Compte rendu
Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire
– Examen du rapport de la mission d’information sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation (M. Charles de Courson et Mme Félicie Gérard, rapporteurs) 2
– présences en réunion...........................26
Mardi
24 septembre 2024
Séance de 17 heures
Compte rendu n° 007
Présidence de
M. Éric Coquerel, Président
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La commission examine le rapport de la mission d’information sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation (M. Charles de Courson et Mme Félicie Gérard, rapporteurs).
M. le président Éric Coquerel. L’ordre du jour appelle la présentation, par M. Charles de Courson et Mme Félicie Gérard, du rapport d’information sur la fiscalité de l’épargne par capitalisation.
Je rappelle qu’il s’agissait à l’origine d’une mission d’information créée sous la précédente législature, qui a vu ses travaux interrompus le 9 juin 2024. Conformément à ce qui a été décidé par le bureau de notre commission, les deux rapporteurs de cette mission d’information ont été renommés pour qu’ils puissent achever leur travail et nous en présenter les conclusions. Le projet de rapport a été communiqué à tous les commissaires jeudi dernier.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Comme l’a dit M. le président, cette mission d’information a été créée en décembre dernier, à l’initiative du groupe Horizons et apparentés. L’ensemble des auditions ont été organisées avant la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier. Charles de Courson et moi-même avons tenu à mener ces travaux à leur terme, plusieurs de nos propositions pouvant faire l’objet d’amendements au projet de loi de finances (PLF) pour 2025, que notre commission examinera prochainement.
Tous les acteurs de la chaîne de valeur de l’épargne retraite ont été entendus, des administrations compétentes aux assurés eux-mêmes, en passant par les autorités de régulation, les producteurs, les distributeurs et les intermédiaires du marché de l’épargne retraite.
La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a fortement simplifié les règles applicables aux contrats d’épargne retraite, en créant un produit de droit commun : le plan d’épargne retraite (PER). La quasi-totalité des contrats antérieurs à la loi Pacte ayant cessé d’être commercialisés depuis le 1er octobre 2020, c’est ce produit que nous avons examiné en priorité.
Le maintien, en parallèle, de quelques produits ne figurant pas dans le champ unifié du PER nous semble justifié, dans la mesure où ils correspondent à des profils d’assuré particuliers. C’est par exemple le cas de la retraite mutualiste du combattant, créée au bénéfice des anciens combattants, en reconnaissance de leurs sacrifices pour la Nation.
Trois interrogations principales ont guidé notre réflexion.
Premièrement, le cadre socio-fiscal du PER est-il cohérent selon l’origine des versements et les modalités de liquidation, ainsi qu’au regard d’autres produits utilisés par les Français pour préparer leur retraite ?
Deuxièmement, comment rendre l’épargne retraite accessible et attractive pour les classes moyennes et les ménages les plus modestes ?
Enfin, comment éviter la banalisation du PER comme simple produit d’épargne et comment renforcer sa vocation première de préparation de la retraite ?
En guise d’introduction, plusieurs constats s’imposent. La loi Pacte n’a pas créé un produit uniforme et rigide. Le PER constitue en réalité une enveloppe juridique commune à trois types de contrat : le premier est individuel et souscrit à titre personnel, tandis que les deux autres sont collectifs et conclus dans le cadre professionnel.
Le PER individuel, d’abord, se substitue aux anciens produits destinés aux particuliers et aux travailleurs non salariés, tels que celui que proposait la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique (Préfon) aux fonctionnaires, le plan d’épargne retraite populaire (Perp) et les contrats Madelin destinés aux indépendants agricoles et non agricoles.
Le PER d’entreprise collectif (Pereco), ensuite, succède au plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco). Il s’agit d’un produit facultatif et ouvert à tous les salariés d’une entreprise l’ayant contracté.
Le PER d’entreprise obligatoire (Perob), enfin, remplace le contrat « article 83 ». Si le recours à ce type de contrat est facultatif, l’adhésion des salariés est, le cas échéant, obligatoire.
Les PER, qu’ils soient individuels ou collectifs, sont organisés en trois compartiments différents – C1, C2, C3 –, selon l’origine des fonds qui l’alimentent. Sont ainsi distingués les versements volontaires de l’assuré, les versements correspondant à l’épargne salariale et les cotisations obligatoires de l’employeur et du salarié. À cet égard, le Perob est le seul PER qui peut accueillir ces trois types de fonds.
Cette organisation en compartiments représente une source de complexité pour les salariés, pour les employeurs et pour les gestionnaires. Cette architecture s’explique par la fiscalité et les règles de dénouement spécifiques qui encadrent chaque produit.
Notons toutefois que la loi Pacte a sensiblement simplifié l’architecture de l’épargne retraite en France, ce dont les acteurs auditionnés se félicitent globalement. Parmi les principales avancées liées au PER, nous saluons particulièrement le décloisonnement du marché de l’épargne retraite. Le recours à un tel produit peut donner lieu indifféremment à l’ouverture soit d’un compte-titres, soit d’un contrat d’assurance, respectivement surnommés PER bancaire et PER assurantiel.
D’autres flexibilités ont été introduites, telles que la liberté de choix entre la sortie en rente et la sortie en capital, ou encore l’harmonisation des cas de déblocage anticipé, avec la définition de six motifs parmi lesquels figure l’achat d’une résidence principale. Cette souplesse tempère en partie le caractère illiquide du PER, qui est un produit « tunnel » dont le dénouement ne peut, en principe, intervenir avant l’âge de la retraite.
Seules les sommes issues des cotisations obligatoires et recueillies dans un PER d’entreprise obligatoire sont soumises à des restrictions. Elles doivent impérativement être liquidées sous forme de rente viagère et ne peuvent servir à l’achat d’une résidence principale – spécificités qui doivent être maintenues.
Au-delà de ce panorama technique, nous avons cherché à caractériser l’ampleur du recours au PER et, plus largement, à l’épargne retraite en France.
La loi Pacte a accéléré le développement de l’épargne retraite. En effet, les encours totaux sont passés de 246 milliards d’euros en janvier 2020 à 298 milliards d’euros en mars 2024, soit une hausse de plus de 20 %.
Au sein de la grande catégorie des produits d’épargne retraite, le PER a trouvé son public et connaît le même dynamisme, ses encours ayant progressé de 6 milliards d’euros sur la même période, pour atteindre 98 milliards d’euros, dont 63 milliards d’euros pour le seul PER individuel. Ces sommes incluent évidemment les transferts en provenance de produits antérieurs à la loi Pacte, lesquels représentent 65 % des encours totaux du PER.
Les cotisations versées sur les PER individuels ont atteint, hors transferts, 8,4 milliards d’euros en 2022, dernière année pour laquelle les données sont connues. Ce chiffre s’élève à 3,1 milliards d’euros pour les Pereco et à 1,5 milliard d’euros pour les Perob.
Cependant, si ces chiffres sont encourageants, le développement de l’épargne retraite en France nous semble insuffisant. Soyons clairs, il ne s’agit aucunement de remettre en cause les régimes légalement obligatoires. Nous constatons simplement que le défi du vieillissement de la population et le coût futur de la dépendance exigent de mieux couvrir le risque de longévité. Tous les acteurs interrogés nous l’ont confirmé, les Français tendent à sous-estimer leur espérance de vie à la retraite et les besoins financiers liés au grand âge. Les actifs préparent tardivement leur retraite et, pour 20 % d’entre eux, surestiment le montant de leur pension.
En tout état de cause, l’épargne retraite n’est pas un produit financier accessible à tous. À ce titre, les données de l’Insee sur la répartition socio-économique des personnes qui y recourent sont éclairantes. La part des cadres détenant un produit d’épargne retraite s’élevait en effet à 34 % en 2021, contre 16 % en moyenne pour l’ensemble des ménages.
La faible diffusion de l’épargne retraite parmi les ménages les plus modestes s’explique aisément. Ces derniers ont une capacité d’épargne limitée et privilégient, dans une logique de précaution, les produits les plus liquides, afin de se protéger contre les coups durs et les aléas de la vie. De plus, un contribuable non imposable n’a, par définition, aucun intérêt à opter pour la déduction fiscale des versements à l’entrée que permet le PER ; nous y reviendrons.
Enfin, dernier phénomène notable, pour préparer leurs vieux jours, nos compatriotes recourent moins aux produits d’épargne retraite qu’à d’autres actifs généralistes. Les sondages réalisés placent régulièrement ces produits derrière la propriété de la résidence principale, l’immobilier locatif et l’assurance vie. La fiscalité n’est pas étrangère à ces choix, comme le démontrent les divers avantages fiscaux applicables à l’acquisition et à la détention d’une résidence principale, parmi lesquels figurent l’abattement au titre de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’exonération de l’éventuelle plus-value lors d’une vente, ou encore la non‑imposition des loyers fictifs – principe auquel Charles de Courson et moi-même sommes attachés.
Je laisse maintenant à Charles de Courson le soin de présenter le cadre socio-fiscal particulièrement complexe du PER.
M. Charles de Courson, rapporteur. Nous en venons au cœur de nos travaux, à savoir l’étude de la fiscalité relative à l’épargne retraite, et plus particulièrement au PER.
La fiscalité du PER concerne tout d’abord les particuliers, ce produit entrant dans l’assiette de l’imposition du revenu, des successions et de la fortune immobilière. Pour les employeurs, elle donne lieu à des prélèvements sociaux qui varient selon la nature des versements effectués et à des possibilités de déduction de l’assiette de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu.
Comme l’indique le tableau figurant à la page 66 du rapport d’information, la fiscalité du PER dépend de nombreux paramètres. Elle est fonction de la nature du support, selon qu’il s’agit d’un contrat d’assurance vie ou de compte-titres ; des modalités de sortie, en rente ou en capital, ou lorsque survient l’un des six cas particuliers de déblocage anticipé qu’évoquait Félicie Gérard ; des options retenues, c’est-à-dire la déduction à l’entrée, ou non, des versements volontaires ; et de la nature desdits versements, lesquels peuvent être, je le répète, obligatoires s’agissant du Perob, volontaires ou issus de l’épargne salariale.
