Compte rendu
Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation
– Examen de la proposition de loi visant à la refondation du modèle de financement public des établissements privés sous contrat afin de garantir la mixité sociale en leur sein (n° 418) (M. Paul Vannier, rapporteur) 2
– Informations relatives à la commission...................33
– Présences en réunion..............................34
Mercredi
20 novembre 2024
Séance de 9 heures
Compte rendu n° 16
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi,
Présidente
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La séance est ouverte à neuf heures.
(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)
La commission examine la proposition de loi visant à la refondation du modèle de financement public des établissements privés sous contrat afin de garantir la mixité sociale en leur sein (n° 418) (M. Paul Vannier, rapporteur).
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous examinons ce matin la proposition de loi visant à la refondation du modèle de financement public des établissements privés sous contrat afin de garantir la mixité sociale en leur sein. M. Paul Vannier en est le rapporteur.
M. Paul Vannier, rapporteur. « Il n’est pas concevable, pour l’avenir de la nation, qu’à côté de l’édifice public de l’éducation nationale, l’État participe à l’élaboration d’un autre édifice, qui lui serait en quelque sorte concurrent et qui marquerait […] la division absolue de l’enseignement en France ». Ces mots furent prononcés par Michel Debré, le 23 décembre 1959 à l’Assemblée nationale, à quelques jours de l’adoption de la loi qui porte son nom.
Soixante-cinq ans après, nous y sommes : une école à deux vitesses s’est constituée, l’école privée s’est institutionnalisée. Elle est financée par des fonds publics à hauteur d’au moins 10 à 12 milliards d’euros par an. Mais ce montant est largement sous-estimé ; c’est de l’argent public non contrôlé, géré dans l’opacité.
Cette situation mine la cohésion sociale et sape l’effort éducatif national. Elle porte atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale, la liberté d’enseignement, devenue la liberté des établissements privés de sélectionner et de trier les élèves plutôt que la liberté des familles de choisir l’établissement dans lequel elles scolarisent leurs enfants.
J’ai bien conscience d’aborder un sujet rendu sensible par les tenants de l’omerta. Pendant quarante ans, ils sont parvenus à interdire tout débat à coups d’intimidation, d’accusations, en brandissant le spectre d’une guerre scolaire. Mais la France de 2024 n’est plus celle de 1984. Après la publication des indices de position sociale (IPS) des élèves en 2022, après le protocole d’accord sur la mixité et le rapport de la Cour des comptes de 2023, le rapport d’information parlementaire de Christopher Weissberg et moi-même du mois d’avril 2024, la multiplication des enquêtes journalistiques et, surtout, l’inquiétude grandissante des familles confrontées à l’effondrement de l’école publique et à un niveau de ségrégation socioscolaire jamais observé, nous sommes entrés dans une nouvelle époque.
Pourtant, le parti du déni est toujours là pour défendre l’opacité d’un système de financement devenu obsolète, se cramponner à la défense de privilèges, appeler à la censure. Il tentera aujourd’hui d’empêcher ce débat pourtant vital pour l’avenir du système éducatif et notre avenir en commun, et attendu par une part croissante de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Par conséquent, rien ne serait plus décevant qu’un débat empêché ou qu’un faux débat.
Que les choses soient claires : l’objectif de cette proposition de loi n’est pas de remettre en cause l’existence d’un enseignement privé sous contrat mais de garantir la mixité sociale et scolaire dans l’ensemble des établissements relevant du service public d’éducation, afin d’en finir avec le séparatisme éducatif. Au fond, il s’agit de faire prévaloir la loi de la République partout.
Les établissements privés ayant choisi de contracter avec l’État reçoivent des financements publics qui représentent en moyenne les trois quarts de leur budget. En contrepartie, ils s’engagent à respecter les règles et à participer pleinement aux missions dévolues au service public de l’enseignement. L’une de ces missions, définies à l’article L. 111‑1 du code de l’éducation, est la « lutte contre les inégalités sociales et territoriales en matière de réussite scolaire et éducative ». En conséquence, le service public de l’enseignement doit « veiller à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement ».
Cette obligation légale s’applique en théorie aux établissements privés sous contrat comme aux établissements publics. Or, en l’absence de toute disposition légale permettant de sanctionner le non-respect de cette obligation, elle reste purement incantatoire s’agissant des établissements privés.
Pourtant, l’ensemble des études scientifiques montrent que la mixité sociale et la mixité scolaire – ces deux variables étant positivement corrélées – ont un impact significatif sur la réussite de l’ensemble des élèves, lequel est plus important pour les élèves issus des milieux défavorisés et pour les moins performants d’un point de vue académique. Au terme de mes auditions, j’ai d’ailleurs déposé des amendements visant à compléter la mixité sociale par la mixité scolaire. Bien entendu, certains élèves de milieux défavorisés réussissent quand des élèves de milieux favorisés sont en difficulté. C’est bien l’effort éducatif à destination des élèves en difficulté qui doit être mieux partagé. Or ces élèves sont bien trop concentrés dans certains établissements.
La situation n’a pas toujours été telle qu’elle est aujourd’hui. Les établissements privés ont longtemps été choisis par les familles pour leur caractère propre. Ce n’est plus le cas à présent : la recherche de l’entre-soi social est devenue la motivation principale. Par conséquent, depuis le milieu des années 2000, les écarts de composition sociale entre les établissements publics et privés ont commencé à se creuser et s’accélèrent aujourd’hui à une vitesse sidérante. Entre 2000 et 2023, la part d’élèves favorisés est passée de 26 à 42 % de l’ensemble des élèves scolarisés les établissements privés sous contrat ; cette proportion est deux fois moindre aujourd’hui dans les établissements publics. Dans le même temps, le taux d’élèves boursiers est trois fois inférieur en moyenne dans les collèges privés sous contrat par rapport aux collèges publics, et deux fois et demi inférieur dans les lycées privés sous contrat que dans les lycées publics. Cinq fois plus d’élèves sont en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) dans les collèges publics que dans les collèges privés et, en moyenne, les établissements privés présentent un écart d’IPS de quinze à vingt points avec les établissements publics situés à proximité.
Plus alarmant encore, les écoles publiques se vident au profit du privé, bien que cette réalité soit en partie masquée par la baisse de la démographie scolaire. J’ai demandé à la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) de me transmettre la variation de la population scolaire dans le public et dans le privé entre 2017 et 2023, par académie et par cycle. Je me concentrerai sur le premier degré qui donne un aperçu des dynamiques d’avenir pour les cycles ultérieurs. Les chiffres sont édifiants : la baisse de la population scolaire est supérieure dans le public dans toutes les académies, sans aucune exception. L’écart de variation est supérieur à 4 points de pourcentage dans les académies d’Aix-Marseille, Besançon, Bordeaux, Créteil, Limoges, Nice, Strasbourg et Versailles. Elle culmine même à plus de 12 points de pourcentage dans les académies de la Guadeloupe et de Dijon. Mais c’est à Paris que l’écart de variation de la population scolaire est le plus marqué : entre 2017 et 2023, la population scolaire y a chuté de 18,6 % dans le premier degré public, et seulement de 2,7 % dans le premier degré privé sous contrat. Comprenez-vous vers quoi nous nous dirigeons ?
Après avoir dressé ce rapide panorama, je m’arrêterai sur deux objections de principe qui pourraient m’être faites quant à la solution que je propose. Première objection : les enjeux de ségrégation ne se limitent pas au privé et concernent également les établissements publics. La proposition de loi module précisément à la baisse le financement des établissements privés sous contrat si et seulement si leurs résultats présentent un écart significatif par rapport aux établissements publics environnants. J’avais envisagé initialement de les comparer à l’établissement public du même secteur, mais cela semblait trop limité par rapport aux échelles réelles de recrutement des établissements privés. J’ai donc déposé un amendement visant à élargir le territoire de référence au secteur d’implantation et aux secteurs contigus.
Par ailleurs, plusieurs dispositifs visant à améliorer la mixité ont été instaurés ces dernières années, uniquement dans le secteur public : la création des réseaux ambition réussite et des réseaux d’éducation prioritaire (REP), les réformes de la carte scolaire, la création de secteurs multicollèges et de secteurs multilycées dans les grandes agglomérations, l’allocation de financements aux établissements publics en fonction de l’IPS. Certaines de ces mesures ont porté leurs fruits mais comme elles ne s’appliquent pas aux établissements privés, elles ont parfois contribué à accélérer le transfert de la population scolaire favorisée vers le privé. Telles sont, selon la Depp, les causes principales du creusement des écarts entre le public et le privé.
Il en existe d’autres. Le privé a ainsi adapté sa stratégie pour se spécialiser dans les filières générales au détriment des autres, et s’est davantage implanté dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Enfin, la ségrégation scolaire s’est accentuée par l’éviction des élèves les moins performants scolairement par certains établissements privés, recueillis ensuite par les établissements publics. Tant et si bien que la dualité de l’enseignement est, après la ségrégation résidentielle, la deuxième cause de la ségrégation socioscolaire – elle y contribue, selon les territoires, à hauteur de 33 à 45 %.
Deuxième objection : l’enjeu véritable est l’amélioration du public, qui serait sans rapport avec la situation du privé. Cet argument n’est pas opérant. Du fait de la parité des financements imposés par le cadre législatif et de la non-fongibilité des enveloppes budgétaires du public et du privé, il n’est pas possible en effet d’augmenter les moyens de l’un sans augmenter en proportion les moyens de l’autre. En outre, toutes les études scientifiques montrent qu’une fois l’effet IPS lissé, les établissements publics font déjà aussi bien, voire mieux, que les établissements privés pour faire progresser les élèves. Je vous renvoie, pour vous en convaincre, aux indices de valeur ajoutée au collège (IVAC) et au lycée (IVAL) publiés par la Depp.
Le public ne fait pas moins bien : il est contraint par la carte scolaire et ne peut pas sélectionner ses élèves. Le public met en œuvre seul des dispositifs de mixité parfois contraignants pour les familles ou qui provoquent des effets de stigmatisation sur ses propres établissements. Le public hors éducation prioritaire, qui scolarise une très large part des élèves défavorisés, dispose strictement des mêmes financements publics que le privé. Il ne demande pas d’argent aux familles. Dans ces conditions, comment s’étonner que le privé affiche de meilleures performances brutes ? Combien de familles auraient choisi le public si elles n’avaient pas eu le sentiment, en faisant ce choix, de léser leurs enfants, dans les secteurs où les établissements publics concentrent 50 à 70 % d’élèves défavorisés et/ou en difficulté ?
Les différentes dynamiques à l’œuvre, couplées aux limites du cadre législatif et budgétaire actuel, créent une menace existentielle sur l’école publique et, par conséquent, sur la liberté d’enseignement.
Nous sommes à la croisée des chemins. Ne pas agir, c’est laisser s’instaurer une école à deux vitesses, inégalitaire, globalement moins performante et incapable de jouer son rôle de creuset républicain. En légiférant, nous pouvons conduire les établissements privés à prendre réellement leur part dans l’effort éducatif national, en accueillant aussi des élèves moins favorisés et ou moins performants scolairement. Nous pouvons lutter contre la division de notre société, améliorer les performances globales de notre système éducatif et sauver l’école publique à laquelle je sais la grande majorité d’entre vous attachée.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Arnaud Sanvert (RN). Une fois de plus, nous examinons un texte idéologique qui cherche à diviser les Français. Cette proposition de loi, sous couvert d’intentions louables mais parfaitement hypocrites, n’est rien d’autre qu’une attaque contre l’enseignement privé sous contrat. L’extrême gauche, fidèle à son obsession de l’uniformité forcée, refuse de reconnaître la richesse et la complémentarité du système éducatif où coexistent un service public et un réseau privé sous contrat, tous deux indispensables à la diversité de l’éducation nationale.
Ce texte traduit leur véritable objectif : affaiblir, marginaliser, et à terme supprimer l’enseignement privé sous contrat. Soyons clairs : l’enseignement privé sous contrat remplit une mission de service public, dans le respect des valeurs républicaines et des programmes officiels. Ces établissements ne sont pas des bastions de l’élitisme mais des lieux d’éducation ouverts à des familles de toutes origines, qui y voient une alternative adaptée à leurs besoins. Sanctionner financièrement ces établissements parce qu’ils n’atteindraient pas un critère flou et arbitraire de mixité sociale ne reviendrait qu’à les affaiblir.
