Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie) :
Audition de Mme Anne Genetet, ministre de l’Éducation nationale, et de M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel 2
Examen des crédits de la mission Enseignement scolaire (M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis) 35
– Présences en réunion..............................48
Mercredi
30 octobre 2024
Séance de 16 heures 30
Compte rendu n° 13
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi,
Présidente
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La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)
La commission auditionne Mme Anne Genetet, ministre de l’Éducation nationale, et M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 (n° 324 – seconde partie).
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous accueillons pour la première fois dans notre commission madame Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale, et monsieur Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel, qui a siégé dans notre commission pendant deux ans.
Bertrand Sorre a été désigné rapporteur pour avis sur la mission Enseignement scolaire. Son rapport, dont la partie budgétaire a été transmise hier aux membres de la commission, aborde également les apports de la réforme du lycée professionnel dans la lutte contre le décrochage scolaire, sujet relevant directement des compétences de monsieur Portier.
Avant de leur céder la parole, je souhaite leur poser quelques questions :
Comment envisagez-vous la répartition des suppressions d’emploi dans le premier degré ? Comment concilier ces suppressions avec la poursuite du dédoublement des classes de grande section de maternelle en éducation prioritaire ?
La diminution des crédits alloués aux indemnités de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE) et à la rémunération des heures supplémentaires risque-t-elle d’entraîner une baisse de rémunération pour les enseignants du premier degré qui effectuaient ces missions supplémentaires ?
Pour quelle raison les crédits de 10 millions d’euros prévus en 2024 pour financer les modules optionnels des terminales professionnelles dans les quartiers prioritaires de la ville ne sont-ils pas reconduits ?
Enfin, comment justifiez-vous la quasi-suppression des crédits pédagogiques en écoles élémentaires ?
Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale. Je suis honorée de m’exprimer pour la première fois devant votre commission. Ayant siégé sept ans à l’Assemblée nationale, je mesure l’importance de votre engagement et la rigueur indispensable du travail parlementaire.
Notre priorité se résume en un mot : élever. Élever le niveau scolaire de nos élèves, élever le niveau d’ambition pour notre jeunesse, élever notre exigence en matière de respect des valeurs républicaines, du corps enseignant et de la laïcité. Je suis convaincue que nous partageons ces objectifs et le constat que défendre l’école de la République, sa mission, ses valeurs, sa promesse, c’est aussi défendre son budget.
Avec 1,2 million de personnels dévoués à la réussite de 12 millions d’élèves, l’école demeure le premier service public et le premier employeur de France. Dans le projet de loi de finances pour 2025, elle conservera son statut de premier budget de la nation. Depuis 2017, l’école a été la priorité du Président de la République et des gouvernements successifs, car c’est à l’école que nous pouvons briser les inégalités de destin, mettre fin à l’assignation à résidence sociale ou territoriale, et renouer avec la promesse républicaine.
Nous avons investi plus de 14 milliards d’euros supplémentaires dans l’éducation nationale depuis 2017. Le budget est passé de 48,8 milliards d’euros en 2017 à 63 milliards d’euros en 2025, une progression inégalée sous les précédents quinquennats ou septennats, de gauche comme de droite.
Ces investissements sans précédent se traduisent par des progrès sociaux et éducatifs concrets. À la rentrée 2024, nous finalisons le dédoublement des petites classes en zones d’éducation prioritaires REP et REP+. Les évaluations montrent que la génération ayant bénéficié du dédoublement en REP+ rattrape déjà l’écart par rapport à la moyenne nationale à l’entrée au collège.
Depuis 2022, les professeurs ont vu leur rémunération augmenter de 258 euros par mois en moyenne, soit une progression de 11 %, sans compter le pacte enseignant ni les mesures exceptionnelles prises durant les crises. Les infirmières et infirmiers scolaires, ainsi que les assistantes et assistants de service social, ont bénéficié d’une augmentation de 200 euros net par mois. L’amélioration des conditions d’emploi contribue au bien-être de tous les acteurs.
Sur l’année scolaire 2023-2024, le pacte enseignant a permis 2 millions d’heures supplémentaires de remplacement pour pallier les absences de courte durée dans les collèges et lycées. Ce pacte rémunère justement les missions supplémentaires assurées par des professeurs volontaires, avec 63 euros net par heure de remplacement et 47 euros net par heure de devoirs faits ou de stages de réussite. Au total, ce sont 8 millions d’heures en faveur de la réussite des élèves, représentant en moyenne 2 500 euros de rémunération supplémentaire annuelle pour les enseignants qui s’y engagent, soit environ un professeur sur trois.
Je tiens à souligner que supprimer le pacte, comme certains amendements le proposent, priverait les élèves de millions d’heures d’enseignement essentielles et nos professeurs de la reconnaissance financière qui leur est due.
Je m’engage à poursuivre l’investissement avec une augmentation de 98 millions d’euros pour cette rentrée, afin de remplacer 4 millions d’heures d’absence sur l’année scolaire. Je souligne que chaque heure de cours manquée représente une opportunité perdue pour un élève, et je refuse d’accepter cette situation comme une fatalité.
Les faits sont indéniables. Entre les moyens disponibles pour 2024, après la mise en œuvre des économies demandées en février dernier, et ceux dont mon ministère disposera pour le projet de loi de finances 2025, le budget de l’éducation nationale augmentera de 834 millions d’euros.
Je comprends que pour de nombreux défenseurs de l’école, ces efforts puissent sembler insuffisants. Beaucoup reste à accomplir : toutes les rémunérations ne reflètent pas encore pleinement l’engagement sans faille de nos personnels, toutes les familles n’ont pas encore retrouvé confiance en leur école, et il nous reste encore beaucoup à faire pour la reconnaissance des personnels, la confiance des parents et la réussite de nos élèves.
Je serai franche et directe : il reste effectivement beaucoup à faire. De nombreux chantiers sont à ouvrir et des engagements sont à tenir. C’est précisément cette cause, celle de l’école, qui nous réunit aujourd’hui et qui me mobilise quotidiennement.
Grâce à l’augmentation du budget de l’éducation nationale que j’ai obtenue, le taux d’encadrement pourra encore progresser dans nos écoles, collèges et lycées.
Dans le premier degré public, le nombre d’élèves par classe s’élèvera à un peu plus de 21 à la rentrée 2025. Je tiens à souligner qu’il s’agit du niveau le plus bas depuis que nous mesurons cet indicateur. Pour mémoire, en 2017, on comptait près de 24 élèves par classe.
Dans le second degré public, le nombre d’heures hebdomadaires d’enseignement par élève continuera d’augmenter, comme c’est le cas depuis 2022. Je rappelle également que la baisse démographique de près de 100 000 élèves à la rentrée prochaine aurait mécaniquement conduit à supprimer 5 000 postes d’enseignants à la rentrée 2025, si nous avions voulu nous ajuster strictement à la démographie.
Plusieurs d’entre vous proposent d’amender le nombre de postes supprimés. Je l’ai déjà dit : je suis ouverte à des évolutions lors des débats parlementaires, notamment pour prendre en compte l’impact sur les fermetures de classes en zone rurale et pour poursuivre le renforcement des savoirs fondamentaux engagé au collège.
Cette loi de finances 2025 créera également 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pour la rentrée 2025, portant à 13 000 le nombre de créations de postes d’AESH depuis 2022. Je rappelle aussi que deux tiers de nos AESH sont désormais en CDI, soit trois fois plus qu’il y a deux ans. Tous les AESH bénéficient maintenant d’une grille d’avancement à l’ancienneté et leur rémunération a été augmentée de 13 %. Au total, le budget de l’école inclusive aura plus que doublé depuis 2017, passant de 2,1 à 4,6 milliards d’euros.
L’école se trouve à un moment charnière et deux voies s’offrent à nous. La première est celle du renoncement à l’exigence, qui consisterait à abandonner tous les efforts entrepris depuis 2017 pour élever le niveau de chaque élève. Qui en paierait le prix ? Ce seraient par exemple les élèves de l’école Pierre et Marie Curie de Garges-lès-Gonesse qui apprennent à lire, écrire et compter dans des classes de 12 élèves aujourd’hui, ou les élèves de sixième du collège Cabane à Pontoise qui bénéficient de groupes de besoin en français et en mathématiques, limités à 15 élèves, ou encore les élèves des collèges La Justice à Cergy, de Sennecey-le-Grand en Saône-et-Loire ou du lycée des métiers du domaine d’Éguilles dans le Vaucluse. Grâce au pacte enseignant, ils bénéficient de la présence d’un professeur en cas d’absence.
Malgré ces avancées, certains souhaitent reculer ou renoncer, défendant des promesses illusoires comme la gratuité totale. Si des maires offrent une gratuité ciblée pour les fournitures scolaires selon des critères sociaux ou territoriaux, je les en remercie, mais la gratuité totale pour tous et partout demeure une chimère. In fine, c’est toujours le contribuable qui assume ces coûts.
Une autre voie s’ouvre à nous : celle de l’ambition et de l’exigence pour notre jeunesse. L’école doit permettre à chaque élève d’atteindre son plein potentiel et d’ouvrir tous les chemins possibles. Lorsque l’école progresse, c’est toute la République qui s’élève.
Nous devons prendre les décisions nécessaires pour relancer l’ascenseur scolaire dans notre pays. Je présenterai prochainement l’acte 2 du choc des savoirs, détaillant les mesures à mettre en place avec la communauté éducative pour la rentrée 2025. Ces décisions seront annoncées après consultation des professeurs, de leurs représentants syndicaux, des chefs d’établissement et de tous les acteurs œuvrant pour la réussite de nos élèves.
Dès la rentrée des vacances d’automne, j’annoncerai l’extension aux classes de quatrième et troisième de la dynamique engagée en sixième et cinquième. Je dévoilerai également des mesures pour renforcer l’apprentissage des savoirs fondamentaux du primaire au lycée, accroître l’autonomie des chefs d’établissement et offrir un accompagnement personnalisé à chaque élève. En dévoilant ces informations dès novembre 2024, je souhaite offrir stabilité, continuité et visibilité aux équipes sur le terrain.
Dans certains collèges et lycées, élever le niveau implique aussi de rétablir l’ordre. Je tiens à remercier tous ceux qui œuvrent quotidiennement au maintien de l’ordre et de la discipline dans nos établissements. Ils ont et auront toujours mon soutien indéfectible. Les récents faits de violence démontrent la nécessité d’aller plus loin. Je prendrai des décisions en ce sens dans le cadre de l’acte 2 du choc des savoirs.
Mesdames et Messieurs les députés, nos débats seront sans doute intenses, révélant la vérité des choix à faire pour notre école. Néanmoins, je suis convaincue qu’ils seront fervents, car nous partageons tous une passion pour notre école. J’espère que nous saurons conforter ce budget, celui de nos élèves, de nos professeurs et de tous les personnels de l’éducation nationale. C’est le premier budget de la nation sur lequel nous allons travailler ensemble, et j’espère que nous pourrons le renforcer.
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel. Je suis ravi de retrouver cette commission où je siégeais il y a peu et où j’ai souvent défendu la cause de notre école. Nous avons eu des accords et des désaccords, c’est l’essence même du débat démocratique et parlementaire auquel nous sommes tous attachés. Cette commission est un lieu de conviction et d’engagement, que je salue, quelles que soient vos appartenances politiques.
Notre ambition pour l’école est de mettre en œuvre toute notre énergie et tous les moyens nécessaires pour que chaque élève, quelle que soit son origine sociale ou géographique, puisse se construire par l’instruction et la transmission des valeurs fondamentales de notre nation.
Le budget 2025 a été élaboré dans des conditions politiques, calendaires et financières inédites. Il est perfectible et je ne doute pas que le débat parlementaire qui s’ouvre l’enrichira.
Dans ce contexte difficile, le budget de l’éducation nationale s’affirme comme la priorité première du gouvernement. Il atteindra en 2025 un niveau historique de 63 milliards d’euros. Face aux contraintes budgétaires, le gouvernement choisit d’investir davantage dans l’école.
En complément des propos de la ministre, je souhaite revenir sur les éléments saillants du budget, concernant la réussite scolaire et l’enseignement professionnel.
La réussite scolaire est la mission première de l’école. Elle ne se résume pas à un objectif uniforme, car il existe de multiples façons de réussir, tant à l’école que dans la vie. Néanmoins, l’école doit clairement assumer son rôle de valorisation de l’effort et de culture du mérite, en soutenant tous les élèves qui s’investissent. Elle doit viser la réussite pour tous sans pour autant renoncer à l’excellence.
Le projet de loi de finances traduit cette ambition. En matière d’école inclusive, faire de la réussite scolaire une priorité nationale implique de prendre en compte la situation spécifique des enfants en situation de handicap. Comme je l’affirmais déjà en tant que député, et comme je le réitère aujourd’hui, des progrès significatifs ont été réalisés depuis 2005, avec 500 000 enfants en situation de handicap scolarisés. Cependant, le chemin à parcourir reste long.
En 2025, 4,6 milliards d’euros seront alloués à cette cause, un niveau sans précédent dans l’histoire de notre école, démontrant l’engagement de la nation envers ces enfants et leurs familles. Ces moyens supplémentaires permettront de créer 2 000 emplois d’AESH pour répondre à l’augmentation des besoins, soit l’équivalent de 3 175 agents dans nos établissements. De plus, 500 emplois supplémentaires seront spécifiquement alloués à l’enseignement pour les enfants en situation de handicap, que ce soit à travers les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) ou le développement de l’inclusion des enfants atteints de troubles du neurodéveloppement (TND). Le fonds pour l’achat de matériels pédagogiques adaptés sera reconduit avec une enveloppe de 25 millions d’euros.
Toutefois, la question ne se résume pas uniquement aux moyens. Il est nécessaire de renforcer les perspectives de carrière des AESH, de simplifier les procédures administratives pour les familles, d’accélérer les coopérations avec le médico-social et de développer la formation des enseignants.
Sous l’autorité du Premier ministre Michel Barnier et de la ministre Anne Genet, en collaboration avec nos collègues Paul Christophe et Charlotte Parmentier-Lecoq, j’ai initié ce travail primordial. Je souhaite le mener avec l’ensemble des acteurs concernés, y compris les parlementaires, afin d’ouvrir un nouveau chapitre dans la prise en charge du handicap à l’école.
La réussite pour tous implique également de lutter sans relâche contre le décrochage scolaire, un fléau national. En 2023, près de 62 000 élèves étaient en situation de décrochage. Aucun enfant n’est condamné à l’échec par nature. Des progrès ont été réalisés ces dernières années grâce aux actions de la mission de lutte contre le décrochage scolaire, mobilisant l’ensemble des personnels du ministère. Les efforts se sont principalement concentrés sur la prévention du décrochage par une meilleure détection des signaux faibles, afin de traiter le problème à la racine. Le PLF renforce les crédits alloués à cette priorité, avec une augmentation de 2 millions d’euros par rapport à 2024.
Ne laisser aucun enfant de côté signifie également défendre l’égalité des chances dans la ruralité, un sujet qui préoccupe particulièrement cette commission et les élus locaux, et auquel j’adhère pleinement. Par exemple, les territoires éducatifs ruraux (TER), visant à créer des réseaux de coopération locale autour de l’école et à renforcer la prise en charge pédagogique des jeunes pendant et en dehors du temps scolaire, verront leur budget augmenter d’un million d’euros en 2025. Ces moyens supplémentaires permettront de poursuivre le déploiement du dispositif, avec un objectif de 300 territoires engagés.
Concernant les internats d’excellence ruraux, un dispositif qui me tient particulièrement à cœur, l’État intervient pour soutenir les collectivités à hauteur de 40 millions d’euros afin d’ouvrir et de rénover 4 600 places supplémentaires d’ici 2026, s’ajoutant aux 4 500 déjà créées.
Enfin, j’insisterai sur la voie professionnelle qui accueille un lycéen sur trois. Je tiens à remercier tout particulièrement le rapporteur Bertrand Sorre qui s’est saisi de ce sujet dans le cadre de son rapport thématique. C’est un enjeu majeur qui mérite toute l’attention du Parlement.
Nous partageons tous l’ambition de faire du lycée professionnel une voie d’excellence, en le plaçant au cœur et non à la périphérie de notre système scolaire. Ce chantier reste à accomplir. Notre système ne valorise pas suffisamment les filières techniques et professionnelles, bien qu’elles soient essentielles au redressement de notre pays. Sans un lycée professionnel fort, nous ne pourrons atteindre la souveraineté économique, énergétique, industrielle et alimentaire, ni répondre aux enjeux de la prise en charge du grand âge ou du soin.
Nous sommes à un tournant pour le lycée professionnel. Malgré une démographie scolaire déclinante, c’est la seule voie qui gagne des élèves, avec 17 000 de plus cette année. En septembre 2024, nous avons ouvert 380 classes et créé 580 postes d’enseignants dans cette filière. Le PLF s’inscrit dans cette dynamique, avec 6,5 milliards d’euros consacrés à la rémunération des enseignants, soit une augmentation de 100 millions d’euros. Les équipes du lycée professionnel ont été les premières bénéficiaires du pacte, percevant en moyenne 3 250 euros de plus par an.
Pour nos élèves, 370 millions d’euros seront alloués aux gratifications des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP). Les dispositifs « Tous droits ouverts », « Ambition d’emploi » et « Parcours de consolidation » se poursuivront en 2025 pour lutter contre le décrochage et favoriser l’insertion professionnelle.
