Compte rendu

Commission d’enquête sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69

– Audition, ouverte à la presse, de M. Patrick Berg, directeur de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Occitanie, et de M. Maxime Cuenot, directeur de la direction départementale des territoires du Tarn, sur les actes préparatoires à la déclaration d’utilité publique et aux deux autorisations environnementales de l’A69              2

– Présences en réunion................................34

 

 



Mardi 2 avril 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 10

session ordinaire de 2023-2024

Présidence de
M. Jean Terlier,
Président de la commission

 


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La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

M. le président Jean Terlier. Chers collègues, nous poursuivons nos travaux consacrés au volet environnemental de l'autoroute A69.

Je souhaite la bienvenue à M. Patrick Berg, directeur de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) d’Occitanie et à M. Maxime Cuenot, directeur de la direction départementale des territoires (DDT) du Tarn.

Messieurs, je vous remercie pour votre présence devant notre commission cet après-midi. Les auditions que nous tenons depuis début mars ont en effet montré le rôle important que jouaient la Dreal Occitanie et la DDT du Tarn car vos services mettent en œuvre le projet d’A69 dans un cadre juridique complexe. Vous avez assuré la maîtrise d’ouvrage jusqu’à la parution de la déclaration d’utilité publique (DUP). Vous avez été en charge de l’examen des avis de plusieurs instances consultatives et avez la responsabilité d’en tenir compte ou non.

Vous veillez en outre à la légalité des opérations de sorte que la procédure ne soit pas entachée de vice de forme. Vous constituez également l’interface entre les élus du territoire et le concessionnaire de l’autoroute.

En somme, vous rappelez qu’une autoroute concédée demeure un service public et que les services de l’État veillent constamment au respect des lois et règlements qui entourent un tel projet, notamment les textes relatifs à la prise en compte de l’environnement.

Votre audition devra nous permettre de vérifier que le principe de légalité a été impeccablement respecté sur le projet de l’A69, bien que des questions subsistent quant au contenu de plusieurs études. Ce point suffit à résumer l’intérêt de votre présence devant nous.

Enfin, le contentieux en cours à l’encontre de l’autorisation environnementale, devant le tribunal administratif de Toulouse, vous fonde éventuellement à circonscrire certaines de vos réponses ; si tel était le cas, je vous remercie par avance de me préciser lesquelles.

Je rappelle que notre audition est publique et retransmise sur le portail de l’Assemblée nationale.

Messieurs, en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais préalablement vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et de dire « je le jure ».

(MM. Patrick Berg et Maxime Cuenot prêtent serment)

M. le président Jean Terlier. Je cède la parole à notre rapporteure, Mme Christine Arrighi.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Monsieur le président, ainsi que votre propos liminaire le mentionne très justement, la Dreal Occitanie et la DDT du Tarn ont joué et continuent de jouer un rôle crucial dans la conduite du projet et du chantier de l'A69.

À ce jour, cette commission d'enquête n'a relevé aucune entorse notable au principe de légalité ; encore faut-il s'entendre sur le sens dudit principe.

S’il semble qu’à ce stade, les différents actes juridiques concernant l'A69 aient bien respecté les procédures, nos auditions ont mis en lumière de sérieuses interrogations quant au contenu des études ayant servi de support à l'élaboration de ces actes.

Tel est le cas de la qualification de terres artificialisées appliquée aux terres agricoles alors que la notion d'artificialisation ne s’applique pas aux terres agricoles, de délimitations de certaines zones humides effectuées sur la base de rapports du bureau d’études Biotope et ensuite contredites par plusieurs contre-expertises, ou de cette annonce faite par Atosca qu’elle replantera un nombre d’arbres « cinq fois supérieur » à celui que le projet se propose de couper, ce qui s’apparente, ainsi que l’a démontré l’une de nos auditions, à une grossière opération de communication.

C'est donc le triptyque ERC (Éviter-Réduire-Compenser) qui est ici remis en cause, tant il apparaît mal et parfois très mal évalué.

Lorsque les procédures ne sont fondées que sur du sable et des erreurs, leur juste respect n’emporte pas à lui seul le respect du principe de légalité. Autrement dit, un certain nombre d’actes peuvent être légaux, alors que le contenu de plusieurs études préalables à la DUP et l'autorisation environnementale restent sujet à caution.

La commission vous interrogera notamment sur les hypothèses économiques et sociales qui sous-tendent cette autoroute, sur l'évaluation du trafic, l'enclavement, la sécurité routière et le temps gagné pour accomplir les trajets.

Nos auditions actuelles portent sur le volet environnemental de la convention de concession. Elles se poursuivront avec les raisons socio-économiques qui sous-tendent l’A69 et les conséquences sociales pour les usagers en raison des tarifs de péage ; la dernière phase des auditions sera consacrée aux aspects financiers prévus par les annexes de la convention.

Le questionnaire que je vous ai adressé a été communiqué à l'ensemble de mes collègues. Je souhaite en effet que cette commission apporte à l'ensemble de ses membres, favorables ou non au projet de l’A69, une approche aussi globale qu’exhaustive et que tous disposent du même niveau d'information quant au sens que je tiens à donner à cette audition. Vous pourrez répondre à ce questionnaire par écrit ou également vous en servir de guide au cours de cette audition.

M. le président Jean Terlier. Merci, madame la rapporteure. Je donne la parole à M. Patrick Berg.

M. Patrick Berg, directeur de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Occitanie. Je vous remercie tout d’abord de votre accueil, un accueil républicain qui nous permettra de mettre en évidence les responsabilités qui sont les nôtres.

Les deux directions que sont la Dreal Occitanie et la DDT du Tarn assument des responsabilités différentes dans l'absolu et sur ce projet en particulier ; différentes quant aux compétences, expertises et missions qui leur sont assignées.

La Dreal est un service déconcentré du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) ; la DDT est un service interministériel. Chacune de ces directions porte les politiques du MTECT, mais sous un statut différent et de nature à faire varier leurs priorités selon les missions.

Qu’en est-il du projet d’A69 ?

Trois vagues de décisions sont intervenues jusqu'à présent, à commencer par la DUP, acte ayant trait au droit de propriété et permettant d'acquérir des terrains à l'amiable ou par voie d'expropriation.

Un projet de cette ampleur requiert un décret en Conseil d'État. La DUP qui nous occupe aujourd’hui est la somme du décret du Conseil d'État déclarant l'A69 d'utilité publique et de l’arrêté préfectoral déclarant d'utilité publique l'élargissement de l'autoroute A680, laquelle préexistait à l’A69 et perdure aujourd’hui sous la forme d’une route bidirectionnelle.

Faisant suite à la DUP, la phase de mise en concession a été entièrement pilotée par l'administration centrale du ministère chargé des transports. La Dreal a joué un rôle lorsqu’en 2021, elle a été consultée sur les différentes offres reçues par le ministère. Au stade de la mise en concession, l'échelon central a assumé sa pleine responsabilité et a consulté de multiples interlocuteurs, autres que la Dreal.

La consultation a porté sur deux aspects : un premier d’ordre thématique et un second de méthode. L'aspect thématique concernait l’ensemble du volet paysager, la compétence paysagère relevant effectivement de la Dreal via l’une de ses composantes qui est l’Inspection des sites et des paysages. L’aspect de méthode, sujet plus transversal, a porté sur la conformité des trois offres au dossier des engagements de l'État, document systématiquement élaboré dans le prolongement d’une DUP et dressant la liste de l’ensemble des engagements pris par l'État, par exemple en matière de compensation collective agricole.

L’étape suivante a été l'autorisation environnementale, pour laquelle le guichet unique était la DDT du Tarn.

La Dreal s’est néanmoins prononcée sur deux aspects réglementaires : d’une part sur la protection stricte des espèces et d’autre part sur les deux centrales d'enrobage temporaires mentionnées dans le dossier de demande d'autorisation environnementale. L'unité interdépartementale Tarn-Aveyron, le service de la Dreal en charge d’instruire ces aspects réglementaires, a donc rendu deux avis. La Dreal restait également fondée à intervenir au titre de la loi paysage, en cas de paysages protégés, mais tel n’a pas été le cas sur ce dossier.

M. Maxime Cuenot, directeur de la direction départementale des territoires du Tarn. La DDT est une direction départementale interministérielle en charge de porter les politiques publiques des ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires, de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et de l'intérieur.

À l’échelon départemental, la DDT est le service instructeur de l'autorisation environnementale de l'autoroute A69, l'autoroute A680 relevant de nos homologues de la DDT de Haute-Garonne.

À ce titre, la DDT du Tarn assure deux missions essentielles : assembler les éléments de l'instruction d'une part, sachant que le régime de l’autorisation environnementale se déclenche par la « nomenclature IOTA » (installations, ouvrages, travaux, activités), l’A69 étant un « ouvrage sur cours d'eau », et d’autre part, être l’experte de tout ce qui touche à l'eau et aux défrichements ; tout comme la Dreal est experte sur les installations classées pour la protection de l’environnement (IPCE), les paysages et la biodiversité.

Pour entrer plus en détail sur la procédure en adoptant le mode itératif que vous suggériez, madame la rapporteure, il convient de compter trois temps dans la constitution d'un dossier.

Le premier temps se situe en amont du dépôt du dossier par le pétitionnaire.

NGE Atosca a été désignée comme attributaire à l'automne 2021.

Dès lors, ses dirigeants ont pris l’attache de la DDT qui a immédiatement déclenché un cycle de réunions mobilisant les différents services experts de l'État. Ces réunions ont permis, outre la nécessaire prise de connaissance des grandes dimensions du dossier par l’ensemble de services de l'État, de définir le fameux « cadrage amont » que l’on pourrait résumer à l’identification des points de vigilance et de la bonne manière de procéder.

La phase qui suit le dépôt du dossier est celle de l’instruction : le dossier d’Atosca a été déposé le 20 janvier 2022 ; le code de l'environnement nous fixe un délai cinq mois pour instruire un dossier.

L’ampleur d’un dossier tel que celui de l’A69 ne faisant nul doute, nos équipes se sont mobilisées pour l’instruire au plus vite, à l’image de la demande de complément signifiée par la DDT du Tarn au pétitionnaire le jour même du dépôt du dossier. Après vérification formelle, il se trouvait en effet que certaines pièces manquaient au dossier, a priori en raison de difficultés informatiques.

Mue par une logique similaire, la DDT du Tarn a formé le 27 janvier 2022 une seconde demande de compléments par laquelle Atosca se devait de préciser les dispositions communes aux deux dossiers autoroutiers (A680 et A69) et de lui transmettre l'étude d'impact actualisée de l'A680.

Je me permets ici une courte incise quant à la complexité particulière du dossier : Pour l’autorisation environnementale, il existait règlementairement deux porteurs de projets distincts, soit deux dépôts de dossiers auprès des préfets respectifs et deux instructions séparées. Pour ne former qu’un dossier unique à traiter pour l’évaluation environnementale, nous avons demandé aux deux porteurs de projets de construire une étude d’impact et de la déposer de manière conjointe auprès de l’Autorité environnementale.

En outre, il a été demandé à Atosca de conduire une enquête publique unique, car un tel dossier fait réellement sens en termes d’information des publics et en termes d'évaluation environnementale. Il s’agissait aussi de se prémunir contre l’éventualité de coupes « artificielles » effectuées sur la seule base des besoins des concessionnaires exploitant les autoroutes.

