Compte rendu
Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil
des jeunes enfants au sein
de leurs établissements
– Audition de Mme Nicole Bohic et de MM. Christophe Itier et Thierry Leconte, membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), auteurs d’un rapport sur la qualité de l’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches (mars 2023) 2
Mercredi 24 janvier 2024
Séance de 11 heures 30
Compte rendu n° 2
session ordinaire de 2023-2024
Présidence de
M. Thibault Bazin,
président
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La séance est ouverte à 11 heures 30.
La commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements a auditionné Mme Nicole Bohic et MM. Christophe Itier et Thierry Leconte, membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), auteurs d’un rapport sur la qualité de l’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches (mars 2023).
M. le président Thibault Bazin. Nous recevons Mme le docteur Nicole Bohic et Messieurs Christophe Itier et Thierry Leconte au titre du rapport qu’ils ont rédigé pour le compte de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Vous avez été missionnés en juillet 2022 par Jean-Christophe Combe, alors ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, après la mort d’un bébé de onze mois dans une crèche du 3e arrondissement de Lyon.
Compte tenu de la large participation du secteur à la consultation que vous avez organisée, des constats dressés et des préconisations que vous y formulez, la représentation nationale a considéré que le rapport que vous avez remis en mars 2023 ne pouvait demeurer sans suite. La délégation aux droits des enfants de notre assemblée a ainsi auditionné trois des quatre auteurs du rapport le 3 mai dernier et décidé, en septembre, de créer une mission d’information portant sur les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches alors que, par ailleurs, deux ouvrages consacrés aux crèches privées étaient publiés.
Notre commission d’enquête a souhaité vous entendre dès l’ouverture de ses travaux pour disposer d’une vue d’ensemble sur le secteur des crèches avant d’en étudier les diverses facettes.
Avant de vous donner la parole pour une brève intervention liminaire, je vous indique que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(Mme Bohic, M. Itier et M. Leconte prêtent serment.)
M. Thierry Leconte. Dans le périmètre qui était le sien, celui des crèches collectives hors crèches familiales et jardins d’enfants, la mission s’est attachée à déterminer tous les facteurs pouvant concourir à la qualité de l’accueil ou constituer un risque de dérive et de maltraitance individuelle ou institutionnelle. Les investigations ont duré quatre mois. Nous avons auditionné des acteurs nationaux du secteur – administrations, fédérations, syndicats, gestionnaires, chercheurs, experts. Nous nous sommes rendus dans huit départements, pour rencontrer les administrations locales et visiter un échantillon de trente-six établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) dans lesquels nous avons rencontré les responsables et les professionnels, avec un temps d’immersion et d’observation des enfants. Nous avons également diffusé trois questionnaires, aux directeurs d’établissement, aux professionnels assurant l’accueil des enfants et aux parents. Ils ont reçu plus de 5 000 réponses de directeurs d’établissement, plus de 12 000 réponses de professionnels et plus de 27 000 réponses de parents, ce qui témoigne d’une large mobilisation du secteur, à tous les échelons. Ils n’avaient pas pour objet de viser une représentativité statistique, mais de fournir des éléments de terrain supplémentaires nous permettant d’éclairer les constats effectués lors de nos visites.
M. le président Thibault Bazin. La PMI, protection maternelle et infantile, joue un rôle essentiel dans le contrôle de la qualité d’accueil. Avez-vous observé des différences d’approches selon les départements, s’agissant de la manière d’appréhender cette qualité, des critères retenus et, le cas échéant, des suites apportées ?
M. Christophe Itier. Il existe de fortes disparités entre les départements, selon que les territoires sont urbains, périurbains ou ruraux, mais aussi selon la prévalence de structures de petite ou de grande taille et selon leur niveau socioéconomique. Aussi avons-nous démultiplié nos déplacements, dans les limites de la mission, pour tenter d’appréhender la diversité des établissements – dans leur taille, leur nature juridique, leur environnement et le public accueilli. Nous avons aussi constaté des différences notoires d’une PMI à l’autre, tant dans les moyens humains mobilisés que dans les méthodologies déployées.
M. le président Thibault Bazin. Les problèmes de qualité d’accueil s’observent-ils davantage en milieu urbain ou rural, et dans les grandes ou les petites structures ?
M. Christophe Itier. Le problème de la qualité n’est pas propre à certaines structures. Il est transversal et systémique. Même si la situation est plus difficile dans les quartiers compliqués ou en ruralité, tous les établissements, de ceux qui font du multi-accueil aux microcrèches, connaissent des difficultés qui s’expriment de manière différente et pas nécessairement liée au statut juridique. Chaque statut – public, associatif ou privé lucratif – présente des biais.
