Compte rendu

Commission
des affaires européenne
s

I. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques : examen de la proposition de résolution européenne de M. Philippe BOLO (n° 860) (M. Philippe BOLO, rapporteur)

II. Nomination d’un co-rapporteur


 

Mercredi
19 février 2025

15 heures

Compte rendu n o 17

Présidence de
M. Pieyre-Alexandre Anglade,
Président
 

 


 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 19 février 2025

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
 

La séance est ouverte à 15 heures.

 

I.                  Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques : examen de la proposition de résolution européenne de M. Philippe BOLO (n° 860) (M. Philippe BOLO, rapporteur)

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution européenne relative à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques.

M. Philippe Bolo, rapporteur. Le plastique envahit notre quotidien. On le voit à travers les emballages dans notre alimentation ou encore la « fast fashion » qui occupe une place centrale dans l’actualité. Mais le plastique peut aussi recouvrir des usages utiles à la transition écologique, par exemple en permettant la création de véhicules plus légers qui émettent moins de CO2, le développement des énergies renouvelables qui utilisent des plastiques, l’isolation des bâtiments, et les progrès dans la santé.

Malgré tout, la production de plastique est croissante – 460 millions de tonnes en 2020 et un milliard de tonnes projeté en 2050 – et s’accompagne d’un surcroit pollution, notamment par les microplastiques.

Parmi ces microplastiques, il y a les granulés de plastique industriel. Il s’agit de la matière première utilisée par les plasturgistes qui les transforment pour fabriquer les objets de notre quotidien, allant de la coque du téléphone portable à la monture de lunettes, en passant par les emballages des aliments que nous consommons chaque jour. Cette proposition de résolution européenne ambitionne de réduire la perte de ces granulés de plastique dans l’environnement, qui sont particulièrement nocifs pour la biodiversité.

Ces petits granulés perdus dans la nature sont parfois confondus avec des aliments par les animaux, occasionnant chez eux un ensemble de désordres dans leur capacité de mobilité, dans leur métabolisme, dans leur capacité de reproduction. Les granulés plastiques occasionnent aussi des problèmes de pollution de nos côtes menaçant la santé humaine. C’est un sujet qui concerne l’ensemble des dimensions de l’approche « one health » (la santé unique).

Cela représente aussi un impact économique pour nos territoires et nos collectivités. Vous n’êtes pas sans oublier les « marées blanches » qui sont survenues sur les côtes vendéennes et bretonnes à l’hiver 2022/2023, et qui ont touché beaucoup de zones touristiques, allant jusqu’à des dépôts de plainte contre X de la part des deux présidents de région Pays de la Loire et Bretagne.

Face à cette pollution, la Commission européenne a travaillé à un projet de règlement pour prévenir les pertes accidentelles de granulés plastiques industriels. L’évaluation mériterait d’être affinée, mais, en 2019, on estimait qu’entre 52 000 et 184 000 tonnes de granulés étaient perdues accidentellement dans la nature chaque année. Ces chiffres sont d’autant plus alarmants quand on sait qu’un sac de 25 kg de granulés plastiques industriels contient environ 1 million de granulés.

Face à ce problème, la démarche de la Commission européenne est cohérente avec son approche globale : le Pacte vert et deux plans d’action, l’un pour l’économie circulaire et l’autre pour aller vers une industrie zéro pollution. L’Union européenne cherche ainsi à consolider l’ensemble du cadre européen de lutte contre la pollution.

La France est largement en avance sur les préventions de pertes de GPI. La loi AGEC et son décret d’application GPI visent les entreprises qui stockent plus de 5 tonnes de granulés plastiques industriels. Le décret GPI définit aussi un ensemble de procédures et de bonnes pratiques pour éviter les pertes à toutes les étapes de manipulation : mise en stock, mise en contenant, transport, etc. C’est au cours de toutes ces étapes-là qu’une petite quantité peut échapper aux opérateurs économiques de l’ensemble de la chaîne de valeur.

