin d’éviter que des entreprises qui, comme vous l’évoquiez, n’ont pas encore eu le temps de faire leur Beges soient exclues des marchés publics, tandis que ces obligations ne s’imposeraient aucunement aux entreprises étrangères, qui bénéficieraient ainsi d’un favoritisme de fait. Nous aurons ce débat lors de l’examen de l’article correspondant.

Madame Bonnivard, vous avez évoqué les industries électro-intensives et j’ai évidemment en mémoire la visite que nous avons faite ensemble voilà dix jours, à Saint-Jean-de-Maurienne, à l’entreprise Trimet, aluminerie décarbonée très performante. La question de la fixation des prix dans le secteur de l’énergie, évoquée par M. Jumel, est à cet égard très importante. En l’espèce, après un contrat signé voilà dix ans avec EDF lors de la reprise de Trimet par un actionnaire allemand de très grande qualité, les parties se sont engagées pour les dix prochaines années sur des volumes précis d’électricité à des prix défiant toute concurrence. C’est là un exemple que nous devons généraliser.

Après l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), il faudra pouvoir conclure des contrats de long terme, qui supposent un partage du risque entre le producteur et le consommateur. Il s’agit de montrer à la Commission européenne que nous ne sommes pas en train d’accorder des subventions indues à nos industriels, et cet exemple devra être suivi par toutes les entreprises électro-intensives – petites, moyennes et grandes.

Madame Guetté, messieurs Meizonnet, Tanguy, Leseul et Jumel, nous ne parlons peut-être pas de formation dans ce projet de loi, mais nous en faisons. Depuis cinq ans, en effet, nous avons triplé le nombre d’apprentis en France, dont plus de 20 % dans les secteurs industriels. Près de 200 000 apprentis s’orientent vers l’industrie et nous allons poursuivre ce mouvement en formant davantage, ce qui ne nécessite pas de recourir à la loi. Je comprends votre frustration de ne pas pouvoir en débattre, mais n’hésitez pas à auditionner les ministres dans le cadre de vos opérations de contrôle.

Madame Guetté, l’augmentation de 20 % du nombre d’ingénieurs dans toutes les écoles des Mines sera loin de coûter 1 milliard, car le budget global de ces écoles est aujourd’hui de 300 millions d’euros : le coût sera donc, en ordre de grandeur, d’environ à 20 % de ce montant. Les 2,5 milliards d’euros que nous avons inscrits, dans le cadre de « France 2030 », au titre de l’appel à manifestations d’intérêt pour les compétences et les métiers d’avenir et dont nous avons déjà lancé une première vague pour 750 millions d’euros, existent déjà et accompagnent des entreprises, des écoles, des centres de formation d’apprentis (CFA) et des écoles de production qui forment nos jeunes et nos moins jeunes aux métiers d’avenir. N’hésitez donc pas à faire votre travail de contrôle en interrogeant les ministres compétents ou M. Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, sur la manière dont cet argent est dépensé.

Madame Guetté, monsieur Meizonnet, je vous invite à soutenir la superbe réforme des lycées professionnels à laquelle nous allons procéder. Nous voulons en effet que ces établissements forment davantage à des métiers techniques qui offrent de l’emploi et des perspectives de carrière qui paient mieux.

Monsieur Dragon, l’entreprise Rockwool bénéficie d’une autorisation environnementale délivrée en avril 2021, mais elle fait face à deux recours déposés respectivement par France Nature Environnement et par le collectif Sauvons Soissons, au motif de l’avis défavorable du commissaire enquêteur jugeant insuffisante la justification du choix du site. Le jugement au fond étant attendu le 22 juillet, je ne me prononcerai pas sur une procédure judiciaire en cours, mais cette affaire montre bien que nous devons aligner l’ensemble des élus nationaux, régionaux, départementaux et locaux autour de ces projets industriels. C’est ce que je fais chaque jour lorsque je me rends dans les Hauts-de-France ou en Occitanie, au fil des échanges réguliers que j’entretiens avec les présidents de région et de département ou dans les réunions rassemblant tous les élus locaux – certains d’entre vous ont probablement participé à celles qui ont eu lieu à l’usine Buitoni de Caudry ou au Havre. Le projet Rockwool se heurte à certaines résistances des élus locaux et peut-être l’entreprise n’a-t-elle pas assez partagé avec ces derniers : je l’engage donc à continuer à le faire. Toujours est-il que, jusqu’au 22 juillet, nous attendons le résultat de l’audience judiciaire.

