Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la Francophonie, dans la perspective du XIXe Sommet de la Francophonie des 4 et 5 octobre 2024              2

– Informations relatives à la commission.....................19

 


Mardi
17 septembre 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 3

session 2023-2024

Présidence
de M. Jean-Noël Barrot,
Président


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la Francophonie, dans la perspective du XIXe Sommet de la Francophonie des 4 et 5 octobre 2024.

La séance est ouverte à 16 h 30.

Présidence de M. Jean-Noël Barrot, président.

M. le président Jean-Noël Barrot. Madame Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la Francophonie, je vous remercie d’avoir accepté de venir devant nous, alors que se profile dans deux semaines le XIXᵉ Sommet de la Francophonie, rendez-vous que notre pays organise pour la première fois depuis trente-trois ans.

Vous vous étiez déjà prêtée à l’exercice d’une audition en ces lieux le 22 octobre 2019. Cinq ans plus tard, le contexte du Sommet qui se profile justifie pleinement que nous puissions recueillir vos analyses sur l’état de la Francophonie et les perspectives d’avenir, sujet dont notre commission entend se saisir dans le prolongement des travaux de la mission d’information sur l’avenir de la Francophonie menés par nos collègues Amélia Lakrafi et Aurélien Taché.

Madame la secrétaire générale, vous êtes un symbole important pour la Francophonie, puisque vous avez été la ministre des affaires étrangères du Rwanda pendant une décennie et que vous avez travaillé à Tunis pour la Banque africaine de développement.

L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a été créée le 20 mars 1970 à Niamey : unique et riche de la diversité de ses quatre-vingt-huit États et gouvernements membres, elle conduit une coopération politique, éducative, économique et culturelle au service des populations qui ont la langue française en partage. Elle poursuit quatre grandes missions : la promotion de la langue française, du plurilinguisme et de la diversité culturelle ; la défense de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme ; l’appui à l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche ; le développement de la coopération économique au service du développement durable.

Notre commission attache une grande importance à l’enjeu de la Francophonie, qui figure expressément dans les compétences que lui attribue l’article 36 du règlement de l’Assemblée nationale. Le nombre de locuteurs quotidiens du français se situe aux alentours de 320 millions de personnes : cinquième langue la plus parlée dans le monde derrière l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol, le français est la langue de scolarisation de 93 millions d’élèves, la deuxième langue la plus apprise et la quatrième langue présente sur internet.

Le XIXe Sommet de la Francophonie s’ouvrira le 4 octobre prochain à la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, lieu inauguré il y a un an et entièrement dédié à la langue française et aux cultures francophones ; il se poursuivra le lendemain à Paris. Réunissant une centaine de délégations, il aura pour thème « Créer, innover, entreprendre en français ». Ce sera incontestablement l’un des temps forts, sur le plan international, de l’année 2024 en France.

Nous aimerions que vous présentiez vos ambitions et vos attentes à l’égard de ce Sommet. Votre audition nous donne également la possibilité de vous interroger sur votre perception de l’évolution de la place du français et des cultures francophones dans le monde. Quels sont les principaux enjeux des années à venir ? Existe-t-il des tensions entre les objectifs de promotion du français et du plurilinguisme ? Enfin, quels sont vos projets pour l’OIF et la Francophonie et comment voyez-vous le futur de celle-ci ?

Mme Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la Francophonie. J’ai plaisir à échanger avec vous, membres de l’Assemblée nationale du pays qui abrite le siège de l’OIF et qui accueillera dans deux semaines le XIXe Sommet de la Francophonie. J’affectionne cet exercice que j’ai pratiqué pendant douze ans lorsque je siégeais dans le gouvernement de mon pays. Je nourris une double ambition pour cette audition : mettre en lumière certains aspects de l’action de l’Organisation, qui pâtit de nombreuses idées reçues, notamment en France, et comprendre les enjeux qui revêtent une importance particulière à vos yeux.

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), qui regroupe des élus de l’espace francophone, compte plusieurs membres de votre Assemblée et joue un rôle important sur les questions politiques. Elle tiendra sa session annuelle en juillet prochain en France, après s’être réunie à Montréal il y a quelques mois.

J’ai longuement échangé en début d’année avec les deux rapporteurs de la mission d’information sur l’avenir de la Francophonie, Mme Lakrafi et M. Taché, et je m’entretiens régulièrement, dans les instances de la Francophonie, avec le délégué général de l’APF, M. Bruno Fuchs.

Élue secrétaire générale de la Francophonie lors du Sommet d’Erevan à la fin de l’année 2018, j’ai consacré l’essentiel de mon premier mandat à la transformation en profondeur de cette Organisation intergouvernementale, créée il y a cinquante-quatre ans par vingt-et-un États. Les instances de gouvernance de l’Organisation agissent en toute transparence dans un cadre stratégique recentré. À l’occasion du XIXe Sommet, les personnels du siège se déploieront dans les treize représentations de l’Organisation dans le monde. L’OIF, qui rassemble actuellement quatre-vingt-huit États et gouvernements répartis dans les cinq continents, accueillera de nouveaux membres à l’occasion du Sommet de Villers-Cotterêts. Outre la refondation de l’Organisation, mon mandat vise à renforcer sa place sur la scène internationale.

Les chefs d’État et de gouvernement, réunis à Djerba il y a deux ans à l’occasion du XVIIIe Sommet de la Francophonie, m’ont renouvelé leur confiance en m’accordant un deuxième mandat et m’ont demandé de renforcer l’influence et l’attractivité de l’Organisation, grâce à des actions politiques et programmatiques de proximité au service des populations, notamment les jeunes et les femmes qui constituent notre public prioritaire.

J’ai renouvelé l’action politique et diplomatique de l’Organisation, afin de tenir compte des complexités sociétales et sécuritaires de l’espace francophone. Nous avons déployé des accompagnements innovants pour contribuer à prévenir et régler les crises. Notre approche, qui allie souplesse et fermeté, entretient résolument les voies du dialogue et de la négociation. J’ai également œuvré pour que la Francophonie occupe la place qui lui revient dans le concert des nations : la voix francophone, portée par l’Organisation, a ainsi été entendue sur le Pacte numérique mondial, dont nous espérons l’adoption lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies : les États membres de la Francophonie ont contribué à son élaboration et l’Organisation a imposé la traduction du texte en français, qui n’était pas prévue. Je suis intervenue, avec des experts et des représentants des gouvernements, sur des sujets centraux comme l’accès à la finance verte, qui se trouve au cœur des missions de notre Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD), situé à Québec, ou l’éducation, notamment celle des filles – nous luttons contre l’excision et les mariages précoces dont les méfaits sur la santé physique et morale ainsi que sur la cohésion familiale sont bien connus.

Nous nous sommes concentrés sur la valeur ajoutée de nos actions, nous avons déconcentré les moyens et les ressources humaines et nous avons modernisé la gestion de l’Organisation. Nous avons conscience du chemin parcouru par l’OIF depuis plus d’un demi-siècle et nous promouvons une Francophonie inclusive, numérique, durable et prospère, au profit de l’amélioration des conditions de vie des populations francophones, notamment les jeunes et les femmes.