Au-delà de la volonté politique, la situation est largement liée à la capacité financière des communes à mobiliser des moyens pour la petite enfance.
Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Je remercie les membres de la commission d’enquête d’être présents pour l’ouverture de nos travaux. Notre travail est collectif. Ma porte sera toujours ouverte pour échanger des idées et des propositions.
Madame Bohic, messieurs Itier et Leconte, je vous remercie d’avoir répondu à notre demande d’audition, ainsi que pour la qualité de votre travail et de votre rapport.
Le recensement des alertes est un élément central de toute politique publique, a fortiori lorsqu’il s’agit du bien-être des enfants en bas âge. Votre rapport est édifiant, à cet égard : il n’existe aucun circuit centralisé de remontée d’informations permettant de signaler d’éventuelles violations de la réglementation ou des signes de maltraitance. Les PMI ne semblent pas toujours informées, ou le sont de manière aléatoire. Vous préconisez de les faire identifier, par les acteurs institutionnels et par les parents, comme le service responsable de centraliser les signalements. Par quel biais ? Les PMI ont-elles les ressources pour collecter les informations et, surtout, pour agir dans un délai raisonnable ? Que préconisez-vous pour faire évoluer le contrôle exercé sur les EAJE vers une meilleure prise en compte de la qualité d’accueil des jeunes enfants ? Quelle place envisagez-vous pour les parents et les communes dans l’exercice pratique et quotidien de ce contrôle ?
Vous indiquez aussi que « la régulation insuffisante du secteur marchand peut laisser prospérer des stratégies économiques préjudiciables à la qualité d’accueil ». Vous pointez plus précisément la baisse des dépenses de personnel, à rebours de l’augmentation des salaires et des prix, et l’augmentation conséquente des comptes « autres charges » dans les frais de siège de groupe. Comment l’expliquez-vous ?
Enfin, vous préconisez de restructurer les financements publics pour en faire un levier de qualité de la prise en charge. Pouvez-vous préciser vos propositions ? Vous paraît-il pertinent d’uniformiser les modalités de financement public ? Comment renforcer le contrôle financier des opérateurs et les éventuelles marges cachées qui figurent dans les conditions de financement des établissements ? Considérez-vous que cela passe nécessairement par une contractualisation de tous les acteurs avec la puissance publique, y compris les acteurs privés qui s’installent à son initiative ?
Mme Nicole Bohic. Alerter nécessite déjà de savoir que les choses ne sont pas faites correctement et de connaître les besoins des jeunes enfants. Une sensibilisation de tous les acteurs est nécessaire. Dans un établissement, un stagiaire avait l’interdiction de prendre les enfants dans ses bras. Ce n’est pas normal ! Outre les besoins des enfants, il est essentiel de connaître les attentes des parents. Il importe aussi que les professionnels puissent repérer les mauvaises pratiques. Tous doivent avoir accès à la connaissance des besoins fondamentaux.
Déjà en 1978, dans le cadre du travail consacré par Mme Veil aux pouponnières, un film avait montré la gravité des atteintes physiques et mentales des enfants en manque d’affection et d’activités d’éveil. La technicité ne suffit pas, il faut aussi une relation affective. Les travaux traitant de la sécurité affective de l’enfant dans les années 1960 ont été repris et ont conduit à l’élaboration de la charte nationale pour l’accueil des jeunes enfants, à domicile ou dans les crèches. Celle-ci part des besoins de l’enfant, mais reste peu appliquée.
La meilleure connaissance des besoins de l’enfant passe, pour les professionnels, par la formation. Notre rapport pose la problématique des CAP, certificats d’aptitude professionnelle. Souvent, les professionnels sont des jeunes – majoritairement des jeunes filles – qui étaient en difficulté scolaire et peinaient à trouver leur voie, à qui l’on a suggéré qu’ils pouvaient s’occuper de bébés et qui ont suivi une formation en ligne et effectué un stage non validant. Travailler avec des bébés et des enfants peut s’avérer ingrat et compliqué. Ce métier n’est pas d’emblée valorisant.
Avant de parler de contrôle, il faut parler des alertes. Mais pour alerter, il faut connaître les besoins de l’enfant et savoir repérer ce qui dysfonctionne. Dans le questionnaire, les établissements qui ont pointé ce qui ne va pas sont ceux dont le personnel est formé.
Des outils existent, comme la charte qui pose dix principes clairs comme le respect du rythme de l’enfant, celui de la place de ses parents ou le besoin de mobilité. Combien de fois avons-nous entendu « On ne court pas ! », dans les crèches que nous avons visitées. Pourtant, les pédiatres expliquent qu’un enfant d’un an et demi tient son équilibre en courant. Malheureusement, la charte est restée sous forme d’arrêté, que peu de parents lisent. Aussi faudrait-il la présenter différemment et la valoriser.