Monsieur Tavel, pour ce qui est de la formation et des droits des salariés, je me rends jusqu’à trois fois par semaine dans des usines, où je rencontre les salariés et les représentants des organisations syndicales, qui adhèrent à notre projet et nous remercient de ce que nous avons fait depuis plusieurs années pour sauver l’industrie. Ça vous fait rire, mais je vois chaque jour des entreprises comme celles dont nous parlons. Je suis certain que votre question n’avait rien de provocateur, mais je tiens vous dire que les salariés et les organisations syndicales – y compris dans le cadre du Conseil national de l’industrie, que la Première ministre et moi-même avons réuni la semaine dernière – sont prêts à jouer le jeu de cette transition, à condition que nous les accompagnions en matière de formation, d’organisation et d’évolution des carrières. Je suis pleinement disposé à avoir ces conversations, qui ne sont cependant pas de nature législative. De fait, le dialogue social, auquel je crois comme vous, se fait dans les branches et dans les entreprises, mais pas à l’Assemblée nationale. Je comprends votre frustration, mais la loi n’est pas destinée à gérer les enjeux du dialogue social.

Quant aux sites Seveso, pour lesquels vous demandez la création d’une autorité indépendante telle qu’il en existe une pour le nucléaire, je rappelle que cette dernière a été créée parce que l’entreprise qui construit et opère les réacteurs nucléaires est publique, et que c’est aujourd’hui le ministère de l’environnement qui suit l’exécution et le respect des contraintes Seveso, ce qui me semble normal pour des entreprises privées opérant sur notre territoire. Il est inutile de déléguer tous les contrôles à des autorités indépendantes.

Monsieur Fournier, je ne défends pas un modèle unique. Je n’ai rien contre la gigafactory qui produira des centaines de milliers de batteries en France avec – j’y reviendrai en répondant à la question de M. Tanguy – des matières premières et des matériaux de base recyclés et du lithium sans doute produit en partie en France, mais il est bien évident que nous accompagnons aussi les PME et les entreprises de taille intermédiaire. J’ai inauguré, voilà un an, une usine flambant neuve, l’usine Lacroix, dans le Maine-et-Loire, qui fait de la micro-électronique : ST n’est pas la seule entreprise dans ce domaine ! N’opposons donc pas les entreprises et les territoires les uns aux autres. Nous allons développer et verdir l’ensemble de l’industrie et nous accompagnons, dans le cadre de « France 2030 », les gros sites et les plus petits. J’espère que nous aurons votre soutien pour le faire.

Pour ce qui est de la conditionnalité, que nous évoquerons lors de l’examen des articles, je rappelle que, pour ST comme pour de nombreuses autres entreprises, les aides sont conditionnées, avec notamment des conditions de récupération (clawback) qui imposeraient, par exemple, à ST de rembourser les aides reçues si cette entreprise se délocalisait – c’est là un point sur lequel M. Dive m’a interrogé. L’idée selon laquelle l’État français ferait depuis des années des chèques en blanc aux entreprises est fausse. Il est des points sur lesquels nous ne serons pas d’accord, comme les allégements, auxquels je sais que vous êtes opposé et que M. Jumel souhaiterait conditionner – comme du reste, j’en suis sûr, d’autres députés sur les bancs de la gauche et peut-être même à droite. Soyons donc d’accord sur le fait que nous ne sommes pas d’accord là-dessus, mais toujours est-il que les aides dont il est ici question sont toutes conditionnées. Les conditions dépendent évidemment des projets, que je n’énumérerai pas ici, mais l’aide publique n’est pas un chèque en blanc et elle est notamment liée au fait que le projet doit se faire en France.