Le cadre stratégique de la Francophonie pour les années 2023-2030 fixe un cap et la programmation actuelle, couvrant les années 2024-2027, repose sur trois pôles stratégiques destinés à promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique comme socle de l’identité de l’Organisation. À ce titre, mes équipes et moi-même avons déployé une programmation recentrée ayant un impact sur le terrain ; nous développons des coopérations resserrées autour de projets structurants, dont le nombre est passé de quarante, il y a cinq ans, à vingt, dont dix sont soutenus par les treize représentations extérieures de l’OIF, par l’IFDD et par l’Institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation (IFEF), situé à Dakar.

La diversité de ce maillage géographique favorise l’ancrage territorial et le suivi des projets, ainsi que l’influence diplomatique et politique francophone. La décentralisation doit contribuer à augmenter la visibilité de l’Organisation. Ces ambitions programmatiques ont nécessité un renforcement de l’assise budgétaire de l’Organisation : voilà pourquoi j’ai entrepris la réforme du barème des contributions statutaires, qui n’avait pas évolué depuis 2017, afin que la participation au financement de l’Organisation épouse davantage le niveau de développement de nos pays, qui a évolué depuis sept ans, surtout dans ceux du Sud. Le budget annuel s’élève à environ 65 millions d’euros. Tous ces efforts ont produit des résultats en termes d’impact et d’efficacité, même si nous devons poursuivre ce travail : je dresserai, lors du prochain Sommet, le bilan de nos actions.

Nous avons renforcé nos actions de soutien à la paix et à la stabilité, même si la tâche est parfois ardue, notamment dans la région de l’Afrique de l’Ouest marquée par des crises politiques. Quatre pays sont suspendus et ne pourront donc pas participer au Sommet. J’ai installé un comité consultatif ad hoc restreint sur la situation en Haïti, afin de mobiliser davantage la solidarité internationale, en particulier francophone, avec ce pays qui nous représente dans la région des Caraïbes : nous formons ainsi des policiers kényans à l’interculturalité, à la langue française et au créole haïtien dans le cadre de leur déploiement au sein de la mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS). De la même façon, nous avons soutenu la préparation, la tenue et le suivi des processus électoraux dans l’espace francophone, l’OIF contribuant depuis longtemps à assurer la fiabilité des fichiers électoraux. Nous avons également mené une action déterminée de lutte contre les désordres de l’information par le biais d’un projet phare déployé en Moldavie et nous avons étendu le programme visant à doter d’un état-civil les enfants sans identité, dont le nombre est estimé à 90 millions dans l’espace francophone.

Sensibles à l’importance de l’incontournable transformation numérique, nous avons engagé des programmes de formation aux métiers de ce domaine, à destination principalement des jeunes pour augmenter leur employabilité et favoriser leur insertion professionnelle. Également préoccupés par les enjeux éducatifs, nous avons lancé en 2020 un programme de mobilité des enseignants de langue française, déployé à ce jour dans trois pays : il vise à accompagner les enseignants locaux, renforcer leurs compétences et développer un environnement francophone ; nous avons aussi consolidé la formation des maîtres et l’intégration des langues nationales dans les programmes éducatifs, notamment dans les pays africains.

J’ai par ailleurs lancé des missions économiques et commerciales de la Francophonie dans sept pays afin de stimuler les échanges entre les pays francophones : elles reposent sur des dispositifs de prospection et de concrétisation de possibilités commerciales et d’investissements et elles encouragent la participation des femmes et des jeunes entrepreneurs. Dans le domaine environnemental, nous avons accompagné et soutenu des transformations structurelles dans les différents territoires francophones.

Attachés à la diversité culturelle, nous avons contribué au rayonnement international des créateurs francophones en facilitant leur circulation et en favorisant l’exposition des contenus culturels francophones sur la toile, tâche que nous poursuivrons dans les prochaines années.

J’attache depuis très longtemps une grande importance au sujet de l’égalité entre les hommes et les femmes et suis particulièrement attentive à l’éducation des filles et à l’autonomisation économique et sociale des femmes vulnérables. Nous agissons par le biais du fonds « La Francophonie avec elles », qui a connu sa cinquième édition cette année et qui est doté d’une enveloppe budgétaire de 2,5 millions d’euros. Ces crédits sont utilisés pour accompagner l’autonomisation de 7 586 femmes au travers de trente-huit projets dans vingt-quatre pays de l’espace francophone.

Les jeunes francophones constituent l’autre cible prioritaire des actions de notre Organisation : j’ai lancé, à l’occasion de son cinquantenaire en 2020, une première consultation portant sur leurs attentes, suivie d’une seconde, l’année dernière, centrée sur les ruptures de la démocratie dans l’espace francophone, sujet épineux mais d’actualité sur lequel leur parole a éclairé notre travail.

Le XIXe Sommet de la Francophonie, dont le thème est « Créer, innover, entreprendre en français », s’adresse particulièrement à la jeunesse francophone, qui est à la fois actrice, partenaire et bénéficiaire de nos actions. Il vise à soutenir les forces vives de la Francophonie, espace particulièrement jeune puisque la trentaine de pays africains membres de l’OIF affichent, pour la plupart, un âge médian de 19 ans. Nous devons modestement contribuer à offrir une vie économique respectueuse des libertés aux créateurs inventifs et originaux, aux innovateurs curieux et visionnaires, et aux entrepreneurs perspicaces et ingénieux.

M. le président Jean-Noël Barrot. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). C’est un réel plaisir de m’adresser à vous à quelques semaines du Sommet de la Francophonie, réunion que notre pays n’a plus accueillie depuis 1991. Grâce à la présence d’une centaine de délégations de chefs d’État et de gouvernement, il s’agit de l’événement international le plus important tenu cette année dans notre pays, exception faite, bien entendu, des Jeux olympiques et paralympiques. Ce Sommet se déroulera en partie à la Cité internationale de la langue française, qui, créée sous l’impulsion du Président de la République, représente un très beau témoignage de l’attachement que la France porte à notre langue commune, pilier essentiel de la Francophonie.

J’ai eu l’honneur de vous auditionner longuement en février dernier dans le cadre de la mission d’information dont j’espère présenter rapidement le rapport devant notre commission.

La langue française est parlée dans les cinq continents et dans quatre-vingt-huit États et gouvernements, représentés dans un ensemble institutionnel coordonné par la secrétaire générale de la Francophonie. Un vaste dispositif rassemble l’OIF, des opérateurs et différents acteurs. Toutefois, les enjeux liés à la Francophonie demeurent méconnus des Français, tout du moins du grand public et de la jeunesse. Le Sommet offre l’occasion de promouvoir la langue française et d’en faire découvrir les acteurs à la jeunesse. De nombreux événements, comme un festival, seront organisés parallèlement, notamment dans un village de la Francophonie. Comment pourrions-nous embarquer les jeunes Français dans la grande aventure francophone ? Comment rendre la langue française et la Francophonie plus attractives à leurs yeux, alors que les jeunes africains sont, eux, plus sensibles à ce thème ?

La multiplicité des acteurs peut constituer un frein à la bonne compréhension de la nature et des objectifs de la Francophonie. Le thème du Sommet, « Créer, innover, entreprendre en français », offrira-t-il la possibilité de conduire une réflexion sur le dispositif institutionnel de la Francophonie dans son ensemble ?