Ces demandes de compléments ont été suivies des réponses d’Atosca. Une fois le dossier complété, nous avons entamé la consultation d’une série de services experts de l'État.

Le projet de l’A69 ayant un impact sur les monuments historiques, nous avons naturellement commencé par la consultation obligatoire des deux unités départementales d'architecture et de patrimoine (Udap) et poursuivi par celles de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie et des deux commissions locales de l'eau (Cle).

Dans la foulée, nous avons sollicité les contributions de services de l'État aussi divers que les DDT, la direction régionale des affaires culturelles, la Dreal et son unité départementale, l'Office français de la biodiversité (OFB) et l'Institut national des appellations d'origine (Inao).

Une fois l’ensemble de ces avis collectés et après vérification de la régularité du dossier qui nous a notamment permis de nous assurer que les études respectaient le cadre méthodologique prescrit et le triptyque ERC précité, nous avons adressé un avis de régularité au porteur de projet. L’avis de régularité est un document de plus cinquante pages, reprenant en annexes l’ensemble des avis formulés par les différents services.

Un dossier aussi volumineux a fait logiquement l’objet de nombreuses de remarques de forme et de cohérence interne, comme de remarques de fond.

Atosca nous a répondu en juin 2022, ce qui nous a fondés à déclencher la deuxième phase de l'instruction qu’est la saisine de l'Autorité environnementale.

La Dreal a consulté le Conseil national de protection de la nature (CNPN) dans le cadre de la dérogation espèces protégées, pour une réponse attendue à l'automne 2022.

À l’issue de la phase amont, du dépôt du dossier et de l'instruction administrative, il a été possible de lancer l'enquête publique qui a commencé à l'automne 2022 et s’est prolongée jusqu'au 11 janvier 2023. La dernière phase, survenue dans le courant du mois février 2023, a consisté en la remise du rapport du commissaire-enquêteur, en la prise en compte ou non des avis par l'autorité compétente sur le projet et en la signature du projet d'autorisation environnementale.

Voilà, très rapidement brossées, les différentes étapes expliquant peut-être ce sentiment d'allers-retours et de demandes incessantes de compléments. Le rôle de la DDT a précisément consisté à vérifier la conformité du projet aux six volets réglementaires et à eux seuls, à savoir :

-            l’autorisation environnementale ;

-            la dérogation espèces protégées ;

-            l’absence d’opposition aux incidences Natura 2000 ;

-            l’enregistrement des ICPE ;

-            l'autorisation de défrichement au titre du code forestier ;

-            l’autorisation au titre du code du patrimoine.

Il était difficile pour la DDT d'agir différemment de la réglementation, comme émettre des prescriptions non prévues par celle-ci, au risque de faire courir un risque juridique à ce dossier.

M. le président Jean Terlier. Merci pour cette introduction.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Monsieur Cuenot, je vous imagine parfaitement en mesure de nous transmettre les deux avis rendus par la Dreal en juin 2022, l’un par l'unité interdépartementale du Tarn et l’autre par la direction de l'aménagement ; deux avis que vous pourriez d’ailleurs nous résumer en substance.

Vous avez évoqué certaines réserves émises dans votre avis de régularité, réserves qui auraient été levées après la communication de certains documents. Considérez-vous que toutes vos réserves ont été effectivement levées et que les expertises fournies sur les zones humides et les espèces protégées sont de bonne qualité ?

De la même manière, nous faut-il considérer qu’il n’y a aucune préoccupation sur des sujets comme celui du rescindement de cours d’eau, du remplacement des arbres ou de l'artificialisation des terres agricoles au regard du triptyque ERC ?

M. Maxime Cuenot. Ma réponse est affirmative.

Tout service instructeur la DDT proposant à un préfet d'autoriser un projet considère ipso facto que l'ensemble de la phase ERC et que l'ensemble des mesures mises en place sont suffisantes, pertinentes et qu’elles ont respecté les méthodologies établies. Nos doutes éventuels, ainsi que nous avons pu en nourrir sur certains points, se traduisent ordinairement par des prescriptions intégrées à l'arrêté.

Sur le dimensionnement des ouvrages hydrauliques, par exemple, nous pouvons parfaitement demander au pétitionnaire de nous transmettre ses plans d'exécution trente jours avant leur mise en œuvre, pour nous assurer qu’il ne rencontre aucune difficulté dans le cadre de l'autorisation.

Mais il faut parfois se méfier des mots.

La question de l'artificialisation telle que vous l’avez évoquée, madame la rapporteure, avait été pointée dès le premier comité de suivi des mesures compensatoires. Le bureau d’études Biotope avait alors démontré que certains hectares, parmi les terres agricoles concernées, étaient aujourd’hui « anthropisés », c'est-à-dire que l’intervention humaine y avait abouti à une moindre biodiversité, ce que l'Autorité environnementale n’a d’ailleurs pas infirmé.

L'artificialisation à proprement parler relève d’un autre registre : le législateur a effectivement fixé un cap sur l’artificialisation nette à long terme, laquelle n’est pas une absence d'artificialisation, mais suggère de ne construire que là où c'est pertinent.

Je suis originaire d’un département héritant d’un passé fort dans le domaine de la fonderie, autrefois pratiquée selon un procédé utilisant la force motrice de l'eau et qui s'est depuis écroulée, laissant place à des friches industrielles en bord de voies d'eau, qui sont donc artificialisées.

Aujourd’hui, un certain nombre d’acteurs souhaitent aussi développer des plateformes logistiques à proximité de l'autoroute. Une question d’équilibre se pose donc entre l’arrêt de l'artificialisation et la volonté de construire mieux, là où le besoin existe, puis de renaturer ailleurs en contrepartie. Typiquement, il est possible de renaturer des friches industrielles, de retrouver des cours d'eau de bel aspect et, dans le même temps, de servir l'économie en autorisant la construction de plateformes là où le besoin existe.

En l’espèce, nous avons un objectif d'artificialisation et une enveloppe associée. Le législateur a réservé une partie de l’enveloppe à des projets d'envergure nationale et le ministre a justement proposé d’intégrer le projet d’A69 à cette enveloppe.

La DDT ne méconnaît aucunement l'artificialisation des sols, mais se dit simplement qu’il serait injuste, alors qu’il s’agit d’un projet d'intérêt supérieur, d’en laisser la charge exclusive à la petite communauté de communes qui le supporte. La charge sera donc reportée sur l’enveloppe nationale et globalement décomptée sur l'ensemble des droits nationaux et artificialisés.

En somme, ce projet respecte absolument l'esprit de la loi, telle que voulue par le législateur.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. J'entends bien l’importance pour certains élus locaux de faire entrer certaines zones dans l’enveloppe nationale et d’échapper aux contingences locales de l’artificialisation des sols, mais tel n’était pas le sujet de mon intervention.

Je réitère ma question. Confirmez-vous à la commission d’enquête que l’évaluation des mesures compensatoires a été correctement réalisée et que les plans de suivi et les plans de gestion des sites de mesure compensatoire – tels qu’ils vous ont été communiqués – correspondent bien aux évaluations réalisées et aux préconisations réglementaires émises ?

En outre, considérez-vous que toutes les zones humides existantes ont été qualifiées telles qu’elles devraient l’être ?

Les coefficients appliqués pour les terres agricoles sont-ils correctement calibrés au regard de la nécessaire compensation par d’autres terres agricoles ?

Vous n’êtes pas sans savoir qu’une partie des études a été contestée. Je vous demande donc confirmation que le projet respecte véritablement la réglementation, moins d’ailleurs sur l’observance des délais de remise de dossiers aux directions compétentes que sur celui de l'évaluation du nombre d'hectares qu'il conviendrait de compenser.

Vous nous indiquiez que l’ensemble de ces éléments étaient vérifiables, du moins qu’ils avaient été évalués dans le cadre des plans de gestion fournis à la DDT, l'arrêté interdépartemental faisant effectivement état de l’évaluation du plan de gestion par le comité de suivi des mesures compensatoires.

À quel moment avez-vous procédé auxdites évaluations, sachant le délai est fixé à six mois pour certaines et à trois mois pour d’autres ? Je pense au plan d'exécution du rescindement et aux 106 ouvrages provisoires de gestion des eaux fluviales 

M. le président Jean Terlier. Un premier élément de réponse pourrait être que le concessionnaire rappelé que l'artificialisation nette du tracé avait été limitée au maximum, soit une réduction d'un peu plus de 10 %, tout comme il a annoncé la renaturation de plus de 200 hectares.

Intervenez-vous sur ces aspects ? De quelle manière procédez-vous en la matière ?

M. Maxime Cuenot. Je ne peux revenir qu’à ma première réponse. Dès lors qu’un service instructeur soumet une autorisation à la signature d'un préfet, c'est qu’il considère que l'ensemble des études ont été menées correctement, que les mesures sont bien proportionnées ; lorsque le doute subsiste, nous demandons formellement que les éléments nous soient précisés avant l'exécution.

Les plans d'exécution nous sont transmis au fur et à mesure de l'avancée des travaux et selon les délais fixés dans l'autorisation. En l'occurrence, les plans de gestion des sites de mesure compensatoire nous ont été transmis dans le délai de six mois et sont en cours d'examen conjoint par la DDT – et la Dreal sur l’aspect des compensations pour les espèces protégées. Nous n’avons pas encore pris de décisions sur l'ensemble des plans de gestion des sites de mesure compensatoire.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Ces plans de gestion doivent pourtant vous être transmis trente jours avant et pas au fur et à mesure de la réalisation des travaux.

M. Maxime Cuenot. « Au fur et à mesure », dans le sens où tous les travaux ne sont pas réalisés au même moment.

Je n'ai pas le détail de ces plans de gestion. Les premiers d’entre eux nous ont assurément été transmis trente jours avant la réalisation des travaux.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Confirmez-vous donc avoir donné votre aval en amont de la réalisation des travaux ?

M. Maxime Cuenot. Je vous le confirme.

M. le président Jean Terlier. Il s’agit d’une procédure finalement assez classique. Au fur et à mesure de l'avancée des travaux, le concessionnaire vous communique les éléments, ce qui vous permet d'apprécier la réalisation concrète desdits travaux et de vous assurer du respect des objectifs.

M. Maxime Cuenot. Tout à fait, à ceci près que ce projet ne peut être qualifié de classique, notre DDT n’ayant aucune référence relative à un projet d’une telle envergure qu’elle aurait instruit.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Ce ne sont pourtant pas les autoroutes qui manquent en France.

M. Maxime Cuenot. Certes. Peut-être que, dans les années 1950, ceux qui nous ont précédés construisaient avec moins de précaution, mais Patrick Berg vous l’expliquera sans doute bien mieux que moi.

M. Patrick Berg. Je me propose effectivement de compléter la réponse de mon collègue.

La stratégie de compensation est l’un des dispositifs du projet qui a été examiné de très près. La compensation des espèces est un sujet relevant de la Dreal, bien qu’il existe une forte interface entre nos deux services sur les zones hydrauliques, s’agissant des espèces inféodées aux milieux aquatiques. Concrètement, il y a eu deux dossiers.

Un premier dossier a été réceptionné par la DDT à la mi-janvier 2022 et par la Dreal le 24 janvier 2022. La Dreal a alors formulé une série d'observations sur les paysages, les centrales d’enrobage et la protection stricte des espèces.

