Compte rendu
Commission
des affaires européennes
Mercredi
13 novembre 2024
15 heures
Compte rendu n o 6
Présidence de
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
Président
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 13 novembre 2024
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
La séance est ouverte à 15 h 05.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Mes chers collègues, je propose que nous commencions notre réunion avec - comme premier point de l’ordre du jour- l’examen d’une proposition de résolution européenne invitant le gouvernement à se prononcer en faveur de la modification du régime de démarchage téléphonique au niveau européen.
Cette proposition nous est présentée par notre collègue Louise Morel que je remercie pour ce travail et suis très heureux de retrouver à nouveau dans notre commission dont elle était un membre actif dans la précédente législature.
Mme. Louise Morel, rapporteure. À mon tour, je souhaite exprimer tout le plaisir qui est le mien de revenir dans cette commission dans laquelle j’ai eu plaisir à siéger lors de la dernière mandature et au sein de laquelle je suis ravie de présenter cette proposition de résolution européenne.
Je voudrais commencer par souligner un paradoxe sur le thème du démarchage téléphonique. D’un côté, ce sont les mots d’agacement, d’irritation, de frustration — les adjectifs ne manquent pas — dans la bouche de nos concitoyens lorsque nous les interrogeons sur le démarchage téléphonique. De l’autre, de la part des acteurs du démarchage eux-mêmes, nous entendons : « Nous en avons assez que cette image nous soit systématiquement renvoyée. » C’est ce qu’une des personnes auditionnées nous a déclaré à l’occasion des auditions.
Ce sont deux perceptions qui, a priori, semblent opposées mais qui sont en réalité deux faces d’un même problème : celui d’une activité légale qui produit de l’emploi, de l’insertion, mais dont, malheureusement, certaines dérives répétées ont fini par entacher la réputation.
Concernant la genèse de ce projet j’ai été interpellée dans ma circonscription, comme nombre d’entre vous certainement, sur les effets nocifs du démarchage téléphonique lors des élections législatives de 2022 et de 2024. Une habitante de la circonscription m’a ainsi raconté que sa mère, croyant répondre à un appel d’un de ces petits-enfants, s’est précipitée pour prendre le téléphone a chuté. Bien entendu, il s’agissait une nouvelle fois de démarchage intempestif. Cette chute a entraîné une invalidité qui l’a depuis empêché de remarcher normalement. Cette situation n’est bien entendu pas admissible, et les citoyens attendent de nous, les législateurs, que nous agissions concrètement contre ce fléau. Lors de la 16e législature, j’avais déjà entamé quelques travaux sur le sujet, et c’est donc assez logiquement que je les reprends aujourd’hui.
À présent, je voudrais évoquer quelques initiatives du législateur qui ont eu lieu ces dernières années. Elles ont été nombreuses, et vous les avez peut-être étudiées dans le rapport qui vous a été transmis.
En premier lieu, la prospection commerciale par téléphone a considérablement évolué depuis ses débuts. C’est au cours des « Trente Glorieuses » que s’est déployé le téléphone fixe dans de nombreux foyers. Le régime juridique français est paradoxalement resté relativement inchangé. Il repose toujours sur le consentement par principe, qui est désigné par l’appellation d « opt-out ». Cela signifie que le consommateur peut être démarché dès lors que le professionnel respecte la législation en vigueur.
À partir des années 90, et face à la multiplication de certaines dérives, le législateur a décidé d’agir. Ainsi, la multiplication des appels — trois, quatre fois par jour — pour des ventes de panneaux solaires, de forfaits téléphoniques, etc., a atteint une telle frénésie qu’il n’était plus possible de laisser ce sujet de côté. Les associations de consommateurs nous ont beaucoup interpellés à ce sujet. Les enquêtes menées ont fait état d’un sentiment de profonde irritation.
Je voudrais mentionner trois initiatives qui ont permis de faire évoluer le cadre juridique du démarchage. Tout d’abord est mis en place le système dit Bloctel en 2014. Cette liste d’opposition téléphonique a constitué en son temps une avancée majeure. En l’espace de quelques mois, plusieurs millions de citoyens se sont inscrits sur cette plateforme, qui relève du ministère de l’Économie, dans l’espoir que les appels incessants seraient enfin modérés. Aujourd’hui, cinq millions de nos concitoyens y sont abonnés, et chaque mois, près d’un milliard de numéros frauduleux ou relevant du démarchage illégal sont retirés.
C’est beaucoup, mais ce n’est pas suffisant au regard des remarques que nous recevons encore de nos concitoyens. La difficulté du dispositif Bloctel à être efficient se trouve, notamment, dans l’insuffisante utilisation du système par les entreprises, ainsi que dans le cout de traitement des listes de numéro sur la liste rouge. Plus encore, le développement de pratiques frauduleuses et l’usurpation de numéros, pour lesquelles Bloctel à l’origine n’a pas été conçu, a créé une immense déception. Les appels perturbent le travail. Certains publics sont particulièrement vulnérables face au phénomène. Cela rendait nécessaire une nouvelle action publique.
La deuxième initiative que je souhaite évoquer est celle de notre collègue Pierre Cordier, que je salue. En 2018, un texte a été étudié à l’Assemblée nationale. Mais à l’époque il y avait beaucoup d’inquiétude de la part du secteur du démarchage sur sa pérennité et la mise en danger de plusieurs dizaines de milliers d’emplois qui n’ont pas permis à la réflexion d’arriver à maturité. Il n’a donc ainsi pas été possible de mettre en place un système de non-consentement par défaut dit « opt-in ».