Mme Louise Mushikiwabo. Dès mon arrivée en 2019, j’ai voulu que l’OIF s’adresse à la jeunesse, ne serait-ce que parce que l’espace francophone est très jeune. Afin d’intéresser la jeunesse à la Francophonie, nous orientons nos programmes dans sa direction et nous tâchons de l’écouter : pendant le confinement imposé par la crise sanitaire du Covid, nous avons sondé les jeunes francophones du monde. De nombreux Français ont participé à ce sondage, dans lequel la jeunesse a fait part de l’intérêt qu’elle portait à notre Organisation et a insisté sur l’emploi, l’éducation et l’environnement. En octobre dernier, nous avons également consulté des jeunes, dont deux Français, sur des sujets politiques : ils ont émis le souhait que leurs dirigeants leur parlent car ils veulent contribuer aux débats politiques. Les jeunes d’autres parties du monde francophone ont insisté sur la nécessité d’agir contre la corruption.

Les jeunes seront partout dans le XIXe Sommet : deux jeunes participeront à chaque table ronde portant sur le thème du Sommet « Créer, innover, entreprendre en français » ; en outre, des jeunes ayant participé à un concours de l’OIF sur l’innovation discuteront avec des chefs d’État ; enfin, ils contribueront au festival et au village de la Francophonie.

M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Le XIXe Sommet de la Francophonie se tenant à Paris le mois prochain, il est précieux pour notre commission de vous auditionner. Cela fait plus de trente ans qu’un tel Sommet n’a pas eu lieu en France et cette réunion offre l’occasion de savoir où en est le projet francophone, alors que le français est, avec 321 millions de locuteurs, la cinquième langue la plus parlée dans le monde. Si notre commission le décide, Amélia Lakrafi et moi-même présenterons prochainement un rapport complet sur la Francophonie.

Votre présence nous incite à nous interroger sur la dimension institutionnelle de la Francophonie, apparue dans les années 1960 à l’initiative de dirigeants africains tels Habib Bourguiba et, surtout, Léopold Sédar Senghor, qui aimait répéter que « dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue française ». La Francophonie institutionnelle s’est d’abord tournée vers l’éducation et la culture avant de prendre une dimension plus politique à partir de 1986 et du premier Sommet international de la Francophonie, réunissant, à l’initiative de François Mitterrand, quarante-et-un chefs d’État à Versailles.

L’institution que vous pilotez est un opérateur à part entière de la Francophonie, qui lance et finance des appels à projets portant sur des thèmes essentiels comme la formation professionnelle des jeunes et des femmes. Néanmoins, les montants de ces actions ne dépassent pas les quelques centaines de milliers d’euros et vous avez dû consacrer une large part de votre action à la modernisation de l’institution.

La voix de la Francophonie est encore trop peu entendue dans les grands débats et conflits qui traversent le monde. L’OIF a peu dénoncé les exactions perpétrées dans la province du Nord-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), pourtant le plus grand pays francophone au monde. Ce silence est d’autant plus étonnant que vous avez été la ministre des affaires étrangères de Paul Kagame, président du Rwanda, pays régulièrement accusé d’être partie prenante de ce conflit. Qu’est-il prévu au Sommet des 4 et 5 octobre pour que les bombes cessent à Goma ? Je pourrais étendre cette question à l’Ukraine et à Gaza car nous ne pouvons qu’être frappés par l’ampleur de la fracture qui sépare les pays du Sud de ceux du Nord à propos du génocide palestinien et de la guerre en Ukraine, faille qui traverse le monde francophone : des initiatives sont-elles prévues à l’occasion du grand rendez-vous international d’octobre ?

Ne pensez-vous pas qu’il est temps que le droit des peuples francophones à disposer d’eux-mêmes soit réaffirmé, en proposant par exemple que la Kanaky cesse d’être un simple observateur et devienne un membre à part entière de l’OIF, statut dont bénéficie le Québec ? Cette reconnaissance serait une marque d’égalité dans le traitement du Nord et du Sud.

Il convient de renforcer la dimension politique de l’Organisation internationale de la Francophonie pour que le français devienne la langue de l’égalité et de la paix.

Mme Louise Mushikiwabo. Le travail politique de l’OIF, surtout dans les dernières années, a été compliqué. Plusieurs pays membres ont été en crise et le sont encore. L’OIF n’a pas de formule magique pour résoudre ces conflits. Nous sommes cependant impliqués.

Le conflit à l’Est de la République démocratique du Congo a d’emblée été évoqué dans nos instances. L’OIF, au nom des États membres, s’est exprimée à ce sujet. Le problème n’est pas nouveau ; il date de plusieurs années. Plusieurs pays voisins de la RDC, qui est un grand pays francophone, sont impliqués dans une médiation visant à rétablir la paix dans cette région.

Une mission pour la RDC est en préparation au sein de l’OIF. Encore faut-il que les États en crise acceptent de recevoir nos envoyés. En l’espèce, un représentant de la RDC a récemment demandé, dans le cadre de la commission politique du Conseil permanent de la Francophonie, l’implication de l’OIF. Une mission se rendra à Kinshasa et dans les pays de la région pour déterminer si l’OIF peut contribuer à la paix.

Nous espérons offrir une valeur ajoutée dans cette région que je connais bien, la RDC étant un pays voisin du mien, dont j’ai été ministre des affaires étrangères. Nous sommes heureux d’avoir été ouvertement sollicités par la RDC. La mission sera composée d’ambassadeurs de plusieurs de nos États membres en vue de consulter les acteurs du conflit et de proposer une ligne d’action pour l’OIF.

Concernant le conflit à Gaza, je dois avouer que, hormis les prises de position de certains de nos États membres, notamment le Liban, qui évoque souvent ce conflit, nous n’offrons pas vraiment de valeur ajoutée en tant qu’Organisation. L’OIF et la Francophonie en général ne peuvent, en sus de l’action des États qui les composent – notamment la France, qui est membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies –, contribuer à apaiser la situation.

Concernant le soutien à l’Ukraine, qui est un État observateur de notre Organisation voisin de plusieurs États qui en sont membres, l’OIF a produit dès le début du conflit, dans le cadre de la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF), une résolution à cet effet. Nous travaillons aussi sur la lutte contre la désinformation en association étroite avec la Moldavie.

M. Stéphane Hablot (SOC). Madame la secrétaire générale, je vous remercie de cet échange fructueux et sincère rappelant les valeurs que vous défendez pour la Francophonie. Il est vrai que nous avons besoin d’être rassurés sur certains points.

La mission première de l’OIF est de promouvoir la langue française, dont l’avenir se joue en grande partie sur le continent africain, compte tenu notamment de la croissance démographique de la jeunesse francophone. Quelles démarches engagez-vous pour surmonter les difficultés d’accès à internet dues à la fracture numérique ? Comment garantir la lisibilité des contenus francophones, dès lors que les algorithmes de certaines plateformes les sélectionnent exclusivement pour des raisons mercantiles au détriment de l’aspect culturel de la Francophonie ?

Dans un récent communiqué commun avec le président Macron, vous évoquez les possibilités économiques et culturelles qu’offre la connaissance du français, notamment à la jeunesse francophone. Quelles actions concrètes permettent de fédérer les acteurs économiques dont le plus petit dénominateur commun est la langue française et l’appartenance à l’espace francophone ?

En ce qui concerne le pluralisme linguistique, il est nécessaire d’engager un travail en appliquant la belle formule de l’écrivain italien Umberto Éco : « La langue de l’Europe, c’est la traduction ». Quels moyens consacrez-vous à la traduction, qui est l’une des clés du partage des langues ? N’est-il pas étonnant, par exemple, de devoir parler en anglais dans un colloque scientifique qui se déroule en France – cet exemple est authentique et concret ?