Même si la loi Pacte visait à simplifier le dispositif, force est de constater que le cadre socio-fiscal du PER est loin d’être simple.
La fiscalité de ce produit est souvent réduite à ce qui apparaît comme un argument de vente majeur pour les distributeurs, à savoir la possibilité de déduire ses versements volontaires de l’assiette de l’impôt sur le revenu, dans une limite annuelle qui correspond au plus élevé des deux plafonds suivants. Le premier correspond à 10 % des revenus professionnels de l’année N‑1, dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale de la même année, soit 35 194 euros pour les versements réalisés en 2023. Le second correspond à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit, toujours pour les versements effectués en 2023, 4 399 euros – cette option étant destinée aux salariés modestes voulant cotiser davantage. Je précise que les plafonds se calculent différemment pour les travailleurs non salariés, ce qui peut constituer une source de complexité pour les personnes concernées.
En ce qui concerne les versements obligatoires et les sommes issues de l’épargne salariale et reversées sur un PER, la fiscalité est également favorable étant donné que les premiers sont déductibles du salaire brut imposable dans la limite d’un plafond annuel et que les secondes sont exonérées d’impôt sur le revenu.
Lorsqu’il liquide son PER, un contribuable voit son imposition sur le revenu varier, selon qu’il a choisi, ou non, de déduire ses versements à l’entrée. Cette variation correspond aux trois compartiments évoqués par Mme Gérard.
En cas de sortie en rente, les versements déduits se voient appliquer le régime des rentes viagères à titre gratuit (RVTG), qui repose sur un prélèvement de l’impôt sur le revenu dans les conditions du droit commun relatif aux pensions, c’est-à-dire une application du barème progressif après l’abattement de 10 % – abattement qui s’applique à l’ensemble des sommes versées, qu’elles proviennent des versements initiaux ou des gains réalisés. Des prélèvements sociaux sont également dus sur les prestations correspondantes, sur la base d’une assiette décroissante en fonction de l’âge, déterminée par le régime des rentes viagères à titre onéreux (RVTO).
Ce même régime des RVTO s’applique aussi aux versements n’ayant pas fait l’objet d’une déduction fiscale. La fraction taxable passe ainsi de 70 % pour un contribuable âgé de moins de 50 ans à 30 % pour une personne âgée de plus de 70 ans. Les prélèvements sociaux sont dus forfaitairement au taux de 17,2 % sur les revenus correspondant aux gains du capital versé.
S’agissant des sorties en capital, une différence est systématiquement faite entre la part correspondant aux versements et celle correspondant aux gains, c’est-à-dire à l’accumulation des revenus. Ainsi, les gains des versements non déduits sont imposés au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %. Dans le cas des versements déduits à l’entrée, le PFU s’applique sur les gains, tandis que les versements initiaux sont imposés selon les règles de droit commun des pensions, mais sans bénéfice de l’abattement de 10 % propre à cette catégorie de revenus.
Concernant la fiscalité des revenus, deux points ont particulièrement retenu notre attention.
Premièrement, si les sorties en capital sont perçues comme une forme de flexibilité, les sorties en rente semblent davantage conformes à l’objectif de constitution d’un revenu complémentaire à la retraite.
Deuxièmement, si l’administration fiscale considère l’avantage fiscal à l’entrée comme un simple sursis d’imposition dans le temps et ne l’évalue donc pas comme une dépense fiscale – nous y reviendrons en présentant nos propositions –, les auditions ont montré que la portée de cet avantage suscite un débat important. En effet, de l’aveu même de l’administration, on ne peut exclure l’existence d’un écart entre les sommes déduites et celles perçues, en raison du différentiel entre les taux marginaux d’imposition supportés par le contribuable à l’entrée et à la sortie.
Ces produits d’épargne retraite sont souvent vendus grâce à l’argument de l’avantage fiscal, notamment pour les personnes dont le taux marginal d’imposition est de 30 ou 40 %. De plus, on explique aux personnes intéressées que ce taux sera plus bas au moment de la retraite, car leurs revenus auront baissé. Or ce n’est pas toujours vrai, l’inverse arrive aussi. Certaines personnes auront un faible taux d’imposition à l’entrée puis, après avoir beaucoup travaillé et s’être enrichies, se verront appliquer un taux supérieur à la sortie. Les choses sont donc plus compliquées qu’elles n’y paraissent.
Voilà pourquoi nous préconisons une évaluation exacte de l’incidence de ce régime sur les finances publiques au regard de son caractère incitatif pour les contribuables et de l’objectif de préparation de la retraite, qui relève de l’intérêt général.
Mais avant d’aller plus avant dans la présentation de nos propositions, abordons la question de l’imposition du PER au titre des droits de succession et de l’IFI. Dans les deux cas, c’est la différence de traitement entre le PER assurantiel et le PER compte-titres qui suscite le plus de remarques de notre part.
Dans le cas des successions, la fiscalité applicable lors d’une transmission d’un PER compte-titres ne présente pas de spécificités particulières puisque les sommes sont intégrées à l’actif successoral et se voient appliquer les règles fiscales de droit commun. À l’inverse, le PER assurantiel bénéficie, en raison de sa nature juridique, d’un régime dérogatoire proche de celui de l’assurance vie, sans lui être identique. Les deux types de PER permettent d’opter pour la réversion des rentes en cas de décès, mais seuls les PER assurantiels permettent de désigner un bénéficiaire, à l’instar, là encore, de l’assurance vie.
En ce qui concerne l’IFI, la différence de traitement entre les deux types de PER a été précisée par le Gouvernement en février 2023, dans sa réponse à une question posée par le sénateur Claude Malhuret. Cette différence de traitement nous semble plus discutable. De façon générale, les versements effectués sur un PER sont susceptibles d’être investis dans des actifs entrant dans l’assiette de l’IFI. Il s’agit essentiellement de parts ou d’actions de société civiles de placement immobilier (SCPI) ou d’organismes de placement collectif immobilier (OPCI).
Dans le cas des PER compte-titres, ils sont automatiquement intégrés à l’IFI dès lors qu’ils contiennent des actifs compris dans l’assiette de cet impôt et que l’épargnant y est assujetti, mais dans la limite de la fraction de la valeur correspondant à des actifs imposables. Pour le dire simplement, il s’agit des actifs immobiliers et fonciers.
À l’inverse, les PER assurantiels ne sont incorporés dans le calcul de l’IFI que s’ils sont considérés comme rachetables, soit lorsque l’épargnant a atteint l’âge légal l’autorisant à liquider son PER, soit lorsque survient l’un des six événements de la vie permettant le déblocage anticipé du contrat, parmi lesquels figurent l’achat d’une maison ou encore le décès du conjoint.
Enfin, nous avons aussi adopté une approche comparative permettant de rapprocher le PER d’autres produits plébiscités par les Français pour préparer leur retraite : l’assurance vie et, dans une moindre mesure, le plan d’épargne en actions (PEA).
S’agissant d’abord des revenus, le PER est le seul produit prévoyant des avantages fiscaux à l’entrée, là où l’assurance vie et le PEA ne le font qu’à la sortie. Cette différence nous semble cohérente dans la mesure où le PER est un produit « tunnel » impliquant un blocage juridique de l’épargne sur le long terme. Dit autrement, on ne peut sortir d’un tel dispositif qu’au moment de la retraite ou ultérieurement – nous y reviendrons.
Ensuite, la fiscalité du PER lors d’une transmission est plutôt moins favorable que celle de l’assurance vie. Une fois de plus, cela s’explique par la finalité principale du PER, qui est de permettre le versement d’un revenu complémentaire à la retraite. Il vise donc en priorité la vie de l’épargnant.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Nous en venons à nos principales recommandations fiscales et non fiscales, en vue de développer le recours au PER.
Nos travaux nous conduisent effectivement à plaider sans équivoque en faveur de l’épargne retraite, notamment pour que les ménages modestes, dont les marges de manœuvre financières une fois à la retraite sont moins importantes, s’en emparent.
Pour cela, il convient au préalable de prévenir les risques de détournement et de banalisation du PER, faute de quoi le maintien de son cadre socio-fiscal avantageux sera difficile à justifier. En effet, ce type de produit peut actuellement être utilisé comme un outil d’optimisation de la fiscalité successorale. Ce risque est bien identifié par l’administration, les professionnels et les contribuables, sans qu’il soit possible de mesurer avec précision le phénomène.
Un point de fuite a été identifié : le décès, avant la liquidation de son contrat, du titulaire d’un PER alimenté par des versements préalablement déduits. Dans ce cas de figure, les sommes accumulées et transmises aux ayants droit sont imposées au titre des successions, mais sans jamais l’avoir été au titre de l’impôt sur le revenu, initialement dû par le défunt. Dans leur rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine, présenté lors de la précédente législature, nos collègues Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu avaient déjà alerté sur l’échec du rattrapage fiscal à la sortie, en cas de décès de l’assuré. La direction générale du Trésor, dont nous avons auditionné les représentants, reconnaît une perte sèche pour le budget de l’État, sans être capable d’en évaluer le montant. Il existe donc une niche fiscale liée à la transmission du PER qui ne dit pas son nom.
Deux mesures sont envisagées pour colmater cette brèche, tant pour la bonne maîtrise des finances publiques qu’au nom de l’équité fiscale.
La première solution, que Charles de Courson et moi-même soutenons tous deux, consiste à limiter au maximum la probabilité d’un décès de l’assuré avant la liquidation de son PER. Il n’existe actuellement aucune limite d’âge pour l’ouverture, l’abondement ou la liquidation d’un tel produit : des personnes déjà retraitées peuvent tout à fait souscrire ce type de contrat, dont l’objectif est pourtant de préparer la retraite. À cet égard, l’avantage fiscal en cas de transmission est un argument de vente parfois utilisé par les intermédiaires, y compris auprès de souscripteurs âgés ; plusieurs articles disponibles en ligne en témoignent.