Pour ce qui est de Photowatt, nous travaillons avec EDF sur plusieurs scénarios de restructuration et de croissance. J’ai eu des échanges à ce propos avec le président-directeur général d’EDF, qui l’a annoncé en comité social d’entreprise.

Monsieur Thiébaut, il est vrai que le texte ne traite pas de la logistique, qui est certes essentielle pour le développement industriel, mais ne fait pas partie pour nous des secteurs industriels proprement dits. Toutefois, le comité stratégique « Logistique » que je co-anime avec mon collègue Clément Beaune n’a pas attendu la loi sur l’industrie verte pour s’intéresser à ces enjeux importants. De fait, lorsqu’on donne une subvention pour zone industrielle bas carbone à Dunkerque, au Havre ou ailleurs, les sites concernés intègrent la logistique dans leur réflexion, mais il ne s’agit pas pour autant d’une activité industrielle à forte valeur ajoutée entrant dans le champ du projet de loi.

Je n’ai pas entendu de question très précise de la part de M. Wulfranc, sinon ses critiques sur la dépense de l’argent public, auxquelles j’espère avoir répondu en partie à propos de la conditionnalité des aides.

Monsieur de Courson, développer l’investissement dans les PME, en particulier pour les entreprises familiales non cotées qui ne souhaitent pas entrer sur les marchés financiers, est un enjeu majeur, sur lequel je travaille depuis des années. Comme vous l’avez dit, le PER, créé par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises voilà moins de cinq ans, a plutôt permis de progresser en la matière, car plusieurs amendements y incitaient les assureurs. Sa part est aujourd’hui de 2,5 % et nous devons continuer à développer ce mécanisme, mais je crains que le fait d’imposer un pourcentage minimum exclue certaines entreprises financières, et notamment les plus petites, qui ne disposent pas de toute la gamme de produits ou de la profondeur de marché nécessaires pour de tels investissements. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’y revenir en examinant l’article 17.

Monsieur Tanguy, je ne pense pas que vous ayez toujours raison et je pense même que vous avez souvent tort – mais vous avez au moins raison de souligner que les matières premières seront le nerf de la guerre. Votre question est, du reste, très largement inspirée du rapport Varin, que nous avions commandé. Les recommandations de ce rapport, rendu voilà deux ans, sont en train d’être mises en œuvre et n’appellent aucune disposition législative. J’ai nommé un délégué interministériel aux matériaux de base, conformément à ces recommandations, et nous avons créé un fonds de 500 millions d’euros d’argent public, qui sera complété dès cette année par 500 millions d’euros d’argent privé et 1 milliard d’euros l’année prochaine, qui sera géré par un gestionnaire de fonds, Infravia, et qui développera notre capacité à disposer des matériaux de base critiques qui nous permettront de décarboner l’industrie traditionnelle. Certains de ces matériaux viendront de l’étranger mais seront collectés dans une logique d’extraction responsable, tandis que d’autres seront sans doute extraits en France. Notre pays possède, en effet, beaucoup de lithium : exploitons-le de façon responsable et assurons-nous que les populations sont prêtes à jouer le jeu. Nous disposons de ressources exceptionnelles, que nous devons exploiter dans le cadre du verdissement de l’industrie.

Je vous engage d’ailleurs à suivre également mon collègue Bruno Le Maire, qui s’est rendu récemment en Allemagne, où il a été convenu avec son homologue allemand que, dans ce domaine aussi – je le dis en pensant à M. Sitzenstuhl –, nous devions avoir une stratégie européenne. L’Europe doit être indépendante pour son approvisionnement en matériaux de base et instaurer leur recyclage afin d’être à la fois exemplaire et plus présente. Onze projets liés au lithium sont actuellement soutenus par « France 2030 ».