Ne soyons pas dupes : la gauche radicale sait très bien que cette mesure n’aura aucun effet sur la ségrégation sociale. Elle ne ferait qu’aggraver la situation : si les financements des établissements privés sous contrat diminuent, davantage d’élèves seront exclus de ces structures et poussés vers des établissements hors contrat. Cette idéologie punitive conduira à une école à deux vitesses et à des fractures sociales plus profondes.
Au Rassemblement National, nous défendons une école du savoir et du mérite, de l’autorité et de l’excellence, qu’elle soit publique ou privée, en valorisant l’apprentissage et l’enseignement professionnel. C’est pourquoi nous proposons des mesures concrètes : généralisation du port de l’uniforme, interdiction des téléphones portables jusqu’au lycée, respect du vouvoiement et soutien systématique aux enseignants agressés grâce à la protection fonctionnelle. Nous voulons rétablir l’ordre et l’exigence car c’est ainsi que nous garantirons l’égalité des chances pour tous les élèves.
Enfin, la véritable priorité devrait être de combattre les causes profondes des inégalités scolaires : une école publique délaissée et gangrenée par l’indiscipline et un manque criant de moyens. Plutôt que de s’acharner sur les établissements privés, pourquoi ne pas s’attaquer aux vrais problèmes qui minent l’éducation de nos enfants ?
La proposition de loi est un faux débat et constitue un piège idéologique tendu par une extrême gauche qui préfère la division à la construction et dans lequel le Rassemblement national refuse de tomber. Nous voterons contre ce texte et continuerons de défendre une école libre, exigeante et républicaine.
Mme Céline Calvez (EPR). Alors que les établissements privés sous contrat accueillent plus de 17 % des élèves en France, il est essentiel de s’intéresser à leurs modalités de financement public. Oui, l’école privée n’est pas seulement financée avec de l’argent privé : 80 % de son financement provient de fonds public. Si les établissements publics et privés sous contrat cohabitent en bonne complémentarité dans nombre de territoires, une concurrence croissante s’observe dans d’autres, particulièrement à Paris, sa première couronne ou dans les grandes métropoles. Ce phénomène peut conduire des parents à éviter certains établissements publics et crée un cercle vicieux en aggravant davantage les inégalités sociales et scolaires sur le territoire. Nous partageons le constat qu’il y a là un défi à relever. Nous devons encourager la mixité à laquelle les établissements privés sous contrat doivent contribuer pleinement, car ils sont financés par les deniers publics – 7 milliards d’euros par an.
Néanmoins, nous divergeons sur la méthode proposée par ce texte qui se concentre uniquement sur les établissements privés sous contrat. La question de la mixité sociale, qui concerne l’ensemble du système éducatif, doit s’inscrire dans une réflexion plus globale incluant les établissements publics. De même, plutôt que de viser une mixité stricte au sein de chaque établissement, il serait plus pertinent d’évaluer les efforts de mixité à l’échelle d’un territoire.
Par ailleurs, votre dispositif, qui repose exclusivement sur un malus financier qui s’appliquerait aux établissements privés n’ayant pas respecté les critères de mixité, n’est pas optimal. Nous privilégions une approche plus complète. Premièrement, nous souhaitons valoriser les initiatives favorisant la mixité sociale et scolaire, en répartissant les financements alloués aux écoles privées en fonction des résultats obtenus en la matière et des caractéristiques propres au territoire. Comme la dotation des écoles privées est à enveloppe constante au niveau académique, cette mesure aurait des effets sur les établisements qui ne joueraient pas le jeu.
Deuxièmement, il est essentiel de s’appuyer sur les récents travaux menés sur le sujet, tels que le rapport de la mission que vous avez menée avec Christopher Weissberg, afin d’accélérer les initiatives engagées par l’État, en partenariat avec les collectivités et les acteurs de l’enseignement. À cet égard, le protocole d’accord du 17 mai 2023, conclu entre le ministère de l’éducation nationale et le Secrétariat général de l’enseignement catholique, prévoit l’application de mesures innovantes. Nous proposons de reprendre certaines d’entre elles et d’inscrire dans la loi la création d’une base de données publiques comprenant les données des écoles privées, ainsi que l’instauration d’instances de concertation pour favoriser la mixité sociale et scolaire dans tous les établissements.
Ainsi, si nous partageons vos constats, il est nécessaire de présenter une réforme globale plus ambitieuse, qui prévoirait un modèle de financement équitable, incitatif et adapté aux territoires, afin de garantir à chaque élève les mêmes chances de réussite, quelle que soit son origine sociale.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous examinons une proposition de loi dont l’objectif est de remettre plus d’équité entre les élèves, afin de tenir la promesse républicaine.
Parce que les politiques publiques déshabillent chaque année davantage l’école publique et la plonge dans des difficultés croissantes, les parents les plus riches estiment qu’elle ne répond plus aux besoins de leurs enfants. Ils les inscrivent alors dans des établissements scolaires privés sous contrat avec l’État. Et là, c’est magique. Pour quelques deniers de plus, ils font le choix d’un entre-soi abordable, ces établissements étant largement financés par la puissance publique. En conclusion, l’enseignement privé compte de plus en plus d’élèves très favorisés, ce qui accentue la ségrégation des établissements publics.
Or cette ségrégation est nocive pour nos enfants, puisque même le gouvernement indique sur son site que « la mixité sociale et scolaire est une des conditions de la réussite de chaque élève ». Si nous sommes toutes et tous d’accord – ou presque – pour dire que la mixité est indispensable, encore faut-il nous doter des bons outils pour l’atteindre partout, y compris dans les établissements où règne l’entre-soi.
Cette proposition prévoit précisément de moduler les financements de l’État, en fonction des efforts accomplis par les écoles, collèges et lycées pour accueillir tous les élèves, y compris ceux en difficulté sociale et scolaire. C’est une question de justice scolaire et sociale. S’ils n’ont pas vocation à tous les recevoir, nous pouvons partager le constat que ces établissements ne prennent pas toute leur part dans l’accueil des élèves en difficulté scolaire.
Tous doivent s’engager à scolariser des enfants dont les parents ne font pas partie des familles les plus favorisées financièrement ; il y va de notre pacte social. Si vous ne voulez pas rallumer la guerre scolaire entre le secteur public et le secteur privé, ne refusez pas de conditionner les financements de l’État aux écoles privées à l’accueil d’enfants moins favorisés ; vous agirez ainsi pour l’intérêt général.
Lutter contre la ségrégation scolaire est l’objectif que cherche à atteindre la proposition de loi. Alors que nous venons de débattre des dépenses budgétaires, nous ne pouvons plus accepter de financer des établissements qui ne relèvent pas les enjeux de notre démocratie. C’est pourquoi nous devons soutenir unanimement ce texte.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Imaginons deux enfants qui naissent et grandissent dans la même ville, à quelques rues de distance. L’un est né dans une famille pauvre, il ira à l’école publique, une école avec peu de moyens et aux classes surchargées. L’autre est né dans une famille favorisée, il ira à l’école privée, une école avec beaucoup de moyens et une sélection à l’entrée. Dans chaque école, les élèves se ressemblent. Mais ces deux enfants ne fréquenteront jamais les mêmes bancs, ni ne partageront jamais les mêmes expériences, ni ne s’appelleront jamais l’un et l’autre camarade. Comment construire une nation forte et unie si nos enfants ne peuvent grandir ensemble ?
Nous ne naissons pas sous la même étoile mais la promesse de notre République, c’est bien de briser les barrières sociales érigées à la naissance, d’offrir les mêmes chances à tous les citoyens et, surtout, de faire naître dans chaque cœur la certitude que nous partageons tous une même destinée, que nous formons tous une seule et même nation. Or cette promesse républicaine n’est pas tenue. Vous le savez bien du reste car, lorsque vous défendez le service national universel (SNU) ou les vertus du service militaire, vous invoquez toujours l’argument de la mixité, de la rencontre au sein d’une classe d’âge, au-delà des différences et des divergences des uns et des autres. Eh bien, ce que vous voulez faire en dix jours avec le SNU, nous voulons le faire pendant quinze ans, de la maternelle au baccalauréat, et cela ira même au-delà car les amitiés qui naissent sur les bancs de l’école durent souvent toute une vie.
L’école est bien le lieu où l’on enracine la République dans le cœur de chacun. Et pour que cette République soit forte, pour que l’arbre de la République puisse grandir, il est inconcevable que les racines soient divisées. Nous ne pouvons tolérer l’existence de ghettos scolaires.
Le principe de cette proposition de loi est simple et il est urgent de la voter : toute école qui bénéficie de financements publics est un service public. Elle a donc un rôle à jouer, comme tout service public, pour renforcer notre société et participer à la promesse républicaine. Certaines écoles privées sont financées parfois à plus de 70 % par des fonds publics, à savoir l’argent de tous les citoyens. Notre objectif est non pas d’opposer les écoles privées aux écoles publiques, mais de construire une République forte et unie. Chacun doit prendre sa part et ses responsabilités.
Mme Frédérique Meunier (DR). Monsieur le rapporteur, au mois d’avril 2024, vous étiez corapporteur de la mission d’information relative au financement public de l’enseignement privé sous contrat. Le 15 octobre, vous avez déposé cette proposition de loi. Le 29 octobre, vous avez fait voter en commission des finances un amendement au projet de loi de finances visant à réduire le financement public des établissements privés sous contrat. Il n’y a plus aucun doute quant à votre volonté de vous attaquer au principe constitutionnel de la liberté d’enseignement et à la liberté de choix des parents.
Selon vous, l’État financerait la ségrégation scolaire absolue. Je rappelle tout d’abord que l’État prend en charge le traitement des enseignants et les collectivités territoriales, les coûts de fonctionnement. En outre, et cela est très souvent ignoré, les parents financent l’immobilier et le caractère propre, autrement dit l’enseignement religieux – s’il y en a un. Le système du quotient familial permet à tous d’accéder à l’enseignement privé.
La France ne se réduit pas à l’Île-de-France et compte de nombreux territoires ruraux. En province, nous sommes très loin de la caricature de la ségrégation scolaire absolue. Votre objectif, à terme, est la disparition totale de l’enseignement privé. Or il est dangereux et inconscient de concevoir l’enseignement privé comme une menace pour l’enseignement public et de rallumer indéfiniment la guerre entre le privé et le public, alors que le privé est considéré comme plus attractif et de meilleure qualité. De plus en plus de parents font le choix de mettre leurs enfants dans le privé. En effet, la part du secteur privé dans l’enseignement ne cesse de progresser pour atteindre 50 % dans certains départements comme le Morbihan. En outre, 54 % des parents reconnaissent qu’ils auraient préféré scolariser leurs enfants dans l’enseignement privé plutôt que dans le public.
Notre système éducatif ne cesse de se dégrader : échec de la transmission des savoirs, augmentation des problèmes de discipline, multiplication des actes de violence et des atteintes à la laïcité, démission en masse des professeurs. Alors, plutôt que de corriger les défaillances de l’enseignement public français, vous préférez attaquer l’enseignement qui réussit. Ne serait-il pas plus avisé d’étudier les raisons de la réussite de l’enseignement privé qui pourraient bénéficier au redressement tant espéré de notre école ?
M. Arnaud Bonnet (EcoS). L’égalité scolaire est un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyennes et nos concitoyens. L’école, qui est au fondement des valeurs républicaines, est un outil indispensable à la formation des consciences des futurs citoyens. Mais elle est aussi au fondement des inégalités sociales comme le montrent tous les indicateurs internationaux. L’enseignement privé revient régulièrement dans nos discussions car il soulève nombre des questions relatives aux inégalités scolaires.
Les établissements privés apparaissent comme de plus en plus réservés aux personnes les plus aisées. Entre 1989 et 2020, l’écart entre le privé et le public s’agissant des élèves favorisés est passé de dix à vingt-trois points. En parallèle, les établissements privés ne jouent pas le jeu de l’inclusion. Ainsi, un collège de réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+) sur deux comprend une Segpa alors que 5 % des collèges privés en sont dotés. La dégradation continue de l’enseignement public incite fortement les familles qui en ont les moyens à scolariser leur enfant dans le privé, renforçant ainsi le phénomène de ségrégation scolaire.