Quant au contrôle, il commence par une culture de l’erreur. Souvent, dans les établissements, les professionnels ont un niveau de formation peu élevé, se trouvent en difficulté et craignent de perdre leur travail. Un travail similaire à celui qui a été effectué dans le champ sanitaire et médico-social s’avère nécessaire, pour diffuser une culture de l’erreur et inciter le personnel à exprimer que quelque chose ne va pas, le cas échéant. Certaines crèches affichent une tolérance zéro et licencient systématiquement après une erreur. Certes, la responsabilité individuelle ne doit pas être niée, mais un employeur doit avant tout identifier les difficultés qui expliquent ce qui s’est produit. Les référentiels ont leur importance, en la matière, de même que l’autorégulation et les remontées d’informations.
Par ailleurs, la compréhension des besoins des enfants et de la façon dont on s’occupe d’eux concerne aussi les directeurs. Lors des témoignages, nous avons entendu des propos comme « j’ai claqué mes enfants et pourtant ils vont bien ! ».
Sensibiliser les professionnels, c’est aussi leur faire savoir que la PMI est joignable lorsque la direction ne réagit pas après une alerte. Aussi avons-nous demandé que le numéro de la PMI locale soit affiché dans tous les établissements et communiqué à tous les professionnels ainsi qu’aux parents.
M. Christophe Itier. Outre les PMI, la Caisse d’allocations familiales (Caf) a aussi une capacité de contrôle au travers de son lien organique avec les structures qu’elle finance par la PSU, prestation sociale unique – tandis qu’en Paje, prestation d’accueil du jeune enfant, le lien est avec les parents puisqu’il s’agit de solvabiliser la demande. Il s’agit certes d’un contrôle de la facturation et des données économiques, mais celles-ci renseignent aussi sur le fonctionnement d’une crèche et peuvent conduire à une alerte auprès de la PMI, en fonction de la consommation de couches par exemple.
Il apparaît, par ailleurs, que le contrôle des PMI porte largement sur le bâti, et marginalement sur le projet pédagogique et sur le fonctionnement de la crèche. Améliorer les signalements et les contrôles impose que la culture du besoin de l’enfant soit plus amplement partagée, y compris avec les parents qui envisagent la crèche comme un simple mode de garde. Dans les témoignages, de nombreux professionnels déclarent ne plus supporter qu’on leur dise « Amusez-vous bien ! », car ils ont le sentiment que cela dévalorise l’importance de leur profession dans une période pourtant stratégique du développement de l’enfant.
Il convient donc de changer le regard sur les établissements, qui ont certes vocation à apporter une solution aux familles, en remettant au centre les besoins de l’enfant, en faisant travailler ensemble la CAF et la PMI – comme c’est déjà le cas en Haute-Savoie – et en renforçant l’information aux parents. Mais, de l’avis des professionnels, la création d’un conseil de parents n’est pas la panacée, d’autant qu’ils peinent à inciter ces derniers à s’intéresser à la vie de l’établissement et à s’y investir, même de façon informelle.
M. Thierry Leconte. De nombreux acteurs interviennent dans le contrôle, mais ne se coordonnent pas toujours. Outre la PMI et la CAF, peuvent être mentionnés, à la marge, les services en région de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et, surtout, l’inspection du travail. Il nous a semblé important de valoriser le rôle du comité départemental des services aux familles, qui pourrait être l’instance au sein de laquelle tous ces acteurs pourraient échanger et confronter leurs observations pour appeler à une vigilance commune.
Par ailleurs, le fait que le financement des EAJE s’appuie sur deux dispositifs concurrents rend le modèle économique complexe et peu lisible. Le modèle de droit commun est celui de la PSU, qui repose sur la branche Famille, dont le financement cumulé ne peut excéder 66 % du coût de revient horaire, le complément étant versé par un tiers financeur – le plus souvent des communes, mais aussi d’autres personnes publiques ou des entreprises qui réservent des berceaux. Quant au modèle dérogatoire, ouvert aux micro-crèches, il repose sur le versement d’une allocation aux familles, lesquelles paient directement l’établissement. Dans ce modèle, la Caf n’a donc pas de lien avec les établissements.
Si les établissements financés à la PSU représentaient, au moment de la mission, 89 % de l’offre d’accueil collective, la dynamique de création de places est nettement du côté des micro-crèches, financées par la Paje. Cela permet de ne pas avoir de tiers financeur, mais se traduit aussi par un désengagement des communes.
