Compte rendu

Commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Pierre Siutat, président de la Fédération française de basket-ball (FFBB), et de M. Alain Contensoux, directeur général              2

– Audition, ouverte à la presse, de M. Serge Lecomte, président de la Fédération française d’équitation, et de M. Frédéric Bouix, délégué général              22

– Audition, ouverte à la presse, de MM. Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel, et Arnaud Rouger, directeur général, et de M. Frédéric Besnier, directeur de l’Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP)              47

– Présences en réunion................................66


Mercredi
22 novembre 2023

Séance de 13 heures 30

Compte rendu n° 48

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
Mme Béatrice Bellamy,
Présidente

 


  1 

La séance est ouverte à treize heures trente-cinq.

 

La commission auditionne M. Jean-Pierre Siutat, président de la Fédération française de basket-ball (FFBB), et M. Alain Contensoux, directeur général.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous accueillons M. Jean-Pierre Siutat, président de la Fédération française de basket-ball (FFBB) et M. Alain Contensoux, directeur général. Je vous remercie, messieurs, pour votre disponibilité. Nous avons entamé les travaux de cette commission d’enquête le 20 juillet 2023. Nos travaux portent sur trois axes : les violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport, les discriminations sexuelles et raciales, et les problématiques liées à la gouvernance financière des organismes de gouvernance du monde sportif.

Monsieur le président, vous avez cofondé le club féminin de Tarbes, dont vous avez été l’administrateur de 1986 à 1995. Président de la Ligue féminine de basket-ball de 2001 à 2009, vous avez été désigné en janvier 2009 premier vice-président chargé du pôle haut niveau de la Fédération française de basket-ball. Vous en avez été élu président en novembre 2010, puis réélu en 2012, 2016 et 2020. Il s’agit donc de votre quatrième mandat à la tête de la Fédération. Membre du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) à partir de 2013, vous en avez démissionné en 2019 en invoquant des raisons personnelles.

Monsieur le directeur général, initialement chargé de mission sur les sports professionnels, puis en charge de l’évaluation des fédérations sportives au sein de la direction des sports du ministère des sports de 1993 à 2005, vous devenez par la suite adjoint au directeur technique national (DTN) de la Fédération française de tennis (FFT). En 2010, vous rejoignez la FFBB en tant qu’entraîneur national et DTN adjoint. Vous êtes directeur général et directeur technique national de la FFBB depuis 2018.

Messieurs, je vous propose, dans un bref propos liminaire, de nous indiquer les faits relevant du champ de cette commission d’enquête dont la Fédération française de basket-ball a eu connaissance, et la manière dont elle y a répondu. Vous nous préciserez également les éventuelles difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans le traitement de ces affaires et dans l’application du cadre.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(MM. Jean-Pierre Siutat et Alain Contensoux prêtent serment.)

M. Jean-Pierre Siutat, président de la Fédération française de basket-ball. Élu depuis 1996, j’atteins ma dernière année au service du sport français. La nouvelle équipe sera en place à partir du 14 décembre 2024. Je vous propose de présenter rapidement notre fédération, créée en 1932. 3 800 clubs y sont affiliés. Le nombre de licenciés est passé de 450 000 en 2010 à 725 000 en 2023, dont 35 % en féminine, ce qui représente un record. Dans la même période, le budget de la fédération a doublé, de 20 à 40 millions d’euros, et le soutien de l’État est passé de 2,4 à 4,4 millions d’euros. Au cours de la même période, le nombre de conseillers techniques sportifs (CTS) a reculé, de 74 à 57, alors que le personnel fédéral a augmenté, de 90 à 147 salariés.

La FFBB représente deux disciplines olympiques, le basket 5x5 et le basket 3x3 depuis les Jeux olympiques de Tokyo en 2020. Le nombre de médailles est en forte progression. Aux 51 médailles à la fin de l’année 2010, 97 se sont ajoutées depuis. 60 000 équipes sont engagées dans ces compétitions annuelles, donnant lieu à 500 000 rencontres officielles. Le basket 3x3 connaît un développement important en extérieur, tandis que nous renforçons en intérieur des pratiques non compétitives au sein de ce que nous appelons le « vivre ensemble » : basket santé, basket inclusif, micro-basket et e-sport.

Nous avons cinq filiales et une activité commerciale en plein développement, les hoops factory. Nous avons une ligue professionnelle masculine, la ligue nationale de basket (LNB), et une ligue féminine, la ligue féminine de basket (LFB). Seize équipes sont engagées dans des compétitions européennes. Quatorze joueurs français évoluent dans le championnat américain, la National Basket Association (NBA), dont le jeune prodige Victor Wembanyama.

La Fédération a été contrôlée par l’Urssaf en 2019-2020, par l’Inspection générale en 2022-2023 et par l’Agence française anticorruption (AFA) en 2022-2023. La Fédération, comme toujours, a la ferme volonté de progresser en tenant compte des observations et des préconisations formulées dans ces rapports.

Les nouveaux statuts de la FFBB ont été votés lors de l’assemblée générale ordinaire du Puy du Fou en octobre dernier. Ces statuts sont conformes à la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. La Fédération est pilotée par un comité directeur composé de trente-cinq membres, dont quatorze femmes, et un bureau fédéral composé de seize membres et sept vice-présidents, dont trois vice-présidentes. J’ai l’honneur de présider cette fédération depuis le 13 novembre 2010. Seul élu rémunéré, je suis mis à disposition par mon employeur avec un remboursement intégral des salaires, et je bénéficie d’un complément fédéral. Ces rémunérations sont conformes au statut de la Fédération, au code du sport et, bien sûr, au code général des impôts.

Les services opérationnels sont organisés au sein d’une direction générale et de sept pôles opérationnels. Le pilotage politique et opérationnel est assuré par un tandem constitué d’un vice-président et d’un directeur de pôle, ce qui permet un meilleur suivi de notre politique fédérale. M. Alain Contensoux est un agent de l’État et un grand serviteur de l’État et du sport français. Il a été nommé à la Fédération en avril 2010 et en est le directeur général depuis janvier 2018.

Je souhaite maintenant vous présenter la contribution de notre fédération sur les trois sujets abordés par la commission d’enquête parlementaire.

Le premier point a trait au contrat de délégation et à notre stratégie nationale. La loi du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République, met fin à la tutelle de l’État sur les fédérations, instaure un nouveau contrat de délégation et impose à chaque fédération d’élaborer sa stratégie nationale. La FFBB a signé le 30 mars 2022 le contrat qui valide sa stratégie nationale. La première évaluation des fédérations est en cours. Nous avons envoyé nos documents le 23 juin 2023 et nous avons prévu un temps d’échange avec la directrice des sports le 6 décembre prochain.

Le deuxième point porte sur les instances concernées et les ressources humaines mobilisées. Le comité directeur fédéral et le bureau fédéral jouent un rôle décisionnaire. Une commission fédérale de discipline s’investit d’un pouvoir disciplinaire à l’égard des associations affiliées, des licenciés et de tout membre de ces associations agissant en qualité de dirigeant ou de licencié de fait. Elle est régie par le règlement disciplinaire général conforme au règlement type validé par le ministère des sports. Le règlement a évolué en 2017, puis en 2022 afin de sécuriser les procédures se rapportant aux violences sexuelles en élargissant les infractions susceptibles de faire l’objet de procédures disciplinaires jusqu’à prévoir spécifiquement l’infraction consistant à mentir dans le renseignement des informations permettant la mise en œuvre du contrôle d’honorabilité.

La Fédération dispose également d’une chambre d’appel indépendante, chargée d’examiner les recours contre la quasi-intégralité des décisions prises par les commissions fédérales et les organismes déconcentrés délégataires, par exemple la ligue nationale de basket. Elle comprend trois sections, une section administrative composée de vingt-quatre membres, une section disciplinaire composée de vingt-cinq membres, et une section financière composée de vingt-cinq membres. La loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, impose à chaque fédération de constituer un comité d’éthique et d’établir le cas échéant avec sa ligue professionnelle une charte éthique. Le comité d’éthique de la FFBB a été créé en 2018 et la charte éthique élaborée conjointement avec la LNB est entrée en vigueur le 12 juillet 2018.

La cellule de signalement de la FFBB, créée en septembre 2020, est composée de quatre personnes : M. Christophe Amiel, responsable du service d’intégrité et référent violences sexuelles désigné auprès du ministère, M. Aldric Saint-Prix, chargé de mission au service intégrité, Mme Claire Samonati, juriste au service intégrité, et Mme Amélie Moine, directrice du pôle. La cellule de mise en concurrence, créée dans le souci de respecter les recommandations de l’AFA, est composée de six personnes.

Entre 200 et 250 dirigeants bénévoles, ainsi que l’intégralité des services, dont les cadres techniques d’État et les salariés, sont mobilisés sur ces sujets au sein de la Fédération et du réseau fédéral. Notre direction des affaires juridiques et institutionnelles comporte dix-sept collaborateurs, parmi lesquels plusieurs référents ou délégués dont les missions se rapportent aux agents sportifs, à l’intégrité, aux violences sexuelles, à l’honorabilité et à la lutte anti-dopage. Dans un avenir très proche, et suivant les recommandations de l’AFA, un lanceur d’alerte sera choisi, ainsi qu’un single point of contact (Spoc), qui permet de faire le lien avec la Fédération internationale. Ces deux missions sont actuellement assurées par le délégué intégrité.

Le troisième point concerne la prévention et la communication. Au titre de la prévention contre les violences sexuelles et le bizutage, nous avons conclu lors de l’assemblée générale de la FFBB en 2017, un partenariat avec l’association Colosse aux pieds d’argile (Capa), partenariat reconduit en 2022. Depuis 2017, l’association Capa est intervenue à trente-sept reprises, a diffusé un kit papier en 2021, puis un kit numérique téléchargeable en 2022.

Des formations fédérales sont dispensées lors de chaque forum FFBB citoyen, telles que les formations « Stand up : agissons contre le harcèlement de rue » et « Vivre ensemble face à l’adversité », mais aussi un module anti-corruption ou encore une formation sur les violences et les discriminations. J’aimerais évoquer d’autres initiatives et d’autres actions portant sur ces sujets. Un module de sept heures portant sur la prévention des violences sexuelles a été conçu. Des temps annuels de formation sont organisés lors des regroupements des dirigeants en région. La communication passe par le site internet de la FFBB, l’intranet fédéral qui permet de consulter toutes les ressources disponibles, un e-learning gratuit et accessible à tous, ainsi qu’une vidéo d’engagement de deux minutes trente. Une commission dédiée Société et mixités travaille sur la prévention autour de cet axe. Je citerai également la sollicitation de trois référents nationaux, l’affichage des numéros d’aide aux victimes dans chaque gymnase après une concertation avec l’Association nationale des élus en charge du sport (Andes), les neuf notes d’information diffusées vers le réseau et les clubs, ainsi qu’un guide de quatre pages sur les outils de prévention des violences sexuelles. Enfin, une information spécifique a été donnée aux staffs des équipes de France et aux cadres d’État du pôle espoirs.

La Fédération soutient ces actions au titre du projet sportif fédéral (PSF), financé par l’Agence nationale du sport (ANS). Ce financement est passé de 250 000 euros en 2021 à 340 000 euros en 2022, et s’ajoute au financement par la FFBB sur ses fonds propres, à hauteur de 191 000 euros pour la saison en cours. Au titre des actions menées suite au rapport de l’AFA, je citerai la cartographie des risques en cours d’élaboration, de même que les règles de déport.

Le quatrième et dernier point de cette présentation se rapporte aux procédures concernant les signalements. Trois modes de signalement et de saisine sont possibles : le signalement par la victime ou par les structures fédérales, le signalement par la cellule du ministère des sports et par l’association Capa, et enfin les découvertes d’information. La Fédération traite toutes les demandes qu’elle reçoit, quel que soit le mode de signalement.

Avant septembre 2020, le signalement était majoritairement effectué par téléphone et confirmé par mail à la Fédération. Depuis le 28 septembre 2020 et la désignation de référents dédiés, la FFBB a créé une adresse électronique dédiée, signalement@ffbb.com, ainsi qu’une page sur son site internet.

Les services de la Fédération transmettent très régulièrement des signalements, dont des informations relatives au prononcé des mesures d’incapacité ou d’arrêté de suspension d’exercice, au ministère des sports, à la cellule dédiée Signal-sports ou au système d’information automatisé du contrôle d’honorabilité (SI Honorabilité) pour les retours liés au contrôle de l’honorabilité, et à l’association Capa par l’intermédiaire de sa plateforme de signalement.

Lorsqu’elle découvre des informations, la Fédération organise une veille sur la presse régionale et informe le secrétaire général, la cellule du ministère et le cas échéant l’association Capa, lorsque des faits concernant ses licenciés sont susceptibles de faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Enfin, par le biais de réquisitions judiciaires et d’échanges avec les officiers de police judiciaire, toute identification de faits pouvant faire l’objet d’une procédure est enclenchée.

Après la réception d’un signalement, des échanges préalables interviennent systématiquement entre les parties concernées, dont les victimes ou leurs représentants, le président du comité départemental ou du club concerné, et le référent de la Fédération. Une procédure d’accompagnement est mise en place, par l’association Capa et l’assureur fédéral qui prend le relais auprès de la victime ou du club.

La cellule du ministère des sports est systématiquement informée des éléments portés à la connaissance de la Fédération, par des échanges réguliers avec les référents. Dans le cadre d’une procédure judiciaire, le référent se rapproche de l’officier de police judiciaire dès la réception du récépissé de dépôt de plainte, afin de ne pas interférer avec l’enquête en cours. Par exemple, l’ouverture d’un dossier disciplinaire pourrait conduire une personne surveillée à détruire des preuves. Des correspondances auprès du procureur de la République compétent peuvent être adressées en fonction des dossiers.

Jusqu’en août 2022, le secrétaire général informé saisissait la commission fédérale de discipline pour le traitement du dossier. Le 24 août 2022, le bureau fédéral s’est prononcé en faveur d’une autre procédure. Lorsqu’une personne est pénalement sanctionnée, la Fédération en tire les conséquences par l’ouverture d’un dossier disciplinaire et, le cas échéant, par la prise de la sanction disciplinaire appropriée. Lorsqu’une procédure judiciaire est en cours, et n’a donc pas encore fait l’objet d’un jugement, le bureau fédéral peut prononcer une mesure administrative conservatoire dans l’attente d’une décision de justice en application du principe de précaution et de protection des licenciés. De même, lorsque la Fédération est informée par le ministère des sports d’une notification d’arrêté préfectoral d’interdiction d’exercice et d’incapacité, correspondant à un signalement identifié ou non, le bureau fédéral peut être amené à prononcer une mesure administrative conservatoire.

Dans le cadre de son partenariat avec la FFBB, l’association Capa accompagne les victimes et les structures fédérales concernées. La Fédération a également prévu, lors du dernier renouvellement de son contrat d’assurance collectif, la possibilité pour les licenciés victimes de bénéficier de garanties, notamment en matière juridique et d’accompagnement psychologique.

Pour pallier les difficultés pratiques et juridiques, la FFBB a renforcé ses actions et sa communication envers tous les acteurs engagés dans cette lutte, ainsi que la confidentialité des procédures et le transfert de données sensibles. La réactivité pouvant être de nature à ralentir la transmission des bonnes informations avant de prendre les mesures idoines, la Fédération adresse une correspondance au procureur de la République pour proposer son concours et obtenir des informations permettant de mettre en œuvre, le cas échéant, des mesures nécessaires et de veiller au principe de précaution et à la sécurité des licenciés.

Le contrôle d’honorabilité consiste en un croisement de fichiers avec le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais). Depuis la loi d’août 2021, nous contrôlons également le corps arbitral par l’intermédiaire d’un dispositif informatique. Les contrôles sont désormais effectués par date de qualification des licenciés.

Si la Fédération reçoit un signalement de violences sexuelles, le simple témoignage de la personne ne suffit pas à déclencher une procédure disciplinaire ou administrative. Si la personne relatant les faits ne souhaite pas déposer plainte, nous recherchons des éléments complémentaires pour permettre à la Fédération, le cas échéant, de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des licenciés tout en respectant le principe de précaution.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je me permets de vous interrompre, monsieur le président, parce que nous avons de nombreuses questions à vous poser qui nous permettront de revenir sur tous les sujets que vous abordez. Je vous donne la parole, monsieur Contensoux.

M. Alain Contensoux, directeur général de la Fédération française de basket-ball. Cette commission d’enquête vise à établir les dysfonctionnements des acteurs délégataires de service public dans le sport, secteur qui, malgré la passion qui l’entoure, n’échappe pas aux dérives de la société. Les conclusions des travaux réalisés par la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), créée en 2021 par le Président de la République, sont terribles. Ces travaux font état de 160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année, et de 5,4 millions de femmes et d’hommes adultes en ayant été victimes durant leur enfance. Nous devons bien évidemment œuvrer collectivement à la sécurisation du sport, qui représente 15,4 millions de licenciés, dont plus de la moitié sont des mineurs.

À la Fédération française de basket-ball, la présence concomitante de bénévoles et de salariés, animés par la même passion, est une force. J’aimerais donner quelques chiffres. Le budget de la Fédération est passé de 20 millions d’euros en 2010 à 41 millions en 2023. Les trois pôles d’activité ayant le plus progressé sont le haut niveau, la formation et l’administration générale, et les affaires juridiques. Nous avons obtenu une délégation supplémentaire pour le 3x3, devenu discipline olympique en 2017. Ainsi, nous avons doublé notre nombre de sélections nationales, désormais porté à vingt-deux. En plus des championnats classiques du basket 5x5, la Fédération a développé une offre de pratique dédiée au 3x3 et organisé près de 2 000 tournois avec 75 000 pratiquants au niveau départemental, régional ou national l’été dernier. Dans le même temps, nous avons réussi en quelques années à maintenir des résultats de très haut niveau en basket 5x5, et nous avons atteint ce même niveau en basket 3x3. Lors des Jeux olympiques de Tokyo, nous avons obtenu une médaille d’argent avec l’équipe masculine de basket 5x5, une médaille de bronze avec l’équipe féminine de basket 5x5, et une quatrième place avec notre équipe féminine 3x3.

Dans le même temps, sous l’impulsion du président et de son comité directeur, le vivre ensemble a été placé au cœur de nos objectifs. Il nous conduit à développer des actions dans le domaine de la mixité, de l’insertion, de la santé et du loisir. Pour accompagner ces évolutions, la Fédération est passée de 90 à 147 salariés. Nous avons donc, tout en développant nos activités, embauché et structuré l’opérationnalité de la Fédération, malgré une réduction du nombre des CTS. Il ne s’agit pas de se plaindre d’un traitement injuste, mais de faire un constat sur l’équilibre entre moyens publics et privés au sein de la Fédération.

J’ajoute que la part de financement public au sein de la FFBB représente désormais environ 10 % de son budget. Cette proportion s’est affaissée, quand bien même nos très bons résultats nous permettent d’être accompagnés dans nos projets novateurs, tant par la direction des sports que par l’ANS. Cette évolution nous conduit à pallier la réduction du nombre de fonctionnaires par une redistribution des missions et un recrutement de cadres de droit privé, à qui nous confions des responsabilités importantes dans des actions du projet de performance fédérale (PPF), du développement, de la formation, de l’intégrité, c’est-à-dire dans toutes les actions mentionnées dans le contrat de délégation de service public signé le 30 mars 2022.

Cette coexistence entre fonctionnaires et salariés de droit privé est sans doute à la base de la réflexion qui a conduit à construire le poste de DTN-DG de la Fédération, garantissant une efficacité évidente dans le traitement de tous les champs d’activité de la Fédération. Je ne reviendrai pas sur les propos tenus par M. Ludovic Royé, qui a parfaitement résumé ce qui justifie pleinement ces missions conjointes de DTN et de DG. J’y ajouterai juste une réflexion. Compte tenu de la réduction progressive des moyens attribués par l’État aux fédérations sportives, contribuant à les engager dans la voie d’une autonomisation sans pour autant réduire le périmètre des missions que leur confère la délégation de service public, il devient plus que nécessaire que l’État place auprès des fédérations un cadre en capacité de mobiliser autant les moyens publics que ceux issus du secteur privé. Il convient de remarquer par ailleurs, et la presse s’en est largement fait l’écho, que les missions confiées à un DTN peuvent être largement contrariées par une organisation mettant en tension celui-ci et un directeur général.

Il me semble avoir compris que certaines fédérations sportives associent leur directeur général aux équipes de France, que la direction de la performance est tantôt externalisée à la DTN, tantôt partagée. Or la performance nécessite une hiérarchie claire, une adaptation permanente, donc des décisions rapides, ce que de multiples interlocuteurs ne permettent pas et que le poste de DTN résout de fait. Les résultats obtenus par la FFBB en termes de haut niveau, de développement, mais également de structuration pour répondre aux enjeux du sport français sont les fruits d’une relation extrêmement forte et de la confiance entre le président et le DTN-DG.

La FFBB a adapté son organisation au fléau des violences sexistes et sexuelles, et plus largement à toutes les formes de violences, d’abus d’autorité ou de discrimination. Ainsi, nous avons renforcé la prévention au sein du pôle clubs et territoires dirigé par un DTN adjoint, et la répression en nommant dans un premier temps un référent intégrité, en créant un service dédié nous permettant d’être réactifs pour combattre toutes ces formes de violences. En parallèle, nous avons engagé dès 2019 une démarche d’accompagnement humain au sein des structures fédérales et confié la formation de nos cadres à un expert dans ce domaine. Nous avons également procédé à une refonte de la formation initiale de nos techniciens en insistant sur la posture pédagogique et en créant des certificats de spécialisation visant à mieux encadrer les jeunes filles et les jeunes garçons que les parents nous confient. La responsabilité qui nous engage vis-à-vis d’eux est bien comprise et admise par les différents acteurs de la Fédération.

La sécurité de ces enfants est un des principaux arguments évoqués dans les structures du projet de performance fédérale. La prévention est évidemment un des axes de ce projet, comme en témoignent les interventions régulières de l’association Capa dans les pôles et les centres de formation, ainsi que les actions menées avec le concours des délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et au sport (Drajes). Ainsi, et par exemple, en organisant notre PPF avec un maillage territorial de pôles espoirs, nous permettons aux plus jeunes de rentrer régulièrement chez eux et ainsi de conserver une relation forte avec leurs parents.

Je terminerai en disant que la FFBB, ses élus et son personnel sont animés par une volonté qui se résume en deux mots : l’intérêt général. C’est lui qui guide l’ensemble des actions, l’ensemble des décisions, et nous permet d’aborder les différents enjeux qui se présentent à nous avec détermination.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous remercie, messieurs, pour ces propos liminaires, un peu longs mais non exhaustifs, sur la FFBB. Je voudrais revenir sur la singularité de la FFBB, qui se distingue des autres fédérations en ce qu’une même personne, vous-même monsieur Contensoux, occupe à la fois les fonctions de DTN et de directeur général. Si cette situation est bien sûr ancienne et fait l’objet d’un plein accord de la part de la direction des sports, elle n’apparaît pas conforme au cadre législatif et réglementaire en vigueur. Pourquoi refuser ainsi d’appliquer les règles ?

M. Alain Contensoux. Ma lettre de mission prévoit explicitement la partie de direction générale, en plein accord avec la direction des sports et le ministère, comme vous l’avez souligné. Je considère par ailleurs que la réduction progressive des moyens de l’État et l’augmentation des missions, bien légitime pour se consacrer à de nombreux sujets, imposent que l’ensemble des moyens d’une fédération puisse être mobilisé.

Un DTN-DG est, me semble-t-il, plus à même de remplir ces missions, parce que cette double fonction simplifie l’organisation. Il existe un lien hiérarchique extrêmement fort entre le DTN et le ministère des sports et la direction des sports, ce qui n’est pas le cas d’un directeur général, hiérarchiquement subordonné au seul président de la fédération.

M. Jean-Pierre Siutat. J’ai connu l’époque où la Fédération disposait d’un DTN et d’un directeur général. Cette organisation compliquait la gestion quotidienne et le développement des actions. Je pense que la fusion des deux postes nous a permis de gagner en efficience, de cranter la qualité des services et de mieux suivre, avec le ministère, le développement de notre délégation.