Ce système, critiqué par certains professionnels en France, est pourtant déjà utilisé par plusieurs de nos voisins et au niveau européen, c’est celui qui prévaut aujourd’hui pour plusieurs catégories de données personnelles, comme les SMS ou les courriels, notamment depuis la mise en place du règlement général sur la protection des données personnel. Il convient de souligner que la législation européenne a suivi un mouvement que la France avait elle-même initié à travers la loi de 1978, dite loi Informatique et libertés.
Enfin, la troisième initiative que je souhaite relever est la proposition de loi portée par notre collègue Christophe Naegelen en 2020. Ce texte a considérablement encadré les démarches commerciales dans plusieurs domaines : l’assurance, la téléphonie par la suite, la rénovation énergétique ou encore les pratiques frauduleuses relatives au compte personnel de formation. Cette loi a renforcé les sanctions financières et a contribué à sensibiliser le secteur du démarchage sur l’ampleur de ce phénomène.
Néanmoins, en dépit de toutes ces initiatives, nous constatons, après plusieurs années de mise en place du dispositif, qu’il reste en deçà des attentes et des souhaits des consommateurs. La parlementaire que je suis peux en témoigner : je reçois chaque semaine plusieurs appels de démarcheurs et encore quelques minutes avant d’entrer dans cette commission. Il n’est pas difficile de ressentir de l’agacement face à ces intrusions répétées. 92 % des consommateurs sont profondément irrités par le démarchage abusif comme le rappelle l’étude de l’UFC-Que Choisir. C’est au moins quatre appels par semaine qui sont à dénombrer et, pour les publics vulnérables - notamment les personnes plus âgés - ce chiffre et encore plus important. Chacun d’entre nous est conscient que toutes ces interruptions, notifications, appels sont devenus une plaie qui perturbe et nuit à notre santé. Et comme si le téléphone fixe ne suffisait pas, nous constatons un démarchage illégal grandissant par le biais du téléphone mobile.
Face à cette situation, il est évident que les moyens actuels de contrôle et de sanction ne parviennent pas à enrayer le phénomène. Il est temps, je crois, de franchir une nouvelle étape et de basculer vers un système « d’opt-in ». C’est ce que je souhaite défendre aujourd’hui.
Tout d’abord, je voudrais ajuster ma proposition initiale. Originellement, je souhaitais rattacher ces travaux à la directive sur la vie privée et les communication personnelle de 2002, c’est-à-dire la directive dite « ePrivacy ». En effet, la Commission européenne envisageait une révision de ce texte pour l’adapter aux nouvelles innovations technologiques. Une proposition législative, sous la forme d’un règlement, avait ainsi été présentée en 2017. Mais sept ans après le début de ces travaux, nous ne pouvons que constater l’enlisement des négociations. Il est d’ailleurs fort probable que la proposition soit finalement retirée en raison des blocages. C’est la raison pour laquelle j’ai préféré rattacher la proposition de résolution européenne à la directive relative à la protection des consommateurs de 2011. Je voudrais aussi souligner que je suis consciente que l’écosystème entrepreneurial du démarchage a permis la création par la France dans ce domaine de « champions » au niveau mondial. Pourtant, nous ne pouvons plus ignorer ses abus, et plus encore aujourd’hui face au développement de systèmes technologiques de plus en plus redoutables, notamment avec l’arrivée de l’intelligence artificielle. Cela été souligné par plusieurs acteurs. Il y aura également un amendement sur ce point.
Enfin je voudrais vous faire part de ma conviction. Nous devons agir au niveau européen sur ce sujet sans pour autant délaisser la question au niveau français. 92 % des Français sont favorables à des évolutions en la matière et au sein de notre Assemblée il y a un consensus en faveur d’une évolution en ce sens. A nouveau, je vais mentionner mon collègue Pierre Cordier qui a déposé une proposition de loi en la matière le mois dernier C’est également le cas du sénateur Verzelen. Je souhaite engager une réflexion au niveau de la commission des affaires européennes et, après avoir auditionné un certain nombre d’acteurs sur ce sujet - consommateurs, professionnels, administration publique - je me sens vraiment confortée dans cette nécessité de basculer vers un système d’ « opt-in ». C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité déposer cette proposition de résolution européenne que, je l’espère, vous soutiendrez.
M. Pierre Cordier (DR). Madame la rapporteure les mots que vous avez employés sont exactement ceux que j’ai utilisés en 2018, lorsque j’ai eu l’honneur de défendre, au nom du groupe les Républicains, une proposition de loi concernant le démarchage téléphonique. Cette proposition visait précisément à instaurer ce que vous venez d’évoquer, à savoir le système de « l’opt-in ».
Je dois souligner la déception qui avait été la mienne puisque la majorité d’alors avait été difficile à convaincre en dépit du fait qu’il s’agit d’un sujet transpartisan. Ce que vous entendez aujourd’hui dans votre circonscription correspond à ce que nos collègues et moi-même entendions déjà en 2018.
Madame la rapporteure, je me réjouis que les choses évoluent et qu’il est possible d’avoir maintenant une approche sur le sujet qui ne soit ni manichéenne, ni binaire. Cela va dans le bon sens, celui de l’amélioration du quotidien de nos concitoyens. Car, ce démarchage téléphonique empoisonne véritablement leur vie.