En conséquence, nous recommandons l’instauration d’une double borne d’âge. Concrètement, un épargnant ne pourrait plus ouvrir un PER à partir de 67 ans et, s’il en détient un, celui-ci serait automatiquement liquidé à 70 ans. Ces bornes nous semblent pertinentes dans la mesure où elles correspondent respectivement à l’âge d’annulation de la décote et à l’âge de référence des avantages fiscaux de l’assurance vie. La direction générale du Trésor nous a indiqué que des réflexions étaient engagées sur l’application d’un âge limite de liquidation, mais sans préciser leur contenu, ni de calendrier. Nous suivrons bien entendu l’avancée de ces travaux avec beaucoup d’intérêt.
La seconde solution, que défend Charles de Courson, consiste à fiscaliser les ayants droit, en soumettant à l’impôt sur le revenu les sommes transmises, dès lors qu’elles correspondent à des versements déduits. Le montant de l’impôt ainsi acquitté serait déductible de l’actif successoral soumis aux droits de succession, afin d’éviter un phénomène de double imposition. Le Sénat avait adopté un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Pour ma part, j’estime que l’instauration d’une double borne d’âge serait suffisante pour limiter les pratiques d’optimisation fiscale.
Par ailleurs, la capacité de l’épargne retraite à assurer efficacement un complément de revenu à la retraite nous semble devoir être confortée. Si le présent rapport d’information contient plusieurs propositions en ce sens, je m’attarderai sur le nécessaire alignement du régime fiscal des sorties en rente, qui bénéficierait aux ménages les moins aisés.
De fait, le droit existant est peu lisible. Les rentes servies ne sont pas soumises aux mêmes prélèvements sociaux selon qu’elles sont issues, soit des deux premiers compartiments, qui correspondent aux versements volontaires de l’assuré et à son épargne salariale, soit du troisième, qui accueille ses versements obligatoires et ceux de son employeur.
Concrètement, les sommes recueillies dans les deux premiers compartiments sont assujetties à la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du patrimoine au taux de 9,2 %, pour un taux global de prélèvements sociaux de 17,2 %, sachant que l’abattement au titre de la RVTO, croissant en fonction de l’âge du crédirentier, est applicable. À l’inverse, les sommes recueillies dans le troisième compartiment sont frappées de la CSG au titre des revenus de remplacement, dont le barème est légèrement progressif selon le revenu fiscal de référence du contribuable. Le taux de prélèvements sociaux ne peut alors être supérieur à 10,1 %, mais il est assorti d’un abattement nettement inférieur, appliqué de manière forfaitaire à hauteur de 10 % du revenu imposable.
Aucun de nos interlocuteurs n’a été en mesure de justifier cette différence de traitement. Malgré nos demandes, la direction de la législation fiscale n’a pas communiqué l’évaluation d’un alignement du régime fiscal de l’ensemble des rentes sur celui des sommes issues du troisième compartiment. Ce dernier est a priori favorable aux ménages modestes, qui ne sont pas soumis à la CSG, ou alors à un taux réduit. Nous demandons à l’administration fiscale de produire une telle estimation, en mesurant le gain fiscal pour le contribuable et l’incidence budgétaire pour l’État.
Enfin, le développement du PER passe, selon nous, en priorité par la promotion des dispositifs collectifs, souscrits dans un cadre professionnel.
Nous avons écarté la solution d’un avantage budgétaire ou fiscal qui serait attribué individuellement aux titulaires d’un PER et qui prendrait la forme d’un abondement de l’État ou d’un crédit d’impôt, de tels mécanismes nous semblant à la fois coûteux pour les finances publiques et complexes pour le contribuable. Le bilan des initiatives prises en ce sens à l’étranger, à l’instar de la prime Riester en Allemagne, est d’ailleurs mitigé.
Plusieurs acteurs auditionnés ont également suggéré de relever le plafond de déduction des versements volontaires, en le portant par exemple de 10 à 20 % des revenus.
Nous sommes défavorables à cette mesure, dont le coût budgétaire est pourtant modéré selon les simulations réalisées par la direction de la législation fiscale. Seuls les contribuables les plus aisés bénéficieraient d’une augmentation du plafond de déduction, lequel peut déjà approcher 35 000 euros en 2024.
La voie des PER collectifs apparaît comme la plus prometteuse pour accroître la diffusion de l’épargne retraite parmi les Français. Souscrits dans le cadre de l’entreprise, ces produits peuvent accueillir les versements facultatifs ou obligatoires de l’employeur. La capacité d’épargne du salarié est par conséquent augmentée par celle d’abondement de l’employeur.
Nos propositions en matière de développement des PER collectifs partent d’un double constat.
Tout d’abord, près de cinq ans après la loi Pacte, la diffusion des PER d’entreprise demeure insuffisante. Seulement 25 % des salariés étaient couverts en 2020 par un Pereco ou un Perco – produit auquel le Pereco succède. Nous recommandons de rendre obligatoire la mise en place d’un Pereco dans les entreprises de plus de onze salariés, sur le modèle de la généralisation de la complémentaire santé depuis le 1er janvier 2016. En pratique, toutes les entreprises de plus de onze salariés non couvertes par un contrat collectif seraient tenues de mettre en place un Pereco, sans obligation de versement pour le salarié ou l’employeur. Il s’agit donc d’une mesure moins contraignante que celles retenues par d’autres pays, comme le dispositif britannique d’affiliation automatique. L’objectif est de créer un « effet signal » en incitant les salariés à adhérer à des plans clé en main. L’entrée en vigueur de cette mesure ne serait pas immédiate, afin de donner aux partenaires sociaux le temps de conclure des accords d’entreprise ou de branche.
Le second constat concerne le traitement différent des salariés et des agents publics. Ces derniers ne peuvent tout simplement pas bénéficier d’un PER souscrit dans un cadre collectif. Les contrats réservés aux agents publics dans une logique affinitaire, tels que la Préfon, sont bien des PER individuels alimentés par les seuls versements de l’assuré. Or il n’existe aucune raison valable pour que les employeurs publics soient de moins bons employeurs. Nous invitons donc le Gouvernement à examiner les conditions de l’extension des produits d’épargne retraite collectifs aux employeurs et aux agents publics. Cette réforme contribuerait à l’attractivité des carrières dans la fonction publique, alors même que le précédent gouvernement envisageait de faire des propositions en la matière.
M. Charles de Courson, rapporteur. Si les différents acteurs auditionnés ont largement souligné le caractère récent de la réforme de l’épargne retraite et le besoin de stabilité, nous n’en avons pas moins identifié quelques pistes de réformes, ainsi que différents points sur lesquels des précisions de l’administration sont attendues dans les meilleurs délais.
En effet, plusieurs aspects de la réforme de 2019 n’ont toujours pas fait l’objet d’un commentaire par l’administration fiscale ou la direction de la sécurité sociale. S’il nous a été indiqué au printemps que l’actualisation du Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) devait intervenir « dans les prochains mois », nous l’attendons toujours.
Parmi les points nécessitant des précisions et sur lesquels nous avons été alertés, on peut citer le traitement socio-fiscal des prestations correspondant aux garanties complémentaires proposées par des PER, comme la garantie perte d’autonomie ou la garantie invalidité. Parmi les points sensibles, on compte aussi l’application de l’IFI, qui vous a été exposée dans la première partie de notre intervention.
Tout d’abord, il conviendrait de limiter le caractère rachetable des PER assurantiels aux cas de déblocage effectif et non à la seule survenance d’un des aléas de la vie qui autorisent sa liquidation – et qui, je le rappelle, sont des évènements difficiles, comme un décès ou une situation d’invalidité.
En parallèle, c’est la différence de traitement entre ces deux types de PER au regard de l’IFI dont il faudrait analyser le bien-fondé. En effet, cette différence est peu compréhensible dans la mesure où le PER assurantiel et le PER compte-titres impliquent un blocage identique de l’épargne et où le second n’est pas plus rachetable que l’autre. Mais les actifs immobiliers que le second comprend sont pourtant pleinement intégrés dans l’assiette de l’IFI.
Enfin, citons l’application du forfait social. La complexité et l’instabilité de ce dernier – qui ne se limitent pas au cas du PER – ont souvent été pointées du doigt durant les auditions. Si l’on peut évaluer les différents taux applicables à l’aune des objectifs poursuivis, certains ajustements pourraient être envisagés pour renforcer la cohérence du régime socio-fiscal des PER d’entreprise et rendre ces contrats plus attractifs.
Ainsi, les versements volontaires de l’employeur sont exonérés de forfait social dans les entreprises de moins de cinquante salariés alors que les versements obligatoires ne le sont pas. Il serait utile de réévaluer la pertinence de cette différence de traitement et de mesurer le coût d’une éventuelle harmonisation des exonérations portant sur les différents versements de l’employeur, volontaires ou non.
Je souhaite également dire quelques mots au sujet du mécanisme de rattrapage fiscal sur la transmission des PER, que j’appelle de mes vœux et dont ma collègue a présenté les grandes lignes. Fiscaliser les ayants droit des titulaires de PER non liquidés relève à mon sens de la justice fiscale. Rien ne justifie que des salariés ayant bénéficié d’une réduction de leur impôt sur le revenu – qui peut représenter des dizaines voire des centaines de milliers d’euros pour les plus fortunés – échappent à l’impôt parce qu’ils étaient en mesure de ne pas puiser dans leur PER grâce à leurs revenus ou à une épargne alternative suffisante. En outre, ce type de contournement tend à faire du plan d’épargne retraite un simple plan d’épargne.