Par ailleurs, cette fusion nous permet d’avoir un agent de l’État polyvalent et non spécialiste de notre sport, ce qui s’avère très important. En effet, cela nous autorise à lui adjoindre un véritable expert de notre sport, le directeur de la performance. J’estime que cette organisation représente l’avenir des fédérations sportives.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous pose cette question, car cette pratique contrevient à l’article L. 131-12, alinéa 2, du code du sport, qui prévoit que « pendant la durée de leurs missions, les conseillers techniques sportifs restent placés, selon les cas, sous l’autorité hiérarchique exclusive du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré dont ils relèvent. Ils ne peuvent être regardés, dans l’accomplissement de leurs missions, comme liés à la fédération par un lien de subordination caractéristique du contrat de travail au sens du livre II de la première partie du code du travail. »

M. Alain Contensoux. Je ne suis pas lié par un contrat de travail avec la FFBB, et mon seul lien de subordination hiérarchique me rattache au ministère.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Afin de bien comprendre cette situation qui ne semble pas conforme au cadre législatif et réglementaire, pouvez-vous nous assurer que le ministère des sports et la direction des sports ont donné leur aval à cette organisation ?

M. Alain Contensoux. Oui, cette organisation a reçu un accord total de la part du ministère et de la direction des sports. Permettez-moi, madame la rapporteure, de rappeler que lorsque j’ai été nommé DTN, il m’a été demandé de formuler une demande de complément de rémunération pour le poste de directeur général. Ensuite, cela a été modifié par la direction des sports. J’ai donc toujours respecté le cadre législatif, ainsi que les consignes de ma hiérarchie.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je n’en doute pas. Mais si vous n’êtes pas lié par un contrat de travail avec la FFBB, qui prend en charge votre salaire de directeur général ?

M. Alain Contensoux. La Fédération, pour un complément de rémunération, comme en perçoivent beaucoup de cadres d’État dans les fédérations sportives.

M. Jean-Pierre Siutat. Si demain le ministère nous demande de changer d’organisation, nous nous exécuterons. Mais nous considérons aujourd’hui qu’elle nous offre une véritable qualité de fonctionnement.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pourriez-vous nous transmettre votre lettre de mission ? Les membres du comité directeur de la FFBB et ceux du bureau fédéral perçoivent-ils des jetons de présence en contrepartie de leur participation aux réunions des organes dont ils sont membres ?

M. Jean-Pierre Siutat. En effet, et cela a été relevé par l’inspection générale. De mémoire, je crois qu’il s’agit de 40 euros pour les membres du comité directeur et 90 euros pour les membres du bureau fédéral. Nous avons prévu de mettre fin à cette pratique lors du prochain comité directeur, au mois de décembre, afin de nous conformer à la demande de l’inspection générale.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La politique relative à la mise à disposition de cartes bancaires a-t-elle été supprimée, ou a-t-elle été revue afin d’être plus fortement encadrée ?

M. Alain Contensoux. Oui. C’est le sens de la démarche que nous avons entreprise avec la cartographie des risques et les procédures que nous devons rédiger en matière d’organisation financière, qui seront présentées au comité directeur le 15 décembre prochain. Je souligne que les récents rapports dont le président a fait mention ont noté la bonne gestion de la FFBB.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Dans son contrat de délégation de service public, la Fédération s’engage à mener une politique active visant à féminiser les équipes d’encadrement. Pouvez-vous développer les mesures prises dans ce sens ?

M. Jean-Pierre Siutat. Au niveau de la gouvernance, nous avons mis nos statuts en conformité avec la loi de mars 2022. Nous savons qu’en 2024, le comité directeur sera paritaire. Je ne serai plus en fonction pour ma part, mais je ne doute pas que le prochain président ou la prochaine présidente fera en sorte d’atteindre, de même, la parité dans le bureau fédéral. Par ailleurs, nous avons engagé, dans le cadre de la commission société et mixités, un travail de fond sur le recrutement de nouvelles dirigeantes. Nous sommes arrivés à la troisième promotion, et ce travail donne satisfaction. Nous trouvons sur le terrain des dirigeantes de grande qualité, que nous intégrons de mieux en mieux dans nos travaux.

M. Alain Contensoux. Au niveau de l’encadrement sportif, nous avons constaté un retard. Récemment encore, l’ensemble des équipes nationales était entraîné par des hommes à l’exception de l’équipe de France féminine, entraînée par Valérie Garnier. Cette volonté de féminisation s’est traduite dans l’encadrement des équipes nationales, mais aussi des structures du pôle France et des pôles espoirs. La Fédération a entrepris cette démarche fort tardivement, mais elle y est désormais pleinement engagée.

M. Jean-Pierre Siutat. Le fonctionnement des équipes de France masculines et féminines témoigne de notre forte volonté de les traiter de manière égalitaire.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En 2016, des tensions étaient sensibles à propos du système de vote dans votre fédération, et ont conduit à une rupture conventionnelle avec le directeur du service des systèmes d’information. Pouvez-vous nous rappeler quels problèmes ont été identifiés, et ce qui a été fait pour y remédier ?

M. Jean-Pierre Siutat. Je n’ai pas le souvenir de problèmes liés au système de vote. Ces élections, à ma connaissance, se sont déroulées dans de bonnes conditions. Malgré une opposition, bien naturelle, j’ai été élu avec une forte majorité des voix. M. Jean-Jacques Krief, qui était le directeur du service des systèmes d’information, ne fait plus partie de la FFBB, en effet, mais je n’y vois pas une conséquence des élections. À l’issue du scrutin, il n’y a pas eu, de notre part, la moindre volonté de ce que l’on peut appeler une chasse aux sorcières.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Quelles sont les raisons de cette rupture conventionnelle ?

M. Jean-Pierre Siutat. Je ne saurais vous le dire, très sincèrement. Je n’ai aucun souvenir de circonstances particulières entourant ce départ.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Qui a remplacé M. Jean-Jacques Krief à son poste, après son départ ?

M. Alain Contensoux. Mme Clarisse Aché. Je n’étais pas encore DTN-DG à l’époque, néanmoins j’étais présent à la Fédération. Je pense qu’une fiche de poste a été ouverte, qu’il y a eu plusieurs candidatures, et que le choix entre elles a été opéré par la personne responsable de ce dossier, en l’occurrence, à l’époque, le directeur du pôle administration générale et finances, qui regroupait les ressources humaines et le service informatique.

M. Jean-Pierre Siutat. J’ajoute qu’au niveau de la gouvernance nous n’intervenons que sur le recrutement des directeurs de pôle.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La personne recrutée entretenait-elle des liens avec la Fédération avant son arrivée sur ce poste ?

M. Alain Contensoux. Mme Clarisse Aché faisait partie d’un cabinet de conseil sollicité pour intervenir sur l’outil informatique de la Fédération.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Mme Clarisse Aché a-t-elle conduit une mission d’audit sur votre service informatique avant de devenir directrice du service des systèmes d’information ?

M. Jean-Pierre Siutat. Nous avons développé un outil métier nommé France basket information (FBI), qui gère l’intégralité de nos championnats, dont les désignations des arbitres, les convocations pour les matchs, etc. La mise au point de FBI est un gros dossier pour lequel nous avions choisi cette entreprise. Celle-ci n’a pas conduit un audit de l’informatique, mais nous a aidés dans l’élaboration de FBI, qui est un outil très important pour la FFBB.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. La semaine dernière, des cris de singe ont été adressés à des joueurs du Paris Basket-ball lors d’un match face à Badalone en EuroCup. Quelles sont les mesures prises par la FFBB pour lutter contre les propos racistes et plus globalement discriminatoires dans les stades ?

M. Jean-Pierre Siutat. Dès que nous avons appris les événements de la semaine dernière, j’ai directement appelé le président du club et l’un des joueurs qui s’est manifesté pour le compte de ses coéquipiers. Nous avons publié un communiqué de presse pour soutenir le club et condamner fermement de tels agissements. Nous nous tenons aux côtés du club s’il souhaite engager des démarches auprès de l’Euroligue, la structure qui gère ces compétitions européennes. J’ai immédiatement envoyé des courriers à la fédération espagnole de basket et à l’Euroligue. La saison dernière, j’avais eu la même réaction après des incidents similaires en coupe d’Europe lors d’un match opposant l’équipe féminine de Villeneuve d’Ascq au club espagnol de Saragosse.

M. Alain Contensoux. En termes de prévention, nous avons réalisé en 2018 une vidéo contre le racisme intitulée « Notre victoire, ce sont nos différences », qui compte à ce jour 138 000 vues sur internet. Nous avons aussi développé des actions de prévention en matière de lutte contre le racisme et des actions sont menées par la commission Société et mixités au sein de la Fédération.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. En janvier 2023, Loïc Akono, joueur du club de Metz, a quitté le terrain après des insultes à caractère raciste proférées par un spectateur. La Fédération avait alors ouvert un dossier disciplinaire. Pouvez-vous revenir sur cette affaire et sur la manière dont vous l’avez traitée ?

M. Jean-Pierre Siutat. L’incident s’est déroulé lors une rencontre de championnat de nationale 2. J’ai personnellement appelé le président du club, mais surtout Loïc Akono lui-même pour lui affirmer le soutien de la Fédération. Nous avons saisi la commission fédérale le 31 janvier, deux jours après les faits, avec notification des griefs et convocation des mis en cause. Le 1er février, nous avons notifié une mesure conservatoire à l’encontre du club de Charleville-Mézières et prononcé un huis clos pour les rencontres de l’équipe masculine en championnat de nationale 2. Le 3 février, nous avons notifié une mesure conservatoire à l’encontre des arbitres, considérés comme fautifs dans la gestion de ce dossier, avec une interdiction d’exercer la fonction d’arbitre jusqu’au prononcé de la décision. Le 22 février, nous avons décidé d’infliger au club de Charleville-Mézières une rencontre à huis clos avec sursis, d’infliger à l’un des deux arbitres une interdiction d’exercer la fonction d’arbitre pour une durée de trois semaines ferme assortie de trois semaines avec sursis, et au deuxième arbitre une interdiction pour une durée de six semaines ferme assortie de six semaines avec sursis. Enfin, nous avons demandé la lecture, avant les rencontres des championnats de France, d’un texte rappelant nos valeurs et notre volonté de lutter contre le racisme.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Le contrat de délégation de service public liant la FFBB à l’État prévoit la mise en œuvre d’une stratégie de « prévention des violences, incivilités et discriminations détaillant les leviers d’action, les cibles de ces actions et les moyens associés ». Pourriez-vous développer les principaux axes de cette stratégie ?

M. Alain Contensoux. Nous avons mis en place plusieurs commissions au sein de la Fédération. D’abord la commission nationale Société et mixités, qui travaille sur la prévention autour de sept axes : basket sans violence, pour prévenir les violences dans et en dehors du sport ; basket respectueux, pour sensibiliser à la lutte contre les discriminations, et l’inclusion de tous les publics ; basket laïque, pour promouvoir les valeurs de la République et la laïcité ; basket mixte, pour favoriser la place des femmes dans la pratique et au sein de toutes les fonctions ; basket performant socialement pour favoriser l’insertion de tous les publics par et dans le sport ; basket responsable pour impliquer les acteurs et les actrices dans la transition écologique ; basket sain pour encourager un mode de vie sain.

Pour conduire ces actions, nous disposons de relais au sein de chaque ligue régionale, et d’un référent ou une référente société et mixités. Nous disposons également de référents nationaux grâce à la création d’un pôle clubs et territoires qui intègre le suivi des engagements sociétaux de la Fédération.

Ces dernières années, plusieurs notes d’informations ont été établies et relayées dans l’ensemble du territoire et du réseau. Elles concernaient la sensibilité et la prévention des violences dans le sport, la lutte contre les violences et les discriminations, le renouvellement de la convention avec l’association Capa, la lutte contre le racisme, la prévention des violences sexuelles, ou encore la lutte contre les incivilités. Par ailleurs, nous avons lancé des campagnes de communication et créé un guide de quatre pages sur les outils de prévention des violences sexuelles. Enfin, nous relayons des informations à l’ensemble des CTS et des encadrants de nos structures fédérales.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. La Fédération a-t-elle reçu des signalements de violences sexuelles et sexistes ? Quelle est la fréquence de ces signalements ? De quelle nature sont les faits rapportés ?

M. Alain Contensoux. La Fédération traite toutes les demandes qu’elle reçoit. Avant septembre 2020, les signalements étaient majoritairement effectués par téléphone et confirmés par courrier électronique à la Fédération, notamment au secrétariat général de la Fédération, au service juridique ou à l’association Capa qui, conformément à notre convention, nous transmettait l’information.

Depuis le 28 septembre 2020 et la désignation de référents dédiés à la Fédération, une adresse électronique a été créée, signalement@ffbb.com, ainsi qu’une page sur le site internet fédéral, comprenant les contacts nécessaires pour l’accompagnement des victimes. Outre les signalements directs de victimes licenciées ou de clubs, les services de la Fédération œuvrent de concert et très régulièrement avec le ministère des sports sur la transmission de signalements, dont les informations relatives aux prononcés de mesures d’incapacité, d’arrêté ou de suspension d’exercice.

M. Jean-Pierre Siutat. Nous mettons à votre disposition deux documents. Le premier est une synthèse du traitement des dossiers au niveau de nos instances, le second est la liste de tous les dossiers traités ou en cours de traitement pour la saison 2022-2023.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Quelles suites la Fédération donne-t-elle concrètement aux affaires dont elle est saisie ?

M. Jean-Pierre Siutat. Si la Fédération reçoit un signalement de violence sexuelle, elle met en relation la personne, après avoir recueilli son accord, avec l’association Capa. Comme je l’ai indiqué, le simple témoignage de la personne ne suffit pas à déclencher une procédure disciplinaire. Si la personne relatant les faits ne souhaite pas déposer plainte, nous recherchons des éléments complémentaires pour permettre à la Fédération, le cas échéant, de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des licenciés tout en respectant le principe de présomption d’innocence et la vie privée.

Si une plainte est déposée par la victime dans le cadre de la procédure judiciaire, le référent se rapproche de l’officier de police judiciaire et des correspondances peuvent être adressées au Procureur. À la découverte d’une information susceptible de faire l’objet d’une mesure conservatoire et d’une procédure disciplinaire, la cellule enquête pour obtenir des informations plus précises sur l’identité de la personne, son rattachement à la Fédération, l’état de la procédure et les mesures d’incapacité éventuelles déjà prononcées.

Dans le cas d’un jugement prononcé, un dossier disciplinaire est ouvert si la personne est toujours licenciée. Si la personne n’est plus licenciée, il est indiqué dans la fiche FBI la mention « qualification interdite : se rapprocher du service juridique de la Fédération ». Ceci permet d’anticiper l’éventuelle future demande d’une nouvelle licence.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pourriez-vous rappeler quelles sont les filières par lesquelles une victime peut soit faire part d’un témoignage, soit manifester un signalement ?

M. Jean-Pierre Siutat. Il en existe trois : le signalement par la victime ou par les structures fédérales, le signalement par la cellule du ministère des sports et par l’association Capa, enfin les découvertes d’information.

M. Alain Contensoux. La cellule de signalement de la Fédération est en lien permanent avec la cellule de signalement du ministère des sports et avec Capa. Ces trois entités traitent ensemble les affaires qui nous sont rapportées.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Lorsqu’un signalement est effectué auprès de Signal-sports, la Fédération en est-elle informée ?

M. Jean-Pierre Siutat. Oui, Signal-sports informe immédiatement notre référent.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En général, qui est concerné par ces signalements ?

M. Alain Contensoux. On peut dire que, dans la majorité des cas, il s’agit d’entraîneurs.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. De quels outils permettant la libération de la parole des victimes et leur accompagnement la Fédération dispose-t-elle ?

M. Alain Contensoux. La relation conventionnelle que la FFBB entretient avec Capa est le socle de notre dispositif d’accompagnement. Chaque année, nous menons des actions de sensibilisation et de prévention au niveau fédéral, soit avec Capa, soit avec la Drajes. En ce qui concerne les clubs, nous faisons passer des notes très régulièrement.

M. Jean-Pierre Siutat. J’aimerais faire remarquer un élément surprenant. Lorsqu’une décision est prise contre un entraîneur, il nous est plus facile de communiquer avec la Fédération internationale qu’avec les autres fédérations sportives françaises. J’estime qu’une amélioration est nécessaire sur ce point.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez indiqué, monsieur Contensoux, que la majorité des personnes mises en cause dans les affaires de violence sexiste ou sexuelle sont des entraîneurs. Y a-t-il, parmi les signalements que vous avez traités, d’autres catégories de personnes mises en cause dans ce type d’affaire, ou pour d’autres motifs ?

M. Alain Contensoux. Des joueurs ont déjà été mis en cause, ainsi qu’un dirigeant de club. Ils ont été traités de la même manière par la commission de discipline de la Fédération.

M. Jean-Pierre Siutat. Un arbitre a également été mis en cause.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À votre connaissance, des personnes de la Fédération l’ont-elles été ?

M. Alain Contensoux. À ma connaissance, non.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Le contrat de délégation de service public mentionne la désignation d’un référent violences sexuelles et d’un suppléant. C’est la première fois que nous constatons la présence d’un suppléant dans un tel contrat. Pourriez-vous décrire le mode de désignation de ces personnes, et nous expliquer pourquoi le référent dispose d’un suppléant ?

M. Alain Contensoux. Nous avons considéré nécessaire de mettre des moyens humains importants pour concourir à la résolution de ces affaires complexes et requérant des échanges nombreux. C’est la raison pour laquelle nous avons doublé ce poste.

M. Jean-Pierre Siutat. Je crois que nous sommes une des premières fédérations sportives à disposer d’un suppléant au référent. À l’avenir, nous en aurons peut-être un second. Cela témoigne de notre volonté d’agir.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En 2019, la directrice de la ligue féminine de basket-ball a quitté la fédération. Pourriez-vous revenir sur cet épisode ?

M. Alain Contensoux. Ce départ est consécutif à une rupture de confiance entre la directrice et la Fédération. La directrice a annoncé qu’elle partait vers la Fédération française de natation (FFN).

M. Jean-Pierre Siutat. J’ajoute que la directrice a fait du bon travail à la tête de la ligue féminine. Lorsque d’autres fédérations m’ont demandé un avis sur elle, j’ai toujours émis un avis positif.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous parlez de rupture de confiance. De quoi s’agit-il exactement ?

M. Alain Contensoux. Nous étions en désaccord à propos de ses missions.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. A-t-elle été licenciée ? S’agissait-il d’une rupture conventionnelle ?

M. Alain Contensoux. Il n’y a pas eu de licenciement. Cette personne étant une cadre d’État, elle a candidaté à un poste au sein de la FFN et la commission paritaire a donné un avis favorable à cette mobilité.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Une licence est-elle proposée à tous les bénévoles ?

M. Jean-Pierre Siutat. Nous souhaitons que tout le monde soit licencié, ce qui permet de se protéger par rapport à ses activités. Mais les clubs sont contraints de faire des choix parce que les licences représentent un coût, même si, depuis trois ans, nous pratiquons une tarification spéciale avec la gratuité pour les nouveaux encadrants. Nous sensibilisons les clubs à cette question, mais ils sont près de 3 800 et il est impossible de les suivre individuellement. Certains bénévoles choisissent de ne pas se licencier, peut-être pour se sentir un peu plus à l’aise dans leur activité, ne pas être liés à un club, ou ne pas avoir à payer une cotisation. Dans un club, il faut s’acquitter de la part fédérale, de la part régionale et de la part départementale, mais aussi de la cotisation du club. Nous avons constaté après la pandémie de covid-19 une perte importante de bénévoles, qui par facilité préfèrent ne pas être licenciés. De son côté, la Fédération fait en sorte d’augmenter le nombre d’encadrants.

M. Alain Contensoux. J’ajoute que prendre une licence est imposé par nos statuts, mais qu’il est extrêmement difficile de vérifier que cette obligation est appliquée dans chaque club. Je fais remarquer tout de même que sur la partie projet de performance fédéral, dans les sélections départementales, régionales et nationales, l’ensemble des encadrants, qui sont au contact de mineurs, sont évidemment licenciés.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En 2020, une ancienne joueuse, Mme Valérie L., a porté plainte contre son ancien entraîneur, M. Ludovic Pouillart, pour des faits de viol sur mineur qui se seraient produits en 2002. La préfecture a interdit à M. Pouillart d’exercer auprès de mineurs et la FFBB a également pris des mesures conservatoires en ce sens en 2023. Comment expliquer que cette interdiction soit arrivée si tardivement alors que, visiblement, de nombreuses personnes au sein du club étaient au courant des faits et qu’une réunion avait été organisée à ce sujet ? À cette époque, l’information n’avait-elle pas été transmise à la Fédération ?

M. Alain Contensoux. J’aimerais revenir sur l’historique de cette affaire. Le 21 mars 2021, Capa informe le ministère des sports et la fédération d’une plainte déposée par Mme Valérie L. contre M. Ludovic Pouillart pour des faits de viol survenus en 2002 et 2003, la victime présumée étant mineure au moment des faits et évoluant au sein d’un pôle espoir. Entre avril et juillet 2021, la Fédération a relancé les services de l’État et transféré le dossier de M. Pouillart à différentes régions. La difficulté que nous avons rencontrée dans ce dossier tient à la mobilité de la personne mise en cause, qui a régulièrement changé de région. Par conséquent, son dossier a été délocalisé à plusieurs reprises et la FFBB a été en contact avec les procureurs de plusieurs régions. M. Pouillart a été mis en examen le 30 novembre 2022, et en février 2023 le bureau fédéral a prononcé une mesure administrative conservatoire d’interdiction d’exercice de l’activité d’éducateur sportif, entraîneur ou dirigeant auprès des mineurs. Le 1er mars 2023, M. Pouillart a été suspendu de ses fonctions d’entraîneur de l’équipe professionnelle par le club d’Orchies.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. J’entends cette chronologie marquée par les mouvements du dossier d’une région à l’autre. Cependant, qu’est-ce qui empêchait la Fédération de prendre une sanction à titre conservatoire dès 2021 ? Pourquoi ces deux années de délai ?

M. Alain Contensoux. Parce que le suivi du dossier a été rendu très complexe du fait de son transfert entre plusieurs régions. Les délais de prise de contact et de réponses en ont été allongés d’autant. Ainsi le préfet n’a prononcé une mesure en urgence que le 6 mars 2023.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je vous interroge non pas sur les actions du parquet ou du préfet, mais sur celles de la fédération. À partir du moment où vous aviez connaissance de la plainte, vous auriez pu prendre une mesure disciplinaire à titre conservatoire sans attendre ni la décision du préfet ni celle de la justice. Pourquoi avoir attendu deux années pour prendre cette décision ? D’autres jeunes femmes auraient pu être victimes des agissements de cet entraîneur entre-temps.

M. Alain Contensoux. Il me semble que M. Pouillart n’était pas au courant de la plainte déposée contre lui. De son côté, la Fédération ne souhaitait pas interférer dans la procédure judiciaire en cours afin de ne pas nuire à sa bonne marche.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La justice vous a-t-elle demandé explicitement de ne pas prendre de mesures conservatoires ou disciplinaires afin de ne pas nuire à l’enquête ?

M. Jean-Pierre Siutat. Je le pense, mais je dois vérifier.

M. Alain Contensoux. Nous avons pleinement coopéré avec les instances judiciaires et les services de l’État, comme nous travaillons en étroite et permanente collaboration avec la cellule du ministère et Capa.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous comprenons tout à fait cette relation de travail avec le ministère et Capa, ainsi que le suivi du volet judiciaire. Parfois les enquêtes judiciaires s’étalent dans le temps. Les fédérations ont quant à elles la possibilité de prononcer des sanctions disciplinaires à titre conservatoire, ce qui peut permettre de mettre à l’écart de potentielles victimes un auteur présumé de violences sexuelles. En procédure disciplinaire, la Fédération dispose de dix semaines de délai pour prendre une décision. Une instruction judiciaire peut quant à elle s’étaler sur plusieurs années. Nous constatons par nos travaux et nos auditions que les fédérations gèrent différemment ce type de situation. Nous tentons de comprendre ces différences.

J’entends qu’une fédération puisse ne pas prendre de mesures disciplinaires par crainte de nuire à une enquête. Mais dans ce cas, en général, la justice formule une demande explicite en ce sens. Pouvez-vous nous éclairer sur les sanctions fédérales prises à l’encontre de M. Pouillart ? Son interdiction d’exercer concerne-t-elle uniquement les mineurs ? Est-il toujours entraîneur ?

M. Alain Contensoux. Le cas de M. Pouillart est très particulier. Il n’est plus licencié de la FFBB et ne peut pas reprendre de licence. Il s’agit d’une mesure administrative conservatoire. Il lui est interdit d’encadrer des mineurs. Il est pourtant toujours salarié d’un club de basket en tant que manager général.