L’attractivité du lycée professionnel passera principalement par l’adaptation de la carte des formations, développant les filières d’avenir et en faisant un levier de développement économique et territorial. Dans le cadre de la réforme, notre objectif était de moderniser 6 % de l’offre de formation chaque année. À la rentrée 2024, nous avons atteint 5,3 %. Je poursuivrai cet objectif en m’appuyant sur les projets des établissements, des enseignants et des filières professionnelles.
La réussite scolaire nécessite également un climat apaisé. Je veillerai au respect de l’autorité des professeurs, des règles et des lois dans le lycée professionnel comme dans tous nos établissements. La protection des élèves et des enseignants, ainsi que la défense de la laïcité et des valeurs de la République, seront prioritaires. Un cadre scolaire sain et serein est la condition première pour l’apprentissage et la transmission.
Concernant l’option « voie pro en QPV », inscrite dans le PLF 2024 mais non réalisée, je tiens à souligner l’importance de renforcer la culture économique et financière des lycéens professionnels pour favoriser leur insertion. Le pacte a été et doit être mobilisé à cet effet. Les cités éducatives constituent également un levier pour développer ces compétences chez nos jeunes.
Voilà les priorités que le PLF 2025 permettra de financer au service de la réussite scolaire de tous les élèves et du succès de la voie professionnelle.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Entre 2022 et 2024, le budget de l’enseignement scolaire a augmenté de 7,8 %, soit près de 6,5 milliards d’euros, afin notamment de restaurer l’attractivité du métier d’enseignant et d’améliorer l’acquisition des savoirs fondamentaux par tous les élèves. Pour 2025, la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances demeure le premier budget de l’État, avec près de 89 milliards d’euros de crédits, soit une hausse d’un peu plus de 2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Le gouvernement vise ainsi à apporter stabilité et continuité aux élèves, aux enseignants et aux autres personnels de l’éducation nationale.
La légère hausse observée s’explique principalement par des facteurs mécaniques affectant les dépenses de personnel, notamment l’augmentation du nombre de pensionnés et du taux de contribution aux pensions de l’État, ainsi que les effets de certaines mesures catégorielles antérieures. Ces augmentations sont partiellement compensées par un schéma d’emploi enseignant négatif, avec la suppression de 4 000 postes, principalement dans le premier degré public, en réponse à la baisse démographique de la population scolaire.
Le contexte d’élaboration de ce budget a été particulièrement délicat, marqué par des délais de réflexion et d’arbitrage réduits, un cadre budgétaire contraint et un climat social sensible, les personnels de l’éducation nationale ayant dû faire face les années précédentes à de nombreuses réformes dans un temps réduit, après une période marquée par une dégradation de leurs conditions d’exercice et une érosion de leur pouvoir d’achat. Le gouvernement a donc cherché à proposer une solution équilibrée. Il convient de saluer cet effort tout en y apportant de nécessaires ajustements.
Si je comprends la nécessité d’inscrire le budget de l’État dans une trajectoire soutenable, je reste convaincu que l’élan donné ces dernières années pour revaloriser notre système éducatif doit être maintenu. Le budget 2025 doit permettre de poursuivre les chantiers engagés : garantir l’acquisition des savoirs fondamentaux, lutter contre les inégalités sociales et territoriales, renforcer l’attractivité du métier d’enseignant et améliorer le bien-être des élèves et des personnels.
Je salue la consolidation des moyens alloués à plusieurs priorités, notamment à l’école inclusive. Les crédits augmentent pour accompagner la hausse du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés. Deux mille nouveaux emplois d’AESH sont prévus, ainsi que quatre-vingts ETP pour le déploiement des pôles d’appui à la scolarité dans quatre départements. Au total, plus de 4,6 milliards d’euros sont consacrés à l’école inclusive en 2025.
Les dispositifs de lutte contre les assignations sociales ou territoriales sont maintenus, voire renforcés. Les moyens des territoires éducatifs ruraux, des contrats locaux d’accompagnement, des cordées de la réussite et des fonds sociaux sont préservés. Les crédits destinés aux bourses augmentent de 34 millions d’euros. L’accueil dès deux ans dans les quartiers prioritaires se poursuit avec l’ouverture de 60 nouvelles classes de toute petite section. L’accès à la culture est renforcé par 10 millions d’euros supplémentaires pour l’extension de la part collective du pass culture.
Les crédits finançant les mesures du choc des savoirs sont sécurisés : poursuite des plans de formation en mathématiques et français en maternelle pour les enseignants du premier degré, pérennisation du dispositif « devoirs faits », maintien du dédoublement des classes de grande section CP et CE1 en éducation prioritaire et du plafonnement des effectifs à 24 élèves ailleurs.
Les efforts pour l’amélioration du climat scolaire se poursuivent, avec une continuité dans la lutte contre le harcèlement et un renforcement des moyens dédiés à la sécurisation des établissements.
Concernant la lutte contre le décrochage scolaire, malgré des résultats honorables au regard des objectifs européens, ce phénomène semble connaître une résurgence ces dernières années, notamment en raison des effets à long terme de la crise sanitaire. Des disparités importantes persistent entre les filières générales et technologiques d’une part, et professionnelles d’autre part. Les lycéens professionnels, qui représentent 27 % des lycéens, constituent plus de 60 % des décrocheurs.
Le décrochage scolaire révèle également de profondes inégalités sociales et territoriales. Il affecte enfin particulièrement les jeunes ayant des problèmes de santé, en situation de handicap ou présentant des besoins spécifiques. Bien que les causes du décrochage soient souvent externes à l’école, celle-ci peine à les contrecarrer et peut même les amplifier.
La réforme du lycée professionnel mobilise divers leviers pour favoriser la persévérance scolaire : personnalisation des parcours, renforcement de l’accompagnement, augmentation du temps consacré à l’orientation, réforme de la carte des formations et large ouverture vers le monde professionnel. Lutter contre le décrochage et pour la qualification des jeunes constitue un enjeu majeur de cohésion et de justice sociale.
Chaque année, environ cent mille jeunes quittent le système scolaire sans qualification. Ce phénomène résulte généralement d’un long processus de désengagement mutuel entre l’élève et l’institution scolaire. Il découle souvent d’une orientation subie, construite par défaut, ou fondée sur une connaissance limitée d’un système de formations complexe.
La réforme du lycée professionnel et les mesures prises pour améliorer l’accompagnement des jeunes dès le plus jeune âge, notamment dans le cadre du choc des savoirs, apportent des réponses pertinentes à ces problématiques. Leur mise en œuvre requiert un pilotage national volontariste, clarifiant les rôles des différents acteurs de l’éducation, de l’orientation et de l’insertion professionnelle. Elle nécessite également un investissement durable de l’État, en particulier pour l’acquisition des savoirs fondamentaux dès le plus jeune âge, ainsi qu’un renforcement des moyens dans les territoires ruraux et un accompagnement de la reprise démographique dans l’enseignement agricole. À défaut, nos objectifs collectifs ne seront pas atteints.
Au terme de cette double analyse et animé d’un fort esprit de responsabilité quant à la nécessité de préserver les équilibres budgétaires, je souhaite proposer les modifications suivantes au budget que nous examinons.
Premièrement, la baisse démographique ne me semble pas justifier la suppression de 4 000 postes. Le taux d’encadrement des élèves dans le premier degré doit continuer à s’améliorer et tout doit être fait pour préserver nos écoles rurales partout où cela est possible. Parallèlement, l’amélioration de l’inclusion des élèves en situation de handicap doit continuer d’être soutenue à hauteur des besoins pour être pérenne.
Dans le second degré, la baisse démographique n’a pas encore véritablement commencé. Les taux d’encadrement de nos élèves demeurent trop élevés, avec plus de 25 élèves par classe en moyenne au collège et plus de 30 au lycée, atteignant un pic de 31,6 élèves en classe de seconde, voire 34, 35 et parfois davantage dans certaines académies. Le déploiement annoncé des groupes de besoin au collège doit être accompagné, de même que la poursuite de la réforme du lycée professionnel.
Je propose donc de restituer, en les redéployant, les 4 000 postes qu’il est prévu de supprimer, en les affectant à la préservation des écoles en milieu rural, à la poursuite du déploiement des pôles d’appui à la scolarité, à une augmentation significative du nombre de postes dans le second degré pour la mise en place dans de bonnes conditions du choc des savoirs, à l’amélioration de la vie scolaire et à la création des postes nécessaires à la réforme du lycée professionnel et de la carte des formations. Cette réforme ne peut en effet pas dépendre entièrement du niveau d’adhésion au pacte des enseignants en lycée professionnel.
Deuxièmement, la reprise démographique dans l’enseignement agricole doit être soutenue pour éviter de mettre ces structures en péril et de voir les conditions d’enseignement se dégrader. L’enseignement agricole est en effet indispensable à la vie actuelle et future de nos territoires ruraux et, au-delà, à notre souveraineté, notamment alimentaire. J’ai donc déposé deux amendements qui permettent de sécuriser ces moyens.
Sous réserve des garanties apportées par le gouvernement à ces points de vigilance, j’émettrai un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2025.
M. Roger Chudeau (RN). Le budget de la mission enseignement scolaire que vous présentez aujourd’hui incarne parfaitement ce qui caractérise l’ère Macron : le « en même temps ». Bien que le budget augmente de 2 %, il manque d’ambition et ne tire aucun enseignement du choc PISA 2023, contrairement à ce qui s’est passé en l’Allemagne par exemple. Il se résume à une liste de mesures sans impact systémique : cours d’empathie, Conseil national de la refondation, éducation sexuelle, groupes de besoins, etc.
Vous affirmez, comme vos prédécesseurs, que la maîtrise des fondamentaux est prioritaire mais, en même temps, le coût moyen d’un écolier reste nettement inférieur à celui d’un lycéen, à l’inverse des pays de l’OCDE obtenant les meilleurs résultats aux évaluations internationales. De plus, vous supprimez à nouveau des classes dans la France périphérique, dont je suis un élu.
Vous poursuivez les dédoublements en REP et expérimentez le 8 heures‑18 heures, mais, en même temps, vous n’engagez aucune évaluation de l’éducation prioritaire qui permettrait de faire évoluer un modèle obsolète. Vous refusez également d’y consacrer un programme dédié, ignorant ainsi les préconisations d’un rapport d’information de cette commission.
À l’instar de vos trop nombreux prédécesseurs, vous multipliez les déclarations martiales sur la défense de la laïcité mais, en même temps, vous vous abstenez de mesurer par un indicateur l’évolution de la menace que l’islamisme radical fait peser sur nos enseignements, nos enseignants, la laïcité et donc la République elle-même.
Cette liste d’exemples illustrant le double discours qui définit la politique éducative du macronisme pourrait s’allonger. Bien que ce budget soit le premier de l’État, il est impossible d’y déceler une politique éducative à la hauteur de l’état préoccupant de notre système éducatif et des défis considérables qui attendent notre nation dans les décennies à venir.
Le ministère de l’éducation nationale n’est pas un ministère dépensier, contrairement à ce que prétend Bercy. Il est par essence le ministère de l’avenir de la nation. Son budget est donc un budget d’investissement. Or, un investissement sans vision stratégique, sans cap ni boussole, n’est qu’un tonneau des Danaïdes. Pourquoi est-il possible de parler d’objectifs de développement durable à l’horizon 2050 mais impossible d’envisager des objectifs qualitatifs et éducatifs pour le milieu du siècle ?
Ce budget préparé durant la période dite de gestion des affaires courantes est un budget de routine, un budget d’administration générale et non un budget ambitieux, pourtant indispensable pour sauver notre système éducatif du naufrage.
Le groupe Rassemblement national est le seul mouvement politique à proposer une alternative au long déclin de notre système éducatif, une autre ambition pour l’école de la République. Nous sommes convaincus que c’est dans et par l’école que se dessinent le destin et l’avenir de la nation.
Mme Céline Calvez (EPR). Les crédits alloués à l’éducation nationale ont connu une progression constante depuis 2017. L’augmentation de 834 millions d’euros prévue pour 2025 porte la hausse des ressources à près de 30 % depuis 2017, ce qui constitue une progression significative par rapport aux quinquennats précédents. Cet investissement massif s’est traduit par de nombreuses innovations et une mobilisation visant à faire de la France une puissance éducative.
À l’école primaire, le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 en éducation prioritaire a permis un suivi plus personnalisé des élèves. Les évaluations nationales d’entrée en sixième en attestent, avec près de 20 % d’une classe d’âge ayant pu en bénéficier.
Dans le secondaire, des réformes importantes ont été menées, notamment en matière d’orientation et pour les lycées professionnels.
Des efforts considérables ont également été déployés pour une école plus inclusive, avec un budget plus que doublé et une augmentation de 67 % du nombre d’AESH. Bien que la précarité demeure un défi, une revalorisation salariale de 13 % a été mise en place depuis la rentrée 2023, accompagnée d’un CDI pour deux tiers des AESH et d’une facilitation pour obtenir des temps de travail complets en partenariat avec les collectivités locales.
La rémunération des enseignants a été notablement revalorisée depuis 2017, grâce à plusieurs hausses consécutives du point d’indice, une augmentation significative des primes et la mise en place du pacte enseignant. Cependant, il est nécessaire de poursuivre ces efforts.
Malheureusement, l’augmentation prévue pour 2025 reste inférieure à celle des années précédentes, ce qui soulève des questions. Il est regrettable que les récentes économies demandées par le gouvernement se fassent au détriment de l’éducation nationale, contrairement aux ministères régaliens qui ont été épargnés.
Alors que de nombreux emplois ont été créés entre 2017 et 2024 dans l’éducation nationale, le projet de loi de finances propose de supprimer 4 000 postes. Bien que cette décision puisse être justifiée par la recherche d’économies et l’importante baisse démographique des élèves, nous pouvons adopter une approche différente.
Les députés du groupe Ensemble pour la République soutiendront l’amendement de notre collègue et rapporteur Bertrand Sorre visant à revenir sur cette suppression et à saisir l’opportunité de renforcer davantage le taux d’encadrement des élèves par le personnel enseignant. Nous estimons qu’il est judicieux de profiter de cette baisse démographique pour viser des effectifs allégés, des recrutements conséquents et réaffirmer notre volonté d’améliorer l’attractivité du métier d’enseignant.
Redonner le goût d’enseigner ne se résume pas uniquement à une question de postes ou de rémunération, mais implique également la transformation de l’entrée dans le métier, de la mobilité géographique et de la formation.
Comment ce budget 2025 répond-il au défi de l’attractivité du métier d’enseignant ? Sans garanties suffisantes sur l’ambition éducative du gouvernement et pour rejoindre l’avis de notre rapporteur Bertrand Sorre, nous ne pourrons pas voter en faveur de ces crédits.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous avons été accoutumés à des déclarations approximatives à chaque prise de fonction à l’éducation nationale. Cependant, madame Genetet, vos récentes interventions ont franchi un nouveau cap. Vous avez d’abord confondu la commémoration des attentats terroristes du Hamas en Israël le 7 octobre avec l’hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard. Ensuite, vous avez affirmé que la Seine-Saint-Denis bénéficiait d’un taux d’encadrement scolaire exceptionnel, alors que vos propres données démontrent le contraire. À titre d’exemple, dans le classement du nombre d’élèves par classe, ce département occupe la 94e position.
Un budget n’est pas un simple exercice comptable, mais avant tout un acte politique qui reflète votre vision pour la France. Force est de constater que vous ne visez pas l’excellence, du moins pas pour une grande partie des Français, qui n’ont pas les moyens d’inscrire leurs enfants dans le privé, de s’offrir les services d’une AESH, ni même désormais de tomber malades.
Lorsque vous refusez de revaloriser les salaires des enseignants et des AESH, de remplacer les enseignants partis à la retraite, d’instaurer des règles pour mieux encadrer l’enseignement privé, de financer l’attractivité des métiers des soignants scolaires ou encore d’augmenter les crédits alloués aux fonds sociaux pour les élèves précaires, vous sabotez l’école publique. Cette politique ne sacrifie pas seulement des millions d’enfants sur l’autel de l’austérité, mais maltraite également des milliers de professionnels.
Je prends connaissance des centaines de témoignages d’enseignantes et d’enseignants épuisés, incapables d’exercer correctement leur métier, soumis à des réformes incessantes et inutiles, et démunis face à la souffrance de certains de leurs élèves en manque d’AESH qui ne peuvent être remplacés. Comment peut-on rester sourd à ces appels, à moins que cela ne fasse partie d’une stratégie délibérée, consistant à laisser Bercy décider du démantèlement de nos services publics, jadis fierté de notre pays, pour les livrer au secteur privé qui rachète une partie de notre dette et investit dans la santé, la sécurité et l’école, de plus en plus privatisées.
Vous semblez vous accommoder de la perte de moyens et de qualité pour l’école publique, mais nous ne pouvons l’accepter. Nous voterons donc le plus d’amendements possibles pour réorienter ces dépenses. Nous ne laisserons pas l’école publique être ainsi dépecée sans réagir !
C’est pourquoi, face à votre mantra « élever le niveau, élever le niveau, élever le niveau », nous répondons « plus de profs, plus de profs, mieux de profs ».
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je vous remercie pour votre présence et votre exposé sur votre vision de l’école. Cependant, je tiens à souligner qu’il n’existe pas de clivage entre ceux qui désireraient abaisser le niveau de l’école et ceux qui voudraient l’élever. Nous partageons tous la même conviction : notre école doit retrouver de l’ambition. Pour y parvenir, il est essentiel de poser correctement le problème.
