Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Examen de la proposition de loi pour plus de sport et moins de sucre (n° 558) (M. Thierry Sother, rapporteur) 2

 Examen de la proposition de loi visant à rendre accessible à tous les étudiants le repas à 1 euro (n° 519) (Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure)              23

– Présences en réunion..............................41

 

 

 

 

 


Mercredi
4 décembre 2024

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 18

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi,
Présidente, puis de Mme Frédérique Meunier, Vice-présidente

 


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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente)

 

La commission examine la proposition de loi pour plus de sport et moins de sucre (n° 558) (M. Thierry Sother, rapporteur).

M. Thierry Sother, rapporteur. Durant cette réunion, nous allons passer plusieurs heures ensemble. Nous allons nous parler, nous répondre, mais il y a une chose que nous n’allons pas faire : bouger.

Nos enfants non plus ne vont pas beaucoup bouger. Ils resteront en classe à apprendre, à écouter, assis pendant des heures, puis iront en récréation où on leur demandera de ne pas trop courir. Ils rentreront, pour beaucoup, en voiture ou en bus à la maison. Ensuite, ils passeront peut-être plusieurs heures devant des écrans.

Notre société évolue vers plus de sédentarité. Les écrans, la vie en ville, des modes de déplacements très passifs font que nos enfants bougent de moins en moins. Seuls 13 % d’entre eux respectaient en 2010 la recommandation de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) d’une heure d’activité physique quotidienne. En cinquante ans, les jeunes de 9 à 16 ans ont perdu un quart de leur capacité physique.

Or nos enfants ont besoin de faire du sport, comme ils ont besoin de bien manger et de bien dormir. Ils en ont besoin pour leur tête, pour leur corps.

Pour leur tête, d’abord, parce que le sport est nécessaire au développement cognitif. Une étude parue dans The Lancet a montré que les enfants qui passent moins de deux heures par jour sur les écrans et pratiquent au moins trente minutes d’activité physique quotidienne atteignent des scores cognitifs plus élevés de 25 %.

Le sport est également bon pour leur santé mentale. Selon l’OMS, les enfants inactifs sont 20 % plus susceptibles de souffrir d’anxiété et de dépression.

C’est aussi pour leur corps que les enfants ont besoin de faire du sport. En France, 17 % des enfants de 6 à 17 ans sont en surpoids, dont près de 4 % sont obèses, et on voit de plus en plus de diabètes de type 2 chez les jeunes. Un enfant européen sur deux n’est pas capable d’effectuer un effort physique soutenu pendant dix minutes en raison de sa faiblesse cardiorespiratoire.

La pratique sportive chez l’enfant ou le jeune ne relève donc pas uniquement du loisir ou de l’activité optionnelle à l’école, mais d’une question de santé publique. Comme parents et comme législateurs, nous n’admettons pas que les enfants dorment ou s’alimentent mal ou trop peu. Pourquoi ne sommes-nous pas plus offensifs quand il s’agit d’activité physique ? Si les enfants ont besoin de faire du sport, nous avons le devoir de lever les freins à l’accès à la pratique sportive.

Notre cycle d’auditions a clairement montré qu’en de très nombreux endroits, le manque d’infrastructures ou de personnel pouvant encadrer l’activité sportive conduit à refuser l’inscription de certains enfants.

Mais le principal problème est le coût du sport. Près d’un parent sur trois regrette que son enfant ne fasse pas de sport faute de moyens. Prenons l’exemple du foot, sport le plus pratiqué en France : 140 euros de chaussures, 100 euros pour un maillot et un short, 40 euros pour des protections, et surtout 200 à 300 euros par saison pour l’adhésion ou la licence… Toutes les familles n’ont pas de telles sommes à dépenser !

D’ailleurs, un enfant d’ouvrier sur trois a une pratique sportive régulière, contre un enfant de cadre sur deux – on retrouve ce décalage en fonction du niveau de revenu. Pourtant, tous les enfants ont besoin de faire du sport, quelle que soit leur origine sociale. Nous devons refuser que le sport devienne une affaire de privilégiés.

Mais la politique menée par le gouvernement ne va pas dans ce sens. « La dépression est réelle », déclarait récemment le président de la Fédération française de handball. Elle s’illustre par la coupe de 268 millions d’euros dans le budget du sport ; la baisse de 11 milliards des financements aux collectivités territoriales, qui vont devoir renoncer à nombre de projets et rompre des contrats d’encadrants ; l’abandon du plan d’aide au recrutement et à la formation de 1 000 éducateurs sociaux et sportifs par 1 000 clubs dans 500 villes ; l’abandon de la généralisation des deux heures de sport hebdomadaires supplémentaires au collège – sur les réseaux sociaux, notre médaillé olympique Léon Marchand lui-même a réagi par un émoji de clown. Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP) auraient pourtant dû créer une dynamique favorisant une politique volontariste en la matière.

Il nous faut donc agir, et vite. Nous devons à notre jeunesse une politique de l’accès au sport. D’où cette proposition de loi, qui porte évidemment sur le sport, mais aussi sur la santé publique et le pouvoir d’achat.

Il est proposé de partir d’un dispositif existant : le pass’sport. Seules 20 % des personnes éligibles en bénéficient. Lors de son évaluation, il est apparu que la première raison du non-recours était le reste à charge trop élevé. C’est donc le manque d’ambition du dispositif initial qui a entraîné son échec. J’en propose par conséquent une nouvelle version.

Le pass’sport sera intégré dans le code du sport afin de le pérenniser. Il sera universel pour les jeunes de 3 à 18 ans. Le montant socle, de 75 euros, est destiné à soutenir le pouvoir d’achat des familles et à créer un effet d’entraînement chez les enfants.

Les 3 à 5 ans seront une nouvelle tranche d’âge concernée, puisque le dispositif actuel commence à 6 ans. Notre volonté, confirmée par nos auditions, est d’encourager le développement de compétences et d’habitudes essentielles, comme l’appréhension du geste moteur et le goût du sport.

Le montant du pass’sport sera revalorisé à 150 euros pour les bénéficiaires de l’ancien dispositif. Nous visons évidemment ici les enfants et les jeunes les plus en difficulté, pour lesquels le coût du sport demande l’effort le plus important. Nous proposons le triplement du montant actuel en reprenant à notre compte les bénéficiaires déjà identifiés afin de pousser aussi loin que possible la prise en charge des tarifs standards de l’adhésion à un club sportif.

Nous prévoyons également que le pass’sport donne accès à des structures scolaires.

Cette proposition est faite pour ouvrir grand les portes du sport à nos enfants et à nos jeunes et faire tomber le principal obstacle : le coût de la pratique sportive.

Nous avons estimé le coût de la mesure à 350 millions d’euros : 240 millions pour le montant bonifié de 150 euros destiné aux plus modestes, 110 millions pour l’aide généralisée de 75 euros. Le coût supplémentaire serait donc de 260 millions par an.