Évidemment, cette situation n’est pas satisfaisante, d’autant plus que la FFBB s’est constituée partie civile dans ce dossier et que nous n’avons toujours pas obtenu de retour par rapport à cette constitution de partie civile. Nous n’avons par conséquent pas accès aux éléments de l’enquête qui pourraient nous éclairer sur la situation actuelle de M. Pouillart. Nous savons seulement que le conseil d’administration du club a décidé de maintenir M. Pouillart en poste contre l’avis de son président, lequel a démissionné. Aujourd’hui, M. Pouillart peut être manager général d’un club sans être licencié de la FFBB, dès lors qu’il n’encadre pas de mineurs.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Qui vérifie que M. Pouillart ne se trouve pas à proximité de mineurs ?

M. Alain Contensoux. Je précise d’abord qu’une demande de conciliation a été formulée par M. Pouillart concernant la décision prise par la Fédération de lui retirer sa licence. À l’issue de cette conciliation, la décision a été maintenue et l’avocat de M. Pouillart a formé un recours en annulation devant le tribunal administratif de Paris. Encore une fois je souligne notre souci de ne pas interférer avec l’enquête pénale en cours.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Durant les deux années précédant la sanction fédérale prononcée à l’encontre de M. Pouillart, celui-ci travaillait au sein du club d’Orchies. Se trouvait-il au contact de mineurs ?

M. Alain Contensoux. Non, il travaillait exclusivement avec des adultes. Nous avons demandé au service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports du Nord (SDJES‑59) de procéder à un contrôle administratif sur place afin de s’en assurer.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Vous n’avez donc procédé qu’à un seul contrôle en deux ans ?

M. Alain Contensoux. En effet.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Dans un club de sport, des majeurs et des mineurs circulent librement. M. Pouillart était évidemment à proximité de mineurs.

M. Alain Contensoux. Le contrôle effectué par le SDJES-59 nous a indiqué que M. Pouillart n’exerçait auprès de mineurs aucune fonction mentionnée par l’article L. 212-1 du code du sport. L’enquête administrative est toujours en cours.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La Fédération a-t-elle demandé au club des explications quant au maintien en poste de M. Pouillart, malgré la décision fédérale de lui retirer sa licence et malgré le désaccord du président ? Un nouveau président du club a-t-il été désigné ?

M. Jean-Pierre Siutat. Une élection a certainement eu lieu, un club ne pouvant rester sans président. Je pense que notre délégué intégrité suit le dossier en relation avec le club. L’enquête administrative est toujours en cours et il nous a été affirmé que M. Pouillart n’est pas en relation avec des mineurs dans le cadre de ses fonctions.

M. Alain Contensoux. Je précise que le club en question n’a pas de centre de formation.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Il me semble sidérant qu’une mise à pied immédiate n’ait pas été prononcée à l’encontre de M. Pouillart. La Fédération peut proposer une rupture conventionnelle lorsque des doutes sont émis par rapport au comportement d’un adulte envers des enfants. J’espère que vous avez conscience que cette affaire entache quelque peu la réputation de la FFBB. Lorsqu’un président de club démissionne parce qu’il refuse de recruter une personne mise en cause pour des faits présumés graves, la Fédération demande-t-elle au conseil d’administration de ce club et à son nouveau président ou de sa nouvelle présidente d’engager leur responsabilité et d’assumer leur recrutement ?

M. Alain Contensoux. M. Pouillart a été démis de ses fonctions d’entraîneur, et cette décision a été contestée par son avocat. Tant que l’affaire n’est pas jugée, M. Pouillart est présumé innocent. La Fédération a pris une mesure à titre conservatoire contre lui et lui a retiré sa licence. Au regard des dispositions légales, elle ne peut faire davantage.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. C’est le caractère tardif de cette décision qui nous interpelle.

M. Alain Contensoux. Je l’entends.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Il me semble inconcevable que dans un club professionnel de basket un dirigeant, rémunéré, puisse ne pas être licencié de la Fédération. Avez-vous pensé à imposer que toute personne rémunérée par un club soit licenciée ?

M. Jean-Pierre Siutat. La question d’une obligation se pose en effet, ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour veiller au respect de cette obligation.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Entre le moment où la plainte visant M. Pouillart a été déposée et la décision du préfet, la FFBB a-t-elle évoqué cette plainte avec les dirigeants du club d’Orchies ?

M. Jean-Pierre Siutat. La gouvernance fédérale n’a pas été en contact avec le club. En revanche, il faudrait vérifier si notre délégué intégrité était quant à lui en contact. Je pourrai vous le confirmer ultérieurement.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pendant deux ans, le club d’Orchies n’a même pas été informé qu’une plainte pour viol sur mineur avait été déposée à l’encontre de l’un de ses entraîneurs. Le président du club a déclaré dans la presse : « Nous avons découvert les accusations comme tout le monde, en lisant les articles. Nous avons reçu un courrier de la FFBB il y a une semaine, le vendredi 24 février, rien avant. » Pendant deux ans, M. Pouillart était donc présent dans le club, et personne n’était au courant des accusations portées contre lui.

M. Alain Contensoux. Il me semble que, sauf erreur de ma part, nous n’étions pas en droit d’informer le club qu’une plainte avait été déposée.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Si vous pouvez prononcer une sanction en raison d’un dépôt de plainte, pourquoi ne pourriez-vous pas en informer le club ?

M. Alain Contensoux. Nous prenons une décision vis-à-vis d’un licencié et cette décision n’est pas communiquée, en effet. Je considère qu’une décision de justice préalable eut été nécessaire avant d’informer le club.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je ne comprends pas. Vous avez connaissance d’une plainte, vous réunissez une commission de discipline et vous prononcez une sanction à l’encontre d’un licencié. Vous n’avez pas besoin pour cela qu’une décision de justice ait été au préalablement rendue. Alors pourquoi ne pourriez-vous pas prévenir le club de la décision prise par vos instances disciplinaires ? J’insiste, car je ne m’explique pas ces deux années de battement.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous avons entendu, lors de nos auditions, une fédération dans laquelle tout signalement a pour conséquence, systématiquement, et en accord avec le président du club, une mise à pied immédiate de la personne mise en cause, même si une enquête est en cours, même si la personne concernée n’est pas informée d’une plainte la visant. Pourquoi toutes les fédérations n’appliquent-elles pas ce principe de suspension immédiate et automatique ?

M. Alain Contensoux. Encore une fois, M. Pouillart a été suspendu et n’est plus licencié de la Fédération. J’entends, bien sûr, que cette sanction n’a pas été prononcée immédiatement. Sur ce point, je n’ai pas d’autres explications à fournir que la mobilité de cet entraîneur, qui a très souvent changé de club. Nous avons d’ailleurs systématiquement communiqué dès lors que nous apprenions qu’il avait changé de club.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Auprès de qui ?

M. Alain Contensoux. Auprès du préfet.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez communiqué auprès du préfet, mais pas auprès des clubs. Selon moi, ce point représente un véritable problème, puisque les clubs ne sont pas informés que leur entraîneur fait l’objet d’une plainte pour viol sur mineur. J’ose espérer, dans ces conditions, qu’il n’y a eu aucune autre victime à déplorer entre 2021 et 2023 dans des clubs qui n’auraient pas été informés de cette plainte. Je ne comprends toujours pas pourquoi une suspension immédiate n’a pas été prononcée en 2021, dès que la FFBB a eu connaissance de la plainte.

M. Jean-Pierre Siutat. Malgré la nécessaire discrétion nécessaire par rapport à une enquête en cours, vous estimez que nous, FFBB, devrions communiquer de façon informelle auprès des clubs et prononcer une mesure conservatoire ?

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Oui, et vous en avez le pouvoir. Vous pouviez tout à fait suspendre cet entraîneur à titre conservatoire dès que vous avez eu connaissance de la plainte.

M. Stéphane Buchou (RE). Ces derniers échanges m’incitent à réagir. Je souscris évidemment à ce qui vient d’être dit et, comme Mme la rapporteure, je suis quelque peu surpris, le mot est faible, par la chronologie eu égard à la gravité des faits reprochés à cet entraîneur. Au cours de nos auditions, nous avons été parfois étonnés par une certaine méconnaissance des droits et devoirs au sein des fédérations. Nous en avons ici l’illustration. De la même manière, hier, nous avons confirmé au président d’une fédération française qu’il était habilité à déclencher l’article 40 du code de procédure pénale, ce dont visiblement il n’était pas informé. Notre tâche est d’identifier, comme l’indique le titre de notre commission d’enquête, les dysfonctionnements au sein des fédérations françaises. Nos échanges montrent que nous mettons en lumière un grave dysfonctionnement. Il me semble urgent de prendre toute la mesure des droits, des devoirs et des responsabilités qui incombent aux dirigeants d’une fédération sportive.

Compte tenu des éléments relatifs à l’affaire que nous évoquons, comment être assuré que demain, au cas où une affaire similaire surviendrait, les mêmes causes n’entraîneraient pas les mêmes effets ? Je crains que la réponse ne soit dans la question…

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous donne la parole, monsieur le président, en rappelant que nous ne sommes pas au tribunal, bien sûr. Nous sommes là pour tenter de comprendre les éventuels dysfonctionnements au sein des fédérations.

M. Jean-Pierre Siutat. Je l’entends bien. J’affirme ma pleine confiance dans le service opérationnel de la Fédération, qui est souvent cité en exemple. Si nous ne pouvons pas vous apporter des réponses satisfaisantes sur cette affaire, c’est parce qu’elle est particulièrement complexe. Il convient de prendre en compte la présomption d’innocence de M. Pouillart, qui n’a pas à ce jour été condamné, ainsi que sa mobilité, puisqu’il a changé de club chaque année. Je rappelle que c’est la Fédération qui a mobilisé les services de l’État afin de suivre cette affaire. Par ailleurs, prendre des mesures de sauvegarde immédiates et systématiques préalablement à la constitution des faits nous expose à des recours.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous évoquez la présomption d’innocence, qui doit en effet être respectée. Mais, selon vous, pourquoi cet entraîneur changeait-il aussi fréquemment de club ?

M. Alain Contensoux. Je rappelle que la procédure a été modifiée en 2022 afin de pallier ce manque de réactivité que nous avons nous-mêmes constaté. Ces nouvelles dispositions posent également la question de la protection de la Fédération. En effet, l’avocat d’une personne mise en cause pourra invoquer un contentieux avec la Fédération, et celle-ci risque d’être mise en défaut par rapport aux règles de droit. Il s’agit d’un élément important à mon sens, qui souligne que la Fédération est prête à prendre des risques dans ce type d’affaires.

Je considère que les fédérations sportives, et plus généralement le mouvement sportif, ont pris conscience de la gravité du sujet des violences sexuelles. Pour la FFBB, la sécurité de nos pratiquants est primordiale et, comme l’a fait remarquer Mme Rouaux, une affaire comme celle dont nous parlons porte atteinte à l’image d’une discipline et d’une fédération sportives. Il est certain que nous devons améliorer nos dispositifs, et j’espère que vos travaux y concourront. Mais nous devons également disposer de garanties de sécurité, et cela passe par la voie législative.

M. Stéphane Buchou (RE). Vous avez raison de rappeler l’impératif de sécurité des pratiquants. Mais notre débat montre que, parfois, le respect des procédures légales, auxquelles je suis naturellement très attaché, peut prendre le pas sur la sécurité des pratiquants. Vous avez évoqué la présomption d’innocence, principe fondamental de notre Constitution. Vous avez parlé également d’un risque de contentieux, et j’entends la nécessité de sécuriser par des éléments législatifs une fédération qui s’engage dans un contentieux.

Pour revenir sur l’affaire de M. Pouillart, je pense que vous auriez dû informer les clubs des agissements présumés de cet entraîneur. En ne le faisant pas et en vous cachant, si je puis dire, derrière la présomption d’innocence, vous vous trouvez dans une situation difficile. Nous devons collectivement trouver les moyens réglementaires de prononcer une mise à pied dès le dépôt de plainte, mise à pied levée instantanément au cas les faits seraient reconnus comme non avérés.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous avons tous pris conscience des efforts déjà produits dans le domaine de la protection, notamment des enfants, et des progrès qu’il nous reste à accomplir. Avez-vous travaillé en concertation avec les autres fédérations afin de formuler des propositions à soumettre à cette commission ?

M. Jean-Pierre Siutat. Une proposition de loi a été déposée au Sénat. Nous avons apporté notre contribution à un travail collectif mené au sein du CNOSF. Je pense que le moment est opportun pour entreprendre un travail de fond sur ces sujets, et le CNOSF peut le piloter pour le compte des fédérations, avec pour objectif d’harmoniser les pratiques entre celles-ci.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Avez-vous échangé avec la direction des sports sur la manière dont le dossier de M. Pouillart a été suivi ? En a-t-elle tiré un bilan ? Par ailleurs, je reviens sur la présomption d’innocence et les recours. D’autres fédérations ont évoqué ces difficultés. Pensez-vous qu’une entité indépendante serait utile pour accompagner les fédérations dans le traitement de ces affaires ?

M. Jean-Pierre Siutat. Une réunion avec la directrice des sports est prévue le 7 décembre, et je propose que l’on inscrive ce sujet à l’ordre du jour.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ma question portait sur vos échanges avec la direction des sports. A-t-elle alerté la Fédération sur ce dossier ? A-t-elle commenté le délai de deux ans avant la suspension à titre conservatoire ?

M. Alain Contensoux. Non, nous n’avons pas eu ce type d’échange. S’agissant de votre suggestion d’entité indépendante, j’estime qu’une plateforme interfédérale serait vraiment très utile et permettrait tant le renforcement du contrôle d’honorabilité qu’une bonne circulation d’informations sur les signalements de violence.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À propos des signalements, n’est-ce pas déjà le rôle de Signal-sports ?

M. Alain Contensoux. Je pensais plutôt au traitement des dossiers. Signal-sports me semble, par ailleurs, un outil efficace pour les signalements. Nous travaillons efficacement avec Signal-sports, comme avec Capa.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. J’entends que votre collaboration avec Signal-sports est satisfaisante, c’est la raison pour laquelle je suis surprise que Signal-sports ne vous ait pas interrogés sur l’absence de mesure disciplinaire prise à l’encontre d’un entraîneur, durant deux années.

M. Alain Contensoux. Je solliciterai les personnes concernées afin de pouvoir vous apporter une réponse plus précise sur ce point.

M. Jean-Pierre Siutat. Je souscris à l’idée d’une plateforme d’échange et d’entraide entre les fédérations sur ces sujets.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je considère qu’il s’agit là du rôle de la direction des sports. Même si nous savons que cette direction manque de moyens humains, ce qui est d’ailleurs l’un des sujets de notre commission d’enquête, elle doit vous accompagner dans le traitement de ces dossiers.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Monsieur le président, siégez-vous toujours au CNOSF ? J’ai dit en introduction que vous aviez démissionné en 2019 en invoquant des raisons personnelles.

M. Jean-Pierre Siutat. J’ai en effet démissionné en 2019, puis j’ai été réélu. Je suis actuellement en charge des relations internationales. Ma démission était motivée par un désaccord avec la gouvernance sur la manière de travailler.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. La FFBB a-t-elle réalisé une cartographie des risques d’atteinte à la probité auxquels elle est exposée ?

M. Alain Contensoux. Le rapport de l’AFA nous a été remis en septembre. Nous avions lancé une mission de mise en concurrence afin de choisir un cabinet pour nous accompagner dans cette cartographie des risques. Lorsque nous recevons un rapport, nous suivons les préconisations ou recommandations qui y sont formulées.

M. Jean-Pierre Siutat. Le cabinet que nous avons choisi présentera la cartographie des risques lors du prochain comité directeur de la Fédération. À partir de ses conclusions, nous allons établir une feuille de route afin de nous conformer aux recommandations de l’AFA.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pour conclure, je vous invite à formuler des recommandations écrites sur la base de votre expérience.

M. Jean-Pierre Siutat. Nous le ferons parce que la FFBB a toujours été exemplaire dans sa volonté de faire avancer les choses. Je le ferai à titre personnel, au titre de la Fédération, mais aussi au titre du CNOSF.

La commission auditionne M. Serge Lecomte, président de la Fédération française d’équitation, et M. Frédéric Bouix, délégué général.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous accueillons à présent M. Serge Lecomte, président de la fédération française d’équitation, et M. Frédéric Bouix, délégué général.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre disponibilité pour répondre à nos questions. Nous avons entamé les travaux de cette commission d’enquête le 20 juillet. Nos travaux portent sur trois axes que sont les violences physiques, sexuelles ou psychologiques dans le sport, les discriminations sexuelles et raciales et les problématiques liées à la gouvernance financière des organismes de gouvernance du monde sportif.

Monsieur le président, en 1987, vous êtes élu vice-président de la fédération française d’équitation et occupez cette fonction jusqu’en 2004, date à laquelle vous êtes élu président de la fédération. Vous aviez déjà été élu en 2003, mais votre élection avait été annulée pour non‑respect des quotas des représentants du milieu professionnel. Vous êtes réélu en 2008, en 2012, en 2016 et en 2021.

En 2011, vous êtes renvoyé devant le tribunal correctionnel pour prise illégale d’intérêts. Il vous est reproché d’avoir octroyé un financement de 2,5 millions d’euros de la FFE au syndicat du groupement hippique national, alors que vous étiez président de ce syndicat lors de la même période. Le tribunal de grande instance de Paris reconnaîtra en 2013 que l’infraction était constituée et vous dispensera de peine.

En 2020, Mediapart révèle plusieurs affaires d’agressions sexuelles sur mineurs dans le milieu équestre, dont l’une concernant M. Loïc Caudal. En 2013, M. Caudal, alors directeur du centre équestre de Suresnes, avait été condamné pour atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans.

Mediapart indique que vous étiez informé du passé de pédocriminalité de M. Caudal, mais que vous lui auriez pourtant proposé, de 2014 à 2019, un emploi dans lequel il pouvait être en contact de jeunes mineurs.

Il vous est reproché de n’avoir pris aucune mesure disciplinaire à l’encontre de M. Caudal ni du centre équestre de Suresnes.

En 2020, la cavalière Amélie Quéguiner dénonce des viols subis au cours de son enfance au sein du milieu équestre et l’action insuffisante des instances dirigeantes. En 2021, alors que Mme Quéguiner dénonce une omerta dans le sport équestre et l’absence de mesures prises par la fédération pour lutter contre les violences, la FFE l’attaque pour diffamation avant de retirer sa plainte. Trois ans après son premier témoignage, Mme Quéguiner se plaint encore d’une fédération qui ne s’engage pas assez pour aider les victimes ni pour éloigner les prédateurs présumés de nouvelles victimes potentielles.

La fédération française d’équitation fait partie des quatre fédérations sur lesquelles Mme Maracineanu nous a dit avoir demandé à l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) d’enquêter.

Monsieur le délégué général, vous êtes employé par la FFE depuis plus de vingt ans. Vous y avez été chargé de mission, directeur du tourisme équestre, chargé de mission auprès du président avant d’être nommé délégué général en 2012. Vous êtes par ailleurs président de la fédération internationale de tourisme équestre depuis 2015.

Messieurs, dans un bref propos liminaire, pouvez-vous revenir sur les faits que je viens de rappeler et nous dire quelles sont les conclusions de la mission de contrôle diligentée par la ministre sur votre fédération ?

Avant de vous laisser la parole et d’entamer nos échanges, je vous rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes entendues par une commission d’enquête de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite, chacun à votre tour, et à dire : « Je le jure. »

(MM. Serge Lecomte et Frédéric Bouix prêtent serment.)

M. Serge Lecomte, président de la fédération française d’équitation. Dans ce que vous venez de rapporter, il y a beaucoup de vérités, dont beaucoup refabriquées. Il me semble compliqué de revenir point par point sur tous les sujets. Cela dit, il n’y a aucun sujet tabou ; tous ont déjà été largement évoqués. Je veux juste revenir sur le dernier élément en relation avec la ministre des sports précédente : dire que la Fédération française d’équitation a été particulièrement visée par des violences sexuelles me paraît très excessif. Nous disposons d’un certain nombre d’éléments pour expliquer très clairement ce qui s’est passé ou pas.

Les différents sujets que vous avez évoqués ont tous été présentés devant un tribunal, dénoncés, certains jugés, certains ont fait l’objet des sentences qui ont été exécutées. Je n’ai pas grand-chose à ajouter.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Monsieur Bouix, souhaitez-vous ajouter autre chose ?

M. Frédéric Bouix, délégué général de la fédération française d’équitation. Je n’ai rien à ajouter et je répondrai à vos questions sur ces différents dossiers, en fonction des pièces dont j’ai connaissance.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Revenons à l’affaire Serge Lecomte : vous vous défendez en affirmant ne pas avoir été mis au courant des faits au moment où vous l’avez embauché à la FFE. Maintenez-vous vos déclarations ?

M. Serge Lecomte. Cela a entraîné une enquête de l’inspection générale qui n’a eu de cesse d’essayer de disculper l’administration de ses insuffisances. Je n’ai pas à y revenir. L’IGESR a produit un rapport ; je l’ai contesté à la fin de l’enquête. Les allégations du journaliste qui voulait « se faire » un président de plus ne sont que vérités découpées en morceaux et reconstituées. Vous parlez d’une affaire, mais ce n’en est pas une.

Lorsque j’ai pris connaissance la décision du tribunal d’interdire à ce salarié d’enseigner, il était déjà convenu depuis longtemps que nous nous séparions. Il a répondu à une offre d’emploi de la Fédération comme chauffeur, ce qui n’avait rien à voir avec le contact de mineurs en particulier, d’autant que la Fédération ne prend jamais en charge de mineurs. Tout est dit.

Je pourrai revenir sur les insuffisances de l’administration à cet égard, si vous le souhaitez.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Remettez-vous en cause le rapport de l’inspection ? Vous avez parlé de « disculper l’administration ».

M. Serge Lecomte. Je ne remets pas en cause le rapport dans son ensemble, mais l’idée de l’inspection était de disculper l’administration. Les choses sont très simples. J’ai un établissement équestre dans les Hauts-de-Seine mais le siège social est dans le Val-d’Oise et c’est là que l’administration des Hauts-de-Seine avait pour habitude de m’envoyer mes courriers. Or au sujet de l’interdiction de M. Caudal, qui n’avait d’ailleurs plus avec moi de subordination en tant que salarié, la lettre simple, non nominative et non recommandée, a été envoyée directement au centre équestre, à Suresnes, où il y avait déjà deux présidents : M. Caudal, président du comité départemental d’équitation, et le président de l’association qui siège là. Ils ont pris la lettre qui leur était destinée, et voilà ; les choses sont aussi simples que cela.

L’objectif de l’enquête a été de dire que l’administration a bien fait son travail. Non, elle n’a pas fait son travail, elle n’avait qu’à prévenir par lettre recommandée directement au siège social, à l’adresse à laquelle elle avait l’habitude de m’écrire. Qui plus est, cela n’aurait rien changé puisque nos relations de travail étaient déjà terminées quand je l’ai appris.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous nous dites qu’au moment où vous apprenez les affaires concernant M. Caudal, il n’était déjà plus salarié de la Fédération.

M. Serge Lecomte. Pour d’autres raisons, nous avions en effet décidé d’arrêter nos relations de travail. J’avais embauché un couple, celui-ci ne fonctionnait plus et, entre les deux, nous avions décidé de garder sa compagne qui travaillait également au centre équestre depuis des années.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Selon nos informations, monsieur Bouix, vous étiez en charge des embauches et c’est vous-même qui auriez recruté M. Caudal. Étiez-vous informé des condamnations qui le concernaient ?

M. Frédéric Bouix. Effectivement, j’étais chargé des embauches. Comme le président l’a rappelé, M. Caudal a répondu à une offre d’emploi comme agent d’entretien pour une mission de chauffeur du camion qui se déplace sur nos événements majeurs. C’est dans ce cadre que M. Caudal a été recruté en contrat à durée déterminée (CDD) le 12 juin 2014. Ses CDD ont été renouvelés avant de se transformer en contrat à durée indéterminée (CDI). Nous avons appris ses condamnations, en tous les cas pour ma part, bien plus tard – plusieurs années après –, par son épouse, qui était également salariée à la fédération à partir de 2015.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous avez évoqué l’article de Mediapart. Le journaliste dit que vous étiez au courant du passé. Comment arrive-t-il à cette affirmation ?