L’État et les gouvernements qui se succèdent sont largement responsables de ce phénomène. D’une main, on sabre les budgets ; de l’autre, on finance largement les établissements privés. À la dernière rentrée, la dotation horaire globale et le nombre d’heures par élève étaient souvent plus élevés dans les établissements privés que dans les établissements publics. Il est nécessaire d’agir sur les financements des établissements privés afin de réduire les inégalités sociales. Nous devons leur rappeler leur obligation de respecter le pacte républicain en scolarisant tous les enfants. L’argent public doit servir au bien de tous et à l’intérêt général. Par ce texte, il s’agit uniquement de retrouver un juste équilibre. C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons la proposition de loi du groupe LFI-NFP.
Mme Géraldine Bannier (Dem). La mixité sociale, gage primordial d’une plus forte cohésion sociale et d’un respect renforcé, dépasse très largement le seul cadre de l’école. Elle nécessite d’abord et avant tout l’engagement au quotidien de chacun et de chacune quant à ses choix d’interaction sociale. Elle implique une politique d’aménagement du territoire qui lutte très concrètement contre la gentrification, le tri social et la ghettoïsation, ainsi qu’une politique qui fasse vivre la mixité par des leviers culturels, notamment sportifs.
Votre texte s’empare du sujet scolaire et propose la diminution de 10 à 50 % des contributions allouées par les collectivités aux établissements privés sous contrat, en se fondant sur un indicateur de mixité sociale. Le hic, c’est que ce dispositif n’est pas du tout applicable à la réalité complexe de l’enseignement privé sous contrat en France. Ainsi, du fait de leur histoire, certaines communes de moins de 1 000 habitants ne comptent qu’un établissement privé dont les effectifs par classe peuvent aller de quinze à quarante-cinq élèves. Par conséquent, l’indice de position sociale peut facilement varier lors du passage d’une génération du CM2 au collège. Faudra-t-il alors sanctionner l’école et les élèves, alors qu’aucun tri ne se fait à l’entrée à l’école et que la mixité sociale est le simple résultat de la composition sociale de la collectivité ?
Dans un département comme le mien, dans l’Ouest, qui se caractérise par un fort ancrage catholique, 36 % des écoliers et 43 % des collégiens sont dans le privé. L’enjeu de la mixité sociale est différent dans d’autres territoires plus homogènes socialement – tels certains quartiers urbains – ou dans des régions où le privé sous contrat fait figure d’exception et résulte d’un choix beaucoup plus engagé des parents qui souhaitent éviter le public.
Le dispositif proposé est défaillant en ce qu’il néglige le problème de non-mixité sociale qui concerne certains établissements publics. Pour prendre des exemples évidents, il existe plus de mixité sociale au lycée privé d’Avesnières de Laval qu’au lycée public Chateaubriand à Rennes ou encore au lycée Henri IV à Paris. Doit-on également sanctionner le public ?
Il faudrait plus de transparence en matière d’IPS et mener une analyse à l’échelle des territoires sur la progression de la mixité sociale. Au mois de mai 2023, le ministre Pap Ndiaye a signé le plan pour favoriser la mixité sociale et scolaire dans l’enseignement ainsi qu’un protocole avec l’enseignement catholique pour encourager la mixité. Ces initiatives sont importantes, elles doivent être évaluées et prolongées.
Bref, il ne s’agit pas de ranimer la guerre scolaire, mais plutôt de s’emparer du sujet de la mixité sociale. D’abord, il convient de mener des actions plus volontaristes en matière de diversité sociale dans le domaine du logement. Ensuite, il convient de remédier au problème de l’homogénéité sociale des établissements scolaires identifiés, privés comme publics, en appliquant des solutions concrètes : montée alternée dans des secteurs comprenant plusieurs collèges, accueil d’élèves plusieurs fois exclus d’établissements publics au sein d’établissements privés, internat d’excellence au sein de quartiers pauvres et homogènes afin de sortir les élèves de l’assignation sociale et de la relégation, mixité des projets extrascolaires. Au vu de l’inadaptation du dispositif présenté aux réalités de terrain, nous ne voterons pas ce texte. Nous resterons néanmoins attentifs aux prochains travaux relatifs à la mixité sociale, qui nécessite une approche globale et multiministérielle et une prise de conscience sociétale.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Pour comprendre l’esprit de votre proposition de loi, il faut se souvenir des propos de votre gourou Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne des élections présidentielles de 2017. Interrogé sur le financement des établissements privés, il avait répondu qu’il devait être maintenu par nécessité et qu’un changement de position prendrait du temps, car il n’est pas possible de fermer en un instant tous les établissements privés.
Il y a donc bien une volonté de votre part de relancer la guerre scolaire et de ne pas tenir compte de la réalité, notamment dans les territoires ruraux, où la mixité sociale des établissements privés est plus importante que dans des établissements publics comme Henri IV, où j’ai eu la chance de faire mes études, grâce à mes bonnes notes et à mon travail.
La mixité sociale, qui est au cœur de notre pacte républicain, est un impératif qui s’impose au privé comme au public. Votre proposition de loi ne concerne pourtant que le privé alors que la ségrégation sociale, qui s’observe dès le collège, existe également dans les établissements d’enseignement publics. Nous devons mener ce combat sans relancer la guerre scolaire. Des initiatives locales montrent la voie, comme en Haute-Garonne, où le département a mis en place des incitations financières pour encourager les établissements privés sous contrat à diversifier leur public. Il est donc possible d’agir de manière ciblée et pragmatique, loin de toute idéologie, et d’éviter ainsi de sanctionner les élèves et leurs familles.
La mixité sociale ne se décrète pas et ne peut se traduire à la simple échelle d’un établissement. La dynamique est territoriale et dépend du lieu d’implantation des établissements et des contraintes propres aux familles. Le privé et le public ne s’opposent pas : ils se complètent. Conditionner les financements publics à un indicateur de mixité sociale est une idée qui peut paraître séduisante sur le papier, mais qui risque d’avoir des effets contre-productifs.
Mme Nicole Sanquer (LIOT). Le financement public des établissements d’enseignement privé est une composante essentielle du principe constitutionnel de la liberté de l’enseignement. Il est d’autant plus légitime que, grâce au contrôle, il permet de s’assurer de la qualité de l’enseignement et de la sécurité.
Notre groupe est toutefois préoccupé par la diminution continue de la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat, qui semble moins marquée dans les territoires ruraux que dans les grands centres urbains. L’augmentation des inégalités socioscolaires entre établissements privés et publics contrevient à l’objectif initial de la loi Debré, qui n’avait pas vocation à créer un système dual avec des entités concurrentes. Il est donc possible de demander de plus grandes contreparties, d’autant que la loi a assigné en 2021 un objectif de mixité sociale aux établissements privés.
Toutefois, les dispositifs proposés nous interrogent. Quelles seront les modalités de l’indicateur de mixité sociale ? Quels seront ses effets de seuil ? Comment éviter que la diminution des ressources d’un établissement entraîne l’augmentation de la contribution demandée aux familles, et ne renforce donc l’absence de mixité ?
Notre groupe souhaite aussi alerter sur la désaffection des familles à l’égard de l’enseignement public. Contrairement aux croyances, il est difficile de conclure que le meilleur niveau scolaire dans les établissements privés est directement lié à leur enseignement. L’origine sociale des élèves l’explique sans doute davantage. Les carences de notre système public demeurent considérables. C’est un constat d’échec pour l’État face auquel nous ne devons pas nous résigner. Notre priorité devrait consister à mieux armer le service public de l’éducation.
Il reste que le sujet soulevé par cette proposition de loi est légitime. Il faut réfléchir à un changement du système de financement public de l’enseignement privé. Les ressources des établissements doivent mieux correspondre aux besoins scolaires au niveau local, comme le suggère la Cour des comptes. Les contrats signés entre l’État et les établissements pourraient ainsi fixer des objectifs en termes de composition sociale et une modulation des moyens attribués sur cette base pourrait alors être envisagée.
Mme Soumya Bourouaha (GDR). En 1900, le président du conseil, Pierre Waldeck-Rousseau, mettait en garde contre les dangers d’une jeunesse divisée : « […] deux jeunesses, moins séparées encore par leurs conditions sociales que par l’éducation qu’elles reçoivent, grandissent sans se connaître jusqu’au jour où elles se rencontrent si dissemblables qu’elles risquent de ne plus se comprendre. » Il dénonçait à l’époque le rôle des congrégations religieuses dans un clivage menaçant l’unité de la République. Plus de cent ans plus tard, ce n’est plus la religion qui fragmente notre jeunesse, mais une ségrégation sociale et scolaire de plus en plus marquée.
Le nombre d’élèves inscrits dans l’enseignement privé sous contrat reste stable, mais la mixité sociale y régresse fortement depuis vingt ans. Tandis que l’enseignement public accueille en majorité des élèves issus de milieux défavorisés, le privé attire principalement les enfants des classes moyennes et aisées dans une logique de distinction sociale, soulignée par la Cour des comptes. Les familles des classes supérieures cherchent à offrir à leurs enfants une éducation jugée plus performante et sécurisée, loin d’un enseignement public perçu comme une difficulté. Cette dynamique est amplifiée par les politiques publiques qui désinvestissent massivement dans l’école publique sous couvert d’un contrôle budgétaire accru, ce qui détériore les conditions de travail des enseignants et du personnel et accroît les difficultés pour tous les élèves. Nous assistons donc aujourd’hui au développement d’un système éducatif à deux vitesses où les classes populaires voient s’amoindrir leurs possibilités de s’émanciper par l’éducation alors que les classes supérieures reproduisent leurs privilèges.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à remédier à cette fracture. Elle propose de conditionner les financements publics accordés aux établissements privés à leur participation effective à la mixité sociale. Cette réponse à la ségrégation scolaire croissante est nécessaire, mais elle ne suffira pas à résoudre le problème dans sa globalité. Sans un investissement massif dans l’école publique, la qualité de l’enseignement et les conditions de travail des personnels continueront de se dégrader. Les familles des classes moyennes et supérieures, en quête d’une éducation de qualité pour leurs enfants, continueront alors à se tourner vers le privé. Le projet de loi de finances pour 2025 semble ne pas avoir pris la mesure de cet enjeu.
M. Maxime Michelet (UDR). Dans quelques semaines, nous célébrerons le soixante-cinquième anniversaire de la loi Debré. Cette grande loi avait mis fin à la guerre scolaire grâce à un système qui a fait la preuve de son efficacité et qui a résisté aux nombreuses attaques de la gauche.
Le présent texte est une énième attaque contre l’enseignement privé : il propose d’affaiblir son financement pour mieux l’asphyxier. Rappelons que le financement de l’enseignement privé par l’État est la contrepartie des contrats passés avec les établissements, qui permettent le libre choix des familles, tout en garantissant le respect des programmes scolaires et de la structure pédagogique commune à tous les élèves de France. Ce système donnant-donnant garantit donc à la fois la liberté, l’équité et la qualité.
En raison de la qualité de leur enseignement, les établissements privés sont plébiscités par les familles françaises : la moitié d’entre elles ont mis dans l’enseignement privé au moins un enfant à au moins un moment de sa scolarité.
Ce système populaire et fonctionnel a fait ses preuves au cours des décennies passées et il scolarise aujourd’hui plus de 2 millions d’élèves. Vous souhaitez pourtant le déstabiliser en vue de le supprimer au nom d’une mixité sociale que vous élevez en dogme et en condition sine qua non de la réussite scolaire. L’origine sociale serait le seul critère de la réussite scolaire.
Votre proposition de loi témoigne de votre méconnaissance de l’enseignement privé. Vous avez d’ailleurs choisi de n’auditionner aucun représentant de l’enseignement libre. Votre prisme parisien réduit l’école privée à l’image que vous vous faites du lycée Stanislas. Vous oubliez le rôle cardinal joué par l’enseignement privé dans nos régions et tout particulièrement dans nos campagnes avec l’enseignement agricole. Vous ignorez le déterminisme territorial et historique des établissements privés et de certains des établissements publics des centres urbains qui ont été cités. L’enseignement privé aspire d’ailleurs à corriger ce déterminisme, mais trop souvent les académies n’autorisent pas l’implantation dans d’autres territoires.