Le règlement européen va dans le sens de la loi AGEC. Nous devons nous en réjouir. Souvent, lorsque l’on pose la question de la position de la France sur ces sujets-là à l’échelle mondiale et européenne, j’utilise cet argument pour dire que nous sommes en avance. La Commission européenne voudrait, considérant que la France a mis en place le décret GPI lié à la loi AGEC, harmoniser les dispositions à l’ensemble des pays de la Communauté européenne, ce qui va plutôt dans le bon sens. Car vous n’êtes pas sans vous-même rencontrer un certain nombre d’industriels sur votre territoire qui vous disent que la France est bien en avance, mais que parfois, cela crée une distorsion de concurrence. L’ambition européenne va dans le sens d’une harmonisation des règles à l’échelle des pays de l’Union européenne, pour que nous soyons tous soumis aux mêmes contraintes pour protéger l’environnement.

Un soutien à l’approche de la Commission a déjà été accordé par la résolution européenne portée au Sénat par nos collègues Marta de Cidrac et Michaël Weber et adoptée le 17 janvier dernier. Je présente aujourd’hui une résolution quasiment identique qui vise à conforter la position française dans les négociations du projet de règlement européen.

Cette résolution vise à prévenir les fuites de granulés plastiques industriels tout en harmonisant les exigences entre pays européens afin de réduire les distorsions de concurrence. Notre texte regrette que les collectivités territoriales soient seules à assumer les conséquences des marées blanches et des pollutions massives par ces granulés plastiques industriels. En ligne avec cela, nous demandons une meilleure prise en compte des coûts de ces pollutions.

La particularité de la résolution de l’Assemblée nationale en comparaison de celle adoptée au Sénat concerne l’introduction d’une déclaration de pertes accidentelles. Cette déclaration va de pair avec l’extension du champ du règlement au transport maritime. En effet les pertes de conteneurs en mer représentent la source la plus importante de pollution par les granulés plastiques industriels, ceux-ci pouvant être libérés directement au moment de la perte du conteneur ou plusieurs années plus tard du fait de l’érosion, s’échouant ensuite sur les côtes au gré des courants.

La résolution de l’Assemblée nationale comporte 90 alinéas, contre 82 pour celle du Sénat. Les 8 alinéas ajoutés visent à déclarer les pertes accidentelles lors des transports : le lieu et la date, la nature du granulé plastique industriel perdu – son polymère et sa forme – ainsi que la quantité, sa destination et sa provenance. Tout cela doit permettre de faciliter le chiffrage des coûts et d’estimer les pertes de manière plus précise.

Si nous soutenons le projet de règlement européen, des points d’attention sont à relever. Le premier concerne les seuils retenus : la loi AGEC du 10 février 2020 impose une masse limite de 5 tonnes stockées, tandis que le projet de règlement européen impose une masse limite de 1 000 tonnes traitées. Il faudra donc faire en sorte que la législation européenne soit la plus proche possible du seuil français de 5 tonnes. Notons qu’en vertu de l’article 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement ne remplacera pas le droit français si celui-ci est plus ambitieux que le cadre européen.

Le deuxième point d’attention concerne le champ d’application. La loi AGEC et son décret d’application évoquent des « sites industriels » alors que le projet européen évoque des « opérateurs économiques ». Or un opérateur économique peut englober plusieurs sites industriels donc il faudra clarifier tout cela pour que le règlement ne soit pas contre-productif.

Le troisième point concerne l’intégration des accidents de transport maritime. Il serait bénéfique que nous arrivions à intégrer dans ce projet de règlement un meilleur amarrage des conteneurs sur les bateaux, un positionnement de ces conteneurs sous le pont pour éviter qu’ils ne tombent à la mer et l’adoption de normes de conception spécifiques pour les conteneurs transportant des granulés.

 Mme Manon Bouquin (RN). L’Europe se noie sous les normes pendant que notre industrie coule. Ce règlement sur les granulés n’a pour conséquence que d’ajouter une couche administrative de plus.

Pourtant la France n’a pas attendu l’Union européenne pour agir. Avec la loi AGEC et son décret d’application, nos entreprises sont déjà soumises à des règles strictes. Elles doivent prévenir les pertes de granulés, installer des équipements adaptés pour prévenir les rejets et se soumettre à des contrôles réguliers.

Alors pourquoi en rajouter ? Pourquoi imposer des certifications et des déclarations qui vont étouffer un peu plus nos PME pendant que nos concurrents étrangers continuent de produire sans la moindre contrainte ? On nous dit qu’il faut lutter contre la pollution plastique, et qu’il faut éviter que les conteneurs de granulés se perdent en mer. D’accord, mais plutôt que d’accabler nos entreprises, posons-nous la vraie question : pourquoi ces conteneurs traversent-ils les océans ? Tout simplement parce que nous ne sommes plus capables de produire et de recycler en local.