Naturellement, je soutiendrai cette démarche. Vous avez rappelé qu’avec mon collègue Di Filippo, nous avions déposé une proposition de loi pour pouvoir évoluer le cadre légal français sur le démarchage téléphonique.
Mme. Louise Morel, rapporteure. Je peux d’autant plus analyser les travaux qui ont été réalisés à l’époque que je n’étais pas encore élue en 2018. Étant députée alsacienne, j’observe ce qui se fait en Allemagne où le système est celui de « l’opt-in ». A partir du moment où j’ai été élue, j’ai souhaité engager des travaux de manière transpartisane et avec une vision particulièrement européenne. Je ne peux pas revenir sur les débats d’alors, qui plus est à une époque où je n’étais pas membre de cette assemblée. Mais pour prolonger le débat, je veux indiquer pourquoi j’ai engagé ces travaux au sein de la commission des affaires européennes. Même si je salue les initiatives nationales, je pense qu’à terme, nous aurions intérêt à obtenir une harmonisation à l’échelle européenne. Si l’Europe promouvait l’opt-in
Mme Manon Bouquin (RN). Le démarchage téléphonique s’apparente de plus en plus à un harcèlement caractérisé et nos concitoyens en sont exaspérés. Les premières victimes sont les individus vulnérables, à savoir les personnes âgées ou isolées. Le mécanisme Bloctel ne suffit pas à enrayer ce démarchage non-souhaité: près de la moitié des inscrits continuent de recevoir des appels indésirables. Bloctel n’a pas été doté de moyens suffisants pour être pleinement efficace en particulier pour repérer et sanctionner les contrevenants.
Les consommateurs continuent d'être victimes d’une sollicitation continue. Comme le souligne un rapport du 22 février 2019 du Conseil national de la consommation, près de 40 % des démarchages téléphoniques proviennent de centres localisés hors du territoire national. Attendre une énième décision de l’Union européenne pour protéger nos concitoyens contre la sur-sollicitation et la fraude ne suffit pas. C’est le sens de l’amendement que nous avons déposé: nous souhaitons agir tout de suite à l’échelle française et interdire le démarchage depuis des centres d’appel à l’étranger.
Les administrations nationales comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’Autorité de Régulation de communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) ou la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne coordonnent pas assez leur travail pour détecter et sanctionner les fraudeurs: la moitié des entreprises qui réalisent du démarchage téléphonique enfreignent les règles. De son côté, le consommateur ignore souvent comment signaler des pratiques abusives. Il faut simplifier ces procédures de signalements et renforcer les contrôles à l’égard des entreprises.
À l’heure où la sollicitation numérique explose et où l’intelligence artificielle complexifie les arnaques, nous ne pouvons plus laisser les français les plus vulnérables être la proie de démarcheurs insistants et parfois malveillants.
Mme Louise Morel, rapporteure. Je suis d’accord avec vous concernant le harcèlement caractérisé que vous évoquez. Concernant le mécanisme Bloctel, il est vrai qu’il connaît des failles mais le législateur a essayé de faire au mieux avec les moyens dont il disposait. Toutefois, le système de l’opt-out fait reposer toutes les démarches sur le consommateur : c’est à lui de s’inscrire sur Bloctel, c’est à lui d'alerter la DGCCRF etc.
Ce que nous souhaitons, c’est inverser cette tendance et favoriser l’opt-in en considérant que le consommateur refuse, par principe, le démarchage téléphonique.
Concernant les centres d’appel hors du territoire national, je propose que nous en discutions, le temps venu, lors de l’examen des amendements.
Mme Liliana Tanguy (EPR). La proposition de résolution européenne vise à lutter contre le démarchage téléphonique. Elle a pour but d’inciter l’Union européenne à instaurer des règles harmonisées concernant l’opt-in, mécanisme qui met à l’honneur la notion de consentement. L’article 16 de la proposition de règlement du 10 janvier 2017 concernant le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques et abrogeant la directive 2002/58/CE (ePrivacy), prévoit que, par défaut, la prospection directe par voie téléphonique est uniquement autorisée auprès de ceux y ayant consenti. Néanmoins, cet article laisse la possibilité aux États de choisir le modèle de l’opt-out et de permettre le démarchage téléphonique à tous ceux qui n’ont pas exprimé d’objection à ces appels.
Le groupe Ensemble pour la République soutient une harmonisation maximale des législations des États membres en matière de démarchage téléphonique. Nous rappelons qu’en pratique, le système de l’opt-in est confronté aux mêmes difficultés que l’opt-out: les professionnels qui contactent une personne inscrite sur une liste d'opposition au démarchage risquent de ne pas respecter davantage une interdiction généralisée de cette pratique.
C’est pourquoi nous défendons la possibilité pour les États membres d’interdire le démarchage téléphonique dans des secteurs d'activité tels que la rénovation énergétique ou l’adaptation des logements pour les personnes handicapées et les personnes âgées. Il y a trois semaines, le tribunal de Rennes a déclaré contraire au droit de l’Union la disposition nationale interdisant le démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique. À notre sens, ce jugement rend urgente la nécessité de sécuriser juridiquement la possibilité pour un État d’interdire le démarchage dans des secteurs fréquemment liés à des pratiques abusives.