Enfin, les 700 millions de francophones que comptera le monde dans vingt-cinq ans – contre 320 millions à l’heure actuelle – pourront-ils circuler dans notre pays sans être inquiétés par le futur ministère de l’immigration ? Je pense notamment aux artistes, aux étudiants et aux acteurs de la vie économique, qui contribuent à la richesse, au devenir et à l’identité de notre pays.

Mme Louise Mushikiwabo. Garantir l’accès à internet est surtout un devoir et une activité relevant des États et des gouvernements. Dans le cadre du mémorandum d’accord avec l’Union internationale des télécommunications (UIT) que nous avons signé, nous mobilisons nos États membres respectifs et approchons les parties prenantes pour améliorer l’accès à internet. Si celui-ci est devenu incontournable, nous n’en avons pas moins développé, au sein de nos programmes d’éducation, des méthodes permettant de s’en passer. En la matière, notre travail consiste surtout à mobiliser les acteurs directs des infrastructures et de la réglementation.

La « découvrabilité » – le mot nous vient du Québec – des contenus francophones sur la Toile est l’un des sujets majeurs de notre Organisation et le sera encore davantage dans les années à venir. Elle sera au cœur de nos discussions dès le premier jour du XIXe Sommet de la Francophonie, dans le cadre d’un colloque organisé par la France, qui en est le pays hôte. L’Observatoire de la langue française de l’OIF, basé à Québec et pour lequel je viens de recruter un expert, est chargé de se pencher notamment sur la disponibilité des contenus culturels francophones sur la Toile. Ce travail exige que l’OIF joigne ses forces avec d’autres.

La traduction est un sujet que nous avons longuement évoqué avec le secrétaire général des Nations unies et avec la France. Je suis moi-même traductrice de formation, en anglais et en français. Cet aspect de la pratique des langues est extrêmement coûteux. Dans le cadre des groupes des ambassadeurs francophones (GAF) présents dans les capitales hébergeant des Organisations internationales que sont New York, Bruxelles et Genève, nous nous assurons que les États consacrent des budgets au financement de la traduction.

Que l’on parle anglais dans des conférences organisées en France relève davantage du Président de la République française que de l’OIF. Je ne manque pas une occasion de rappeler à celui-ci et à d’autres responsables français, toute polyglotte que je puisse être, que nous aimerions beaucoup que les rencontres internationales telles que les Jeux olympiques se déroulent dans au moins deux langues.

La circulation des francophones dans l’espace francophone est mon souhait le plus ardent. J’espère convaincre quelques chefs d’État, lors du prochain Sommet, de s’engager dans sa facilitation, s’agissant notamment des acteurs économiques et culturels, qui sont aussi des pourvoyeurs d’emploi à la jeunesse francophone, laquelle demande qu’on l’épaule dans sa recherche d’emploi.

M. Pierre Cordier (DR). Nous pouvons tous nous réjouir de l’organisation dans notre pays du prochain Sommet de la Francophonie, dans un contexte de perte d’influence de la France que vous n’avez pas évoqué, madame la secrétaire générale. Pour faire un bon diagnostic, il faut dire les choses et les regarder telles qu’elles sont. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « Francophonie ! Francophonie ! Francophonie ! », mais il n’en existe pas moins une réalité que vous connaissez aussi bien que nous.

J’aurais aimé vous entendre dire que les choses ne sont pas faciles, car elles ne le sont pas. La perte de notre influence est une réalité, pas seulement en Afrique au demeurant. J’aurais aimé que vous fassiez état des difficultés que vous rencontrez. Une commission comme la nôtre aime entendre les personnes qu’elle auditionne dire que les choses se passent bien mais elle aime aussi les entendre détailler les difficultés qu’elles rencontrent sur le terrain, surtout si elles sont nombreuses, dans l’accomplissement de la mission qui est la leur.

J’aimerais également que vous fassiez état de l’aspect budgétaire de votre action. Quelles sont vos marges de manœuvre budgétaires ? Qui finance vos actions et à quelle hauteur ? J’imagine que vous recevez des participations d’autres pays, non seulement en monnaie sonnante et trébuchante mais également sous la forme de mise à disposition d’infrastructures vous permettant d’y agir.

Mme Louise Mushikiwabo. J’aborde la question budgétaire lors de chacune de mes rencontres avec les représentants des États et gouvernements membres, au premier rang desquels celui de la France, dont la contribution statutaire en fait le premier contributeur à notre budget.

Parmi les difficultés que nous rencontrons, nous avons documenté la perte d’influence de la France et le recul de la langue française, tel que restitué par l’Observatoire de la langue française. Nous sommes une Organisation multilatérale évoluant dans un contexte géopolitique complexe. Les grands pays de ce monde sont parfois en conflit.

Dans plusieurs pays africains, les difficultés de gouvernance mènent à des conflits avec l’ancien pouvoir colonial qu’est la France. La difficulté que nous rencontrons au sein de l’OIF porte sur les solutions réelles à leurs problèmes politiques. Ainsi, quatre pays sont actuellement suspendus, parmi lesquels le Niger, dont la capitale Niamey a vu naître notre Organisation en 1970. Étant suspendus de nos instances à ce jour, ils ne peuvent pas participer au travail de l’OIF et prendre part à son prochain Sommet.

À la résolution de ces problèmes politiques, notre contribution demeure minime. Nous aimerions favoriser plus de positivité dans le dialogue politique, à l’échelon de nos États membres comme à l’échelon régional, ce qui n’est pas toujours évident, d’autant que, sur ces conflits trouvant tous leur origine dans des problèmes nationaux, se greffent parfois – tel est le cas s’agissant des pays du Sahel suspendus de notre Organisation – des conflits géopolitiques.

Sur ce point, l’action de notre Organisation reste très limitée. Certains chefs d’État nous écoutent, d’autres non. Cela ne nous empêche pas de les approcher et de leur prodiguer des conseils de temps en temps.

Concernant le budget, il dépend surtout de la contribution statutaire de chaque État membre. Leur montant a été revu l’an dernier et approuvé dans le cadre de la CMF. La France est le pays qui contribue le plus au budget de l’OIF. Elle est aussi, du moins depuis mon arrivée à la tête de l’OIF en 2019, le pays qui a le plus soutenu les réformes de notre Organisation et sa modernisation. Viennent ensuite, des pays tels que le Canada, la Suisse, la Grèce et la Belgique. La contribution des pays africains – notamment l’Égypte et la Côte d’Ivoire – et celle des pays asiatiques – notamment le Vietnam et le Cambodge – ont récemment augmenté de façon significative.

En quatre ans, notre budget augmentera de 30 %. Dans ce cadre, j’aimerais – je soumettrai l’idée aux chefs d’État lors du prochain Sommet – que des contributions spéciales financent des projets spécifiques, notamment en matière d’enseignement de la langue française, qui est une demande dans tout l’espace francophone.

Mme Clémentine Autain (EcoS). Je commencerai par vous dire le plaisir que j’ai éprouvé à vous entendre parler, à plusieurs reprises, des femmes, des jeunes et des violences faites aux femmes comme points très importants de vos axes de travail. J’ai aussi eu plaisir à vous entendre parler, à plusieurs reprises, de la nécessité de prendre des engagements en matière d’environnement. Je constate néanmoins qu’aucun document préparatoire officiel du Sommet de Villers-Cotterêts n’en fait mention. J’aimerais savoir ce qui est prévu sur ce point. Cette question centrale pour l’avenir du monde aura-t-elle sa place dans les échanges, par-delà sa simple évocation devant nous ?