Dans le questionnaire que vous nous avez transmis, madame la rapporteure, vous nous demandiez de retracer les raisons de ce mode de financement. Avec la PSU, il s’agissait de permettre un paiement au plus près du besoin des familles, en faisant payer à ces dernières uniquement le service dont elles ont besoin, contrairement à un système forfaitaire. Mais ce financement à l’heure est plus complexe à décompter. C’est la raison pour laquelle les familles badgent à l’entrée et à la sortie de la crèche.
Il s’agissait aussi d’augmenter la productivité des établissements et d’optimiser leur activité grâce à une hausse de la fréquentation évitant de laisser des places vides. Toutefois, cet objectif n’a été que partiellement atteint.
L’objet de la mission n’était pas d’expertiser le modèle économique, mais la qualité de l’accueil. Nous avons donc cherché à comprendre les difficultés engendrées par ce modèle, mais renvoyé son expertise à des travaux complémentaires qui pourraient être conduits par d’autres missions, comme nous le préconisons. Nous n’avions pas non plus, à l’époque, le pouvoir de contrôler des groupes. Nos investigations étaient donc limitées.
Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Je crois comprendre que les précisions que je sollicitais quant à la nature des charges des EAJE ne relevaient pas du champ de votre mission. En revanche, pouvez-vous nous indiquer comment devrait, à l’aune de vos travaux, évoluer le financement public pour être le plus vertueux possible afin que la prise en charge apporte des garanties pour la sécurité et pour le développement des enfants ?
M. Thierry Leconte. Le mode de financement est la conséquence du modèle que nous voulons et de la définition des besoins. Avant de répondre à cette question, je propose d’aborder le sujet de l’encadrement et des conditions de travail, éléments majeurs pour la qualité de l’accueil, l’attractivité du secteur, la fidélisation du personnel et la création de places.
La commission des 1 000 premiers jours préconise de respecter le ratio d’un adulte pour cinq enfants, tandis que la littérature scientifique établit un optimum d’un pour trois pour les enfants de moins de deux ans et d’un pour quatre ou cinq au-delà de deux ans. Si la réforme des normes applicables à la petite enfance (Norma) a introduit la possibilité d’opter pour un taux d’encadrement unique d’un professionnel pour six enfants, les taux moyens actuels – un adulte pour cinq enfants qui ne marchent pas et un adulte pour huit enfants qui marchent – ne permettent pas de travailler dans de bonnes conditions. Ils entraînent une charge de travail qui génère de la fatigue, du surmenage et, parfois, de la maltraitance envers les enfants. Nous avons observé qu’il en résulte une perte de sens pour les professionnels, qui ont le sentiment de ne pas pouvoir faire correctement leur travail. Cela explique que les responsables de crèche sont confrontés à des difficultés de recrutement et à un fort turnover.
M. Christophe Itier. Que l’on aborde la question par la qualité ou par la quantité, il ressort qu’il est difficile d’instaurer une dynamique de création de places pour répondre aux besoins des familles.
S’agissant des modes de financement, la mission a fait le constat d’un relatif échec. Le dispositif dérogatoire de la Paje favorise un lien distendu entre la branche famille, les opérateurs du contrôle de la qualité de l’accueil et les établissements. Il permet aussi de confier l’accueil des enfants à un seul professionnel à certaines heures, ou d’avoir un responsable pour plusieurs établissements, ce qui pose un problème d’encadrement. En somme, ces dispositions dérogatoires permettent une dynamique de création de places, mais détériorent l’activité. Quant au mécanisme de PSU, qui visait à faire payer les familles au plus juste et à accroître la fréquentation des crèches, il n’a pas fonctionné : le taux de remplissage est resté stable après le passage du tarif forfaitaire au taux horaire, plaçant les établissements en plus grande difficulté. Non seulement cela a induit un stress pour les professionnels, pris dans une logique administrative éloignée de leur métier, mais cela a conduit à des mécanismes de surcompensation pour favoriser la fréquentation aux heures méridiennes, durant lesquelles les enfants demandent pourtant le plus d’attention.
Aussi proposons-nous un processus d’extinction de la Paje, dans la durée et en associant toutes les parties prenantes, pour basculer vers la PSU. Les établissements qui en bénéficient y sont plutôt favorables, car cela leur procurerait davantage de stabilité et de visibilité. S’agissant de la PSU, nous préconisons de sortir de la logique de taux horaire, qui met tout le secteur en tension et ne répond ni aux objectifs de qualité ni à ceux de quantité.
L’étude conduite par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) en juillet 2022 montre qu’il manque 10 000 personnes, toutes compétences confondues, pour faire tourner les 480 000 places existantes – ce qui se traduit par 10 000 places fermées. Pour répondre aux enjeux de création de places et d’amélioration de la qualité d’accueil, il est indispensable de rendre la profession à nouveau attractive et de fidéliser les personnels. Le mode de financement en est l’un des leviers.