Comme l’a affirmé Michel Debré, l’enseignement privé témoigne d’une liberté essentielle et la République s’est toujours grandie en garantissant la liberté d’enseignement consolidée dans le système éducatif hérité de la loi de 1959. Ce système est un atout pour nos familles, pour nos territoires mais aussi pour nos écoles publiques, qui peuvent s’enrichir de la liberté d’expérimentation éducative et pédagogique des établissements privés.
Le groupe UDR ne laissera pas l’idéologie saborder une fois de plus ce qui fonctionne dans ce pays. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vos interventions témoignent de l’évolution profonde du contexte dans lequel se pose la question de la place de l’école privée dans notre société.
La fébrilité du camp conservateur est nouvelle car, pendant des années, l’accusation de guerre scolaire avait suffi à empêcher le débat. Elle vous conduit à une forme de créativité. Vos suggestions au regard des enjeux de mixité sociale à l’école – vouvoiement, uniforme, interdiction du portable – me paraissent relever de l’improvisation face à un phénomène bien réel et amplement documenté.
Les mythes que vous avez évoqués ne résistent pas aux travaux de recherche en sciences sociales et en économie.
Non, l’école privée ne fonctionne pas mieux que l’école publique. Elle sélectionne les meilleurs élèves, mais ses performances éducatives ne sont pas meilleures que celles de l’école publique. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Depp.
Non, les écoles privées ne sont plus choisies aujourd’hui pour leur caractère propre, critère de choix pour seulement 15 % des familles selon l’Association des parents d’élèves des écoles libres (Apel). Tout indique que le choix du privé est d’abord celui d’un entre-soi social.
Votre fébrilité vous conduit aussi à des caricatures. Ni mon groupe ni moi-même n’avons de projet dissimulé. Je n’ai pas l’habitude de dissimuler mes idées ou mes intentions. Elles sont parfaitement claires : cette proposition de loi ne vise pas à supprimer l’école privée sous contrat, mais à rééquilibrer un système par l’instauration d’un malus et la modulation du financement public.
Je remercie notre collègue Jérémie Patrier-Leitus d’avoir rappelé la constance des positions de La France insoumise et de son candidat à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon. Nous ne voulons pas la disparition de l’école privée sous contrat : nous souhaitons la soumettre à un pilotage public, puisqu’elle est financée à plus de 75 % par des fonds publics.
Plusieurs éléments de diagnostic sont désormais partagés par un grand nombre d’entre nous, et je m’en réjouis. Ils portent sur l’ampleur de la ségrégation socioscolaire et sur la nécessité pour les établissements privés d’obéir à des objectifs démocratiquement fixés par les représentants du peuple que nous sommes. La question de l’école privée est donc celle de la cohésion de toute notre société.
Elle est aussi celle de la performance éducative globale de notre système. Le moment où les inégalités socioscolaires ont commencé à se creuser – le début des années 2000 – est aussi celui où notre pays commence à décrocher dans les enquêtes du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa). Ce décrochage concerne tous les élèves, y compris les meilleurs. Tous les pédagogues s’accordent en effet pour dire que la mixité sociale à l’école est bonne pour tous les élèves, les élèves en difficulté comme les bons élèves. Un système caractérisé par la ségrégation affaiblit la performance éducative globale de notre nation. C’est aussi à cet enjeu que notre proposition de loi entend répondre.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des députés.
Mme Florence Joubert (RN). Selon un sondage, 75 % des Français jugent l’école privée meilleure que l’école publique en termes de résultats. Cette perception se vérifie dans les statistiques : selon une étude de 2023 du service statistique de l’éducation nationale, les élèves du public échouent quatre fois plus que ceux du privé à l’examen national du brevet. Cet écart, qui s’est significativement creusé en trente ans, ne peut s’expliquer seulement par une surreprésentation d’élèves issus de milieux favorisés. Il s’explique également par l’utilisation dans l’enseignement privé de méthodes pédagogiques mieux adaptées aux élèves et par l’exigence de l’excellence, de la discipline et du respect dans une atmosphère sécurisante.
En mettant uniquement en avant la question de la mixité sociale dans les établissements privés, cette proposition de loi fait l’impasse sur les motivations réelles des parents : donner de meilleures chances de réussite à leurs enfants. Elle risque ainsi d’avoir un effet contraire à celui escompté et de pousser ces parents à inscrire leurs enfants dans des établissements privés hors contrat où la mixité sociale est faible.
Mme Graziella Melchior (EPR). En Bretagne, le réseau des établissements de l’enseignement catholique couvre 55 % des communes et dans 14 % d’entre elles, l’école privée est le seul établissement scolaire. Il scolarise 41 % des élèves. J’ajoute que deux tiers des élèves fréquentent un établissement privé sous contrat au cours de leur scolarité. L’écart de l’IPS entre public et privé y est très faible et il est deux fois moins important qu’au niveau national. Les collectivités locales – tant la région, qui est de gauche, que le département du Finistère, qui est de droite – soutiennent d’ailleurs unanimement le financement du secteur privé. Il n’y a pas de guerre scolaire dans notre territoire. Au contraire, une saine émulation est créée et elle explique les excellents résultats au brevet et au baccalauréat, bien souvent les meilleurs de France.
Dans l’élaboration de votre proposition de loi, avez-vous fait cas des réalités territoriales, notamment bretonnes ?
M. Pierrick Courbon (SOC). Cette proposition de loi n’est pas issue d’une vision francilienne. L’ensemble du système de l’enseignement scolaire privé sous contrat ne peut évidemment pas être réduit à l’image de Stanislas et je voudrais apporter le témoignage d’un élu d’une ville de province. Saint-Étienne, avec ses 180 000 habitants, dont un quart des foyers vivent sous le seuil de pauvreté, compte des écoles publiques et privées en nombre suffisant pour que la scolarisation relève de la liberté de choix des parents. Parmi les trente-cinq écoles privées, seules deux ont un IPS inférieur à 90 et les cinq écoles présentant les IPS les plus élevés sont toutes des écoles privées.
Comment changer une telle réalité sans avoir recours à la régulation par l’argent ?
M. Eric Liégeon (DR). Cette proposition de loi risque de déstabiliser l’ensemble de l’enseignement privé sous contrat. Votre intention est de limiter l’influence des établissements privés en repensant leur financement public car vous les percevez comme un frein à l’égalité scolaire.
J’ai été jusqu’à récemment président du conseil d’administration d’un lycée privé de ma circonscription. J’ai pu à cette occasion constater à quel point l’enseignement privé accueillait des publics diversifiés, issus de milieux fragiles et modestes. J’en profite pour saluer le travail remarquable des maisons familiales rurales (MFR) auprès des élèves en grande difficulté.
Ne faites donc pas d’un cas une généralité et évitez de légiférer de façon punitive. Attaquer le privé ne résoudra en rien les problèmes du public. Avec la refonte proposée, de nombreux établissements privés pourraient perdre une partie de leurs subventions, menaçant ainsi leur équilibre financier et leur capacité à accueillir des élèves d’origines diverses.
Mme Anne Sicard (RN). Ce texte montre que la priorité de la gauche et de l’extrême gauche est de souffler sur les braises pour relancer la guerre scolaire en France. Il y a pourtant bien d’autres urgences. La France n’est ainsi qu’à la vingt-sixième place du classement mondial en mathématiques et à la vingt-neuvième en lecture, mais pour la gauche soi-disant républicaine, autrefois attachée à l’exigence de transmission du savoir, ce n’est plus une priorité.
Ma question est très terre à terre. En finançant l’enseignement privé, l’État ne fait pas un cadeau aux riches, comme vous le prétendez. Il soulage le contribuable français déjà accablé d’impôts. Si les 2 millions d’élèves scolarisés dans le privé étaient rapatriés dans le public, cela ferait exploser le budget de l’éducation nationale de près de 8,5 milliards. Pensez-vous que cela soit souhaitable pour les finances de l’État ?
Mme Julie Delpech (EPR). Le système actuel de financement des écoles privées sous contrat par les communes engendre une dynamique particulièrement problématique pour des communes comme Beaumont-sur-Sarthe dans ma circonscription où la contribution versée aux écoles privées hors territoire s’élève à un montant de 714 euros par élève en école élémentaire, calculé sur la base du coût moyen par élève dans les écoles publiques. Cela représente 41 000 euros pour la commune sur l’année 2022-2023.
Ce mode de calcul crée un véritable cercle vicieux : lorsque les élèves quittent les écoles publiques pour rejoindre le privé, les coûts fixes des écoles publiques tels que les salaires des enseignants ou l’entretien des bâtiments restent inchangés mais doivent être répartis sur un plus petit nombre d’élèves, entraînant mécaniquement une augmentation du coût moyen par élève. Résultat : les contributions des communes aux écoles privées s’alourdissent et les écoles publiques locales se trouvent davantage fragilisées.
Quelles mesures pourraient être envisagées pour rompre ce cercle vicieux, pour assurer une répartition équitable des financements entre public et privé et pour préserver la soutenabilité financière de communes comme Beaumont-sur-Sarthe ?
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je suis moi aussi une députée bretonne et j’ai fait ma scolarité en Bretagne. L’école privée est bien inscrite dans l’histoire de cette région. Souvent, en zone rurale, il n’y a pas le choix entre le public et le privé du fait parfois de l’absence d’école publique de proximité. L’esprit de la loi Debré n’est donc pas respecté. C’est l’école privée qui assure une mission de service public.
Nous ne sommes pas dans la guerre scolaire ; nous ne voulons pas diriger 100 % des financements vers l’école publique. Nous proposons de l’apaisement. Notre rôle est de fixer démocratiquement des objectifs pour l’école publique comme privée et d’assurer une égalité entre ces deux écoles sur nos territoires. Ne soyez pas caricaturaux.
M. Erwan Balanant (Dem). L’exemple de la Bretagne est révélateur de l’inutilité de cette guerre scolaire que vous voulez relancer. Je suis tombé sur un site – sans doute ancien – de M. Paul Vannier où sont publiés des articles qui traduisent une volonté manifeste de crisper le débat.
En Bretagne, le public et le privé travaillent régulièrement ensemble. Les enfants passent d’un système à l’autre et cela marche très bien, ainsi qu’en témoignent les résultats au brevet et au baccalauréat des jeunes Bretons.
M. Sacha Houlié (NI). Je voudrais d’abord saluer tous ceux qui, ces dernières années, ont remis le sujet de la mixité sociale et scolaire sur la table. Je pense au rapport de M. le rapporteur et de M. Weissberg, à la proposition de loi de Mme la présidente, à l’action de M. Pap Ndiaye comme ministre, au projet sur les montées alternées mené à Paris par le recteur Christophe Kerrero et à l’action de Sébastien Vincini comme président du conseil départemental de Haute-Garonne.
Une première victoire a eu lieu en 2022, avec la publication des IPS. Cette communication annuelle des IPS n’a toutefois pas de base légale et je proposerai donc de l’inscrire dans la loi.
Votre texte présente deux écueils. Le premier est sa position – la huitième – dans l’ordre de passage des textes de votre niche, qui ne permettra pas son examen en séance. Le second est de limiter l’exigence de mixité sociale aux établissements privés. Elle doit s’étendre aux établissements publics.
Je regrette que mon amendement proposant d’interdire l’ouverture d’une classe par l’enseignement privé après la fermeture d’une classe dans le public dans la même zone géographique ait été déclaré irrecevable. Je laisse cette idée au profit de la collectivité. Elle pourra être reprise à l’occasion de l’examen d’un autre texte.
M. Paul Vannier, rapporteur. Madame Joubert, vous aimez les sondages, moi aussi. L’Institut Harris en a publié un hier qui indique que 66 % des Français sont favorables à la modulation du financement des établissements privés sous contrat pour atteindre des objectifs de mixité sociale et scolaire. C’est un signe du changement de contexte que j’ai évoqué.