Nous pouvons nous accorder sur une question fondamentale : qu’attendons-nous de l’école ? Bien que nos définitions puissent diverger, nous demandons tous à nos enfants s’ils ont bien travaillé à l’école. Pour bien travailler, plusieurs éléments sont nécessaires, mais le plus important reste la présence d’enseignants. Or, c’est précisément là que le problème se pose. Le métier d’enseignant, autrefois considéré comme le plus beau du monde, n’attire plus. Nous peinons à recruter des professeurs pour enseigner dans nos classes. Cette situation devrait nous préoccuper et nous inciter à collaborer pour trouver des solutions.
Il est primordial de comprendre les raisons de cette désaffection et d’identifier des pistes pour y remédier. Un professeur m’a récemment confié une phrase qui me hante : « c’est un métier que j’aime, mais que je déteste faire ». Il enseigne dans un lycée professionnel où l’effectif de sa classe est passé de 28 à 30 élèves à la rentrée. Je vous ai d’ailleurs remis, monsieur le ministre, un courrier comme ce professeur me l’avait demandé. Comment peut-on efficacement faire travailler tous les élèves dans une classe de 30 en lycée professionnel ? C’est ce sentiment d’impuissance qui le pousse à détester exercer un métier qu’il aime. Nous devons résoudre ce paradoxe en abordant le problème sous le bon angle.
Dans ce contexte, l’annonce de la suppression de 4 000 postes, dont plus de 3 000 dans le premier degré, envoie un signal négatif. Nous avons pourtant une opportunité historique : la baisse démographique des élèves devrait nous permettre de réduire les effectifs par classe. Le dédoublement des classes dans les zones prioritaires, initié par le Président Macron, a démontré son efficacité. Vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre. Cette réussite s’explique simplement : on apprend et on enseigne mieux avec moins d’élèves par classe
Vous avez mentionné une baisse du nombre d’élèves par classe à 21, mais il s’agit d’une moyenne. Cette diminution résulte du dédoublement des classes. En réalité, dans les classes primaires, en maternelle comme en élémentaire, on compte plutôt 24, 25, voire 28 élèves. C’est le cas pour mes propres enfants, qui sont 28 en maternelle. Pour améliorer l’apprentissage à l’école, il est impératif de réduire le nombre d’élèves par classe. Il faut saisir cette opportunité et agir en conséquence !
Mme Pascale Bay (DR). Parce qu’elle prépare l’avenir de notre nation, l’école doit rester au cœur des priorités. Je salue, au nom de mon groupe, l’effort déployé par le gouvernement pour poursuivre l’augmentation des crédits de la mission enseignement scolaire en 2025, malgré le contexte budgétaire contraint. Ces crédits atteindront un niveau record de 63 milliards d’euros, ce qui témoigne d’un choix politique fort en faveur de notre école.
Je souhaite vous interroger sur les mesures visant à améliorer l’attractivité du métier d’enseignant prévues dans ce projet de loi de finances. Au-delà des revalorisations salariales récentes, pouvez-vous nous présenter votre feuille de route et les moyens qui y seront alloués en 2025 ? Je suis convaincue qu’il faut agir non seulement sur la rémunération, mais aussi sur les conditions de travail et les perspectives de carrière des personnels.
Concernant l’école inclusive, nous pouvons nous féliciter des progrès accomplis depuis la loi fondatrice de 2005. Aujourd’hui, 500 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés, ce qui représente à la fois une chance et un défi majeur pour notre système éducatif. Pour répondre à l’augmentation des besoins d’accompagnement, le budget 2025 prévoit la création de 2 000 emplois d’AESH, soit plus de 3 000 agents sur le terrain. Au-delà des éventuelles difficultés de recrutement, il est essentiel d’accompagner cette hausse d’effectifs par un effort supplémentaire en matière de formation, de mise à disposition d’outils pédagogiques et de supports d’enseignement adaptés. Envisagez-vous de réaliser un bilan d’étape de l’école inclusive au plus près de la réalité vécue par les enseignants et l’ensemble des élèves ?
Enfin, outre l’effort nécessaire sur le schéma d’emplois, il me semble indispensable d’approfondir la réflexion sur les réformes structurelles à mener. Le Premier ministre a annoncé son intention de conduire un plan de réforme sur cinq ans. Dans ce cadre, j’estime que le ministère de l’éducation nationale doit repenser en profondeur sa technostructure pour en réduire le coût. Soucieux de la qualité de l’enseignement dispensé à nos enfants, mais également attentifs aux contraintes budgétaires de l’État, nous considérons qu’il s’agit du moyen le plus juste et efficace pour réaliser des économies. Avez-vous identifié des leviers permettant de réaliser des économies structurelles dans le cadre d’une future réforme ?
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Dès votre nomination, madame la ministre, vous avez annoncé vouloir maintenir un cap que je considère comme irréaliste et déconnecté des réalités du terrain.
Après avoir envisagé de faire occuper les postes vacants par des enseignants retraités, le gouvernement prévoit désormais la suppression de 4 000 postes d’enseignants, sous prétexte d’une baisse du nombre d’élèves à la rentrée prochaine. Or, nous avons déjà des classes les plus chargées d’Europe, nous avons déjà des classes les plus chargées d’Europe, nous avons déjà des classes les plus chargées d’Europe ! Cette réduction d’effectifs entraînera inévitablement une détérioration des conditions d’enseignement et d’apprentissage.
L’alerte sociale sans précèdent déposée par l’ensemble des organisations syndicales représentatives témoigne de la gravité de la situation pour l’avenir de l’école publique.
Les inégalités entre secteurs privé et public ne cessent de se creuser. Comme le souligne Stéphane Bonnery, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation, l’analyse statistique est révélatrice : l’attribution des postes par la politique nationale avantage systématiquement le privé, ou au mieux maintient une équité proportionnelle, mais jamais au bénéfice du public.
Lorsque les effectifs d’élèves augmentent, le public absorbe davantage le flux, avec une hausse de 8 % entre 2003 et 2011, contre 0,7 % pour le privé sous contrat. Pourtant, l’évolution du nombre d’enseignants reste identique. À l’inverse, quand les effectifs scolarisés diminuent, la réduction de postes affecte plus durement le secteur public.
Je tiens également à souligner l’incohérence de l’argument avancé pour justifier la suppression de postes d’enseignants. Selon le SNES-FSU, dans le second degré, le nombre de postes en sept ans a diminué de plus de 8 800, alors que le nombre d’élèves a augmenté de plus de 7 400. Il faudrait donc plus de 10 600 emplois pour retrouver le taux d’encadrement de 2017. Malgré ce constat, vous persistez à réduire les effectifs.
De surcroît, une rémunération insuffisante des personnels, associée à l’allongement du délai de carence d’un à trois jours pour les fonctionnaires, contribue à affaiblir les droits des enseignants ainsi que leur bien-être au travail. Cette stratégie semble peu propice au recrutement. Le salaire moyen des enseignants français demeure inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, particulièrement en milieu de carrière. Alors que dans les autres pays, l’évolution salariale suit une courbe linéaire, chez nous, elle suit une courbe exponentielle.
Votre gouvernement participe depuis des années à la précarisation des enseignants et au démantèlement de l’école publique. Pour lutter contre ces orientations, je ne doute pas que vous rencontrerez l’opposition de l’ensemble du nouveau front populaire.
Allez-vous accepter le budget que nous allons proposer ?
M. Laurent Croizier (Dem). L’école est le fondement de notre société, c’est le lieu où s’engagent les luttes contre les inégalités et les déterminismes sociaux, où naît le vivre-ensemble et s’incarne la promesse républicaine d’émancipation. Le groupe démocrate se félicite de la décision du gouvernement de sanctuariser le budget de la mission Enseignement scolaire, malgré les contraintes budgétaires. Avec 64,5 milliards d’euros, ce budget demeure le premier de la nation, en hausse de 132 millions d’euros par rapport à 2024.
Profondément attachés à l’égalité des chances, nous saluons la poursuite des efforts en faveur de l’école inclusive, notamment la création de 300 emplois pour l’ouverture de classes Ulis et de 2 000 postes d’accompagnants d’enfants en situation de handicap. Toutefois, la précarité du statut d’AESH et leur faible rémunération restent des enjeux majeurs sur lesquels nous devons collectivement et rapidement agir.
Ce budget poursuit également la transformation de la voie professionnelle comme un tremplin vers l’emploi. Nous vous soutiendrons pour revaloriser le lycée professionnel comme une voie de réussite et d’excellence reconnue par tous.
Madame la ministre, l’école doit inspirer respect et confiance aux élèves, aux parents et aux professeurs, qu’il est essentiel de replacer au cœur des préoccupations de l’éducation nationale. Nous souhaitons que l’école soit ce lieu exigeant et bienveillant de transmission des savoirs. Nous partageons votre urgence d’élever le niveau de l’école, ce qui nécessite de bonnes conditions d’apprentissage pour les élèves, ainsi que des professeurs bien formés, mieux considérés et mieux rémunérés. À cet égard, nous plaidons pour une loi de programmation pluriannuelle de revalorisation salariale.
Les enseignants sont la clé pour résoudre les problèmes de l’école. C’est pourquoi nous sommes déterminés à faire évoluer le projet de loi de finances sur la suppression des 4 000 postes d’enseignants. Si cette réduction peut sembler négligeable vue depuis Bercy, dans un contexte de baisse démographique scolaire, elle a des conséquences concrètes dans nos circonscriptions : fermetures de classes, particulièrement dans les communes rurales, et hausse des effectifs dans les écoles touchées.
Élaborer un budget, c’est faire des choix. Nous estimons que supprimer 4 000 postes d’enseignants n’est pas judicieux alors que nous peinons à recruter, que nous ne parvenons pas à placer un enseignant devant chaque classe, et qu’il est urgent d’élever le niveau. Notre groupe défendra plusieurs amendements visant à transformer la baisse démographique en opportunité et à préserver ces 4 000 postes d’enseignants.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Au nom du groupe Horizons et indépendants, je tiens à vous féliciter pour votre nomination et vous exprimer notre souhait de réussite, qui sera celle de notre école. À l’occasion de l’examen du budget de l’éducation, je salue également les 1,2 million de personnels qui soutiennent notre système éducatif malgré les difficultés rencontrées et les interrogations sur l’avenir de leur métier.
Pour notre groupe, l’éducation doit demeurer la priorité nationale, le fondement de toutes les réformes. Notre école se trouve à un tournant décisif et nécessite un renforcement pour garantir l’avenir de notre jeunesse et de notre pays. Bien que la mission d’enseignement scolaire connaisse une augmentation pour 2025, poursuivant ainsi les engagements et réformes initiés, les défis restent considérables et requièrent des réponses concrètes et ambitieuses.
Parmi ces défis, l’élévation du niveau, l’excellence scolaire et la réduction des inégalités doivent figurer au premier plan, comme en témoignent les classements PISA. Il est impératif de consolider l’apprentissage des savoirs fondamentaux dès la maternelle, en instaurant des évaluations nationales et des dispositifs de soutien pour réduire les écarts scolaires. Le décrochage scolaire, que vous avez évoqué monsieur le ministre, est un fléau inacceptable que nous devons combattre.
L’inclusion scolaire et l’égalité des chances doivent être renforcées, notamment en améliorant l’accueil des élèves en situation de handicap. Bien que la rémunération des AESH intervenant sur le temps méridien soit désormais prise en charge par l’État, il est nécessaire d’augmenter leur rémunération et de leur accorder un véritable statut.
Le métier d’enseignant, pilier de la promesse républicaine, souffre d’un manque de considération dans notre société. Ce budget poursuit l’effort de revalorisation des rémunérations, mais des mesures supplémentaires s’imposent.
L’enseignement professionnel doit être érigé en voie d’excellence, centrale dans notre système éducatif. Nous devons valoriser les filières techniques et professionnelles, essentielles au redressement et à la souveraineté de notre pays.
Notre école doit demeurer un sanctuaire où la laïcité est garantie face aux menaces qui pèsent sur elle. Avec 110 atteintes à la laïcité en septembre 2024, nous soutenons votre proposition d’augmenter le volume d’heures consacrées à la laïcité et aux valeurs de la République dans la formation initiale des professeurs, tout en soulignant la nécessité d’aller plus loin.
Le défi majeur auquel notre école est confrontée est la baisse démographique, avec 500 000 élèves en moins en dix ans, entraînant des fermetures de classes et d’établissements. Pour éviter des situations dramatiques, il est impératif de modifier notre approche. Cette baisse démographique devrait permettre de réduire les effectifs par classe et de préserver nos écoles rurales.
Madame la Ministre, je souhaiterais vous interroger sur les annonces faites par la Première ministre en 2023 concernant une carte scolaire triennale et la mise en place d’instances de concertation.
Notre groupe votera en faveur de cette mission budgétaire, mais appelle à un débat approfondi sur votre proposition de supprimer 4 000 postes d’enseignants, que nous n’approuvons pas.
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Je souhaite exprimer nos réserves concernant le budget de l’enseignement scolaire, malgré son augmentation de 1,8 milliard d’euros. Cette hausse ne dissipe pas les nombreuses inquiétudes qui persistent.
Notre première préoccupation porte sur la réduction des postes : 3 155 dans le primaire et 180 dans le secondaire. La baisse des effectifs d’élèves, qui affecte l’ensemble du territoire, y compris les outre-mer, ne devrait pas justifier ces suppressions. Au contraire, elle devrait permettre de réduire le nombre d’élèves par classe dans tous les secteurs et toutes les zones, afin d’améliorer l’apprentissage, la prise en charge des difficultés scolaires et les conditions de travail des enseignants.
Les besoins demeurent considérables : préserver les petites écoles rurales, maintenir les classes dans nos îles éloignées, assurer un climat scolaire serein et favoriser la scolarisation des enfants en situation de handicap. Ce budget entérine une dégradation du taux d’encadrement à l’école, ce qui nous semble inacceptable. Dans nos collectivités insulaires, le maintien de l’école et l’affectation d’un enseignant par classe représentent déjà des défis majeurs, compte tenu de notre situation géographique complexe.
Notre deuxième interrogation concerne la revalorisation de la rémunération des enseignants. Bien qu’un premier rattrapage ait été effectué, le retard accumulé ces quinze dernières années reste considérable. Nous estimons que la question des revalorisations salariales n’est pas résolue et attendons toujours un véritable choc d’attractivité. À la rentrée 2024, plus de 3 000 postes n’ont pas été pourvus à l’issue des concours, et le pacte enseignant ne semble pas apporter une réponse adéquate. L’an dernier, seuls trois enseignants sur dix ont réalisé des missions dans ce cadre. Notre groupe continue de plaider pour la mise en place d’un plan de revalorisation pluriannuel offrant des perspectives à nos enseignants. Quelles pistes envisagez-vous et selon quel calendrier pour reprendre le travail sur les salaires ?
Enfin, notre dernière préoccupation porte sur la scolarité des élèves en situation de handicap, en particulier la situation des AESH. Malgré de récentes avancées, beaucoup reste à faire pour lutter contre la précarité de ce métier essentiel. Le renforcement de l’école inclusive doit être prioritaire. Comment justifiez-vous la baisse de 2 milliards d’euros pour la formation des AESH, alors que le budget prévoit une augmentation de 2 000 postes ?
Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’éducation nationale subit 90 % des suppressions de postes publics prévues par le projet de loi de finances pour 2025. Près de 4 000 enseignants manqueront cette année dans nos écoles, collèges et lycées. Le gouvernement justifie ces réductions par une baisse démographique, mais cet argument ne convainc pas face aux besoins urgents en personnel éducatif. À la dernière rentrée scolaire, 56 % des collèges et lycées manquaient d’au moins un enseignant. Depuis 2017, environ 8 800 postes ont été supprimés alors que les classes françaises sont parmi les plus surchargées en Europe.
Par exemple, selon le rectorat de Créteil, la Seine-Saint-Denis reste l’un des départements les plus sous-dotés en personnel éducatif. Notre taux d’encadrement est loin d’être enviable comparé à d’autres régions françaises. Il n’est nul besoin d’ajouter du mépris à cette méconnaissance territoriale.
Face à cette situation critique, personnels éducatifs et parents se mobilisent depuis plusieurs mois pour exiger un véritable choc des moyens pour l’éducation. Cependant, le budget prévu pour 2025 ne semble indiquer aucun changement significatif. Bien que le ministère ait annoncé la création de 2 000 postes d’AESH, leur recrutement effectif reste incertain compte tenu de la précarité persistante du métier avec un salaire moyen autour de seulement 850 euros, sans perspectives d’évolution. 93 % des AESH ‑ majoritairement des femmes ‑ vivent dans une situation financière difficile.
La revalorisation des métiers de la santé scolaire est une nécessité absolue, alors que les établissements scolaires sont devenus des déserts médicaux et que les dépistages obligatoires ne sont pas tous assurés auprès des élèves.
Les syndicats vous ont alertée : l’éducation nationale traverse actuellement une crise sociale majeure qui nécessite un investissement significatif. La baisse démographique pourrait constituer une opportunité pour améliorer le taux d’encadrement mais cela implique d’augmenter les recrutements et d’améliorer l’attractivité de ces métiers.
Pour atteindre des taux d’encadrement comparables à ceux de 2006, il faudrait créer environ 30 000 postes. Pour retrouver le taux de 2017, il en faudrait 10 200.
Nous demandons la revalorisation du point d’indice des enseignants et la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B pour les AESH. Par ailleurs, afin de garantir un héritage durable des Jeux olympiques et paralympiques, il est urgent d’instaurer, dès le plus jeune âge, une culture sportive. L’augmentation du volume d’enseignement à l’éducation physique et sportive à quatre heures hebdomadaires dans les écoles et les lycées en serait une étape clé.