Pour le financer, je propose une taxe additionnelle sur les boissons sucrées. Pourquoi le sucre ? Parce qu’il est, comme la sédentarité, une menace invisible pour la santé de nos enfants. C’est une substance addictive, trop présente dans les produits issus de l’industrie agroalimentaire. Savez-vous qu’un enfant de 8 ans en a déjà ingéré davantage, en moyenne, que ses grands-parents au cours de toute leur vie ? La surconsommation de sucre agit de la même manière que l’inactivité physique sur notre santé. Elle aggrave tous les risques de maladie.

Je vous présente ici une bonne proposition de loi, qui peut faciliter l’accès au sport des enfants et des jeunes. Selon l’étude Ipsos « Fractures françaises » d’il y a quelques jours, plus de la moitié des Français ont du mal à boucler leurs fins de mois. De ce point de vue, le pass’sport est une véritable mesure de pouvoir d’achat. Au lendemain des Jeux olympiques, alors que le sport a laissé son empreinte dans l’esprit de tous, surtout des plus jeunes, nous nous devons d’accompagner ce mouvement de la société vers plus de sport. Nous le devons à tous les jeunes et aux générations futures.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Julien Odoul (RN). Cette proposition de loi part d’un bon constat : un enfant sur deux fait moins de soixante minutes d’activité physique par jour et l’obésité est deux fois plus répandue chez les adolescents qu’il y a trente ans. Encourager nos jeunes à faire du sport est devenu un véritable enjeu de santé publique. La pratique sportive n’est pas assez fréquente et la consommation de produits trop gras, trop salés ou trop sucrés s’est banalisée. Mais la proposition de loi est une impasse politique.

En effet, l’augmentation du montant du pass’sport et du nombre de ses bénéficiaires risque de transformer un dispositif déjà coûteux en gouffre financier. La taxe additionnelle sur les boissons sucrées proposée pour le combler cache mal, sous couvert de justice sociale et sanitaire, une vieille obsession socialiste : le matraquage fiscal, qui frappera comme toujours les classes populaires – moins on a d’argent, plus on consomme de produits sucrés. Pourquoi le sucre, demandiez-vous ? Je vous répondrai : pourquoi la taxe !

Par ailleurs, étendre le bénéfice du pass’sport au-delà de l’âge de 25 ans le transformerait en outil d’assistanat prolongé, le détournant de ses objectifs initiaux. Cette dérive encouragée par certains syndicats étudiants d’extrême gauche alimente une culture du redoublement dans le but de profiter indûment des aides sociales financées par le contribuable français. Il serait plus judicieux de rendre la pratique sportive locale plus accessible à tous, notamment dans les territoires ruraux.

La proposition de loi ne résout pas le problème de l’inégalité d’accès au sport ni celui de la malbouffe et de l’obésité. Pire, elle contribue à une logique budgétaire délétère, à la stigmatisation et à des discriminations.

Le groupe Rassemblement national s’abstiendra donc lors du vote de ce texte coûteux et contre-productif.

M. Bertrand Sorre (EPR). Le pass’sport est une mesure concrète, utile et effective, instaurée par notre ancienne majorité ; un choix politique fort et porteur de résultats, ce dont nous pouvons tous nous réjouir. Il fournit une aide simple et précieuse aux jeunes, à leur famille et aux clubs sportifs. Il atteint un double objectif, essentiel : répondre à un besoin social et promouvoir la santé publique.

Annoncé par le président de la République en amont des JOP de 2024, ce dispositif vise à rendre le sport accessible à toutes et tous dès l’enfance et il y parvient. Depuis sa création en 2021, 3,5 millions de jeunes en ont bénéficié. Le taux de recours a progressé de 6 % en trois ans. D’ici à la fin 2024, 1,7 million de pass’sport auront été délivrés.

En constante amélioration, il a déjà su évoluer pour mieux répondre aux attentes – ajouts à la liste des disciplines éligibles, simplification des démarches pour les familles. Je salue les collectivités qui lui apportent un financement complémentaire précieux.

Le développement de la pratique sportive dès le plus jeune âge est essentiel pour la santé, notamment pour lutter contre l’obésité.

Malgré ces avancées, certaines limites méritent d’être soulignées.

Tout d’abord, le pass’sport ne touche pas encore suffisamment certains publics cibles, comme les jeunes filles, qui ne représentent malheureusement que 39 % des bénéficiaires, les étudiants boursiers ou les jeunes en situation de handicap. Le pass’sport profite aussi majoritairement à des jeunes qui étaient déjà licenciés dans des clubs avant qu’il soit instauré, alors que son objectif initial était d’attirer de nouveaux publics vers la pratique sportive, notamment ceux qui en sont le plus éloignés ; en outre, cela concentre son utilisation sur les disciplines les plus populaires.

Alors que le dispositif atteint la maturité, plutôt que d’y consacrer plus d’argent public, il semble opportun de réfléchir à la manière de mieux cibler les publics qui en ont réellement besoin : jeunes issus d’un milieu défavorisé, jeunes filles, étudiants boursiers, jeunes en situation de handicap.

Profitons donc des retombées des Jeux olympiques et paralympiques pour poursuivre la promotion de la pratique sportive auprès de celles et ceux qui n’y sont pas naturellement enclins, afin de construire une nation plus sportive. La priorité n’est pas d’apporter une aide plus substantielle, mais d’acculturer au sport, d’informer encore davantage des bienfaits de la pratique sportive et de mieux promouvoir les clubs et les associations.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons, tout en appelant le gouvernement à lancer une révision du dispositif afin de réaliser son ambition initiale et de bâtir une nation plus sportive, plus inclusive et plus solidaire.

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Pour les sportifs comme pour les collectivités, l’espoir était grand que l’après-JOP se traduise par un refinancement massif du sport pour tous. Mais la liesse populaire de l’été sera sans suite. Malgré une piscine en Seine-Saint-Denis, quelques travaux d’opportunité concentrés en Île-de-France et une hausse du nombre de licences sportives, l’austérité violente touche aussi le sport.

Après la pandémie de 2020, Emmanuel Macron avait décidé de promouvoir les fédérations et clubs de sport, avec le financement d’un nouveau dispositif, le pass’sport. L’objectif affiché était de compenser l’arrêt de l’activité pendant le confinement et de soutenir les clubs tout en luttant contre la sédentarité des jeunes.

Selon une étude de Santé publique France datant de 2020, parmi les jeunes de 6 à 17 ans, la pratique de 33,3 % des filles et 50,7 % des garçons correspond aux recommandations en matière d’activité sportive. La malnutrition et la consommation de sucre sont un nouveau fait de société.

Ciblant initialement les mineurs dès 6 ans, mais aussi les jeunes adultes sur critères sociaux et les moins de 30 ans en situation de handicap – après de nombreux ajustements –, le pass’sport s’est révélé insuffisant, quoi qu’en dise le gouvernement, qui le revoit encore à la baisse et envisage de restreindre son public alors que le taux de non-recours atteint 70 %.