M. Serge Lecomte. Il faut le lui demander. Connaissez le contenu du jugement de Loïc Caudal ?

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous allez nous le dire.

M. Serge Lecomte. Je n’ai pas à vous donner la teneur du jugement. Vous pouvez vous en rendre compte, on parle d’une affaire dont personne ne connaît le contenu. Le jugement ne se résume pas à cela. Il y a d’autres éléments.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Il vous revient de nous dire ce que contient ce jugement. Nos informations font état d’une atteinte sexuelle sur mineure de quinze ans.

M. Serge Lecomte. Non, de plus de quinze ans. Il faut lire le jugement pour en parler. Si vous n’avez pas lu le jugement, c’est un vrai sujet.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La question n’est pas de savoir si nous avons lu le jugement ou pas. Nous sommes ici vous poser des questions. Je vous pose donc la question. Le journaliste indique que vous étiez au courant.

M. Serge Lecomte. Je ne l’ai jamais rencontré. Il faut lui demander.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Dans le cadre de l’enquête, n’avez-vous jamais été entendu par la justice par exemple sur cette affaire ?

M. Serge Lecomte. J’ai été entendu par la suite au poste de police. Je sais que le compte rendu de mon audition s’est promené. Franchement, il faudrait que je l’aie sous les yeux pour me rappeler ce dont j’ai parlé. Ne me demandez pas comment le journaliste a été informé : je ne l’ai jamais vu, je l’ai eu deux minutes au téléphone et j’ai tout de suite compris qu’il essayait de faire une enquête à charge, sans connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Au titre de président du club de Suresnes, vous n’avez jamais donc été entendu en tant que témoin dans cette affaire ?

M. Serge Lecomte. Je ne suis pas président du club de Suresnes. Je suis gérant d’une société, ce qui n’a rien à voir avec la présidence d’un établissement équestre, qui est l’une de ses activités à Suresnes.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Et vous n’avez jamais été entendu dans ce cadre ?

M. Serge Lecomte. J’ai été entendu, je vous viens de vous le dire, mais pas par la justice.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je veux dire avant d’être informé.

M. Serge Lecomte. Cette audition s’est tenue bien après le départ de Loïc Caudal.

J’ai quand même eu les jugements. Il y a eu un deuxième jugement pour une soi-disant récidive qui aurait eu lieu à la fédération. En réalité, elle a eu lieu avant le premier jugement, donc sans relation avec sa présence à la Fédération.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je ne comprends pas. Que contestez-vous ? Le jugement ?

M. Serge Lecomte. Je ne conteste rien du tout, madame.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Mais vous parlez d’une récidive.

M. Serge Lecomte. Oui, le journaliste dont vous parlez a expliqué qu’il y a eu une récidive ensuite à la Fédération, ce qui n’est pas le cas. Il n’y a pas eu de récidive à la Fédération. Ce deuxième jugement, puisque M. Caudal a été condamné deux fois, concerne des faits qui se sont passés avant la première affaire, donc sans relation avec sa présence à la Fédération.

C’est tout ce que je vous dis. Je ne conteste rien du tout. Les choses sont faites depuis longtemps ; elles ont été largement débattues, je n’ai donc rien à contester.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Monsieur le président, nous ne sommes pas un tribunal. Mme la rapporteure, mes collègues députés et moi-même avons souhaité vous entendre dans le cadre de cette commission d’enquête qui travaille, je vous l’ai dit dans mes propos liminaires, sur trois axes qui nous paraissent importants, notamment sur les dysfonctionnements, pour les constater et pour améliorer toutes les conditions qui permettent aux mineurs, et peut-être même aux adultes, de pratiquer le sport en toute sécurité. Nous ne vous convions pas comme un accusé, mais comme un président de fédération, pour apporter votre expérience professionnelle auprès de cette commission d’enquête. Notre souhait est de travailler ensemble en toute connaissance de cause, au même titre qu’avec tous les présidents qui vous ont précédés et ceux qui vous suivront.

Vous n’êtes pas au tribunal, nous vous posons des questions gentiment, sincèrement, en toute simplicité. Nous espérons juste avoir des réponses dans le même sens.

M. Serge Lecomte. J’observe que les questions que vous me posez ne concernent en rien la Fédération.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Néanmoins, elles vous concernent, vous, en tant que président de la fédération.

M. Serge Lecomte. Pas au titre de mes actions auprès de la Fédération.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À l’époque, avez-vous été reçu par la ministre des sports au sujet de cette affaire ?

M. Serge Lecomte. Tout à fait.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pouvez-vous nous dire ce qui a été décidé, ce qui s’est dit lors de cette rencontre ?

M. Serge Lecomte. Il ne s’est rien décidé du tout. Nous avons eu une inspection générale quelque temps après, en période électorale à la FFE. Je pense que cette affaire a été instrumentalisée à des fins électorales. Il en est de même des autres déclarations, en particulier celles de Mme Quéguiner.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pour l’année 2023, combien de cas avez-vous examinés en commission disciplinaire et quelles décisions ont été prises suite à ces commissions ?

M. Frédéric Bouix. En 2023, la commission disciplinaire ne s’est pas réunie pour des sujets liés aux violences sexuelles. Elle le fera en début d’année 2024, avec deux dossiers en cours. Elle l’avait fait une fois en 2018, cinq fois en 2021 et deux fois en 2022.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Quelles décisions ont été prises sur les différentes affaires en question à la suite de ces commissions disciplinaires ? Je comprends que la commission ne s’est pas réunie en 2023.

M. Frédéric Bouix. Si, il y a eu deux réunions.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Les commissions de 2023 concernent donc l’année 2024.

M. Frédéric Bouix. Elle s’est réunie pour d’autres affaires. Sur les sujets liés aux VSS, les violences sexuelles et sexistes, il n’y a pas eu de décision de la commission juridique et disciplinaire de la Fédération en 2023. Il y en a eu une en 2018. Si vous voulez connaître la nature de la sanction, elle a consisté en une suspension de compétition de six mois à l’encontre d’un sportif. En 2021, nous en avons eu cinq. La première a entraîné une suspension de licence pendant quinze ans, la deuxième une suspension de licence jusqu’à une décision judiciaire définitive, la troisième un sursis à statuer jusqu’à une décision judiciaire, la quatrième une suspension de licence de compétition pour cinq ans, dont deux avec sursis, et la dernière une suspension d’un an de la fonction d’organisateur de compétition.

En 2022, il y a eu une relaxe et une suspension de trois ans de la fonction d’officiel de compétition, dont deux ans et demi avec sursis.

Comme je vous l’ai indiqué, plusieurs dossiers sont en cours pour le début de l’année 2024, avec une commission juridique déjà saisie.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À quel type d’affaires s’attachent ces sanctions ? Il s’agit de VSS, mais de quoi parlons-nous exactement ?

M. Frédéric Bouix. Je n’ai pas le détail complet des cas, que je pourrai vous communiquer si vous le souhaitez. Ils sont de nature très différente, allant de propos jusqu’à des actes de violence.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ces décisions ont-elles été publiées au bulletin officiel ?

M. Frédéric Bouix. Ces décisions, sauf avis contraire de la commission car la publication relève de sa décision, sont publiées dans la revue de la Fédération, la REF, dès lors qu’elles sont définitives, c’est-à-dire lorsque les éventuels recours en conciliation dans le cadre des instances fédérales sont purgés. Les sanctions définitives sont publiées, sauf décision contraire de l’instance disciplinaire qui le précise dans son jugement. Les noms de mineurs peuvent être masqués dans certains jugements.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Sur un autre sujet, on constate depuis de nombreuses années une sous-représentation systématique, voire une absence des oppositions au sein du comité fédéral de la Fédération.

Cela permet peut-être une prise de décision efficace, mais prive la Fédération de débats contradictoires potentiellement fructueux. Cette situation est largement favorisée par les statuts de la Fédération. Pourquoi fonctionner ainsi ?

M. Serge Lecomte. Vous avez dit que j’avais été élu en 2003 et que la FFE a ensuite été sous administration judiciaire, mon élection ayant été cassée. La vraie raison est que s’opposaient alors deux visions du projet fédéral, l’une favorable à des élections réservées aux grands électeurs, comme c’était le cas dans la plupart des fédérations, l’autre partisane d’une élection par les adhérents de la Fédération que sont les groupements sportifs. Nous avons largement débattu de ces statuts, qui ont à l’époque été imposés par le ministère des sports, avec un contenu et des administrateurs bien précis et bien définis. Cette version a été soumise à l’ensemble des adhérents de la Fédération, en assemblée générale, par l’administrateur judiciaire. Le second projet a été choisi.

À la Fédération française d’équitation, c’est réellement la base qui vote, composée de plus de 6 000 représentants des clubs, dirigeants professionnels ou associatifs. Il existe plusieurs collèges et on peut voter en fonction de ses aspirations. Le rôle du candidat président, est de monter une équipe qui plaît le plus possible à tous ces électeurs et de faire élire l’ensemble de son équipe.

Cela aurait pu être différent mais aucun collège d’opposants n’a été élu.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Si je comprends bien, vous êtes majoritaire et aucun débat contradictoire n’a lieu.

M. Serge Lecomte. Le débat contradictoire se tient tous les ans lors de l’assemblée générale, lorsque nous nous soumettons à l’ensemble des adhérents de la fédération nos actions et nos budgets.

Est-on dans une fédération pour mener un combat politique permanent ou pour faire avancer les projets ?

Mme la présidente Béatrice Bellamy. L’opposition peut être constructive.

M. Serge Lecomte. Quand on écoute le terrain, qu’on travaille avec le terrain et qu’on est adopté par le terrain, leu projet fédéral se construit en permanence.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Les nouveaux statuts de la FFE ont été adoptés par l’assemblée générale le 24 novembre 2022. Pouvez-vous revenir sur les changements apportés par rapport aux statuts précédents ?

M. Frédéric Bouix. Les principaux changements visaient à prendre en compte les évolutions de la nouvelle loi sur le sport de mars 2022.

On voit dans ce que vient de dire le président et dans le fait que ce sont les clubs qui votent depuis l’adoption, en 2004, de la proposition en ce sens de l’administrateur judiciaire que la FFE a été précurseur puisque la notion de vote direct par les groupements sportifs est désormais présente dans la loi, qui se contente en outre de faire participer les clubs sportifs aux élections et pas à l’adoption de l’ensemble des résolutions en assemblée générale ordinaire. La FFE n’a donc pas eu à évoluer sur ce point.

Il y a eu des évolutions en termes de parité car, les élections ayant lieu à la proportionnelle, deux tiers des administrateurs d’une fédération majoritairement féminine par les licenciées et les dirigeantes étaient auparavant des administratrices. Nous sommes ainsi passés d’une représentation proportionnelle à une parité 50/50.

Par ailleurs, la représentativité des groupements sportifs groupements non associatifs était jusqu’alors limitée à 20 % dans les instances des fédérations. Dans ce domaine aussi, la nouvelle loi sur le sport prévoit la proportionnalité, c’est-à-dire la prise en compte de la physionomie de la Fédération puisque plus des deux tiers des groupements qui sont de nature non associative. La répartition des sièges évoluera donc.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. La loi de démocratisation du sport de mars 2022 limite aussi à trois le nombre des mandats successifs.

M. Frédéric Bouix. C’est le cas également dans les statuts de la Fédération, conformément à la loi.

Elle prévoit également l’élection distincte des représentants des sportifs de haut niveau et des officiels de compétition. Pour notre part, ils étaient déjà intégrés dans les instances fédérales. Pour une candidature par liste, nous avons un collège spécifique imposant un certain nombre de qualités requises, avec un médecin, des officiels, des organisateurs, des propriétaires de chevaux de sport. Nous avons pris en compte cette demande et cette exigence de la loi consistant à tenir des scrutins séparés pour les sportifs de haut niveau et pour les officiels de compétition qui seront élus par leurs pairs en dehors de l’élection fédérale et à son issue.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous nous avez affirmé que M. Caudal n’était pas en contact avec des mineurs, enfin qu’il ne travaillait pas à proximité de mineurs.

M. Serge Lecomte. Dans sa fonction à la Fédération ? En effet, il a été embauché comme chauffeur.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Sur le circuit du Grand National, y avait-il des cavalières mineures ou pas ?

M. Serge Lecomte. Le circuit du Grand National est public : les concurrents viennent avec leurs chevaux et participent à la compétition, mais il n’y a pas d’encadrement sportif.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ma question est de savoir s’il y a des cavalières mineures.

M. Serge Lecomte. Il y a des mineurs partout, comme il y en a dans la rue.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je vous pose une simple question, merci d’y répondre clairement.

M. Serge Lecomte. Je vais préciser la réponse car je vois que vous souhaitez aller au fond des choses. M. Caudal n’avait aucune responsabilité et aucune autorité sur aucun mineur lors de ses déplacements et de ses fonctions à la Fédération.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Était-il présent ou pas sur ce site ?

M. Serge Lecomte. Il n’avait aucune fonction ni aucune autorité sur aucun mineur lors de ses déplacements pour la Fédération.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous ne répondez pas.

M. Serge Lecomte. Il était présent s’il le souhaitait. Il arrivait, il déposait le camion, il montait son podium. Ensuite, il était libre d’aller où il voulait.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Le camion dont il était en charge était un camion d’accueil de la Fédération d’équitation, présent sur un circuit de compétition du Grand National en l’occurrence, où il y avait des cavalières mineures.

M. Serge Lecomte. Non, en général pour le Grand National, non.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous me dites qu’il n’y avait donc pas de mineur.

M. Serge Lecomte. C’est un lieu public ouvert à tout le monde, mais parmi les concurrents du Grand national, on doit compter les mineurs sur les doigts d’une main. Et il n’avait aucune autorité.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je vous pose les questions sans hausser le ton, je vous demanderai de faire de même. Mes questions sont simples. Je vous demande juste si, au moment où il était présent avec le camion de la Fédération d’équitation, des cavalières mineures pouvaient être présentes sur ce site. Oui, non, c’est aussi simple que cela.

M. Serge Lecomte. Je vous ai répondu que c’était un lieu public où tout le monde pouvait aller, donc bien sûr des mineurs et qu’il n’avait aucune fonction vis-à-vis des mineurs et aucune autorité sur des mineurs quels qu’ils soient. La restriction judiciaire était l’encadrement d’activités sportives et rien d’autre.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Quelles mesures de prévention des conflits d’intérêts avez-vous prises au sein de la Fédération ?

M. Frédéric Bouix. Il y en a de plusieurs natures. Nous sommes soumis, dans le cadre du code du commerce, à l’ensemble des dispositifs liés aux conventions réglementées, c’est-à-dire aux relations contractuelles qu’il pourrait y avoir entre des administrateurs de la Fédération et des fournisseurs de la Fédération. Chaque année, les administrateurs sont interrogés sur les liens qu’eux-mêmes ou leur famille pourraient avoir. Comme le prévoit la loi, les commissaires aux comptes rédigent un rapport spécial, qui est soumis chaque année à l’assemblée générale de la Fédération.

Il y a également un certain nombre de sujets. Le président remplit ses obligations vis-à-vis de la charte. C’est également le cas, depuis 2022, des vice-présidents, du trésorier et la secrétaire générale. Le comité d’éthique et de déontologie a adopté un dispositif similaire pour les présidents des comités régionaux. Par ailleurs, la Fédération travaille depuis 2022 sur une cartographie des risques qui est en cours de finalisation. Vous n’êtes pas sans savoir qu’à l’instar d’autres fédérations, la FFE a fait l’objet d’un contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA) qui n’est pas terminé et dont on attend les conclusions.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pourriez-vous nous communiquer le taux d’observance de la surveillance médicale renforcée (SMR) ?

M. Frédéric Bouix. Oui. La SMR s’adresse aux sportifs de haut niveau. La liste de la Fédération française d’équitation compte à ce jour cent cinquante athlètes. Parmi les examens demandés, il y a un électrocardiogramme standard de repos avec interprétation, un bilan examen médical – locomoteur, cardio-vasculaire, pulmonaire, ophtalmologique –, un bilan diététique et alimentaire – mode de consommation, habitudes alimentaires –, un bilan psychologique – dépression, troubles anxieux, violence, troubles du sommeil –, un bilan d’usage de substances et, en complément, les traitements en cours, la médicamentation usuelle, l’existence d’une autorisation à usage thérapeutique ou non, les antécédents personnels médico-chirurgicaux, la consommation de tabac, la dernière vaccination et la recherche d’un état de surentraînement, les signes fonctionnels ou psycho-comportementaux.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous demandais le taux de surveillance.

M. Frédéric Bouix. Nous avons eu certaines années des scores moins bons, mais le taux de surveillance doit être à 100 % cette année, si les chiffres que j’ai sous les yeux sont corrects, avec des variations entre les différentes catégories de sportifs de haut niveau (SHN), les mineurs et les majeurs, et les sexes.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Vous avez beau parler fort, monsieur Lecomte, nous n’entendons ni ne comprenons pas tout et je m’interroge. Vous employiez à titre privé, pour votre société, une personne condamnée en 2013 pour agressions sexuelles sur mineurs. Elle est licenciée et vous la recrutez au sein de la Fédération française d’équitation, où elle n’a pas de mission auprès des jeunes. Mais vous savez très bien que vous prenez un risque, puisqu’elle a été au contact de jeunes qui le connaissent bien, qu’il y a eu une récidive en 2017 et qu’elle n’est licenciée qu’en 2019.

Vous avez fait prendre des risques à la Fédération. Je ne comprends pas pourquoi vous y avez recruté cette personne alors que vous l’aviez licenciée dans votre entreprise.

M. Serge Lecomte. D’abord, il n’a pas été licencié, nous nous sommes séparés après une quinzaine d’années, pour les raisons que j’ai expliquées tout à l’heure. Ensuite, la récidive, comme vous le dites, n’a pas eu lieu après mais avant son départ de mon entreprise. Il n’y a pas eu de récidive à la Fédération et il n’y a eu aucun risque à la Fédération par rapport à son comportement. On a dû demander mon avis sur cet individu, puisqu’il a été longtemps chez moi. Je n’ai eu qu’à me féliciter de son travail. Si nous nous sommes séparés, ce sont pour des raisons de personnes internes à l’entreprise. C’est une petite entreprise où travaillent quatre personnes et il n’était pas possible d’y avoir un couple qui se déchire au vu et au su de tout le monde.

Vous venez de répéter ce qu’a dit le journaliste de Mediapart qui voulait faire des révélations alors qu’il n’y avait tout simplement pas eu de licenciement.

Or dans la mesure où je l’ai appris après, il n’y a eu aucune incidence puisque nous nous séparions pour d’autres raisons et qu’il entrait à la Fédération pour d’autres raisons.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous avons bien compris tout cela. En tant que président de la Fédération, vous savez que l’un de vos entraîneurs a un problème avec des jeunes et qu’il est condamné. Pour autant, vous le recrutez comme chauffeur, considérant que sa mission ne comporte pas de risque de croiser des jeunes en compétition d’équitation. Vous n’avez donc pas tiré les enseignements de ce que vous avez vécu.

Si aujourd’hui vous êtes au fait qu’un entraîneur ou une entraîneuse, parce que cela peut être au féminin, a été condamné pour violences sexuelles, pourriez-vous ne pas le laisser au contact des jeunes mais le recruter sur une autre mission dans votre fédération ? C’est une question que je vous pose.

M. Serge Lecomte. Nous avons déjà apporté la réponse. Nous avons eu des problèmes effectifs avec des entraîneurs. Les mesures ont été immédiates et radicales, mais encore fallait-il être informé de ce qu’ils ont fait.

M. Frédéric Bouix. J’interviens en tant que responsable des ressources humaines de la Fédération. Dans le prolongement de la mise en place du système d’information (SI) honorabilité dans nos établissements équestres, nous nous appliquons les mêmes règles. Ainsi, nous demandons le bulletin numéro trois du casier judiciaire pour l’ensemble des salariés de la Fédération. Nous avons commencé à le faire pour les contrats saisonniers, car nous avons beaucoup de saisonniers, pas sur des fonctions d’encadrement mais d’entretien d’un site dont la Fédération est responsable et qui accueille des mineurs l’été. Nous avons commencé à le faire pour les manifestations de 2023 et nous l’avons généralisé à tous les recrutements au sein de la Fédération, quel que soit le poste, y compris sur des fonctions sédentaires de bureau.

M. Serge Lecomte. J’ajoute que l’histoire Caudal a été quand même une bonne leçon. Si cela vous intéresse, on a besoin de solutions pour éviter ce genre de situation : envoyer un courrier dans la nature, sans nom, sans destinataire, pose quand même problème.

M. Stéphane Buchou (RE). Je souhaite bien comprendre la chronologie de ce qu’il s’est passé et de ce dont on vient de parler. La personne en question – je parle sous votre contrôle – est recrutée au sein de votre société. Elle quitte la société, selon ce que vous venez de nous indiquer. Vous dites qu’il y avait eu récidive avant qu’elle intègre la Fédération. Ai-je bien compris ? Vous avez connaissance de sa condamnation. Elle est en récidive et vous l’embauchez à la Fédération.

Quelles précautions sont prises pour justement éviter les dysfonctionnements qui sont l’objet des travaux de cette commission ? À vous entendre, vraisemblablement, et je ne porte pas d’accusation, la condamnation et la récidive n’ont pas été suffisantes pour que vous preniez a minima des mesures de précaution préalables, étant entendu, et je reprends vos termes, que la personne en question n’était pas censée être au contact de mineurs.

Je ne suis pas un spécialiste de l’équitation. Vous avez indiqué que les compétitions se tenaient dans des lieux publics, mais il y a quand même un risque fort qu’il y ait des mineurs.

Ce que je n’arrive pas à bien comprendre, c’est quelles ont été à ce moment les mesures que vous avez prises ou que vous n’avez pas prises, vous, en tant que président de la Fédération et en tant que délégué général ?

M. Serge Lecomte. Les choses sont simples et je l’ai dit tout à l’heure. Vous lisez les jugements, vous regardez les dates et vous comprendrez tout.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous vous demandons de répondre précisément à nos questions. Vous ne pouvez pas nous renvoyer systématiquement aux jugements.

Il y a donc eu une séparation entre vous et cette personne. Il y a aussi eu deux condamnations. Vous nous dites que tout cela a eu lieu avant qu’il intègre vos effectifs à la fédération d’équitation. Donnez-nous la chronologie des faits.

M. Serge Lecomte. Vous me posez plusieurs fois la même question. Je vous ai déjà répondu. Pour moi, ce sujet est clos. Je n’ai plus rien à vous dire. Vous lisez les jugements et vous serez informés.

M. Stéphane Buchou (RE). Madame la présidente l’a dit tout à l’heure, nous ne sommes pas ici dans un tribunal, mais pour poser des questions, auxquelles vous devez répondre. Je redis que vous ne pouvez pas, en permanence, nous renvoyer à ce que vous nous répondez depuis le début de cette audition.

Je vais vous poser la question autrement. Y a-t-il des choses fausses dans ce que je viens de rappeler ?

M. Serge Lecomte. Je vous ai expliqué que le deuxième jugement est intervenu bien après le premier sur des faits qui ont eu lieu avant le premier jugement. Je ne peux rien vous dire d’autre. Lisez les jugements et vous en aurez la confirmation.

M. Stéphane Buchou (RE). Ma question n’est pas de savoir si oui ou non je vais lire ou je dois lire les jugements. Ma question porte sur le fait que vous aviez connaissance de la condamnation de cette personne et que, malgré tout, elle a été recrutée au sein de la Fédération française d’équitation. Cela relève de mon point de vue d’un dysfonctionnement et c’est l’objet des travaux de cette commission.

Si ce que je dis ne vous intéresse pas, prévenez-moi et nous arrêtons tout de suite.

M. Serge Lecomte. Vous me posez dix fois la même question. Je vous ai dit que la deuxième condamnation a été prononcée sur des faits qui avaient eu lieu avant la première condamnation. Nous l’avons appris bien après son embauche, bien sûr. Vous regardez les dates des jugements et vous vous en rendrez compte tout de suite.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Le premier jugement s’entend-il avant l’embauche ? Vous nous parlez du deuxième jugement pour une affaire qui a eu lieu avant. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de préciser la chronologie.

M. Serge Lecomte. Madame, je n’ai pas les pièces en tête. La prochaine fois, si vous m’invitez, je viendrai avec les jugements et je vous les lirai.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Monsieur le délégué général, pouvez-vous confirmer les propos de M. le président ?