S’agissant de votre responsabilité dans la promotion des valeurs de paix, votre parole, compte tenu du rôle diplomatique que vous jouez en tant que secrétaire générale de l’OIF, a valeur de symbole. Or votre réponse à notre collègue Aurélien Taché ne m’a pas entièrement convaincue. Ce qui me frappe, c’est votre silence sur les massacres du M23 soutenus par le Rwanda. Et, puisque nous avons évoqué la situation à Gaza, qui m’affecte comme nous tous j’espère et comme tout un chacun hors de cette salle, ainsi que celle de l’Ukraine, je le dis solennellement : 6 millions de morts – tel est le chiffre dont on parle –, dans ce qu’on appelle un conflit, c’est un génocide de masse considérable, le plus important depuis la Seconde guerre mondiale. Je trouve qu’on n’en parle pas beaucoup et que la dénonciation de ces crimes de masse gagnerait à être un peu plus forte. Compte tenu de votre parcours, votre parole sur la RDC, grand pays francophone s’il en est, vous engage. Le mot « paix » peut s’y trouver mais il ne saurait se passer de mots très clairs sur les responsabilités. C’est sans doute sur ce point que vous êtes attendue.

S’agissant du passage de vingt-et-un à quatre-vingt-huit États membres depuis la fondation de l’OIF, j’ai une inquiétude : la dilution. Le problème n’est pas tant d’être en expansion que d’être capable de nous maintenir dans nos zones de force pour que la Francophonie ait un avenir dans le monde.

Mme Louise Mushikiwabo. Je tiens à vous rassurer à propos du travail de l’OIF sur les questions environnementales, qui sont surtout du ressort de notre Institut pour le développement durable, à Québec. Au cours des dernières années, nous avons concentré notre soutien aux États membres sur la finance climat. L’environnement ne fait pas partie des thèmes de discussion retenus pour le Sommet à venir mais l’OIF et la Francophonie en général y travaillent. Par exemple, nous avons des projets dans le tourisme durable dans l’océan Indien et ailleurs dans la région de l’Asie-Pacifique qui ont un impact sur les populations francophones de ces régions. Chaque année, nous nous concentrons sur un aspect du travail de l’OIF. Au demeurant, le thème retenu cette année, « Créer, innover et entreprendre en français », peut inclure les questions environnementales.

Concernant le conflit en RDC, que je connais très bien pour l’avoir traité pendant plusieurs années, l’OIF, comme toute Organisation multilatérale, est d’abord ce qu’en font ses États membres. La secrétaire générale de la Francophonie que je suis s’est exprimée à ce sujet à l’issue de discussions entre eux. Les communiqués et entrevues de presse sont accessibles à tout un chacun. Pour ce conflit comme pour les autres, notre action est limitée, ce qui ne signifie pas que nous sommes restés silencieux.

Par ailleurs, lorsque le conflit a débordé des frontières de la RDC pour gagner le Rwanda, mon pays, j’ai joué à plusieurs reprises le rôle de messagère entre les chefs d’État, avant qu’il ne s’envenime. J’ai donc été impliquée dans les tentatives de résolution du conflit en tant que secrétaire générale de la Francophonie et en tant que personnalité politique connaissant bien la région.

S’agissant du risque de dilution que présenterait le passage de vingt-et-un à quatre-vingt-huit membres, je suis, à titre personnel, favorable à l’expansion de l’OIF. Je n’en ai pas moins souhaité, lorsque j’en suis devenue secrétaire générale, en 2019, décréter un moratoire sur les adhésions pour prendre le temps d’en mettre à l’étude les critères. Si notre Organisation a des règles claires et si son fonctionnement ainsi que l’apport attendu de chaque candidat a été discuté par tous ses États et gouvernements membres, l’expansion n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Par ailleurs, seuls cinquante-quatre États et gouvernements sont membres à part entière, les autres étant observateurs ou associés.

Mme Maud Petit (Dem). Les 4 et 5 octobre prochains, à la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, la France sera la capitale de la Francophonie à l’occasion de son XIXe Sommet. Cela faisait trente-trois ans que notre pays n’avait pas organisé un tel Sommet. Cet événement important concerne l’avenir, le développement et la promotion d’une langue qui compte 321 millions de locuteurs, ce qui en fait la cinquième langue la plus parlée au monde après le chinois, l’espagnol, l’anglais et l’hindi.

Ce chiffre pourrait doubler d’ici 2050. Cette forte croissance n’est pas due à un enseignement accru de la langue de Molière dans les autres pays d’Europe, qui n’est malheureusement pas la tendance observée. D’après l’Observatoire de la langue française, si le français demeure la deuxième langue étrangère la plus apprise sur le vieux continent, il est en recul de 10 % dans les pays qui le composent. Pour les élèves européens et pour leurs parents, le principal critère de choix d’une langue étrangère est qu’elle constitue le meilleur atout pour trouver un emploi. Dans ce domaine, l’anglais s’impose très clairement.

L’une des conséquences de ce lent déclin de l’apprentissage du français en Europe est que la langue française est désormais, et plus que jamais, une langue d’Afrique, comme le faisait observer le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne, et que son avenir semble se jouer sur le continent africain. Plus de 60 % de ceux qui emploient le Français vivent en Afrique, dont près d’un sur deux en Afrique subsaharienne.

Ce chiffre devrait encore s’accroître dans les années à venir, le nombre d’habitants d’Afrique parlant le français ayant progressé de près de 15 % depuis 2018, dans les pays où le français est langue officielle et surtout dans ceux où il est langue d’enseignement. De 2018 à 2022, parmi les 21 millions de personnes supplémentaires parlant le français, 19 millions étaient africaines, dont 80 % d’Afrique subsaharienne.

Tous les voyants sont donc au vert pour le développement du français sur le continent africain. Pourtant, sa croissance semble stagner. Elle est moins forte qu’elle ne l’était de 2014 à 2018. Elle perd notamment deux points dans les Amériques, en Afrique subsaharienne et dans l’océan Indien, et surtout dix points au Maghreb et au Moyen-Orient. À quoi cela est-il dû ? Le contexte politique l’explique-t-il ? Est-elle due au sentiment anti-français qui se développe dans la bande sahélo-saharienne (BSS) ? Faut-il y voir le reflet du recul de l’influence française dans ces régions ?

Mme Louise Mushikiwabo. Ces questions, nous nous les posons dans nos discussions sur la langue française dans le monde. Plusieurs facteurs expliquent le recul de la langue française. Le premier est géopolitique. L’anglais, dans plusieurs régions du monde, est devenu la lingua franca des citoyens du monde. Nous observons un certain remplacement du français par la langue anglaise. Nous avons constaté, dans le cadre de nos programmes d’enseignement de la langue française, qu’il faut consacrer à cette activité des montants très élevés. Elle fait partie de nos missions, avec le soutien budgétaire des États membres. Si la langue française n’est pas enseignée, elle sera remplacée par l’arabe ou le turc, voire le chinois, notamment dans l’espace francophone africain, qui est ouvert à bien plus de partenaires et de langues qu’il ne l’était à la fondation de l’OIF, et même il y a quelques années.