De ce point de vue, la proposition de loi va dans le bon sens, mais pas assez loin.

Le coût de l’inactivité physique pour les systèmes de santé est estimé par l’OMS à 27 milliards de dollars par an. En France, plus que jamais, l’accès à une pratique sportive et à une alimentation saine est un enjeu de santé publique, puissamment influencé par des facteurs sociaux et territoriaux. En Seine-Saint-Denis, 16 % des jeunes filles atteignent le niveau de pratique sportive recommandé, contre 40 % des garçons. On y compte en moyenne seize équipements pour 10 000 habitants, contre cinquante au niveau national. Ajoutons la surexposition aux produits transformés et le manque d’accès à une nourriture saine dans les quartiers populaires, et nous avons le cocktail qui alimente l’épidémie silencieuse de maladies cardiovasculaires.

Une étude de l’Insee a montré que les plus défavorisés consomment plus fréquemment des produits transformés, et moins de fruits et de légumes. Environ 30 % des personnes dont les revenus sont faibles déclarent ne pas avoir les moyens de manger sainement. Les personnes précaires ont tendance à travailler plus longtemps et à avoir moins de temps libre pour pratiquer une activité sportive. Tout est lié.

L’article 2, qui crée une taxe comportementale, est contraire à ce que nous défendons. On va toucher au portefeuille des plus précaires, qui n’ont pas le choix de consommer ou non des produits sucrés, car ce sont les moins chers et les plus accessibles – j’en ai fait l’expérience dans ma jeunesse.

M. Christophe Proença (SOC). Ce texte propose un investissement crucial dans l’avenir de notre jeunesse, significatif de notre engagement pour l’égalité des chances et la santé publique. S’inspirant du modèle britannique, il vise à taxer les boissons sucrées pour lutter contre le surpoids et l’obésité tout en finançant des modes de vie plus sains et actifs.

Cette initiative est cohérente avec les travaux sur le sport scolaire et l’obésité infantile que je conduis avec Frédérique Meunier. Les premières données montrent un taux de surpoids proche de 30 % chez les enfants et un taux d’obésité en hausse dans les prochaines années.

L’objet de ce texte est de relever le montant du pass’sport de 50 à 75 euros pour tous les enfants de 3 à 17 ans et d’instaurer un forfait de 150 euros pour les anciens bénéficiaires. Ce dispositif pourra être utilisé pour payer les adhésions aux structures sportives que sont l’Usep (Union sportive de l’enseignement du premier degré) et l’UNSS (Union nationale du sport scolaire). L’Usep est en grande difficulté, le nombre de licenciés ayant beaucoup baissé depuis le covid.

La sécabilité du pass’sport pourrait être très intéressante. La pratique sportive est devenue trop chère et trop éloignée pour beaucoup. Au-delà du nombre insuffisant d’infrastructures, le pouvoir d’achat est souvent un frein à la pratique.

Inspiré d’initiatives locales, le pass’sport a été un progrès notable. Il permet de combattre la sédentarité, problème majeur de santé publique. Des données concrètes illustrent la diminution alarmante de l’activité physique chez les jeunes. Une étude citée par la Fédération française de cardiologie en témoigne de façon frappante : en 1971, un enfant parcourait 800 mètres en trois minutes ; en 2013, il lui fallait quatre minutes pour courir sur la même distance. Cette détérioration des performances reflète une baisse significative des capacités cardiovasculaires des enfants, estimée à 25 % en quarante ans.

Ces chiffres doivent nous faire réagir en urgence. La France pourrait payer très cher cette bombe à retardement sanitaire.

Je vous invite donc à soutenir la proposition de loi. Complète, elle n’est cependant que le début du remède à apporter aux effets néfastes de nos pratiques sédentaires. Elle concerne les adultes de demain.

Pour capitaliser sur l’héritage des Jeux olympiques, nous devons montrer que la France peut se mobiliser et réussir. Le texte vise à transformer cet élan en action concrète pour la santé et le bien de notre jeunesse.

Mme Virginie Duby-Muller (DR). La proposition de loi suscite un débat légitime. Son objectif – généraliser le pass’sport, indépendamment des revenus familiaux – repose sur une intention louable : promouvoir l’activité physique chez les jeunes et lutter contre leur sédentarité.

Le texte soulève toutefois d’importantes questions d’équité et d’efficacité.

D’équité sociale, d’abord : en proposant un dispositif universel, il tend à détourner une part significative des ressources publiques vers des familles qui n’en ont pas besoin. Les ménages les plus aisés bénéficieront ainsi des mêmes aides que ceux pour qui le coût de l’inscription dans une structure sportive constitue un véritable obstacle. Ce choix revient à réduire les moyens disponibles pour les familles les plus précaires, c’est-à-dire précisément là où l’effort public serait le plus utile et le plus juste. Nous devons éviter cette dilution des priorités sociales.

D’efficacité, ensuite. La politique des chèques ne résout pas les problèmes rencontrés sur le terrain : soutien insuffisant aux petites associations sportives, manque criant d’infrastructures adaptées, déficit de personnel qualifié pour encadrer les activités. Ces difficultés structurelles n’appellent pas des mesures uniformes. Une politique ambitieuse devrait au contraire se concentrer sur le renforcement des structures locales et sur une gestion décentralisée, afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des territoires.

Nous sommes ainsi invités à réfléchir à nos priorités. La progression de l’obésité en France, indéniable, mérite une réponse forte – je salue Frédérique Meunier et Christophe Proença qui mènent une mission flash sur ce sujet. Cependant, en attribuant indistinctement des fonds à toutes les fédérations sportives, y compris les plus riches, on risque de manquer la cible. Ne faudrait-il pas viser les clubs modestes, souvent en difficulté, et les publics les plus éloignés de la pratique sportive ? Les structures de proximité, qui manquent de moyens, jouent un rôle crucial dans la promotion du sport et la lutte contre la sédentarité.

S’abstenir lors du vote de cette proposition de loi n’est pas refuser d’agir ; c’est appeler à une action plus ciblée, plus réfléchie et plus respectueuse des besoins réels de nos concitoyens.

Enfin, il est écrit dans le projet de rapport que la généralisation du pass’sport permettra d’inciter davantage de jeunes à pratiquer une activité physique, mais comment justifier une telle approche alors que le taux de non-recours est de 80 %, y compris parmi les publics les plus vulnérables, qui étaient pourtant visés ?

M. François Ruffin (EcoS). Les Jeux olympiques ont fait notre fierté par la réussite de la cérémonie d’ouverture, par leur bon déroulement et par les médailles rapportées. Qu’en restera-t-il ? Quel en sera l’héritage, pour reprendre le terme du président de la République ? Notre sport de haut niveau a brillé, mais je crains que notre sport populaire soit affaibli et se raréfie, notamment chez les enfants.