M. le président Thibault Bazin. La parole est aux orateurs des groupes.
M. William Martinet (LFI-NUPES). Merci pour la qualité de votre travail. Votre rapport a joué un rôle important dans la prise de conscience des difficultés dans le secteur de la petite enfance. Certes, les professionnels du secteur et leurs organisations syndicales les pointaient de longue date, sans être entendus, mais le mur de l’indifférence a été percé et les problématiques de la petite enfance sont enfin devenues un débat politique. C’est aussi à la suite de votre rapport et du fait du manque de réponse politique que j’ai déposé la résolution visant à créer cette commission d’enquête.
Il y a vingt ans, le secteur de la petite enfance a été ouvert aux acteurs privés lucratifs avec un modèle économique très avantageux, voire plus avantageux que celui destiné aux acteurs associatifs et publics. Je pense au crédit d’impôt famille, assez mal nommé puisqu’il bénéficie aux entreprises qui achètent des berceaux pour leurs salariés, et dont le coût pour les pouvoirs publics est élevé. Le résultat est, sans surprise, une privatisation – discrète mais réelle – du secteur. Ainsi, 80 % des places ouvertes ces dix dernières années l’ont été par des acteurs privés lucratifs. Votre rapport montre que cette privation coûte cher aux finances publiques et aux parents, et que les professionnels sont en moyenne moins bien payés que dans les crèches associatives ou publiques. Vous déplorez aussi « une recherche de rentabilité qui, dans certaines situations, peut poser un problème pour la qualité de l’accueil des enfants ». Les journalistes qui ont enquêté sur le sujet et publié un ouvrage à la rentrée pointent même une maltraitance économique.
Alors que les actionnaires de ces entreprises de crèche trouvent sans doute un intérêt à cette privation, un mouvement de financiarisation est observé. Vous écrivez que « l’entrée des fonds de capital-investissement dans l’actionnariat du secteur doit susciter la vigilance de l’État, tant pour les risques de coût financier que représente cette dynamique que pour les exigences de rentabilité qui peuvent lui être associées ». Quelles sont les conséquences de cette financiarisation ? Quelles mesures politiques faudrait-il prendre pour l’encadrer ?
Par ailleurs, votre rapport évoque une zone de risque quant à l’utilisation de l’argent public dans ces entreprises de crèche : « Il y a un risque que la multiplication des sources de financement public contribue davantage au taux de marge des entreprises qu’à la qualité de l’accueil des jeunes enfants. » Loin d’exprimer cette critique à la légère, vous l’étayez par des éléments précis. On apprend ainsi que dans les entreprises de crèche, le coût de la masse salariale par berceau a baissé de 2 % ces dix dernières années, alors que le Smic et les prix ont augmenté et que ce coût a progressé de 11 % dans le secteur associatif et de 18 % dans le public. C’est la preuve chiffrée d’un plan d’austérité, qui explique nombre des difficultés rencontrées par les établissements concernés.
Face à l’augmentation de 28 % des dotations aux amortissements dans les comptes des entreprises de crèche, vous demandez si l’argent public ne contribuerait pas à constituer leur capital immobilier. Vous constatez aussi une augmentation de 51 % du compte « autres charges », qui peut correspondre aux frais remontés aux sièges des grands groupes et se traduire par une perte de traçabilité de l’argent public. Aussi recommandez-vous une mission de contrôle ciblée sur un ou plusieurs groupes, devant conduire à une étude plus précise des comptes. Cette étude a-t-elle été conduite ou est-elle en cours ? Dans le cas contraire, cette commission d’enquête la mènera volontiers, avec votre aide.
Enfin, le sujet de la rentabilité fait l’objet d’un « ping-pong » entre l’administration et le lobby des entreprises de crèche (FFEC). Lorsque l’Igas avait évoqué un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, la fédération française des entreprises de crèche avait répondu que la rentabilité moyenne était de 3 %. Toutefois, vous indiquez que le cabinet de conseil qui a produit le chiffre avancé par cette fédération n’engage pas sa responsabilité sur cette estimation, et vous ajoutez que lorsque l’Igas confronte les chiffres fournis par la FFEC avec la source des données comptables, elle trouve une différence. J’ai le sentiment que vous accusez cette dernière de ne pas avoir donné les vrais chiffres. Comment connaître le réel niveau de rentabilité de ces groupes qui reçoivent de l’argent public ? Quelles questions poser et quels documents demander ?