Monsieur Blairy, nous travaillons beaucoup sur le dossier Tereos. J’ai rencontré les organisations syndicales et la direction de cette entreprise. Les choses seraient simples s’il ne s’agissait de néonicotinoïdes, mais il se trouve malheureusement – et je l’ai dit publiquement –que la direction a commis plusieurs erreurs stratégiques, qu’elle n’a pas assez investi dans l’outil de production et qu’elle a décidé de fermer un site qui n’est plus compétitif. Je travaille donc d’arrache-pied avec la direction et tous les élus du territoire à trouver une solution pour chacun des salariés concernés et pour le site.

Monsieur Leseul, je pense avoir répondu à votre question relative à la formation. Quant à une conférence nationale sur l’industrie, il me semble que ce projet de loi pouvoir nous permettre d’avoir des débats intéressants, fouillés et, je l’espère, consensuels sur notre objectif commun de réindustrialiser la France : faisons-le !

Monsieur Jumel, nous travaillons sur la formation et l’éducation et le ministre Pap Ndiaye le fait aussi : en novembre dernier, durant la semaine de l’industrie, nous avons organisé une rencontre au ministère des finances entre des industriels et 1 000 jeunes venus des quartiers, qui en sont sortis avec une envie d’industrie. Je suis prêt à renouveler ces rencontres dans toutes vos circonscriptions. Rapprochons l’école de l’industrie et l’industrie de l’école. Donnons à nos jeunes envie d’industrie. Nous y parviendrons ensemble ou nous n’y parviendrons pas.

M. le président Bruno Millienne. Je tiens à dire à M. Meurin et à tous ceux qui s’interrogent sur l’irrecevabilité de certains amendements au titre de l’article 45 que ce travail a été fait en toute honnêteté et impartialité, comme en témoigneraient, si elles n’étaient malheureusement parties, Mme Guetté et Mme Dufour, qui en ont eu l’illustration cet après-midi. Si donc vous souhaitez comprendre pourquoi certains amendements ont été jugés irrecevables, écrivez-nous : nous vous répondrons.

 

 

 

 


Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’industrie verte

Réunion du mardi 4 juillet 2023 à 21 h 30

Présents.  M. Damien Adam, M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, Mme Anne-Laure Babault, M. Emmanuel Blairy, M. Philippe Bolo, Mme Émilie Bonnivard, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Sophia Chikirou, M. Charles de Courson, M. Hendrik Davi, Mme Christine Decodts, M. Julien Dive, M. Nicolas Dragon, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Alma Dufour, M. Philippe Fait, Mme Sylvie Ferrer, M. Charles Fournier, M. Hadrien Ghomi, Mme Olga Givernet, Mme Florence Goulet, Mme Clémence Guetté, Mme Laurence Heydel Grillere, M. Timothée Houssin, M. Alexis Izard, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Mohamed Laqhila, Mme Nicole Le Peih, Mme Marie Lebec, M. Mathieu Lefèvre, M. Hervé de Lépinau, M. Gérard Leseul, Mme Delphine Lingemann, M. Alexandre Loubet, M. Jean-François Lovisolo, M. Olivier Marleix, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, Mme Lysiane Métayer, M. Pierre Meurin, M. Bruno Millienne, M. Nicolas Pacquot, Mme Christelle Petex-Levet, M. Dominique Potier, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, Mme Véronique Riotton, M. Xavier Roseren, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Benjamin Saint-Huile, M. Aurélien Saintoul, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Matthias Tavel, M. Jean-Marc Tellier, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. Lionel Vuibert, M. Hubert Wulfranc, M. Frédéric Zgainski

Assistaient également à la réunion.  Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Véronique Louwagie, M. Yannick Monnet, M. Charles Sitzenstuhl, M. Pierre Vatin