Mme Louise Morel, rapporteure. Je partage votre volonté de créer des règles harmonisées au niveau européen. Concernant la réglementation ePrivacy à laquelle vous faites référence, j’ai indiqué dans mon propos liminaire qu’il semble difficile de rattacher cette proposition de résolution à cette réglementation au regard de l'opposition de la nouvelle Commission européenne à réviser la directive 2002/58/CE et à adopter la proposition de règlement à laquelle vous faites référence. Nous souhaitons dès lors rattacher cette proposition de résolution européenne aux réglementations concernant la protection des consommateurs pour rendre les bases de cette proposition plus robustes.
Au sujet de l’opt-in et de l’interdiction du démarchage dans certains secteurs d'activités que vous mentionnez, il semble important de mentionner que la loi Naegelen du 24 juillet 2020 le prévoit déjà. Pour compléter vos propos, je souhaite citer le jugement récent rendu par le tribunal de Rennes qui dispose que “la législation traite le démarchage téléphonique comme une pratique commerciale devant être réputée déloyale en toute circonstance et que cette pratique n’étant pas interdite comme telle à l'annexe de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, l’État français n'a pas le droit de l'interdire”. Ce jugement très récent est en cours d’analyse par la DGCCRF et illustre bien l’utilité du renforcement du cadre européen que nous portons à travers cette proposition de résolution européenne.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Le démarchage téléphonique est un fléau dans notre pays. L’observatoire de la consommation d’UFC-Que Choisir note qu’en 2023, les ¾ des Français sont victimes chaque semaine de démarchage sur leur portable: 38 % le sont tous les jours et 49 % reçoivent un SMS de démarchage par semaine. En réalité, 97 % de nos concitoyens se disent très agacés par ces appels intempestifs. Les effets néfastes de ce démarchage sont nombreux et des études montrent qu’il provoque du stress, viole la vie privée, conduit à une perte de confiance dans les outils numériques et pousse à l’isolement. C’est notamment observable chez les personnes âgées qui refusent désormais de répondre au téléphone et sont la première cible de ce secteur. Compte tenu de ces effets, il serait utile d’aller encore plus loin dans notre démarche en tant que législateur.
Plusieurs lois ont été adoptées depuis 1989 dans ce domaine et l’apparition de Bloctel en 2010 n’a malheureusement pas permis d’apporter de meilleures solutions à cette problématique: la moitié des personnes inscrites reconnaissent qu’il ne fonctionne pas et 81 % de nos concitoyens considèrent le dispositif comme inefficace.
Le groupe LFI propose de tirer les conséquences de ces échecs en interdisant de manière pure et simple le démarchage téléphonique pour instaurer un droit à la tranquillité, comme mentionné dans un des amendements que nous avons déposés. Les secteurs essentiellement concernés par le démarchage téléphonique sont ceux qui peuvent s’en passer: à titre d’exemple, la rénovation thermique et le compte personnel de formation sont interdits de pratiquer du démarchage téléphonique.
Nous reconnaissons toutefois que votre proposition d’opt-in constitue un premier pas vers le consentement, qui est essentiel dans ce domaine. Pour mieux détecter la fraude, j’ai déposé un amendement visant à augmenter les moyens financiers de l’ARCEP afin de lui permettre de réaliser plus de contrôles.
Mme Louise Morel, rapporteure. Je vous remercie d’avoir rappelé tous ces chiffres qui illustrent l’agacement de nos concitoyens. Vous avez rappelé, à juste titre, que le démarchage ne s’effectue plus uniquement sur les téléphones fixes mais aussi sur les portables, ce qui montre l’évolution de cette pratique. Le cadre européen tel qu’il existait à l’origine de cette réglementation était différent selon les États membres: certains avaient un système d’opt-out et d’autres d’opt-in. À cette époque, le démarchage par voie téléphonique coûtait cher et il n’avait pas été anticipé qu’il puisse se démocratiser et se développer massivement. C’est pour cela que nous n’avions pas défini de règles strictes concernant le démarchage. Anticiper les évolutions technologiques est essentiel, c’est la raison pour laquelle je propose un amendement sur l’intelligence artificielle, sujet en constante évolution.
Toutefois, je ne suis pas favorable à l’interdiction globale que vous proposez. Premièrement, je ne suis pas contre la relation clientèle par téléphone dès lors qu’elle est consentie: cette PPRE est articulée autour de la notion de consentement. Deuxièmement, cela reviendrait à censurer beaucoup d'acteurs du démarchage téléphonique qui exercent leur travail dans le cadre légal. Ils ne devraient pas être pénalisés au même titre et au nom de ceux qui ne respectent pas les lois. Il me semble important de rappeler que 18 % de nos concitoyens sont en situation d'illectronisme. Pour ces derniers, l’appel téléphonique peut être essentiel, notamment dans des territoires isolés.
M. Pascal Lecamp (Dem). La question du démarchage téléphonique est plus complexe qu’elle n’en a l’air. Le groupe Démocrates est convaincu que le choix fait par la rapporteure de défendre le système de l’opt-in est le plus judicieux. Il permet de protéger nos concitoyens contre des nombreux appels intrusifs et anxiogènes, tout en laissant la possibilité aux entreprises d’aller de manière vertueuse vers le citoyen qui le souhaite. Notre collègue fait aussi le choix de porter ce thème à l'échelle européenne, ce qui semble particulièrement adapté. Cette proposition, si elle était adoptée, marquerait une amélioration notable pour tous les consommateurs européens ainsi que pour les opérateurs téléphoniques et centres d’appels qui sont souvent confrontés à des réponses impolies, parfois insultantes, de la part de consommateurs excédés. Elle permettrait aussi de mettre en œuvre un système de contrôle et de sanction européens plus efficace en intégrant mieux le rôle de la DGCCRF et de ses équivalents.