Vous proposez de contribuer à lever une barrière à l’accès des enfants au sport, celle que la Défenseure des droits identifie comme la principale : le coût. Je suis très satisfait que vous souhaitiez universaliser le dispositif. La gauche et le pays lui-même ont toujours fait de grandes choses par des mesures universelles – l’école pour tous, riches et pauvres ; la santé pour tous, riches et pauvres. Vouloir le sport pour tous est une bonne chose, et encore plus quand 70 % des enfants des plus riches accèdent au sport par une association ou un club contre 38 % chez les personnes à bas revenus.

D’un autre point de vue, ce dispositif ne peut être qu’un instrument dans la guerre contre les écrans dont, en tant que parent, on mesure tous les jours l’enjeu.

De plus, pour pratiquer le sport, il faut des clubs, donc des dirigeants, donc des bénévoles – ils sont 3,5 millions dans notre pays, qui vivent un grand malaise. La généralisation du pass’sport leur ajoutera des tâches numériques et du travail administratif. Or les subventions ont été divisées par deux en vingt ans – il faut faire des paëllas, des galas, des tombolas pour combler le manque ! – et le nombre de contrats aidés par cinq. La santé de notre tissu social et associatif est une grande source d’inquiétude.

Votre proposition de loi est un premier pas pour un sport démocratisé et pour la lutte contre la sédentarité et l’obésité, mais un projet de loi nous avait été promis. Il faut réaliser ce travail sur les clubs et les bénévoles, dont le premier ministre avait dit dans sa déclaration de politique générale qu’ils sont l’honneur de la République.

M. Erwan Balanant (Dem). Ce texte montre que les socialistes ne sont politiquement pas très éloignés de la majorité, ce qui est intéressant dans la perspective de la journée que nous nous apprêtons à vivre. Ils étendent le pass’sport que nous avons créé, ils reprendront tout à l’heure notre proposition du repas à 1 euro pour les étudiants… C’est la preuve que nous pouvons et devons travailler ensemble. Sur ces sujets, les socialistes et peut-être les écologistes se rapprochent plus de l’ancien bloc central que de LFI, qui désapprouve la présente proposition. De même, la taxe sur les produits sucrés est défendue de longue date par notre collègue Cyrille Isaac-Sibille. En toute sincérité et sans aucune flagornerie, nous tomberons certainement d’accord sur de nombreux sujets et nous aurions tout intérêt à travailler ensemble pour les Français.

Sur le fond, si de nombreuses personnes, dans nos circonscriptions, ont découvert le sport grâce au pass’sport, il a aussi beaucoup bénéficié à des gens qui faisaient déjà du sport. Le dispositif est donc certainement à revoir, sachant que les crédits qui lui sont alloués ne sont pas entièrement consommés cette année, ce qui pose un vrai problème. De plus, les filles se sont très peu emparées de l’outil alors que le sport devrait être universel.

Un angle mort du texte est la question des clubs, des bénévoles et du sport scolaire et universitaire. Dans notre pays, beaucoup de gens font du sport jusqu’à 18 ans, jusqu’au baccalauréat, puis arrêtent. Le sport universitaire est quasi inexistant.

Nous devons retravailler ce texte ensemble. Nous avons des propositions.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). La pratique sportive est un vecteur de cohésion de notre société et d’épanouissement personnel. Elle permet l’apprentissage de valeurs et de règles dès le plus jeune âge ; surtout, elle contribue au bien-être mental et physique, notamment chez les jeunes. C’est aussi un héritage de notre année olympique, exceptionnelle du point de vue de l’attrait du sport et de la promotion de ses bienfaits.

Pour y sensibiliser les plus jeunes, le pass’sport a été créé en 2021 et plusieurs fois reconduit par décret jusqu’à cette année. Le public concerné a évolué à plusieurs reprises. Vous nous en proposez ici une nouvelle version.

Le groupe Horizons & indépendants émet des réserves quant à l’ambition générale du texte. L’article 1er prévoit l’inscription du pass’sport dans la loi et le rehaussement de son montant à 75 euros ; nous nous interrogeons sur l’opportunité d’une telle mesure alors même que l’impact du dispositif actuel reste limité. Nous préconisons de l’évaluer pleinement et d’en optimiser le fonctionnement avant de le modifier à nouveau.

De plus, bon nombre d’acteurs que vous avez auditionnés se sont inquiétés de la perspective de ce changement paramétrique. À l’heure où la dotation allouée au financement du pass’sport dans le projet de loi de finances (PLF) est plus que jamais en question – c’est un euphémisme –, il est difficile de se projeter dans un nouveau cadre sans faire baisser le nombre de bénéficiaires.

Enfin, si nous ne sommes pas opposés au principe d’une taxe additionnelle sur les boissons sucrées, notamment pour des raisons sanitaires, cette méthode fait peser le financement de la mesure sur les plus modestes. Sans garantie d’impact concret sur les comportements alimentaires, une telle taxe paraît mal paramétrée.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons & indépendants votera contre le texte.

M. Salvatore Castiglione (LIOT). Le surpoids, l’obésité et les maladies chroniques associées à la sédentarité représentent un véritable fléau économique et sanitaire. Près des trois quarts des enfants et adolescents français n’atteignent pas les standards d’activité physique recommandés par l’OMS. L’accès des jeunes à une pratique sportive régulière est essentiel pour leur santé, sans même parler des bienfaits pour leur épanouissement personnel, leur émancipation et leur vie sociale.

Si le pass’sport est un outil utile pour lever les freins financiers à la pratique sportive, nous ne pouvons que constater ses limites. Le taux de recours demeure en deçà des attentes et les enveloppes budgétaires sont sous-consommées. Il faudrait aussi envisager de réorienter certains crédits vers les clubs ou les associations engageant des démarches vers les publics les plus éloignés, car la pratique sportive n’est pas spontanée et nécessite un médiateur en plus d’une aide financière.

Étendre le pass’sport est une idée intéressante, mais elle ne suffira pas à atteindre l’objectif poursuivi. Nous craignons de plus que le montant de 150 euros ne provoque pas l’appel d’air attendu ou, pire, qu’il ait un effet d’aubaine sur les prix de licence. Nous pourrions peut-être soumettre le pass’sport à des conditions de ressources, afin de cibler ceux qui en ont le plus besoin, ou encore le rendre sécable et utilisable dans plusieurs clubs. En outre, nous considérons que la priorité doit être donnée au sport à l’école. Or, alors que la promotion de l’activité sportive avait été décrétée grande cause nationale 2024, la généralisation des deux heures de sport supplémentaires dans tous les collèges a été abandonnée.