M. Frédéric Bouix. Je peux confirmer ce qui concerne la Fédération. En tous les cas, lors de l’embauche de M. Caudal, la Fédération, en tant qu’employeur, n’avait pas connaissance du jugement. Elle en a eu connaissance a posteriori et elle a eu connaissance du deuxième jugement pour des faits antérieurs au premier après le départ de M. Caudal, au moment où les faits ont été révélés par l’enquête du journal. Il a quitté l’entreprise en 2019, de mémoire, et ce sont des faits qui ont été révélés en 2020.

J’ai lu le premier jugement et je n’ai jamais eu en main le deuxième.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Quand vous avez eu connaissance du premier jugement, M. Caudal était-il encore salarié de la Fédération ?

M. Frédéric Bouix. Il me semble que oui, parce que je l’ai appris par son épouse.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À ce moment, quelles mesures ont été prises par la fédération ? Lorsque vous avez connaissance de ce premier jugement, mettez-vous fin à son contrat ? Y a-t-il une mise à pied ? Y a-t-il une mesure conservatoire ?

M. Frédéric Bouix. Rien n’a été fait sur le plan des ressources humaines et, si j’ai souvenir du jugement dont on parle, il ne prévoyait aucune mesure expresse d’éloignement de mineurs ou autres. Je n’avais pas information d’autres dispositions assorties au jugement.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. C’est ce que prévoyait le jugement, mais la Fédération aurait pu prendre une autre décision.

M. Frédéric Bouix. La Fédération n’a pas pris d’autres mesures en ayant connaissance de ce jugement.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pourquoi ?

M. Frédéric Bouix. Je n’ai pas d’explication à vous fournir.

M. Serge Lecomte. Nous avons seulement appliqué la loi. La loi ne nous imposait pas de prendre une mesure conservatoire nouvelle envers quelqu’un qui avait été jugé et qui avait purgé sa peine. Que nous demandez-vous ? De faire un deuxième procès à M. Caudal, parce que nous avons a appris après coup un jugement sur des fonctions qu’il n’exerçait plus.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ce ne sont pas des fonctions qu’il n’exerçait plus. Au moment où vous avez connaissance du premier jugement, il est encore salarié de la fédération. Je suis désolée, à ce moment, vous auriez pu prendre une décision de sanction. Je vous pose la question pour savoir pourquoi vous n’avez pas pris cette décision.

M. Serge Lecomte. La deuxième sanction ne pouvait être qu’en conformité avec le droit du travail, madame, et le droit du travail ne permettait pas de licencier quelqu’un qui avait été condamné, qui avait purgé sa peine et qui n’exerçait pas les fonctions contre-indiquées dans son jugement.

M. Stéphane Buchou (RE). Monsieur le délégué général, j’ai une petite précision à vous demander. Vous avez dit que la Fédération n’en avait pas connaissance. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Frédéric Bouix. Tout à l’heure, il a été évoqué les fonctions de M. Lecomte en tant qu’employeur de M. Caudal préalablement à son embauche à la Fédération. Je distingue bien les deux. La Fédération, que je représentais lorsque j’ai signé son contrat de travail, n’en avait pas connaissance.

M. Stéphane Buchou (RE). Pour bien comprendre, vous faites le distinguo entre la Fédération française d’équitation et le président de la Fédération française d’équitation. Est-ce ce qu’il faut comprendre ou pas ? Je m’étonne que vous n’incluiez pas les deux lorsque vous mentionnez la Fédération.

M. Frédéric Bouix. Le président m’a donné délégation pour gérer l’ensemble des ressources humaines et n’intervient pas dans les processus de recrutement depuis le 1er septembre 2013, si c’est votre question. Je peux vous parler de ce qui se passe à la Fédération, je ne peux pas vous parler de ce qui se passe dans les entreprises tierces, quelles que soient d’ailleurs ces entreprises, même si les individus sont un jour passés par la fédération.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ce n’est pas tout à fait la question. Nous vous avons demandé qui était informé et vous nous indiquez que la Fédération d’équitation n’était pas informée au moment où vous avez recruté cette personne. En disant cela, vous faites un distinguo entre la Fédération en tant que telle et M. Lecomte.

M. Frédéric Bouix. Je ne fais aucun distinguo. Je n’étais pas informé. Le distinguo se fait sur la nature de l’employeur et pas sur autre chose.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous dites que vous n’étiez pas informé. Est-ce à dire que d’autres personnes l’étaient ?

M. Frédéric Bouix. Non, je n’étais pas informé. C’est moi qui signe le contrat de travail. En tant qu’employeur, représentant légal de l’entreprise FFE, je n’étais pas informé au nom de la Fédération de ce jugement et de cette condamnation.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À votre connaissance, d’autres personnes étaient-elles informées de ce jugement ou de cette condamnation au moment où vous avez recruté M. Caudal ?

M. Frédéric Bouix. À en croire les déclarations de la ministre des sports quelques années plus tard, il faut croire que oui. En tous les cas, notre courrier n’a suscité aucune réponse, le 4 juin, le 10 juin et le 22 juin. Nous avons demandé à la ministre des sports de nous fournir les pièces relatives à la manière dont la Fédération ou M. Lecomte aurait pu être informés ; nous n’avons jamais eu de réponse, donc nous n’étions pas informés et nous l’avons été bien après.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je précise que vous êtes sous serment tous les deux. J’entends votre réponse. Vous confirmez que, selon vous, personne d’autre à la Fédération n’était informé au moment de ce recrutement. Pouvez-vous confirmer ?

M. Frédéric Bouix. Je peux parler pour moi, pas pour d’autres personnes.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Selon vous, d’autres personnes étaient-elles informées, au moment de son recrutement, de sa condamnation ?

M. Serge Lecomte. La direction départementale était informée, puisque c’est elle qui a envoyé le courrier.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je parle de la Fédération. Je vais vous demander de répondre, s’il vous plaît.

M. Frédéric Bouix. Je reformule ma réponse. Je ne peux répondre que pour moi et je n’ai pas d’information sur d’autres personnes qui auraient été informées.

M. Stéphane Mazars (RE). Monsieur Lecomte, si je comprends bien, la personne qui a posé difficulté était votre ancien salarié dans une structure privée et il a été ensuite recruté au sein de la Fédération dont vous étiez le président. Vous avez dit, monsieur le délégué général, que vous étiez le représentant légal de la Fédération et que vous n’étiez pas informé. Mais le représentant légal de la Fédération est son président.

M. Frédéric Bouix. J’ai reçu délégation pour gérer l’ensemble des ressources humaines. Ce n’est pas une représentation légale au sens strict du terme.

M. Stéphane Mazars (RE). Le président, qui a eu à connaître la situation de son ancien salarié, ne peut pas ignorer la situation du nouveau recruté au sein de la Fédération. Il n’empêche que c’est vous qui formalisez l’embauche de cette personne et vous n’êtes pas informé à ce moment. Quand vous êtes informé de la situation de cette personne que vous avez recrutée, vous regardez, si je comprends bien, son jugement, les faits pour lesquels elle a été condamnée, est-ce bien cela ? Quand vous apprenez que ce monsieur a été condamné, l’idée est de comprendre pourquoi il a été condamné et si les éléments de cette condamnation rendent incompatible le maintien dans son contrat de travail au sein de la Fédération française d’équitation. Est-ce de cette manière que vous avez raisonné ?

M. Frédéric Bouix. Oui. Je ne sais pas quand j’ai été informé. Je vous ai dit que je l’avais été par son épouse qui était également salariée de la Fédération et qui a dû rejoindre les effectifs de la Fédération huit ou neuf mois après lui-même. C’est comme cela que j’ai appris. En tous les cas, il ne m’est pas apparu que l’interdiction d’exercer une activité avec les mineurs pouvait être incompatible avec un poste d’agent d’entretien chauffeur. Je l’ai dit également tout à l’heure.

M. Serge Lecomte. À la Fédération, nous avons recruté d’autres personnes plus à risque que M. Caudal, notamment des gens qui sortaient de prison et qui avaient des fonctions d’entretien, de jardinier, de maçon, etc. Nous avons aussi une vocation sociale, celle de remettre les gens sur les rails.

M. Stéphane Mazars (RE). Je considère que des personnes qui ont été condamnées, qui ont purgé leur peine, ont le droit de revenir dans le circuit, mais un jugement peut leur interdire d’être en contact avec notamment des mineurs. Il me paraît important que vous, employeur, au moment où vous êtes au courant d’une condamnation préalable à son embauche, vous puissiez véritablement vérifier quels sont les termes de cette condamnation et s’il n’y a pas d’incompatibilité entre les nouvelles fonctions et le contact qu’il peut avoir avec des mineurs. C’est la question que je vous pose. De quelle manière vous en êtes-vous assurés ? Quels étaient les termes de cette condamnation ? Y avait-il une étanchéité infranchissable entre ces termes et ses fonctions ?

M. Serge Lecomte. Il a été condamné à quinze jours avec sursis et à un retrait de son diplôme d’éducateur sportif. Cela voulait dire qu’il ne pouvait assurer l’encadrement sportif et rien d’autre.

M. Stéphane Mazars (RE). Aujourd’hui, suivriez-vous le même raisonnement ou serait-ce différent ? A priori, vous avez déjà répondu.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Monsieur Lecomte, pouvez-vous nous indiquer en quelle année vous avez été auditionné dans le cadre de la procédure judiciaire ?

M. Serge Lecomte. Honnêtement, je ne m’en souviens plus.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Était-ce avant son recrutement ?

M. Serge Lecomte. Non, bien après, mais je ne me souviens plus des dates.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Même question pour vous, monsieur Bouix. Savez-vous en quelle année s’est tenue cette audition ?

M. Frédéric Bouix. Pas du tout. Je n’ai pas d’information sur cette audition. En tous les cas, je n’ai pas été auditionné.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Selon nos informations, Monsieur Lecomte, vous auriez été auditionné en 2017, dans le cadre de la procédure judiciaire ouverte à l’encontre de M. Caudal. Vous étiez donc informé en 2017.

M. Serge Lecomte. Attendez, on parle d’un jugement qui a eu lieu en 2013 et d’un recrutement qui a eu lieu en 2014. En 2017, bien sûr, c’était bien après. Une audition par la police n’est pas une condamnation.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ce n’est pas la question. Je ne vous demande pas l’histoire de sa condamnation. La question vise à savoir si vous étiez informé. Forcément, à un moment ou à un autre, vous l’avez été puisque vous avez été auditionné dans le cadre de la procédure judiciaire en 2017.

M. Serge Lecomte. Je vais vous répondre, parce que vous réveillez quelques souvenirs. Je n’ai pas appris la condamnation au commissariat de police et au commissariat de police, on m’a auditionné sur M. Caudal sans me préciser quelles étaient les raisons de l’audition. On m’a questionné, j’ai dit ce que j’avais à dire. Ce n’est pas la peine de mélanger les deux puisque cela n’a rien à voir. En aucun cas, au commissariat, on ne m’a dit qu’il avait été condamné, qu’il avait fait ceci ou cela. En aucun cas ! On m’a posé des questions, point à la ligne. Je suis étonné quand même que l’on passe notre temps depuis une heure sur une affaire de voleur de pommes.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je ne suis pas certaine que je parlerais de voleur de pommes au vu des accusations et des condamnations, mais chacun est libre de ses mots et de son interprétation de cette affaire. Il revient aux parlementaires de décider des sujets sur lesquels ils veulent appuyer pour justement déterminer les dysfonctionnements et apporter des solutions. Cela fait effectivement une heure que nous essayons de comprendre à quel moment vous êtes informé et pourquoi la Fédération ne prend pas de mesure au moment où vous êtes informé. D’ailleurs, il serait intéressant de savoir, au moment où vous vous séparez de ce monsieur, quel est le motif de la séparation. Qu’est-ce qui est écrit sur son courrier de licenciement, s’il a été licencié ?

M. Serge Lecomte. Ce monsieur, avec son épouse, a voulu s’installer et reprendre une écurie. Ils sont partis pour reprendre une écurie, ce qu’ils ont fait, tout simplement.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous êtes informé de la condamnation, d’après ce que nous a dit M. Bouix, mais vous n’inscrivez rien dans le motif de son licenciement ou de la séparation. Il part comme ça.

M. Serge Lecomte. Il a été jugé, il a été condamné, il a purgé sa peine. Que voulez-vous d’autre ? Dites-nous ce qu’il faut faire de plus.

M. Stéphane Mazars (RE). Je pense que l’on peut recruter quelqu’un qui a été condamné par le passé, mais pouvez-vous nous dire pourquoi ce monsieur a été condamné ? Essayez de qualifier a posteriori les faits pour lesquels il a été condamné.

M. Serge Lecomte. Sous réserve de lire le jugement avec exactitude, il a été condamné à quinze jours avec sursis pour avoir eu des relations consenties avec une mineure de plus de quinze ans. La plainte a été déposée par les parents, ce que je comprends tout à fait.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Qu’en est-il de la deuxième condamnation ?

M. Serge Lecomte. Je ne saurais pas vous dire de la même façon que le premier jugement, mais c’est du même ressort. Si j’avais connu les faits au moment où il était salarié chez moi, j’aurais réglé les problèmes immédiatement.

M. Stéphane Mazars (RE). Vous comprenez le décalage entre les faits pour lesquels il a été condamné et le vol de pommes ? Il n’est pas admissible que vous puissiez dire, dans le cadre d’une commission d’enquête qui traite le sujet des violences sexuelles et sexistes, que cette personne est un voleur de pommes. Encore une fois, je crois qu’il y a un décalage entre l’appréciation qui est la vôtre aujourd’hui de ces faits, bien que vous soyez amené à en parler devant une commission d’enquête qui traite spécialement de ce sujet, et ce que vous nous dites. Prenez-en conscience.

M. Serge Lecomte. C’est la raison pour laquelle je suis étonné, parce que nous avons à la Fédération des cas autrement plus graves qu’on n’aborde absolument pas aujourd’hui.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. J’aimerais quand même revenir sur cette audition en 2017. Vous nous indiquez que vous n’étiez pas informé. La police vous interroge sur ce monsieur sans vous donner les causes et les raisons pour lesquelles elle vous interroge. De 2017 à 2019, que se passe-t-il ? Est-ce à dire que vous ne vous interrogez pas, que vous ne lui posez pas de questions, que vous n’interrogez pas son contrat de travail chez vous ?

M. Serge Lecomte. Je vous ai déjà répondu. Pour moi, s’agissant de quelqu’un qui a été dénoncé, jugé, condamné et qui a purgé sa peine, je ne peux pas intervenir davantage.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Au moment où vous vous êtes interrogé, en 2017, il n’avait pas purgé sa peine.

M. Serge Lecomte. C’était terminé, bien sûr.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En 2017, le président est auditionné dans le cadre de cette enquête, que se passe-t-il au niveau de la Fédération entre 2017 et 2019 ?

M. Frédéric Bouix. Je l’ai dit tout à l’heure, il ne s’est rien passé. Je ne sais pas si c’est en 2017 que la Fédération a été informée.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. C’est en 2017 que M. le président est auditionné par le commissariat.

M. Frédéric Bouix. Je n’ai pas la date de cette audition. En tous les cas, j’ai dit tout à l’heure qu’il ne s’était rien passé lorsque nous avions appris la condamnation de M. Caudal pour les faits que vous venez d’évoquer et que cela ne se reproduirait pas aujourd’hui.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je vous propose de passer aux autres affaires puisque, visiblement, vous avez à nous exposer d’autres cas, selon vous autrement plus problématiques.

M. Serge Lecomte. Nous en avons parlé tout à l’heure.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous passons à la question disciplinaire, puisque, sur cette affaire, il n’y a pas eu de déclenchement de commission disciplinaire. Comment fonctionne cette action disciplinaire au sein de votre fédération ? Quel est son périmètre dans le règlement ?

M. Frédéric Bouix. Le périmètre des actions disciplinaires, jusqu’en septembre 2022, ne concernait que les activités organisées par la Fédération française d’équitation. Depuis, le règlement général disciplinaire de la Fédération a été modifié et les VSS concernent l’ensemble des faits dont a à connaître la Fédération, et pas seulement, comme cela peut être le cas pour d’autres dossiers, celles intervenant dans le périmètre des activités qu’elle organise. Je cite les activités de compétition, car contrairement à d’autres fédérations, l’ensemble de l’encadrement est un encadrement professionnel et car, pour exercer les métiers d’éducateur sportif, nous ne sommes pas obligés d’être licenciés, ni même que le club soit adhérent. C’est la raison pour laquelle le périmètre initial, qui était le périmètre historique du règlement général et disciplinaire de la Fédération, était restreint aux activités qu’elle organisait afin de ne pas s’immiscer dans les activités commerciales de ses adhérents. Les choses ont évolué en septembre 2022, en particulier sur ce point.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Le règlement a-t-il fait l’objet de remarques par le ministère des sports ?

M. Frédéric Bouix. Il a fait l’objet de remarques de la part de l’inspection générale, qu’elle a mentionnées dans son rapport. Je tiens à souligner, comme nous l’avons fait auprès de l’inspection, que ce règlement général disciplinaire avait été approuvé par les services du ministère des sports, comme l’ensemble des textes fédéraux.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En quelle année a-t-il été validé ?

M. Frédéric Bouix. Le précédent ?

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Oui.

M. Frédéric Bouix. J’ai les documents, je peux chercher un peu et vous donner la date.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En attendant, peut-être une question sur les cartes professionnelles d’éducateur. Procédez-vous à leur vérification à l’embauche ?

M. Serge Lecomte. Pour ce qui concerne le personnel de la Fédération, bien sûr, mais pas pour le personnel des adhérents du groupement sportif de la Fédération. C’est à l’employeur de le faire.

M. Frédéric Bouix. Je réponds à votre précédente question : la version antérieure du règlement général disciplinaire date de 2017. Elle a fait l’objet d’une approbation par les services de la direction des sports.

M. Serge Lecomte. Je voudrais revenir sur la carte professionnelle, parce que c’est un vrai sujet pour nous aider à détecter tous les comportements qui doivent être suivis de mesures de conservation. Le fonctionnement des cartes professionnelles, le fichier national et la capacité de la Fédération à pouvoir les consulter nous permettraient effectivement de travailler d’une façon efficace.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Êtes-vous satisfait de votre partenariat avec l’association Colosse aux pieds d’argile et comment se décline-t-il concrètement ?

M. Frédéric Bouix. Il s’est essentiellement concentré sur des actions de formation et de sensibilisation de l’encadrement fédéral, des élus du comité fédéral, des présidents de comités régionaux, des salariés de la Fédération, également de l’ensemble des membres des commissions juridiques et disciplinaires et des comités d’éthique de la fédération sur ces sujets. C’est l’action nationale dont j’ai le bilan.

Il y a ensuite des partenariats locaux dans lesquels l’association Colosse aux pieds d’argile, au-delà de la convention qui la lie à la Fédération, assure des interventions en région à travers l’action bien sûr des Délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES) et des comités régionaux d’équitation. Nous avons également fait des interventions spécifiques auprès des publics mineurs à l’occasion de grands rassemblements ou de championnats réservés aux enseignants, qui sont également une cible à sensibiliser et à former.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Votre partenariat se décline sur combien d’heures et pour quel montant ?

M. Frédéric Bouix. Nous avons signé une convention en 2021, reconduite en 2022 pour trois ans. Il y avait des sensibilisations en visioconférence, des sensibilisations en présentiel, des formations en présentiel. Cela s’est accompagné d’un certain nombre de coûts sur les parties matérielles notamment, s’élevant à un peu plus de 5 400 euros, sans compter le travail d’envoi des dossiers, étant donné que nous avons adressé à l’ensemble des groupements sportifs un dossier complet, comme l’a fait Colosse aux pieds d’argile avec d’autres fédérations sportives. Il s’agissait de kits d’information, de formation à destination des dirigeants. L’impression et la diffusion ont été prises en charge par la Fédération, mais pas dans ce budget.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Combien de fois avez-vous déclenché l’article 40 du code de procédure pénale ?

M. Frédéric Bouix. J’ai eu à faire un signalement au procureur de la République cet été, qui n’a pas été suivi d’effet car il m’a répondu qu’il n’y avait pas de plainte des parents. Le dossier est en cours d’instruction par la commission disciplinaire. Il fait partie des dossiers renvoyés en début d’année 2024. C’est la seule action en direct que j’ai eue à faire auprès du procureur.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Ce sont des faits de quelle nature ?

M. Frédéric Bouix. Il s’agit de relations sexuelles entre un officiel de compétition et une bénévole lors d’une manifestation sportive, avec plus de cinq ans d’écart d’âge entre la mineure et l’officiel de compétition. J’ai son identité, que je pourrais vous communiquer à l’issue de l’audition si vous le souhaitez.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous parlons donc d’une mineure bénévole. Quel âge a-t-elle ?

M. Frédéric Bouix. D’après ma collaboratrice, elle était âgée de seize ans. Ce n’était pas vraiment une bénévole, mais une élève d’un chantier-école avec une maison familiale. La manifestation était organisée par la Fédération, avec une convention de chantier-école pour des jeunes qui préparent des diplômes liés au cheval. L’officiel de compétition était un arbitre de cette même compétition.

Dès lors que nous l’avons appris par l’encadrement de la jeune fille, nous avons écrit au procureur de la République début juillet. Nous nous sommes émus par écrit de la réponse qu’il pouvait nous apporter. Il a fini par nous expliquer que c’était lui qui décidait, dont acte. En tous les cas, la commission disciplinaire de la Fédération a été saisie par le président à la suite de cette réponse.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Quel âge a le juge ?

M. Frédéric Bouix. Je ne connais pas son âge exact. En tous les cas, il y avait plus de cinq ans d’écart. Je pense qu’il a plus de trente ans, en tout cas un écart d’âge suffisant.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous nous avez donné des chiffres, dont un cas en 2018 et cinq en 2021. S’agissait-il des sanctions disciplinaires ou des signalements ?

M. Serge Lecomte. C’était des sanctions disciplinaires, donc des décisions de la commission juridique disciplinaire de la Fédération.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pouvez-vous nous donner le nombre de signalements, notamment sur la question des VSS ? Pourquoi n’avez-vous fait usage qu’une fois de l’article 40 et pas davantage, notamment sur les autres cas de VSS ?

M. Frédéric Bouix. La plupart des cas faisaient déjà l’objet de poursuites judiciaires lorsque l’on en a été informé ou lorsque l’on a recroisé les informations avec la cellule des signalements du ministère des sports. Sauf erreur, huit cas n’ont pas fait l’objet de signalements et de procédures judiciaires. Deux cas portent sur des faits antérieurs à 2000, un datant de 1971. Il y a aussi deux signalements anonymes, un signalement relatant des propos déplacés mais non pénalisables, et deux cas pour lesquels nous sommes en attente d’informations complémentaires, plus ceux qui font l’objet d’une commission disciplinaire en cours.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Qui décide que les propos ne sont pas pénalisables ?

M. Frédéric Bouix. Nous avons une référente en charge de ce dossier, juriste de formation. Elle échange avec d’autres collègues juristes ou compétents en matière judiciaire.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Faites-vous un aller-retour avec la direction des sports pour savoir si des décisions doivent être prises ou s’il convient de recourir à l’article 40 ?

M. Frédéric Bouix. Les signalements reçus à la Fédération font immédiatement l’objet d’un signalement au ministère des sports. Soit le ministère a déjà connaissance du signalement, soit il n’en a pas connaissance et il peut aussi parfois en avoir connaissance a posteriori. En tout cas, la Fédération ne conserve aucun signalement, quelle que soit la suite qu’elle y donne, commission disciplinaire ou pas.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. S’agissant de l’article 40 auquel vous avez eu recours, cette personne exerce-t-elle toujours ?

M. Frédéric Bouix. Nous avons immédiatement suspendu ses fonctions officielles de compétition, qui sont les seules activités sur lesquelles la fédération a la maîtrise. Nous attendons la décision de la commission juridique et disciplinaire qui doit se tenir en début d’année.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. En attendant, que fait-il ? Est-il présent ?

M. Frédéric Bouix. Sans jugement, nous n’avons pas la capacité de prendre des mesures d’éloignement. Nous pouvons nous assurer qu’il ne soit pas officiel – juge ou arbitre –dans une compétition organisée par la Fédération. Ses fonctions d’officiel ont été suspendues.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Est-il licencié de la fédération ?