Néanmoins, comme le note la rapporteure, il restera des opérateurs peu scrupuleux qui continueront à appeler nos concitoyens sans leur consentement. En Allemagne, le système de l’opt-in a permis une augmentation et une systématisation des recours portés devant l'autorité de protection des consommateurs. Le groupe Démocrates estime que ce projet permettra de faire cesser cette pratique et, en tout cas, de diminuer notablement un problème qui est quotidien pour chacun d’entre nous.
Mme Louise Morel, rapporteure. Je vous remercie d’avoir souligné le caractère européen de cette proposition et d’avoir rappelé que les premières victimes sont les démarcheurs qui respectent les règles. Notre rôle de législateur est également de protéger ceux qui travaillent dans des centres d’appel, qui sont majoritairement des femmes et des publics vulnérables. J’ai auditionné une dame dont c’était le métier et qui m’a confié ce message : “cela me fatigue l’image que cela renvoie de ma profession”. Je crois que c’est cela que nous devons garder en tête: pousser pour adopter un cadre harmonisé de l’opt-in à l’échelle européenne, condamner fermement celles et ceux qui ne respectent pas le cadre légal et protéger celles et ceux qui font correctement leur travail.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en passons à l’examen des amendements.
Amendement n° 7 de Manon Bouquin
Mme Manon Bouquin (RN). Une nouvelle réglementation de l’ARCEP est entrée en vigueur le 1er août 2019 permettant de lutter plus efficacement contre les appels et les messages non sollicités. Cette réglementation a permis d’interdire l’utilisation d’un numéro français pour les appels provenant de l’international et de trier beaucoup plus facilement les appels non désirés, bien que cela ne soit pas suffisant, comme peuvent le constater la majorité des Français. Je propose donc de faire mention de l’ARCEP dans ce texte puisque, comme le mentionne votre rapport, la coordination entre les différentes administrations doit être améliorée. L’ARCEP est partie prenante dans la lutte contre les démarchages téléphoniques et est en lien avec les régulateurs des autres Etats membres à travers l’ORECE, l’organe des régulateurs européens des communications électroniques.
Mme Louise Morel, rapporteure. Je comprends votre idée consistant à rappeler la nécessité d’une meilleure communication entre les acteurs. Ce qui nous a été recommandé est notamment une meilleure coordination entre l’ARCEP et la CNIL, puisque dès que l’on est dans une logique de sanctions, il faut lever un certain nombre de freins, ce qui fera peut-être l’objet d’un débat national.
Pour autant, s’agissant de l’amendement, la numérotation mise en place par l’ARCEP vise à lutter contre les numéros frauduleux mais ne concerne pas l’origine géographique de l’appel, élément qu’aucun acteur n’a souligné. Parmi les acteurs se trouvant sur le territoire national, certains font bien leur travail et d’autres ne respectent pas les règles. Ce sont eux qu’il faut sanctionner, indépendamment d’une logique géographique et sans jeter l’opprobre sur les acteurs étrangers, notamment parce que nous réfléchissons ici à l’échelle européenne. L’avis est donc défavorable car je ne souhaite pas que soit faite cette distinction d’après la nationalité.
L’amendement n° 7 est rejeté.
Amendement n° 4 de Sophia Chikirou
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement vise à prendre acte de l’échec des régulations successives mises en place au niveau national. Nous proposons donc tout simplement l’ajout d’un considérant.
Mme Louise Morel, rapporteure. L’avis sera défavorable car je crois excessif le constat dressé par cet amendement qui laisse penser qu’aucune législation n’est à même de réguler le démarchage intempestif et que la seule voie envisageable serait l’interdiction absolue. Comme je l’ai déjà dit, je crois que le système de l’opt-in serait déjà une très belle avancée. Je vous suggère de retirer cet amendement.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Vous faites dire à mon amendement ce qu’il ne dit pas. Le considérant ne fait que prendre acte de l’inefficacité des démarches précédentes.
L’amendement n° 4 est rejeté.
Amendement n° 5 de Sophia Chikirou
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Cet amendement vise – pour de bon cette fois-ci – à interdire le démarchage téléphonique. Nous fabriquons une législation à tiroirs et à étages, de sorte que les acteurs économiques s’engouffrent dans toutes les failles que nous leur laissons. Nous pouvons bien sûr continuer à limiter la pratique du démarchage téléphonique en raison de son origine géographique ou en lui imposant une fréquence maximale pour chaque commanditaire. Nous pouvons tout imaginer, mais nous savons qu’ils inventeront des moyens de persister.
Or, quand 97 % des personnes interrogées disent être agacées ou fatiguées par cette pratique, il reste 3 % de ces personnes qui ne le sont pas et qui s’inscriront sur la liste d’opt-in. Mais je peux vous garantir que si l’on refait ce sondage un an plus tard, elle diront qu’elles n’en peuvent plus. Je propose donc d’arrêter d’accumuler les législations en permettant au secteur de les contourner et de prendre la seule mesure permettant réellement de protéger nos concitoyens.