Nous soutenons la philosophie de l’article 2, qui prévoit de financer le texte par une contribution additionnelle sur les boissons sucrées. Alors que les produits les moins chers sont les plus mauvais sur le plan qualitatif, il a été démontré que la fiscalité comportementale corrigeait les inégalités nutritionnelles. C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu la modification de la taxe soda dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à savoir le passage de quinze à trois tranches et la forte revalorisation du barème. Par conséquent, créer une taxe additionnelle sur les boissons sucrées paraît moins pertinent. Nous avons proposé à la place une contribution sur les produits alimentaires transformés, déjà adoptée dans la version du PLFSS de l’Assemblée mais non reprise dans le texte final.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ont marqué un moment d’enthousiasme et d’ambition pour notre pays. Pourtant, quelques mois après leur clôture, cette volonté de faire de la France une grande nation sportive semble s’effacer. Dans le PLF pour 2025, le budget consacré au sport reste très insuffisant, n’atteignant même pas 1 % du PIB, alors que la France compte environ 14,4 millions de licenciés. Ce constat est d’autant plus préoccupant que la sédentarité constitue une véritable alerte sanitaire. En 2022, 95 % des adultes français étaient exposés à des risques pour leur santé en raison d’un manque d’activité physique. Chez les 11-17 ans, deux tiers se situent à un niveau élevé de sédentarité, avec des conséquences graves – surpoids, obésité, troubles alimentaires, altération de la qualité de sommeil. La démocratisation du sport est donc avant tout une question de santé publique.

Pour bâtir une véritable société sportive, nous devons lever de nombreux freins, qu’ils soient territoriaux, sociaux, liés au genre ou au handicap. C’est dans cet esprit qu’a été créé le pass’sport en 2021, destiné à soutenir les jeunes issus des familles modestes et initialement réservés aux bénéficiaires de l’allocation de rentrée scolaire, de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé ou de l’allocation aux adultes handicapés. Il a été élargi en 2022 aux étudiants boursiers.

Cependant, malgré ces avancées, des failles importantes subsistent. En 2023, seulement 1,3 million de jeunes ont bénéficié du dispositif, bien en deçà de l’objectif de 1,8 million. Quant aux étudiants boursiers, leur accès reste marginal – 33 000 sur plus de 800 000 bénéficiaires –, ce qui est le signe de dysfonctionnements.

La proposition de loi ambitionne de rendre le pass’sport plus inclusif et plus efficace. Elle prévoit la création d’un socle universel de 75 euros pour tous les enfants de 3 à 17 ans et une revalorisation de la part sociale du dispositif à 150 euros. Ces mesures permettraient d’élargir le public concerné, d’augmenter le montant accordé et surtout de renforcer la pratique sportive dès le plus jeune âge. Cependant, cette réforme laisse perdurer des limites à l’accès au dispositif – pour les femmes, les personnes en situation de handicap – et exclut encore une partie des étudiants précaires, notamment ceux qui ne bénéficient pas de bourses, comme de nombreux étudiants étrangers. Rappelons que 70 000 étudiants ont été exclus du bénéfice des bourses.

Nous sommes absolument d’accord avec cette proposition de loi. Je défendrai quelques amendements.

M. Bartolomé Lenoir (UDR). Un enfant français sur trois est en surpoids et la tendance s’aggrave : dans les dix années à venir, ce sera un enfant sur deux. Le pass’sport a donc une raison d’être. Pourtant, il est loin d’être idéal.

En effet, il enregistre un taux de non-recours de près de 70 %. En 2021, sur les 100 millions de crédits alloués au pass’sport, seulement 45 millions avaient été consommés. Le PLF pour 2024 avait donc revu à la baisse son budget, en le fixant à 85 millions. Si les Français ont envie de pratiquer davantage de sport, le pass’sport n’est visiblement pas un dispositif qui leur convient. En résumé, la mesure coûte cher pour un résultat mitigé. Il nous paraît donc totalement inadapté de lui donner une nouvelle ambition, d’autant plus que cela se ferait au détriment des Français avec la création d’une énième taxe, comme si ceux-ci n’en payaient pas déjà assez.

Je tiens à ajouter que la fameuse taxe soda ne constituerait aucunement une incitation pour les entreprises à réduire le taux de sucre dans leurs boissons. Avec cette proposition de loi, c’est la double peine : on développe un dispositif inefficace tout en taxant davantage les Français. La taxe n’est pas la solution à tous les problèmes ; augmenter le prix de quelques centimes n’aura pas de répercussions sur la consommation. Cela peut même avoir un effet négatif en matière de santé publique : si les premiers prix coûtent plus cher, les personnes disposant de peu de moyens auront encore moins d’argent pour se procurer des produits de meilleure qualité ; ils se porteront donc toujours sur les produits de premiers prix. En conséquence, le groupe UDR votera contre ce texte.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Belkhir Belhaddad (EPR). Le développement de la sédentarité et des maladies chroniques est devenu un véritable fléau et je fais partie des parlementaires qui avaient proposé à la ministre Maracineanu, après le covid, un dispositif sur le sujet. Je suis cependant assez sceptique concernant votre proposition. Afin de consommer l’entièreté de l’enveloppe, je vous propose plutôt de cibler davantage le dispositif, en particulier vers les personnes bénéficiant de dispositifs d’activité physique adaptée. Il conviendrait également de l’étendre, comme je l’ai fait à Metz en 2010, aux personnes de plus de 65 ans, qui sont susceptibles de développer un vrai problème d’autonomie.

Mme Pascale Bay (DR). Le surpoids chez les enfants, résultant d’une hausse de la sédentarité et d’une alimentation de mauvaise qualité, constitue un fléau. Nous portons collectivement la responsabilité d’inverser la tendance afin de ne pas créer une nouvelle cause de mal-être chez les enfants. Je salue donc votre initiative qui contribue à faire prendre conscience de la gravité du sujet, tout autant que la mission flash de nos collègues Frédérique Meunier et Christophe Proença sur l’activité physique et sportive et la prévention de l’obésité en milieu scolaire.

Toutefois, pratiquer un sport est un acte de volonté. Pour capitaliser sur l’engouement pour les Jeux olympiques et transformer l’enthousiasme en pratique réelle, il faut renforcer le lien entre les enfants et les associations sportives. Au-delà de l’aide au financement, comment faire prendre conscience aux parents qu’il s’agit d’une question d’éducation, qu’il faut inciter les enfants à pratiquer le sport ? Comment les informer de l’existence du pass’sport, bien moins connu que le pass culture ?

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Il faut cesser de prêter à mon collègue Carlos Martens Bilongo des propos qu’il n’a pas tenus. Il n’a fait que mettre en avant le manque d’infrastructures. Cette réalité est soulignée dans de nombreux rapports : il serait bien que les députés les lisent et arrêtent de caricaturer les collègues. Par ailleurs, à aucun moment le groupe de La France insoumise n’a indiqué qu’il ne soutenait pas le pass’sport. Toutefois, nous pensons que le manque d’infrastructures et d’offre dans les territoires, en particulier dans les quartiers les plus précaires, ne permet pas de le mettre en œuvre. En cela, il y a une inadéquation entre l’offre et la demande.