En Seine-Saint-Denis, nous avons un besoin urgent de postes. Qu’allez-vous répondre aux syndicats et aux parents d’élèves ? Quelles mesures allez-vous prendre pour résoudre la perte d’attractivité des métiers de l’éducation nationale ?
M. Bartolomé Lenoir (UDR). Si le groupe UDR soutient les mesures d’économie visant à assainir nos comptes publics, préférant cette approche à une hausse des impôts, nous nous interrogeons néanmoins sur la répartition de ces suppressions. Notre appréhension porte sur l’impact disproportionné que ces coupes pourraient avoir sur les territoires ruraux, déjà confrontés à une désertification significative des services publics.
Nous nous demandons pourquoi les économies ne ciblent pas davantage d’autres secteurs de l’État, plutôt que de fragiliser encore nos campagnes. Vous justifiez la décision de suppression de 4 000 postes d’enseignants par la baisse démographique dans les régions rurales. Pourtant, supprimer des postes d’enseignants et fermer des écoles dans nos communes ne fait qu’accélérer l’exode rural. Comment pouvons-nous espérer que des familles s’installent ou restent dans nos campagnes si les services publics essentiels, tels que l’école, disparaissent ?
Ces fermetures d’établissements scolaires menacent d’éteindre les dernières étincelles de vie dans nos villages. Elles privent les enfants d’un accès de proximité à l’éducation et dissuadent les familles de s’établir ou de demeurer en milieu rural. Ne serait-il pas plus pertinent d’adopter une vision à moyen et long terme et de promouvoir une politique nataliste ?
Nous ne tirerons jamais avantage d’un déclin démographique. Fermer des écoles aujourd’hui revient à entériner l’abandon de ces territoires et à hypothéquer leur avenir. Il est inadmissible de laisser croire que les campagnes doivent se dépeupler et de rester inactif.
Pensez-vous sincèrement que nos campagnes survivront sans leurs écoles, ou ce plan de suppression signe-t-il la fin programmée de nos territoires ruraux ?
Mme Anne Genetet, ministre. Je souhaite tout d’abord exprimer mon soutien à nos enseignants et à notre école. Lors de mes nombreux déplacements sur le terrain, j’ai constaté que les équipes pédagogiques et les chefs d’établissement prennent des initiatives bénéfiques pour la réussite de nos élèves, parfois dans des conditions difficiles. Je tiens à les saluer et à les remercier pour leur engagement. Des moyens sont déployés pour les soutenir, et je réaffirme que je serai toujours à leurs côtés si leur autorité ou leur enseignement étaient contestés. J’espère que la société française tout entière leur apportera son soutien dans ces situations.
Dire que notre école est dans un état catastrophique témoigne d’un profond mépris envers les initiatives de nos enseignants qui permettent à de nombreux élèves de réussir, y compris les plus en difficulté. Je salue particulièrement les efforts déployés contre le décrochage scolaire, soutenus par des enseignants volontaires et déterminés.
Les suppressions de postes s’expliquent en partie par l’évolution démographique. Toutefois, ces décisions ne seront pas centralisées mais prises en concertation avec les élus locaux, établissement par établissement, pour répondre aux préoccupations des communes, notamment des communes rurales. J’attends l’issue des débats budgétaires pour préciser les suites à donner s’agissant de l’évolution des effectifs d’enseignants.
Je souligne l’amélioration significative du nombre moyen d’élèves par classe entre 2017 et 2024, même si des progrès restent à faire. Les mesures prises pour les zones d’éducation prioritaire et les élèves les plus en difficulté portent leurs fruits, comme en témoignent les évaluations en sixième.
L’attractivité du métier d’enseignant repose sur plusieurs facteurs : rémunération, climat scolaire, effectifs par classe. Les difficultés de recrutement sont en partie liées au niveau élevé du concours, d’où la réforme de la formation initiale que je porte. Elle prévoit un concours en fin de troisième année de licence, suivi d’un statut d’élève fonctionnaire. Cette réforme permettra d’attirer davantage de candidats, notamment ceux qui ne peuvent s’engager dans un parcours d’études de cinq ans pour des raisons financières.
J’ai attiré l’attention de mon collègue Patrick Hetzel sur la nécessité de rendre le parcours de trois années suffisamment souple pour permettre aux étudiants d’y entrer ou d’en sortir sans repartir de zéro. Il est essentiel que ce parcours réponde à leurs aspirations, lesquelles peuvent évoluer au fil du temps, sans les pénaliser.
L’attractivité du métier représente un véritable défi, auquel nous nous attelons. Nous avons déjà amélioré la rémunération des enseignants et je souhaite rouvrir l’agenda social avec les organisations syndicales. Celles-ci ont été reçues rapidement à mon ministère à la suite de l’alerte sociale, que j’ai prise très au sérieux. Cet agenda social devra notamment dynamiser les milieux de carrière et améliorer les conditions de travail des AESH.
Concernant la ruralité, nous devons repenser l’école de demain. Je privilégie un modèle d’école avec des classes comportant plusieurs élèves, plutôt qu’une classe unique avec cinq niveaux et douze élèves. Ce modèle me semble plus stimulant et mieux adapté aux attentes de l’école moderne. Cela implique de réorganiser l’école en zone rurale, un sujet que je souhaite mettre à l’ordre du jour pour 2025. Notre objectif est d’assurer à tous les élèves, où qu’ils se trouvent, l’accès à une éducation de qualité.
Quant à la répartition des suppressions de postes, attendons la fin des débats budgétaires avant d’émettre des hypothèses.
Pour les classes de sixième et cinquième, l’heure de soutien a été transformée en groupes de besoins. J’ai pu constater sur le terrain l’efficacité de ce dispositif, avec des enseignants initialement réservés qui se sont montrés plutôt positifs. Certains groupes se mettront en place à la rentrée des vacances d’automne. Je resterai attentive à l’évaluation de ces dispositifs avant de prendre toute décision de modification profonde.
Ma vision pour l’école est claire : je veux une école exigeante au service de la réussite scolaire, une école de terrain à l’écoute des réalités locales, notamment dans les communes rurales, et une école qui favorise le bien-être des élèves comme des enseignants.
Enfin, concernant les crédits pédagogiques pour le premier degré, les fonds prévus pour l’achat de manuels scolaires en 2024 ont été reportés à 2025, ce qui explique l’apparente baisse. Je souhaite accorder une attention particulière non seulement aux zones d’éducation prioritaires, mais également aux plus petites communes dont le budget est plus serré et qui disposent de marges de manœuvre plus limitées que d’autres.
Monsieur Chudeau, je rappelle que les programmes sont refondus pour les cycles 1 et 2, et qu’une autre refonte est en cours. Concernant les groupes de besoins, nous avons déployé 2 300 postes pour cette rentrée scolaire, lesquels ne seront pas remis en question pour la rentrée 2025. L’évaluation PISA a été réalisée en 2019 et sera reconduite en 2025. Entre-temps, nous poursuivrons les évaluations pour tous les niveaux du premier degré, dont je communiquerai les résultats très prochainement.
Je réaffirme ma position intransigeante face aux atteintes au principe de laïcité. J’apporterai mon soutien total à nos enseignants et à tous les personnels concernés. Je compte renforcer la formation à la laïcité, notamment en insistant sur une formation dans le mois suivant l’embauche de tous les personnels contractuels, assistants d’éducation et personnes accompagnant nos élèves. Je réviserai également le contenu de cette formation pour m’assurer qu’elle corresponde à notre conception de la laïcité à la française. Soyez assurés de ma vigilance accrue sur ce sujet.
Madame Calvez, j’observerai attentivement l’évolution des débats parlementaires sur les suppressions de postes. Nous faisons face à un véritable défi : comment répondre à la baisse démographique ? Je rappelle qu’en 10 ans, nous avons perdu près de 750 000 élèves, dont 400 000 depuis 2017. Pour la rentrée 2025, nous prévoyons une nouvelle baisse de près de 100 000 élèves. Ces chiffres nécessitent des ajustements, sans pour autant remettre en cause le nombre d’élèves par classe, qui doit continuer à diminuer. J’entends que nous n’avons pas encore atteint les standards européens. Néanmoins, depuis 2017, nous œuvrons à l’amélioration du nombre moyen d’élèves par classe, qui ne cesse de baisser. Je suis consciente des disparités existantes, avec des classes comptant très peu d’élèves pour des raisons d’organisation du territoire, et d’autres en comptant trop. Nous travaillons sur cet équilibre. J’ai récemment observé des projets de fusion d’écoles permettant de retrouver localement une école avec des classes et un nombre moyen d’élèves par classe tout à fait satisfaisant, correspondant à notre objectif de ne pas dépasser 24 élèves par classe en dehors des zones d’éducation prioritaires.
Concernant l’inclusion, j’ai évoqué les éléments des travaux en cours. Nous approchons du 20e anniversaire de la loi de 2005, à l’occasion duquel un bilan sera dressé. Pour les détails chiffrés, je cède la parole à mon collègue Alexandre Portier.
M. Alexandre Portier. En tant que fils d’artisan, je ne suis pas toujours satisfait de l’orientation actuelle vers le lycée professionnel, qui ne répond pas pleinement à nos ambitions pour cette filière. L’orientation me tient particulièrement à cœur et je pense qu’elle devrait davantage se concentrer sur le collège. Nous ne pouvons accepter que le lycée professionnel soit considéré comme une orientation par défaut, ce qui serait irrespectueux envers nos jeunes et cette filière.
Pour lutter contre le décrochage en lycée professionnel, plusieurs leviers existent. Premièrement, il faut prévenir le décrochage en amont. De nombreux jeunes arrivent en seconde avec des lacunes dans les fondamentaux, notamment en français et en mathématiques. C’est pourquoi la réforme du lycée professionnel a renforcé l’enseignement de ces matières en demi-groupes, une mesure que nous devons poursuivre. Deuxièmement, il est essentiel de donner du sens au parcours des élèves. La professionnalisation est donc centrale, notamment à travers le renforcement des périodes de formation en milieu professionnel. Troisièmement, le lycée professionnel a la capacité de proposer un accompagnement sur mesure, une dimension que tous les acteurs de ces établissements s’efforcent de développer et que nous soutiendrons.
Madame Hadizadeh a évoqué la question des effectifs, un sujet que nous avons abordé lors de ma visite dans sa circonscription. Nous avons pu observer l’importance des petits groupes pour l’apprentissage des gestes de secours et de sécurité au travail. La réforme a permis de favoriser l’apprentissage en petits groupes dans les filières où c’est indispensable, tant pour les gestes professionnels que pour l’acquisition des fondamentaux.
Malgré les contraintes budgétaires, nous avons pu ouvrir en 2024 de nouvelles classes et recruter de nouveaux enseignants dans l’enseignement professionnel. Cela nous permet d’atteindre nos objectifs de réduction des effectifs par classe et d’offrir un enseignement plus fin et plus exigeant dans une filière cardinale pour répondre aux enjeux de souveraineté.
Concernant le handicap, le rapporteur Bertrand Sorre a mentionné les moyens importants investis ces dernières années. Pour répondre à madame Pascale Bay, je tiens à souligner que si les moyens sont nécessaires en matière de handicap, tout n’est pas qu’une question de moyens. Ayant longuement travaillé sur le sujet de l’école inclusive lorsque j’étais député, je peux affirmer que d’autres aspects entrent en jeu.
La formation de nos agents, tant AESH qu’enseignants, constitue l’un des principaux défis à relever. Nous devons également simplifier les démarches administratives, particulièrement lourdes pour les familles auprès des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), et approfondir nos ambitions pédagogiques. Je pense que nous n’avons pas toujours poussé suffisamment loin notre réflexion pédagogique concernant les enfants accueillis dans nos établissements. Les agents et enseignants eux-mêmes expriment le besoin d’un accompagnement plus soutenu dans ce domaine. C’est l’un de nos objectifs prioritaires pour l’année à venir.
Concernant le statut des AESH, sujet récurrent dans cette commission, nous abordons de front la question de leur situation, notamment à travers la formation, mais aussi les rythmes de travail, les contraintes liées à la multiplication des suivis et leur intégration dans les établissements. Le système mis en place depuis 20 ans en matière de handicap a conduit à une progression rapide, voire trop rapide, des notifications des MDPH par rapport à nos capacités de recrutement. On peut débattre des moyens et des salaires, mais face à une augmentation de 8 % des notifications en une seule rentrée, il est évidemment difficile de trouver suffisamment de ressources humaines pour répondre à tous ces besoins.
Cette situation entraîne des difficultés pour l’éducation nationale, tant au niveau central que sur le terrain. Nous devons repenser le modèle dans son ensemble. Vingt ans après la loi de 2005, force est de constater que le modèle purement quantitatif, longtemps privilégié, atteint ses limites et ne correspond plus totalement aux attentes des familles ni à celles des personnels sur le terrain. Nous devons aujourd’hui opérer un changement de modèle en profondeur, auquel nous allons nous atteler avec la ministre.
Concernant le point soulevé par madame Sanquer sur les crédits de formation, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une suppression des crédits de formation en tant que tels, mais d’un ajustement des crédits de déplacement liés aux formations. Notre réflexion vise à rapprocher les formations du terrain et des territoires où nos agents exercent, afin d’enrichir les contenus de formation tout en rationalisant les moyens pour l’organisation. Cette approche permettra d’investir davantage dans la qualité des formations tout en optimisant les ressources.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Vous êtes vingt-cinq à vouloir interroger les ministres. Nous les laisserons vous répondre après les treize premières questions puis nous écouterons les douze suivantes.
M. Julien Odoul (RN). Dans un entretien accordé au journal La Tribune le 13 octobre dernier, vous avez affirmé, madame la ministre, que les atteintes à la laïcité avaient diminué, en vous basant sur une comparaison entre les chiffres de septembre 2023 et ceux de septembre 2024. Le 25 octobre, votre ministre délégué, monsieur Portier, a tenu des propos contradictoires sur les ondes d’Europe 1, évoquant une intensification des provocations contre la laïcité. Face à ces déclarations divergentes, il est impératif de clarifier la situation devant la représentation nationale.
Par ailleurs, je souhaite aborder la question des attaques islamistes visant les enseignants, qui se multiplient dans un contexte de progression du communautarisme. Il est essentiel de disposer de chiffres précis et d’une analyse approfondie de ces phénomènes.
Quand allez-vous lutter contre l’islamisme, lutter contre l’islamisme, lutter contre l’islamisme ?
Enfin, j’interpelle le gouvernement sur sa stratégie de lutte contre l’islamisme et sur les mesures concrètes qu’il compte mettre en œuvre pour endiguer ce fléau de manière définitive.
Mme Violette Spillebout (EPR). Le programme 230 Vie de l’élève comporte un objectif qui retient particulièrement mon attention : favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de la citoyenneté. Ce budget connaît une légère augmentation en 2025. Il vise à poursuivre et à renforcer les dispositifs de soutien au bien-être et à la sécurité des élèves. Dans cette catégorie s’inscrivent les heures d’enseignement moral et civique (EMC). Ces cours abordent notamment l’éducation aux médias et à l’information, la lutte contre la désinformation, l’éducation aux risques liés à l’utilisation des réseaux sociaux, en particulier les phénomènes d’embrigadement et de fausses informations.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la manière dont ces moyens pourraient être augmentés au sein de ce programme ? Sachant que l’EMC ne représente actuellement qu’une demi-heure hebdomadaire, cette allocation de temps vous semble-t-elle véritablement à la hauteur des enjeux auxquels nos enfants sont confrontés ? Quels sont les moyens existants et quelles mesures envisagez-vous pour renforcer cette action éducative ?
M. Christophe Proença (SOC). Le 8 janvier 2024, le Président de la République, Emmanuel Macron, déclarait sans ambiguïté : « on a mis en place les 30 minutes de sport obligatoires pour tout le primaire ». De même, la directrice générale de l’enseignement scolaire, Caroline Pascal, a soutenu lors de son audition devant notre commission que « 100 % des écoles les ont mis en place sous des formes différentes ».
Cependant, le rapport sénatorial d’évaluation des dispositifs fait état d’une réalité bien différente, indiquant que seulement 42 % des écoles se sont engagées dans ce programme pour la majorité de leurs élèves.
Pouvez-vous nous éclairer sur l’état actuel de la mise en œuvre de ce dispositif ? Par ailleurs, quelles actions envisagez-vous pour garantir son application effective dans toutes les écoles ? Comment comptez-vous doter les enseignants des ressources nécessaires, qu’il s’agisse d’équipements, de moyens financiers ou de formation, pour concrétiser ce projet ?
M. Bruno Bilde (RN). Le PLF 2025 prévoit la suppression de 4 000 postes d’enseignants, dont une part importante dans le primaire, un secteur déjà fragilisé par les réductions de moyens ces dernières années. Je suis fréquemment interpellé par les parents d’élèves et les familles qui expriment leurs vives inquiétudes quant à l’impact de cette diminution des effectifs sur la qualité de l’enseignement, mettant ainsi en péril l’avenir de leurs enfants.
Dans nos zones rurales et périurbaines, chaque poste s’avère indispensable pour éviter des classes surchargées, préserver un accompagnement pédagogique de qualité et garantir aux élèves les conditions optimales pour leur apprentissage et leur développement personnel. Justifier ces suppressions par une simple baisse démographique revient à réduire l’avenir de nos enfants à une équation budgétaire, reflétant une vision purement comptable qui méconnaît les besoins spécifiques de nos territoires.