Mme Louise Morel, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat. Si nous adoptions votre proposition, cela contredirait les objectifs de cette proposition de résolution européenne pour laquelle un certain nombre d’acteurs ont été consultés. Vous proposez de pénaliser tout un secteur en raison de la dérive de certains de ses membres qui sont certes agaçants, mais nous entrons là dans une logique entièrement punitive alors que certains acteurs respectent les règles. L’interdiction absolue nuit par ailleurs à la sécurité juridique car elle peut être considérée comme une entrave à l’activité des entreprises. Comme nous avons eu l’occasion de le mentionner avec Mme Tanguy, je me réfère à la décision récente du tribunal administratif de Rennes qui a déclaré contraire au droit européen la disposition nationale interdisant le démarchage téléphonique. Nous pourrons certainement revenir sur ce sujet à propos d’une proposition de loi, mais au niveau européen, cela créerait trop de fragilités. L’avis est défavorable.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). C’est un amendement d’appel. Je comprends les enjeux et l’influence que peut avoir le secteur, par exemple le syndicat professionnel des centres de contact, mais ils sont parfaitement capables d’imaginer d’autres formes de publicité et de démarchage que celle qui s’appuie sur le téléphone et qui est plus que problématique aujourd’hui. S’agissant de la décision du tribunal de Rennes, mon groupe est partisan de désobéir au droit européen quand il n’est pas dans l’intérêt de nos concitoyens. Je n’ai aucune crainte à ce sujet. Il faut tout de même que le secteur sache que nous pouvons aller vers l’interdiction s’il n’est pas capable de s’autolimiter dans ses pratiques. En tant que représentants de la nation et du peuple français, nous sommes très agacés car ils ne font pas les efforts nécessaires. Au contraire, ils utilisent les appels automatiques et l’intelligence artificielle pour aggraver la situation. Soit ils se ressaisissent, soit cela se terminera par une interdiction dans ce pays.
M. Pierre Cordier (DR). S’agissant de cet amendement et au regard des travaux que j’ai mené entre fin 2017 et début 2018 sur la question du démarchage, je me souviens que ces enquêtes d’opinions montraient qu’il y avait aussi des gens favorables au démarchage téléphonique. Cela peut sembler étrange, mais il y a des gens qui apprécient d’être sollicités dans le cadre de démarchages commerciaux. Cela m’avait étonné à l’époque mais cela existe, un peu comme avec le « stop pub » des boîtes aux lettres : certaines personnes souhaitent recevoir des prospectus publicitaires. Je pense donc qu’il faut conserver cette liberté et respecter la volonté de ceux qui souhaitent être démarchés.
Mme Louise Morel, rapporteure. Je partage ce qui vient d’être dit par Pierre Cordier. Vous dites, Mme Chikirou, que le groupe La France insoumise est partisan de désobéir au droit de l’Union. Je trouve regrettable et dommageable d’entendre cela. Je souhaite rappeler que le droit européen nous protège et que dans le domaine dont nous discutons en ce moment, s’agissant des e-mails, nous sommes dans un système d’opt-in. Il y a bien sûr des abus mais nous sommes néanmoins mieux protégés puisque quand nous allons dans une boutique, il nous est demandé si nous acceptons de recevoir telle proposition ou lettre d’information. Or, c’est justement le droit européen qui nous protège dans ce domaine. L’idée qui guide la présente proposition de résolution est de faire la même chose s’agissant du démarchage téléphonique.
L’amendement n 5 est rejeté.
Amendement n° 2 de la rapporteure
Mme Louise Morel, rapporteure. Cet amendement intègre un alinéa explicitant l’apport de la législation européenne en matière de protection des consommateurs. Il précise également son lien avec la régulation du démarchage téléphonique, ne la rattachant plus à la directive e-Privacy mais à la directive relative aux droits des consommateurs.
L’amendement n° 2 est adopté.
Amendement n° 6 de Manon Bouquin.
Mme Manon Bouquin (RN). Les centres d’appels localisés au-delà des frontières françaises comptant pour 40 % de la prospection commerciale téléphonique sur le marché. Il est donc nécessaire de protéger efficacement la population française de la sur-sollicitation téléphonique. Or, un démarchage plus local facilitera l’identification et la sanction des pratiques abusives. Complémentaire à la décision de l’ARCEP, cet amendement permet d’encadrer les pratiques dépassant le cadre règlementaire. Malgré le manque de moyens, les entreprises frauduleuses – majoritaires selon la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF)– seront plus facilement repérées.
La protection des citoyens doit être assurée grâce à des décisions immédiates, restreignant la possibilité de fraude émanant de centres d’appel étrangers.
Mme Louise Morel, rapporteure. Avis défavorable. En laissant penser que le démarchage serait uniquement le fruit de centres d’appel délocalisés, votre amendement ne présente aucune garantie de réussite dans la lutte contre le démarchage téléphonique intempestif. Si 40% des centres d’appel destinés au public français sont hors de France, alors 60% sont situés sur le territoire national. Les enquêtes menées par les organismes auditionnés, représentatifs des consommateurs, n’ont mis en exergue aucune différence de pratiques en fonction de la situation géographique des centres d’appel.
M. Pierre Cordier (DR). Pour des questions relatives au coût de la main d’œuvre, la plupart du démarchage téléphonique se fait depuis l’étranger. Étant moi-même visé par ces appels, je peine parfois à comprendre mon interlocuteur. Bien qu’une mauvaise maitrise de la langue ne soit pas inconciliable avec le fait d’habiter en France, de nombreux centres d’appel s’implantent dans des pays avec un droit du travail plus souple. Alors qu’ils embauchent des employés rémunérés au nombre d’appels effectués au cours d’une journée de quinze heures, se pose la question de la vigilance vis-à-vis de ces centres d’appel et du traitement de leurs salariés.