Pour conclure, nous nous abstiendrons. Nous préférerions amender ce texte sur le principe du pollueur-payeur : plutôt que de taper dans le portefeuille des familles, il convient de se pencher sur les entreprises qui nuisent à la santé des enfants et des familles avec des taux trop élevés de sucre dans les sodas.

M. Pierrick Courbon (SOC). Il y a un relatif consensus sur la pertinence de l’outil pass’sport et sur l’impérieuse nécessité de lutter contre le non-recours. L’intérêt premier de cette proposition de loi est de donner une réalité législative au pass’sport. Sinon, ce dernier restera soumis chaque année à la décision politique, avec le risque qu’une nouvelle majorité décide de le supprimer ou d’en réduire drastiquement les crédits.

Par ailleurs, je souhaite interroger le rapporteur sur la possibilité, à terme, d’étendre encore le pass’sport aux publics éloignés de la pratique sportive – seniors, personnes en situation de handicap, personnes ayant subi des accidents de la vie. Cela pourrait être une piste d’évolution.

M. Joël Bruneau (LIOT). L’universalité de la pratique sportive ne devrait pas rimer systématiquement avec la gratuité. Les freins en la matière sont malheureusement très liés au niveau socioculturel. De même, si le sport à l’université n’est pas très développé, c’est parce qu’on a toujours considéré en France que la formation intellectuelle l’emporte de très loin sur toute activité physique et sportive – en clair, les jambes ne pourraient pas aller avec la tête. Enfin, un sujet a été oublié à l’occasion des Jeux olympiques : la pratique sportive suppose un minimum de goût pour l’effort !

Si l’on veut vraiment augmenter la pratique sportive, cela nécessite une médiation, comme en matière culturelle. Elle peut venir de la famille, des professeurs d’éducation physique et sportive et des bénévoles dans les clubs. C’est sur ce point que nous devons concentrer nos efforts.

M. Thierry Sother, rapporteur. Je partage un grand nombre des propos qui viennent d’être tenus.

Le dispositif pass’sport en est à sa quatrième saison. Il a fortement évolué, dans le bon sens, depuis sa création, lorsque le ciblage dépendait surtout de l’enveloppe financière disponible. Il est désormais plus simple et plus accessible, même si les fédérations et les clubs que j’ai auditionnés constatent que la question de la fracture numérique demeure un frein pour nombre de familles. De même, les délais de trésorerie et les modalités de remboursement constituent une source de complexité pour les clubs.

Le taux de recours oscille désormais autour de 20 % à 22 %. L’une des principales explications tient à la faiblesse du montant financier : le pass’sport ne trouve pas sa cible parce que le dispositif est trop complexe pour son montant de 50 euros. Mais ce n’est pas parce que le taux de recours n’est que de 20 % qu’il faut le supprimer.

Je propose d’amplifier et même d’universaliser ce dispositif. En effet, l’objectif premier doit être d’accroître le nombre de pratiquants. Si la question de la motivation est première – ce n’est pas une aide financière qui convaincra un enfant de faire du sport s’il n’en a pas envie –, le frein financier demeure le premier obstacle pour les familles dont les enfants souhaitent pratiquer une activité sportive. L’universalisation permettra de lever cette barrière.

Il a été évoqué la question de la solidarité. L’aide de 150 euros, sous condition de ressources, est en quelque sorte un pass’sport bonifié, à côté du pass’sport socle qui sera accessible à l’ensemble des enfants de 3 à 18 ans.

J’ai entendu les critiques sur le coût de la mesure. Permettez-moi de le mettre en regard de ce que coûtent la sédentarité et l’obésité à la sécurité sociale, des pertes de chances et de la diminution de l’espérance de vie qu’elles provoquent. Accroître la pratique sportive dans la jeunesse améliore la santé cardiovasculaire tout au long de la vie.

La question des infrastructures, de l’encadrement et du bénévolat dans les clubs est centrale. Ayant bien conscience que mon texte n’est pas l’alpha et l’oméga, j’espère que nous pourrons en débattre plus largement dans les mois qui viennent, afin de transformer l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 en véritable dynamique. Ce débat est attendu par le monde sportif.

Concernant la taxe sur les boissons sucrées, elle s’inscrit dans le cadre d’une démarche vertueuse, mettant sur le même plan les dynamiques pour plus de pratique sportive et pour l’amélioration des habitudes alimentaires de la société. En Grande-Bretagne, qui a lancé cette initiative il y a une dizaine d’années, la taxe a eu un impact comportemental, non pas sur la consommation mais sur les industriels, qui ont réduit les quantités de sucre dans les boissons sucrées. Un véritable impact est donc possible.

Enfin, l’ouverture du pass’sport à partir de 3 ans – sujet qui me tient à cœur – est essentielle pour graver la pratique sportive dans les habitudes dès le plus jeune âge. Certaines fédérations proposent déjà des activités de baby gym, bébés nageurs ou baby rugby. Cela aide à acquérir le geste moteur et apprend à tomber, sauter, courir, nager. C’est essentiel pour faire bouger les jeunes. Nous partageons tous l’idée que la sédentarité des jeunes et l’invasion des écrans sont un fléau. Si nous n’agissons pas, nous allons vers une catastrophe sanitaire qui aura des conséquences sur des générations entières.

Article 1er Dispositions relatives au dispositif national pass’sport

Amendement AC27 de M. Thierry Sother

M. Thierry Sother, rapporteur. Le dispositif du pass’sport fonctionne par saison et son remboursement pour la saison 2024-2025 sera clos en décembre. Il est donc proposé, pour plus de réalisme, de faire entrer en vigueur le nouveau dispositif à partir de la saison 20252026.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC15 de M. Joël Bruneau

M. Joël Bruneau (LIOT). Il s’agit de préciser autant que possible qui peut être destinataire du remboursement. Il est donc proposé d’ajouter les structures et les associations sportives, qui accompagnent réellement la pratique sportive.

M. Thierry Sother, rapporteur. Avis favorable à cette précision rédactionnelle.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC28 et AC29 de M. Thierry Sother, rapporteur.

Amendement AC1 de M. Salvatore Castiglione et sous-amendement AC32 de M. Thierry Sother

M. Salvatore Castiglione (LIOT). L’amendement vise à rendre le pass’sport sécable entre deux clubs ou structures sportives. L’article 1er, s’il est adopté, entraînera plusieurs évolutions qui plaident en ce sens. D’une part, son montant augmenterait, passant à 75 euros, voire 150 dans certains cas. Or il est tout à fait possible que des licences ou adhésions soient inférieures à 150 euros. D’autre part, le texte propose de rendre éligibles les fédérations sportives scolaires, qui proposent souvent un coût moyen annuel entre 20 et 30 euros pour les familles, soit bien en deçà des montants proposés. Rendre le dispositif du pass’sport sécable entre deux associations ou structures sportives permettrait d’éviter de perdre 120 ou 130 euros et de mieux utiliser l’aide financière au bénéfice des clubs dans les territoires.