M. Frédéric Bouix. Oui, mais sa licence ne lui donne aucun droit d’activité en dehors de pratiquer son sport et d’être assuré. En outre, le retrait de la licence ne changerait rien à sa capacité à se déplacer ou à participer à des activités non fédérales.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pourquoi n’y a-t-il pas une mesure disciplinaire de suspension de sa licence en attendant la suite d’une éventuelle procédure ?

M. Frédéric Bouix. Il est arrivé que la commission juridique et disciplinaire prenne des mesures conservatoires en attendant une audience. Dans le cas de cet officiel de compétition, la suspension de sa licence n’aurait aucune incidence sur son activité étant donné qu’il n’est pas éducateur sportif. Sa seule fonction fédérale est celle de juge et arbitre, qui est suspendue. Il ne peut pas exercer. J’ajoute que l’assurance couvre également sa pratique et qu’on ne peut pas la suspendre sans décision disciplinaire.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Vous conviendrez quand même que lorsqu’on a une licence, on est plus à même d’aller ou de circuler dans un centre équestre qu’une personne sans licence.

M. Serge Lecomte. Il y a à peu près deux millions de cavaliers occasionnels ou permanents dans notre pays. Nous comptons sept cent mille licenciés et un million deux cent mille personnes fréquentent les établissements équestres, sans être tous affiliés à la Fédération.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Il est plus fréquent de se déplacer avec une licence dans un centre équestre pour pratiquer son sport.

M. Serge Lecomte. La licence en équitation a deux fonctions. La première est d’offrir aux cavaliers qui souhaitent faire de la compétition un cadre bien organisé et un suivi. La seconde est d’offrir une couverture d’assurance. La prise de la licence se limite à ces raisons.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. S’agissant du, Vous ne nous avez pas donné le nombre de signalements des dernières années.

M. Frédéric Bouix. Nous avons reçu quatre-vingt-trois signalements.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pouvez-vous préciser les années ?

M. Frédéric Bouix. Ces signalements s’entendent depuis 2020. Certains peuvent concerner la même personne. Nous en avons reçu vingt-neuf en 2020, dix-huit en 2021, dix-neuf en 2022 et dix-sept en 2023.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Et avant 2020 ?

M. Frédéric Bouix. Avant 2020, il n’y avait pas de procédure de signalement à proprement parler. La Fédération a adopté une procédure de signalement avant même Signal-sport, qui est la procédure du ministère des sports. La plateforme de signalement de la Fédération française d’équitation a été ouverte lorsque nous en avons malheureusement eu besoin en février 2020, avec un formulaire qui a été d’ailleurs recopié par le ministère des sports pour ensuite être décliné sur Signal-sport. Avant, nous avions eu à connaître deux cas, qui ont été traités, notamment en commission disciplinaire, ou avec des suspensions de fonctions, notamment en 2018 avec un cadre d’État stagiaire.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Combien y a-t-il de licenciés à la Fédération ?

M. Frédéric Bouix. Nous en comptons six cent soixante-quinze mille pour l’année 2023.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Vos propos sur la carte professionnelle étaient intéressants. La difficulté de la fédération, c’est que vous avez des centres équestres privés, avec quelquefois même des cavaliers qui ne sont pas licenciés. Êtes-vous alertés en cas de signalement ?

S’agissant de ce juge arbitre qui a eu des relations sexuelles avec une jeune fille, avez-vous prévenu le centre équestre auquel il est affilié ?

M. Frédéric Bouix. Le centre équestre n’est pas un centre équestre de rattachement. C’est peut-être une particularité par rapport à d’autres sports, où l’on a sa licence dans le club où l’on pratique et encadre. Les centres équestres sont des émetteurs de licences et il est fréquent que le juge arbitre n’ait jamais de relation avec son centre équestre ou l’association de proximité où il prend sa licence pour exercer ses fonctions de juge et arbitre. Il n’y a pas eu d’information aux dirigeants de l’association qui lui a délivré sa licence, en attendant le jugement de la commission disciplinaire.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Je ne comprends pas puisqu’il est bien licencié. Il peut être en contact, dans son centre équestre, avec des jeunes filles. Vous pourriez quand même déployer des mesures de protection en avertissant le centre. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? S’il était affilié nulle part, comme certains juges arbitres, je pourrais le comprendre, mais s’il est affilié dans un centre équestre ou dans un club, il serait quand même intéressant d’informer le club de ce qui s’est passé.

M. Stéphane Buchou (RE). Dans le prolongement de ce que vient de dire ma collègue, je voulais revenir sur la question de la licence. J’entends parfaitement, monsieur le président, les chiffres que vous nous avancez. Deux millions de pratiquants, sept cent mille licenciés, un million deux cent mille cavaliers qui pratiquent sans licence. Simplement, vu de l’extérieur, je m’interroge sur le message et sur l’image de la Fédération.

Donc, quelqu’un est condamné et la licence est maintenue. Ce que j’aimerais comprendre, ce sont les raisons qui vous poussent à la maintenir. J’entends les motifs juridiques, mais, en termes de mesures de protection, en termes de messages envoyés à l’extérieur, vous avez quand même une obligation de sécurité de vos pratiquants. Or le fait est que cette personne continue à avoir sa licence.

Nonobstant qu’il aurait peut-être fallu l’inscrire dans les statuts, qu’est-ce qui empêche la Fédération de retirer la licence ?

M. Serge Lecomte. Quel est le fondement juridique de ce retrait de licence ? Des cavaliers professionnels à qui on avait retiré la licence sont allés au tribunal et nous avons perdu à tous les coups : dès lors qu’ils ont purgé leur peine, dès lors qu’ils répondent aux critères d’une prise de licence, vous ne pouvez pas leur interdire de faire leur métier.

Nous voulons bien retirer des licences, mais avec un vrai fondement juridique.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Monsieur Bouix, pouvez-vous nous remettre, s’il vous plaît, le courrier d’échange entre la FFE et le procureur pour cette affaire ?

M. Frédéric Bouix. J’ai ici l’échange de courriers et de mails et je pourrai vous les remettre à l’issue de l’audition.

M. Stéphane Buchou (RE). Juste une précision, monsieur le président. J’entends que les cavaliers déposent un recours, mais s’il y a une condamnation ferme avec une mesure d’éloignement, la justice revient-elle sur son précédent jugement ?

M. Serge Lecomte. S’il y a une condamnation, nous l’appliquons. Mais la condamnation est rarement étendue une fois que la peine est purgée. Elle a sa limite dans le temps. Nous sommes dans deux cas de figure différents. Tout à l’heure, nous parlions d’un cas de figure avec un retrait du diplôme d’encadrement. Tant que le diplôme est retiré, il n’y a pas de discussion à avoir, quel que soit l’endroit. Là, nous parlons d’une pratique équestre. S’il y a une condamnation, sous réserve de l’avis de juristes qui suivent ces dossiers, on n’a jamais vu un jugement qui interdisait aux cavaliers de reprendre leur licence.

M. Stéphane Mazars (RE). Dans le cas évoqué, nous confirmez-vous que cette personne est toujours détentrice d’une licence ?

M. Frédéric Bouix. Si nous parlons du même cas que celui qui a fait l’objet d’un signalement au procureur, effectivement, nous avons retiré immédiatement à cette personne ses fonctions d’officiel de compétition et le dossier est en cours d’instruction par la commission disciplinaire. Le jugement fédéral, si on peut l’appeler ainsi, interviendra normalement en début d’année.

M. Serge Lecomte. Vous me permettrez une anecdote ancienne, mais qui montre bien la limite de nos pouvoirs. Un centre équestre important emploie un instructeur d’environ quarante-cinq ans, auteur d’actes délictueux vis-à-vis des mineurs. L’association prend la décision de le licencier aussitôt et porte plainte. Tout cela suit la procédure. Deux ans après, l’instructeur en question gagne son procès, va aux prud’hommes, fait un rappel de deux ans de salaire plus les indemnités attendues du fait que sa carrière a été cassée. Cette affaire a coûté 200 000 euros à l’association en question, qui s’est retrouvée par terre.

Nous pouvons mener un certain nombre d’actions, mais pas en allant au-delà du droit du travail ni des préconisations judiciaires.

M. Stéphane Buchou (RE). Nous en avons pleinement conscience et l’objet des travaux de cette commission est bien d’identifier non seulement les dysfonctionnements, mais aussi les limites aux pouvoirs des uns et des autres.

Encore une fois, l’objectif est vraiment de faire œuvre utile et in fine d’essayer de trouver un chemin qui sécurise les associations qui peuvent être victimes, à l’instar de ce que vous dites. Il s’agit aussi de trouver le chemin qui sécurisera toutes les pratiques sportives et d’en finir avec les violences sexuelles et sexistes et avec les autres faits d’homophobie, de racisme, etc.

M. Serge Lecomte. Nous avons des demandes très précises pour pouvoir mieux faire notre travail.

M. Stéphane Mazars (RE). J’allais justement vous poser la question de savoir si pour vous, il était compliqué de devoir gérer vos responsabilités en tant qu’employeur. Nous parlons des procédures disciplinaires, des procédures administratives parfois, et aussi de la gestion de procédures, certaines éventuellement judiciaires, dont la temporalité diffère. Cela fait un peu écho à l’anecdote que vous avez rapportée et peut-être aux propositions que vous pouvez nous faire.

Je reviens sur le cas dont vous nous avez parlé de cette personne qui commettrait des actes délictuels, que vous signalez au procureur de la République, lequel vous dit « circulez, il n’y a rien à voir ». Vous prenez quand même vos responsabilités en suspendant le titre d’arbitre ou d’officiel. Êtes-vous organisés d’une manière telle que vous soyez assurés que cette personne suspendue puisse se rendre spontanément à un concours ? Il est connu des organisateurs parce qu’il avait l’habitude de venir ; est-il possible qu’il s’autodésigne comme officiel lors de cette compétition.

M. Frédéric Bouix. J’ai envie de dire que tout est possible, mais le système est informatisé et relativement fiable. L’ensemble des officiels de compétition, quelle que soit leur fonction, sont déclarés dans le système informatique. Lorsqu’un changement intervient entre ce qui est déclaré et la réalité du terrain, une autre déclaration est faite au moment de la transmission du résultat. Encore une fois, tout est possible, nous ne sommes pas à l’abri d’actes malveillants, mais en tous les cas, le paramétrage de la compétition limite fortement la possibilité d’une participation officielle de cette personne. De même, un cavalier ne peut pas participer à une compétition s’il n’a pas sa licence de compétition active en bonne et due forme.

M. Serge Lecomte. Il y a deux types de compétitions, les compétitions officielles et les compétitions d’entraînement. Autant pour les compétitions officielles, nous maîtrisons parfaitement les acteurs, autant les compétitions d’entraînement sont au libre choix de ceux qui les organisent. C’est un vrai sujet.

Il faut également savoir que ceux qui sont en contact et ont autorité auprès des mineurs sont les entraîneurs qui amènent leurs cavaliers dans ces compétitions. Les officiels de compétition, en réalité, sont là pour juger si la barre est tombée ou pas et si le chronomètre a bien marché. Ils n’ont pas de relation directe avec les mineurs. Ils officient en public devant tout le monde. Il y a une ambiguïté quand même permanente dans tout cela.

M. Stéphane Mazars (RE). Nous voyons bien que votre activité est gérée par la Fédération, mais qu’une grande part se fait hors cadre fédéral, avec des clubs privés, etc. Nous pouvons très bien imaginer une situation où quelqu’un serait mis au ban d’une fédération parce qu’il commettrait des actes répréhensibles, mais la gestion de l’équitation en France n’empêcherait pas cette personne de continuer à se retrouver auprès du public jeune dans le cadre d’une activité équestre, dans une structure purement privée qui échappe à l’organisation et à la tutelle de la Fédération. Est-ce bien le cas ?

M. Serge Lecomte. Bien sûr. Il faut bien se rendre compte que les établissements et les caisses ne sont pas tous affiliés à la fédération. Au sein de la fédération, il existe trois familles : ceux qui font de la compétition, ceux qui font du sport éducatif et de l’activité physique et ceux qui font du tourisme équestre. Ces trois populations sont très différentes et n’ont pas les mêmes besoins d’adhérer à la fédération. Pour les premiers, c’est obligatoire. Les seconds, s’ils veulent passer un examen pour obtenir un « galop », doivent s’inscrire dans le cadre de la fédération. Les derniers disent n’avoir besoin de rien pour se balader dans la nature. Du reste, d’autres organismes jouent les fédérations et les fédèrent sans avoir de délégation de l’État.

Pour la Fédération, un des grands enjeux de ces vingt dernières a été de conserver l’unité de ces familles et de ne pas éclater entre ces différentes chapelles. Nous comptons trente-deux disciplines à l’intérieur de la Fédération : ce n’est pas comme au football, où tout le monde est obligé de se conformer à la même règle.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous vous proposons de nous une contribution écrite comportant les propositions que vous voudrez bien faire, évidemment dans votre discipline. Sachez que nous sommes à votre écoute.

La commission auditionne M. Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel, M. Arnaud Rouger, directeur général, et M. Frédéric Besnier, directeur de l’Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP).

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Nous accueillons à présent MM. Vincent Labrune et Arnaud Rouger, respectivement président et directeur général de la Ligue de football professionnel (LFP), ainsi que M. Frédéric Besnier directeur de l’Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP). Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de votre disponibilité pour répondre à nos questions.

Nous avons entamé les travaux de cette commission d’enquête le 20 juillet 2023. Nos travaux portent sur trois axes : les violences physiques sexuelles ou psychologiques dans le sport ; les discriminations sexuelles et raciales et les problématiques liées à la gouvernance.

Monsieur Labrune, vous avez notamment été président de l’Olympique de Marseille (OM). Vous êtes entré en septembre 2011 au conseil d’administration de la LFP. En septembre 2020, le conseil d’administration vous a élu président. Depuis cette date vous êtes membre de droit du comité exécutif (Comex) de la Fédération française de football (FFF), dont plusieurs dysfonctionnements ont été longuement évoqués devant cette commission d’enquête. Je rappelle que la FFF et la LFP sont liées par une convention de subdélégation qui définit les relations entre les parties et les compétences qu’elles exercent en commun.

Monsieur Rouger, vous avez occupé les fonctions de directeur des compétitions de la LFP de 2003 à 2023. Cette direction est notamment chargée d’assurer le bon déroulement des compétitions. Le 17 septembre 2020, le conseil d’administration de la LFP a décidé de vous nommer, sur proposition de M. Vincent Labrune, directeur général de la LFP.

L’Association nationale des ligues de sport professionnel défend les intérêts communs de la LFP et des ligues nationales de basket-ball, de cyclisme, de handball, de rugby et de volley-ball. Ces ligues regroupent plus de 160 clubs et équipes professionnelles. Monsieur Besnier, vous avez été de juillet 2013 à mars 2014 conseiller sport professionnel de la ministre des sports Valérie Fourneyron.

Messieurs, dans un bref propos liminaire, pouvez-vous présenter les relations entre les ligues professionnelles et les fédérations sportives délégataires, ainsi que les rôles de chacun dans les domaines qui intéressent notre commission d’enquête ? À cet égard, monsieur le président Labrune, nous souhaiterions que vous commenciez par revenir sur les dysfonctionnements dont vous avez eu connaissance au sein de la FFF.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main et à dire : « Je le jure. »

(MM. Vincent Labrune, Arnaud Rouger et Frédéric Besnier prêtent serment.)

M. Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel. Avant de répondre plus concrètement à vos questions, je souhaite remettre en perspective l’action menée à la LFP depuis trois ans.

Né en 1971 à Orléans d’un père expert-comptable et d’une mère professeure, j’ai travaillé pendant quinze ans dans l’industrie des médias, avant de rejoindre ensuite la famille Dreyfus – avec Robert Louis-Dreyfus jusqu’à son décès en 2009 puis avec sa veuve jusqu’en 2016 – pour gérer leurs intérêts au sein de l’OM. J’ai été effectivement membre du conseil d’administration de la LFP sans discontinuer depuis 2011, d’abord en tant que représentant de l’OM, puis en tant que membre indépendant. J’ai ensuite décidé de me présenter en septembre 2020 à la présidence de la LFP, avec l’objectif très clair de réformer en profondeur notre organisation et nos compétitions, afin de permettre à la France de rayonner à l’international en portant les performances de ses clubs au niveau de ceux sélectionnés au niveau européen.

Je fais partie de ceux qui pensent que la société est fracturée et que le caractère fédérateur du football et ses grandes épopées permettent de rassembler les gens, comme nous avons pu le constater récemment à Toulouse après la victoire du TFC contre Liverpool. J’ai été élu à la présidence de la LFP en pleine crise sanitaire, qui avait conduit à l’arrêt des compétitions. La première conséquence en a été une difficulté d’ordre économique liée au non-paiement de la fin de saison par les diffuseurs et la mise en place d’un prêt garanti par l’État de 225 millions d’euros. En effet, quinze jours après mon élection, nous avons subi la défaillance de notre partenaire majeur audiovisuel Mediapro, qui s’est placé sous la protection du tribunal de commerce et n’a pas voulu par la suite consentir de rabais quand nous avons entrepris de négocier la sortie de ce partenariat.

Simultanément, pendant le confinement, nous avons mené deux actions concrètes : d’une part, une réforme de la gouvernance avec la séparation des rôles de président et de directeur général et la mise en place d’un syndicat unique pour réunir les clubs ; d’autre part, la mise en place d’une ligne de crédit de 120 millions d’euros avec la banque JPMorgan à rembourser avant juin 2021, pour sauver la trésorerie des clubs. Au cours de l’hiver 2020 et du printemps 2021, nous nous sommes concentrés avec le groupe Canal+ sur la commercialisation des droits audiovisuels pour la fin de saison, négociation qui fut particulièrement complexe en raison de l’amertume, voire de l’aigreur, du groupe vis-à-vis du football français à la suite de la perte des droits en 2018. Dans un second temps, nous avons finalisé la commercialisation des droits jusqu’en 2024 avec le groupe Amazon.

Ainsi, le football professionnel est passé d’une espérance de gain de 1,306 milliard d’euros, pour la plupart dépensés par les clubs, à une réalité économique de 734,5 millions d’euros, soit une perte annuelle de 571 millions d’euros. Face au triple tsunami constitué par l’arrêt du championnat, la crise du covid et la défaillance de Mediapro, qui se traduisait par un effondrement des droits de diffusion audiovisuelle – un cas unique en Europe, les autres pays n’ayant eu à gérer que la crise du covid –, un choix fort a été effectué, de manière à réformer le football professionnel en profondeur : passage à dix-huit clubs, travaux sur la société commerciale, développement des relations avec l’État, poursuite de la réforme de la gouvernance de la LFP et mise en place de la politique d’intégrité.

La fin du confinement et le retour du public dans les stades ont été marqués par une résurgence de phénomènes violents dès la reprise du championnat. Elle s’est notamment traduite par une bagarre rangée sur le terrain lors du match Nice-Marseille, une bouteille jetée sur la tête de Dimitri Payet lors du match Lyon-Marseille. La ligue 2 n’a pas été épargnée, avec par exemple le match Nancy-Quevilly. Mais le pire du pire est survenu lors du match Saint-Étienne-Auxerre de la fin de saison, avec l’envahissement du terrain par des centaines de pseudo-supporters, des voyous, qui s’en sont pris au public. Nous avons frôlé la catastrophe et avons failli déplorer un mort.

Nous avons immédiatement pris ce problème à bras-le-corps. Lors de l’assemblée fédérale générale le 18 juin 2022, j’ai fait une déclaration qui signifiait en substance que dans les semaines et mois à venir, chacun devait être courageux, à son niveau, pour écarter ces criminels des stades de football. Nous vous transmettrons une copie intégrale de cette déclaration. Dès le 30 juin 2022, nous avons confié une mission au professeur en criminologie Alain Bauer, qui nous a rendu un rapport le 23 novembre 2022. Ce rapport a permis d’identifier les mesures permettant de réduire sensiblement les faits de violence graves lors de la saison 2022-2023.

Simultanément, nous avons finalisé les travaux de la société commerciale et renforcé la stratégie de responsabilité sociale des entreprises (RSE) de la Ligue, en insistant tout particulièrement sur les questions de discrimination et de transition écologique qui sont inscrites dans les contrats de licence des clubs. Un directeur général et des collaborateurs de haut niveau ont été recrutés pour la société commerciale, si bien qu’aujourd’hui 145 personnes y travaillent contre 80 il y a moins de deux ans.

En résumé, la LFP et le football professionnel ont fait face à une crise économique et financière sans précédent. Nous avons décidé de conduire un chantier de réformes ambitieux et inédit, de manière à nous permettre d’affronter avec plus de force et de souplesse l’environnement complexe – pour pas dire anxiogène – dans lequel nous évoluons. Ce chantier mobilise l’ensemble de l’écosystème du football dans une transparence totale : il a impliqué l’État, la FFF, les clubs et nos partenaires syndicaux. Depuis le début de mon mandat, pas moins de 111 réunions ont été organisées pour traverser la crise, conduire les réformes et améliorer notre football.

Enfin, sur le sujet majeur et prioritaire à mes yeux des violences dans les stades et de la lutte contre les discriminations, nous avons adopté, en plein accord avec la ministre des sports, une politique de « tolérance zéro » bâtie sur trois piliers : la sensibilisation et la coordination de nos actions avec l’État ; le renforcement de nos actions disciplinaires et l’encouragement des actions judiciaires – je tiens à préciser que la commission de discipline de la LFP est sans doute une des plus répressives en Europe – ; une communication grand public sur l’ensemble des questions de discrimination.

Vous m’avez interrogé sur la FFF. En septembre 2020, j’étais le « candidat surprise » face à Michel Denisot, qui était soutenu par la FFF et les grands clubs comme l’Olympique Lyonnais et le Paris-Saint-Germain (PSG). Candidat « antisystème », j’ai été élu à la surprise générale et cela n’a pas été forcément perçu comme une bonne nouvelle par la Fédération. Mes relations avec Noël Le Graët étaient assez distendues – quand j’étais à l’OM, je soutenais Frédéric Thiriez, qui était son opposant direct –, mais nous avons appris à nous connaître et nous avons travaillé en bonne intelligence. Nous avons affronté ensemble une crise majeure. Il nous a beaucoup aidés, a été de bon conseil du fait de son expérience et a joué un rôle actif dans la création de la société commerciale destinée à sauver nos clubs.

À titre personnel, mes relations avec la Fédération se limitent à une réunion mensuelle, le Comex, où sont abordés un certain nombre de sujets transverses qui touchent majoritairement le football amateur. N’étant pas proche de la Fédération, je n’ai pas eu connaissance de faits graves avant la publication d’articles dans la presse, de mémoire en septembre ou octobre 2022. J’accorde une très grande importance à l’image du football français et je pense que notre rôle est de réformer, innover et moderniser. En dépit de ses réussites, je considérais donc, au vu des circonstances, que le président Le Graët ne pouvait pas rester en place et nous avons soutenu la candidature de la personne qui nous semblait la plus indiquée pour assurer la période de transition, c’est-à-dire M. Diallo.

M. Arnaud Rouger, directeur général de la Ligue de football professionnel. S’agissant de la répartition des rôles, les ligues professionnelles gèrent la partie professionnelle, par délégation des fédérations. À ce titre, nous organisons et réglementons la Ligue 1 et la Ligue 2. De manière concrète, nous établissons les calendriers, nous homologuons les contrats de joueurs, nous gérons la discipline et le contrôle de gestion en première instance. Le pouvoir d’appel demeure à la Fédération. Par ailleurs, nous commercialisons les droits de nos compétitions par l’intermédiaire de notre société commerciale. La formation des éducateurs et des jeunes joueurs relève de la direction technique nationale de la fédération, qui s’occupe aussi du sport amateur.

M. Frédéric Besnier, directeur de l’Association nationale des ligues de sport professionnel. Les six ligues professionnelles sont effectivement dotées de statuts juridiques propres et assurent une gestion administrative et financière autonome. De facto, ces ligues ne s’occupent pas du développement des pratiques, mais des compétitions masculines pour les première et deuxième divisions, à l’exception de la ligue de volley-ball, qui gère également la première division féminine. Ensuite, toutes nos ligues professionnelles sont couvertes par le comité d’éthique et de déontologie de la fédération dont elles dépendent.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Pouvez-vous revenir sur notre partenariat avec l’association Colosse aux pieds d’argile ?