Le 15 avril 2022, j'ai signé et transmis à la DDT un avis lui offrant une visibilité complète des points d'amélioration à apporter sur ce premier dossier. Il s’agissait d’autant de points évoqués à plusieurs reprises en comité de suivi des mesures compensatoires, au demeurant, et parmi lesquels je citerai la pression d'inventaire, l'évaluation des enjeux, l'évaluation des impacts ou encore la méthode de compensation. Cet ensemble d'observations a concrètement conduit Atosca à réviser son dossier.

Un second dossier nous est alors parvenu le 8 juin 2022, me semble-t-il. Celui-ci s’est avéré bien plus consistant, plus construit et bien plus satisfaisant.

Au passage, son existence même révèle à mon sens le fait que la Dreal n’officie aucunement dans une « tour d’ivoire » d’où elle resterait inactive lorsque lui parviennent des dossiers incomplets. Il faut bien faire du rétrofit, signaler les points incomplets, irréguliers, voire insatisfaisants, ce à quoi nous nous employons. La qualité globale du projet fait l’objet d’un débat sous-jacent à celui de la conformité juridiquement parlant. Il s'agit in fine d'aboutir à un dossier conforme et de qualité.

La réception de ce second dossier a donc permis à la Dreal de saisir le CNPN, qui a rendu son avis le 12 septembre 2022.

À mon sens, le point de basculement vers une stratégie robuste de compensation aura été le mémoire renvoyé en réponse par Atosca, en date du 20 octobre 2022, qui se trouve être un document extrêmement consistant ; que j’assimilerais d’ailleurs à une sorte de mise par écrit du comité de suivi des mesures compensatoires, qui s’était tenu en juillet 2022.

Je m’y étais rendu personnellement, d’autant que l’ordre du jour prévoyait que le bureau d’études Biotope présenterait sa méthode d'analyse des enjeux et de fixation des compensations. Sans pour autant être spécialistes de la méthode en question, dite « méthode miroir », celle-ci nous a paru de bonne pratique et nous avons encouragé Biotope à poursuivre dans ce sens.

Dans la foulée du mémoire précité du 20 octobre, le ministre a rendu un avis conforme au sujet de la loutre d'Europe.

Je rappelle ici qu’en cas d’avis négatif du CNPN sur une espèce protégée, il n’est possible d’aller plus avant qu’à la condition d’un avis conforme du ministre. Tel a été le cas au début du mois de novembre 2022, ce qui nous a permis de transmettre le dossier au conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst).

L’arrêté du 1er mars 2023 – qui a fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif – a précisé la totalité des emprises impactées, la liste des sites de compensation, ainsi que le calcul en unité de compensation.

Ledit coefficient résulte d’une combinaison entre l’impact sur les habitats concernés, la valeur de l’enjeu (c'est-à-dire de l'espèce) au regard des classements de l'Union internationale pour la conservation de la nature et la réalité de la présence de cet enjeu sur le terrain concerné, au vu des inventaires et de la bibliographie.

Il résulterait de ce calcul, appliqué à la totalité des sites de compensation, qu’un impact de 352 hectares équivaudrait à environ 424 hectares de compensation.

Je pondérerais néanmoins ce chiffre, car s’agissant de « surcompensation » comme j’en entends parfois parler, il ne convient pas de raisonner en hectares, mais en « unités de compensation ». Nous aurions donc besoin de 424 hectares pour compenser l’impact prévu sur 352 hectares.

Au-delà de cette équivalence chiffrée, les réunions sur le terrain du comité de suivi des mesures compensatoires serviront à préciser les données avec les parties prenantes, à exposer le point de départ et à évaluer progressivement l'efficacité des mesures compensatoires. Un débat subsiste d’ailleurs au sujet de leur durée.

En conséquence, j’estime que le concessionnaire Atosca et le bureau d’études Biotope ont rendu un dossier de qualité ; dossier se trouvant être prescriptif autant que l’arrêté qui l’approuve. C'est pourquoi, en mon âme et conscience, j'ai proposé au préfet la signature de la partie relative aux espèces protégées.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Vous indiquiez que les plans de gestion étaient en cours d’examen, ce qui laisse à penser que la phase d’évaluation n’est pas encore terminée.

M. Patrick Berg. Nous sommes concernés par vingt-trois plans de gestion. L'arrêté prévoit qu'ils soient fournis sous un délai de six mois, l'administration n’ayant pas de délai pour les instruire.

Le 27 décembre dernier, j’ai approuvé les plans de gestion et assorti ma réponse de plusieurs observations. Celles-ci ont essentiellement porté sur des modalités d'exécution et sur certaines durées d'engagement de compensation, ce dernier point étant encore en discussion avec Atosca, dont j’attends les réponses définitives.

Je n’ai toutefois pas été en mesure d’approuver le plan de gestion du Bernazobre au motif que ce site, avant d’être un sujet de compensation pour les espèces inféodées, est une zone humide relevant de la compétence de la DDT dont il me fallait, par conséquent, attendre qu’elle se positionne.

Je dirais enfin que l'important, sur la compensation, qui commence déjà à se déployer, est désormais d’en évaluer les effets tout au long de sa mise en œuvre et de s’assurer que les dispositifs compensatoires sont efficaces et conformes aux prévisions.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Pardonnez-moi, mais il me semblait que vous disiez plus haut que les plans de gestion étaient en cours d'examen et je crois maintenant comprendre que vous les avez signés.

M. Patrick Berg. Deux services sont censés réagir et, pour sa part, la Dreal a répondu le 27 décembre dernier sur la partie des espèces protégées relevant de sa compétence.

M. Maxime Cuenot. Je ne pourrai pas vous donner en séance le détail des plans de gestion déjà approuvés par la DDT et de ceux encore en discussion. Je pourrai néanmoins en fournir le détail à la commission d’enquête.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je vous en remercie.

En substance, ma question est de savoir si ce qui a été prévu pourra être mis en œuvre.

Je pense notamment aux stocks de terres agricoles et aux autres zones humides dont la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) dispose, sujet évoqué au sein de cette commission d’enquête avec les chambres d’agriculture et les syndicats agricoles.

Selon les chambres d'agriculture, la Safer ne disposerait pas d’un stock suffisant. Son obtention peut naturellement être assurée par la Safer, le concessionnaire, par le biais d’expropriations en cours ou à venir ou par des négociations avec des agriculteurs ou autres.

Imaginons que vos services aient tout parfaitement évalué et que chaque zone ait été reconnue au titre de ce qu'elle est réellement géologiquement parlant. Avez-vous la certitude que les mesures compensatoires pourront être mises en œuvre de manière pratique, c’est-à-dire en disposant de réserves foncières suffisantes pour ce faire ?

M. Maxime Cuenot. L’un des aspects importants du dossier est effectivement la maîtrise foncière.

Maîtrise foncière ou pas d’ailleurs, certaines compensations passent par les « obligations réelles environnementales » (Ore) qui se déclenchent par contractualisation à la différence d’une prise de possession foncière.

NGE Atosca finalise actuellement ses pourparlers avec les différents propriétaires des sites qu'elle convoitait en vue des compensations. Lors du dernier comité de suivi, Atosca nous annonçait avoir quasiment achevé l'acquisition foncière des terrains qu’elle visait. Elle détiendra donc la maîtrise foncière de la dernière parcelle destinée aux compensations à partir du 20 avril 2024.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. À ce stade des travaux ?

M. Maxime Cuenot. Je parlais de l'ensemble des travaux.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Évoquez-vous la totalité des travaux en vue d’une ouverture en 2025 ?

M. Patrick Berg. Lors du comité des mesures compensatoires du 1er février 2024, l’un des tableaux projetés a précisé, site par site, l'état actuel de la maîtrise foncière d’Atosca.

Il est apparu qu’un grand nombre de sites étaient déjà maîtrisés à 100 %, que certains l’étaient de 70 à 75 %, avec des perspectives assez rapides d’évolutions et qu’en tout état de cause, Atosca détiendra la pleine maîtrise foncière au mois d’avril.

La maîtrise foncière s’obtient soit par acquisition, soit par location, soit par la mise en place d'une Ore, cette dernière ne modifiant pas la propriété du terrain.

L’Ore n'est pas une servitude d'urbanisme, pas plus qu’elle ne figure dans le plan local d’urbanisme (PLU). Elle est attachée à la parcelle sous le régime du droit civil et maintenue en cas de changement de propriétaire. Il s’agit d’un dispositif résultant de la loi biodiversité de 2016, qui se révèle à mon sens très intéressant.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Pourrez-vous nous le communiquer dans le cadre de vos réponses écrites ?

M. le président Jean Terlier. De quelle manière diffusez-vous les comptes rendus des comités de suivi des mesures compensatoires ?

M. Patrick Berg. Les comptes rendus sont envoyés à l'ensemble des participants du comité.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je souhaiterais maintenant aborder la question des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi).

Notre commission d’enquête a auditionné des maires de communes impactées par le projet, notamment celles où des centrales d’enrobage seront localisées.

Les PLUi concernés avaient été modifiés en 2019, sachant que l'arrêté interdépartemental impose leur mise à jour. En l’espèce, de nouvelles modifications étaient à prévoir à la suite du contrat de concession et de ses multiples conséquences.

À partir des éléments très concrets que vous nous présentez, considérez-vous que les PLUi ont été correctement mis à jour et si tel n’était pas le cas, comment se fait-il que les procédures n'aient pas été engagées ?

Par ailleurs, pour quelle raison le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), qui est pourtant le document-cadre lorsqu’il s’agit de mise à jour des PLUi, ne mentionne pas l’A69, alors que des travaux ont manifestement été engagés ?

M. Patrick Berg. D’emblée, je rappelle que le Sraddet est un document régional, tandis que le PLUi est conçu à l’échelle départementale.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je ne l’ignorais aucunement. C’est d’ailleurs la raison de votre double invitation devant cette commission, M. Berg, aux côtés de M. Canot.

M. Patrick Berg. Le Sraddet est donc un document-cadre dont on s'étonne parfois qu'il n'ait pas le même degré de précision que d'autres schémas directeurs régionaux. Pour d’évidentes raisons de densité, les Sraddet de nombreuses régions ne dispensent pas le même « degré d'exigence cartographique » que celui d’Île-de-France, ce qui n’en amoindrit aucunement la valeur.

Le Sraddet est élaboré par le conseil régional. L'État est un membre associé obligatoire, mais c'est bel et bien la région qui est à la manœuvre. Je vous suggère donc de l'interroger sur le contenu du Sraddet.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Nous n’y manquerons pas.

M. Patrick Berg. Je précise encore qu’au moment du lancement du Sraddet, en 2016, un premier « portail connaissances juridiques » avait été ouvert, comme de coutume, puis un second en 2017 et que la première note d'enjeu alors diffusée reprenait l'ensemble des projets d'infrastructures identifiés dans le panorama régional de l'époque et le projet de l’A69 en faisait partie.

J’ajoute que la région n’est pas tenue juridiquement de faire apparaître une carte des infrastructures dans le Sraddet. Pour autant, le Sraddet chapeaute bien l'ensemble des documents d'urbanisme : les Scot et les PLU. La mise en conformité se passe au niveau du PLU et ce sont effectivement des actes que prépare la DDT.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Un Sraddet a effectivement été adopté en juin 2022, bien que la DUP lui soit très antérieure. Ce document pourrait servir de base de discussion et d'échange, voire de support-cadre des PLUi à venir.