M. Thierry Sother, rapporteur. La sécabilité entre plusieurs inscriptions sera d’autant plus justifiée que le montant de l’aide sera important. Toutefois, la robustesse du dispositif et la traçabilité de son utilisation ne sont pas encore assurées : autoriser la sécabilité dès maintenant risquerait de fragiliser le système en créant une complexité supplémentaire, alors que les acteurs du monde sportif ont insisté sur le besoin de simplification. C’est pourquoi j’ai déposé un sous-amendement visant à reporter l’entrée en vigueur de cette bonne disposition à la saison 2026-2027. Cela donnera le temps nécessaire aux services ministériels pour faire évoluer l’ingénierie du dispositif.

M. Erwan Balanant (Dem). Je suis favorable à cet amendement car sinon, l’augmentation du montant du pass’sport risque d’entraîner une inflation – certains clubs pouvant être tentés de déterminer le montant de la licence en fonction de celui de l’aide. Cela donnerait sans doute des moyens supplémentaires à certaines associations mais je ne crois pas que cela soit l’objectif recherché.

Toutefois, la mise en œuvre sera assez compliquée, par exemple si le socle reste insécable tandis que le non-socle devient sécable. Je trouve donc logique que le rapporteur propose de prendre le temps de mener la réflexion qui s’impose.

M. Bertrand Sorre (EPR). Nous nous opposons à la sécabilité parce que nous ne voulons pas alourdir le travail administratif des associations, exécuté bien souvent par des bénévoles. Nous voterons donc contre l’amendement et le sous-amendement.

M. Christophe Proença (SOC). Les licences dans le sport scolaire représentent de petits montants, de l’ordre de 20 ou 30 euros. La sécabilité est donc essentielle pour les structures concernées, notamment l’UNSS et l’Usep, qui sont en difficulté.

Dans le département du Lot, le dispositif Ticket sport, qui est un de ceux qui ont servi de modèle au pass’sport, ne rembourse que le coût de la licence. Nous travaillons avec d’autres partenaires et d’autres départements, car il existe des moyens d’agir pour rendre cette aide plus juste. La sécabilité en fait partie.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). L’amendement et le sous-amendement ont le mérite de rappeler qu’il serait sans doute bon de rendre le sport gratuit pour tous. Cela responsabiliserait les clubs et les associations sportives, notamment scolaires, car chacun pourrait avoir accès au sport sans que les finances constituent un obstacle – certains clubs fixent des montants de licences bien au-delà de 150 euros, sans parler de l’équipement nécessaire. Mais nous nous abstiendrons car, si nous soutenons l’esprit, nous ne partageons pas la lettre.

M. Belkhir Belhaddad (EPR). Rien n’est gratuit : il y a toujours quelqu’un qui paye, que ce soit la collectivité, par l’impôt, ou l’usager. Je comprends tout à fait la démarche et je partage l’idée que sa mise en œuvre serait complexe. Je vous propose donc de travailler avec les fédérations pour créer des licences multisports, qui faciliteraient le passage d’une activité à une autre. Cela n’existe pas encore mais cette piste me paraît intéressante.

Mme Claudia Rouaux (SOC). La sécabilité du pass’sport est essentielle pour lutter contre l’inactivité et la sédentarité des jeunes. Elle leur permettrait de pratiquer une activité sportive le mercredi après-midi, gratuite puisque les 20 euros de coût de l’UNSS, qui représentent beaucoup pour certains, seraient pris en charge.

M. Bertrand Sorre (EPR). Concernant le sport scolaire, il faut garder à l’esprit que le montant de la licence est très faible. De plus, si un élève ne peut pas payer les 10 ou 20 euros demandés, les fonds sociaux des collèges prennent le relais. À ma connaissance, il n’y a aucun empêchement financier à ce qu’un jeune pratique un sport dans le cadre scolaire.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les fonds sociaux ont joué ce rôle jusqu’à présent, c’est vrai, mais ils ont été largement vidés par le PLF pour 2025. Cela va devenir très compliqué.

M. François Ruffin (EcoS). Le coût n’est pas le principal frein à la pratique sportive, et c’est un obstacle facile à lever. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est agir sur les freins culturels et sur l’absence de structures sportives scolaires dans certains établissements – il n’y a pas d’UNSS partout ! Ce sera plus compliqué.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). L’augmentation du nombre de licenciés au sein du mouvement sportif serait une bonne chose mais ce n’est pas la priorité. Selon moi, le plus important est d’encourager la pratique et l’assiduité, ce qui passe par l’éducation et la responsabilisation des parents.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Amendement AC17 de M. Joël Bruneau

M. Joël Bruneau (LIOT). Cet amendement rédactionnel vise à préciser que c’est l’âge au 1er janvier de l’année de la demande qui détermine l’éligibilité au dispositif.

M. Thierry Sother, rapporteur. Le ministère avait fait le choix, au moment de la mise en place du pass’sport, d’apprécier l’âge au 30 juin puisque le dispositif fonctionne par saisons. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AC19 de M. Joël Bruneau et amendements identiques AC13 de M. Julien Odoul et AC23 de M. Joël Bruneau (discussion commune)

M. Joël Bruneau (LIOT). Je propose de limiter l’âge des bénéficiaires du montant forfaitaire bonifié à 23 ans – soit peu ou prou la fin d’un cursus bac + 5.

M. Thierry Perez (RN). L’amendement AC13 propose de ramener de 28 à 25 ans la limite d’âge pour bénéficier du montant forfaitaire bonifié du pass’sport. Il est inacceptable en effet que ce dispositif, financé par le contribuable français et destiné à promouvoir la pratique sportive, devienne un outil d’assistanat prolongé pour une minorité d’étudiants qui abusent du système universitaire. L’amendement AC11 qui vient juste après aura le même objet.

M. Thierry Sother, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements. On ne peut s’en tenir au critère de l’âge, il faut tenir compte des parcours de vie – des années de césure, des réorientations. Rappelons que l’on observe un décrochage massif de la pratique sportive lors de l’entrée dans la vie étudiante, pour des raisons avant toutes financières, car les étudiants qui cumulent un emploi avec leurs études n’ont pas assez de temps. Il faut donc soutenir très largement l’activité sportive au sein de cette population.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Notre groupe votera contre ces amendements, pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur. La vision caricaturale de l’université qu’ils reflètent ne correspond pas à la réalité. J’ai tendance à penser, par exemple, que les chercheurs ont souvent plus de 25 ans.

Prenons conscience, surtout, du signal que nous envoyons. D’abord, le dispositif ne réglera pas tout. Ensuite, le sport n’est pas qu’un loisir : pour être pratiqué sans risques pour la santé, qui se répercutent sur les comptes de la sécurité sociale, il doit faire l’objet d’un encadrement par des professionnels.

M. Fabien Di Filippo (DR). J’entrevois une extension sans fin du dispositif : après les très jeunes enfants et les étudiants, bientôt les jeunes actifs et, bien sûr, les seniors !