Enfin, il nous est rapidement apparu que la fiscalité du PER ne pouvait être analysée sans tenir compte de sa lisibilité pour les épargnants. Or la fiscalité de l’épargne retraite demeure complexe et nombreux sont les épargnants qui peuvent se retrouver démunis, malgré l’existence de professionnels et d’intermédiaires soumis à un devoir de conseil. En outre, comme tout produit d’épargne, les PER font l’objet de nombreux frais dont la répartition n’est pas toujours lisible ni accessible, ce qui peut rendre ardu le choix du contrat.
Sur ce sujet, on peut se féliciter d’avancées récentes, permises notamment par un accord de place signé le 2 février 2022 par les professionnels du secteur, sous l’égide du ministre de l’économie et des finances. Par ailleurs, la loi relative à l’industrie verte du 23 octobre 2023 a confié au Comité consultatif du secteur financier une nouvelle mission consistant à suivre l’évolution des frais et de la performance des contrats grâce à la mise en place d’un Observatoire des produits d’épargne financière qui devrait être mis en place très prochainement. Il permettra de renforcer la transparence sur les différents contrats proposés – dont les PER. La loi relative à l’industrie verte a aussi consacré un devoir de conseil obligatoire trouvant à s’appliquer postérieurement à l’adhésion de l’épargnant à un contrat, ce qui est de nature à améliorer l’accès à l’information des épargnants. Je ne doute pas que notre commission s’attachera à contrôler la mise en œuvre de ces différentes mesures.
Tous ces efforts doivent s’accompagner selon nous d’un renforcement de l’éducation financière des Français. Cela serait particulièrement utile pour les épargnants les plus modestes, qui ont plus difficilement accès à des conseils personnalisés et adaptés à leur profil.
En effet, si la culture financière des Français s’améliore progressivement – comme en témoignent les études régulières de la Banque de France et dont la dernière date de 2023 – les connaissances en la matière demeurent inégalement réparties dans la population et des marges de progression subsistent. De nombreuses initiatives existent déjà, pilotées notamment par l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou la Banque de France. On peut à cet égard regretter que la stratégie d’éducation financière adoptée en 2016 n’ait pas été actualisée par le Gouvernement, malgré un bilan réalisé en 2019. Une attention particulière pourrait être accordée à l’épargne retraite à la faveur d’une révision de cette stratégie.
M. le président Éric Coquerel. Ce rapport fournit beaucoup d’informations intéressantes, même si je n’en partage pas toutes les conclusions. En effet, je suis très dubitatif et porte un regard critique sur tout ce qui rend attractive la retraite par capitalisation. Or il s’agit bien d’un objectif du PER voté dans le cadre de la loi Pacte. Cette attractivité se développe souvent parallèlement à une fragilisation de la retraite par répartition, car on rend toujours plus avantageux un outil utilisé par ceux de nos concitoyens qui en ont les moyens.
Cela fonctionne d’ailleurs, comme vous l’avez relevé, puisque l’encours des PER est passé de 66,4 milliards au 31 mars 2022 à 108,8 milliards au 31 mars 2024, soit une augmentation de 63,9 % en tout juste deux ans. On peut considérer que ces 44 milliards auraient pu, d’une manière ou d’une autre, bénéficier aux retraites par répartition.
Le deuxième problème réside dans l’optimisation fiscale liée au PER, puisque cet instrument représente 1,2 milliard d’exonérations fiscales. On peut dès lors se demander si, d’une certaine manière, nous ne payons pas tous la retraite privée de certains Français.
Lors de leur placement, les fonds investis dans un PER ne sont pas intégralement soumis à l’impôt sur le revenu. L’avantage fiscal accordé aux contribuables qui choisissent d’investir dans les PER individuels est donc très coûteux pour les finances publiques, mais il ne profite pas aux plus modestes, qui ne sont pas redevables de l’impôt sur le revenu – soit plus de vingt-deux millions de foyers. A contrario, plus les ménages sont imposés – donc aisés –, plus l’avantage est intéressant.
Pourtant, l’administration ne considère pas qu’il s’agit d’une niche fiscale, un impôt étant acquitté lorsque le contribuable retire ses fonds du PER. Cependant, le différé d’imposition peut parfois atteindre plusieurs dizaines d’années. Cela entraîne donc bien une perte de recettes publiques, dont le coût réel n’est pas connu. Mais, selon une estimation figurant dans le rapport, il pourrait être compris entre 3 et 4 milliards d’euros. Compte tenu de l’importance de cette somme, ne serait-il pas pertinent de modifier la loi afin que ce coût soit établi de façon précise et communiqué à la représentation nationale chaque année ?
Par ailleurs, une perte nette d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux peut advenir en cas de décès de l’assuré avant la liquidation du PER. Vous proposez de distinguer le cas d’un décès intervenant avant que l’épargnant atteigne l’âge de la retraite de celui d’un décès après cet âge. Cette distinction repose sur une plus grande suspicion d’optimisation fiscale lorsque l’épargnant décède après l’âge de la retraite sans avoir liquidé son PER. En d’autres termes, des contribuables choisissent de ne pas utiliser leur plan afin de le transmettre à leurs héritiers et d’éviter de payer de l’impôt sur le revenu. Ne pourrait-on pas plutôt considérer que, dans les deux cas, il s’agit d’une manière d’échapper à l’impôt ? Il serait alors légitime, du point de vue de l’égalité fiscale, de faire en toute hypothèse acquitter l’impôt sur le revenu qui a été placé en sursis du vivant de l’épargnant lors de la succession.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. L’administration fiscale ne considère pas le sursis d’imposition sur le revenu permis par les PER comme une dépense fiscale. C’est pourquoi aucun chiffrage ne figure dans le tome 2 de l’annexe du PLF portant sur les voies et moyens.
Nous pourrions néanmoins formuler une demande de rapport lors de l’examen du PLF, à condition que ce dernier comprenne des projections sur plusieurs années et ne se borne pas à publier un tableau décrivant la situation à un instant donné. Il faudrait aussi prévoir une actualisation des données chaque année. Autrement dit, s’il est évident que nous avons besoin d’une évaluation, la voie législative ne nous semble pas nécessaire.
M. Charles de Courson, rapporteur. Votre deuxième question est très précise, Monsieur le président.
Nous pensons que lorsque le décès intervient avant la retraite, il s’agit d’un événement subi, qu’il faut distinguer d’un choix. Il n’est donc pas absurde d’opérer une distinction. En revanche, lorsque l’on se situe après le départ à la retraite, on peut avoir certains cas où le PER devient de fait un plan d’épargne.
Les propositions que nous faisons ne sont pas alternatives. Elles peuvent être cumulatives.
La première, qui nous est commune, consiste à fixer à 67 ans l’âge limite pour souscrire un PER et à prévoir son dénouement automatique à 70 ans – avec une sortie en rente ou en capital. On ne peut pas utiliser son PER comme un instrument permettant de continuer à épargner, voire destiné à ses héritiers.
Je propose pour ma part une deuxième mesure pour aller au bout de la réflexion : il est normal que les héritiers payent l’impôt sur le revenu qu’aurait dû acquitter la personne décédée si elle avait mis fin à son PER.
Ma collègue n’est pas fondamentalement opposée à cette mesure, mais elle considère simplement qu’à terme l’adoption de la première proposition mettra fin aux situations dont nous parlons. Voilà ce qui nous différencie.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Tout d’abord, je suis pour ma part très favorable au développement de l’accès non pas forcément à la retraite par capitalisation dans l’absolu mais de l’accès au capital, et surtout à son rendement – c’est-à-dire à l’amélioration du niveau de vie de toute la population grâce à l’épargne. En effet, actuellement seuls les Français les plus favorisés bénéficient de produits très rentables, alors que l’on propose aux classes populaires et moyennes ceux dont la rentabilité est soit nulle, soit parfois même négative. C’est un scandale et, avec mon collègue François Jolivet, nous travaillons sur cette question.
Ensuite, l’augmentation de 44 milliards d’euros en deux ans de l’encours du PER est peut-être importante, mais elle est bien inférieure à celle de l’épargne réglementée, à savoir plus de 60 milliards d’euros en 2023 et de 40 milliards d’euros en 2022. Encore une fois, cette épargne aura une rentabilité très faible qui ne protège pas le capital des plus modestes. Il ne s’agit donc pas d’un conflit entre le travail et le capital, mais bien d’une question de justice sociale – et cela relève peut-être d’un nouveau concept de justice financière.
Enfin, votre rapport montre de manière frappante combien les dispositifs en vigueur sont complexes et illisibles pour nos compatriotes. Comment faire pour les simplifier de manière radicale, de telle sorte que chacun puisse comprendre aisément où va son argent et comment il est utilisé ? Il est certes bon d’avoir accès à un conseiller, mais l’on sait bien qu’il faut disposer d’un capital d’un montant élevé pour que le devoir de conseil soit vraiment respecté.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. La proposition n° 6 prévoit précisément de renforcer le devoir de conseil et la proposition n° 10 de développer un accès généralisé des épargnants à une information simplifiée. Nous voulons améliorer la culture financière des Français et renforcer les efforts en matière de transparence des professionnels.
M. Charles de Courson, rapporteur. Le PER avait initialement été présenté comme un produit très simple à comprendre. Or, comme le montre notre rapport, c’est un peu plus compliqué en réalité. Le traitement, notamment fiscal, de ces produits doit en effet s’adapter à l’extrême diversité des situations.
Nous préconisons d’uniformiser les taux de prélèvement au titre de la CSG. Il n’est pas normal qu’il existe deux régimes. Dans le premier, le taux est de 9,2 %, dans l’autre il va de 0 % à 8,3 % en fonction du revenu. Ce sont les gens modestes qui sont pénalisés, pas ceux qui sont très aisés et qui ont de toute manière atteint le plafond. Nous n’avons cependant pas pu obtenir une évaluation du coût de la mesure consistant à prévoir un taux progressif pour tous les versements, qui serait plus juste.