M. Arnaud Rouger. La ligue a signé ce partenariat au mois de juin pour effectuer des séances de sensibilisation auprès des clubs. La première a eu lieu à Toulouse récemment. Même si les populations qui relèvent de nous sont moins nombreuses que celles de la Fédération, les violences sexuelles et sexistes méritent que nous nous impliquions davantage et Colosse aux pieds d’argile nous a paru, compte tenu de son maillage et de son expérience, le mieux placé pour intervenir.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pouvez revenir sur la multiplication des comportements déviants au cours des deux dernières saisons ? Un rapport d’AB Conseil de novembre 2022 a avancé que les changements de comportement observés dans la société avaient trouvé « une déclinaison particulière dans les stades de football », se manifestant par « des comportements désinhibés ». Surtout, les manifestations d’agressivité et les frictions ne seraient plus le lot des seules tribunes d’ultras, mais gagneraient désormais toutes les tribunes. Vous nous avez indiqué que votre politique reposait sur une tolérance zéro. Comment faire en sorte, concrètement, que le football ne devienne pas le défouloir de notre société ?

M. Vincent Labrune. La violence, l’homophobie et le racisme sont évidemment présents dans le football, comme ils le sont au sein de la société. Selon moi, le football reflète l’état de la société. Nous ne pouvons pas agir seuls, mais notre devoir est de participer de notre mieux. En revanche, je n’ai pas observé une hausse des comportements déviants en dehors des ultras. La commission de discipline prononce des sanctions très répressives, majoritairement collectives, mais la Ligue n’a pas de pouvoir de police ni de justice : nous avons donc multiplié les fermetures de tribunes. Nous sommes même allés plus loin en envoyant un message fort aux supporters et aux clubs : nous avons décidé d’enlever des points de classement aux équipes dont les supporters avaient des comportements excessifs afin de faire comprendre à ces derniers qu’ils portaient préjudice aux clubs qu’ils soutenaient. Cette mesure, particulièrement impopulaire, est pratiquée par un très faible nombre de ligues. Mais si nous tirons trop sur cette corde, le championnat ne se jouera plus sur le plan sportif mais au sein de la commission de discipline. Il faut en tenir compte même si nous nous voulons intransigeants et comptons ainsi nous démarquer et devenir référents.

En matière de racisme, des progrès peuvent être accomplis, mais nous voulons que la LFP puisse être une référence dans ce domaine, pour permettre à la France de briller sur le plan international, au-delà des stricts résultats sportifs.

M. Arnaud Rouger. Le rapport d’Alain Bauer a bien montré que, après un fort recul du phénomène en 2019-2020 et 2020-2021, la sortie de confinement a correspondu à une recrudescence de violences assez majeures en même temps que le personnel de sécurité, resté l’arme au pied pendant des mois, avait perdu en réactivité, quand il n’avait pas changé d’orientation professionnelle. C’est d’ailleurs ce qui nous a conduits à commander un audit extérieur dont nous nous sommes emparés en mettant en place un groupe de travail pour travailler sur chacune des recommandations, en lien avec l’État et les clubs.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous vous demanderons de nous adresser par écrit vos actions en lien avec ces recommandations.

M. Arnaud Rouger. Les interpellations peuvent donner lieu à interdiction administrative ou judiciaire, mais la sanction est limitée dans la durée.

M. Vincent Labrune. Après le confinement, les personnes concernées avaient purgé leur sanction. Nous avons donc été confrontés à un retour de « cinglés » dans les stades. J’en avais d’ailleurs discuté très rapidement avec le ministre Jean-Michel Blanquer à la fin de l’année 2021, à l’occasion d’un match. De manière subjective, j’avais estimé qu’un millier de personnes devaient être interdites de stade, soit une moyenne de cinquante personnes par club, qui n’ont rien à faire dans nos tribunes. Incidemment, à mon avis, ce sont les mêmes qui cassent tout à la manifestation du 1er mai. S’ils étaient exclus, la situation devrait s’améliorer.

M. Arnaud Rouger. Nous pourrons vous remettre ces données, même si elles relèvent plus du ministère de l’intérieur qui nous les communique. À la fin de l’année 2021, le total des interdictions judiciaires et administratives de stade s’établissait environ à 77, contre 214 aujourd’hui. Cette augmentation peut sembler importante, mais ce chiffre était de 339 juste avant l’épidémie de covid. Le chiffre est encore faible au regard de celui mentionné par Vincent Labrune.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Pouvez-vous nous détailler le fonctionnement des interdictions de stade et les limites du dispositif ? Par exemple, lors du match Marseille-Lyon, il me semble que certains ultras lyonnais étaient seulement interdits de stade à Lyon, mais qu’ils avaient donc pu se déplacer à Marseille.

M. Arnaud Rouger. Le rapport Bauer met en exergue la nécessité de clarifier les relations entre l’État et le club organisateur et de définir une convention – que nous sommes en train de finaliser avec le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice – pour répartir les responsabilités entre le club organisateur et la police, au titre de l’ordre public. La responsabilité relève du club à l’intérieur du stade, et de la police à l’extérieur. En début de saison, nous identifions les matchs à risque, puis l’analyse du niveau de risque est affinée à mesure que le match approche. À l’issue de ce match, un debriefing est opéré.

Avant le match, un dispositif est établi. Dans ce cadre, le ministre de l’intérieur peut décider d’une interdiction pure et simple de déplacement en prenant un arrêté. Une autre possibilité porte sur des mesures d’encadrement des supporters en déplacement. Dans ce cas, la préfecture locale détermine le nombre de supporters en déplacement « admissible » au regard des contraintes d’ordre public. Il s’agit donc de mesures collectives.

Des mesures individuelles peuvent également être prises. Le juge judiciaire peut prononcer une peine complémentaire d’interdiction de stade à la suite d’un phénomène de violence. Le préfet, pour prévenir des risques ultérieurs, peut également prononcer des interdictions dites administratives. En complément, les clubs peuvent prononcer des interdictions commerciales de stade : un supporter qui s’est mal comporté peut être privé d’achat de billets pendant un temps donné.

Par ailleurs, la question de Mme la rapporteure soulève le sujet du périmètre de l’interdiction de stade. Celle-ci doit être assortie d’une obligation de pointage au commissariat durant le temps des matchs de l’équipe dont la personne est « supporter ». Par exemple, un supporter de Lyon sera interdit de stade pendant les matchs de l’Olympique Lyonnais.

Une des préconisations du rapport Bauer, sur laquelle travaille le ministère des sports, consiste à lier l’interdiction aux dispositifs de billetterie nominative. Il s’agit de faire en sorte que la personne interdite de stade ne puisse effectivement pas entrer dans l’enceinte. Dans le cadre de la loi sur les Jeux olympiques, des évolutions pourraient voir le jour pour sécuriser encore mieux l’application de ces interdictions de stade.

M. Vincent Labrune. Il me semble essentiel de creuser ce sujet et de durcir les critères relatifs aux interdictions de stade. Je constate que ce sont toujours les mêmes individus qui cassent, commettent des violences ou entraînent les autres à le faire quand l’excitation leur fait perdre toute mesure. Tout le monde doit agir pour identifier ces individus et les bannir à vie.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. La loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme a prévu la désignation de référents supporters par les clubs. Quel bilan dressez-vous de ce dispositif ? Est-il bien appliqué dans le monde du foot ? Dans le vade-mecum sur les référents supporters football édité par l’Instance nationale du supportérisme (INS) et la LFP en novembre 2022, la ministre des sports estime que les référents supporters « sont pleinement intégrés dans le paysage sportif et ont su assurer l’ensemble des missions qui leur sont assignées ». Partagez-vous ce constat ? Plus largement, pouvez-vous nous présenter le dispositif permettant d’assurer la prévention des incidents au cours de chaque match ?

M. Arnaud Rouger. En lien avec l’Instance nationale du supportérisme, nous avons effectivement contribué à la mise en place des référents supporters dans chacun des clubs : chaque club doit désigner une personne en charge de faire le lien entre le club – notamment les équipes de sécurité – et les groupes de supporters. L’objectif consiste à mieux préparer les matchs et à essayer d’anticiper les besoins des supporters d’un côté, les besoins de sécurité de l’autre. Les référents supporters sont donc les interlocuteurs privilégiés des directeurs de sécurité des clubs, mais aussi des directeurs départementaux de la sécurité publique. Au sein de la LFP, depuis l’année dernière, deux salariés à temps plein gèrent ces questions. Nous sommes effectivement impliqués, dans la mesure où nous pensons que ce dispositif est efficace puisqu’il privilégie le dialogue et l’échange d’informations.

Ce dispositif est utile si les demandes ou besoins des supporters et les demandes ou besoins des forces de l’ordre circulent dans les deux sens. Nous participons également avec le ministère de l’intérieur à des tests concernant un référent police dans plusieurs clubs, pour faire le lien avec les autorités publiques locales. Le dispositif des référents supporters ne peut naturellement pas régler tous les problèmes de sécurité dans les stades, mais il peut aider à pacifier les relations en amont et mieux préparer les matchs, pour prévenir des incidents.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Comment gérez-vous la formation des référents supporters ?

M. Arnaud Rouger. Au moins une fois par an, nous organisons un séminaire dédié pour les référents supporters, mais aussi un séminaire pour les directeurs sûreté-sécurité des clubs. À ces occasions, nous échangeons sur les bonnes pratiques, nous prévoyons des interventions extérieures et nous essayons de les faire monter en compétences, afin qu’ils disposent des ressources nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Quel rôle joue le référent supporters dans la prévention et la répression des comportements racistes ou homophobes pendant une compétition sportive ? En particulier, peut-il identifier les personnes qui se rendent coupables de tels agissements afin de transmettre leur identité au procureur de la République ?

M. Arnaud Rouger. Il peut y contribuer, mais il n’est pas chargé d’une mission de sécurité. Le référent supporters ne se substitue pas aux dispositifs privés ou publics de sécurité mis en place par le club et les autorités. Il peut cependant aider à l’identification des fauteurs de troubles, par exemple après match.

M. Vincent Labrune. C’est la raison pour laquelle ce sujet doit être creusé. Au-delà, je dois vous indiquer que je suis particulièrement horripilé par les chants homophobes. Ces chants sont beaucoup trop nombreux et le PSG-OM de cette saison a constitué un paroxysme. Cela faisait très longtemps que je n’avais pas été aussi mal à l’aise dans un stade. Nous avons été confrontés à un problème à cette occasion : nous voulions établir des sanctions individuelles, mais plusieurs milliers de spectateurs étaient présents, et nous ne savions pas comment faire.

J’en ai discuté dans les jours suivants avec la ministre des sports. Je me demande si, au-delà du référent supporter, il ne faudrait pas responsabiliser davantage les leaders des groupes de supporters dans les virages, qui sont ceux qui lancent les chants. Quoi qu’il en soit, il nous faut aller plus loin. Les référents supporters sont utiles pour instaurer une relation de confiance, mais ils sont aussi confrontés à des limites. Nous réfléchissons sur le sujet en ce moment, à défaut d’être efficaces.

M. Arnaud Rouger. La loi que vous avez citée comportait également le pendant du référent supporters pour les associations de supporters. L’objectif consistait à labelliser les associations de supporters afin qu’elles deviennent des interlocuteurs crédibles. À l’heure actuelle, nous discutons avec l’Association nationale des supporters, qui représente certains groupes de supporters mais pas leur intégralité. La question de l’organisation et de la représentation des groupes de supporters se pose aujourd’hui, dans la mesure où ils ne sont pas tous constitués en association. Il est difficile de les identifier et de cibler ceux qui sont à l’initiative de pareils chants.

M. Stéphane Buchou (RE). S’agissant des chants homophobes, vous venez de nous expliquer la réflexion en cours. Le football est effectivement un reflet de la société. Jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour éradiquer ces chants homophobes ? Je fréquente les stades depuis très longtemps et je les ai toujours entendus, malheureusement. Quand j’étais plus jeune, un chant que je ne citerai pas ici accompagnait le dégagement qu’un gardien de but effectuait. Même si je vais moins au stade et si je doute des arguments avancés par un célèbre joueur, il me semble que ce n’est plus le cas.

M. Vincent Labrune. Le chant que vous venez d’évoquer est la première insulte que j’ai entendue dans un stade, à Orléans, lorsque j’avais sept ou huit ans.

Pour répondre à votre question, nous sommes prêts à aller le plus loin possible. Je ne peux pas dire que cela m’est insupportable ; cela va bien plus loin : ces chants homophobes rendent fou. Dans un premier temps – et le protocole européen est bien rédigé –, il faut interrompre la rencontre, de manière préventive. Je n’ai pas compris pourquoi l’arbitre ne l’avait pas fait lors du match PSG-OM, alors que les chants avaient duré une dizaine de minutes. Finalement, je pense qu’il était concentré sur son match et ceux qui ont failli étaient sans doute plutôt les délégués.

Je suis pour l’interruption systématique mais pas définitive, pour une raison très simple, qui s’appelle le principe de réalité. À chaque match ou presque, des chants homophobes sont entonnés. Si après une première interruption temporaire, les chants reprennent, une nouvelle interruption doit intervenir. S’ils reprennent à nouveau, il faut l’arrêter et sanctionner.

M. Arnaud Rouger. En matière de discriminations, qu’elles soient homophobes ou racistes, notre action se fonde sur trois piliers. Le premier pilier porte sur la sensibilisation en amont, auprès des clubs. Nous sommes pionniers en la matière, mais cette action demeure difficile. Nous avons mené quarante-huit ateliers dans vingt clubs différents, ce qui nécessite un gros investissement de notre part, mais également de la part des associations partenaires comme SOS Homophobie, PanamBoyz & Girlz united, Foot ensemble, Ovale citoyen. Ces ateliers sont longs à organiser, il s’agit d’un travail de longue haleine, qui doit être permanent.

Nous devons arriver à développer ces dispositifs de sensibilisation à plus grande échelle, en formant des personnes chargées d’expliquer aux gens en quoi aujourd’hui l’homophobie constitue un délit grave, une discrimination inacceptable comme le racisme. La Ligue peut se porter partie civile ou saisir le procureur en cas d’actes avérés de racisme et d’homophobie. Dans la droite ligne des instructions que nous donne le président Labrune, nous mettons en place ces campagnes de sensibilisation et nous menons une action disciplinaire, qui peut être critiquable mais qui sanctionne les propos et chants homophobes et racistes.

Enfin, une troisième voie concerne les campagnes de communication auprès du grand public. Étant la première discipline sportive professionnelle en France, nous avons un devoir de citoyenneté et d’exemplarité. Nous avons été beaucoup critiqués – à tort selon nous – sur les opérations « numéros arc-en-ciel » l’année dernière, car cinq joueurs n’ont pas porté le maillot. À la LFP, nous retenons plutôt que sur les 756 joueurs qui étaient inscrits sur les feuilles de match de cette dernière journée, 751 l’ont porté.

En lien avec les associations, nous nous interrogeons sur la manière la plus adaptée d’agir en faveur de la lutte contre les discriminations. Les associations elles-mêmes nous disent que si la défense de la cause est noble, il ne faut pas non plus engendrer un « buzz négatif » qui pénaliserait le message que nous voulons porter. Aujourd’hui, certains estiment que ce message manque de clarté et que la frontière est ténue entre la lutte contre l’homophobie et la promotion de l’homosexualité.

Nous voulons continuer à lutter contre l’homophobie et nous réfléchissons à un dispositif qui pourrait être plus clair en matière de communication. Lors de la vingt-cinquième journée de championnat, nous mettrons en œuvre une campagne dédiée sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, en partenariat avec la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), avec laquelle nous travaillons depuis 2005 ou 2006. Lors de la dernière journée de championnat, nous mènerons à nouveau une campagne de lutte contre l’homophobie. Sans vouloir fanfaronner, nous sommes la seule ligue à mener de telles campagnes, en France et dans le monde.

M. Stéphane Buchou (RE). Monsieur Labrune, vous avez indiqué n’être pas favorable à l’arrêt définitif des matchs. Je me mets à la place d’un supporter qui considère « naturel » de chanter des chants homophobes dans un stade. En écoutant vos propos, il peut se dire qu’il continuera à le faire, puisque le match reprendra de toute manière.

M. Vincent Labrune. Non, j’ai bien précisé que les interruptions temporaires doivent devenir définitives au bout de la deuxième ou troisième interruption, si les chants ne cessent pas.

M. Stéphane Buchou (RE). J’avais mal compris ; cette précision est utile.

M. Arnaud Rouger. Il est nécessaire de mener cette discussion avec les supporters eux-mêmes. Ainsi, nous conduisons des campagnes de sensibilisation auprès des joueurs, des dirigeants de clubs, mais aussi auprès des supporters. Certains d’entre eux se drapent dans les principes républicains ou révolutionnaires mais ils sont ringards, ils ne comprennent pas le monde dans lequel ils évoluent. L’objectif consiste à bien faire comprendre que les propos et chants homophobes sont purement et simplement orduriers.

M. Stéphane Buchou (RE). Les Anglais ont réussi à mettre fin au hooliganisme avec une méthodologie spécifique. Cette méthodologie peut-elle être applicable aux comportements homophobes ?

Nous avons auditionné M. Lilian Thuram, qui nous a fait part de sa manière d’appréhender les questions de racisme. Lors de ces riches échanges, il m’a fait prendre conscience que celles et ceux qui se rendent coupables de ces chants homophobes ou de ces chants racistes ne savent peut-être même pas ce que sont le racisme et l’homophobie. Selon lui, un véritable travail d’acculturation doit être mené. La LFP a-t-elle pris l’attache de la Fondation Lilian Thuram sur ces questions pédagogiques ?

Enfin, que pensez-vous de plus impliquer les joueurs ? Lorsque nous avons auditionné l’association Rouge Direct, son représentant a plaidé en faveur d’une plus grande implication des joueurs, qui pourraient aller jusqu’à arrêter de jouer s’ils entendaient de tels chants. Pour sa part, Lilian Thuram me disait que les joueurs ne le feraient pas, parce qu’ils n’ont pas forcément conscience de ce que sont l’homophobie ou le racisme.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Il est souvent indiqué que la responsabilité d’interrompre le match revient à l’arbitre. Que faire s’il n’agit pas de la sorte ? Existe-t-il des consignes ? Pourquoi le protocole d’interruption de match n’est-il jamais appliqué ?

M. Vincent Labrune. Nous allons évidemment faire le maximum. Cependant, nous ne pouvons pas nous substituer à l’éducation, qui commence à l’école et dans les foyers.

M. Arnaud Rouger. Le modèle anglais repose sur un dispositif de sanction individuelle, qui consiste à identifier les fauteurs de troubles grâce aux policiers présents dans les tribunes et à les interdire de stade pour des durées extrêmement longues. Il n’y a pas que le prix des places, dont on a beaucoup parlé. Le dispositif français est différent, mais nous travaillons avec le ministère de la justice pour que les faits de violence dans les stades soient traités avec une plus grande sévérité qu’ils ne le sont aujourd’hui, en faisant en sorte que les interpellations connaissent des suites judiciaires.

Je pense à deux exemples emblématiques lors des matchs Nice-Marseille et Nice-Lens, où des saluts nazis avaient été signalés et relayés par notre plateforme de signalement. Dans le premier cas, le coupable a été puni d’une peine d’un an de prison avec sursis, d’après mes souvenirs, et dans le deuxième cas, la peine a consisté en une amende de 500 euros. Notre constitution de partie civile n’a pas été jugée recevable et nous avons écrit au procureur pour signifier que nous trouvions singulière une telle différence de traitement. Il nous a répondu, comme il doit le faire, en nous demandant pour qui nous nous prenions pour entreprendre une démarche de ce type auprès de lui. Nous devons donc accomplir des progrès collectifs pour que le principe des « trois I » (identification, interpellation, interdiction) s’applique individuellement.

Lilian Thuram a raison de parler de formation et de sensibilisation. Lors de nos journées de sensibilisation, nous impliquons l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), qui siège au conseil d’administration de la Ligue, pour porter un discours auprès des joueurs, par l’intermédiaire des délégués régionaux et des référents UNFP. Nous plaçons toutes les discriminations sur le même plan, afin que nos interlocuteurs comprennent la gravité de la discrimination en tant que telle. Il s’agit là d’un projet de long terme. Le ministère des sports s’interroge sur la possibilité de labelliser des associations qui seraient en mesure de mener ces campagnes de sensibilisation, à tous les niveaux, et pour tous les sports.

Quant au protocole de la Fifa, il est effectivement clair : si les chants sont continus, l’arbitre peut interrompre le match. Généralement, la prise de conscience est assez rapide, à la première ou la deuxième interruption. Le plus souvent, et heureusement, les chants ne durent pas et le temps que l’arbitre réagisse, ils ont cessé. À cet égard, le match PSG-Marseille est une exception. En revanche, il ne faut pas trop compter sur les joueurs même si plusieurs d’entre eux sont allés interpeller directement les auteurs des insultes racistes.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Lors de son audition, M. Pierre Barthélemy, membre du bureau de l’Association nationale des supporters (ANS), a critiqué le fonctionnement des commissions de discipline de la LFP et de la FFF. Selon lui, « les commissions de discipline prennent désormais la décision d’épargner les clubs et de sanctionner les supporters en fermant toute la tribune. Cela signifie qu’en cas de mauvais comportement de quelques personnes, par exemple en cas de chant raciste, tous les supporters sont sanctionnés. Ces sanctions collectives constituent un détournement grave de la mission disciplinaire des commissions, et reposent sur des présomptions paternalistes selon lesquelles les supporters sont inaptes à vivre en collectivité, et qu’ils sont stupides et dépourvus d’intelligence collective et de culture. »

Que vous inspirent ces propos qui font écho au constat formulé en novembre 2022 par la société AB Conseil, laquelle préconise plutôt une meilleure individualisation des sanctions ?

M. Arnaud Rouger. Nous connaissons bien et apprécions Pierre Barthélemy, que nous rencontrons lors de nombreuses réunions. Une sanction collective n’est pas une fin en soi et elle ne suffit pas à régler l’ensemble des problèmes. Cependant, la solution ne consiste pas non plus à supprimer la sanction collective, qui est la seule à la disposition de la commission de discipline. Cette commission n’a pas de pouvoir de police, elle ne peut pas sanctionner un individu de manière isolée, sauf s’il est licencié.

Nous sont adressés, à l’opposé de la position de M. Barthélemy, des appels aux sanctions extrêmement fermes formulés par notre environnement social, économique, médiatique et politique, quand des incidents surviennent dans les stades. De notre côté, oui, nous assumons de fermer des tribunes, d’imposer des matchs à huis clos, voire de retirer – rarement – des points. Encore une fois, nous ne cherchons pas à nous défausser, mais les sanctions individuelles relèvent de la justice. Si vous le souhaitez, vous pourrez transmettre l’interrogation de M. Barthélemy au ministre de la justice, que vous auditionnerez bientôt, il me semble.

M. Vincent Labrune. S’agissant de l’« éducation » des supporters, nous menons un travail de longue haleine, qui est passionnant. Malheureusement, nous ne pourrons pas arrêter la bêtise humaine dans le monde ou en France. Les sanctions collectives peuvent sembler injustes, mais elles sont nécessaires, au même titre que les sanctions individuelles. Cependant, ces dernières ne sont pas de notre ressort.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Quelle est votre évaluation de ces sanctions individuelles ? Le système présente-t-il des failles ? Quelles propositions pourriez-vous nous formuler ?

M. Arnaud Rouger. Comme nous l’avons indiqué, il existe trois natures d’interdiction : les interdictions administratives, judiciaires et commerciales. Les interdictions commerciales ne sont pas véritablement dissuasives, car elles peuvent être contournées. Seules les sanctions pénales le sont réellement lorsqu’il s’agit de violences particulièrement graves. Lors des matchs Nice-Marseille et Nice-Lens qui avaient été émaillés de saluts nazis, nous étions initialement satisfaits de la procédure, qui avait pu être enclenchée par un signalement de la Licra sur la plateforme qui avait permis l’identification des auteurs. Finalement, finalement, la sanction a été dans un cas une peine d’un an de prison avec sursis et dans l’autre, une amende de 500 euros, qui ne me semble pas véritablement dissuasive.

La commission de discipline prononce des sanctions, mais comme tout organe disciplinaire, elle prend également en considération les actions menées par les clubs contre les fauteurs de troubles dans leurs tribunes, c’est-à-dire les plaintes nominatives qu’ils peuvent effectuer, après un travail d’identification. À titre d’illustration, en Ligue 1, lors de la saison dernière, les clubs ont déposé 153 plaintes nominatives – mais nous en ignorons l’issue – et prononcé 130 interdictions commerciales de stade. Les clubs effectuent donc leur travail.