Mme Véronique Riotton (EPR). Je souhaite rebondir sur la question du handicap. Vous évoquez votre volonté de vous atteler à un changement de modèle. À cet égard, je vous invite à découvrir à Annecy une école remarquable nommée « Mon École Extraordinaire ». Cette structure associative répond à des problématiques spécifiques en servant de passerelle pour réintégrer des enfants exclus du système scolaire traditionnel. Elle propose un accompagnement scolaire, éducatif et thérapeutique, destiné aux jeunes enfants neuro-atypiques.
Actuellement, l’école bénéficie d’une structure pérenne pour le niveau primaire, mais pas pour le collège. Ses ressources demeurent précaires, reposant principalement sur le mécénat et les associations. La réflexion à mener porte sur la manière dont l’éducation nationale et l’agence régionale de santé pourraient soutenir de tels dispositifs. Cette école accueille cinquante enfants, ce qui souligne l’importance de son action.
Comment envisagez-vous d’adapter le cadre juridique et administratif pour assurer la pérennité de ce type d’initiatives ?
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Je tiens à souligner, monsieur le ministre, votre engagement passé en faveur de l’enseignement professionnel lorsque vous étiez député. Vous affirmiez alors que cette filière devrait représenter une voie d’excellence plutôt qu’une impasse. J’espère que, dans vos nouvelles fonctions, vous conserverez un regard critique et une ambition sincère, notamment dans le cadre de la réforme actuelle qui suscite des controverses.
Pour améliorer l’insertion professionnelle des élèves de lycée professionnel, j’attire votre attention sur l’enjeu de la mobilité, facteur primordial pour l’emploi des jeunes. À l’issue du Conseil national de la refondation relatif à la jeunesse, la Première ministre s’était engagée, pour donner suite à une proposition de l’association « Une voie pour tous », à mettre en place une aide de 500 euros pour le permis de conduire. Cet engagement a depuis été abandonné, laissant les élèves et leurs familles perplexes. Quelle est votre position quant à la concrétisation de cette aide ?
Mme Delphine Lingemann (Dem). L’éducation constitue le fondement de notre société et représente le moteur de son évolution. Elle incarne également le moyen le plus efficace pour forger l’unité et la cohésion nationales.
La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, promulguée le 24 janvier 2023, a entériné la création de 100 classes de reconquête républicaine dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Un amendement que j’ai proposé et qui a été adopté a étendu la mise en place de ces classes aux zones rurales. Pour mémoire, ces classes visaient à accompagner les jeunes en situation de décrochage scolaire dans la préparation des concours de la fonction publique. Quel est l’état d’avancement de la mise en œuvre de ces classes de reconquête républicaine ? Avez-vous pris en considération les besoins spécifiques des territoires ruraux ?
Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Madame la ministre, permettez-moi de vous poser quelques questions directes. Pensez-vous que les enseignants soient des feignants ? Pensez-vous que ce sont des menteurs ? Pensez-vous qu’ils sont trop payés ?
À moins de remettre en question la légitimité de leurs arrêts maladie ou supposer que leur rémunération soit telle qu’une perte de trois jours de salaire pour cause de grippe ne les affecterait pas, il est difficile de comprendre la justification de ces trois jours de carence annoncés par votre collègue en charge de la fonction publique. Cette annonce s’ajoute aux 4 000 suppressions de postes, au pacte enseignant et au choc des savoirs. Cela confine à la haine des fonctionnaires. Vous qui semblez avoir une expertise en gestion du personnel domestique, dois-je vous rappeler la distinction fondamentale entre le service de l’État et le travail forcé ?
Vous venez d’affirmer être aux côtés des enseignants et qu’ils vous trouvent toujours présente pour les soutenir. Envisagez-vous de les défendre en vous opposant à cette mesure insultante ?
Mme Béatrice Piron (HOR). Les conflits entre les familles et l’éducation nationale connaissent une augmentation significative. Néanmoins, des dispositifs de médiation existent déjà et s’avèrent être des outils efficaces pour apaiser ces tensions dès leur émergence. Certaines municipalités ont ainsi mis en place des médiateurs scolaires, dont le rôle est d’intervenir de manière préventive et de créer des espaces de dialogue au sein des établissements de leur territoire. J’ai d’ailleurs pu constater personnellement l’efficacité de ces mesures.
En parallèle, l’éducation nationale propose un service de médiation gratuit composé de 87 médiateurs académiques répartis dans les différentes académies. Leur mission consiste à accompagner les familles et les personnels éducatifs dans la résolution de leurs différends. Toutefois, ce dispositif demeure largement méconnu des familles.
Faute de recourir à ces solutions, les conflits sont fréquemment portés devant les tribunaux, déjà surchargés par le nombre de litiges qui leur sont soumis et dont le traitement s’étale sur plusieurs mois. Cette situation affecte directement le bien-être des enseignants et des élèves.
Dans ce contexte, quelle stratégie de communication envisagez-vous pour promouvoir le dispositif de médiation ? De plus, compte tenu de l’augmentation des saisines, prévoyez-vous d’accroître le nombre de médiateurs ?
Mme Farida Amrani (LFI-NFP). Je souhaite vous faire part de la question de Vanessa, une enseignante en primaire exerçant depuis plus de 18 ans, qui envisage de quitter sa profession à la fin de l’année scolaire. Elle a longuement hésité avant de formuler sa question, tant les problématiques sont nombreuses : des salaires insuffisants au dédoublement des classes qui n’a pas tenu ses promesses en termes d’effectifs, sans oublier les propos blessants tenus par votre collègue monsieur Kasparian.
Voici sa question : « Madame la ministre, l’école inclusive, annoncée en grande pompe par monsieur Blanquer, ne bénéficie d’aucun moyen sur le terrain. Nous ne sommes ni formés, ni accompagnés, et nous manquons d’AESH, alors qu’il est essentiel de pouvoir intégrer les élèves en situation de handicap dans nos classes. Mal rémunérée, dépourvue de moyens pour travailler, sans considération politique et servant de boucs émissaires face à l’austérité budgétaire, comment espérez-vous maintenir des vocations dans un métier que j’ai tant aimé ? »
J’ai perçu une grande émotion dans sa voix lorsqu’elle a évoqué son départ imminent et contraint. Votre nomination, madame la ministre, a suscité l’étonnement général. Vos compétences en matière de recrutement et de cuisine sont certes indéniables. Quelle est votre recette pour élever le niveau et améliorer les conditions de travail de Vanessa et de ses collègues ?
Mme Graziella Melchior (EPR). Je souhaite vous interroger sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques. L’année dernière, j’ai présenté devant cette commission un rapport issu d’une mission d’information menée conjointement avec Francesca Pasquini. Nous avions identifié plusieurs axes prioritaires, notamment la rénovation du bâti scolaire, essentielle pour des raisons tant écologiques qu’économiques. En effet, la déperdition énergétique entraîne des coûts considérables pour nos collectivités.
Dans cette optique, j’ai déposé un amendement visant à renforcer le fonds vert afin de mieux soutenir nos communes dans ces réhabilitations onéreuses. Les ministres Gabriel Attal et Christophe Béchu avaient initié l’an dernier un comité du plan rénovation écologique des écoles, conformément aux engagements du Président de la République. Pouvez-vous nous informer de la poursuite éventuelle de ce travail ?
Par ailleurs, nous avons jugé primordial que l’enseignement au développement durable soit approfondi dans nos écoles de manière transversale et pratique, notamment par des projets pédagogiques adaptés au niveau des élèves. Pourriez-vous nous exposer votre vision quant à la méthode d’enseignement de ce sujet ?
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Nous sommes conscients que le débat sur la partie dépenses n’aura pas lieu dans l’hémicycle. Un recours à l’article 49.3 de la Constitution est prévu ou un renvoi au Sénat avant toute discussion approfondie. C’est pourquoi je vous demande aujourd’hui de prendre un engagement ferme, non pas par des formules creuses ou des promesses médiatiques, mais devant les députés et la représentation nationale, concernant le rétablissement des 4 000 postes supprimés dans la version initiale du budget Barnier.
Hier, en Commission des finances, une majorité de parlementaires a approuvé l’amendement que j’ai proposé visant ce rétablissement. Ma question est donc simple et directe : vous engagez-vous à respecter le vote de l’Assemblée nationale et à réintégrer ces 4 000 postes supprimés à ce stade de la discussion budgétaire ?
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Dans un rapport publié en septembre, l’inspection générale de l’enseignement envisage de porter le plafond des classes dédoublées en REP et REP+ à 17 élèves. Cette modification pourrait entraîner la fermeture de 2 000 classes dans le scénario le plus défavorable, pénalisant ainsi les élèves les plus vulnérables et remettant en question votre politique de dédoublement. Cette dernière, déjà limitée à trois niveaux de classe, soulève par ailleurs plusieurs réserves.
Parallèlement, notre pays connaît une baisse démographique. Cette situation devrait vous inciter soit à étendre le dédoublement aux écoles des quartiers prioritaires de la politique de la ville non concernées actuellement, soit à assurer des effectifs raisonnables dans l’ensemble des établissements, garantissant ainsi de meilleures conditions d’apprentissage pour tous les élèves.
Envisagez-vous réellement de mettre en œuvre ce scénario, qui s’ajouterait à la suppression massive de 4 000 postes d’enseignants ? Ou, au contraire, comme l’évoquait votre prédécesseur, prévoyez-vous de réactualiser la carte du réseau d’éducation prioritaire, inchangée depuis une décennie ?
Mme Anne Genetet, ministre. Nous restons extrêmement vigilants face aux atteintes à la laïcité. Si nous avons observé une baisse de celles-ci concernant le port de signes ostensibles religieux, les contestations d’enseignements se multiplient. Nous apporterons un soutien total aux enseignants, dont les cours ne sauraient être remis en cause.
Concernant l’éducation aux médias, j’ai effectivement demandé qu’une réflexion soit menée sur un programme spécifique dans nos établissements, conduite par madame Spillebout.
Pour l’activité physique quotidienne, toutes les écoles ont reçu le kit, mais des progrès restent à faire pour sa pleine utilisation. Un test d’aptitude physique sera instauré en sixième pour évaluer la condition physique des élèves, s’inscrivant dans une démarche plus large d’évaluation de leur santé et de leur bien-être.
S’agissant des classes de reconquête républicaine, 50 sont actuellement ouvertes sur un objectif de 100 dans les quartiers populaires, ciblant les élèves décrocheurs. Elles proposent du soutien scolaire, des cours du soir et un engagement dans des réserves opérationnelles. Nous envisageons de nous appuyer sur l’expérience des classes de défense et de sécurité civile pour leur développement.
Quant à l’absentéisme des enseignants, je tiens à leur apporter mon soutien. Le nombre moyen de jours d’arrêt maladie des enseignants est l’un des plus faibles de la fonction publique. Je salue leur engagement malgré des conditions de travail parfois difficiles. Les mesures proposées par mon collègue Guillaume Kasparian ne concernent pas les affections de longue durée ni les accidents. Il est essentiel de mieux comprendre et accompagner les arrêts maladie, en lien avec les conditions d’exercice du métier. Le dialogue social avec les organisations syndicales permettra d’aborder ces questions.
Enfin, concernant les suppressions de postes évoquées par monsieur Bilde, je précise que deux collèges de sa circonscription, Pierre et Marie Curie et Danielle Darras Riaumont à Liévin, bénéficient de groupes de besoins avec 15 élèves. Ces établissements ne sont pas concernés par les suppressions de postes.
M. Alexandre Portier. Concernant le handicap et les troubles du neurodéveloppement (TND), je souhaite souligner l’engagement conséquent du ministère. À la rentrée 2024, nous prévoyons l’ouverture de 62 nouveaux dispositifs médico-sociaux et scolaires, dont 11 unités d’enseignement élémentaire et 20 en maternelle. Cet investissement significatif sur les premiers âges, période clé, portera le total à 613 dispositifs TND. Cette expansion notable témoigne de notre volonté d’améliorer les capacités de l’école à accompagner précocement les familles. J’accepte avec plaisir votre invitation à Annecy pour approfondir ce sujet.
Concernant le lycée professionnel, je reconnais l’importance capitale de la mobilité, notamment pour des raisons sociales et sociologiques. Cette problématique constitue indéniablement un facteur d’inégalité pour les territoires ruraux. Quant au financement de la mobilité, plusieurs options existent. La gratification de stage, pouvant atteindre 2 100 euros sur trois ans, pourrait légitimement contribuer au financement du permis de conduire. Notre rôle consiste également à encourager les jeunes à envisager cette utilisation.
Il convient de rappeler que les solutions ne relèvent pas exclusivement de l’éducation nationale. Le dispositif du permis à un euro par jour, un prêt à taux zéro, aide considérablement de nombreux jeunes. Notre mission consiste à former et outiller le personnel de chaque établissement pour orienter efficacement les élèves vers ces dispositifs.
Cette approche permettra d’accompagner nos jeunes, particulièrement dans les métiers où la mobilité s’avère indispensable, non seulement pour construire leur parcours, mais aussi pour répondre aux besoins du pays. Le lycée professionnel a pour vocation de relever les défis de souveraineté nationale en matière numérique, industrielle et énergétique. Pour atteindre cet objectif, il est impératif de dépasser toute forme d’assignation géographique ou sociale.
Mme Anne Genetet, ministre. Concernant le bâti scolaire, nous comptabilisons actuellement 4 125 projets, représentant un investissement de 534 millions d’euros. Le fonds vert a permis de mobiliser 500 millions d’euros d’engagements supplémentaires en 2024 pour la rénovation des écoles, et ces mesures seront maintenues en 2025. Il convient également de souligner l’action de la Banque des territoires, qui a contribué à hauteur de 2 milliards d’euros à un plan de rénovation concernant 10 000 écoles d’ici 2027. Je tiens à réaffirmer l’engagement de l’État aux côtés de nos écoles pour soutenir la rénovation du bâti scolaire.
Quant à l’éducation au développement durable, le sujet est trop vaste pour être développé ici. Néanmoins, je peux affirmer que sur le terrain, de nombreux enseignants déploient des dispositifs particulièrement efficaces, et il est important de les remercier.
Concernant le nombre maximum d’élèves dans les classes dédoublées des zones d’éducation prioritaires, on m’a demandé si j’étais favorable à l’augmentation de 12 à 17 élèves, comme l’avait recommandé l’inspection générale. Ma réponse est catégorique : je ne retiens pas ce scénario.
Pour ce qui est des 4 000 postes, je m’exprimerai au nom du Gouvernement lors de la séance publique. Vous avez évoqué le débat qui s’est tenu hier en commission des finances. Je tiens à préciser que je suis fermement opposée à l’augmentation du budget de 7 milliards d’euros visant à assurer la gratuité de l’enseignement scolaire, qui a été votée.
Mme Béatrice Bellamy (HOR). Je ne souhaite pas que le sport à l’école soit négligé dans le budget 2025. Il représente un enjeu majeur d’éducation et de santé publique. La circulaire de rentrée réaffirmait la nécessité d’accompagner l’héritage sportif des Jeux olympiques en dynamisant la pratique de 30 minutes d’activité physique quotidienne, en pérennisant la semaine olympique et paralympique et en renforçant les forces sportives dans le second degré. J’aspire vivement à ce que le PLF pour 2025 maintienne cette ambition.
J’ai soulevé un point d’alerte concernant l’accès aux équipements sportifs. Un déséquilibre persiste entre zones urbaines et rurales, avec des temps de trajet qui réduisent considérablement le temps effectif de pratique. Tous les établissements sont également confrontés à la difficulté des coûts de transport et à la diminution des financements publics. Cette situation risque de s’aggraver avec l’augmentation des contraintes pesant sur les collectivités territoriales.
Le risque encouru est une réduction des temps de pratique sportive, un manque de diversité dans les disciplines proposées et une accentuation des inégalités. Je souhaite donc ardemment que le budget 2025 anticipe cette difficulté croissante
Mme Prisca Thevenot (EPR). Je souhaite vous interroger sur la refonte des REP et REP+, ainsi que sur les dispositifs parallèles tels que les QPV et les contrats locaux d’accompagnement. Ces différents mécanismes se superposent et s’entrecroisent, mais manquent parfois de cohérence.
Les maires, forts de leur connaissance approfondie de l’histoire et de l’évolution de leur territoire, semblent les mieux placés pour appréhender les mutations démographiques et socio-économiques à l’échelle des quartiers.
À titre d’exemple, dans ma circonscription, le quartier de Meudon-la-Forêt bénéficie d’un contrat local d’accompagnement sans être classé en REP, REP+ ou QPV, alors qu’il nécessite urgemment des moyens supplémentaires.
Serait-il opportun de repenser l’ensemble de ces dispositifs en collaboration étroite avec les élus locaux ? Il conviendrait également de fonder cette réflexion sur la sociologie des écoles maternelles, plutôt que de se limiter aux collèges, afin d’intervenir plus précocement.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Je souhaite attirer votre attention sur l’absence persistante de suivi médical des professionnels de l’éducation nationale. Il est particulièrement préoccupant qu’aucune visite médicale ne soit prévue ni à l’entrée dans le métier, ni même après deux décennies d’exercice. J’ai récemment échangé avec une enseignante en fin de carrière qui m’a confié son impossibilité d’accéder à la médecine du travail. Le médecin, submergé par une charge de travail considérable ‑ jusqu’à 400 appels quotidiens ‑ se trouve lui-même en arrêt.
Face à cette problématique, je propose l’instauration d’une visite médicale obligatoire chez un médecin généraliste après 20 ans d’exercice. Cette mesure permettrait d’améliorer significativement le suivi médical de la profession enseignante.
M. Pierrick Courbon (SOC). Je souhaite aborder la question de l’interdiction du téléphone portable au collège, notamment la généralisation de la « pause numérique » annoncée par votre prédécesseur. Cette mesure contraindrait tous les collégiens à déposer leur téléphone à l’entrée de l’établissement dès janvier prochain.