Il est actuellement prévu que les versements libres effectués dans le cadre d’un PER individuel permettent d’opter soit pour la déductibilité du revenu imposable dans le cadre de l’impôt sur le revenu soit pour la non-déductibilité. Mais cela ne concerne pas les personnes non imposables. On pourrait envisager un crédit d’impôt, mais combien cela coûterait-il ? Nous avons finalement écarté cette hypothèse.
Une personne modeste qui épargne et procède à un versement libre ne bénéficiera d’aucune déduction fiscale si elle n’est pas imposable. Mais elle paiera l’impôt à la sortie de son PER si elle s’est enrichie et qu’elle est devenue imposable. En revanche, un contribuable imposé au taux maximal pourra déduire les versements réalisés sur son PER et s’acquittera sans doute d’un taux plus faible d’imposition une fois à la retraite.
Prenons le cas où le titulaire d’un PER décède avant l’âge de la retraite. Ce plan fait partie des actifs successoraux. Comment dès lors doit-il être traité ? Il me semble logique que l’on paie à la sortie si l’on a bénéficié d’une déduction à l’entrée et, inversement, que la taxation soit moindre si l’on n’a pas bénéficié de cette déduction.
Comme vous pouvez le constater, il n’est pas facile de traiter d’une façon simple des situations complexes.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Notre groupe félicite les rapporteurs pour leur travail sur un sujet assez technique. Ce rapport permet également de rappeler que la création du PER était une avancée importante de la loi Pacte de 2019, présentée par Bruno Le Maire et soutenue par la majorité de l’époque. Il s’agissait, même si des efforts restent encore à faire, de simplifier le paysage très compliqué des plans d’épargne retraite.
Selon la direction générale du Trésor, l’encours des PER a augmenté de près de 64 % entre 2022 et 2024. C’est donc une dynamique positive qui montre que ce qui a été fait dans la loi Pacte n’a pas été vain. Néanmoins, le montant de cet encours reste très inférieur à celui des contrats d’assurance vie, qui a atteint plus de 1 800 milliards d’euros à la fin de l’année 2022.
Vous préconisez d’établir deux bornes d’âge rendant impossible la souscription d’un PER à partir de 67 ans et imposant un dénouement automatique à 70 ans. Pouvez-vous nous expliquer davantage cette double limitation ?
Vous soulignez que les fonctionnaires ne peuvent pas bénéficier d’un PER dans un cadre collectif. Pourriez-vous nous indiquer quelles solutions sont envisageables pour étendre les PER aux agents publics et quel serait l’effet de telles mesures sur les finances publiques ?
Enfin, j’ai des doutes quant à la proposition n° 7 visant à rendre obligatoire la mise en place d’un Pereco dans les entreprises de plus de onze salariés. Cela ne risque-t-il pas de compliquer la vie des chefs d’entreprise, alors que nous ne cessons tous de répéter qu’il faut la leur simplifier ?
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Avec Charles de Courson, nous avons des avis différents en ce qui concerne le traitement fiscal du PER lors de son dénouement.
Dans un schéma normal, la personne bénéficie d’un sursis d’imposition à l’entrée et acquitte l’impôt sur le revenu à la sortie, bien souvent au moment de la retraite. Cependant, le versement de cet impôt n’est pas exigé en cas de décès du titulaire du PER. Je considère qu’en fixant à 70 ans l’âge limite de dénouement du PER, on supprime la presque totalité des cas où la sortie du PER n’est pas fiscalisée, puisqu’ils concerneraient seulement les décès survenus avant cet âge – lesquels ne peuvent être suspectés d’être un moyen d’échapper à l’impôt. Par ailleurs, les héritiers sont déjà imposés car les sommes figurant dans le PER sont intégrées dans l’actif successoral. La borne d’âge à 70 ans me semble suffisante. Il n’est ni nécessaire ni souhaitable d’ajouter une augmentation d’impôts pour les Français.
Nous proposons de rendre obligatoire la mise en place d’un Pereco dans les entreprises de plus de onze salariés car nombre de personnes auditionnées ont constaté que la culture de l’épargne retraite est moins présente chez les salariés aux plus faibles revenus. Offrir systématiquement des produits collectifs lors de la signature du contrat d’embauche constituerait la meilleure solution pour les amener à mieux préparer leur retraite.
Cela n’entraînerait aucune contrainte pour le salarié – lequel pourra évidemment décliner la proposition – ni pour l’entreprise – qui n’aura aucune obligation d’effectuer des versements, mais pourra volontairement abonder ceux de ses salariés dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur conclu en février 2023.
M. Charles de Courson, rapporteur. J’avais déposé un « amendement Préfon » lors des débats sur la loi Pacte, car le Gouvernement avait proposé un dispositif qui concernait les salariés et les indépendants mais qui oubliait les agents publics. Le ministre l’avait reconnu et les agents publics ont pu bénéficier du Préfon-retraite, dispositif éligible au PER. C’est l’équivalent du compartiment « versement individuel déductible », alimenté par des contributions individuelles qui bénéficie de la déduction fiscale de droit commun.
Nous souhaitons que l’on étudie les conditions de l’extension des produits d’épargne retraite collectifs – tel que le Pereco – aux employeurs et aux agents publics. Les collectivités territoriales, les hôpitaux ou l’État ne contribueraient que s’ils le souhaitent, car nous ne préconisons pas de mettre en place des Perob pour les agents publics. Permettre l’ouverture d’un Pereco constituerait un élément supplémentaire dans le cadre des débats sur la rémunération et le statut des agents publics. Le coût de cette mesure serait nul pour les finances publiques si les employeurs ne versent pas de contribution.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Pourquoi la retraite doit-elle être un droit ? Parce qu’elle arrive à un moment où chacun, après une vie de travail, doit pouvoir profiter d’années hors du salariat. Mais la retraite n’est pas pour autant une période d’inactivité. Les retraités contribuent grandement à la vie en société, notamment par leur engagement associatif et familial.
La question de la retraite n’est donc pas individuelle. Elle est le révélateur de notre vision de l’ensemble de la société. Par conséquent, La France insoumise est opposée aux dispositifs qui favorisent la mise en place, déguisée ou progressive, d’un système de retraite par capitalisation – ce à quoi contribue le PER, qui vise à terme à affaiblir ou concurrencer notre système par répartition. La retraite par capitalisation ne bénéficierait en effet qu’à quelques-uns et non à tous.
Le rapport met en lumière de quelle manière un dispositif tel que le plan d’épargne retraite constitue une attaque contre l’intérêt général. Au moment où le combat contre le déficit est en passe de devenir la grande cause nationale, le dispositif du plan d’épargne retraite est de plus en plus indécent, puisqu’il permet aux plus riches de totaliser 1,2 milliard d’exonérations fiscales. Ce sont les plus aisés qui en bénéficient : des PER sont détenus par 34 % des cadres et 49 % des professions libérales, contre à peine plus de 10 % des employés et des ouvriers non qualifiés. Par ailleurs, ces milliards non perçus en impôts constituent un financement direct des retraites des plus aisés sur le dos du reste des contribuables, qui en paient le prix en compensant par leurs impôts ou des coupes dans les services publics. Et comme la cupidité des plus riches a rarement de limites, le rapport met en évidence le risque d’utilisation du dispositif par les plus aisés pour faire de l’optimisation fiscale : vous montrez à juste titre qu’il peut être utilisé par ceux-ci non pour financer leur retraite mais pour soustraire leurs revenus à l’impôt en vue d’une succession.
Si la démonstration est faite que ce produit sert principalement la partie la plus privilégiée de la population, qui pourrait en abuser et risquer de le détourner à d’autres fins, pourquoi ne pas questionner son existence même ?
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Il est un peu artificiel et contre-productif d’opposer la retraite par capitalisation et celle par répartition. La première est encore peu développée en France, n’en déplaise aux opposants de la loi Pacte. Au sein d’un échantillon de onze pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France est celui, après l’Italie, où la part des dépenses de retraite dans le PIB était la plus forte en 2019. Elles s’élèvent cette année-là en France à 13,7 % du PIB, ainsi répartis : 13,4 % de dépenses publiques et seulement 0,3 % de dépenses privées. Je rappelle également que les pensions de retraite constituent le premier poste des dépenses publiques de protection sociale. Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), elles représentaient 23,6 % des dépenses publiques en 2023. Promouvoir le développement du PER revient non pas à affaiblir les régimes légalement obligatoires, mais simplement à permettre aux personnes ayant de petites retraites ou aux actifs dont le taux de remplacement est bas de préparer leur avenir. Je sais que nous ne sommes pas d’accord en la matière, mais si j’ai travaillé sur ce sujet, c’est vraiment pour protéger les personnes dont les revenus sont les plus faibles et non ceux qui ont les revenus les plus élevés.
M. Charles de Courson, rapporteur. On oppose souvent, dans nos débats, la retraite par répartition et la retraite par capitalisation. Si vous connaissez l’histoire des systèmes de retraite français, vous savez qui sont les premiers à avoir monté un système par capitalisation : ce sont les fonctionnaires. Qui a supprimé leur système ? Napoléon III, pour mettre la main sur leurs réserves, en leur disant de ne pas s’inquiéter parce qu’il verserait les pensions – c’est à méditer… En fait, le système de capitalisation du type PER vient en complément et non en substitution du système par répartition.
Les Perob, les PER obligatoires au sein des entreprises, correspondent à un accord entre les partenaires sociaux. Or qui sont les meilleurs défenseurs des intérêts des salariés, sinon les représentants du personnel ? Quant aux Pereco, ce sont des PER non obligatoirement abondés par l’employeur mais mis en place dans le cadre des entreprises, ce qui favorise leur attractivité pour les salariés qui veulent épargner volontairement. Ces deux dispositifs représentent respectivement 21 et 25 milliards d’euros d’encours, soit 46 milliards d’euros au total sur une centaine de milliards d’euros d’encours pour l’ensemble des PER : 45 % relèvent donc d’accords collectifs. Il reste, en effet, les PER individuels, à hauteur de 63 milliards d’euros. Soyons donc nuancés dans nos appréciations. Nous disons dans nos préconisations, y compris s’agissant du secteur public, qu’il peut s’agir d’un outil pour la négociation salariale.