La vérité, c’est que nos infrastructures de recyclage sont insuffisantes et que ce règlement ne va en rien favoriser l’innovation pour remplacer le plastique par des matériaux biodégradables. La vérité, c’est que l’Union européenne préfère alourdir la bureaucratie plutôt que d’investir dans des solutions concrètes. Nous, nous proposons autre chose : arrêter de surtaxer les entreprises qui innovent en France, investir massivement dans les circuits courts, produire, consommer et recycler localement. Voilà comment on réduit concrètement la pollution sans sacrifier notre industrie ni notre souveraineté. Mais une fois de plus, Bruxelles fait fausse route et l’Union européenne punit les siens et favorise les autres.

Ce sont pour ces raisons précises qu’au Parlement européen nos eurodéputés Rassemblement national ont voté contre ce texte, à l’inverse des autres groupes français qui une fois encore acceptent sans broncher les diktats bruxellois. La France n’a pas besoin de Bruxelles pour être exemplaire, elle fait déjà ce qu’il est possible de faire. Ce dont nous avons besoin, c’est de liberté, de bon sens et de pragmatisme, pas d’un carcan bureaucratique de plus.

 M. Philippe Bolo, rapporteur. Ce que vous dénoncez, c’est le projet de règlement européen, mais ce n’est pas ici que l’on décide de l’adopter ou non. En France, nous avons cette chance de disposer d’une réglementation ambitieuse sur les microplastiques. D’ailleurs, quand vous regardez les contrôles qui sont opérés pour vérifier la bonne application du décret GPI, c’est plutôt positif : les entreprises s’en sont déjà emparées et ont mis en place les mesures. Elles sont tout à fait responsables et disent que cela va dans le bon sens quand ça permet d’éviter les pertes de granulés dans l’environnement proche.

Il y a une autre dimension que vous négligez : la France est dotée d’exigences que ses entreprises appliquent bien, et vous voudriez qu’on en reste là ? Que les pays voisins n’aient pas les mêmes réglementations ? Contrairement à ce que vous affirmez, le projet de règlement européen, que soutient cette résolution européenne, doit permettre de réduire les distorsions de concurrence en élevant les exigences environnementales dans les autres Etats membres sur le modèle de la loi AGEC.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutiendra cette proposition de résolution européenne qui vise à renforcer le règlement autour de la prévention de pertes de granulés plastiques. Ces pertes de granulés plastiques sont la troisième source de pollution non volontaire dans l’Union européenne. Le fait que l’Europe reprenne une initiative française portée dans le cadre de la loi AGEC montre la position de leadership de la France en Europe sur ces questions environnementales et encore plus concernant le sujet de l’économie circulaire.

J’interpelle ma collègue du Rassemblement national en disant que nous avons une législation très contraignante en France, et nous devons nous en réjouir parce qu’elle permet de protéger non seulement notre environnement mais aussi nos entreprises et transporteurs de granulés plastiques.

Ce que ce règlement européen cherche à faire, c’est harmoniser la législation et la protection à l’ensemble des pays européens. En étant contre cette harmonisation à l’échelle européenne, vous condamnez la France à être le seul bon élève alors que nous devons, au contraire, pousser chacun à rejoindre la position courageuse de la France sur la question. Vous n’êtes pas à une incohérence près sur l’Europe au Rassemblement national. Cependant, je suis stupéfait ici par la petitesse de l’argumentation du seul amendement que nous aurons à étudier mais qui, je crois, ne sera pas défendu.