Mme Alexandra Martin (LR). Les acteurs de la protection de l’enfance doivent accompagner la parentalité, et cette relation doit être réciproque – il y va de la sécurité, notamment affective, des enfants. Cela implique d’associer davantage les parents. À cet égard, vous préconisez de mettre un terme à la conception du parent comme client d’un simple mode de garde, pour encourager les crèches à engager des projets spécifiques, pédagogiques et ludiques, attribuant un rôle plus actif aux parents dans leur fonctionnement et soutenant la parentalité. Connaissez-vous des crèches qui ont eu recours à ce type de mesure ? Quel a été le résultat ? Impliquer les parents n’est-il pas une garantie de contrôle et de surveillance face aux dérives éventuelles ?
Mme Anne Bergantz (Dem). Je vous félicite à mon tour pour votre travail, qui constitue une base solide pour notre commission d’enquête.
La charte nationale d’accueil du jeune enfant fixe des objectifs assez simples et clairs parmi lesquels la bienveillance, le respect du rythme de l’enfant, les sorties à l’extérieur ou la motricité libre. Et si elle est affichée dans les établissements, les professionnels se l’approprient diversement. Par ailleurs, l’obligation d’avoir un projet d’établissement est à la fois chronophage, formelle et stéréotypée. Ne se disperse-t-on pas trop ? Ne faudrait-il pas se concentrer sur la charte, pour assurer une qualité d’accueil plus homogène ?
Par ailleurs, alors que plusieurs acteurs œuvrent dans le contrôle, chacun dans ses domaines de compétences, votre trente-neuvième recommandation encourage une évaluation croisée par les pairs. Pouvez-vous en dire plus ?
Vous recommandez aussi de confier les compétences d’ouverture, d’extension et de fermeture d’un établissement au président du conseil départemental. Pouvez-vous préciser l’intérêt que représenterait cette mesure ?
Enfin, le projet de loi pour le plein emploi propose de confier aux communes l’organisation de la gouvernance en matière d’accueil des jeunes enfants. Qu’en pensez-vous ?
M. le président Thibault Bazin. Nous en venons aux questions des autres députés.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Je vous remercie pour le travail d’inspection générale et pour le rapport que vous avez produit.
Ne faudrait-il pas que la charte ait une valeur contraignante et soit assortie de sanctions ? Ne faut-il pas responsabiliser les directeurs, et les sanctionner le cas échéant ? Certaines expériences que vous relatez sont choquantes.
Confirmez-vous que votre rapport concerne toutes les crèches, privées, publiques et associatives ?
Mme Nicole Bohic. Oui.
Mme Béatrice Roullaud (RN). Alors que le personnel est souvent jeune, faut-il revoir les conditions de recrutement, par exemple en fixant une limite d’âge ou en prévoyant un examen d’entretien visant à déceler d’éventuelles fragilités ?
M. William Martinet (LFI-NUPES). L’organisation des débats n’est pas satisfaisante. Lorsqu’il y a trop de questions successives, il est compliqué pour les personnes auditionnées de répondre correctement. Sans compter que j’ai été écarté des postes à responsabilité de cette commission dont j’ai moi-même demandé la création.
M. le président Thibault Bazin. Je vous ai laissé tout le temps dont vous aviez besoin en discussion générale. Posez vos questions.
M. William Martinet (LFI-NUPES). J’aimerais que les personnes auditionnées puissent y répondre. J’ai une question sur les délégations de service public (DSP) aux acteurs privés lucratifs, dont vous observez qu’elles participent à tirer le coût de la place vers le bas. Si cela peut s’avérer intéressant pour la collectivité, d’un point de vue gestionnaire, c’est plus problématique s’agissant de l’intérêt des enfants. Parfois, les prix descendent à 3 000 euros par place, montant que vous jugez incompatible avec la qualité de l’accueil. Dans votre rapport, vous préconisez un minimum de 5 000 euros. En commission des affaires sociales, notre collègue PhilippeJuvin, ancien maire de La Garenne-Colombes, a expliqué que les enfants sont accueillis dans de bonnes conditions dans les crèches en DSP de sa ville au prix de 4 000 euros la place. Pensez-vous que ce soit possible ?
J’ai rencontré les parents d’un enfant dont le doigt a été sanctionné par la roue d’un chariot lors d’un exercice d’évacuation. Cet accident est survenu dans une crèche du groupe La maison bleue, à Montrouge. Il semble que le matériel utilisé ne respectait pas les normes de sécurité. Il est souvent rappelé que la PMI ne doit pas se concentrer sur le contrôle bâtimentaire. En l’occurrence, il aurait fallu contrôler les chariots. Depuis, le groupe La maison bleue a demandé à au moins vingt-et-une de ses crèches de retirer ce chariot, manifestement dangereux pour les enfants. Comment s’assurer qu’aucune crèche de ce groupe en France n’utilise plus ce matériel, au-delà de Montrouge et des Hauts-de-Seine ? Quel contrôle doit être effectué ? Quelle évolution règlementaire ou législative faut-il prévoir pour que cet accident dramatique entraîne un contrôle plus large dans l’ensemble du territoire ?