M. Mickaël Bouloux (SOC). Les débats relatifs à la loi Pacte, qui a créé les PER en 2019, portaient sur un ensemble de dispositifs, dont l’intéressement et la participation. Notre crainte était que ces mesures, en particulier certaines d’entre elles, finissent par se substituer au mode de rémunération qui, à nos yeux, doit rester le principal, à savoir le salaire, notamment du fait du développement, réalisé depuis les gouvernements Macron, de modes de rémunération alternatifs – je pense avant tout à la prime dite Macron – et de leur lot de défiscalisation et de désocialisation qui a conduit à un décrochage des salaires, donc des cotisations et impositions, avant d’aboutir à la situation actuelle – nous avions bien mis le doigt sur le problème.
S’agissant des PER, que constate-t-on six ans plus tard ? Le paysage actuel, qui reste complexe, permet aux classes les plus aisées et les plus informées d’avoir accès à des produits d’épargne à la fiscalité très avantageuse, essentiellement parce que les PER peuvent être débloqués bien avant la retraite pour acquérir une résidence principale. Combien existe-t-il de PER dont les fonds sont réellement bloqués jusqu’à la retraite ? Si j’ai bien compris la page 38 du rapport, on compterait plus de 60 % de déblocages liés à l’achat d’un bien immobilier, ce qui signifie que les PER servant réellement à la retraite ne sont finalement que la portion congrue. Au niveau du financement de l’économie, par ailleurs, les investissements dans lesquels partent les fonds des PER sont essentiellement les mêmes que ceux de l’assurance vie classique. En clair, il s’agit d’une niche fiscale qui ne dit pas son nom.
Dès lors, si nous partageons les recommandations du rapport qui tendent à assurer une meilleure information et une meilleure évaluation, en particulier pour les coûts fiscaux, nous ne pouvons partager les propositions visant à étendre les PER. Notre horizon reste la retraite par répartition et la rémunération par les salaires.
M. Charles de Courson, rapporteur. Selon les statistiques pour l’année 2022, 60 % des sorties des PER au terme du contrat se faisaient sous forme de rente et 21 % en capital. Pour les PER individuels, le premier chiffre n’était pas très différent, puisqu’il était de 58 % ; quant aux Pereco et aux Perob, on en était à 68 %. Le différentiel correspond au VFU, le versement forfaitaire unique. Ces ordres de grandeur montrent que le dispositif n’est pas utilisé d’une façon très majoritaire pour une sortie en capital, au-delà des six cas permettant de sortir avant la fin du tunnel, si je puis dire. Par ailleurs, les sorties en rente représentent peu de chose par rapport à la masse globale des pensions de retraite de base et complémentaires qui, de mémoire, doit approcher 400 milliards d’euros. On est vraiment dans une logique surcomplémentaire et il est réellement dans l’intérêt du pays de rassembler ces sommes en faisant en sorte qu’elles soient « tunnelisées », c’est-à-dire détenues vingt, trente ou quarante ans. Je rappelle que ces fonds sont utilisés pour du financement de long terme, ce qui relève aussi de l’intérêt collectif. On est maintenant aux environs de 300 milliards d’euros d’épargne retraite : ce n’est pas énorme, mais ce n’est pas rien pour autant.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Monsieur Bouloux, nous avons une différence d’appréciation. Les entreprises n’ont pas toujours la possibilité d’augmenter les salaires, mais elles peuvent se servir de certains outils de partage de la valeur. Il ne s’agit pas d’une lubie de notre part : cela correspond à ce que veulent les organisations patronales et syndicales, comme elles l’ont redit en signant l’ANI de février dernier.
M. le président Éric Coquerel. C’est peut-être un peu plus compliqué du côté des organisations syndicales.
Mme Véronique Louwagie (DR). Merci beaucoup à nos deux rapporteurs pour les travaux qu’ils ont conduits.
Vous demandez, dans votre proposition n° 17, une évaluation de l’incidence de l’exonération de forfait social dans la perspective d’une promotion des PER d’entreprise et d’une extension de l’exonération aux versements obligatoires de l’employeur. J’y suis tout à fait favorable, comme je le suis, de façon générale, à la fin du forfait social, dont le taux s’élève à 20 % et qui peut être plus onéreux pour une entreprise que les cotisations sociales patronales sur les salaires jusqu’à 1,6 SMIC.
S’agissant de la proposition n° 10, vous souhaitez une information simplifiée, mais il faudrait, pour cela, simplifier le dispositif.
Vous évoquez dans votre proposition n° 12, un « nouveau comité stratégique », c’est-à-dire une énième commission, pour actualiser la stratégie d’éducation financière du Gouvernement. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus.
Quant à la proposition n° 2, prévoyez-vous, lorsque vous préconisez une borne d’âge, un dispositif particulier pour les personnes en situation de cumul emploi-retraite dans des entreprises ayant des PER ?
En ce qui concerne la proposition n° 7, qui demande de rendre obligatoire la mise en place d’un Pereco dans les entreprises de plus de onze salariés, avez-vous consulté les organisations professionnelles ?
Enfin, vous évoquez l’ampleur du phénomène de déshérence des contrats d’épargne retraite, évalué à 5,4 milliards d’euros pour les personnes de plus de soixante-cinq ans, ce qui est une forte somme. Avez-vous des propositions en la matière ?
M. Charles de Courson, rapporteur. S’agissant de la déshérence, nous préconisons une meilleure prise en compte des produits d’épargne retraite dans un fichier qui est en train d’être mis en place, de façon qu’il n’y ait pratiquement plus de cas, sauf personnes sans héritier ou successeur – ce serait une sorte de déshérence résiduelle. On nous a dit que le nouveau fichier pourrait intégrer cette question dans les deux ans.
S’agissant du forfait social, tout le monde dénonce son caractère antisocial, mais il faut garder en tête son produit. Nous restons assez modestes : alors que ce forfait n’est pas appliqué, aujourd’hui, sur les sommes apportées par les entreprises comptant jusqu’à cinquante salariés, nous proposons de remonter le seuil à 250 pour élargir la mesure aux PME. Nous ne préconisons pas, dans un esprit de responsabilité, une suppression totale du forfait social – ce serait très coûteux.
Notre collègue Jean-Philippe Tanguy a déjà posé la question de la simplification. Comment simplifier un dispositif qui essaie de couvrir un ensemble extrêmement complexe de situations ? La simplification consisterait plutôt à aller dans le sens d’une meilleure transparence, d’une meilleure information, notamment des gens modestes. Nous proposons de rendre le Pereco obligatoire dans les entreprises de plus de onze salariés pour offrir à ceux qui le souhaitent une possibilité de se constituer une retraite surcomplémentaire.
S’agissant des bornes d’âge, nous avons beaucoup discuté avec ma collègue rapporteure et avec tous nos interlocuteurs d’une certaine dérive du PER. Si une personne a pris sa retraite mais travaille, elle peut parfaitement continuer à cotiser, dans notre schéma, en bénéficiant d’un avantage fiscal dans la limite de 10 % de ses revenus professionnels. Nous préconisons une fermeture du dispositif, puis une réouverture. Que faire des retraités qui reprennent un travail un, deux ou trois ans après avoir pris leur retraite ? La logique serait de leur permettre de bénéficier de la déduction jusqu’à ce qu’ils partent une deuxième fois à la retraite, si je puis dire. Je rappelle que les pluriactifs ont parfois des dates de départ à la retraite différentes selon les régimes – on peut relever d’au moins trois régimes simultanément ou successivement.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Le comité que vous avez évoqué, Madame Louwagie, au sujet de la proposition n° 12, existe déjà. Il permet tout simplement de réunir les parties prenantes.
En ce qui concerne le cumul emploi–retraite, l’assuré pourra évidemment continuer à avoir un revenu d’activité tout en liquidant le PER. Parmi les 65-69 ans, 5 % des retraités cumulent ; à partir de 70 ans, le taux est de 1,3 %.
Le forfait social est une vraie question. Ce n’est pas le cœur du rapport, mais un vrai travail doit être mené, nous sommes d’accord en la matière.
La stratégie d’éducation financière est conduite par le Gouvernement. On nous y a renvoyés plusieurs fois en nous expliquant qu’elle allait apporter des solutions sur bien des points. Seulement, force est de constater qu’il serait temps de faire une actualisation et de mettre en place une réelle stratégie en matière d’éducation financière, tant les produits et les mécanismes de défiscalisation d’épargne sont complexes. Nous avons besoin de plus de lisibilité et de davantage de connaissances du côté de nos compatriotes.
Mme Christine Arrighi (EcoS). Merci aux rapporteurs de nous avoir éclairés sur ce dispositif extrêmement complexe : on ne peut pas prétendre, à moins de verser dans la démagogie, qu’il se comprend en deux minutes. Je n’entrerai pas dans la question de savoir si un tel dispositif est dans l’intérêt du pays, des salariés, du moins ceux qui pourraient cotiser, ou des organisations syndicales, qui représentent les intérêts de leurs adhérents. Je rappelle en revanche que le Gouvernement refuse obstinément d’organiser une grande conférence sociale pour traiter de l’augmentation des salaires, laquelle pourrait recevoir une large approbation de ces mêmes organisations syndicales, en lieu et place du type de mesures dont nous parlons. Tout cela relève d’un débat beaucoup large sur la retraite et la façon dont nous cotisons, au titre de la solidarité, tout au long de notre vie.