M. Patrick Berg. À ma connaissance, ces questions d'infrastructures figurent dans certains documents du Sraddet.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Elles ne figurent dans aucune carte.

M. Patrick Berg. Il me semble que le rapport environnemental y fait allusion. Quoi qu’il en soit, cela n'entache aucunement le Sraddet ni sa validité au regard des Scot et du PLU. Tout figure dans les textes relatifs au Sraddet et sans parler en son nom, je pense que le conseil régional maîtrise bien son sujet.

M. Maxime Cuenot. En réponse sur le volet de l'urbanisme, une autoroute ne nécessite pas d'autorisation d'urbanisme. L’A69 a bien été identifiée comme « espace réservé » dans les documents d'urbanisme de l'ensemble des communes, du PLU au PLUi, notamment par la mise en compatibilité emportée par la DUP.

Par souci de sécurité, nous nous assurions encore récemment que l'emprise n'ait pas varié à tel point qu’il soit nécessaire de remettre en cause les documents d'urbanisme existants. Il se trouve que les emplacements réservés nous ont paru rester cohérents avec le tracé final de l’autoroute.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Dont acte.

Voilà qui répond effectivement à une question que je me posais. J’en aurai d’autres, mais à la suite de mes collègues au sein de cette commission.

M. le président Jean Terlier. La parole est à Mme Karen Erodi.

Mme Karen Erodi (LFI-NUPES). Monsieur Berg, ma question concerne le site dit de la « Crem’Arbre », sous l’angle du déclassement et de la poursuite actuelle des travaux.

La parcelle sur ce site, situé à Saïx, a été classée à fort enjeu environnemental par un arrêté préfectoral du 1er mars 2023, ce qui interdit son défrichement jusqu'au 1er septembre prochain. Or Atosca a effectivement procédé au défrichement de cette parcelle à partir du 15 février dernier.

La préfecture a été alertée du caractère illégal de ce défrichement. Les associations environnementales, par l'intermédiaire de leur avocate, de ma collègue Anne Stambach-Terrenoir, députée de Haute-Garonne et de moi-même, avons demandé à la préfecture du Tarn sur quel fondement juridique des défrichements pouvaient avoir lieu. Dans un premier temps, nous n’avons obtenu aucune réponse.

Le 24 mars dernier, le préfet nous répond finalement que, je cite, « conformément à l'arrêté du 1er mars 2023, les coupes d'arbres sont interrompues jusqu'au 1er septembre 2024 ». Comment expliquez-vous une telle confusion quant au statut de la parcelle ?

Comment expliquez-vous que, sur un signalement de non-respect des mesures environnementales par Atosca, la Dreal ne réponde ni aux demandes des associations environnementales, ni à celles des députés ? Sur quelles bases légales et matérielles une révision à la baisse des mesures de protection et des statuts des parcelles aurait-elle pu avoir lieu ?

Pouvez-vous nous communiquer dès aujourd'hui toutes les pièces administratives relatives au statut de site de la Crémade : rapports de l'écologue, rapports de l'OFB, pièces réclamées par les associations et par les élus locaux ?

M. Patrick Berg. Madame, j’ai déjà largement exercé mes responsabilités et j’ai une idée assez précise de ce que j'ai fait sur ce point en particulier.

Je sais aussi les prises de position assez blessantes qui ont été prises à l’encontre de la Dreal, certains ayant même été jusqu’à parler de corruption. Il m’a fallu informer le procureur de Toulouse de ces propos extrêmement graves et blessants pour mes équipes et moi-même.

Je dirige un service public de 700 personnes et, à cet égard, parler de corruption est un peu grave.

En janvier dernier, une bombe a tout de même été disposée dans les locaux de la Dreal par des militants se désignant comme « antienvironnementaux ». Entre me faire insulter d’un côté et faire face au dépôt d’une bombe dans mes locaux de l’autre, je me dis que je suis peut-être au bon endroit… Il m’a fallu faire « un peu » de management en interne.

Je respecte profondément mes collaborateurs et, par la même occasion, je leur tire mon chapeau pour la qualité de leur travail et de leur engagement.

En réponse à votre interrogation sur la « Crem’Arbre », l'autorisation environnementale est extrêmement claire en ce qu’elle décline un certain nombre de dates autorisées pour l'abattage des arbres, en l’occurrence du 1er septembre à mi-novembre.

Il existe encore des mesures d'évitement prescrivant que certains arbres ne soient pas abattus. Les arbres situés en revanche sur le tracé de la borne DUP seront abattus.

C'est bien une mesure de réduction des impacts que de prévoir des dates d'abattage perturbant le moins possible le cycle de vie des quatre espèces concernées, en l’occurrence les chiroptères (qui sont tous protégés), les oiseaux (dont la grande majorité est protégée), l’écureuil roux et les insectes saproxyliques, qui se développent au sein d’arbres sénescents.

L'arrêté du 1er mars 2023 prévoit la possibilité pour Atosca de saisir la Dreal, service instructeur des questions relatives aux espèces protégées, pour demander la requalification du niveau d’enjeu – plus ou moins fort – d’un secteur et une validation en vue de l’abattage d’un certain nombre d’arbres dans le cadre de ses activités.

Cela suppose évidemment qu'Atosca en fasse la solide démonstration, notamment au regard de l’enquête publique ; enquête publique que je crois essentielle. Peut-être parce que je suis un ancien fonctionnaire du ministère, je vois l’enquête publique comme l'authenticité du « porter à connaissance » du public et le moment pour lui de s’exprimer, ce qui me paraît être une base essentielle.

En fonction de l'enquête publique, le pétitionnaire peut apporter de nouveaux éléments (nouvelles visites d’écologues, cartographies, etc.) et nous proposer, tout bien considéré, le déclassement d’un secteur ou un autre. Pour envisager une validation, il lui faut vraiment apporter des éléments très différents de ceux transmis lors de l'enquête publique.

Le jeudi 15 février dernier, j'ai été saisi par Atosca d'un dossier que nous avons examiné en urgence et auquel nous avons finalement répondu le mardi 20 février. En substance, j’ai refusé le déclassement d’un certain nombre de secteurs proposés par Atosca. N’ayant aucun élément sur la Crémade, par ailleurs, je ne risquais pas de répondre quoique ce soit.

C’est à ce moment précis que l’association que j’évoquais a cru bon de répandre des propos calomnieux sur la Dreal, allant jusqu’à parler de corruption, ce que j'ai trouvé assez surprenant. Je ne sais pas qui a pu lui dire que la Dreal avait validé je ne sais quoi. Ma réponse a bien été celle que je viens juste d’énoncer à la commission, à savoir que je n’étais pas en mesure de répondre en l’absence d'éléments sur le secteur de la Crémade en particulier.

J’ai ensuite demandé à Atosca de produire un dossier plus sérieux, plus solide et plus étayé. Le 22 février, je recevais une simple page m'expliquant, de mémoire, qu’un boisement comptait sept arbres « à enjeu » et cinquante-quatre arbres « sans enjeu », mais en l’absence de carte et de conclusion d'écologue, le 23 février, je répondais à Atosca que les éléments transmis étaient insuffisants.

La semaine suivante, je recevais à nouveau une somme d'éléments qui m’ont paru aussi peu démonstratifs que conclusifs.

Il m’a d’abord été indiqué qu’une partie des arbres du secteur aurait été coupée à l’automne 2023, soit à une période autorisée par l'arrêté, mais que d’autres arbres l’auraient été au mois de février, ce qui n'a aucunement été validé par mes services. Il m’a par ailleurs été indiqué que, pour solliciter une autorisation d'abattage dans le cadre de la disposition de l'arrêté, les nids trouvés auraient été retirés et que des cavités à chiroptères auraient été obturées.

L'arrêté prescrit pourtant à quiconque trouve un nid de ne pas intervenir avant le 1er septembre. La même précaution s’applique aux cavités à chiroptères. Elle me paraît tomber sous le sens, pour ainsi dire, bien que ne figurant pas dans l’arrêté.

Le mardi 5 mars dernier, je répondais à Atosca qu’au vu des informations à ma disposition, je ne serais pas en mesure de valider quoi que ce soit sur le secteur de la Crémade. Je n’ai donc validé aucun abattage d’arbre sur la Crémade. En conséquence, les arbres sur ce site ne devront pas être coupés avant le 1er septembre prochain.

Mon courrier de réponse comportait une suite car un rapport de manquement administratif a été adressé à Atosca le jeudi 7 mars dernier. Dans la réponse qui vient de me parvenir, Atosca indique ne pas partager mon analyse.

Je laisse à mes équipes le soin d’analyser la réponse d'Atosca qui, à ce stade, ne m'a aucunement convaincu. Je verrai ensuite les conséquences à en tirer. Il existe, comme vous le savez, une large gamme de possibilités, des mesures administratives aux mesures judiciaires, que je me réserve de soumettre à qui de droit, selon les résultats de l’analyse de la réponse d'Atosca par mes équipes.

Ici, je me dois de déplorer le trop grand nombre de courriels quotidiennement reçus par la Dreal. Je ne crois pas que « bombarder » la Dreal de courriels soit de bonne pratique, tant pour le bon fonctionnement des services publics que des conditions de travail de mes équipes et des miennes. Il convient de respecter notre temps de travail.

Enfin, j’ai été saisi d'un certain nombre d'indications quant à des travaux encore en cours en fin de semaine dernière, dont j’ai compris que d’aucuns estimaient qu’ils auraient abîmé le système racinaire des arbres.

Un bosquet comporte évidemment un système racinaire qu’il ne faut pas abîmer, ce qui, à nouveau, tombe sous le sens. Néanmoins, la Dreal n’est pas un corps de contrôle opérant des constats sur place, à la différence de l'OFB, qui détient pour sa part cette compétence. A priori, l’OFB devrait être saisi et j’en tirerai éventuellement les conséquences.

Mme Karen Erodi (LFI-NUPES). Je vous remercie pour vos réponses.

Je tiens à préciser que les élus n'ont ni insulté ni dénigré les services de la Dreal. Nous officions ici comme députés et non en tant qu’associations environnementales.

Vous évoquiez l’OFB, lequel a justement commandé un rapport à un écologue sur la Crémade. Ce rapport a été transmis à la Dreal au début de février 2024, pour envoi à la préfecture. La demande ayant été faite le 16 février, comment expliquez-vous les difficultés d’accès à ces documents ?

Les abattages illégaux se poursuivent et le système racinaire des arbres est déjà abîmé. Comment expliquez-vous que le chantier ne soit pas mis à l’arrêt, a minima sur cette zone, dans l’attente de disposer de tous les rapports requis ?

Si je ne me trompe pas, vous êtes encore en attente des compléments demandés à Atosca au motif que les éléments qu’il a apportés, concernant ces faits, vous ont paru insuffisants.

M. Patrick Berg. En qui concerne la Crémade, pour moi, le dossier est clos. J'ai répondu, le 5 mars, que je ne validais pas le déclassement en secteur à « moindre enjeu ». En conséquence, ces arbres ne doivent être ni endommagés ni abattus avant le 1er septembre. Il n'y aura plus d'autres expressions vers Atosca.

Sur la communication des documents, je travaille avec une équipe dont le plan de charge est assez consistant. Le service chargé d'assurer la relation avec toutes les parties prenantes est la préfecture du Tarn. Les documents que nous produisons de concert sont d'ailleurs réalisés sous son autorité, ainsi que le confirment les en-têtes.