M. Philippe Lottiaux (RN). Si les collectivités se sont tournées vers le privé, c’est qu’elles y avaient un intérêt. Mais des dérives existent. Les règles de la DSP sont-elles adaptées ? Elles conduisent à tirer les prix vers le bas et à retenir les moins-disants plutôt que les mieux-disants. La commande publique a-t-elle les moyens de redresser la situation ?
Vous avez aussi évoqué le renforcement de l’encadrement, mais le mieux n’est-il pas l’ennemi du bien ? Si les collectivités doivent augmenter la masse salariale du secteur, certaines ne s’en sortiront pas. Le nombre de places ne risque-t-il pas de se réduire ? Ne vaut-il mieux pas conserver l’équilibre actuel ?
M. Thierry Frappé (RN). Merci pour votre rapport très éclairant. J’en retiens la disparité des lieux et des prises en charge. Vous considérez que le taux optimal d’encadrement est d’un adulte pour six enfants, contre cinq en moyenne et huit dans les meilleures conditions aujourd’hui, selon que les enfants marchent ou non. Quelle sera l’incidence de ce taux, certes souhaitable, dans la pratique ?
Vous recommandez également l’évaluation des exigences applicables pour les locaux et les équipements, au deuxième semestre 2024. En cas de manquement, des visites semestrielles de contrôle devraient être assurées. Par qui le seront-elles – les parents, le département, l’État ou encore la Haute Autorité de santé au travers d’une accréditation des crèches ?
M. le président Thibault Bazin. Vous avez la parole pour répondre à l’ensemble des questions. Lorsque vous n’avez pas les éléments demandés ou si une question excède le périmètre de la mission, veuillez le préciser. S’agissant de la définition des besoins des enfants, nous auditionnerons la semaine prochaine Mme Casso-Vicarini, membre de la commission sur les 1 000 premiers jours, et les journalistes auteurs des ouvrages qu’a mentionnés notre collègue William Martinet.
M. Christophe Itier. Je répondrai aux questions relatives au modèle économique des crèches privées. Le rapport se contente de tracer des points de soupçon et des indices de difficultés qui découleraient de ce modèle. Ainsi, si l’évolution de la masse salariale est liée aux politiques de rémunération, elle s’explique sans doute aussi par le modèle dérogatoire de l’encadrement dans les micro-crèches. Nous posons des questions à partir de l’observation de comportements agressifs dans les DSP et de plusieurs certains indices comptables. Une mission de l’Igas et de l’Inspection générale des finances (IGF) est d’ailleurs en cours, pour comprendre les ressorts du modèle spécifique des micro-crèches.
Il convient aussi de préciser que les crèches privées et les micro-crèches ne sont pas uniquement des grands groupes. Nous avons aussi rencontré des entreprises de petite taille, personnelles, créées par des personnes qui n’étaient pas de la profession et qui se sont saisies du dispositif de la Paje pour investir une nouvelle activité. Nous y avons observé les mêmes effets.
En somme, le problème est systémique. Se focaliser sur les grands groupes ou sur un seul dispositif serait réducteur. Tous les opérateurs sont confrontés aux mêmes difficultés de recrutement. Or l’accueil de la petite enfance est d’abord un métier d’hommes et de femmes. Il est donc essentiel de le rendre attractif.
Un important effort de formation est nécessaire. Ainsi, indépendamment des départs en retraite ou naturels, il faudrait une année pleine de formation pour pallier le manque de personnel que la Cnaf évalue à 10 000 personnes.
Nous recommandons aussi de rendre opposable le schéma départemental dédié à la petite enfance, pour réguler l’offre. Au gré de nos visites, nous avons vu des structures associatives ou publiques mises en difficulté par l’arrivée de crèches privées.
Une approche systémique est indispensable, au risque sinon de passer à côté de certains sujets. Dans cette optique, outre la mission consacrée aux micro-crèches, des évolutions réglementaires et législatives permettent à notre corps d’inspection d’étudier les effets de consolidation avec les frais de siège et d’appréhender les éventuels mécanismes d’optimisation fiscale ou financière.
Mme Nicole Bohic. Vous nous avez aussi interpellés sur la question de la parentalité. Dans les années 1980, les crèches parentales étaient nombreuses, avec des parents impliqués dans leur fonctionnement. Depuis, le paysage a évolué. Certaines fonctionnent à l’identique, mais dans d’autres, les parents siègent uniquement au conseil d’administration. Dans tous les cas, il est essentiel de rendre leur place aux parents, quel que soit le type de crèche, et de leur fournir des éléments de repérage leur permettant d’être proactifs.