S’agissant de l’affectation des fonds de l’épargne retraite par capitalisation, il ne m’avait pas semblé, mais cela pourrait peut-être changer avec le nouveau gouvernement, que M. Le Maire était très enclin à établir une corrélation entre les placements des retraites alternatives par capitalisation et une exigence d’utilité sociale et environnementale accentuée. Pensez-vous que cette question pourrait faire l’objet d’une évaluation ?
Ma seconde question concerne les exonérations et leur coût global. De votre point de vue et d’après les expertises que vous avez pu mener, existe-t-il des cas de non-compensation des exonérations de cotisations sociales pour ce type de retraites privées ? Avez-vous un chiffrage général du coût pour l’État des mécanismes d’exonérations sociales et fiscales quand la part sociale est compensée par l’État ?
M. Charles de Courson, rapporteur. En ce qui concerne le coût, on nous dit, et c’est pour cela que cela ne figure pas dans l’annexe relative aux dépenses fiscales, qu’il s’agit d’un différé d’imposition. Je vous ai expliqué que la situation était plus complexe : on peut aboutir à une recette supplémentaire dans certains cas et à une perte de recettes dans d’autres. Si on raisonne d’une manière un peu simple, on en est à 8 ou 9 milliards d’euros versés par les bénéficiaires des PER : si on prend un taux de 15 ou 20 %, cela doit faire 1 ou 1,5 milliard d’euros de déductions aujourd’hui, mais on récupérera quelque chose à la fin du tunnel, étant entendu qu’il y a une déduction à l’entrée et une imposition à la sortie. Voilà pour les ordres de grandeur.
S’agissant de l’utilisation des fonds, il faut d’abord rappeler qu’ils s’élèvent à 300 milliards d’euros, dont les deux tiers viennent de produits qui préexistaient, comme les régimes Préfon ou « article 83 ». Le ministre s’était engagé à ce que des normes soient fixées pour l’utilisation de ces fonds qui sont longs et très courus du côté des banques, puisqu’ils permettent d’adosser des investissements longs sur des ressources longues – c’est l’un des intérêts des fonds dits de capitalisation – avec éventuellement une partie d’investissements verts.
M. Jean-Paul Mattei (Dem). Vos propositions sont toutes pertinentes, mais j’ai une interrogation sur la connaissance par l’administration fiscale et le Trésor de l’incidence de ces déductions fiscales. On doit également convenir que le dispositif est complexe – il nécessite presque d’être devin.
Cela étant, il ne faut pas critiquer ce type de placement. La nature ayant horreur du vide, on cherchera toujours à constituer de l’épargne, à mettre un peu d’argent de côté pour assurer ses vieux jours, par l’intermédiaire de ce produit ou d’un autre.
Je voudrais savoir si vous avez eu connaissance, lors de vos travaux, de dispositifs beaucoup plus simples et beaucoup plus transparents dans d’autres pays européens. N’avons‑nous pas le don de complexifier les dispositifs ?
Vous proposez notamment de rendre obligatoire le Pereco dans les petites entreprises, et on pourrait aussi l’envisager pour les collectivités. Ce serait une bonne mesure qui permettrait aux petites entreprises d’offrir les mêmes avantages que les grandes. Il y a en effet un décalage à l’heure actuelle : nous devrions accompagner les petites entreprises en veillant à leur faciliter la tâche. Un collègue a dit qu’on complexifierait encore la situation et qu’il faudrait donc faire preuve de prudence, mais je crois que nous avons besoin de rendre un peu plus attractives nos petites entreprises. On peut y réfléchir dans le cadre du partage de la valeur.
S’agissant des collectivités, il faut veiller à ne pas alourdir leurs finances, tout en étant conscient que mettre en place un dispositif sans abondement par l’entrepreneur serait un peu bancal – il faudrait peut-être créer une obligation en la matière.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Pour ce qui est des autres dispositifs au niveau européen, nous n’avons pas de comparaisons détaillées, mais le cas de l’Allemagne a déjà été évoqué : la situation paraît plus simple sur le papier, mais dans la réalité cela ne fonctionne pas bien.
M. Charles de Courson, rapporteur. Je rappelle que le montant des Pereco dans les entreprises privées était de 25 milliards d’euros en mars 2024, contre 21 milliards s’agissant des Perob : les montants ne sont pas très différents selon que les entreprises sont tenues d’abonder ou non. Par ailleurs, cela offre une possibilité aux salariés même si l’entreprise ne contribue pas – si elle le fait, c’est mieux, naturellement, mais c’est lié à des discussions, au sein de l’entreprise, avec les partenaires sociaux.
M. François Jolivet (HOR). Monsieur le président, vous me pardonnerez cette amicale impertinence : lors de la création du régime Préfon, en 1964, à la demande de la CFDT, de la CFTC, de la CGC et de FO, un amendement déposé en loi de finances avait suscité beaucoup de débats. Ceux qui y étaient opposés disaient qu’il existait déjà des assurances vies. C’est toujours le cas et notre rapporteur a raison : lorsqu’une liquidation est prononcée dans le cadre d’un divorce, le plan d’épargne salarial est pris en compte dans l’actif, ce qui veut dire que le juge aux affaires familiales ne le considère pas comme accroché au salarié – c’est un point qui pourrait sans doute être modifié.
Les orateurs précédents ont rappelé le maquis fiscal actuel et les difficultés de compréhension, qui donnent peu envie à ceux qui souhaitent s’engager dans cette voie. Nous avons donc besoin d’une simplification.
S’agissant de la proposition n° 7, qui vise à rendre obligatoire la mise en place d’un Pereco à partir de onze salariés, je trouve aussi qu’il ne serait pas très juste que l’employeur ne contribue pas. Par ailleurs, pourquoi ne pas commencer au premier salarié ?
J’en viens à la proposition n° 10. Nous travaillons, Jean-Philippe Tanguy et moi, à un rapport sur l’épargne populaire : toutes les personnes que nous avons auditionnées disent que le degré de connaissances économiques des Français est proche de zéro et que peu d’acteurs font des efforts en matière de transparence – cela vaut d’ailleurs pour tous les placements en matière d’épargne populaire. Quand il y a tout à la fois un maquis fiscal, une absence de transparence et un manque d’éducation, cela fait beaucoup.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Nous avons retenu une borne de onze salariés d’une part parce que nous ne voulons pas ajouter des contraintes administratives trop fortes pour les TPE et, d’autre part, parce que les obligations relatives aux mécanismes de partage de la valeur décidés conjointement par les organisations patronales et syndicales font l’objet d’un seuil fixé à onze salariés – c’est ce niveau qui nous paraît pertinent.
S’agissant du coût de gestion pour les entreprises, nous avons interrogé les gestionnaires des contrats, assureurs et banques, qui nous ont dit que les frais de gestion seraient négligeables en cas de systématisation et qu’il serait possible de les absorber au sein des frais de gestion habituels. Compte tenu des nouveaux actifs qui seraient placés sur ces plans, le montant a été estimé à environ trois euros par salarié et par an.
M. Charles de Courson, rapporteur. Sur la transparence, on nous a promis que le comparateur des gestionnaires de PER serait opérationnel l’an prochain. Les contrats d’assurance vie commencent à en bénéficier. Les rétrocommissions, par exemple, sont désormais explicites, alors qu’elles étaient dissimulées. Très variables, les frais de gestion peuvent atteindre 50 % des revenus des sommes placées, sans que les épargnants s’en aperçoivent toujours. Il en ira donc de même pour les PER : le coût de gestion, y compris l’éventuelle rétrocommission, devra être entièrement affiché.
M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Tout a été dit. Le groupe LIOT demande la suspension de l’application de la réforme des retraites et la réunion d’une grande conférence sociale. J’ai cru comprendre que le Premier ministre avait déclaré « pourquoi pas ».
Notre système par répartition rencontre un problème structurel en raison du vieillissement de la population, or il n’y a pas d’issue, en raison de l’absence de développement d’un système complémentaire et, peut-être, du manque de dialogue. Il convient donc de relancer le système par capitalisation, qui en est un complément indispensable. Par ailleurs, réformer la fiscalité de l'épargne par capitalisation peut réduire les dépenses fiscales et alléger la charge administrative des entreprises.
La publication trimestrielle de l’Insee relative à la dette publique est prévue vendredi 27 septembre, mais nous savons déjà que la dette de l’État a progressé de 1 000 milliards d’euros depuis 2017. Cette envolée est notamment liée au financement des retraites. L’amélioration du système par capitalisation pourrait-elle contribuer à diminuer la dette publique d’ici à 2027 et à combler les failles structurelles du système en vigueur ?
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Il s’agit non de mettre les deux systèmes en concurrence, mais de faire en sorte que le système par capitalisation complète les régimes obligatoires, sans le remplacer.
M. Charles de Courson, rapporteur. Mme Arrighi a demandé comment étaient investies les sommes capitalisées : très peu le sont dans la dette publique, contre 25 % des 1 800 milliards de l’assurance vie, qui la soutient donc à hauteur de 20 %. Le but n’est pas d’investir l’argent de l’épargne retraite par capitalisation dans les bons du Trésor – ce n’est pas avec ça que vous assurerez votre retraite ! À long terme, ce sont les actions qui offrent le taux de rendement a posteriori le plus élevé. Il ne faut donc surtout pas investir ces fonds dans la dette de l’État français – ce serait la mort du produit.
M. Jolivet a rappelé l’origine du régime de capitalisation des fonctionnaires : lors de la création de l’Agirc-Arrco, l’État avait refusé de créer un système de retraite complémentaire pour eux. Après négociation, tous les syndicats, sauf la CGT, se sont mis d’accord pour créer la Préfon, avec un avantage fiscal, qui est maintenant celui du PER. Quarante ans plus tard, un petit régime de retraite complémentaire a également été instauré, la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) ; les cotisations se font sur la base des primes, dans la limite de 20 % du traitement.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Merci pour ce rapport qui place des repères dans ce maquis touffu. Toutefois, il est de parti pris. La rapporteure souligne que vous ne voulez pas opposer répartition et capitalisation, que la seconde doit rester un complément, mais son discours renforce un bruit de fond persistant : la retraite par répartition n’étant pas soutenable, il faut augmenter la dose de capitalisation. Mais c’est déjà largement le cas depuis le début des années 2000 et le coup d’accélérateur qu’a donné la loi Pacte. Je ne crois pas au discours qui demande d’accroître les encours et d’optimiser les rendements, en promettant que cela n’aura pas d’incidence sur la répartition.