La préfecture du Tarn dispose des moyens qui lui sont alloués pour son action consistant à porter à connaissance l'ensemble des éléments. Un service internet est d’ailleurs en cours de mise au point. Pour ma part, le dossier est clos.

Les assertions selon lesquelles les travaux de préservation de ce bosquet endommageraient les systèmes racinaires m’ont été signifiées par voie de messagerie. Je ne me suis pas rendu sur place.

Il me semble a priori qu'on est en mesure de faire une différence entre des travaux de protection d'un bosquet et des travaux d'abattage, mais je ne prendrai pas position sur la nature de ces travaux tant que l’OFB ne se prononcera pas.

M. le président Jean Terlier. La parole est à madame Sylvie Ferrer.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NUPES). Merci, monsieur le président. Sur la compensation, monsieur Berg, nous avons auditionné quelques scientifiques et notamment M. Cassou, climatologue et coauteur du sixième rapport du GIEC. Celui-ci nous a informés, sur la base d'une étude menée sur vingt-quatre projets d'infrastructures en Occitanie et dans les Hauts-de-France, que les objectifs ne seront pas atteints dans 80 % des cas. Je reste donc assez perplexe quant aux possibilités réelles de compensation.

En outre, sur les vingt-quatre sites de compensation existants, seulement quatorze plans de gestion ont été présentés au comité de suivi des mesures compensatoires du 1er février 2024. Pourquoi les dix autres plans de gestion n'ont-ils pas été validés par la Dreal, sachant que le site 15 a été supprimé ? Quand prévoyez-vous de transmettre les dix plans de gestion manquants ?

M. Maxime Cuenot. Je donnerai deux éléments de réponse.

Le premier est que NGE Atosca est soumis à une obligation de résultat, fixée par l'arrêté. Ce n’est pas « une parole en l’air ». Cette obligation fait l’objet d’un suivi régulier en comité de suivi des mesures compensatoires, également prévu par l'arrêté.

Pour rappel, ledit comité mobilise des associations de défense de l'environnement, des professionnels de l'eau, notamment des syndicats d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), et de services de l'administration. En somme, un contrôle certain sera exercé sur l'efficacité et la réalité des compensations qui seront apportées.

Quant aux plans de gestion, certains nécessitent effectivement des échanges entre la Dreal et la DDT, d’abord pour vérifier que chaque plan répond à toutes les compensations auxquelles il est censé répondre, ce qui génère une certaine complexité.

Les plans de gestion ont été déposés dans les temps et sont encore en cours d'examen conjoint par nos deux services.

M. le président Jean Terlier. Sommes-nous bien d'accord que, sur la procédure, Atosca prévoit de la « surcompensation » environnementale ?

Je sais que M. Berg n’aime pas ce mot, qui signifie à mon sens qu’Atosca procédera bien aux restaurations imposées, notamment des zones humides, que vos services le vérifieront au sein du comité de suivi et qu’enfin, dans le cas où la compensation envisagée ne fonctionnerait pas, Atosca se devrait de compenser par ailleurs, compte tenu de son obligation de résultat.

M. Maxime Cuenot. C'est exactement cela. Je précise en outre que les taux de compensation sont fixés par le dossier des engagements de l'État.

Autrement dit, c'est un engagement de l'État que de compenser à 200 % les zones à enjeu notamment, parfois au-delà de ce que les Sdage ou les Sage locaux demandent. C’est peut-être en ce sens, madame la rapporteure, que vous parliez de « surcompensation ».

M. le président Jean Terlier. Lorsque les taux de compensation excèdent 100 %, on peut se permettre un tel « excès » de langage.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Sachant que la « surcompensation » n'existe pas juridiquement.

M. Patrick Berg. Je précise mon propos. La seule lecture des colonnes « Surfaces impactées » et « Surfaces compensées », 352 hectares d’un côté et 424 hectares de l'autre, ne suffit pas pour déduire le type de surcompensation. Elle peut donner le sentiment d'une surcompensation en hectares alors qu’il est en réalité question d’une équivalence écologique.

Tel est le sens de l'article L. 163-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023, pour y introduire les questions de l’équivalence écologique et de la proximité fonctionnelle.

En réalité, tout dépend de la manière dont l’espèce habite les emprises, de l'enjeu de l'espèce dans le classement UICN et, surtout, de la présence réelle des espèces sur les emprises dont il est question.

Mme Arrighi évoquait l’annonce d’Atosca de la replantation de « cinq fois plus d'arbres ». Je pense qu’il convient de laisser à cette société le soin de conduire sa communication. A priori, ce ne pourra pas être « cinq fois plus d'arbres », car tout dépendra justement des arbres, des essences, des densités des plants et des habitats.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NUPES). Faut-il en déduire que tous les sites de compensation ne sont pas encore connus ?

M. Patrick Berg. Le détail des sites figure dans l’arrêté, à l’instar de celui des fonctions de chaque site. Le comité de suivi du 1er février dernier a permis de donner la visibilité des désignations et des surfaces de chacun de ces sites, et du rapport entre les 424 hectares de compensation et les 352 hectares. Cela a aussi permis aux membres du comité de suivi de prendre connaissance et d’apprécier le degré de maîtrise foncière.

Après le sujet de la maîtrise foncière, qui ne devrait plus avoir cours dès le mois d'avril, il nous incombera de réussir ensemble le déploiement effectif des mesures de compensation et surtout l'évaluation de leur efficacité.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je vous remercie d'abord d'avoir clarifié précisément le rôle de la Dreal et la nature de ses alertes. J’en déduis que vous avez évidemment informé la préfecture et le préfet du Tarn de l'ensemble de ces éléments et de vos réponses à l’ensemble des éléments apportés par Atosca.

M. Patrick Berg. J’exerce cette responsabilité sous l'autorité du préfet du Tarn. Lorsque le préfet du Tarn communique en indiquant que « tels arbres ne pourront être coupés avant le 1er septembre », il me semble exprimer, d'une manière résumée, le courrier de trois pages que j'ai adressé le 5 mars dernier à Atosca.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je vous pose la question car, en tant que rapporteure de la commission d'enquête et dans la suite de la demande que je vous avais formulée, j’ai adressé un premier courrier à vos services, le 27 février 2024 et un second au préfet du Tarn, le 13 mars 2024.

J’ai effectivement demandé précision des bases juridiques sur lesquelles se fondait le préfet pour déloger les écureuils roux occupant le bois de la Crémade, dans un courrier à ce jour resté sans réponse de sa part. C'est pourquoi j'insiste, de sorte à m’assurer que vous avez bien informé la préfecture du Tarn de vos réserves sur le sujet, ce dont je ne doute pas.

La dérogation est désormais levée, en raison de l’arrivée des mésanges mais en tout état de cause, vous aviez formulé les alertes qui convenaient, pour que cette parcelle ne soit pas déclassée antérieurement à cette arrivée. Il s’agissait de bien m’assurer de votre propos au regard de la première demande que j'ai envoyée au préfet et de la future demande de même nature que je ne manquerai pas de lui soumettre.

Ma deuxième question, qui a trait aux zones humides et aux besoins en eau du chantier, s’adresse plutôt au département du Tarn.

Le sujet de la quantité d'eau est extrêmement préoccupant – tout comme celui de sa qualité tout aussi préoccupante, mais c'est un autre débat.

Les zones humides bénéficient logiquement d'un coefficient de compensation particulièrement important, pour tenir compte de l’enjeu environnemental déterminant qu’elles représentent. Rien ne garantit qu’une zone humide présente depuis des siècles se reconstituera à l'endroit précis où la volonté humaine l’aura souhaitée. Il convient évidemment d’arrêter de parler de « surcompensation » à leur sujet, qui revient à nier la réalité écologique et leur apport dans notre cadre de vie.

Les besoins en eau du chantier s’élèvent à 120 000 m3 par an. En l’apprenant, j’ai immédiatement alerté les chambres d’agriculture, les syndicats agricoles et autres agriculteurs de ces volumes qui semblaient leur avoir échappé, mais dont j'imagine que vous les avez parfaitement en tête.

Je vous demanderai donc confirmation de l’existence d’un suivi régulier des besoins en eau, de nous préciser également la façon dont s’exerce ce suivi et enfin, d’évoquer les modalités d’intervention de la police de l'eau s’il s’avère nécessaire d’interrompre tout prélèvement. Afin de prévenir les conflits d'usage, notamment entre l’agriculture et l'alimentation en eau des populations tarnaises, il s’agirait que les prélèvements ne soient pas excessifs et ne servent pas non plus à arroser des routes, ainsi que cela a été observé à certains endroits, comme le montrent des photographies.

Ma dernière question est relative aux études d'impact, à la suite des prélèvements de matériaux qui seront nécessaires à la construction de cette autoroute. Selon les estimations, 53 kilomètres de l’autoroute nécessiteraient 440 000 m3 de matériaux ; ce volume, rapporté au nombre et aux types de camions circulant habituellement sur nos routes, équivaudrait à 40 000 passages de poids lourds dans les deux sens. Disposez-vous de ces éléments et, si tel n’est pas le cas, les corroborez-vous ?

Les émissions de CO2 ont-elles été évaluées par l'étude d'impact ?

M. le président Jean Terlier. S’agissant de la demande de Mme la rapporteure sur les différents courriers qui vous ont été adressés, monsieur le directeur, exigeant de vous la transmission d’un certain nombre de documents, je tenais à rappeler que nous sommes ici dans le cadre d'une commission d'enquête.

Une commission d’enquête est assurément dotée de certaines prérogatives, mais pas encore celle de remplacer l'inquisition, pas plus que celle de transmuer une procédure administrative en procédure judiciaire, vous obligeant à communiquer un certain nombre de documents en dehors des procédures relevant de votre compétence.

Les procédures sont bien cadrées. Vous y avez répondu en communiquant avec la préfecture du Tarn et elles suivront leur cours. Nous l'avons bien entendu et je vous laisserai répondre à cette partie de la question.

Je tenais néanmoins à vous l’indiquer et à le rappeler à l'attention de mes collègues ; cette commission d'enquête ne peut servir à un quelconque détournement de procédures. Une commission d'enquête n'est pas toute puissante et ne peut se substituer ni à la justice ni même au procureur.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Il se trouve que la justice se prononcera malheureusement à l'issue de ce rapport.

M. le président Jean Terlier. Je dirais plutôt « heureusement ».

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je ne vois pas en quoi les demandes formulées jusqu'à présent sortiraient du cadre de la commission d'enquête ; je les maintiens.

M. Maxime Cuenot. Je commencerai par la question sur les matériaux et les rotations de poids lourds. Je rappelle que la mission de la DDT est d'instruire l'autorisation environnementale sur les champs qu'elle couvre.

Dès lors qu’il n’existe aucune carrière dans le dossier, le volume des « mouvements de terre », comme on les appelle pour des chantiers routiers, n’est réglementé d'aucune manière. Je ne puis donc vous répondre précisément sur ce sujet, qui n’est repris ni dans les prescriptions ni dans les autorisations que nous avons délivrées.

Les besoins en eau du chantier, pour rappel, avaient été estimés à 150 000 m3 par le premier dossier et à 120 000 m3 par le second qui, comme le décrivait plus haut M. Berg, a marqué un réel saut qualitatif.