Le dispositif que je défends est incitatif, progressif et territorialisé. Il vise à comparer, grâce à un indice de mixité socioscolaire, la situation dans un établissement privé par rapport aux établissements publics environnants et à mesurer la ségrégation. Les écarts d’IPS sont différents sur le territoire. Ainsi, dans le Grand Ouest et dans le Massif central, ces écarts sont plus faibles qu’ailleurs.
Mon objectif n’est pas de faire baisser le financement public des établissements privés sous contrat : il est de parvenir à la mixité sociale et scolaire dans tous les établissements scolaires relevant du service public de l’éducation dans notre pays. Les établissements privés sous contrat affichant des profils socioscolaires d’élèves moyens analogues à ceux des établissements publics environnants conserveront l’intégralité de leur financement public. Le dispositif se déclinera donc territoire par territoire en fonction de réalités différentes.
M. Courbon a raison de rappeler que la ségrégation n’est pas une question limitée à Paris et à l’Île-de-France : elle concerne les grandes métropoles comme les villes moyennes. La ségrégation se voit d’ailleurs renforcée ces dernières années en raison de la stratégie des réseaux d’établissements privés sous contrat, qui font le choix de fermer des écoles en milieu rural pour en ouvrir en ville-centre ou en proche banlieue où ils peuvent accueillir davantage d’élèves.
Monsieur Liégeon, vous avez rappelé qu’il ne faut pas faire d’un cas particulier une généralité. Vous avez raison et je vous suggère de prendre un peu de distance avec votre propre expérience. Il existe certes des établissements privés sous contrat qui présentent une mixité sociale importante, mais les études indiquent qu’il s’agit d’exceptions, car la ségrégation scolaire et sociale est très forte et n’a cessé de s’aggraver au cours des vingt-cinq dernières années.
Madame Sicard, reprenant les termes de la ministre de l’éducation nationale, vous insistez sur la nécessité de relever le niveau. Tous les parlementaires ont à cœur l’efficacité de nos établissements, quels qu’ils soient, et toute personne prête à sortir des postures et des slogans pour s’intéresser au fond des choses pourra constater que la performance éducative est étroitement corrélée à la mixité scolaire et sociale. Le décrochage de la France dans les enquêtes Pisa est intervenu au début des années 2000, au moment même où les écarts entre public et privé se sont creusés. Pour atteindre les objectifs que vous visez, il faut donc œuvrer en faveur d’une plus large mixité sociale et scolaire.
Vous affirmez que l’école privée coûte moins cher que l’école publique, ce qui est faux. La part du financement public des établissements privés s’élève à 75 % mais il est impossible d’estimer à l’euro près le montant global de cette dépense, comme nous avons pu l’établir avec Christopher Weissberg dans notre rapport d’information. Elle s’élèverait selon le ministère entre 10 milliards et 12 milliards d’euros par an mais je penche plutôt pour un coût allant de 12 milliards à 15 milliards d’euros. La fermeture des établissements privés, que personne ne propose, conduirait, dites-vous, à ajouter 8,5 milliards d’euros au budget de l’éducation nationale. Or ces sommes figurent déjà dans le budget de l’État, la simple lecture des bleus budgétaires vous le confirmera. Soulignons, en outre, que de nombreux éléments liés aux coûts ne sont jamais pris en compte. Ainsi la masse salariale des établissements privés est moindre que celle des établissements publics parce que le corps enseignant compte peu d’agrégés et davantage de contractuels. Par ailleurs, le mode de calcul des retraites diffère et les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont tous financés par des crédits inscrits sur les programmes finançant l’enseignement public.
Madame Delpech, je me suis beaucoup intéressé dans mon rapport d’information au forfait communal. Nous savons que si un maire accorde, par élève et par an, un euro de plus à un établissement public, il doit verser la même somme par élève à un établissement privé, sans toutefois avoir la garantie que l’objectif qu’il poursuit sera atteint par ce dernier. Nous avions proposé, avec Christopher Weissberg, de réviser ses modalités de calcul, laissées par la circulaire actuelle à une trop grande marge d’interprétation de la part des communes. Rendre exhaustive la liste des dépenses prises en compte contribuerait à une harmonisation et une clarification à l’échelle nationale.
Mme Mesmeur a eu raison de rappeler qu’il existe des départements – le Morbihan, une partie de la Vendée, du Maine-et-Loire, de l’Aveyron –, où les écoles publiques sont trop éloignées du lieu d’habitation de certaines les familles. Pour garantir la liberté de notre enseignement, il faut lutter contre ces déserts d’écoles publiques.
Monsieur Houlié, je vous remercie de me donner l’occasion de rendre hommage à mon groupe qui a fait le choix courageux d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. Si vous voulez donner un avenir à ces dispositions, je vous invite à travailler avec moi à un texte transpartisan afin de garantir la mixité scolaire et sociale dans l’ensemble du système éducatif.
Article unique
Amendements de suppression AC2 de M. Jean Laussucq, AC5 de M. Maxime Michelet, AC11 de M. Roger Chudeau et AC12 de Mme Frédérique Meunier
M. Jean Laussucq (EPR). Dans ma circonscription, la question de la mixité sociale se pose autant pour le privé que pour le public. Si nous voulons apporter des solutions, il faut essayer de rassembler au lieu d’opposer les deux modèles comme le fait cet article unique que nous voulons supprimer. J’estime que les établissements privés sous contrat participent au service public de l’éducation. Réduire les financements qui leur sont versés ne ferait qu’accentuer les différences sociales.
M. Maxime Michelet (UDR). Au nom des professeurs et des personnels des établissements privés, des plus de 2 millions d’élèves qui y sont scolarisés et de leurs familles, nous refusons les accusations portées dans cette proposition de loi. La mixité sociale construite à coups d’indicateurs, de quotas, d’algorithmes ne résoudra pas les problèmes de notre système éducatif dont la mission fondamentale, face aux inégalités, est d’offrir à tous les élèves partout sur le territoire des enseignants et des enseignements d’une égale qualité. L’école privée n’est pas un gouffre financier qui happe les fonds destinés à l’école publique. Grâce à elle, 8,5 milliards de dépenses sont évitées à l’État et aux collectivités. L’enseignement privé n’est pas non plus la cause des dysfonctionnements du système scolaire. Nous considérons cet espace de liberté comme une chance pour l’éducation nationale qui pourrait s’inspirer de ce qui y fonctionne.
Cette proposition de loi constitue une attaque contre l’enseignement privé, en particulier contre l’enseignement catholique dont nos collègues refusent le simple droit à l’existence. Pour notre part, nous défendrons toujours la liberté pour nos écoles privées d’exister et pour nos familles de les choisir.
M. Roger Chudeau (RN). Les intentions politiques de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, sont tout à fait transparentes, elles sont même d’une clarté biblique : elles s’inscrivent dans la continuité du rapport que vous aviez rédigé avec M. Weissberg, véritable réquisitoire stalinien qui avait fait scandale l’année dernière pour son sectarisme laïcard.
Surtout, votre texte repose sur le postulat hautement contestable selon lequel la mixité serait la condition de la réussite scolaire, ce qui renvoie à une sorte de darwinisme social. Pour que l’école fonctionne, il faudrait mélanger les enfants du peuple, sorte de crétins congénitaux, avec des enfants de bourgeois, dotés d’un quotient intellectuel extraordinaire. Voilà qui rejoint votre racialisme. D’une certaine manière, nous assistons à la déroute intellectuelle de LFI. Nous nous opposons fermement à votre proposition de loi.
Mme Frédérique Meunier (DR). Par cet amendement de suppression, notre groupe entend marquer sa désapprobation à l’encontre de l’esprit de cette proposition de loi et de la méthode retenue par le rapporteur pour traiter de la question de la mixité sociale dans nos établissements privés. Nous ne pouvons en aucune manière nous associer à une entreprise si grossièrement partisane de sape et de déstabilisation de l’école privée. Il nous apparaît évident qu’en souhaitant mettre en place un outil statistique punitif pour mesurer la mixité sociale dans les établissements privés, les signataires de ce texte méconnaissent une part importante des raisons pour lesquelles les chiffres sont en baisse ces dernières années.
Notre groupe ne minore en rien l’importance de cet enjeu ; simplement, il lui paraît mériter une analyse moins caricaturale et moins doctrinaire. Ses membres sont animés par le souci constant de redonner à notre école ses capacités d’émancipation collective. Pour qu’elle puisse remplir ses missions fondamentales, il importe de lui permettre de s’adapter efficacement aux spécificités de chaque territoire. Si nous nous opposons à une réponse planificatrice, centralisée et autoritaire, pour reprendre les mots du sénateur Brisson, ce n’est pas parce que nous nions les difficultés mais bien parce que nous estimons que l’approche retenue dans ce texte va à l’encontre des politiques publiques qu’il faudrait mener pour sortir notre école de l’ornière.
M. Paul Vannier, rapporteur. Monsieur Laussucq, vous avez tout à fait raison : la mixité sociale est aussi un enjeu dans les établissements publics. Rappelons toutefois que du fait de la logique de la carte scolaire dans laquelle ils s’inscrivent, leur composition sociale se rapproche de celle des secteurs auxquels ils appartiennent. En outre, le critère de l’IPS entre pour 30 % dans l’allocation des moyens au niveau académique et infra-académique. C’est cette logique que je propose d’étendre aux établissements privés.
Monsieur Michelet, je ne distingue pas comme vous des établissements catholiques, pas plus que des établissements protestants, musulmans, juifs ou laïcs. Fidèle à la définition de la loi Debré, je ne reconnais que des établissements à caractère propre. Il faut légiférer pour tous ces établissements, quels qu’ils soient, en leur laissant la liberté de mettre en avant telle ou telle singularité.
Monsieur Chudeau, nous sommes habitués à vos outrances mais vous m’avez semblé particulièrement exalté. Dans l’indice de mixité culturelle que vous proposez de créer, on retrouve les fondamentaux de l’extrême droite selon lesquels les origines supposées des élèves impliqueraient un comportement scolaire. Sachez qu’une fois lissés les effets liés à l’IPS, les élèves d’origine étrangère réussissent tendanciellement mieux que les autres élèves dans notre système éducatif.
Enfin, Madame Meunier, je dois répéter que ma proposition de loi ne vise nullement à mettre en œuvre un mécanisme planificateur, centralisé et autoritaire. Elle repose au contraire sur un système incitatif, progressif et territorialisé puisque ne seront concernés que les établissements privés sous contrat présentant un écart de composition sociale significatif avec les établissements publics du même territoire, à proportion de leur contribution à la ségrégation socioscolaire.
Demande de retrait ou avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. Sacha Houlié (NI). Je le répète, cette proposition de loi comporte plusieurs écueils. D’abord, la modulation des financements ne concerne que quelques établissements alors qu’elle devrait s’appliquer à tous. Ensuite, la confusion entre IPS et nouvel indice de mixité sociale ne participe pas à l’intelligibilité du système que vous voulez mettre en place. Par ailleurs, l’application des pénalités allant jusqu’à une diminution de 50 % des financements risque d’être soumise à la censure constitutionnelle. Enfin, je regrette que, compte tenu de la position que vous lui avez attribuée dans l’ordre du jour de votre niche, cette proposition de loi ait le statut de simple témoignage. Cela étant, je ne souhaite pas la suppression de cet article dont je proposerai une nouvelle rédaction.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les membres du groupe Horizons & Indépendants n’ont pas pour habitude de voter pour les amendements de suppression mais cette fois-ci, nous le ferons car dans l’exposé des motifs de votre texte, monsieur le rapporteur, vous n’évoquez à aucun moment la mixité sociale dans les établissements publics. Certes, vous vous êtes expliqué sur les raisons de cette cécité mais nous estimons que cette question mérite mieux qu’une réponse partielle. Elle appelle une réflexion globale, fondée sur les réalités locales, et des efforts de coopération entre tous les acteurs éducatifs, privés comme publics, à l’échelle d’un territoire. Plutôt qu’un dispositif punitif et uniforme, engageons-nous, par un ambitieux travail transpartisan, à élaborer des solutions concrètes adaptées aux spécificités locales.