Bien que le groupe socialiste adhère au principe de protection des collégiens contre un usage incontrôlé du téléphone, j’estime que votre approche est inadéquate. En effet, la généralisation a été annoncée avant même le début de l’expérimentation et sans aucune concertation, particulièrement avec les collectivités locales.
Cette décision soulève de nombreuses difficultés pratiques dans les établissements, notamment en termes de gestion des flux et de sécurité liée à la concentration de ces équipements. Dans mon département, le coût de cette mesure est estimé entre 800 000 et 2 millions d’euros, montant qui n’est actuellement pas compensé.
Envisagez-vous de renoncer à cette mesure ou prévoyez-vous d’accompagner financièrement les collectivités locales pour sa mise en œuvre ?
M. Philippe Fait (EPR). J’aurais pu évoquer la question du statut des AESH ou celle des directions d’école, dont les responsables croulent sous les tâches administratives au détriment de leur mission pédagogique. Cependant, je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur la situation des enseignants, souvent contractuels, qui, après avoir réussi le concours, se voient affectés à des centaines de kilomètres de leur domicile, alors même que des postes sont disponibles à proximité. Ce phénomène n’est pas anecdotique : dans ma circonscription, il concerne cinq enseignants.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi d’établir un parallèle avec le film Les sous-doués en vacances. Sans vouloir vous assimiler au personnage de Grace de Capitani, ni me comparer à Guy Marchand, je souhaite souligner que, tout comme la « Love Machine » truquée du film, les algorithmes d’affectation ont leurs limites. Il est impératif de réintroduire une dimension humaine dans ce processus.
Je souhaiterais donc connaître votre position sur ces affectations et les mesures que vous envisagez pour remédier à cette situation.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je souhaite aborder la question des temps scolaires des lycéens, un sujet qui semble vous tenir à cœur, comme en témoigne votre première audition avec le tiktoker SenseiDMots. Ce dernier réclamait une réforme et a recueilli 300 000 signatures pour sa pétition en moins d’un mois. Par ailleurs, la consultation lancée par mon collègue Louis Boyard a reçu plus de 220 000 réponses, révélant un constat alarmant : nos jeunes sont exténués. 59 % des jeunes se sentent épuisés après une journée de cours et 87 % décrivent un emploi du temps surchargé, sans compter leur angoisse massive liée à Parcoursup.
L’école de la République devrait éveiller les élèves et non les éteindre. Ces résultats nous incitent à repenser en profondeur les rythmes scolaires, en envisageant des journées de cours allégées, avec les matières les plus exigeantes le matin et des activités l’après-midi.
Ce modèle est déjà appliqué avec succès en Finlande et en Allemagne. Les études démontrent qu’un emploi du temps respectueux du rythme biologique améliore la concentration et réduit le stress. Claire Leconte, spécialiste des rythmes de l’enfant, rappelle que l’apprentissage ne doit pas s’apparenter à une épreuve d’endurance.
Il est impératif d’écouter cette jeunesse. Une école qui épuise est une école qui échoue. Quand envisagez-vous d’ouvrir une concertation nationale sur cette réforme indispensable des rythmes scolaires ?
Mme Céline Hervieu (SOC). Le système des affectations est étroitement lié aux enjeux d’attractivité. L’affectation dans le second degré repose sur un dispositif éprouvé depuis longtemps, mais qui suscite néanmoins de nombreuses interrogations parmi les jeunes enseignants que je rencontre. Leur préoccupation première, dès l’obtention de leur diplôme, concerne l’incertitude liée à leur lieu et à leur académie d’affectation.
Je m’interroge sur votre évaluation de l’efficacité actuelle de ce système d’affectation et sur les éventuelles pistes d’amélioration que vous pourriez envisager. Par ailleurs, comment expliquez-vous et comptez-vous remédier à la tendance consistant à affecter les enseignants novices dans les zones et les établissements les plus difficiles ? Cette pratique risque en effet de les détourner de la profession, malgré leur enthousiasme initial. Quelles mesures envisagez-vous pour faire face à ces défis ?
Mme Isabelle Rauch (HOR). Mes collègues ont largement abordé la réduction du nombre de postes d’enseignants. S’il est essentiel de veiller à une répartition territoriale équitable afin de ne pas pénaliser les zones les plus vulnérables, nous constatons dans nos circonscriptions une grande confusion chez nos concitoyens et les usagers du système éducatif entre les postes supprimés, les postes existants mais non pourvus, et les remplacements qui s’avèrent parfois impossibles à mettre en œuvre en cas d’absence du titulaire.
Je salue les efforts déployés ces dernières années pour accroître l’attractivité de la profession enseignante mais je m’interroge sur l’absence de perspectives budgétaires concernant la réforme du recrutement et de la formation initiale des professeurs. Pouvez-vous confirmer son report à 2026, comme vous l’avez mentionné lors de votre allocution du 3 octobre devant les recteurs ?
M. Idir Boumertit (LFI-NFP). Le droit à l’éducation pour chaque enfant, indépendamment de son handicap, est-il véritablement garanti par l’éducation nationale ? Chaque rentrée scolaire génère la même anxiété pour des milliers de familles, qui s’interrogent sur l’accompagnement adapté dont bénéficiera leur enfant. Malheureusement, la réponse s’avère trop souvent négative.
Selon la Cour des comptes, le nombre d’enfants scolarisés en situation de handicap a triplé en quinze ans, atteignant 435 000 en 2022. Pourtant, les personnels essentiels et indispensables pour les élèves, les familles et les enseignants demeurent sous-rémunérés. Ils enchaînent des contrats morcelés qui les maintiennent dans une précarité salariale inacceptable.
Hier soir, la commission des finances a adopté un amendement que j’ai proposé visant à créer un corps de fonctionnaires de catégorie B pour les AESH. Cette mesure mettra fin à cette précarité et aux dysfonctionnements actuels.
Tous les AESH de notre pays ont les yeux rivés sur nous. Soutiendrez-vous cette titularisation ?
M. Aly Diouara (LFI-NFP). Sur les 90 questions écrites qui vous ont été adressées, aucune n’a reçu de réponse à ce jour. Je souhaite vous interroger sur le dispositif « Devoirs faits », censé être déployé dans nos collèges, en particulier dans le millier d’établissements en REP, dont un tiers en REP+. Je vous invite à allouer les ressources nécessaires pour renforcer la réussite scolaire, conformément à l’objectif initial de ce dispositif.
Néanmoins, force est de constater que « Devoirs faits » est actuellement en difficulté. Il ne profite pas à l’ensemble des élèves, notamment ceux en situation de handicap ou rencontrant des difficultés scolaires. La Cour des comptes souligne l’absence de progression liée à ce dispositif.
Dès lors, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il pour améliorer l’impact de « Devoirs faits » et en faire un véritable instrument d’égalité républicaine ?
Mme Josiane Corneloup (DR). Le recours massif aux AESH soulève des interrogations, notamment concernant l’insuffisance de leur formation. Les enseignants et les AESH estiment manquer d’outils et de préparation, tant en formation initiale que continue, pour affronter des situations qui excèdent parfois leurs compétences et leurs moyens d’action.
Le nombre d’élèves en situation de handicap a triplé entre 2006 et 2022. À la rentrée 2023, on comptait 78 817 AESH en poste, faisant de cette profession le deuxième métier le plus représenté au sein de l’éducation nationale. Sur le plan quantitatif, le succès est incontestable. Cependant, les effectifs élevés d’élèves porteurs de handicap par classe restreignent les possibilités d’individualisation des enseignements.
Les enseignants déplorent également le manque de supports pédagogiques adaptés et les délais excessifs pour obtenir les équipements nécessaires. Quant aux AESH, elles dénoncent une grande précarité, tant en termes de rémunération que de conditions de travail, ainsi que l’absence de statut.
En conclusion, des moyens supplémentaires s’avèrent indispensables, mais il est également nécessaire d’améliorer la coordination entre les milieux éducatifs et socio-éducatifs, tout en simplifiant les procédures administratives.
Mme Justine Gruet (DR). La baisse démographique nous oblige à reconsidérer les priorités pour l’avenir de notre pays. L’école doit demeurer un lieu essentiel d’acquisition du savoir, des savoir-faire et du savoir-être en société. Si l’éducation doit être au cœur de la cellule familiale, l’école doit porter cette chance de réussite et de méritocratie.
Face à la diminution du nombre d’élèves, sommes-nous capables de saisir cette opportunité pour maintenir les classes en zone rurale ? Cela impliquerait de préserver les postes d’enseignants, dont le travail est à la fois exigeant et remarquable, tout en s’attaquant à la suradministration. L’action de votre ministère devrait se concentrer sur les enfants plutôt que sur l’entretien d’une bureaucratie excessive.
Concernant l’enseignement professionnel, la baisse des effectifs par section menace certaines filières de fermeture. Il est impératif d’analyser les besoins en main-d’œuvre qualifiée de nos entreprises et artisans locaux. À défaut, nous risquons de former tous les élèves au même métier, sous prétexte d’une diminution des effectifs, sans tenir compte des besoins réels du bassin d’emploi.
Enfin, quelles mesures envisagez-vous pour protéger notre société, et particulièrement notre système scolaire, contre le fléau croissant de l’addiction aux réseaux sociaux ?
Mme Anne Genetet, ministre. La première question concerne l’héritage des Jeux olympiques et le sport à l’école. Une réunion de concertation est prévue début novembre pour les enseignants afin qu’ils réfléchissent à la traduction de cet héritage olympique dans leurs cours. Concernant le transport scolaire vers les enceintes sportives, un financement de l’Agence nationale du sport est prévu pour accompagner les collectivités territoriales.
La refonte de la carte de l’éducation prioritaire est en cours. Le format des cités éducatives fonctionne remarquablement bien, favorisant le dialogue entre les différents acteurs. Le profil des élèves en maternelle s’avère déterminant pour anticiper leur évolution. Pour les établissements qui sortiraient de l’éducation prioritaire, nous apporterons des réponses adaptées.
Concernant la médecine du travail, il est nécessaire de réfléchir à l’évolution du métier. L’académie de Limoges a mis en place un système offrant aux médecins de ville une formation complémentaire en médecine scolaire, leur permettant d’effectuer des vacations. Cette approche pourrait être adaptée à la médecine du travail, où le manque de praticiens est préoccupant. Il faut envisager des dispositifs permettant aux professionnels de santé d’acquérir une formation complémentaire en médecine du travail pour répondre aux situations les plus urgentes. Ce déficit de médecins du travail affecte l’ensemble des professions et constitue un défi à relever collectivement.
La loi interdit clairement l’usage du portable dans les écoles et collèges. Sa mise en œuvre relève du chef d’établissement, en dialogue avec la collectivité locale. Il convient de trouver des solutions adaptées localement, sans imposer une approche uniforme depuis Paris. Certaines classes pourront appliquer les consignes sans nécessairement recourir à des casiers ou des enveloppes.
Concernant les affectations, je reconnais que seulement 40 % des enseignants se déclarent satisfaits de leur affectation. Cette problématique constitue un chantier considérable que nous entamons, mais qui nécessitera du temps pour apporter des solutions d’ici la rentrée 2026. Néanmoins, des directives ont été transmises aux recteurs et aux directeurs des services de l’éducation nationale pour qu’ils tiennent compte de certaines situations particulières.
Les rythmes scolaires impliquent plusieurs parties prenantes : les élèves, les enseignants, les parents, mais aussi les infrastructures. L’exemple allemand, reconnu pour son approche du rythme de l’enfant, a été évoqué. Cependant, pour concentrer les matières exigeantes le matin, il faudrait augmenter le nombre d’enseignants et de salles de classe. De plus, nous devons considérer la prise en charge des enfants en dehors des heures d’enseignement, en accordant une attention particulière aux familles monoparentales. J’envisage de lancer une réflexion sur ce sujet l’année prochaine, notamment pour le premier degré, en concertation avec les différents acteurs, afin de concilier ces quatre composantes aux intérêts parfois divergents.
Sur le dispositif « Devoirs faits », 90 % des élèves de sixième et la moitié des collégiens en bénéficient actuellement, à raison d’1 heure 30 par semaine. Les moyens alloués s’élèvent à 140 millions d’euros. Ce programme fera partie intégrante de l’acte 2 du choc des savoirs, que je présenterai prochainement, dans le but d’améliorer le niveau des élèves et de les accompagner vers la réussite.
Pour la ruralité, j’ai évoqué la nécessité de réfléchir à un nouveau modèle scolaire permettant aux jeunes en milieu rural d’accéder à l’éducation dans les meilleures conditions de réussite et d’apprentissage.
La question des addictions aux réseaux sociaux sera abordée dans le cadre de la mission sur l’éducation aux médias et à l’information, que Mme Violette Spillebout conduira dans les mois à venir.
M. Alexandre Portier. Dix-neuf ans après la promulgation de la loi de 2005, nous pouvons dresser un bilan de l’engagement pris par la nation d’accueillir tous les enfants en situation de handicap dans nos établissements scolaires, quelles que soient leurs origines sociales, territoriales ou la nature de leur handicap. Cet engagement, initié sous la présidence de Jacques Chirac, a fait l’objet d’un consensus politique et s’est constamment renforcé depuis lors. Nous demeurons tous attachés à cet objectif et nous nous efforçons de lui faire franchir de nouvelles étapes.
Le chemin parcouru est considérable. Peu auraient imaginé que nous parviendrions à quadrupler le nombre d’enfants accueillis, passant de 130 000 à près de 500 000 cette année, avec des projections encore plus ambitieuses pour la rentrée prochaine. Cette progression s’explique par l’allocation de moyens conséquents et par l’amélioration de la détection précoce, notamment chez les plus jeunes.
Ce progrès quantitatif indéniable doit nous rendre fiers. Dans un contexte où l’on critique souvent notre système éducatif, je tiens à saluer l’engagement de tous les acteurs – enseignants, chefs d’établissement, AESH, personnels des structures médico-sociale – qui ont rendu possible cette avancée remarquable, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. C’est l’une des marques d’une grande nation scolaire que de s’efforcer de tenir une telle promesse.
Cet engagement s’est traduit par des moyens financiers conséquents : 4,6 milliards d’euros ont été alloués dans le budget 2025. Peu de domaines connaissent une telle progression budgétaire. Ce choix national nous permet notamment de recruter davantage d’AESH pour mieux répondre aux besoins des familles, et d’ouvrir de nouveaux dispositifs Ulis, particulièrement adaptés au second degré.
De plus, 115 emplois seront alloués aux troubles du neurodéveloppement, auxquels s’ajouteront des emplois administratifs essentiels pour améliorer la qualité du suivi des familles. Nous avons également budgété 25 millions d’euros pour les matériels pédagogiques adaptés, un enjeu complexe compte tenu de la forte dynamique des besoins sur nos territoires.
Des difficultés persistent, comme l’a justement relevé Josiane Corneloup. Deux chantiers prioritaires se dégagent, qui ne se résument pas à une question de moyens, mais nécessitent une prise en charge approfondie. Il ne suffit pas d’augmenter les ressources pour répondre aux attentes qualitatives et humaines des familles.
Sur le plan pédagogique, nous constatons effectivement un manque dans la formation initiale et continue. Cependant, des progrès ont été réalisés. Dans le premier degré, 25 heures de formation sont désormais intégrées au concours de recrutement de professeurs des écoles. Cette évolution a permis une nette amélioration. En revanche, le second degré requiert encore des efforts. De nombreux enseignants certifiés ou agrégés n’ont pas bénéficié d’heures sur l’école inclusive dans leur formation, ce qui n’est pas satisfaisant.
Pour remédier à cette situation, nous devons développer des contenus pédagogiques adaptés. Il ne s’agit pas simplement d’ajouter des heures, mais de construire une pédagogie appropriée aux différents handicaps et besoins particuliers. Cela implique d’adapter les programmes, de réajuster les méthodes pédagogiques et de repenser les modalités d’évaluation. Nous ne pouvons plus enseigner en 2024 comme nous le faisions il y a vingt ans, compte tenu des évolutions sociales et des politiques en faveur du handicap. Nos ambitions doivent être plus élevées.
Des instituts, encore méconnus, ont entamé ce travail. Notre mission consiste à renforcer les liens entre la recherche menée dans l’enseignement supérieur et l’éducation nationale. Nous nous attelons dès à présent à cette tâche, qui constituera un véritable motif de fierté.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous remercie pour vos réponses. Nous espérons vous retrouver le 12 novembre en séance publique.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous abordons l’examen des amendements se rapportant aux crédits de l’enseignement scolaire.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-327 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Par cet amendement, adopté par la commission des finances, nous proposons de tenir la promesse de la gratuité réelle de l’éducation. De fait, l’école n’est pas gratuite lorsque les familles doivent payer la cantine, les fournitures et les transports. Pour les plus modestes d’entre elles, ces frais sont autant d’obstacles dans l’accès aux contenus éducatifs proposés par l’école. Il s’agit donc d’apporter un soutien aux parents d’élèves durement frappés par l’augmentation du coût de la vie, en particulier de la cantine et des fournitures scolaires.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Pour des raisons qui tiennent à notre équilibre budgétaire, je ne peux être favorable au programme que vous proposez de créer et de financer à hauteur de 6,2 milliards d’euros.
En outre, de nombreuses mesures visant à limiter les frais restant à la charge des familles pour la scolarité de leurs enfants seront maintenues en 2025. Ainsi, l’ensemble des crédits en faveur de l’accompagnement des enfants défavorisés ou en difficulté sont reconduits – subventions aux associations qui participent au dispositif Devoirs faits, fonds sociaux, école ouverte, vacances apprenantes – ou renforcés, comme les crédits éducatifs divers et le pass culture.