Je voudrais redire le soutien du groupe Ensemble pour la République à cette réglementation qui s’inscrit dans le fil de la loi anti-gaspillage. Il sera aussi important de rappeler que le seul moyen de lutter contre la pollution plastique, c’est de réduire notre consommation et notre production. La loi AGEC, à cet égard, a des objectifs très ambitieux avec notamment la fin du plastique unique à l’horizon 2040 sur lequel, là aussi, la France a été pionnière. Je conclus en indiquant que nous présenterons une proposition de loi sur l’usage des petites bouteilles en plastique qui, je l’espère, trouvera un écho à la commission des affaires européennes.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous travaillons avec M. Bolo sur le sujet de la pollution plastique de manière totalement transpartisane depuis déjà trois ans. Ce sujet fait trop souvent la une de nos actualités du fait des « marées blanches » qui polluent nos côtes. Rien n’y fait malgré la loi AGEC et son décret relatif aux pertes de granulés plastiques, voté il y a cinq ans, malgré le Pacte vert européen : la production plastique continue inlassablement sa croissance exponentielle.

Cette croissance entraîne la hausse parallèle de la pollution plastique et notamment microplastique. Que ce soit sous forme de granulés ou de poudre, le plastique continue de se retrouver dans l’environnement malgré sa toxicité. Non biodégradable, il envahit notre écosystème. Nous demeurons, je le regrette, incapable d’évaluer les pertes pour nos territoires.

Vous l’avez rappelé, Monsieur le rapporteur, industriels et transporteurs n’ont aucune obligation de communiquer les données relatives à ces pertes. Pour tenter de résoudre ce fléau environnemental, la Commission européenne a présenté en octobre dernier une proposition de règlement sur les pertes de granulés plastiques industriels afin de réduire la pollution plastique par ces mêmes granulés.

C’est un signal positif mais ce règlement reste perfectible. Pour preuve, les autorités françaises appellent au renforcement de l’ambition environnementale de la proposition de règlement en demandant l’inclusion du transport maritime, l’abaissement du seuil d’assujettissement et de certification, ainsi qu’une redéfinition des granulés plastiques industriels afin d’inclure de nouvelles formes de plastiques aujourd’hui exclues du projet de règlement.

Cette position défendue au niveau européen permettra d’aboutir à un texte plus ambitieux pour résoudre une aberration industrielle et environnementale.

Le groupe Socialiste se félicite de l’initiative du rapporteur qui doit favoriser l’adoption d’un règlement européen ambitieux.

M. Philippe Bolo, rapporteur.  La déclaration des pertes est très importante. Elle permettra d’avoir un meilleur chiffrage à l’échelle européenne de ce qui se perd dans la nature. Elle permettra également de mieux responsabiliser les producteurs. À partir du moment où une base de données renseignera les pertes, cela incitera à de meilleures pratiques lors des transports.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Il est important que l’Europe, et singulièrement la France, conserve une ambition en matière écologique. C’est pour cela que cette proposition de résolution européenne est importante sur un sujet qui n’est pas négligeable. Nous sommes bien informés par la presse des ravages de la pollution plastique pour nos organismes. Au moment où les États-Unis se retirent de toute ambition écologique et versent même dans le déni climatique, il ne reste plus que l’Europe pour porter une ambition écologique mondiale. Ce texte est une petite brique portée de manière transpartisane.

M. Philippe Bolo, rapporteur. Il faut refuser le nivellement par le bas que nous impose le gouvernement Trump et les conséquences de sa politique économique. Je suis persuadé, comme vous, que les refus d’agir aujourd’hui seront les coûts de demain.

L’article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.

La proposition de résolution européenne est, par conséquent, adoptée.

 

M. Philippe Bolo, rapporteur. L’étape d’aujourd’hui est le symétrique des travaux menés au Sénat. Le cheminement du texte va se poursuivre en commission du développement durable. Le gouvernement poursuivra ainsi les négociations européennes avec l’appui des parlementaires des deux chambres, ce qui lui donnera plus de force pour défendre le règlement le plus ambitieux possible.

 

II.              Nomination d’un co-rapporteur

La Commission a nommé sur proposition de M. le président Pieyre-Alexandre Anglade :

­ M. Jérémie Iordanoff, co-rapporteur sur la proposition de résolution européenne de M. Thierry Sother et plusieurs de ses collègues, rappelant l’urgence démocratique d’appliquer pleinement et entièrement le règlement européen sur les services numériques (n° 876).

 

 

La séance est levée à 15 heures 35.


Membres présents ou excusés

 

Présents. - M. Xavier Albertini, M. Emmanuel Fouquart, M. Maxime Laisney, M. Didier Le Gac, Mme Nadine Lechon, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Sandrine Rousseau

Excusé. - M. Philippe Gosselin

 

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