Mme Louise Morel, rapporteure. La rédaction de l’amendement pose également une difficulté sur le plan légistique, puisque le cadre d’une PPRE ne peut pas « demander » au gouvernement de la République française d’interdire. Mon avis demeure défavorable.
Mme Liliana Tanguy (EPR). Interdire les appels provenant de l’étranger exclut de fait les appels venant d’autres pays européens, ce qui est surprenant dans le cadre d’une PPRE.
Mme Manon Bouquin (RN). Le verbe « demande » pourrait être remplacé par « invite », et l’amendement ne concerner que les pays « en dehors de l’Union européenne ».
Mme Louise Morel, rapporteure. Ayant été membre de cette commission lors de la précédente mandature, je regrette que les PPRE soient cantonnées à la commission des affaires européennes. Si elle venait à être adoptée, un débat dans l’hémicycle autour de ma proposition constituerait une excellente opportunité de rediscuter de cet amendement.
L’amendement n°6 est rejeté.
Amendement n° 3 de Sophia Chikirou
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). De la nécessité de renforcer les contrôles, découle la nécessité de renforcer les moyens. Votre rapport expose clairement l’insuffisance des moyens, liée au manque d’effectifs au sein de la DGCCRF : malgré les dizaines de milliers de signalements annuels sur Bloctel, le nombre de contrôles n’atteint pas le millier. Les moyens financiers et humains doivent donc être renforcés au bénéfice d’autorités régulatrices comme la DGCCRF ou l’ARCEP. Comme c’est le cas pour le financement du système Bloctel, le paiement d’une redevance par les grandes entreprises constituerait un vecteur efficace.
Mme Louise Morel, rapporteure. Je comprends parfaitement le fonds de votre amendement. L’attribution de moyens financiers supplémentaires pour lutter contre le démarchage téléphonique intempestif est nécessaire. Cependant, seul le cadre d’un débat budgétaire permet de provisionner des fonds à destination d’un ministère, ayant moi-même cosigné plusieurs amendements en ce sens. Je ne souscris pas non plus à la logique selon laquelle l’intégralité des entreprises serait responsable du comportement délictueux de certaines et devrait en financer les contrôles. Mon avis est donc défavorable.
Mme Sophia Chikirou (LFI-NFP). Au contraire, les entreprises commanditaires des appels téléphoniques sont toutes responsables de la situation, bien que celles qui transgressent la loi doivent être repérées et lourdement sanctionnées. Si, comme vous l’affirmez, les entreprises sont victimes des pratiques frauduleuses de certaines de leurs consœurs, elles auraient même intérêt à participer au financement du contrôle à travers la redevance.
De plus, les entreprises sont les seules à bénéficier, in fine, du démarchage téléphonique qui leur permet d’augmenter leur chiffre d’affaires. De la même manière que mes impôts financent le contrôle des infractions routières bien que je n’en commette pas, les entreprises doivent participer au contrôle du démarchage téléphonique, même si elles opèrent légalement.
Votre argument n’est pas valable. Davantage de moyens doivent être alloués au contrôle du démarchage téléphonique, mon amendement ne faisant qu’orienter son financement vers la redevance, déjà en place pour Bloctel.
L’amendement n° 3 est rejeté.
Amendement n° 1 de la rapporteure
Mme Louise Morel, rapporteure. Cet amendement souligne l’impact de l’intelligence artificielle dans la prospection téléphonique. Il rappelle que la proposition ne vise pas le démarchage téléphonique en tant qu’activité commerciale, mais les conséquences de son usage abusif en matière de protection des consommateurs. Enfin, il insiste sur la nécessité de créer des voies de recours simples et intelligibles, à disposition du consommateur en cas de manquement à la loi.
L’amendement n° 1 est adopté.
L’article unique de la proposition de résolution européenne, ainsi modifié, est adopté.
La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est par conséquent adoptée.
Mme Louise Morel, rapporteure. Je vous remercie pour votre vote, j’espère qu’il constituera un signal clair pour le système du démarchage téléphonique : leurs abus sont considérés comme intolérables par la commission des affaires européennes. Le Sénat examinera demain le même sujet.
Mme Liliana Tanguy (EPR). Mme Bouquin et moi-même nous sommes rendues à la réunion de la Cosac du 27 au 29 octobre à Budapest. La COSAC est une conférence créée en 1989 pour échanger entre parlementaires nationaux, avec la participation d’une délégation du Parlement européen, sur les questions relatives au fonctionnement de l’Union. La COSAC se réunit deux fois par semestre : au niveau des présidents des commissions des affaires européennes, et en session plénière, à l’invitation du Parlement du pays exerçant la présidence du Conseil de l’Union européenne.
Quatre sessions de débat ont été animées autour de quatre thématiques : les priorités de la présidence hongroise, l’état de l’Union européenne, les questions démocratiques européenne et l’évolution de la sécurité et de la défense européenne.
M. László Kövér, président de l’Assemblée nationale hongroise, a débuté la conférence en rappelant la devise de la présidence hongroise « Make Europe Great Again ». Il a dressé les priorités hongroises, notamment la lutte contre l’immigration illégale et le renforcement de la politique nataliste pour répondre à « l’hiver démographique qui s’est abattu sur l’Europe », selon ses mots. M. László Kövér a finalement rappelé l’importance d’accroître le rôle des parlements nationaux dans le processus décisionnel, ce que nous étions nombreux à soutenir.