Par ailleurs, nous avons constaté que la langue française recule dans les Organisations internationales. Au cours des presque six années que j’ai passées à la tête de l’OIF, dans toutes mes discussions avec le secrétaire général des Nations unies j’ai abordé la question de l’utilisation de la langue française dans les capitales hébergeant des Organisations multilatérales. Nous observons un certain relâchement de nos États membres, dont les représentants, même s’ils ne s’expriment pas bien en anglais, le préfèrent à la langue française qu’ils maîtrisent bien. Ce sujet relève de la responsabilité des États représentés dans les Organisations européennes. Depuis 2019, j’appelle régulièrement sur ce point l’attention de la Commission européenne, où dix-neuf des vingt-sept États représentés sont aussi membres de notre Organisation.

Enfin, il ressort de mes nombreux échanges avec les jeunes francophones dans le monde entier, notamment dans la zone Asie-Pacifique, qu’ils perçoivent la langue française, non sans raison, comme une langue dont il est indispensable de maîtriser la grammaire. S’agissant d’un public privilégiant la rapidité de la communication à sa correction grammaticale, il faut, me semble-t-il, travailler à modifier sa perception de la langue française, afin qu’il comprenne qu’elle n’est pas seulement une langue littéraire mais aussi une langue de communication et de réussite professionnelle.

M. Bertrand Bouyx (HOR). Rassemblant plus d’un tiers des pays membres des Nations unies, la Francophonie enregistre depuis cinquante ans des progrès considérables. La langue française, qui réunit 321 millions de francophones, est un bien commun précieux qu’il nous faut protéger et développer.

Le XIXe Sommet de la Francophonie constituera un rendez-vous politique et diplomatique de grande ampleur, au cœur duquel seront notamment placés la créativité, l’innovation et l’entreprenariat au sein de l’espace francophone, dans toute sa diversité. Une piste de réflexion essentielle concerne, à mon sens, le développement de la langue française sur internet. Bien que le français y occupe toujours la quatrième position, son avance sur les langues suivantes s’est considérablement réduite, en lien avec deux phénomènes : les taux de connexion à internet des utilisateurs francophones des pays industrialisés, qui, proches de la saturation, ne laissent qu’une faible marge d’augmentation ; la fracture numérique dans les pays francophones africains, qui ne se résorbe que très lentement.

Je profite donc de cette audition pour vous interroger sur les leviers d’action envisageables pour développer l’utilisation du français sur internet, sur les pistes de réflexion en cours et sur les futurs chantiers auxquels la Francophonie devra s’atteler, dans l’entreprenariat comme dans les autres secteurs, pour faire rayonner la langue française.

Mme Louise Mushikiwabo. L’OIF partage votre préoccupation. Le prochain Sommet sera l’occasion d’évoquer la mise à disposition des contenus francophones sur internet. La fracture numérique constitue effectivement un facteur important, tout comme le taux de connexion – il est vrai qu’entre l’Amérique du Nord et la Chine, il ne reste pas beaucoup de marge pour le reste du monde – et le coût de l’accès à internet pour de nombreux jeunes, notamment sur le continent africain.

L’OIF et certains de ses États membres sollicitent périodiquement les dirigeants des grandes plateformes pour les sensibiliser à l’existence d’un grand nombre d’utilisateurs francophones, qui ne sont pas toujours pris en considération. C’est d’ailleurs pour cette raison que la France, pays hôte du Sommet, a voulu engager cette discussion dès son ouverture, le 4 octobre.

Dans le même temps, nous nous mobilisons, à travers une plateforme de ministres francophones chargés des technologies de l’information, pour réduire la fracture numérique, qui entrave la présence de contenus francophones sur internet – car si trop peu de contenus sont créés, ils ne peuvent pas être rendus disponibles pour le plus grand nombre. Ce travail en faveur de la découvrabilité des contenus francophones, que nous avons engagé avec différents acteurs, fait partie des programmes prioritaires de l’OIF pour les prochaines années. Nous nous efforcerons de mettre à profit la technologie pour accroître la présence de la langue française.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’OIF compte, parmi ses missions, la lutte contre la désinformation. Vous connaissez certainement le conflit territorial qui oppose la France et les Comores au sujet du département de Mayotte, que je représente ici – le Rwanda n’est pas très loin du canal du Mozambique.

Malgré le vote souverain des Mahoraises et des Mahorais contre l’indépendance en 1976, les Comores répandent depuis plusieurs décennies un discours mensonger, une propagande haineuse et violente, avec l’aide, désormais, de la Russie et de l’Azerbaïdjan. On a ainsi pu voir le groupe d’initiative de Bakou se réunir les 2 et 3 septembre derniers pour mettre en scène et diffuser une conférence de désinformation sur Mayotte, promouvant une réécriture de l’histoire qui nie le choix des Mahoraises et des Mahorais de rester français, met la France en accusation et alimente les réseaux sociaux pour déstabiliser notre territoire.

Le révisionnisme comorien est une violence pour nous, Mahorais : il nie le combat de nos anciens et vise à prendre le contrôle de notre île. Il est lourd de conséquences sur le terrain car, si les fantasmes de Moroni et les gesticulations de pseudo-intellectuels comoriens en mal de publicité restent pathétiquement risibles tant ils sont dénués de fondement, ils ont un très large écho sur Facebook, WhatsApp, TikTok et Twitter. Les réseaux sociaux permettent à la désinformation de dépasser les frontières, de justifier l’instrumentalisation des flux migratoires à Mayotte et de nourrir un discours anti-français.

Que fait l’OIF contre la désinformation et le discours anti-français qui se répand ?

Mme Louise Mushikiwabo. Au risque de vous décevoir, ce conflit n’a pas vraiment été abordé à l’OIF, en partie parce que les sujets étudiés nous sont soumis par les États membres. Or ni les Comores ni la France n’ont évoqué cette question. Toutefois, nous suivons, notamment depuis quelques mois, ce conflit qui, comme d’autres à travers l’espace francophone, est le théâtre de tentatives de manipulation de l’information. Il importe de bien comprendre la situation pour ne pas être pris dans ce piège. Votre intervention nous rappelle cette réalité – je parle sous le contrôle du directeur de la Francophonie politique, qui traite de ces questions. Nous allons nous y pencher.

M. Marc de Fleurian (RN). Sur un sujet aussi important, comme d’ailleurs sur tous les autres, nous aurions souhaité que les groupes puissent s’exprimer dans l’ordre décidé démocratiquement par les électeurs en juillet, comme c’était le cas lors de la précédente législature.

Ceci étant dit, je vous remercie, madame la secrétaire générale, d’être présente parmi nous. L’Organisation que vous conduisez est pour nos pays un atout majeur, dont le potentiel de développement reste immense. Ce lien qui unit les 320 millions de francophones nous permet de tenir une place enviée sur la scène internationale, grâce à notre langue partagée et au patrimoine culturel et littéraire qui lui est attaché. Il s’agit également d’un levier pour favoriser notre prospérité commune en renforçant les liens entre nos quatre-vingt-huit États membres, chiffre appelé à augmenter bientôt.

Les pays africains francophones, en particulier, sont de ceux avec qui nous devons travailler pour y enrayer l’implantation d’intérêts étrangers parfois voraces. L’expansion linguistique, économique, voire militaire, de ces réseaux représente en effet un risque réel de déséquilibre pour un continent dans lequel nous nous sommes impliqués ensemble depuis des années en faveur de la paix et du développement, jusqu’au sang versé en commun. L’attaque terroriste menée il y a quelques heures contre les gendarmes maliens nous rappelle que la guerre y est une réalité quotidienne pour un nombre trop important de ses habitants.