M. Fabrice Brun (DR). J’aimerais apporter l’éclairage de mon expérience de terrain. Lorsque je visite les écoles publiques ou privées de ma circonscription ardéchoise, ce n’est pas un système éducatif à deux vitesses susceptible de fracturer le pays que j’ai en face de moi. Mû par la raison plutôt que par le ressentiment, je vois plutôt la manifestation du droit pour tout parent de choisir librement l’éducation donnée à son enfant, conformément à l’article 5 de la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est le respect de cette liberté de choix qui guide et guidera toujours notre action. Améliorer les apprentissages de nos enfants passe non pas par une opposition entre public et privé mais par un retour aux fondamentaux – lire, écrire, compte et respecter.
M. Erwan Balanant (Dem). Le groupe Démocrates restera fidèle à son principe de laisser les discussions sur les propositions de loi se poursuivre. Le débat, pour être intéressant, doit se fonder sur la réalité. Dans mon cher département du Finistère, il y a 204 écoles maternelles privées pour 344 publiques, 201 écoles élémentaires privées pour 334 publiques et 46 collèges privés et deux collèges Diwan pour 63 publics. Loin des déserts décrits par Mme Mesmeur, il y a une majorité d’établissements publics, qui plus est bien répartis. Les règles doivent simplement être identiques dans le public et dans le privé.
Mme Céline Calvez (EPR). Le groupe Ensemble pour la République votera également contre ces amendements de suppression car il considère que la discussion doit se poursuivre si nous voulons identifier les réponses possibles au défi de la mixité. Pour nous, elles ne passent pas par la prise en compte des seuls établissements privés. Par ailleurs, nous considérons que c’est l’IPS à l’échelle d’un territoire donné qui est pertinent et non pas uniquement celui d’un établissement, car le rapport entre privé et public varie d’un bout à l’autre de la France. Il importe, en outre, de s’interroger sur les avantages de l’indice de mixité par rapport à l’IPS et sur le malus car l’incitation nous paraît une dimension tout aussi importante. La modulation doit, à notre sens, jouer sur le financement non seulement de l’État mais aussi des collectivités locales. Enfin, il convient d’instaurer davantage de transparence dans les critères de sélection ou d’éviction utilisés par les établissements privés. Mettons à profit cette réunion pour avancer sur ces questions.
Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Pour travailler dans de bonnes conditions, évitons les caricatures. Nous n’envisageons pas de fermer des établissements privés sous contrat, ni de réduire leur financement, pas plus que nous ne rendons responsable l’école privée des difficultés que rencontrerait l’enseignement dans notre pays. Nous disons simplement que le fait de recevoir de l’argent public crée pour les établissements privés sous contrat des obligations, parmi lesquelles figure l’accueil de tous les enfants.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il n’est pas question de raviver la guerre scolaire. Certains reprochent à cette proposition de loi d’être idéologique : oui, elle l’est, comme l’est le fait de faire coexister établissements privés et établissements publics, ce qui n’est pas le cas de dans tous les pays. Rassurez-vous, monsieur Chudeau, il n’est pas dans nos intentions d’embrigader les enfants dans des écoles fondées sur un modèle stalinien. Nous partons d’une réalité qui est le fruit de l’histoire : dans certains territoires, les parents n’ont d’autre choix que de mettre leurs enfants dans des écoles privées. Nous considérons que celles-ci doivent contribuer au service public de l’éducation nationale, auquel nous sommes tous liés, en vertu du contrat social hérité de Jean-Jacques Rousseau. Cette proposition de loi est donc de nature à rassembler.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Le dispositif de la proposition de loi est, à nos yeux, totalement inapproprié. Il passe à côté de certaines réalités : comment appliquer un indice de mixité sociale dans les écoles rurales ne comptant que très peu d’élèves ? Comment prendre en compte la mixité sociale dans les établissements publics ? N’oublions pas, en outre, que le fait d’être scolarisés dans des établissements privés permet à des enfants issus de milieux défavorisés de suivre un parcours de réussite.
Mme Claudia Rouaux (SOC). Dans les territoires ruraux, il y a moins de disparités sociales entre établissements privés et établissements publics. Toutefois, les écarts sont manifestes dans les grandes villes. Nous ne pouvons ignorer le fait que dans les établissements REP ou REP+ des zones urbaines périphériques, où le taux de pauvreté est élevé et le taux d’intégration par le travail faible, la mixité sociale est absente.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je remercie ceux de nos collègues qui se sont engagés à ne pas voter ces amendements de suppression. Notre débat nous permettra notamment d’aller plus loin dans l’exploration de la question passionnante des indicateurs et de leur construction. L’IPS rencontre des limites car il repose sur les seules déclarations des chefs d’établissement. En faire dépendre le volume des financements serait donc délicat. Par ailleurs, il doit être complété pour pouvoir mesurer, outre la ségrégation sociale, la ségrégation scolaire.
Quant au malus de 50 %, soit le taux maximal, rapporté à l’ensemble du budget d’un établissement, il aboutirait à diminuer d’un tiers ses ressources puisque 75 % dépendent de fonds publics. Ma proposition de loi n’a donc rien d’inconstitutionnel, monsieur Houlié.
Monsieur Patrier-Leitus, je suis d’accord avec vous : la mixité sociale mérite mieux qu’une réponse partielle. Or, si elle est partielle, c’est que les obligations qui y sont liées ne s’appliquent actuellement qu’aux établissements publics, qu’il s’agisse de la carte scolaire ou de la modulation de l’allocation des moyens en fonction de l’IPS. Ma proposition de loi vise précisément à étendre aux établissements privés cette logique afin d’assurer une plus grande mixité sociale dans tous les établissements. Cela dit, je suis prêt à examiner cet enjeu à l’échelle des établissements publics.
La commission rejette les amendements.
Amendement AC14 de M. Sacha Houlié
M. Sacha Houlié (NI). Cet amendement poursuit des objectifs plus globaux. Il propose une réécriture complète de l’article unique en instaurant un dispositif plus simple consistant à pondérer la répartition des moyens attribués aux établissements scolaires du premier et du second degré en fonction d’un indicateur de mixité sociale, appelé à être défini par décret au même titre que les taux de modulation.
M. Paul Vannier, rapporteur. Ce dispositif ne permettrait pas, à mon sens, d’améliorer la mixité dans les établissements. L’IPS est déjà pris en compte par les académies pour allouer les moyens entre établissements publics. La direction des affaires financières du ministère indique ainsi que l’IPS joue pour environ 30 %, les deux autres critères pris en compte étant le nombre d’élèves et l’évolution démographique attendue. Il ne semble pas possible d’aller plus loin, dans la mesure où les établissements publics sont soumis à la carte scolaire.
S’agissant des établissements privés, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a prévu que soit créée dans chaque académie, une commission de concertation veillant notamment à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements privés sous contrat. Dans environ un tiers des académies, ces commissions, qui constituent l’organe adéquat pour aborder la question de la modulation des financements, n’ont même pas encore été créées et aucun bilan de leur action n’a été établi plus de trois ans après l’adoption de cette loi.
Enfin et surtout, dans le cadre législatif actuel, le principe de parité des financements et la non-fongibilité des crédits entre public et privé ne pourraient que conduire à orienter des crédits supprimés à des établissements privés très favorisés vers d’autres établissements privés, peut-être moins favorisés mais ayant néanmoins presque toujours un IPS supérieur, voire très supérieur, aux établissements publics du même bassin.
Avis défavorable.
M. Roger Chudeau (RN). La mixité sociale ne saurait être considérée comme l’alpha et l’oméga en matière de réussite de notre système éducatif. Vous souligniez que du fait de la carte scolaire, la composition sociologique des établissements reflétait celle des quartiers dans lesquels ils sont implantés. Il existe des écoles de quartiers populaires dans lesquelles les enfants d’origine populaire réussissent très bien, pour des raisons qui tiennent avant tout à la qualité des enseignants, comme l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a pu le montrer. Les résultats scolaires ne dépendent en rien de la mixité sociale et nous nous opposerons systématiquement aux amendements visant à l’étendre.
M. Sacha Houlié (NI). Le dispositif que je propose est défendu par le groupe socialiste au Sénat et à l’Assemblée et il figurait même dans une proposition de loi de notre présidente. Le mécanisme de modulation qu’il comporte est nouveau, contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, et de nature à améliorer la situation.
Par ailleurs, il est rassurant de savoir qu’un mécanisme de péréquation s’applique au sein des établissements privés et que ceux où l’IPS est plus faible peuvent recevoir davantage de financements, même si celui-ci est plus élevé que dans les établissements publics voisins.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Monsieur Chudeau, vos positions doctrinaires ne résistent pas à l’examen des faits. Ce que vous dites est tout simplement faux. Les études internationales, dont on pourrait d’ailleurs contester la validité idéologique, montrent que les pays où la réussite des élèves est la plus élevée sont ceux où la mixité sociale et scolaire est la mieux assurée. Ce sont ceux aussi où le taux d’encadrement est bien supérieur à celui qui prévaut dans nos établissements publics. Prenons l’exemple d’un pays du Nord où deux enseignants pour chaque classe sont prévus dans les écoles primaires de quartiers où vivent les populations les plus précarisées.
Ne nous trompons pas de débat. La proposition de loi, en étendant la mixité, renforcerait bel et bien l’efficacité de notre système éducatif. Nous aurons l’occasion de débattre des moyens des établissements publics et privés et j’espère que nous nous retrouverons sur la nécessité de renforcer la communauté scolaire, notamment en nous opposant aux 4 000 suppressions de postes d’enseignants et aux suppressions de postes d’assistants d’éducation.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je précise que cet amendement de réécriture de l’article unique, s’il est intéressant, propose un dispositif moins ambitieux que celui de la proposition de loi.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC7 de Mme Céline Calvez
Mme Céline Calvez (EPR). Nous proposons dans cet amendement de mettre en place une logique incitative. Il s’agit d’accorder des bonus aux établissements privés sous contrat mettant en œuvre des moyens spécifiques pour favoriser la mixité, comme une plus grande progressivité des tarifs. Les établissements publics doivent être également pris en compte.
Par ailleurs, nous souhaitons poser la question de la place de l’IPS dans le code de l’éducation.
M. Paul Vannier, rapporteur. L’IPS est déjà un critère d’allocation des ressources entre établissements publics ; il compte pour environ 30 %.
Dans le cadre législatif actuel, une telle répartition ne pourrait que conduire à réallouer des crédits supprimés à des établissements privés très favorisés vers d’autres établissements privés, peut-être moins favorisés, mais ayant néanmoins presque toujours un IPS supérieur, voire très supérieur aux établissements publics du même bassin. Votre amendement, s’il était adopté, conduirait à exacerber à l’échelle locale les inégalités entre les établissements privés qui, grâce au bonus, se verraient confier toujours plus de moyens, et les établissements publics qui continueraient d’en être privés.
Mme Céline Calvez (EPR). Certaines écoles privées jouent le jeu de la mixité. Dans ma circonscription, au sein d’un même réseau, une école favorise concrètement la mixité tandis que l’autre ne la cultive pas beaucoup. La solution que je propose serait intéressante puisque le bonus de l’un serait le malus de l’autre. Il s’agit de rester dans une enveloppe constante pour le financement des écoles privées sous contrat dans une académie. Encourageons les établissements privés qui jouent le jeu de la mixité !
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le combat pour la mixité sociale doit prendre en considération les établissements publics comme privés. Nous ne voterons pas cependant cet amendement parce qu’il n’utilise pas le bon véhicule législatif. Par ailleurs, nous ne pensons pas que le travail approfondi mené par le rapporteur permettra un débat serein et constructif. Nous serons donc défavorables à tous les amendements sur ce texte.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur des comportements individuels mais sur une logique collective. Alors que les écoles publiques s’efforcent de traiter la question de la mixité sociale, les écoles privées s’en dispensent. Ce texte doit donc être voté par l’ensemble des parlementaires parce qu’il constitue un premier pas vers notre objectif commun, à savoir que l’école, qu’elle soit publique ou privée, forme des citoyens. Si nous ne créons pas de cohésion sociale dans le système éducatif, nous n’y parviendrons pas.