Les besoins en eau seront assurés par deux moyens : les bassins d'assainissement du chantier (temporaires ou définitifs), à savoir les bassins déconnectés du milieu qui récupèrent les eaux de ruissellement, et les lacs d'irrigation, qui préexistaient et qui sont mis à la contribution par convention.

En réponse à votre question, les membres de l'association syndicale autorisée (Asa), propriétaires de ces retenues, devraient avoir connaissance des volumes précis qu’ils ont accordés à Atosca pour s'approvisionner en eau dans leurs lacs.

Selon le retour récent reçu de la part d’Atosca, la consommation réelle du chantier s’établirait à 30 000 m3 en 2023, soit un volume largement en deçà du besoin et réparti pour moitié entre les deux sources que je citais.

Comment vérifions-nous a posteriori l'absence de risque sur la gestion quantitative de l'eau ?

En premier lieu, s’agissant des eaux de ruissellement collectées et rabattues sur le chantier, il n'y a pas vraiment de sujet sur le plan quantitatif ; l’eau est initialement collectée et finalement réinjectée au même endroit. Les prélèvements effectués dans les Asa sont réalisés à l'intérieur des volumes de prélèvements autorisés pour l'irrigation par chacune des Asa. Ce ne sont donc pas des volumes supplémentaires.

En second lieu, nous avons demandé l’installation de compteurs divisionnaires, toujours dans le cadre de l’autorisation, afin de suivre précisément la consommation liée au chantier, ce qui nous permettra de connaître exactement les volumes prélevés par Atosca.

Le troisième point est qu’à l’instar de tout autre acteur économique ou citoyen, Atosca sera soumis aux restrictions d'usage édictées par le préfet du Tarn en cas de pénuries ou autres risques sur la ressource en eau, et ce par le biais d’un arrêté interdépartemental reprenant l'ensemble des mesures de restriction à mettre en place selon les usages

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Y procédera-t-il dans le cadre de votre alerte ?

M. Maxime Cuenot. La DDT assure aussi la gestion de l’étiage pour le compte du préfet.

Nos comités de gestion se réunissent à un rythme hebdomadaire pour évaluer l'étiage en fonction du niveau des réserves, du niveau des lacs-barrages, du débit des cours d'eau, également en fonction des collectes d'indices de l'OFB sur les têtes de bassins. En dessous de certains débits ou de certains niveaux dans les têtes de bassins, nous prononçons des restrictions d'usage, en volume ou en débit.

Le cas échéant, une discussion aura lieu avec Atosca pour restreindre au minimum les besoins en eau sur les périodes les plus critiques du chantier.

L’objectif est pour nous de concilier l'économie d'eau avec la salubrité publique. Il n’est pas question que le chantier inonde ses voisins de poussières. Il faudra nous y employer. La question ne s’était pas posée en 2023, peut-être parce que cette année était moins sèche et les besoins d’Atosca moins importants.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Vous évoquiez les eaux de ruissellement, mais que je sache, l’être humain n'est pas créateur d'eau ; il la récupère. Autrement dit, les volumes d’eau stockés dans les bassins ne se retrouveront pas ailleurs. Avez-vous évalué l’impact des volumes d’eau captés dans ces bassins au détriment des ruissellements susceptibles d’alimenter d’autres lieux ?

M. Maxime Cuenot. Le fonctionnement normal d’un bassin consiste à récupérer les eaux de ruissellement de l'infrastructure et à les restituer au milieu, après dessablage et élimination des huiles des eaux usées, selon un débit de fuite que nous avons fixé à trois litres par seconde et par hectare. Un tel niveau permet d’amoindrir l’impact sur les cours d'eau situés en aval.

Lorsqu’Atosca pompe à l'intérieur de ces bassins, pour asperger d’eau le chantier, en réalité, elle remet l'eau collectée dans le bassin sur l'impluvium, pour rabattre les poussières du chantier par exemple. C’est presque comme si elle ne l’avait pas collectée. C'est en ce sens que je disais que cela n'avait pas d'impact.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. J'entends bien. Toutefois, qui assure le contrôle de la qualité de l'eau rejetée ?

M. Maxime Cuenot. Le service de police de l'eau.

M. le président Jean Terlier. J’ai une autre demande de précision. Sommes-nous bien d'accord sur le fait que les demandes en eau d’Atosca s’effectuent dans le cadre des arrêtés dont sont titulaires les Asa et qu’en conséquence, ces dernières ne sollicitent aucune dérogation particulière ?

M. Maxime Cuenot. Absolument. Les volumes entrent dans le quota global des prélèvements d’eau accordés aux Asa sur leur lac pour les usages qu'elles entendent, à savoir l'irrigation et la fourniture à Atosca.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Pourriez-vous répondre sur les matériaux et ensuite sur l’Ore ?

M. Patrick Berg. Le sujet de l'équilibre général des matériaux est indirectement géré par la Dreal au travers notamment du sujet des centrales d’enrobage.

À l’époque, des craintes avaient été exprimées sur le passage en phase de travaux, supposé générer le besoin d’accroître les capacités existantes des carrières. Cette éventualité a depuis été écartée. À ma connaissance, mais il faudrait interroger Atosca sur ce point, l’équilibre est réalisé entre les matériaux de remblais et de déblais.

Je souligne ici que le tracé final se propose de réutiliser une partie des infrastructures existantes, ce qui m’apparaît plutôt économe en matériaux.

Aussi est-il prévu de remettre en état les deux sites accueillant les centrales d’enrobage temporaires à l'issue de leur exploitation, et de les rendre à leur usage antérieur, agricole en l’occurrence, à la demande des maires concernés.

La Dreal d’Occitanie et la préfecture du Tarn ont convenu de la nécessité de contrôler significativement ces centrales d’enrobage, lesquelles ne sont l’objet d’aucun encadrement réglementaire particulier, étant déjà régies par des arrêtés ministériels.

Lors d’un contrôle récent réalisé sur l’une des centrales, qui n'est pas encore en activité, nous avons constaté qu’un certain volume de matériaux inertes était déjà sur place ; autant de matériaux issus de la déconstruction de dispositifs existants, ce qui est plutôt de bonne pratique.

Atosca s’approvisionne également en matériaux de déconstruction et je pense intéressant, si vous rencontrez leurs dirigeants, que vous les interrogiez aussi sur ce point. On est loin de la conception des infrastructures routières telle que pratiquée il y a encore 30 ans, où l’on observait d’énormes déblais, des remblais, des arrivées massives de matériaux, des carrières, etc. Il existe vraiment une logique d'économie qui me semble plutôt aller dans le bon sens.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Ce qui rassurera certainement les habitants de Saint-Germain, dont le maire a écrit à Atosca pour connaître la nature précise des remblais qui seront stockés sur la centrale d’enrobage prévue sur son territoire. À ce jour, il n'a pas encore reçu de réponse, mais j'imagine qu'elle devrait lui parvenir.

M. le président Jean Terlier. Sur les centrales d’enrobage, la Dreal et la DDT participent à une mission d'information auprès des populations, en lien avec la préfecture.

Je crois important qu’à ce stade, vous nous apportiez quelques précisions sur le rôle que vous jouez en amont, un rôle de nature à informer et à rassurer les populations, notamment sur le fait que ces deux centrales seront temporaires et soumises à des contrôles de l'administration. Ces précisions permettront d'éviter toute diffusion de fausses informations sur ce type de centrales.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. De « fausses informations » et de vraies inquiétudes.

M. le président Jean Terlier. Les services de l’État sont justement là pour les lever.

M. Patrick Berg. Les centrales d’enrobage relèvent de la Dreal en tant qu’installations classées dans le cadre de la protection de l'environnement ; l'unité interdépartementale Tarn-Aveyron assure l'instruction de ces dossiers.

Il s’agit bien de centrales d’enrobage temporaires, sachant que le droit de l'environnement ne distingue plus les centrales temporaires des centrales définitives au regard des normes d'émissions. Les centrales d’enrobage sont donc uniquement régies par des arrêtés ministériels.

La demande a été intégrée au dossier initial, déposé par Atosca en janvier, puis à celui de juin.

En février, la Dreal a répondu que le dossier était incomplet et parfois non conforme aux arrêtés ministériels. Après réception du second dossier, le 8 juin, nous avons rendu un avis, assez rapidement parce que très factuel, estimant que les deux demandes d'enregistrement étaient conformes et pouvaient être présentées à l'enquête publique.

J’ai parfois pu lire ou entendre que l'enregistrement s’apparentait à une simple déclaration, ce qui me semble inexact. L'enregistrement reste bel et bien une forme d'autorisation, considérant qu'une centrale d’enrobage génère toujours les mêmes types d'émissions et qu'il n'y a pas de spécificité.

Ces demandes ont donc été incorporées au dossier soumis à l'enquête publique, comme elles l’ont été à l'arrêté ainsi que vous avez pu le constater.

La Dreal a reçu un courrier de chacun des deux maires, demandant expressément que ces centrales soient bien temporaires et que les emprises soient restituées à leur vocation initiale, ce qui est écrit clairement dans l'arrêté et repris dans le dossier. Les emprises seront donc restituées à leur usage initial qui, dans le PLU actuel, est agricole. Les deux maires sont pleinement informés, puisqu'ils m'ont saisi à ce sujet.

J’informe aussi la commission que, afin d’exercer un contrôle accru et au vu de certaines expériences, nous avons formé la proposition d’un dispositif robuste d'autocontrôle, ce qu’Atosca a accepté.

À cet effet, nous élaborons actuellement, en lien avec l’ATMO Occitanie un dispositif d'autocontrôle qui s'imposera à Atosca et servira ensuite de support au plan de contrôle de la Dreal qui a d’ailleurs prévu de se rendre fréquemment sur site, en annonçant sa venue ou de manière impromptue. Ce plan de contrôle sera naturellement présenté aux élus.

Nous avons également prévu une instance de suivi, de nature participative, qui réunira les élus, les riverains et les associations, pour présenter le protocole de chacune des deux installations avant la mise en fonctionnement des installations, ainsi que les paramètres qui seront autocontrôlés par Atosca. Ce plan d'autocontrôle sera donc élaboré selon la réalité du terrain, des vents, des maisons, etc.

Il est aussi possible que des citoyens se portent candidats pour assurer des signalements. Il existe un « réseau des nez », le nez humain sentant parfois certaines substances de manière beaucoup plus rapide que n'importe quel capteur. Il est donc utile que les citoyens et riverains se manifestent ; nous prenons cela comme une opportunité et les y encourageons.

M. Maxime Cuenot. En réponse sur les Ore, il s’agit d’un sujet relativement nouveau, puisqu’introduit par la loi biodiversité de 2016.

Très honnêtement, nous nous sommes beaucoup interrogés sur la durée la plus légitime. L'OFB nous demandait de nous aligner sur les quatre-vingt-dix-neuf ans fixés par le législateur, mais dans le même temps, il nous fallait délivrer au pétitionnaire une autorisation environnementale pour une durée de concession précisant une date de début et une date de fin.

Dans ces conditions, il nous a paru délicat d'obliger un tiers bénéficiaire via des Ore au-delà de la période à laquelle il serait responsable de l'infrastructure et pour le cas où il ne serait pas reconduit à l'issue de la concession. C'est pourquoi la durée des Ore est calée exactement sur la durée de l’autorisation environnementale, c’est-à-dire sur la durée de la concession. Qu’adviendra-t-il à l'issue de cette durée ? Selon le code de l'environnement, stricto sensu, à l'issue de l'autorisation, le pétitionnaire remettra le site dans son état initial.