Les changements de régime survenus au Sahel ces dernières années y ont affaibli notre action commune. Les relations diplomatiques avec les nouveaux dirigeants y sont pour le moins délicates. Or le réseau qu’offre la Francophonie peut aider à traverser ces moments durant lesquels le dialogue est difficile, voire rompu – soit formellement à travers les institutions de la Francophonie, soit par des canaux plus informels qui peuvent se révéler terriblement efficaces. Nous saluons et soutenons votre action, qui permet de maintenir les liens unissant les nations francophones le temps que les relations entre les gouvernements soient rétablies et que les canaux diplomatiques conventionnels puissent être rouverts. Nous vous souhaitons un plein et entier succès lors du prochain Sommet de la Francophonie, qui se tiendra dans notre belle ville de Villers-Cotterêts.

Mme Louise Mushikiwabo. Les difficultés auxquelles vous faites référence m’inspirent un commentaire : en tant qu’Organisation commune à la zone sahélienne et à la France, il est dans notre intérêt que ces différents États entretiennent des relations apaisées. Nous assistons depuis quelques années à une révolte, qui concerne surtout la jeunesse francophone des pays concernés et est alimentée par la manipulation et la désinformation.

Pour avoir bien connu ces pays et travaillé au sein de l’Union africaine pendant plusieurs années, j’estime que l’apaisement de leurs relations avec la France passera en partie par le renforcement de leur gouvernance nationale. Les pays prédateurs actifs dans la zone sahélienne et d’autres régions comme le Mozambique, en Afrique australe, tirent surtout avantage des faiblesses de ces États, faiblesses qui alimentent une certaine révolte de la jeunesse contre leurs dirigeants et, par extension, contre la France, perçue comme un soutien des autorités contestées. C’est donc avant tout sur cet aspect qu’il faut travailler pour œuvrer à un apaisement.

Nous suivons ces questions de près car certains des pays qui boudent la France nous indiquent vouloir abolir la langue française, dans laquelle ils ont pourtant investi depuis leur indépendance. Par la recherche de solutions politiques, nous faisons tout pour que cette fracture, cette mésentente ne s’accentuent pas. Nous travaillons aussi avec les États de la région, qui nous aident parfois à faire passer des messages aux pays du Sahel. J’ai notamment engagé cette discussion avec le nouveau président sénégalais, qui sera présent au Sommet.

M. le président Jean-Noël Barrot. Nous en venons aux questions posées à titre individuel.

M. Alexis Jolly (RN). La transition numérique représente un enjeu majeur pour les pays francophones, sur le plan économique comme sur le plan culturel. Il est en effet crucial de positionner le français comme langue du futur dans les secteurs clefs du numérique, de l’intelligence artificielle et de l’entreprenariat. La Francophonie doit être un acteur majeur de ces chantiers.

Dans cette perspective, comment l’OIF envisage-t-elle de soutenir la création et la diffusion de contenus numériques en français, pour encourager l’utilisation de notre langue dans le secteur des technologies émergentes ? Quels plans d’action ont été déployés pour garantir que le français reste une langue d’innovation, en particulier pour les jeunes générations, qui seront les moteurs de cette transformation numérique ? Pouvez-vous, enfin, nous en dire davantage sur le pacte numérique que vous avez évoqué ?

Mme Louise Mushikiwabo. Effectivement, j’avais déjà compris, à mon arrivée à la tête de l’OIF, combien le numérique était incontournable. Notre action en la matière s’est d’abord portée sur les textes : une nouvelle stratégie numérique a été adoptée par les ministres chargés de la Francophonie pour fixer un cadre de discussion.

Par ailleurs, au-delà de nos interactions avec les ministres chargés du numérique de plusieurs États membres, qui sont regroupés depuis 2018 dans un réseau spécifique, nous nous sommes impliqués dans l’élaboration du Pacte numérique mondial, en soulignant notamment que les plus de 320 millions de locuteurs francophones, ne maîtrisant pas la langue anglaise, risquaient de ne pas y avoir accès. Nous avons ainsi proposé au secrétaire général des Nations unies d’en faire la traduction mais aussi de piloter, depuis notre bureau de New York, la contribution de chacun de nos membres aux négociations. Nous espérons que ce document verra le jour. Comme c’est souvent le cas au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, des difficultés se font sentir, pour des raisons qui ont très peu à voir avec le numérique, mais nous continuerons à suivre ce dossier de près, en lien avec nos États et avec les Organisations multilatérales compétentes.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Je souhaite vous interroger sur la stratégie de l’OIF en Europe du Sud-Est, où se situe un Centre régional francophone pour l’Europe centrale et orientale. Bien que la pratique de la langue française ait reculé dans les Balkans occidentaux, il y existe, notamment en Serbie et en Macédoine du Nord, une longue tradition francophone et francophile, née des liens culturels étroits qui se sont tissés à travers l’histoire. En 2019, l’OIF s’est prononcée en faveur d’un renforcement de la Francophonie dans cette région, qui se caractérise par ailleurs par un multilinguisme très répandu.

Qu’en est-il de cette stratégie ? Le rôle de la Francophonie dans les Balkans occidentaux sera-t-il abordé lors du prochain Sommet ?

Mme Louise Mushikiwabo. S’agissant de votre deuxième question, la réponse est non : la langue française dans les Balkans ne sera pas à l’ordre du jour du prochain Sommet. Notre intérêt pour cette région n’en est pas moins réel.

Nos experts – je songe notamment à l’Observatoire de la langue française, basé à Québec, ou encore à la conseillère langue française rattachée au cabinet – ont lancé un processus d’évaluation de la place du français dans les différents États, qu’ils soient membres à part entière, observateurs, ou désireux de changer de statut. Sans nous focaliser sur la région des Balkans, nous avons inclus dans ces travaux certains des pays qui la composent, comme la Serbie. Cet État a fait l’objet d’une évaluation et recevra le soutien de l’OIF dans ce cadre.

Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). La Francophonie est pour les jeunes une formidable chance d’ouverture sur le monde. Le Réseau international de la jeunesse de la Francophonie, créé en octobre 2022 et qui fédère les organisations à travers le monde, constitue une avancée notable à cet égard.

Dans le cadre du campus francophone que mon collègue Pouria Amirshahi a installé fin 2023 en Seine-Saint-Denis, un pacte linguistique a été signé avec l’État afin d’encourager les collèges publics du département à des correspondances avec des pays francophones.

Il est nécessaire de multiplier de telles initiatives dans tous les territoires de France. La Francophonie ouvre autant de fenêtres sur le monde dont la jeunesse des quartiers, qui fait aussi vivre la langue française, devrait profiter davantage, qu’il s’agisse d’échanges ou d’emplois.

Existe-t-il, au sein de l’OIF, des dispositifs pour faire connaître la Francophonie dans les quartiers ?

Mme Louise Mushikiwabo. La jeunesse des quartiers populaires porte la langue française. Nous allons nous intéresser au pacte linguistique que vous avez mentionné et dont nous ignorions l’existence.

Le travail sur la langue française en France, en particulier dans les quartiers populaires, est une piste insuffisamment explorée mais intéressante pour nourrir la Francophonie.