Les moyens dévolus aux bourses attribuées aux collégiens et lycéens augmentent quant à eux de 34 millions d’euros. En effet, à compter de la rentrée de 2024, le consentement des familles est recueilli à l’entrée en sixième pour que soit étudié automatiquement, chaque année, le droit à bourse de leurs enfants. De même, au lycée, l’examen du droit à bourse se fera désormais annuellement et l’attribution ne sera donc plus limitée aux seuls élèves en situation d’être boursiers au moment de leur sortie de troisième.
Il convient de citer également les crédits pédagogiques prenant la forme de subventions versées aux établissements. Ainsi, l’an dernier, une enveloppe de 33 millions d’euros a permis de financer l’achat de manuels scolaires pour les élèves de primaire, et une nouvelle enveloppe de 85 millions est prévue en 2025 pour l’acquisition de nouveaux manuels en sixième.
Surtout, l’allocation de rentrée scolaire, versée par la caisse d’allocations familiales sous condition de ressources, est comprise entre 416 et 455 euros selon l’âge de l’enfant et destinée à financer l’achat des fournitures scolaires.
Grâce à ces dispositifs, souvent complétés par des initiatives des collectivités territoriales, l’école est, sinon gratuite, du moins accessible à l’ensemble des élèves.
M. Roger Chudeau (RN). Notre groupe s’opposera à cet amendement, qui nous paraît teinté de démagogie. En effet, ce qui est gratuit, c’est l’instruction, qui relève de l’État, et non l’école : les élèves sont nourris par les communes, et transportés par les régions et les départements.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur pour avis, il ne vous a pas échappé que, lors de l’examen de la première partie du budget, nous avons adopté une série de mesures qui permettent de dégager de très importantes recettes. Je pense à la taxe Zucman, qui s’appliquera aux dix plus gros patrimoines français et dont le produit alimentera le budget de l’État à hauteur de 13 milliards d’euros, soit plus du double du coût de la mesure que je propose.
En conséquence, l’argument budgétaire ne tient pas : il nous revient de faire un choix politique, dont l’enjeu idéologique a été parfaitement résumé par le représentant de l’extrême droite.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-328 de M. Rodrigo Arenas
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement de repli. Comment la ministre de l’éducation nationale peut-elle parler de chimère à propos d’une mesure appliquée en Finlande ? Une mesure qui n’a, du reste, rien de démagogique, monsieur Chudeau, car, en matière de cantine et de transports scolaires, les élèves ne sont pas sur un pied d’égalité : ils sont traités de manière différente selon la collectivité où ils sont scolarisés et la situation de leur famille. Or c’est précisément le rôle de l’État de corriger ces inégalités pour que nous fassions République ensemble.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Vous proposez d’instaurer la gratuité de l’école publique pour les élèves relevant de l’éducation prioritaire en créant un programme financé à hauteur de 920 millions d’euros. J’ajoute aux arguments que j’ai développés précédemment qu’il me semble préférable de ne pas limiter à l’éducation prioritaire l’aide apportée aux enfants défavorisés. En effet, un rapport de la Cour des comptes de 2021 établit que 70 % des élèves issus d’un milieu défavorisé ne sont pas scolarisés dans des établissements relevant de l’éducation prioritaire. Pour cette raison et eu égard au coût que votre amendement représenterait pour les finances publiques, j’émets un avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Je ne comprends pas que vous refusiez cet argument de repli dès lors que le Gouvernement, que vous soutenez, a précisément pris une mesure, financée par l’État, en faveur des enfants de maternelle relevant de l’éducation prioritaire, à savoir le petit-déjeuner gratuit. L’action publique doit être cohérente. Au demeurant, pourquoi des mesures de ce type ne pourraient-elles pas s’appliquer tout au long de la scolarité ?
M. Philippe Fait (EPR). J’ai parfois le sentiment qu’ici, on voit tout en noir. Monsieur Arenas, vous proposez que la cantine soit gratuite, mais elle l’est déjà. De même, le transport et les sorties scolaires sont pris en charge et les activités périscolaires le sont également en grande partie. Quant aux fournitures et aux manuels scolaires, ils sont offerts.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-369 de M. Paul Vannier.
Amendement II-458 de M. Pierrick Courbon
M. Pierrick Courbon (SOC). Il s’agit en quelque sorte, là encore, d’un amendement de repli puisqu’il vise à assurer la gratuité des fournitures scolaires à l’ensemble des élèves des écoles élémentaires, comme le proposait le projet arrivé en tête à l’issue des dernières élections législatives. Le coût de ces fournitures s’élevait en moyenne, à la rentrée 2023, à 233 euros.
Cette mesure en faveur du pouvoir d’achat est également une mesure d’égalité, car la gratuité est déjà en vigueur dans certaines communes. Or on ne peut pas s’en remettre uniquement au volontarisme ou aux moyens des collectivités territoriales. Accessoirement, une telle mesure nous épargnerait les débats nauséabonds qui reviennent chaque année au moment du versement de l’allocation de rentrée scolaire.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Outre le fait que le coût de cet amendement s’élèverait à 406,5 millions d’euros, je rappelle que l’allocation de rentrée scolaire, dont le montant est compris entre 416 et 455 euros, est spécifiquement destinée à financer l’achat des fournitures scolaires – dont le montant moyen, avez-vous dit, était de 233 euros en 2023. Avis défavorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Je m’étonne que l’on prône l’égalité de traitement des élèves, d’un côté, et que l’on fasse des distinctions, de l’autre. Tout d’abord, l’allocation de rentrée scolaire n’est pas une bourse allouée aux familles les plus précaires : lors de la rentrée, les dépenses des familles ne se limitent pas aux fournitures scolaires – je pense aux licences sportives ou aux vêtements, par exemple.
Sur le fond, la France a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant, qui stipule que chaque enfant a droit à l’éducation. Or ce droit est remis en question par le fonctionnement même de notre école. Il y va, non pas du pouvoir d’achat des familles, mais des droits des enfants, comme en témoigne la décision prise par des communes de toute obédience politique de prendre en charge le coût des fournitures scolaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-331 de M. Rodrigo Arenas
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il s’agit de créer un fonds destiné à financer la construction d’écoles publiques. Dans notre pays, les parents ont le choix de scolariser leurs enfants dans des écoles publiques ou dans des écoles privées. Toutefois, il arrive que ces dernières, qui sont à 95 % confessionnelles, bénéficient d’une concurrence déloyale dans certains territoires dépourvus d’écoles publiques. Nous proposons donc d’accompagner les communes qui souhaitent se doter d’une école publique mais qui n’en ont pas les moyens. Il y va du respect des principes d’égalité et de laïcité, et de la liberté de choix des parents.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Le fonds dont vous proposez la création serait doté de 500 millions d’euros. Les travaux de préparation de la carte scolaire donnent lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux qui permettent d’apprécier la situation et de décider, le cas échéant, d’ouvrir ou de fermer une école. En la matière, la décision dépend de la situation démographique de la commune. En tout état de cause, lorsqu’une commune décide de construire une école, elle se fait fort de trouver les accompagnements nécessaires, notamment en sollicitant le concours de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dont relèveraient les crédits que vous entendez créer. Ainsi, dans ce type d’opérations, l’État est très souvent partenaire de la commune à hauteur de 40 % ou 50 %, voire beaucoup plus. Avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). On observe en effet des phénomènes de déprise démographique, que la fermeture d’écoles contribue d’ailleurs souvent à accélérer. Mais l’amendement II-331 vise, au fond, à garantir la liberté du choix de l’enseignement, qui est une liberté fondamentale reconnue par la Constitution. De fait, dans certains départements, notamment du grand Ouest – le Morbihan, le Maine-et-Loire ou la Vendée –, il faut parfois faire beaucoup de route pour scolariser ses enfants dans le public. Cette situation contrevient à la liberté de choix des familles, car ces déserts d’écoles publiques comptent souvent de nombreuses écoles privées sous contrat.
J’appelle donc ceux de nos collègues qui, au-delà de leur appartenance partisane, ont le souci de défendre la liberté des parents de scolariser leurs enfants dans l’école de la République à soutenir cet amendement.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Notre commission vient de refuser la prise en charge des transports scolaires par l’État. Or lorsqu’on vit dans un désert d’écoles publiques, on n’a bien souvent pas d’autre choix que de scolariser ses enfants dans une école privée, car les écoles publiques sont si lointaines que le coût du transport devient un facteur important. Là encore, le principe d’égalité est mis à mal.
M. Roger Chudeau (RN). C’est une belle idée que celle d’avoir une école publique dans chaque village – c’était le souhait de Jules Ferry. Mais, comme disait Brecht, la réalité est concrète. Bien souvent, la déprise démographique est telle qu’aucune commune ne réclame la création d’une école publique lorsqu’il existe déjà une école confessionnelle, ou libre, sur son territoire. Votre proposition me semble donc un peu hors-sol.
De toute façon, l’école est communale ; je ne crois pas que l’État doive créer un fonds spécial pour financer leur construction. Grâce notamment à la DETR, les communes qui souhaitent créer une école – et nous les y encourageons – ne manqueront pas de moyens. Il est donc inutile de bloquer 500 millions d’euros à cette fin.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-370 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Il s’agit d’augmenter immédiatement de 15 % le traitement des enseignants. Cette mesure catégorielle se justifie, d’une part, par la très grave paupérisation des enseignants au cours des dernières années – en 1980, un enseignant percevait 2,3 Smic en début de carrière, contre 1,2 Smic aujourd’hui –, d’autre part, par la nécessité de reconnaître l’investissement des enseignants dans cette mission fondamentale qu’est l’enseignement.
Mais il y va également de l’intérêt général, car il nous faut remédier à la grave crise de recrutement qui frappe l’ensemble des concours de l’enseignement, lesquels ne permettent plus de recruter un nombre suffisant de candidats ayant un niveau satisfaisant. Ainsi les conditions d’apprentissage se dégradent-elles du fait du recours à des contractuels recrutés parfois dans des conditions déplorables – je pense aux job dating.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La question de la revalorisation de la rémunération des enseignants est importante. C’est pourquoi, depuis 2017, nous avons pris différentes mesures telles que le relèvement des principales indemnités de fonction perçues par les personnels enseignants, les conseillers principaux d’éducation (CPE) et les psychologues de l’éducation nationale (psy-EN) ou la revalorisation de la prime d’attractivité pour un montant compris entre 600 et 1 780 euros brut annuels en fonction de l’ancienneté.
Ainsi, tous les professeurs titulaires, CPE et psy-EN commencent désormais leur carrière avec une rémunération supérieure à 2 000 euros net par mois. Les professeurs néotitulaires perçoivent 2 102 euros net – 2 466 euros net en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+). De plus, la prime d’attractivité est étendue aux professeurs stagiaires.
Des mesures visant à fluidifier la carrière de ces personnels permettent d’accélérer leur accès au grade supérieur de façon qu’ils terminent leur carrière à des indices plus élevés qu’auparavant. Par ailleurs, l’ensemble des mesures prises dans le cadre des rendez-vous salariaux de 2022 et 2023 concernent également ces personnels, à commencer par la hausse du point d’indice et l’octroi, au 1er janvier 2024, de 5 points d’indice majoré.
Au total, sans même évoquer les revalorisations liées au pacte enseignant, les enseignants titulaires gagnaient en moyenne, en janvier 2024, 258 euros net de plus par mois que deux années auparavant, soit une progression de 11 %.
Compte tenu de ces différents éléments, j’émets un avis défavorable.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). La prétendue hausse de 11 % de la rémunération des enseignants au cours des deux dernières années est intervenue dans un contexte marqué par une inflation qui n’avait pas atteint un tel niveau depuis très longtemps.
Je m’inscris en faux contre l’affirmation, trop souvent entendue, qu’en début de carrière, un enseignant percevrait plus de 2 000 euros net. Lorsqu’on commence sa carrière, on n’est pas néotitulaire : on est fonctionnaire stagiaire et, à ce titre, on perçoit bien souvent moins de 2 000 euros net.
Enfin, l’écart de salaire entre les enseignants français et leurs homologues européens est considérable. Selon des chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiés en septembre 2024, après 15 ans de carrière, un enseignant français gagne 46 886 dollars par an quand un enseignant allemand perçoit 93 943 dollars.
M. Pierrick Courbon (SOC). À vous entendre, monsieur le rapporteur pour avis, on n’a jamais autant fait que depuis 2017. Il n’en reste pas moins que les candidats aux concours n’ont jamais été aussi peu nombreux. De fait, la profession d’enseignant est complètement dévalorisée ; elle doit donc d’abord être reconnue, ce qui implique de s’abstenir de stigmatiser les fonctionnaires en les considérant comme des fainéants coupables d’absentéisme et de revaloriser leur fiche de paie.
Vous refusez notre proposition. Dont acte ! Mais que proposez-vous pour que l’on ne se trouve pas dans l’obligation de recruter des professeurs sur Le Bon Coin ?
Mme Géraldine Bannier (Dem). Si nous n’envisageons pas de voter pour cet amendement, nous sommes néanmoins sensibles à la question de la revalorisation du métier d’enseignant. Le dégel du point d’indice, après de longues années de stagnation, était impératif. Un ancien ministre de l’éducation nationale souhaitait l’adoption d’une loi de programmation pluriannuelle afin de poursuivre dans la voie de la revalorisation – car il est évidemment nécessaire que la rémunération des enseignants suive l’inflation. La réflexion doit se poursuivre.
M. Roger Chudeau (RN). Nous sommes opposés aux revalorisations forfaitaires, globales et massives. Il n’y a, par exemple, aucune urgence à augmenter de 15 % la rémunération des professeurs de classe préparatoire, que j’estime beaucoup par ailleurs. En revanche, il serait très utile de revaloriser de 15 % à 20 % des milliers d’autres carrières. Le problème doit être étudié avec sérieux et finesse ; il ne peut pas être réglé à l’emporte-pièce.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-371 de M. Rodrigo Arenas
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à augmenter de 10 % la rémunération des enseignants.
J’entends l’argument de M. Chudeau, mais il avait la possibilité de déposer un sous-amendement. J’interprète donc plutôt sa position comme la manifestation d’une volonté farouche, quasi doctrinaire, d’ignorer que, sur le temps long, les enseignants ont vu baisser, non pas leur pouvoir d’achat, mais la monétisation de leur apport à la nation – et nous en sommes tous comptables. Nous avons déposé ces amendements parce que nous considérons que les enseignants contribuent au-delà de leur salaire à faire tenir la maison éducation nationale, laquelle est, hélas ! en cours d’effondrement. Il leur arrive notamment de contribuer personnellement à l’achat de matériel ou au financement de sorties scolaires, car les collectivités sont exsangues.
Lorsqu’on prétend aimer les enseignants, il faut leur donner des preuves de cet amour, notamment en augmentant leur rémunération.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je souscris pleinement à l’idée émise par Mme Bannier d’une programmation pluriannuelle de la revalorisation des rémunérations des enseignants. Nous pourrions, les uns et les autres, y travailler assidûment, car nous nous accordons sur la nécessité d’aller plus loin en la matière.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). La crise est là, comme en témoignent les difficultés de recrutement et la multiplication des démissions. Nous ne pouvons pas reporter sans cesse les décisions qui s’imposent en appelant à poursuivre la réflexion ou à organiser un débat sur une programmation pluriannuelle. La pénurie d’enseignants est telle que le système éducatif public est à l’arrêt : 15 millions d’heures de cours n’ont pas été remplacées l’an dernier ! Nous sommes tout près d’un effondrement comparable à celui que connaît l’hôpital public.
Il faut donc agir de manière urgente en mobilisant des moyens considérables. Il est de notre responsabilité, car nous en avons le pouvoir, d’apporter des solutions à ce problème national majeur qui met en péril l’avenir de notre jeunesse et celui de notre pays.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-372 de M. Paul Vannier.