Les chances que l’on retire l'autoroute pour remettre en état sont objectivement minimes, vous en conviendrez. La concession pourra être prorogée et ipso facto l’autorisation le sera également, aussi bien dans son délai que dans l'obligation des Ore. La concession pourra aussi être reprise par un autre concessionnaire, ou passer en régie directe par l'État et dans ce cas, l'autorisation environnementale sera transférée au nouveau bénéficiaire.

Il conviendra évidemment, à ce moment, de se reposer la question de la compensation des effets et du prolongement des Ore.

La solution consistant à calquer la durée des Ore sur celle de la concession est celle qui nous a paru la plus juridiquement défendable.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Vous venez de répondre à la question 5, ce qui appelle une question subsidiaire : vous le savez, les questions financières sont consubstantielles aux questions environnementales. La durée des Ore, de cinquante-cinq ans, conditionne l’équilibre financier de la concession. Figurait-elle dans l'appel d'offres ou a-t-elle été signifiée a posteriori, ce qui impliquerait que les autres candidats n'aient pas forcément été informés de la durée réelle des Ore et des conséquences financières qu’elles emportaient ?

Vous indiquez en outre que l'autorisation environnementale sera prorogée. Faut-il en déduire que les compensations pourraient ne pas être assurées après cinquante-cinq ans et qu’un temps supplémentaire serait nécessaire pour y parvenir ?

S’agit-il de compensations liées à l'exploitation de l'autoroute, notamment aux émissions de CO2 ?

M. Maxime Cuenot. Sur la question précise de la concession, il me semble plus approprié de questionner la DGITM.

Si j'ai bien compris et sous réserve de ce que vous dira l'autorité concédante, les obligations découlant du cahier des charges sont des obligations de résultat.

Quelles sont les modalités de mise en œuvre de la compensation environnementale ? Soit le maître d'ouvrage acquiert 100 % des parcelles, soit il n’en acquiert qu’une partie et une autre passe par des Ore, soit il passe la totalité en Ore.

Sauf erreur de ma part, cet aspect, qui n'était pas reporté dans le cahier des charges, relève du pétitionnaire, dans sa démarche de finalisation du projet soumis à l'autorisation environnementale.

Le cahier des charges imposait de compenser les effets.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. C’est à voir.

M. Maxime Cuenot. Je pressens qu'il n'y a pas eu d'iniquité entre les porteurs de projet.

Pour répondre précisément à votre question, la fixation de la durée est un sujet sur lequel nous nous sommes plutôt penchés en toute fin d'exercice, lorsqu’il nous a fallu rédiger précisément les termes de l'autorisation. Ce n'était pas écrit ou préalable.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Selon quels critères avez-vous fixé la base des cinquante-cinq ans ?

M. Maxime Cuenot. En fonction de ceux que j’énonçais à l’instant. Plusieurs motifs ont prévalu, à commencer par celui qui nous paraissait le plus sûr et le plus défendable juridiquement, à savoir l’alignement de la durée des Ore sur la durée de l'autorisation.

Les compensations sont de deux natures : les premières sont liées à la phase des travaux et les secondes sont liées à l'exploitation, les secondes découlant du fait qu'à certains endroits, l'autoroute passera par une zone humide qui sera irrémédiablement détruite et qu’il faudra donc reconstituer ailleurs.

Par essence, on se devra de suivre cette compensation tant que l'autoroute sera positionnée sur ces secteurs. C'est en ce sens que les Ore iront au-delà de cinquante-cinq ans.

Sur les émissions de CO2, plusieurs fois évoquées dans votre questionnaire, c’est un aspect qui ne figure pas dans l'autorisation environnementale délivrée. Le critère du CO2 n’est pas examiné et a fortiori n'est pas un critère de refus.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Ni pour la construction, ni pour l'exploitation, en effet, ce que l’on peut regretter, car il conditionnerait de nombreux choix effectués au niveau politique.

M. Patrick Berg. C'est un point très intéressant.

En matière d'installation classée pour la protection de l'environnement, il existe des valeurs limites d'émission, qui ne portent d'ailleurs pas sur le CO2. Il existe un dispositif européen de quotas de CO2 pour les plus gros émetteurs industriels de CO2 et qui est assez complexe. Pour l'essentiel des autres installations industrielles, il n’existe pas d'encadrement réglementaire des émissions de CO2 dans le cadre d’une autorisation environnementale.

Votre questionnaire souligne justement que l'Autorité environnementale était attachée à ce que ce point soit élucidé et c’est d’ailleurs une obligation des études d'impact que de le faire apparaître.

Nous assurons nos évaluations grâce aux moyens humains dont nous disposons et grâce à des logiciels, mais surtout à partir des indications que nous recevons de la part de l'administration centrale.

Au sein de la Dreal, je peux m’appuyer en premier lieu sur l’une de mes collaboratrices, qui détient une solide expertise sur les émissions de CO2 des grandes installations industrielles et sur le marché des quotas de CO2. Ensuite, je pense à notre service mobilité, qui n'a cependant pas la compétence en matière de CO2, notamment parce que le code de l’environnement n’encadre pas les émissions des CO2. Il faut le rappeler.

Enfin, la Dreal mobilise un service « énergie-climat » au sein duquel j'ai d’ailleurs pris l’initiative de créer un poste sur les gaz à effet de serre, en 2023, en perspective de la planification écologique.

Aujourd'hui, ce que l’on nous demande n'est pas d'ériger un dispositif d'encadrement des émissions de CO2, mais plutôt de partager les pistes de progrès dans une démarche proactive, pédagogique et avec l'ensemble des parties prenantes.

La COP régionale a été lancée le 30 novembre dernier, à Toulouse, par les ministres Christophe Béchu et Dominique Faure. À l’instar de toutes les régions, la nôtre a organisé des réunions départementales pour partager les enjeux et donner à voir les chiffres en vue d'aboutir à une feuille de route énumérant les pistes de progrès les plus importantes. En Occitanie, celles-ci se trouvent être les mobilités, qui concentrent 63 % des émissions de gaz à effet de serre et le bâtiment, qui représente 21 % des émissions.

Pour les bâtiments, nous redoublerons d’efforts sur leur isolation thermique, qu’ils soient publics ou privés. Sur les mobilités, une très forte dynamique a été engagée en matière de parking relais, de covoiturage et d'électrification. Ainsi que relevé par la Cop, l’Occitanie fait partie des quatre régions où la proportion d'acquisitions de voitures électriques est la plus élevée en France, soit environ 20 % contre 13 % de moyenne nationale. Il existe donc une réelle dynamique.

En 2014, une étude d'impact a été réalisée en reprenant les éléments de la DGITM qui, pour tous les projets d'infrastructures, évalue les modèles générant plus ou moins de gaz à effet de serre.

J’ajoute enfin que ce type d’émissions est très lié à l'accroissement du trafic qui, sur ce projet, reste très modéré. Le trafic de l’A69 n’est pas gigantesque et nous n’anticipons pas qu’il le deviendra.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Ce n'est pas ce que semble dire Atosca, mais nous y viendrons en abordant le volet social.

M. Patrick Berg. Pour avoir été en poste en Île-de-France, les chiffres d’Atosca concernant l’évolution du trafic me semblent rester modérés. L’objectif n'est pas vraiment la captation massive de trafic, mais plutôt l’accroissement de la qualité de service.

M. le président Jean Terlier. Nous verrons, monsieur le directeur. L'espoir de ce département, en particulier le Sud du Tarn, est peut-être que l’autoroute ne s'arrête pas à Castres et se prolonge peut-être ailleurs. C'est tout ce qu'on espère pour la suite et le Sud du Tarn.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. C’est un scoop.

M. le président Jean Terlier. Cela fait des années qu’il en est question, comme le savent ceux qui s’intéressent aux préoccupations du Sud du Tarn.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Je plaisantais, monsieur Terlier.

M. le président Jean Terlier. Dans ce cas, je n’avais pas compris la plaisanterie.

Monsieur le directeur, je dois convenir que cette question est particulièrement compliquée à apprécier. Les plus grands constructeurs mondiaux déclarent que, d’ici quelques années, il n'y aura plus que des voitures électriques, situation à laquelle ils se proposent de parvenir au moyen d’importantes réductions tarifaires.

Je conçois donc que, dans ces conditions, il puisse être délicat de mesurer l'impact des émissions de CO2 ou des gaz à effet de serre par exemple.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Il suffirait de favoriser les transports décarbonés, à l’image du train.

M. le président Jean Terlier. Certes. Il est aussi plus aisé de parler de trains, de métros ou de tramway lorsqu’on habite Toulouse ; ceux qui habitent le Sud du Tarn ont encore besoin de leur voiture pour se déplacer.

M. Jean-François Rousset (RE). En matière de transports décarbonés, il existe des études très intéressantes sur les « mégacamions », ces camions électriques à même de transporter des charges très importantes sur des autoroutes, avec autoproduction d'électricité. Ce type de camions pourrait très bien améliorer la distribution électrique de territoires très ruraux, comme l’Aveyron, grâce à des plateformes de distribution bien réparties et à partir desquelles de petits camions pourraient couvrir un périmètre de 50 à 80 kilomètres.

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Nous reparlerons assurément du fret ferroviaire et fluvial.

M. le président Jean Terlier. La parole est à Mme Karen Erodi.

Mme Karen Erodi (LFI-NUPES). Comme vous le savez, nos concitoyens, tarnais notamment, suivent de près notre commission d'enquête.

J’en reviens au sujet de l’eau.

L’entreprise NGE Atosca peut-elle acheter directement de l'eau aux citoyens et aux agriculteurs ? Savez-vous si Atosca achète de l'eau aux lacs d’irrigation et à quel coût ? Avez-vous été alerté de pressions exercées sur les citoyens et les agriculteurs pour l'achat de leur eau ?

M. Maxime Cuenot. Les besoins en eau du chantier proviennent de deux sources : les bassins d'assainissement de l'autoroute (qui collectent les eaux de ruissellement sur l'emprise) et les prélèvements effectués dans les lacs d’irrigation des associations syndicales autorisées (Asa). Je ne saurais pas vous en préciser le coût exact.

Je sais en revanche que les volumes sont prélevés dans le plafond accordé à l'association syndicale autorisée. J’imagine qu’Atosca s’est enquis auprès de chaque propriétaire de lacs des volumes qu’ils étaient en mesure de lui vendre sans trop en pâtir. En cas de sécheresse ou de manque d’eau, Atosca, à l’instar de tous les autres exploitants et des citoyens d’ailleurs, sera soumis aux restrictions d'usage que le préfet du Tarn édictera.

M. le président Jean Terlier. Mme Sylvie Ferrer souhaite intervenir.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NUPES). Ma question a trait à l'alternative ferroviaire. La Dreal avait inclus le scénario ferroviaire dans le dossier du débat public de 2009. Pourquoi ce scénario considéré comme valable à l’époque n’a-t-il finalement donné lieu qu’à une simple simulation, annoncée et non documentée ?