L’année dernière, une modification législative a prévu des amendes forfaitaires délictuelles, notamment pour l’introduction d’engins pyrotechniques ou des faits de violence. Ces amendes, prononcées immédiatement, peuvent être dissuasives. En tout état de cause, elles sont préférables à un classement sans suite par le juge deux ans plus tard. Nous avons conscience que tout ne peut terminer chez le juge. Mais il faudra attendre quelque temps pour pouvoir en mesurer l’efficacité réelle de cette disposition.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. La loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques a prévu que tout spectateur d’une manifestation sportive devra désormais présenter un titre d’accès. Un décret en Conseil d’État doit fixer les seuils de spectateurs au-delà desquels les organisateurs prévoient des titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables. Participez-vous à des échanges sur la fixation de ces seuils ? Comment devraient-ils être établis ? La large mise en œuvre d’une billetterie nominative pourrait-elle permettre de rééquilibrer les sanctions collectives et les sanctions individuelles, grâce à une meilleure identification en amont des personnes responsables de violences ?

M. Arnaud Rouger. Nous participons à ces travaux. À la LFP, nous considérons en effet que la billetterie représente le premier outil de sécurisation d’un match. Lorsque le dispositif a été porté dans la loi à laquelle vous avez fait référence, le ministère des sports a mis en place un groupe de travail pour participer à la rédaction de ce décret et à la définition des seuils. Les travaux sont en cours.

M. Frédéric Besnier. Un groupe de travail a effectivement été mis en place. La loi offre une possibilité et un décret sortira pour définir les types de manifestations sportives qui seront concernées. Dans l’esprit de la loi et du législateur, l’ensemble des matchs de championnat domestique n’était pas visé dans la mesure où, a priori, ils ne sont pas victimes de problèmes de fraude sur lesquels la loi se concentre. En l’espèce, sont surtout concernés les grands matchs à portée internationale. Le décret devra effectivement établir des seuils qui concerneront ces seules compétitions et non l’ensemble des matchs.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. La billetterie, en particulier la billetterie nominative, permettrait-elle d’améliorer le dispositif d’interdiction commerciale de stade ? Le rapport d’AB Conseil juge que ce dispositif n’est ni uniforme ni toujours efficace, particulièrement en raison des difficultés d’identification des spectateurs à l’entrée du stade. Comment la LFP envisage-t-elle d’aider les clubs afin d’améliorer l’identification à l’entrée des stades ?

M. Arnaud Rouger. Le terme de « billetterie nominative » recouvre des réalités complexes, d’un point de vue opérationnel. Lorsque vous commandez un billet sur internet, vos nom et prénom vous sont demandés, mais en pratique, personne ne contrôle votre identité lorsque vous vous rendez au spectacle en question.

Une véritable billetterie nominative sécurisée nécessiterait de mettre sur place un dispositif opérationnel impliquant un rapprochement avec un document d’identité à l’entrée de l’enceinte. D’un point de vue opérationnel, ce dispositif est extrêmement lourd et juridiquement assez compliqué à appliquer : selon qu’il sera effectué par un agent de la force publique ou un agent de sécurité privé, la nature et la fiabilité des documents à présenter ne seront pas les mêmes. En résumé, la billetterie sécurisée et nominative représente un véritable axe de progrès, mais qui passera par une vérification de l’identité du porteur de billet à l’entrée du stade. Comme M. Frédéric Besnier l’indiquait précédemment, ce sujet fait l’objet de travaux menés actuellement pour savoir à partir de quel moment, dans quelle tribune, dans quel stade et pour quel match des dispositifs de la sorte doivent être mis en œuvre.

M. Vincent Labrune. Bien évidemment, ce genre de dispositif améliorerait la situation. C’est l’objectif qu’il faut viser.

M. Stéphane Buchou (RE). À vous entendre, il existe une véritable volonté d’amélioration, qui se matérialise par les actions que vous menez. Au-delà, les clubs vont-ils au bout de cette démarche ? Je me pose souvent cette question. En effet, je suis toujours effaré lorsque je vois certains supporters sortir des fumigènes dans les tribunes. Comment est-ce encore possible en 2023, compte tenu des contrôles existants ? Certains stadiers sont-ils complices ? Lorsque ces événements se produisent, les clubs réagissent-ils vraiment ? Une enquête menant à des identifications est-elle réellement réalisée ? Il me semble nécessaire de trouver une coordination entre les clubs, la LFP et le ministère à ce sujet.

Cette interrogation vaut tout autant pour les fumigènes que pour les propos racistes ou homophobes qui sont lancés par les « capos ». Comment se fait-il que ces gens, assez facilement identifiables, ne soient que très rarement sanctionnés et qu’ils continuent à fréquenter les stades ? Si nous voulons que les familles qui, elles, les ont désertés reviennent pour voir tranquillement un match, la fermeté est nécessaire pour résoudre ces problèmes.

Par ailleurs, monsieur Rouger, vous nous avez indiqué à juste titre que les sanctions commerciales ne sont pas très efficaces. Dès lors, sont-elles réellement pertinentes ?

M. Vincent Labrune. Philosophiquement, il faut séparer les deux sujets : d’une part la lutte contre les discriminations, qui est prioritaire ; d’autre part, la question des fumigènes, qui est moins grave, tout en demeurant importante.

Soyez certains que nous essayons d’impulser un changement de mentalité et que les clubs partagent notre démarche. Nous avons le sentiment que les clubs sont parfaitement conscients de la nécessité de la lutte contre toute forme de discrimination, qu’il s’agisse d’homophobie ou de racisme. À titre d’exemple, le club de Montpellier-Hérault, au-delà de l’opération de la LFP, a édité un maillot spécial de couleur rose. Je suis peut-être naïf, mais j’ai le sentiment que les actions vont dans le bon sens.

S’agissant des fumigènes, je connais assez bien la question, pour avoir été président de l’OM pendant six ans. Effectivement, il existe des complicités internes, notamment parmi les stadiers recrutés auprès de sociétés extérieures. Les clubs les sanctionnent rarement. En revanche, la Ligue sanctionne les craquages de fumigène. De son côté, la commission de discipline prend en compte la collaboration des clubs. Ainsi, lors de l’examen des dossiers par la commission, si le club transmet des informations, notamment le nom de certains coupables, la sanction qui lui est appliquée est moindre.

M. Stéphane Buchou (RE). Vous confirmez l’existence de complicités. Lorsque vous étiez président de l’OM, vous est-il arrivé de mettre fin à un contrat avec une société de sécurité privée dont certains employés étaient complices de l’introduction de fumigènes dans le stade Vélodrome ?

M. Vincent Labrune. J’ai le souvenir d’avoir essayé de reprendre la commercialisation des abonnements par les groupes de supporters, afin d’établir une convention permettant au club de mettre en place des abonnements nominatifs. Cela m’a coûté cher. En revanche, à titre personnel, je n’ai pas le souvenir d’avoir remplacé une société de sécurité par une autre, ce qui ne signifie pas que mes équipes et mon directeur général de l’époque ne l’aient pas fait.

M. Arnaud Rouger. L’implication des clubs est totale, même si les résultats varient selon les clubs. La structuration des clubs dans ce domaine est indéniablement plus efficace aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques années. Il en est de même pour la professionnalisation des personnels de sécurité privée.

La politique que nous menons fonctionne, comme en témoigne la forte hausse de l’affluence dans les stades. Si le nombre moyen de spectateurs est de 28 000 personnes en Ligue 1 cette saison, cela signifie que les gens se sentent bien, en sécurité, dans les stades. Comme le président Labrune vous l’a indiqué, la commission de discipline prend en considération les actions menées par les clubs en matière d’identification et de dépôt de plainte nominative.

Les fumigènes, extrêmement dangereux, sont encore trop nombreux dans les stades, alors même que l’État et la Ligue ont fait preuve de compréhension vis-à-vis des supporters en permettant des craquages de fumigène encadrés, de façon sécurisée. Nous avons fait un pas en direction des supporters, mais ils n’en ont pas fait autant pour le moment.

Enfin, les interdictions commerciales de stade se matérialisent souvent par la suspension d’abonnements, laquelle constitue malgré tout une punition financière non négligeable.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Le 31 août 2023, des représentants d’associations luttant contre l’homophobie dans le football ont proposé à la ministre des sports de reprendre le plan de pacification du Parc des Princes de Robin Leproux mis en œuvre en 2010 mais qui a été ensuite abandonné. Il s’agirait d’associer la division nationale de lutte contre le hooliganisme, les responsables de la sécurité des clubs et des associations dans un dispositif tripartite. Des observateurs seraient placés dans les tribunes et recenseraient les faits d’homophobie et de racisme, en plus de la captation vidéo. Après les matchs, les faits seraient transmis à la commission de discipline de la LFP, au procureur de la République et au préfet compétent. Que pensez-vous de cette proposition ? La ministre a annoncé en audition la semaine dernière que son cabinet avait contacté le FC Metz et l’AS Saint-Étienne pour tester ce dispositif. En avez-vous eu connaissance ?

M. Vincent Labrune. J’ai discuté avec la directrice générale du FC Metz jeudi dernier, lors du Comex de la FFF. Elle m’a effectivement fait état d’un appel du ministère des sports, afin d’intégrer un observateur lors des matchs à Metz. À cette occasion, elle a formulé à juste titre la remarque suivante : « On va se tirer une balle dans le pied. » En effet, c’est le club qui sera sanctionné. Il faut agir, mais de quelle manière le faire ?

M. Arnaud Rouger. Comme souvent, il existe un écart entre l’idée proposée, sa mise en œuvre et les contraintes juridiques associées. Ainsi les questions sont multiples. Quels agents s’occuperont de cette observation dans les tribunes ? Quel sera le maillage retenu dans les stades, surtout quand ils sont vastes ? Il faudrait pouvoir disposer d’un très grand nombre d’observateurs assermentés afin que les observations effectuées puissent être considérées comme crédibles, notamment par le procureur. Toutes les idées sont bonnes à prendre, mais il convient également de les expertiser. Pourquoi ne pas tester celle-ci dans un certain nombre de stades ? Mais je pense que sa mise en place ne sera pas aussi évidente que l’association le pense.

M. Stéphane Mazars (RE). Que pensez-vous de l’idée de conditionner la répartition des droits audiovisuels entre les clubs en fonction des actions entreprises en matière de lutte contre les différents types de discrimination ? Je sais que vous agissez déjà en ce sens, mais certains estiment que vous avez baissé pavillon dans ce domaine. Quel est votre sentiment sur ce que vous avez fait, sur ce que vous faites et sur ce que vous pourriez faire à ce titre ? Nous cherchons tous des leviers, notamment pour responsabiliser les clubs. S’agit-il pour vous d’un bon levier ? Est-il suffisamment bien activé ?

M. Arnaud Rouger. À la Ligue, nous disposons du dispositif multicritère « Licence Club », qui attribue des points aux clubs en fonction d’un certain nombre de critères, dont le centre de formation, la qualité de la pelouse ou l’engagement sur les questions énergétiques. Cette « Licence Club » a été modifiée l’année dernière, afin d’intégrer 1 000 points relatifs aux questions de RSE sur l’ensemble des 10 000 points disponibles, soit 10 % du total. Ils portent notamment sur les engagements en matière de sobriété énergétique ou de lutte contre les discriminations. L’organisation de séminaires de sensibilisation aux discriminations confère des points, par exemple. La « Licence Club » représente aujourd’hui 20 % des droits audiovisuels. La plupart des clubs organisent de tels séminaires.

M. Vincent Labrune. Je précise que ce critère est une nouveauté. Dans la durée, il peut être envisageable d’augmenter son pourcentage dans la part totale.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je souhaite vous interroger sur le modèle économique du football français. J’ai cru comprendre que les quarante clubs professionnels avaient perdu environ 600 millions d’euros ces dernières années. Comment ce modèle peut-il fonctionner en enregistrant de telles pertes ? Comment faire pour y remédier ?

Ensuite, la question du soutien au sport amateur a fréquemment été abordée lors de nos auditions. Le sport professionnel soutient-il suffisamment le sport amateur ?

M. Frédéric Besnier. Le soutien du sport professionnel est effectivement nécessaire. S’agissant du football, il s’effectue aujourd’hui à trois niveaux, pour un total de 223 millions d’euros par an. Le premier levier concerne une redistribution de revenus des ligues qui le peuvent – celles qui génèrent des revenus – vers les fédérations, pour un montant de 44 millions d’euros, la LFP étant le plus grand contributeur. Le deuxième levier est celui de la « taxe Buffet » sur les droits audiovisuels, qui s’établit à 52 millions d’euros, dont 44 millions d’euros provenant du sport professionnel, auxquels le seul football contribue à 70 %. Le troisième levier, moins connu, se situe au niveau de chaque club : 135 millions d’euros sont reversés par les sociétés sportives aux associations supports.

M. Vincent Labrune. Le football a traversé une crise financière et économique sans précédent que nous payons encore aujourd’hui. Entre les mois de juin 2021 et de juin 2022, les actionnaires ont dû renflouer les clubs à hauteur de 1,289 milliard d’euros, mais, après cette opération, leur dette financière demeurait malgré tout de 1,065 milliard d’euros.

Nous étions donc dans une situation dramatique, d’autant que nous sommes le pilier du football amateur et d’une partie du mouvement olympique, ce qui nous a conduits à créer cette société commerciale et à faire appel à un investisseur privé pour disposer de 1,5 milliard d’euros dans nos caisses et permettre à nos clubs de survivre. L’objectif consiste à éviter la faillite de nos locomotives, de leur donner de la force et leur permettre d’être de plus en plus compétitives à l’international, pour augmenter nos revenus internationaux, être plus performants, attirer un plus grand nombre de talents et améliorer en retour nos revenus domestiques. Il s’agit de faire en sorte que le ruissellement soit optimal, en direction de la FFF et des autres disciplines. Oui, nous sommes parfaitement conscients du rôle majeur que nous jouons pour le sport français au sens large.

Cela mérite d’être vérifié, mais d’après les chiffres dont je dispose qui comprennent l’international, le football génère 80 % des recettes, voire davantage, de l’ensemble du sport français. C’est pourquoi nous nous devons d’éviter la faillite de notre système, qui demeure fragile. Il ne faut pas craindre d’affronter la réalité : l’an passé, nous avons perdu 600 millions d’euros et je pense que le résultat sera pire cette saison. C’est la raison pour laquelle nous avons mené une réforme importante. Nous continuons à travailler et nous sommes actuellement en pleine négociation des droits audiovisuels.

Nous serons encore conduits à faire appel aux actionnaires ou au produit des ventes de joueurs pour équilibrer les comptes l’été prochain, mais nous avons la volonté d’entrer dans un cercle vertueux qui passe par l’amélioration de nos performances sportives. Plus nos clubs seront compétitifs sur la scène européenne, plus nous pourrons capter des recettes, recruter des talents, conserver nos meilleurs joueurs, améliorer le spectacle, attirer des investisseurs et répartir les revenus générés, notamment en direction de la collectivité. Dans un monde idéal, le montant des droits audiovisuels devrait augmenter de manière constante, ce qui n’est pas le cas actuellement. La clé, ce sont les performances.

M. Stéphane Mazars (RE). En tant qu’amateurs de football, nous ne pouvons qu’être inquiets, compte tenu de la diminution des audiences ou du départ de joueurs dans des championnats sans véritable culture du football. Ces éléments vous font-ils réfléchir ? Ne pensez-vous pas qu’il sera de plus en plus difficile d’être concurrentiels ? Y a-t-il d’autres voies possibles ? Le football ne subit-il pas une désaffection plus large, avec les matchs interrompus, retardés, qui dissuadent par exemple les parents d’amener leurs enfants dans les stades ?

M. Vincent Labrune. Il ne faut pas se leurrer. Derrière les quatre premiers championnats nationaux, les « Big 4 », la France est en « deuxième division » européenne – il n’y a pas de « Big 5 ». Je rappelle que nous n’avons pas gagné une coupe d’Europe depuis 1993. Si nous n’agissons pas et si nous conservons une approche franco-française, nous mourrons de notre belle mort et nous ne pourrons plus financer le système.

C’est la raison pour laquelle nous avons pris le parti de relancer un projet ambitieux, qui consiste à placer a minima le football français sur le podium européen d’ici à 2027 ou 2028. Nous pensons que nous pourrons y parvenir. Historiquement, la France a toujours été un pays exportateur de talents. Les plus grands talents partent aujourd’hui vers le Moyen-Orient, demain peut-être aux États-Unis, mais nous disposons d’un vivier de jeunes joueurs grâce à la qualité de notre formation, qui nous offre un potentiel inépuisable, de notre point de vue.

Nous espérons que demain, grâce à l’amélioration de notre compétitivité et de nos revenus, nous aurons les moyens de convaincre nos jeunes talents de rester plus longtemps avec nous et d’en faire revenir d’autres – c’est arrivé. Cela dit, si l’on veut rester cinquième ou sixième, vous avez raison, il faut passer à autre chose.

La réussite, repasser parmi les trois premiers, demandera également une collaboration accrue avec l’État. Cette collaboration sera notamment fiscale : en matière de charges sociales sur les salaires, nous ne pouvons pas lutter dans la compétition globale.

Le marché des droits audiovisuels est très compliqué car il reflète la crise économique et financière planétaire : les consommateurs lambda n’ont plus les moyens de s’offrir des abonnements. Mais, là n’est pas le problème puisque tout le monde est touché.

Cela dit, les clubs sont déterminés, les fondations d’une vraie ambition et d’un vrai projet sont établies. Nous croyons au projet et à la force de notre pays, dans toute sa diversité, mais aussi aux valeurs, pour arriver à un football plus festif et plus familial.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Au-delà des droits audiovisuels, des économies sont-elles envisagées ? Des articles ont par exemple fait état de l’achat d’un siège pour une somme de 127 millions d’euros il y a quelques mois. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Vincent Labrune. Nous nous inscrivons plutôt dans une phase de développement de nos ressources. Nous disposons d’un partenaire, CVC Capital, nous nous sommes professionnalisés et nous avons embauché des talents. Nous avons abouti à un accord sur les droits internationaux. Les montants étaient de 11 millions d’euros pour trois ans et nous avons obtenu qu’ils soient portés à 33 millions d’euros sur cinq ans. Nous investissons dans le personnel pour développer nos recettes de manière exponentielle.

M. Arnaud Rouger. À l’heure actuelle, nous sommes propriétaires de notre siège, mais nous sommes obligés de louer trois appartements à proximité. Le personnel est à ce jour éparpillé entre plusieurs adresses. Nous voulons rationaliser ce système. Le conseil d’administration a choisi d’acheter plutôt que de louer afin de ne pas investir à fonds perdu dans un loyer. Les présidents de club, chefs d’entreprise, ont considéré qu’il valait mieux investir dans un siège boulevard de Courcelles, un emplacement à très faible risque par rapport aux autres éventualités. Le placement est onéreux, mais il est raisonné et permet de constituer des actifs pour la Ligue.

M. Stéphane Buchou (RE). De nombreuses interrogations se posent sur les droits audiovisuels et leur répartition. Pouvez-vous nous donner de plus amples informations sur la ventilation des sommes entre grands et petits clubs, mais également sur les négociations en cours ? Il y a quelques années, l’accord de 1 milliard d’euros avec Mediapro avait été vanté, mais nous avons tous vu ce qu’il est advenu. Avez-vous tiré les conséquences de cet échec ? Quels garde-fous avez-vous mis en place ?

M. Vincent Labrune. Les garanties juridiques et financières demandées ont été renforcées. Ensuite, comme vous avez pu le voir, l’appel d’offres du 17 octobre dernier s’est révélé infructueux, malgré une marque d’intérêt très forte de quatre ou cinq acteurs. Toute la difficulté réside à convaincre les diffuseurs à investir sur notre produit, dans un marché très compliqué. Nous discutons avec plusieurs acteurs et nous choisirons un partenaire offrant une sécurité en cas de défaut de paiement. Nous avons réussi à survivre à la dernière crise, les clubs sont toujours là et notre compétitivité européenne progresse. Les raisons d’espérer existent. Nous avons des raisons d’y croire et nous devons faire en sorte de « renverser la table ». Mais j’entends vos interrogations.

M. Stéphane Mazars (RE). Je souhaite revenir sur le modèle économique des clubs de Ligue 1. Il y a quelques années, les clubs avaient tendance à vouloir s’approprier les infrastructures sportives pour développer les affaires, selon le modèle anglais ou allemand, voire lyonnais. Essayez-vous d’accompagner cette tendance, qui peut d’ailleurs permettre un désengagement des collectivités locales lorsque les sports sont matures ?

M. Vincent Labrune. Je partage votre point de vue : ce n’est plus aux collectivités locales de financer le sport professionnel de haut niveau, de la même manière que ce n’est pas le rôle de l’État de venir en aide au football professionnel quand il traverse une crise pour payer les salaires de nos joueurs. Nous devons nous prendre en main.

Pour un club, il est pertinent de vouloir posséder ses infrastructures. Encore faut-il en avoir les moyens. C’est la raison pour laquelle dans notre projet, nous essayons d’attirer un certain nombre de nouveaux investisseurs qui ont plus de moyens que les actionnaires historiques. Sur le moyen et le long terme, il faudrait idéalement que chaque club soit propriétaire de son stade.

M. Arnaud Rouger. Depuis le début des années 2000, la France a entamé une vague de rénovation des infrastructures en lien avec les clubs. Aujourd’hui, le parc d’équipements est de grande qualité, notamment par rapport à l’Italie.

M. Vincent Labrune. Le football français dispose d’atouts, comme les infrastructures, la formation, les talents, de nouveaux investisseurs et notre équipe nationale. Il n’a rien à envier à ses concurrents.

M. Stéphane Buchou (RE). Je partage plutôt votre optimisme. Cependant, l’afflux d’argent va-t-il nécessairement entraîner l’amélioration espérée du niveau sportif ? Par exemple, le club du PSG, qui investit beaucoup, est désormais champion de France chaque année mais, comme vous l’avez rappelé, le dernier champion d’Europe français a été titré en 1993. Malgré mon optimisme, je m’interroge sur la capacité à concurrencer les pays qui attirent nos joueurs.

M. Vincent Labrune. Dans le football professionnel, l’argent joue un rôle essentiel pour obtenir de bons résultats. Le PSG constitue une chance incroyable pour le football français depuis l’arrivée des investisseurs qataris en 2011, notamment grâce aux points UEFA qu’il a fait gagner et qui nous permettent aujourd’hui d’avoir quatre places qualificatives en Ligue des champions la saison prochaine et de profiter des revenus afférents.

Pour demeurer performant, il importe de conserver les jeunes talents. Or le contrat du plus jeune talent du PSG, Warren Zaïre-Emery, âgé de dix-sept ans, devrait bientôt être prolongé. Il y a quelques années, il serait parti à l’étranger, par exemple en Allemagne comme Kingsley Coman ou Dayot Upamecano l’ont fait avant lui. Je rappelle qu’en Allemagne, il n’y a pas de charges sociales : le salaire brut proposé correspond au salaire net pour le joueur. Nous avons perdu plusieurs joueurs en raison des différences fiscales entre les pays.

Aujourd’hui, le PSG développe une stratégie visant à faire revenir des stars de l’équipe de France sur le sol national et à garder ses jeunes joueurs. Nous sommes heureux qu’un joueur prometteur comme Zaïre-Emery, qui vient d’intégrer l’équipe de France, foule nos pelouses.

Si nous travaillons bien et que nos moyens financiers sont à peu près équivalents aux autres pays, modulo le différentiel de charges, les jeunes voudront rester chez nous, pour porter nos couleurs. Depuis plus de vingt ans, quand les équipes françaises accédaient à la coupe d’Europe, elles vendaient leurs meilleurs joueurs aux concurrents étrangers qui allaient ensuite les battre sur la scène européenne. Connaissez-vous de nombreux secteurs d’activité où une entreprise vendrait un « super brevet » à ses concurrents ?

Dans la durée, la compétitivité d’un club demeure liée aux moyens dont il dispose. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’apporter des moyens additionnels. La situation actuelle est compliquée, mais nous demeurons assez optimistes pour la suite.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous remercie. Nous vous demanderons de nous apporter une contribution écrite et de nous transmettre vos recommandations d’ici à la fin de la semaine.

M. Vincent Labrune. Nous le ferons avec grand plaisir.

La séance s’achève à dix-neuf heures trente.


Membres présents ou excusés

 

Présents.  Mme Béatrice Bellamy, M. Stéphane Buchou, M. Stéphane Mazars, Mme Claudia Rouaux, Mme Sabrina Sebaihi

Excusé. – M. Pierre-Henri Dumont