M. Paul Vannier, rapporteur. Il est vrai, même si c’est rare, que certaines écoles privées jouent le jeu. Celles-ci ne seraient pas concernées par le malus dès lors qu’elles seraient mixtes socialement et scolairement. Elles n’auraient pas pour autant à bénéficier d’un bonus parce que les écoles publiques environnantes ne pourraient pas y prétendre : étant soumises à la carte scolaire, ces dernières ne peuvent pas faire évoluer leur composition sociale et scolaire.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il est difficile, quand on propose un amendement sur deux programmes budgétaires distincts, l’un concernant le privé et l’autre le public, de trouver une solution de vases communicants entre les deux. Cela ne règlerait d’ailleurs pas le problème puisque les cas de non-mixité se constatent majoritairement dans le privé.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AC19 et AC22 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier, rapporteur. Ces amendements visent à préciser que le service public de l’enseignement a un objectif de mixité non seulement sociale, mais également scolaire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AC20 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier, rapporteur. L’amendement vise à préciser l’indicateur de mixité sociale et scolaire que je propose de créer en détaillant les modalités de sa construction. Celle-ci doit refléter l’effort éducatif des établissements à l’égard des élèves des milieux défavorisés et des élèves les plus en difficulté d’un point de vue scolaire, ces deux populations ne se recoupant pas, bien qu’elles présentent d’importants niveaux de corrélation.
Or l’indicateur de position sociale présente plusieurs faiblesses. Tout d’abord, il n’est pas défini par la loi et il n’est peut-être pas pertinent d’en figer la définition, afin de lui permettre d’évoluer. Ensuite, les méthodes selon lesquelles il est actuellement établi reposent en grande partie sur les établissements et pourraient susciter des stratégies de contournement. Enfin, il n’inclut aucune variable concernant le niveau scolaire des élèves et pourrait donc, en étant utilisé seul, conduire à un effet de bord par la captation des meilleurs élèves des milieux défavorisés par les établissements d’enseignement privé.
Pour ces différentes raisons, il semble pertinent de retenir des indicateurs objectifs et non contestables – la CSP des parents, le taux de boursiers par échelon dans le second degré, le résultat des évaluations nationales –, incluant également des données proprement scolaires.
M. Roger Chudeau (RN). Il ne relève pas du domaine de la loi de définir avec précision l’indicateur de mixité scolaire. L’IPS dans sa forme actuelle est un outil d’administration qui permet seulement l’allocation des moyens ; il s’agit d’un outil de pure administration. Il ne me semble pas que votre proposition s’inscrive dans les prérogatives du Parlement.
M. Erwan Balanant (Dem). Le sujet n’est pas tant la mixité que la réussite de tous les élèves, dans les villes comme dans les campagnes. Ayant effectué l’intégralité de mon éducation primaire dans un pensionnat privé avant de poursuivre mes études secondaires dans le public, je peux témoigner de la réussite des établissements publics et privés dans le Finistère et, plus largement, en Bretagne. Votre proposition remettrait en cause la liberté des territoires de s’organiser en fonction de leurs spécificités.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Je m’étonne que des députés ayant soutenu les différentes majorités du président Macron, qui n’ont cessé de demander des indicateurs objectifs, refusent cet amendement dont c’est précisément l’objet. Il vise en effet à se doter d’un indicateur fiable, de nature à aider le Parlement dans son travail. En effet, quand il existe autant d’exceptions, il convient de légiférer. Cela n’est plus du ressort du réglementaire.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Si certains ne veulent pas d’indicateur, c’est parce qu’ils ne veulent pas de mixité sociale. La réussite des élèves consiste certes à obtenir les meilleures notes, mais également à faire société avec des gens qui ne nous ressemblent pas. Or c’est sur ce point que notre République est menacée. Nous devons atteindre l’objectif de mixité sociale pour y remédier et, pour cela, il nous faut des indicateurs, d’autant plus nécessaires qu’il y a de l’argent public en jeu.
Mme Céline Calvez (EPR). Nous avons besoin d’indicateurs. Je regrette que l’on abandonne l’idée de consacrer l’IPS dans la loi, tout comme je déplore que votre amendement ne tienne pas compte du critère de la mobilité au sein d’un territoire – dans ma circonscription, par exemple, nous enregistrons quelque 10 % d’arrivées chaque année. Nous allons malheureusement voter contre cet amendement parce qu’il n’apporte pas les réponses attendues dans le débat sur l’IPS.
Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les critères retenus pour les REP et les REP+ sont les mêmes depuis 2014 : catégories socioprofessionnelles, nombre d’élèves boursiers, taux de redoublants dans chaque établissement. Il s’agit donc de critères tout à fait habituels. L’amendement, même s’il peut être affiné, va dans le bon sens.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je propose de renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition de l’indicateur car cela ne relève pas de la loi. Je considère toutefois que c’est au législateur d’en fixer les principes.
L’indicateur variera dans le temps et sera renouvelé chaque année : il prendra donc en compte les effets de la mobilité résidentielle. Je n’abandonne pas l’IPS, qui est tout à fait utile et pertinent. Toutefois, la procédure de déclaration comporte une faiblesse puisque c’est le chef d’établissement qui renseigne le niveau d’IPS de son établissement sur la base des données qui lui sont transmises par les parents d’élèves. Or, de ce renseignement dépend le niveau de financement. Je propose de retenir la CSP des parents, c’est-à-dire précisément l’information qui permet de construire l’IPS. C’est un bon indicateur mais il ne suffit pas dans le dispositif que je propose.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC21 de M. Paul Vannier
M. Paul Vannier, rapporteur. Il s’agit d’élargir le territoire considéré pour calculer la moyenne des indicateurs de mixité sociale des établissements publics, qui sert de référence à l’évaluation de la contribution de l’enseignement privé à la mixité socioscolaire. Les établissements privés ont en effet un périmètre de recrutement plus large que le seul secteur sur lequel ils sont implantés. En outre, les secteurs ne comprennent en général qu’un seul établissement public par cycle. Un élargissement du périmètre au secteur contigu est donc nécessaire pour calculer une moyenne rendant compte de l’effort éducatif des établissements publics environnants.
La commission rejette l’amendement.
Elle rejette l’article unique.
Après l’article unique
Amendement AC13 de M. Sacha Houlié
M. Sacha Houlié (NI). Il s’agit de donner une base légale à l’IPS.
M. Paul Vannier, rapporteur. Si je partage votre objectif d’assurer le recueil par l’État des données permettant de faire état des écarts de composition sociale entre les établissements, je donnerai un avis défavorable à cet amendement pour trois raisons.
Tout d’abord, la publication des données statistiques me semble bien assurée, même si cela a nécessité des recours devant la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs) puis le tribunal administratif. Figer une donnée statistique dans la loi ou par un décret en Conseil d’État rend par ailleurs son évolution très difficile, alors que des modifications méthodologiques sont souvent indispensables. J’ai renoncé à faire entrer l’IPS dans la loi pour cette raison, mais aussi parce qu’il ne donne pas d’informations sur le niveau proprement scolaire des élèves. Enfin, le circuit de communication que vous prévoyez, s’agissant d’une donnée publique, me semble trop complexe et source de charges administratives peu justifiées.
M. Sacha Houlié (NI). La difficulté est que l’on peine à en obtenir la communication annuelle, d’où la base légale que je souhaite apporter à cet indice. Concernant l’évolution des caractéristiques, vous avez-vous-même déposé un amendement pour préciser le contenu de l’IPS. Ce n’est pas parce que l’on fige son nom que l’indice de position sociale ne sera pas amené à évoluer. Par ailleurs, vous n’avez cessé de déplorer le fait que ce sont les chefs d’établissement qui font remonter les informations. Donner une base légale à l’IPS permettra de procéder différemment. Les oppositions que vous avez manifestées ne se justifiant pas, je maintiens mon amendement.
M. Paul Vannier, rapporteur. Je ne cherche pas à définir l’IPS dans la proposition de loi. C’est d’ailleurs pour cela que je propose la création d’un nouvel indicateur. Nous devons en outre respecter la liberté scientifique des organismes qui produisent ce type de données. Il ne revient pas au législateur de figer leur travail, comme vous proposez de le faire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC18 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Il s’agit de supprimer la possibilité offerte à l’État et aux collectivités d’aller au-delà de la subvention obligatoire en interdisant l’octroi de subventions facultatives. Certains établissements bénéficient en effet de subventions publiques facultatives très généreuses et sans aucune contrepartie. Cela s’inscrit dans le sens de la proposition de loi, certains élus pouvant être tentés de pallier avec de l’argent public la réduction de subvention obligatoire en cas de mixité sociale trop faible.
M. Paul Vannier, rapporteur. Vous proposez de supprimer les subventions d’investissement que les collectivités territoriales peuvent allouer aux seuls établissements privés du second degré d’enseignement général et qui peuvent constituer jusqu’à 10 % de leur budget annuel. Je ne peux que donner un avis favorable à cet amendement, pour trois raisons.
Tout d’abord, ces subventions sont contraires au principe de parité des financements entre établissements publics et privés. Si une collectivité veut donner davantage de moyens à des écoles publiques, elle a l’obligation d’en tenir compte dans le calcul du forfait d’externat versé aux établissements privés. Ce principe ne s’applique pas en revanche aux subventions versées aux établissements privés, ce qui est parfaitement anormal.
Ensuite, cela crée des inégalités territoriales puisque le niveau de financement de l’investissement des établissements privés est en grande partie déterminé par la couleur politique de la collectivité ainsi que par sa situation financière particulière, qui peut dépendre de nombreux autres facteurs.
Enfin, ces subventions d’investissement constituent un financement direct sur fonds publics d’un patrimoine privé, ce qui me paraît absolument injustifiable.
M. Roger Chudeau (RN). Comment ne pas voir que nous sommes en présence d’une offensive organisée, méthodique, systématique de destruction de l’enseignement catholique en France ? Cet amendement en est la preuve évidente. Vous ne pouvez pas compter sur nous pour le voter.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Cet amendement insinue que les maires et les présidents de collectivités locales pratiqueraient une forme de clientélisme. Or les élus locaux subventionnent parfois de manière très importante des établissements privés parce que ceux-ci jouent un rôle très particulier dans les territoires ruraux, comme c’est le cas en Bretagne. Par ailleurs, vous avez une vision très négative des établissements privés, qui ne rempliraient pas leurs obligations d’inclusion. Nous voterons résolument contre cet amendement.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Un seul objectif : la justice, la loi et l’équité pour tous.
Mme Céline Calvez (EPR). Il convient peut-être de réfléchir à un autre modèle. Lorsque la seule école du village est privée, il serait dommage de priver la commune de la possibilité de lui verser une subvention facultative. Un village peut sauver l’école et l’école peut sauver un village.
En revanche, lorsqu’il y a plusieurs établissements, il serait peut-être bon de conditionner l’octroi de subventions supplémentaires au versement d’une aide réciproque aux autres établissements de la commune. Il est préférable de conserver cette liberté tout en la responsabilisant, afin que les investissements dans le système éducatif soient répartis au mieux entre les différents établissements.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les communes ne sont pas concernées puisque seuls les établissements du second degré sont éligibles à ces subventions facultatives.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC9 de Mme Céline Calvez
Mme Céline Calvez (EPR). Deux tiers seulement des instances académiques de concertation pour la mixité sociale et scolaire ont été installés. L’amendement a pour objet de rappeler la nécessité pour les académies de les créer et, si nécessaire, de les y obliger par la loi.
M. Paul Vannier, rapporteur. L’amendement consiste à créer de nouvelles instances de concertation pour la mixité sociale et scolaire. Elles seraient différentes de celles prévues par la loi « séparatisme », qui concernaient les établissements privés sous contrat, puisqu’elles réuniraient également des représentants des établissements publics et des parents d’élèves. Elles seraient spécifiquement chargées de la question de la mixité socioscolaire. Je les trouve donc plus intéressantes que les premières, même si je crains qu’elles ne donnent pas plus de résultats. J’aurais préféré un amendement visant à modifier les instances existantes. Je donnerai toutefois un avis de sagesse sur cet amendement.