On dit souvent que la démographie posera problème à la répartition. Mais plus les classes d’âge arrivant à la retraite sont nombreuses, plus il faut liquider les investissements capitalisés, faisant baisser les cours des actifs. Ainsi, on fait miroiter aux Français des rendements calculés sur les indices boursiers des dernières années, mais c’est une illusion.
Le rapport propose d’introduire dans toutes les entreprises une épargne retraite par capitalisation facultative. Il faut se méfier : le risque est fort qu’on force ensuite la main aux salariés pour qu’ils y souscrivent. Or il faut dire la vérité, la capitalisation n’est pas pour les classes les plus modestes ; tous les exemples étrangers et historiques montrent qu’elle sert les cadres et les salariés les plus aisés. On veut réorienter la faible épargne des classes populaires, mais ce sera au détriment des livrets, comme le livret A, auquel nos concitoyens sont très attachés.
Le débat n’est pas seulement technique et financier ; c’est un débat de société. J’invite à la prudence.
M. Charles de Courson, rapporteur. L’encours du PER se monte à 108 milliards d’euros environ. L’effet de substitution ne concerne ni les PER individuels – 60 % du total – ni les Pereco,– qui représentent 25 milliards d’euros. Votre raisonnement ne s’applique donc qu’aux PER obligatoires, soit 20 % de l’ensemble. De plus, toutes les entreprises ne sont pas tenues d’en ouvrir et les employeurs concernés ne sont pas pour autant dispensés de verser les cotisations patronales de droit commun. Techniquement, il n’y a donc pas de substitution possible.
M. Emmanuel Maurel (GDR). Il y a un risque !
M. Charles de Courson, rapporteur. Le risque théorique, qui n’existe que si les personnes cotisent, est très faible.
Les salariés modestes ont intérêt à avoir un PER, qui oblige cependant à supporter l’effet tunnel – sous réserve des six cas de déblocage anticipé – jusqu’à la retraite. Les deux tiers des bénéficiaires choisissent la rente. Pour moi, vos craintes sont infondées. Il vaut mieux mettre son épargne dans un PER, plus protecteur qu’un livret A, qui constitue historiquement un moyen de plumer l’épargne populaire. Quand l’inflation était de 4 ou 5 %, on le rémunérait royalement à 2,5 % : le différentiel est un impôt ! Les épargnants modestes qui placent leurs économies sur un livret A sont assurés de voir le pouvoir d’achat de leur retraite dégradé, outre que l’exonération d’impôt ne les concerne pas. Le livret A n’est plus un livret d’épargne populaire ; il est devenu un outil de gestion de la trésorerie des gens fortunés – c’est terrible mais vrai. Un rapport parlementaire est en préparation sur ce sujet, je l’attends avec impatience.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Nous vivons de plus en plus vieux et nous faisons de moins en moins d’enfants. Vous m’interpellez sur la soutenabilité du système de retraite : sans réforme, nous serons certainement en désaccord concernant la solution. Mais ce n’est pas l’objet du rapport, volontairement consacré à la seule épargne complémentaire et volontaire. Avec tout le respect que je vous dois, votre vision est caricaturale. Le PER représente 108,8 milliards d’euros, contre 381 milliards d’euros de dépenses publiques pour les retraites. J’ajoute que le système par capitalisation finance les entreprises à hauteur de 32 milliards d’euros.
M. Gérault Verny (UDR). Il faut regarder la réalité en face : la faillite du système par répartition est annoncée. Les chiffres sont sans appel. Les pensions représentent 380 milliards d’euros par an, soit 13,6 % du PIB. Pire, elles sont responsables de la moitié de l’envolée que la dette publique a connue depuis 2017, soit 438 milliards d’euros en six ans seulement. Principal facteur de notre endettement, ce système autrefois efficace est devenu trop lourd, trop cher et trop fragile. D’ici à 2070, il n’y aura plus que 1,4 cotisant pour 1 retraité : nous remplissons un seau percé. Chaque jour qui passe nous entraîne un peu plus vers un désastre annoncé. Que faire ?
Le rapport dessine une voie de sortie : un système mixte. Pourquoi ne pas garantir un socle de sécurité par répartition, tout en introduisant une part de capitalisation qui responsabilise les citoyens et leur permet de préparer leur propre avenir ? Les résultats du PER, 108 milliards d’euros d’encours en quatre ans, sont prometteurs, mais ce produit est encore trop complexe et inégalement utilisé. Allons plus loin.
Avez-vous sérieusement envisagé un passage progressif à un système par capitalisation ? Un système mixte ne constituerait-il pas un intermédiaire idéal pour amorcer la transition, tout en sauvant les finances publiques ?
M. Charles de Courson, rapporteur. Non. Ce n’est pas avec 300 milliards d’euros de stock et des flux de 8 milliards d’euros, qu’on pourrait hausser à 10 ou 15 milliards d’euros, qu’on remplacera les quelque 400 milliards d’euros des régimes de retraite. C’est un plus. D’ailleurs ceux qui rêvent d’opérer la substitution se heurtent à un problème simple : une génération devrait cotiser doublement, pour alimenter les deux systèmes, car il faudra verser les pensions de ceux qui ont cotisé dans le passé. On ne peut donc agir qu’à la marge ; tant mieux si la capitalisation se développe, mais elle ne peut être que complémentaire.
Mme Félicie Gérard, rapporteure. Ce n’était pas l’objet du rapport, mais je ne doute pas que nous débattrons de cette question lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Matthias Renault (RN). Le PER représente 108 milliards d’euros : c’est beaucoup, mais faible au regard de l’ensemble de l’épargne des Français. Quel encours serait suffisant selon vous ?
Où sont placés les fonds des PER ? Si des informations sont disponibles, où peut-on les trouver ?
Vous proposez d’étendre les produits d’épargne retraite collectifs aux employeurs et agents publics. Qu’apporterait une telle mesure, sachant que la RAFP existe déjà ?
Vous recommandez de rendre le Pereco obligatoire dans les entreprises de plus de onze salariés ; cela ne risque-t-il pas d’être trop complexe pour elles ?
M. Charles de Courson, rapporteur. Vous trouverez, page 44, une estimation relative aux PER assurantiels, qui vous donnera un ordre de grandeur : sur 32 milliards d’euros environ, 15 seraient placés en actions, 13 en obligations et 3 en immobilier d’entreprise. En revanche, nous ne possédons pas les chiffres pour les PER bancaires.
M. Eddy Casterman (RN). Comme le souligne Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne, trois Français sur quatre craignent pour leur niveau de vie à la retraite. Aussi le PER attire-t-il de plus en plus de jeunes : selon l’Ifop, 55 % des moins de 35 ans souhaitent en ouvrir un. Pour qu’ils le fassent, nous pouvons renforcer son attractivité. Préparer sa retraite, c’est prévoir ce qu’on touchera mais aussi décider ce que l’on ne dépensera pas. En ce sens, la propriété est source d’économies et de complément de revenu. En liquidant un PER, on choisit de recevoir un capital ou une rente ; avant, on peut sortir des fonds pour acheter une résidence principale, mais c’est une option coûteuse : la totalité du capital sorti est imposée. Au moment de placer leur argent, les jeunes ont besoin d’être rassurés.
Afin d’encourager une France des propriétaires et de sécuriser la retraite des classes moyennes, pourquoi ne pas diminuer l’imposition du capital sorti d’un PER pour acheter une résidence principale ? Il ne devrait pas s’agir d’une exception mais d’une possibilité équivalente à la perception du capital au moment de la retraite.
M. Charles de Courson, rapporteur. Le raisonnement est astucieux ! La question s’est posée dans l’autre sens : fallait-il fiscaliser les 200 milliards d’euros déjà placés qui ont été transférés sur les PER ? Nous avons décidé l’inverse. Vous estimez qu’on a le choix, pour préparer ses vieux jours, entre investir dans un PER et dans un logement. Nous allons saisir Valérie Létard de cette idée. Une telle mesure ne coûterait pas cher. Les sorties anticipées sont estimées à 60 % destinées à l’achat de la résidence principale, ce qui représenterait quelque 6 milliards d’euros, soit un coût de 1 milliard d’euros pour un taux à 15 %. Ces chiffres sont une estimation : nous manquons beaucoup d’informations précises, notamment sur la vie des PER. De plus, il faudrait peut-être que la mesure s’applique aux autres sorties anticipées.
La commission autorise, en application de l’alinéa 7 de l’article 145 du règlement de l’Assemblée nationale, la publication du rapport d’information.
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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 24 septembre 2024 à 17 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Jean-Pierre Bataille, M. Jean-Didier Berger, M. Mickaël Bouloux, M. Eddy Casterman, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Jocelyn Dessigny, M. Benjamin Dirx, M. Emmanuel Fouquart, Mme Félicie Gérard, M. José Gonzalez, M. François Jolivet, Mme Constance Le Grip, M. Aurélien Le Coq, Mme Véronique Louwagie, M. Emmanuel Mandon, Mme Claire Marais-Beuil, M. Emmanuel Maurel, Mme Sophie Mette, M. Nicolas Ray, M. Matthias Renault, M. Charles Rodwell, M. Emeric Salmon, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Gérault Verny
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Philippe Lottiaux, Mme Marianne Maximi, Mme Sophie Pantel, Mme Christine Pirès Beaune, Mme Eva Sas, M. Emmanuel Tjibaou
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Luc Warsmann