Amendement II-311 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). C’est un troisième repli ! Si nous n’avions pas été appelés aux urnes, je serais encore certainement enseignant. Or il y a des revalorisations historiques que je n’ai jamais vues sur ma feuille de salaire. Dans son rapport « Regards sur l’éducation » de septembre 2024, l’OCDE souligne qu’entre 2015 et 2023, la rémunération des enseignants français est restée stable en euros constants tandis que celle de leurs homologues européens a augmenté en moyenne de 4 %. Nous proposons donc d’augmenter la rémunération des enseignants de 2,97 %. À ce propos, j’appelle votre attention sur le fait que la courbe des salaires est ainsi conçue dans l’éducation nationale que leur milieu de carrière est particulièrement paupérisé.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je sais, pour avoir été membre de l’éducation nationale pendante trente et un ans, que le milieu de carrière des enseignants doit en effet faire l’objet de mesures spécifiques. Néanmoins, je suis défavorable à votre amendement.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Une institutrice de maternelle – qui a démissionné depuis – me racontait qu’au bout de quinze ans de carrière, elle touchait 400 euros de moins par mois que des contractuels novices qui venaient boucher des trous ; pire, elle devait les former. C’est ubuesque. Les professeurs n’en peuvent plus et démissionnent. Il est indispensable de les augmenter.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous nous sommes tous émus devant Mme la ministre de la suppression de 4 000 postes ; j’ose espérer que ce n’étaient pas des larmes de crocodile. Je souhaite que nous parvenions à les recréer contre la volonté du Gouvernement, mais si nous échouons à les pourvoir en raison de salaires insuffisamment attractifs, nous aurons créé une enveloppe budgétaire qui ne sera pas consommée ; il n’y aura rien de pire à assumer lors du prochain exercice budgétaire : ce sera notre échec collectif. Cet amendement se contente du minimum, à savoir une revalorisation au niveau de l’inflation. Je vous invite à le voter, pour ne pas que nous nous ridiculisions lors du prochain exercice budgétaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC480 de M. Frédéric Maillot
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Il n’est pas prévu de revaloriser le point d’indice en 2025, alors que les crédits destinés au pacte enseignant sont maintenus. Ce dernier est pourtant loin de faire l’unanimité : seuls 24,4 % des enseignants du second degré public l’ont signé en 2023‑2024. Il creuse les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, et profite davantage au privé qu’à l’enseignement public. C’est pourquoi nous proposons de transférer les crédits supplémentaires destinés au pacte enseignant dans le second degré vers un nouveau programme Revalorisation inconditionnelle des traitements des professeurs du second degré public.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC505 de Mme Nicole Sanquer
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Nous sollicitons un plan de revalorisation pluriannuelle des enseignants doté de 600 millions d’euros, qui viserait particulièrement les professeurs en milieu de carrière. Entre 2000 et 2020, les enseignants ont perdu 15 % à 25 % de pouvoir d’achat du fait de la sous-indexation puis du gel de leurs salaires par rapport à l’inflation. Les revalorisations de ces dernières années ont permis un premier rattrapage, mais elles restent suffisantes. Il est indispensable de les poursuivre.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je ne rappellerai pas les mesures qui ont été prises en 2022 et 2024.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC478 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous demandons, cette fois, que les crédits supplémentaires destinés au pacte enseignant dans le premier degré soient employés à une revalorisation inconditionnelle des professeurs du premier degré.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC307 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Nous nous opposons à la réduction des crédits de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa) prévue par le Gouvernement. Vous devez comprendre qu’au train où vont les choses, nous n’aurons plus d’enseignants.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. La Gipa concerne l’ensemble de la fonction publique ; les dépenses associées ne peuvent donc faire l’objet de modulations sur la seule mission Enseignement scolaire. Il faut aussi rappeler l’ensemble des mesures qui ont été prises l’an dernier. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC481 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je persiste et signe : nous demandons que les crédits supplémentaires du pacte enseignant dans la filière technique et agricole soient consacrés à une revalorisation inconditionnelle du traitement des professeurs concernés.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je salue votre pugnacité, mais mon avis reste défavorable pour les raisons déjà évoquées. Nous débattrons de l’enseignement agricole tout à l’heure.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Quelle proportion des crédits du pacte enseignant est consommée par les professeurs de l’enseignement privé sous contrat ?
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je n’ai pas la réponse. Je sais en revanche que la moitié environ des enseignants de l’enseignement privé sous contrat adhèrent au pacte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC304 de M. Laurent Croizier
M. Laurent Croizier (Dem). L’éducation nationale a besoin d’un choc d’attractivité pour surmonter la crise de confiance et de recrutement qu’elle traverse. Cela passe par différents leviers : restaurer l’autorité des professeurs, leur assurer respect et reconnaissance, y compris en dehors de l’école, reconnaître leur rôle d’experts et d’ingénieurs en transmission des savoirs et des compétences, revaloriser leur salaire. Malgré les revalorisations engagées par le gouvernement précédent, les enseignants français restent moins payés que leurs homologues européens et que les autres fonctionnaires de catégorie A.
Par cet amendement d’appel, nous demandons l’ouverture de négociations avec les partenaires sociaux en vue d’une grande loi de programmation pluriannuelle de revalorisation salariale.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable dans le cadre de cette mission budgétaire, même si je suis convaincu que nous devons réfléchir à une programmation pluriannuelle de la revalorisation salariale des enseignants.
Mme Céline Calvez (EPR). À l’heure où plusieurs budgets ministériels sont rognés, nous constatons que l’existence de lois de programmation préserve les crédits des ministères régaliens. Il est dommage qu’il n’en soit pas de même pour l’éducation nationale. Nous ne voterons pas cet amendement, mais nous tenons à exprimer notre attachement à une loi de programmation pluriannuelle sur l’éducation, qui dépasserait le seul sujet des revalorisations salariales.
M. Paul Vannier (LFI-NFP). C’est sidérant ! Collègues macronistes, vous votez contre l’augmentation du traitement des enseignants, et vous vous payez de mots avec un amendement à 1 euro appelant à une grande discussion sur les salaires ! C’est indigne. Vous faites une petite vidéo pour laisser croire que vous vous préoccupez du sujet, mais vous empêchez l’adoption d’amendements qui résoudraient le problème. Ce double discours est insupportable et malhonnête vis-à-vis de vos électeurs. La paupérisation des enseignants ne cesse de s’aggraver ; arrêtez de les mépriser.
M. Laurent Croizier (Dem). En matière d’indignité, M. Vannier a beaucoup de leçons à donner !
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous voulons nous aussi augmenter les professeurs. Les chiffres le démontrent : la rémunération des enseignants a davantage augmenté entre 2017 et 2022 qu’entre 2012 et 2017. Certes, il faut aller plus loin, mais recevoir des leçons d’une gauche qui n’a pas été capable d’augmenter les enseignants quand elle était au pouvoir, c’est un peu fort !
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous partageons tous le même constat : la rémunération des enseignants est insuffisante. Nous venons de proposer une série d’amendements pour y remédier, avec des solutions de repli. Collègues macronistes, vous avez su mettre le Gouvernement en minorité quand vous avez refusé de supprimer les exonérations de cotisations sociales pour les employeurs, mais quand il s’agit d’augmenter le salaire des enseignants, vous n’êtes plus là ! Manifestement, vous vous souciez davantage des entreprises que des professeurs. Les intéressés jugeront.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-AC459 de Mme Florence Herouin-Léautey
Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Cet amendement, comme les suivants, illustre la conception que se font les députés socialistes de la reconnaissance et de la valorisation du personnel qui encadre les enfants. Si nous voulons lutter contre la déscolarisation, apaiser le climat scolaire, lutter contre le harcèlement et mieux inclure tous les élèves, il faut renforcer l’accompagnement des élèves. Or ces métiers sont en crise. Nous proposons une revalorisation de 5 % du salaire des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), des CPE, des assistants d’éducation (AED), des infirmières scolaires, des assistantes sociales et des psychologues, ces personnels non enseignants qui jouent un rôle crucial auprès des élèves.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Permettez-moi de rappeler les revalorisations déjà appliquées à ces personnels, soit au titre de mesures catégorielles, soit dans le cadre du rendez-vous salarial. Entre avril 2022 et janvier 2024, les CPE et les psy-EN, à l’instar des enseignants, ont bénéficié d’une revalorisation moyenne de plus de 11 %, soit 258 euros net mensuels. La rémunération des AESH a progressé de 13 % en moyenne entre juin 2023 et janvier 2024, et de 41 % depuis 2017 – même si je suis convaincu que nous devons aller plus loin. Entre 2020 et fin 2024, la rémunération des assistants de service social (ASS) aura progressé de 19 % en moyenne, soit un gain moyen annuel de 6 179 euros brut, celle des conseillers techniques de service social (CTSS) de 20 %, celle des médecins scolaires de 19 % et celle des infirmiers scolaires de 22 %. Ces personnels ont également bénéficié de mesures générales : augmentation de 1,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique au 1er juillet 2023, octroi de cinq points d’indice majorés au 1er janvier 2024 et prime de pouvoir d’achat exceptionnel.
Nous pouvons sans doute aller plus loin, mais compte tenu de toutes ces avancées récentes, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements II-AC463 de Mme Ayda Hadizadeh et II-AC462 de Mme Fatiha Keloua Hachi
M. Pierrick Courbon (SOC). Il s’agit de revenir sur la baisse de plus de 20 % du budget alloué aux indemnités de tutorat pour les enseignants du premier degré prévue en 2025. Il faut corriger ce très mauvais signal.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Les indemnités de tutorat financent l’accompagnement, par des enseignants titulaires, d’enseignants stagiaires ou d’étudiants en master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (Meef). Lors de l’examen de la mission, je me suis interrogé sur la baisse des crédits qui leur sont alloués ; il s’avère qu’ils étaient budgétés à un niveau très supérieur à leur consommation réelle les années précédentes. Pour le premier comme le second degré, la budgétisation des indemnités de tutorat tient compte, d’une part, de l’exécution constatée en 2023 et de la tendance pour 2024 ; et intègre d’autre part une marge d’évolution afin d’inciter au tutorat. Le ministère travaille à la revalorisation de cette indemnité, provisionnée dans le budget 2025. Au regard de ces informations, avis défavorable.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je ne comprends pas que les ministères retirent les budgets qui n’ont pas été consommés. Il faudrait plutôt se demander pourquoi ils ne le sont pas : les enseignants sont-ils suffisamment informés de la possibilité d’être tuteur ? La formation par les pairs est essentielle dans le monde éducatif. Diminuer ces crédits 3 millions d’euros, c’est s’assurer que le tutorat disparaîtra. Dans la même logique, il faudrait supprimer les crédits alloués aux médecins scolaires, puisque nous n’en avons quasiment plus – ils sont moins de 900 ! Je ne peux pas entendre cet argument.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Si les enseignants ne font plus de tutorat, c’est parce que la charge est trop lourde par rapport à ce qu’elle rapporte. Ils le font quelque temps car ils sont soucieux que le système fonctionne, mais ils finissent par abandonner.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Gardons précieusement cet amendement en mémoire, car il est l’illustration parfaite de notre échec collectif. Une ligne de crédit permettait en théorie de financer le tutorat, mais le ministère reconnaît lui-même que ces missions ne trouvent pas preneur parce qu’elles sont insuffisamment rémunérées.
La commission vient de rejeter des revalorisations suffisamment attractives pour pourvoir les fameux 4 000 postes. Or le ministère lui-même juge cette logique mortifère pour combler les postes. Nul doute que l’année prochaine, les crédits seront retirés parce qu’ils auront été sous-consommés. C’est ainsi qu’il y a quelques années, le ministère a récupéré les crédits des fonds sociaux pour les familles qui n’avaient pas été utilisés. C’est dénier aux enseignants, comme aux familles en situation de précarité, une valeur fondatrice de leur humanité : la dignité.
M. Christophe Proença (SOC). J’ai eu la chance d’enseigner dans un lycée technique pendant trente-cinq ans, et j’ai souvent été le tuteur de débutants, qui arrivaient un peu perdus. Je peux témoigner du rôle essentiel que constitue cet accompagnement – d’autant que le taux d’abandon des jeunes enseignants n’est pas négligeable. C’est un phénomène assez nouveau : après avoir suivi une formation complète de professeur des écoles ou d’enseignant du second degré, les jeunes quittent leur poste au bout de quelques mois, voire de quelques semaines. On est tuteur par bonne volonté, sans y gagner grand-chose. Voilà pourquoi ces crédits sont sous-consommés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-AC366 de M. Paul Vannier, II-AC568 de M. Jérémie Patrier-Leitus et II-AC465 de M. Bertrand Sorre
M. Paul Vannier (LFI-NFP). Cet amendement, qui a été voté par la commission des finances, vise à rétablir les 4 000 postes d’enseignants que le Gouvernement prévoit de supprimer. Dans un contexte de baisse de la démographie scolaire, cette mesure permettrait à notre pays de rattraper enfin la moyenne de l’OCDE, où le nombre d’élèves par classe est bien moins élevé.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). L’éducation doit être une priorité. Nous ne partageons pas la volonté du Gouvernement de supprimer 4 000 postes d’enseignants au moment où il est indispensable de renforcer l’école de la République, tout particulièrement en milieu rural – nous savons en effet que les suppressions pèseront sur les enseignants du premier degré dans ces territoires. La baisse de la démographie scolaire doit être l’occasion de réduire le nombre d’élèves par classe et d’améliorer le taux d’encadrement.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je partage votre volonté de rétablir ces 4 000 postes. Vos amendements prévoient toutefois un budget très élevé. Je propose, pour ma part, une ventilation plus précise des crédits correspondant au maintien des 4 000 postes, pour un montant inférieur : 17 millions d’euros pour l’enseignement du premier degré, avec un effort particulier pour les classes rurales et le déploiement des pôles d’appui à la scolarité ; 27 millions pour l’enseignement du second degré, avec un effort particulier pour le collège et pour les lycées professionnels ; 7 millions pour l’enseignement privé sous contrat. 4 000 postes seraient ainsi recréés sur la base des montants indiqués dans le projet annuel de performances concernant le coût chargé d’un enseignant en début de carrière, avec un recrutement prenant effet à la rentrée 2025.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Le groupe Les Démocrates soutient ces amendements. La suppression de 4 000 postes, quelque peu arithmétique – un poste pour 24,5 élèves en moins, sachant que nous perdrons 97 000 élèves à la prochaine rentrée – était un très mauvais signal. Les professeurs sont le pilier de notre contrat social. Ils ont besoin de soutien et de considération, et doivent retrouver le rôle qu’ils n’auraient jamais dû perdre. Nous savons pertinemment qu’un certain nombre de postes ne sont pas pourvus ; les suppressions auraient donc masqué une crise de recrutement à laquelle il faut au contraire remédier. Nous soutenons donc ces amendements avec force.
M. Roger Chudeau (RN). Le groupe Rassemblement national veut absolument rétablir les 4 000 emplois qui sont en voie de suppression. Nous voterons l’amendement du rapporteur pour avis, mais pas celui de M. Vannier qui va au détriment de l’enseignement catholique. Cette cathophobie est insupportable.
Mme Céline Calvez (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutient l’amendement du rapporteur pour avis. Nous saluons le travail précis qu’il a mené pour rétablir les 4 000 postes et les répartir de façon pertinente entre les niveaux scolaires. De toute évidence, ce n’est pas en supprimant 4 000 postes que l’on fera avancer l’éducation nationale.
M. Pierrick Courbon (SOC). Pour préciser la position du groupe Socialistes, nous avions choisi de présenter deux amendements qui arriveront plus tard dans la discussion, visant à rétablir les postes supprimés dans le premier degré d’une part, dans le second degré d’autre part. Ces amendements tomberont s’ils sont satisfaits par ceux que nous nous apprêtons à voter.
Nous considérons quasi unanimement que la suppression de 4 000 postes d’enseignants serait intolérable, et une très large majorité s’est dégagée en ce sens en commission des finances. Il serait absolument scandaleux que notre décision ne soit pas suivie par le Gouvernement, et que la représentation nationale soit ainsi méprisée.
M. Laurent Croizier (Dem). Durant les élections législatives, les Français nous ont demandé d’avoir de l’ambition pour l’école et pour les jeunes générations. La suppression de 4 000 postes de professeurs aurait des conséquences graves dans nos circonscriptions : fermetures de classes dans les zones rurales, augmentation du nombre d’élèves par classe dans les écoles touchées par les suppressions… Si la baisse de la démographie scolaire est indiscutable, nous pouvons la transformer en opportunité pour améliorer les conditions d’apprentissage et d’enseignement. Nous avons ici l’occasion d’envoyer un message de confiance aux enseignants, qui méritent toute notre considération. Je voterai donc l’amendement du rapporteur pour avis, et je retire mes amendements II-AC526, II-AC526, II‑AC527 et II-AC528.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous retirons également l’amendement du groupe Horizons au profit de celui du rapporteur pour avis.
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis. Je vous alerte sur la somme que représente votre amendement, monsieur Vannier. Elle pourrait constituer un frein dans des débats ultérieurs.
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Le groupe LIOT soutient l’amendement du rapporteur pour avis. La baisse des effectifs d’élèves ne saurait justifier des suppressions de postes. Au contraire, des classes allégées sont l’occasion de dispenser un meilleur apprentissage.
L’amendement II-AC568 est retiré.
La commission adopte successivement les amendements II-AC366 et II-AC465.
Les amendements II-AC455 de Mme Florence Herouin-Léautey, II-AC490 de Mme Soumya Bourouaha, II-AC526 de M. Laurent Croizier, II-AC508 de Mme Nicole Sanquer, II-AC563 de M. Roger Chudeau, II-AC527 de M. Laurent Croizier, II-AC419 de Mme Béatrice Piron, II-AC488 de Mme Soumya Bourouaha, II-AC528 de M. Laurent Croizier, II-AC297 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC325 de M. Arnaud Bonnet, II-AC541 de Mme Géraldine Bannier, II-AC454 de Mme Florence Herouin-Léautey, II-AC489 de M. Frédéric Maillot, II-AC349 de M. Paul Vannier, II-AC564 de M. Roger Chudeau, II-AC504 de Mme Nicole Sanquer, II-AC466 de M. Frédéric Maillot, II-AC298 de Mme Ayda Hadizadeh, II-AC326 de M. Arnaud Bonnet et II-AC542 de Mme Géraldine Bannier sont retirés.
La séance est levée à vingt heures quinze.
Présents. – Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, Mme Pascale Bay, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, M. Roger Chudeau, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, M. Aly Diouara, M. Philippe Fait, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Céline Hervieu, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, Mme Sarah Legrain, M. Bartolomé Lenoir, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Julien Odoul, M. Jérémie Patrier-Leitus, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Christophe Proença, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Véronique Riotton, Mme Nicole Sanquer, M. Arnaud Sanvert, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot, M. Paul Vannier
Excusés. – M. Gabriel Attal, M. Xavier Breton, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, Mme Claudia Rouaux
Assistaient également à la réunion. – M. Carlos Martens Bilongo, Mme Josiane Corneloup, M. Arthur Delaporte, Mme Justine Gruet