M. Stéphane Rambaud (RN). Six ans après les annonces d’Emmanuel Macron, les résultats sont décevants.

La Francophonie doit demeurer un espace d’influence économique et géopolitique, ainsi que le vecteur de nos valeurs dans le monde. Cela nécessite, d’une part, de revoir à la hausse nos objectifs économiques, en particulier dans le secteur numérique, d’autre part, de promouvoir le français comme langue de travail dans les instances internationales et les entreprises – nous le savons tous, la langue façonne l’esprit. L’OIF parvient-elle à obtenir des résultats en la matière ?

Mme Louise Mushikiwabo. Les difficultés d’accès aux entreprises, à l’exception de celles regroupées dans des organisations affiliées à l’OIF, limitent nos actions pour y promouvoir l’usage du français comme langue de travail. Nous encourageons néanmoins les États membres à promouvoir la langue française et son usage dans tous les domaines.

Forts de la stratégie économique pour la Francophonie 2020-2025, nous avons été très actifs sur le front économique. Nous avons ainsi mis en relation les entreprises et les acteurs économiques dans l’espace francophone ; je pense notamment au Cambodge et au Vietnam, qui souhaitaient faire des affaires avec l’Afrique, mais aussi au Canada avec l’Afrique de l’Ouest et du Nord. Nous sommes très sollicités pour jouer notre rôle de catalyseur pour les petites et moyennes entreprises francophones. Enfin, l’Alliance des patronats francophones se réunit chaque année.

M. Pierre Pribetich (SOC). Comment comptez-vous mener le combat linguistique en faveur de l’accès à la connaissance, de l’altérité et de la promotion de nos valeurs face à 1,26 milliard d’anglophones, 1,12 milliard de locuteurs pour le mandarin, 600 millions pour l’hindi et 500 millions pour l’espagnol, quand les francophones sont 320 millions ? Le concept d’hégémonie culturelle, cher à Gramsci, rappelle la nécessité de ce combat.

Je m’inquiète du développement de l’intelligence artificielle pour les logiciels de traduction. Comment pouvez-vous vous assurer de la qualité de la langue dans ces logiciels ? Comment garantir la diffusion du français dans les médias internationaux ?

Je corrobore les propos de notre collègue Liliane Tanguy ; l’Albanie aussi dispose d’une très grande culture francophone.

Mme Louise Mushikiwabo. Les possibilités offertes par l’intelligence artificielle et les nouveaux logiciels de traduction sont au cœur des discussions de l’OIF. J’ai confié au nouveau directeur de l’Observatoire de la langue française le soin de nous aider à garantir une bonne traduction.

Nous rappelons régulièrement aux États membres la nécessité de faire valoir la langue française. Certes, la population francophone n’égalera jamais les Chinois ou les Indiens. Nous devons absolument enrayer le recul de notre langue et l’assumer sans pour autant entrer en guerre contre ceux qui en parlent d’autres.

Pour ce qui concerne l’Albanie, ce pays est membre de l’OIF.

M. Nicolas Dragon (RN). Le département de l’Aisne, dont je suis l’élu, est fier d’accueillir le XIXe Sommet de la Francophonie.

Le recours grandissant et excessif au vocabulaire anglais, en particulier de la part de représentants publics, constitue une menace pour notre langue. C’est la raison pour laquelle l’Académie française a enjoint aux pouvoirs publics d’agir, en commençant par veiller eux-mêmes à son bon usage. Que proposez-vous pour remédier à cette fâcheuse tendance à privilégier les termes anglais ?

Mme Louise Mushikiwabo. J’ai grandi dans l’espace francophone puis j’ai passé vingt ans aux États-Unis. J’ai obtenu un diplôme en français dans une université américaine.

Je suis encore plus convaincue que vous de la nécessité de ne pas capituler dans les Organisations internationales. Dans mes fonctions auprès de l’Union africaine, j’ai toujours milité pour que tous les textes soient disponibles en français.

L’usage de termes anglais est très répandu dans les secteurs du commerce et du tourisme et il est difficile de convaincre les entreprises d’y renoncer. Il appartient à tous les francophones de défendre et de valoriser leur langue mais aussi de cesser d’être paresseux. La plupart des termes anglais ont une traduction en français.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). De nombreux termes anglais viennent aussi du français. Ainsi vont les langues…

Ce qui pose problème, c’est la domination politique de l’anglais. Dans les négociations sur l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer, j’ai entendu les délégués français s’exprimer en anglais tandis que les représentants de l’Union africaine parlaient tantôt en français, tantôt en anglais. Peut-être pourrions-nous adresser à nous-mêmes et à notre diplomatie des recommandations en matière d’usage du français.

Quelle était la nature de vos échanges avec le secrétaire général des Nations unies ?

Mme Louise Mushikiwabo. Je connais personnellement les dirigeants des Organisations multilatérales avec lesquelles nous travaillons – Antonio Guterres, Ursula von der Leyen – et je suis en contact régulier avec eux. Les discussions portent sur les textes soumis à ces Organisations. S’agissant de l’Union européenne, un pourcentage de textes en français doit être respecté mais il l’est de moins en moins, et cela même après le retrait du Royaume-Uni, étonnamment.

Je vous remercie de suggérer de rappeler à l’Exécutif français la nécessité de valoriser la langue française et d’être exigeant sur la traduction des textes et la présence des interprètes. L’usage de la langue française régresse de manière visible dans les instances multilatérales. C’est un combat que nous devons tous mener.

M. le président Jean-Noël Barrot. Madame la secrétaire générale, nous vous sommes très reconnaissants d’être venue devant nous aujourd’hui. Cet échange, direct et ouvert, était nécessaire pour nous permettre de mieux comprendre l’importance des échéances qui s’annoncent pour l’OIF et la Francophonie. Nous suivrons avec grand intérêt le XIXe Sommet des 4 et 5 octobre prochains et resterons très attentifs, dans les mois à venir, à tout ce qui concernera l’OIF et la promotion de la Francophonie.

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Informations relatives à la commission

En ouverture de sa réunion, la commission désigne :

-          Mme Marine Hamelet, rapporteure sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015 (sous réserve de sa transmission) ;

-          Mme Brigitte Klinkert, rapporteure sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à l’apprentissage transfrontalier (sous réserve de sa transmission) ;

-          M. Pierre-Yves Cadalen, rapporteur sur le projet de loi autorisant l’approbation de la ratification de la convention n° 155 de l’Organisation internationale du Travail sur la sécurité et la santé des travailleurs, adoptée le 22 juin 1981 à Genève lors de la 67e session de la Conférence internationale du travail (sous réserve de son dépôt).

 

La séance est levée à 18 h 30.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, M. Jean-Noël Barrot, M. Guillaume Bigot, M. Jérôme Buisson, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Éléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, Mme Sophia Chikirou, M. Éric Ciotti, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Dieynaba Diop, M. Marc de Fleurian, M. Perceval Gaillard, M. Julien Gokel, Mme Pascale Got, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. François Hollande, Mme Sylvie Josserand, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Laurent Mazaury, Mme Nathalie Oziol, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, M. Pierre Pribetich, M. Jean-Louis Roumégas, M. Aurélien Taché, Mme Dominique Voynet, Mme Estelle Youssouffa

 

Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Élisabeth Borne, M. Bertrand Bouyx, Mme Julie Delpech, M. Olivier Faure, M. Benjamin Haddad, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, Mme Alexandra Masson, M. Stéphane Rambaud, M. Davy Rimane, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, Mme Liliana Tanguy, M. Laurent Wauquiez