La première session des débats a été ouverte par M. Janos Boka, ministre des Affaires européennes. Il a rappelé les priorités de la présidence hongroise, à savoir un nouveau pacte pour la compétitivité européenne, le renforcement de la politique européenne de défense, l’adoption d’une politique d’élargissement cohérente et fondée sur le mérite avec pour priorité l’adhésion des Balkans occidentaux, l’endiguement de l’immigration clandestin, l’élaboration de l’avenir de la politique de cohésion, l’élaboration d’une politique agricole commune axée sur les agriculteurs, et les réponses à apporter au défi démographique. J’ai tenu à rappeler la nécessité d’accélérer l’élargissement de l’Union, notamment aux Balkans occidentaux, auxquels je me suis rendue à plusieurs reprises dans le cadre du rapport sur l’évolution des négociations d’adhésion, présenté devant notre commission en avril dernier. J’ai réaffirmé la position française, soutenant une réforme de la gouvernance de l’Union pour que l’élargissement soit un succès, et non une entrave au fonctionnement des institutions.
La deuxième session de débats a débuté avec un message vidéo de M. Maros Sefcovic, vice-président slovaque de la Commission européenne, chargé du Pacte vert pour l’Europe, des relations institutionnelles et de la prospective. Il a souligné l’intérêt croissant des parlements nationaux pour une participation précoce au processus décisionnel. La délégation française à la Cosac a fait adopter trois amendements dans la contribution finale adoptée par la COSAC. Cette contribution renforce le rôle des parlements nationaux dans l’élaboration des priorités stratégiques de la Commission et le contrôle du principe de subsidiarité en portant de huit à dix semaines le délai d’examen des textes et en abaissant à un quart des voix le seuil de déclenchement du carton jaune.
L’adoption de ces trois amendements nous a valu les félicitations d’autres délégations, prouvant la place, toujours centrale, occupée par la France au sein de l’Union européenne.
Mme Manon Bouquin (RN). Cette expérience a été particulièrement enrichissante. La Cosac me semble être une enceinte essentielle pour faire entendre la voix, encore timide, des parlements nationaux et celle des peuples des États membres. Leur implication accrue traduira mieux la réalité de ce qu’est l’Union européenne et de son avenir démocratique. Les débats entre Parlements nationaux, c’est-à-dire entre ceux qui disposent d’un mandat à légiférer au nom des peuples qui les élisent, permet également un débat entre différentes sensibilités politiques. Sans cette confrontation d'opinions, point de dialogue, sans ce dialogue nul consensus. L'unité européenne ne veut pas être une uniformité, mais une entente respectueuse des différentes aspirations, parfois des différents intérêts qui l'animent. C'est d'ailleurs le sens de sa devise, « Unie dans la diversité ».
Lors de cette seconde session, a été évoquée la question de l'élargissement, en particulier concernant l'Ukraine et la Géorgie. C'est une position personnelle, mais je regrette une absence de retenue dans l'anticipation d’un élargissement à des pays dont l’adhésion ne fait pas consensus. L’assagissement de la politique d'expansion ira, à mon sens, de pair avec le respect de la souveraineté des peuples et de leur libre détermination.
Le soutien à la défense de l'Ukraine est globalement unanime et consensuel. Ainsi, la délégation française a fait adopter un amendement précisant la portée que doit revêtir l'aide à l'Ukraine, à savoir la mise en œuvre d'une facilité pour l'Ukraine, l'octroi d'un prêt exceptionnel d'assistance macro-financière, AMF, à hauteur de 35 millions d'euros et un nouveau mécanisme de prêt, mettant en œuvre l'engagement du G7.
Outre l'aide financière et macroéconomique, le soutien à l'adhésion de l'Ukraine à l'Union a été largement évoqué. Sur ce point, j’émet une réserve particulière concernant l'inquiétude que cette perspective suscite chez les agriculteurs de l'Union européenne et le risque d'escalade qu'elle induit. Or, si l’aide militaire n'a pas été questionnée par l'ensemble des délégations, un consensus est apparu pour prévenir une escalade militaire que provoquerait l'utilisation d'armes à longue portée sur le sol russe.
De plus, la nécessité de renforcer les capacités de défense en Europe a été évoquée. Si l'unanimité sur ce point présage de fructueuses collaborations, les contours d'une entente européenne sur la défense reste à définir afin de satisfaire un besoin de sécurité commun, tout en respectant la diversité d'intérêts des nations européennes.
La Commission a nommé sur proposition de M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade :
– Mme Sabine Thillaye, rapporteure sur la proposition de résolution européenne pour une définition harmonisée des entreprises de taille intermédiaire et la création d’une catégorie statistique dédiée à l’échelle européenne (n° 547).
La séance est levée à 18 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. David Amiel, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Karim Benbrahim, M. Nicolas Bonnet, Mme Manon Bouquin, Mme Sophia Chikirou, Mme Sylvie Josserand, M. Pascal Lecamp, M. Patrice Martin, M. Laurent Mazaury, Mme Louise Morel, Mme Liliana Tanguy
Excusés. - Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Charles Sitzenstuhl
Assistait également à la réunion. - M. Pierre Cordier