M. Erwan Balanant (Dem). L’IPS n’a pas pour objet de dresser un état des lieux de la mixité mais seulement de faire une photographie d’un collège ou d’un lycée. Les écarts type ne sont pas connus ; un IPS peut reposer en partie sur des familles à 170 et sur d’autres à 38, ou au contraire sur des familles qui sont toutes à 100, ce qui signifie qu’il n’y a pas de mixité. Un bon collège ou un bon lycée est un établissement qui permettra à tous les enfants de réussir, quel que soit leur niveau, et l’on sait que celui-ci dépend non seulement des moyens financiers mais aussi de la formation et de la volonté des parents – les enfants de profs réussissent très bien alors qu’ils ne sont pas des enfants de riches. Mener un dialogue pour améliorer la mixité sociale et donc améliorer la réussite globale d’un établissement me semble être une bonne idée. Je voterai pour cet amendement.
M. Roger Chudeau (RN). Je vous rappelle qu’il existe dans chaque académie un conseiller académique de l’éducation nationale et dans chaque département un conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN), qui peut parfaitement inscrire ce sujet dans son ordre du jour. Il est donc inutile de créer une instance supplémentaire dans un système qui croule déjà sous les comités Théodule.
Mme Céline Calvez (EPR). Je voudrais savoir, à ce niveau de débat, si l’on pouvait forcer l’ordre du jour des CDEN parce que, manifestement, ils ne se saisissent pas de cette question. Créer une instance les obligerait à aborder ce sujet qui n’est pas traité dans les instances existantes.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Je suis assez sensible à l’avis du rapporteur. Pourquoi certains recteurs et directeurs académiques ne réunissent-ils pas les instances prévues dans la communauté éducative ? Pourquoi les réunions sont-elles convoquées, au mépris de la loi, aux heures où les parents travaillent ? Pourquoi ne pas élargir ces instances, comme cela est possible, aux acteurs de la société civile, par exemple les associations, afin de bénéficier de leur expertise ? Plutôt que de créer une instance supplémentaire, il convient de faire vivre démocratiquement celles qui existent déjà.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il existe beaucoup d’instances académiques de concertation, comme à Toulouse, où le recteur a mis en place en 2023 l’Observatoire Mixité. Avant d’en créer une nouvelle, il convient d’identifier les rectorats ayant créé de telles structures et de recenser les bonnes pratiques. Forts de cette analyse, nous pourrons alors envisager de mettre en place une instance cohérente avec l’existant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AC17 de M. Arnaud Bonnet
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Cet amendement vise à obliger les directions d’établissements privés sous contrat à remettre un rapport annuel au rectorat sur les moyens mis en œuvre afin de rapprocher leurs indicateurs de mixité sociale de la moyenne pondérée des indicateurs de mixité sociale des établissements publics dans le même secteur.
M. Paul Vannier, rapporteur. L’amendement a le mérite d’inviter les chefs d’établissements privés sous contrat à conduire une réflexion sur les moyens d’améliorer la mixité socioscolaire en leur sein. J’y suis donc favorable.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Dans votre exposé des motifs, vous écrivez que « l’État ne peut cautionner que ces établissements privés ne fixent pas d’objectifs [de mixité sociale] ». Or le lycée qui a l’IPS le plus faible de France se trouve être un lycée privé sous contrat – le lycée professionnel de coiffure et d’esthétique des Abymes, en Guadeloupe, avec un IPS de 49,5. Pensez-vous sincèrement qu’il y a une volonté délibérée de ne pas fixer des objectifs de mixité sociale ? Non, c’est le reflet de la réalité de ce territoire. À l’inverse, l’établissement ayant l’IPS le plus élevé de France est un lycée public des Yvelines.
M. Arnaud Bonnet (EcoS). Quand il pleut dans votre jardin, il ne pleut pas sur la planète entière : l’exception ne fait pas la règle.
Mme Géraldine Bannier (Dem). Quel levier peut actionner un directeur d’une petite école privée sous contrat d’un petit village français pour rapprocher son indicateur de mixité sociale de la moyenne pondérée des indicateurs de mixité sociale des établissements publics du même secteur ? Réveillez-vous : certaines écoles ne comptent qu’une vingtaine ou une quarantaine d’élèves ! C’est complètement inapplicable.
Mme Céline Calvez (EPR). Il existe un levier à la disposition des établissements : la possibilité de moduler leurs tarifs pour les rendre progressifs. Seul un établissement sur cinq y a recours. Cette possibilité, qui est à leur main, leur permet d’attirer des profils distincts de ceux qu’ils recrutent habituellement.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AC15 de M. Sacha Houlié est retiré.
Amendement AC8 de Mme Céline Calvez
Mme Céline Calvez (EPR). Le protocole d’accord conclu entre le ministère de l’éducation nationale et le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC), qui représente plus de 90 % des établissements d’enseignement privés sous contrat, vise non seulement à encourager la tarification progressive, mais aussi à assurer la transparence et la transmission d’informations telles que le montant des contributions demandées aux familles et le montant des forfaits d’externat versés par les collectivités et par l’État.
Le présent amendement vise à inscrire ce protocole dans la loi, en le complétant par des indicateurs tels que les modes et les critères de sélection des élèves, ainsi que les critères de leur éviction. D’après le rapport d’information de nos collègues Vannier et Weissberg publié en avril, certains établissements, pour maintenir leurs bons résultats, prient des élèves de partir ailleurs.
M. Paul Vannier, rapporteur. Le présent amendement vise à donner une base légale à la première mesure du protocole d’accord conclu entre le ministère de l’éducation nationale et le SGEC visant à assurer la transparence des données relatives au financement des établissements privés sous contrat. Il vise en outre à y inclure des données relatives aux modalités de sélection et de poursuite de scolarité des élèves, conformément à l’une des propositions que M. Weissberg et moi-même avions formulées dans notre rapport publié en avril. Avis favorable.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Notre groupe votera cet amendement pour des raisons propres aux institutions que nous représentons et à celles qui en émanent, et parce qu’il nous semble qu’il permettra aux chercheuses et aux chercheurs qui s’intéressent à la question scolaire et mesurent la réalité sociologique de nos établissements de disposer d’un outil très utile. Nous le voterons à l’aune de ce qui doit nous guider : les Lumières et la rationalité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AC10 de Mme Céline Calvez
Mme Céline Calvez (EPR). Il s’agit d’obtenir un rapport sur la mise en œuvre des instances académiques de concertation pour la mixité sociale prévues par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « séparatisme ». Pour ma part, je préférerais des instances académiques de concertation réunissant les secteurs public et privé, ainsi que toutes les parties prenantes. Il n’en demeure pas moins intéressant de documenter la mise en œuvre des instances académiques de concertation pour la mixité sociale.
M. Paul Vannier, rapporteur. Les commissions de concertation créées par la loi dite « séparatisme » ne sont pas toutes installées. Par ailleurs, aucun bilan de leur activité en matière de mixité socioscolaire, à laquelle elles doivent veiller, ne nous a été transmis. Cet amendement me semble utile dans une perspective de contrôle de l’application effective de la loi. Avis favorable.
M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Ce rapport devrait se pencher sur les fractures territoriales. Nos débats ont soulevé la question des rôles respectifs du public et du privé dans la capacité à atteindre les objectifs de mixité sociale, pour conclure que l’opposition entre les deux contribuait à l’absence de mixité sociale. C’est parfaitement faux. Ce qui nourrit l’absence de mixité sociale, ce sont les fractures territoriales.
Au sein d’un département comme les Yvelines ou d’un département d’outre-mer, les écarts d’IPS sont plus ou moins significatifs. Plutôt qu’opposer le public et le privé, il faudrait déterminer comment notre système éducatif peut les réduire, par exemple en donnant aux territoires où les IPS sont les plus faibles – tel Mayotte, où les IPS sont les plus faibles de France – des moyens supplémentaires pour y garantir un enseignement de qualité et y améliorer la mixité sociale. La présente proposition de loi doit engager un travail approfondi sur la mixité sociale à l’échelle de nos territoires et sur les fractures territoriales qui en découlent.
M. Roger Chudeau (RN). Nous ne voterons pas cet amendement, qui nous semble relever d’une logique de soupçon permanent, comme l’ensemble du rapport Vannier-Weissberg, ce qui est tout à fait déplorable. Au demeurant, le rapport annuel de performances du programme 139 peut parfaitement aborder la question de la mixité sociale, dans la mesure où celle-ci est inscrite à l’article L. 111-1 du code de l’éducation. Un rapport supplémentaire est superfétatoire.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous voterons cet amendement, d’abord parce que, si d’aventure – je ne saurais l’imaginer – la présente proposition de loi n’était pas adoptée dans le cadre de notre niche parlementaire, cela permettra de remettre le sujet sur la table après objectivation. On a le droit de se tromper si l’on a des préjugés, mais on n’a pas le droit de voter sur cette base si on dispose d’informations réelles.
Par ailleurs, ce rapport permettra aux futurs députés de s’extraire des préjugés, tels que la guerre scolaire, qui sont autant d’anathèmes qui surgissent dans nos débats comme à la lecture d’un magazine généraliste. Il sera de nature à objectiver les choses, s’agissant notamment de la fragmentation territoriale, qui est une réalité dans notre République. Mayotte, c’est incontestable, n’est pas l’honneur de la République en matière éducative.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Si nos échanges confirment quelque chose, c’est bien qu’un tel rapport est nécessaire. Nous n’avons pas la même vision de ce que doit être l’école, de l’importance de la mixité sociale et de la façon de faire une République ensemble. Ce rapport devrait déjà exister sans qu’il soit nécessaire de le demander.
La commission adopte l’amendement.
Titre :
L’amendement AC23 de M. Paul Vannier est retiré.
M. Paul Vannier, rapporteur. Le rejet de l’article unique m’oblige à constater que la proposition de loi que j’ai présentée a été vidée de sa substance. J’appelle donc à voter contre ce texte devenu sans objet – sinon deux amendements portant article additionnel. À l’issue de nos débats, que j’ai trouvé plus riches que les précédents, je constate que, si nous sommes plus nombreux à faire le même diagnostic, la volonté de refonder le système de financement public des établissements privés sous contrat vieux de soixante-cinq ans, obsolète, n’est en revanche partagée que par les parlementaires issus des composantes du Nouveau Front populaire (NFP).
Vous souhaitez conserver le statu quo, alors même que tout indique qu’il ne permet pas de faire reculer la ségrégation socioscolaire. Si ma proposition de loi n’est pas adoptée par notre commission, je considère néanmoins que le contexte a profondément évolué, que nous sommes sortis de la longue période d’omerta de quarante années, et qu’il existe une volonté majoritaire dans notre pays pour revoir les modalités de financement public des établissements privés sous contrat. Je continuerai à m’employer, avec mes collègues du NFP, à faire en sorte que nous y parvenions dans les mois et les années à venir. Je suis absolument convaincu que nous devrons traiter la question à court ou à moyen terme.
L’ensemble de la proposition de loi est rejeté.
La séance est levée à onze heures trente-cinq.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– Mmes Marietta Karamanli et Isabelle Rauch rapporteures de la proposition de résolution européenne visant à lutter contre les addictions numériques chez les enfants (n° 530)
– Mme Fatiha Keloua Hachi rapporteure de la proposition de loi visant à rendre accessible à tous les étudiants le repas à 1 euro (n° 519)
– M. Thierry Sother rapporteur de la proposition de loi pour plus de sport et moins de sucre (n° 558)
Présents – M. Rodrigo Arenas, M. Raphaël Arnault, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, Mme Pascale Bay, M. José Beaurain, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, M. Arnaud Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Xavier Breton, M. Joël Bruneau, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Bruno Clavet, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, M. Aly Diouara, Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Fait, M. Steevy Gustave, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Catherine Hervieu, M. Sacha Houlié, Mme Tiffany Joncour, Mme Florence Joubert, Mme Marietta Karamanli, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Jean Laussucq, M. Aurélien Le Coq, M. Eric Liégeon, M. Christophe Marion, Mme Élisa Martin, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, M. Christophe Mongardien, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Christophe Proença, M. Jean-Claude Raux, Mme Véronique Riotton, Mme Claudia Rouaux, Mme Sophie-Laurence Roy, Mme Nicole Sanquer, M. Arnaud Sanvert, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, M. Thierry Sother, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Andrée Taurinya, M. Paul Vannier
Excusés. – M. Gabriel Attal, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Marc Fesneau, M. Frantz Gumbs, M. Bartolomé Lenoir, M. Frédéric Maillot, Mme Isabelle Rauch