Pour les micro-crèches, notre recommandation de prévoir deux personnes le matin et le soir porte à la fois sur la sécurité et sur la parentalité. Les professionnels que nous avons interrogés considèrent que le partage avec les parents importe plus que leur participation aux instances.
Par ailleurs, la charte étant réglementaire, elle s’impose et elle est contraignante. Un groupe de travail ministériel élabore actuellement un référentiel de qualité et un guide pour le contrôle avec la charte comme base commune. Il faut aussi améliorer la communication aux parents, au-delà des dix principes contenus dans la charte.
La Haute Autorité de santé n’est pas habilitée à intervenir dans le secteur des crèches, qui ne sont pas des établissements sociaux et médico-sociaux au sens du code de l’action sociale et des familles. Nous avons demandé une évolution, mais elle prendra du temps.
L’évaluation croisée par les pairs existe dans de grosses agglomérations ou métropoles – que le rapport cite – et s’avère efficace. À ce stade, un référent qualité se rend avec un directeur de crèche dans une autre crèche, mais l’idéal serait de casser les barrières entre les types d’établissements. La qualité et la non-qualité existent partout. N’ayons pas de représentation a priori de tel ou tel secteur.
Certains éléments ne sont pas acceptables, comme une surface trop petite pour le nombre d’enfants accueillis. Les microcrèches ont d’abord été pensées pour neuf enfants, puis la réglementation a étendu ce nombre à dix et à douze avec la possibilité d’atteindre un taux d’occupation de 115 %, soit quinze enfants – ce qui s’avère difficile dans 50 mètres carrés. Il importe d’appréhender la question de la qualité de l’accueil dans sa globalité.
M. Thierry Leconte. Concernant les compétences du président du conseil départemental, la recommandation que nous avons formulée après consultation de Départements de France (ADF) va dans le sens de la simplification et de la cohérence. En effet, nous avons constaté que la décision d’ouverture d’une structure est du ressort des collectivités territoriales, tandis que celle de fermeture relève des services de l’État, en l’occurrence le préfet. À Lyon, les services de l’État – qui n’interviennent pas au quotidien dans la vie des crèches, puisqu’ils ne sont pas en charge du contrôle et de l’autorisation d’ouverture – ont ainsi été conduits à décider d’une fermeture. Cette procédure est source de lourdeur.
Plus que le renforcement du taux d’encadrement, nous suggérons de revenir à ce qui existait auparavant. Le tableau comparatif de l’annexe 1 montre l’évolution de la réglementation au fil des années. En l’occurrence, les exigences relatives au taux d’encadrement et au niveau de qualification requis ont été progressivement assouplies.
Mme Sarah Tanzilli, rapporteure. Concernant la délégation de service public, faut-il revoir le montage ou les modalités de passation, en particulier les critères et leur pondération ? Par ailleurs, ne serait-il pas plus pertinent de confier cette mission aux départements, dont dépend la PMI, qu’à l’échelon communal ?
M. Christophe Itier. Qui veut, peut ! La qualité a nécessairement un prix. La critérisation de la DSP est une volonté politique. Il faut y sensibiliser les élus.
Par ailleurs, la régulation de l’offre grâce au schéma départemental évite les effets de concurrence et permet d’être prescriptif, d’inscrire les besoins d’un territoire dans le temps, d’y adapter l’appareil de formation et d’éviter les effets de bord. En résumé, un travail systémique est indispensable, pour réguler l’offre et mettre les acteurs en relation en fonction du diagnostic et des besoins partagés.
M. le président Thibault Bazin. En fonction de la date de rendu du rapport de la mission Igas/IGF que vous avez évoquée, nous pourrons entendre leurs auteurs.
Nous entendrons les représentants de la mission de la DGCCRF consacrée aux microcrèches la semaine prochaine.
M. William Martinet (LFI-NUPES). Vous recommandez une mission de contrôle ciblée sur un ou plusieurs groupes, conduisant à une étude de leurs comptes. A-t-elle été lancée ?
M. Thierry Leconte. L’autorisation vient d’être accordée. Elle devient donc envisageable.
M. le président Thibault Bazin. Merci.
La séance est levée à 13 heures.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 24 janvier 2024 à 11 h 30
Présents. - M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, Mme Christine Decodts, Mme Julie Delpech, Mme Ingrid Dordain, M. Thierry Frappé, Mme Virginie Lanlo, M. Philippe Lottiaux, Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes), Mme Alexandra Martin (Gironde), M. William Martinet, Mme Béatrice Roullaud