Comment expliquez-vous que l'État, à commencer par la Dreal qui en a la compétence, n'ait pas encore apporté d'éclairage et de mise au point sur ce sujet-clé, de nature à remettre en cause la légalité du projet d'autoroute ? Il se trouve qu’une « alternative ferroviaire ambitieuse », selon les termes de la Dreal en 2009, s'avère aujourd'hui possible pour un coût économique, écologique et social bien moindre que celui de l'autoroute.

M. Patrick Berg. Je vous confirme d’abord que ce sujet relève des compétences exercées avec constance par la Dreal.

Nous avons apporté l’ensemble des éléments à la commission d’enquête publique de 2016-2017, qui a donné lieu au décret du Conseil d'État de 2018. Ledit décret a été l'objet de plusieurs recours, puis d'une décision du Conseil d'État, le 5 mars 2021, déboutant l'ensemble des requérants sur l'ensemble des motifs de leurs recours, y compris le sujet de l'alternative au projet routier.

La commission d'enquête publique a donc organisé l'enquête publique sur le projet de DUP, rassemblé l’ensemble des observations et les a communiquées au maître d'ouvrage, la Dreal à cette époque, puisque le concessionnaire n’avait pas encore été désigné. La Dreal se devait de communiquer un mémoire sous un délai très court, de quelques semaines, avant que la commission ne rende son avis.

Dans ce mémoire réalisé dans le cadre de l'enquête publique préalable à la DUP, la Dreal a mis en évidence deux aspects souvent invoqués et faisant d’ailleurs partie des motivations de l'Autorité environnementale en la solidité de laquelle j'ai toute confiance.

Le premier est la raison impérative d'intérêt public majeur. Je suis d’ailleurs à l'origine de la proposition au préfet du Tarn.

Ce projet a fait l'objet d'une DUP émise récemment et prise selon toutes les normes qui conviennent, les plus récentes et d'ailleurs confirmées par une décision du Conseil d'État du 5 mars 2021 ; décision que je trouve remarquablement rédigée et argumentée.

La première motivation de l’accord d’une dérogation à la protection stricte des espèces est que ce projet fait partie des projets évoqués dans le cadre du débat parlementaire sur la loi d'orientation des mobilités, de décembre 2019, loi qui me semble récente.

Cette loi et son exposé des motifs se sont appuyés sur le rapport du comité d'orientation des infrastructures, qui recensait l’A69 parmi les opérations les plus utiles. À ce sujet, il serait peut-être intéressant que vous rencontriez M. Philippe Duron, qui était le président de la commission au moment du premier rapport de 2013, auquel a succédé le rapport de 2018, formant les deux rapports Duron. Les deux fois, le projet d’A69 est apparu comme prioritaire.

Par ailleurs et dans le cadre d’une DUP, l'administration centrale du ministère des transports procède au calcul de la valeur actualisée nette socioéconomique. Ladite valeur s’est avérée positive concernant les impacts environnementaux qu’il est possible de chiffrer, mais aussi sur des sujets comme l'amélioration de la qualité de service, la réduction du temps de trajet ou la réduction des nuisances pour les riverains actuels de la RN126. Il faut savoir que le calcul est vérifié par nos collègues du ministère chargé de l’économie et que, même modifié, ce calcul affichait encore une valeur positive.

À côté de ces éléments formant la raison impérative d’intérêt public majeur, l'absence de solution alternative satisfaisante a été également communiquée à la commission d'enquête publique préalable à la DUP. Il se trouve que la solution ferroviaire n’offre pas exactement le même tracé et que les temps de transport ne sont pas satisfaisants.

Enfin, une étude a été réalisée autour d’une solution routière alternative qui consistait à transformer l'actuelle RN126 en deux fois deux voies. Il est apparu que cela aurait eu un impact énorme sur les maisons existantes, que la série de déviations nécessaires aurait généré des travaux long et coûteux, sans que le niveau de service s’en trouve amélioré de manière consistante.

Sur la base d’autant d’éléments, nous avons accompli notre travail en conscience.

Dans le cadre de ma responsabilité relative à la protection stricte des espèces, j’ai donc proposé au préfet du Tarn de décider d’une dérogation ; la stratégie de compensation me paraissant robuste et les deux premiers motifs de dérogation bien observés.

M. le président Jean Terlier. Vous avez bien fait de rappeler, monsieur Berg, la validation par le Conseil d'État.

Avez-vous d'autres questions ?

Mme Karen Erodi (LFI-NUPES). Monsieur Berg, à propos de la sécurité routière, l’A69 est présentée par beaucoup, essentiellement par ses partisans, comme offrant une plus grande sécurité routière parce qu’elle serait moins accidentogène qu'une route nationale.

Les accidents les plus graves sont à déplorer dans les agglomérations et sur les routes départementales.

Dès 2014, dans un rapport sur la construction de l'autoroute, vos services prévoyaient une augmentation très importante du trafic des poids lourds, +300 %, sur la route départementale 85 reliant Castres à Revel via Dourgne et Sorèze, ainsi que sur la route départementale 84.

La Dreal lançait également une alerte sur le retour de véhicules dans les centres-villes de Soual et de Puylaurens, des embouteillages étant à prévoir dans la mesure où les trajets locaux ne se feront pas par l’A69, car beaucoup trop longs et beaucoup trop chers.

Les usagers qui ne pourront pas payer l'autoroute devront emprunter une route nationale dégradée, avec douze ronds-points qui n'existent pas aujourd'hui. Pensez-vous que cela soit compatible avec une baisse de l'accidentologie ?

Lors de l'audition du 21 mars dernier, M. Frède, maire de Saint-Germain, nous indiquait ceci. « Il faudra tout de même que certains camions soient autorisés à travers les villages de Soual et de Puylaurens, car une fois qu'il y aura l'autoroute, pour aller à Toulouse ou à Castres, il n'y aura pas d'autres solutions. » Les déviations étaient pourtant présentées, lors de leurs ouvertures, comme permettant de diminuer l'accidentologie dans les centres-villes, le nombre de poids lourds et la pollution pour les habitants.

La Dreal aurait-elle changé d'avis depuis 2014 ? Quelle est votre position sur le sujet ?

M. Patrick Berg. Ce point me paraît conclu.

Parmi les propositions que j'ai adressées à M. le préfet du Tarn, en conscience, il y a effectivement la raison impérative d'intérêt public majeur, qui s'appuie notamment sur l'amélioration du service rendu.

L’amélioration intègre effectivement la réduction de l’insécurité routière, mais aussi celle des pollutions en termes de bruit ou de qualité de l'air pour les habitations riveraines. Personne n'ignore qu’une agglomération s’est développée autour de deux sections de la route nationale 126 et que des personnes habitent désormais près d’une route nationale passant devant chez elles. Lors de la réalisation d’une infrastructure de cette nature, une des constantes consiste à réduire les nuisances pour les riverains.

En outre, l'accidentalité routière est présente, sans être excessivement anormale. En une dizaine d'années, il nous a fallu déplorer une quarantaine d'accidents et une dizaine de morts. C'est toujours trop, évidemment, pour les familles qui en sont victimes, mais cela reste un élément de l'amélioration du service rendu.

Je me dois ici de rappeler, de manière succincte, qu’un certain nombre d'observations et de réserves avaient été formulées lors de l'enquête publique préalable à la DUP.

Certaines de ces réserves avaient été levées par des initiatives ayant abouti à amender le projet, ce qui a démontré à nouveau l’intérêt que le public s’exprime dans le cadre des enquêtes publiques.

On parle souvent des instances nationales, mais je tire mon chapeau aux commissaires-enquêteurs et autres présidents de commissions d'enquête, qui réalisent un travail considérable d'écoute et de présence en mairies, avec des horaires suffisamment flexibles pour que chacun puisse venir s'exprimer.

En l’occurrence, les trois demandes qui ont été exprimées ont toutes été honorées.

La première demande concernait Verfeil. Il s’agissait d’éviter que l'autoroute soit parallèle à la route départementale 20, qui a été construite il y a quelques années par le département de la Haute-Garonne.

Considérant la nécessaire modération de la consommation foncière, le parti qui a été pris, avec l'accord du conseil départemental de la Haute-Garonne, est que l'infrastructure utilise cette route départementale. C’est aujourd'hui une déviation gratuite de Verfeil et qui le restera par la mise en place d’un point d'échange situé à l'Est de Verfeil. C'est le premier amendement qui me paraît aller dans le bon sens.

La deuxième demande visait à installer un point d'échange à Maurens-Scopont en vue de desservir Lavaur, Revel et Toulouse par l'ancien tracé de la route nationale 126, déjà déclassée et appartenant de longue date au département de la Haute-Garonne.

La troisième demande visait l’amélioration de la prévention du retour des poids lourds dans les centres-villes de Soual et de Puylaurens. Au-delà du barreau prévu pour aiguiller les poids lourds qui viennent du Nord et de l'Ouest de Puylaurens vers la déviation ayant vocation à être intégrée à l'autoroute, ces travaux ont été débattus, dans le prolongement de la DUP, avec les deux maires et avec le département. Le département est désormais propriétaire des emprises routières et compétent sur les centres-villes de Soual et Puylaurens. Son rôle est d’améliorer la sécurité des riverains ou les franchissements piétons tout en intégrant la question de la fluidité de la circulation pour les habitants. Il ne faudrait pas rendre invivable la circulation de ceux qui passent en voiture tous les jours à cet endroit.

Je pense que la configuration du projet a vraiment été étudiée de près, pour que le trafic s'écoule au mieux, avec effectivement un partage entre un trafic de transit qui prend l'infrastructure de longue distance et un trafic local de desserte, qui utilisera nécessairement le réseau secondaire.

M. le président Jean Terlier. Madame la rapporteure, voulez-vous dire un mot ?

Mme Christine Arrighi, rapporteure. Il me semble avoir fait le tour. Je vous invite à répondre par écrit aux questions qui n'ont pas été traitées.

Je voulais toutefois préciser que la valeur actualisée nette socioéconomique dont vous vous faisiez état fera l'objet d'échanges que nous aurons dans le cadre des auditions sur le volet socioéconomique.

Je ne suis pas complètement certaine de partager votre avis sur le sujet, mais vous le découvrirez si vous écoutez les prochaines auditions. Je vous y invite, car vous pourriez probablement découvrir certaines informations qui n'ont pas été portées à votre connaissance.

J’ajoute avant de conclure notre audition que tous les documents qui vous sont demandés dans le cadre de cette commission d'enquête le sont d’une manière parfaitement légitime. Je ne m'écarte jamais du cadre de la commission d'enquête pour vous demander ces documents, qui ont toujours un lien avec les conditions juridiques et financières de la commission d'enquête telle que la proposition a été adoptée par notre droit de tirage.

Je vous remercie pour votre participation et les réponses claires d'aujourd'hui et celles à venir dans les questionnaires.

M. le président Jean Terlier. Messieurs les directeurs, merci pour la pertinence et la précision de vos propos.

La commission d’enquête demandera peut-être à la Dreal d’intervenir dans le cadre d’un prochain volet de cette commission d'enquête.

Quoi qu’il en soit, ce fut un réel plaisir. Bon retour dans le Tarn.

Notre prochaine audition se déroulera demain, mercredi 3 avril, à partir de quinze heures trente.

 

La séance s’achève à dix-huit heures trente.


Membres présents ou excusés

 

 

Présents. – Mme Christine Arrighi, Mme Annick Cousin, Mme Karen Erodi, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-François Rousset, M. Jean Terlier.