Le collègue précédent a tenu des propos très intéressants : oui, le sport nécessite un encadrement de qualité. En ce sens, les moyens que vous voulez lui consacrer devraient être plutôt alloués à la formation des encadrants – qui est très onéreuse, alors même qu’il s’agit souvent de bénévoles – et aux infrastructures. Lorsque nous étions jeunes, nous nous retrouvions sur les terrains de jeu sans être encadrés et avions davantage d’activité physique que maintenant. Aujourd’hui, lorsque les jeunes ne sont pas dans les clubs – dont les infrastructures sont saturées –, ils sont devant leurs écrans et les terrains des communes sont vides. J’ajoute que le coût des licences est modique par rapport au coût total de la pratique sportive.

M. Erwan Balanant (Dem). Le sport universitaire est l’angle mort de la pratique sportive. J’ai un peu exagéré tout à l’heure en le qualifiant de quasi inexistant. Cependant, les compétitions qui sont organisées dans ce cadre ne sont pas la priorité des sportifs de haut niveau.

Pourquoi un étudiant en histoire ne devrait-il plus faire de sport dans le cadre de son cursus, alors que c’était obligatoire jusqu’au baccalauréat ? C’est à ce moment qu’il faudrait ancrer la pratique sportive dans les habitudes, afin qu’elle soit poursuivie le plus longtemps possible. L’extension du pass’sport jusqu’à 23 ans me semble donc être une bonne idée.

M. François Ruffin (EcoS). L’entrée à l’université est, avec l’entrée au lycée, l’un des deux moments de décrochage, et le fait qu’un nombre croissant d’étudiants occupent un emploi ne facilite pas la pratique sportive.

J’ai entendu employer le terme d’assistanat. Or l’universalité du dispositif socle que propose cette PPL répond justement à cette phrase que l’on entend souvent, le « nous, on n’a droit à rien », qui est un véritable poison pour notre société. Il faut que ceux qui travaillent aient droit aussi au pass’sport pour leurs enfants.

Protégeons la pratique sportive, enfin, parce qu’elle peut aider les personnes désocialisées ou ayant perdu leur emploi à reprendre confiance en elles et à renouer le lien avec la société.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Il y a deux obstacles à la pratique sportive à l’université : le fait que le sport ne soit pas inclus dans les formations diplômantes, et le manque criant d’infrastructures. L’accès aux salles de sport privées coûte cher, c’est vrai, mais tout ce qui permet aux jeunes de continuer à avoir une activité physique doit être favorisé. De ce fait, il ne faut pas limiter le dispositif à 23 ans.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Il y a bien du sport à l’université, monsieur Balanant, grâce aux services universitaires des activités physiques et sportives (Suaps), et les services de santé étudiante le promeuvent. Le problème, c’est qu’un étudiant sur deux travaille en parallèle de ses études et n’a donc pas le temps de pratiquer une activité sportive. La garantie d’autonomie que nous proposons d’instaurer permettrait d’y remédier. Nous proposons aussi d’abroger la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, qui laisse le choix à celles-ci d’investir ou non dans le sport. Nous défendons enfin un financement accru des universités, quatre sur cinq étant aujourd’hui en situation de déficit. Rappelons en outre que c’est à 27 ans en moyenne qu’un jeune obtient son premier emploi stable. Il faut donc favoriser l’accès au sport indépendamment de l’âge ou du statut d’étudiant.

M. Erwan Balanant (Dem). Ayant été sportif de haut niveau pendant mes études à l’université, je sais évidemment que l’on peut y pratiquer le sport – je le faisais avant les cours et après les cours. Je vous invite donc à garder vos leçons pour vous. Tous les spécialistes le disent, rejoints en cela par les syndicats : le sport à l’université n’est pas assez promu. Contrairement à ce qui se passe dans les autres pays, par exemple, les compétitions universitaires ne sont pas une priorité pour les sportifs. Ne pas reconnaître le problème, c’est renoncer à le régler.

M. Thierry Sother, rapporteur. Les amendements dont nous débattons visent à restreindre non pas une de mes propositions mais le dispositif déjà existant, à rebours de l’objectif d’ouvrir la pratique sportive au plus grand nombre. Je réitère mon avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AC25 de M. Joël Bruneau et amendements identiques AC11 de M. Julien Odoul et AC24 de M. Joël Bruneau (discussion commune)

M. Joël Bruneau (LIOT). Il s’agit encore de proposer une limite d’âge pour l’éligibilité au dispositif.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AC12 de M. Julien Odoul

M. Bruno Clavet (RN). L’univers du terrain ou de la salle de sport n’est pas seulement un espace de socialisation, il est également devenu un incubateur pour islamistes et terroristes en puissance. Dans une note de mars 2022, le Conseil des sages de la laïcité souligne que le sport est même l’objet d’un véritable entrisme religieux. Cette offensive islamiste prend forme au travers du port de tenues manifestant une appartenance religieuse, comme le hidjab. Cet amendement vise à subordonner le remboursement du pass’port au respect de la laïcité par les structures et associations sportives et, en particulier, au respect de l’interdiction des signes religieux et politiques ostensibles. L’argent des Français ne doit pas servir à financer le prosélytisme, la radicalisation islamiste et la propagande communautariste.

M. Thierry Sother, rapporteur. Je ne partage pas du tout votre propos. D’abord, l’agrément ministériel des fédérations et des associations sportives, comme des associations de jeunesse et d’éducation populaire, est conditionné par la signature d’un contrat d’engagement républicain, lequel exige notamment que ne soit pas remis en cause le caractère laïque de la République. En outre, cet amendement reviendrait à pénaliser tous les adhérents du club et aurait de ce fait un effet dissuasif. Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Notre groupe votera contre cet amendement, qui répond plus à une névrose qu’à la réalité. Le droit républicain s’applique à tous et doit être respecté y compris lors de la rédaction des amendements, celui-ci ayant pourtant une visée clairement discriminatoire. Plutôt que de stigmatiser une partie de la population, il faut donner les moyens aux clubs et aux associations sportives de faire respecter partout les valeurs que nous prônons – y compris les clubs fréquentés par les auteurs de ce type d’amendement qui, sur les réseaux sociaux, prônent des idéologies plus proches des années 1939-1945 que de 2024.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC26 de M. Thierry Sother

M. Thierry Sother, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le pass’sport aux associations sportives des écoles affiliées aux fédérations sportives du 1er et du 2nd degré (Usep et UNSS), lesquelles ne dépendent pas du ministère des sports mais de celui de l’éducation nationale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC16 de M. Joël Bruneau

M. Joël Bruneau (LIOT). Toute activité physique étant bénéfique pour des enfants très éloignés du sport, y compris une randonnée, par exemple, je propose d’élargir le pass’sport aux activités de plein air.

M. Thierry Sother, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter à la liste des associations habilitées les associations de jeunesse et d’éducation populaire proposant une activité physique. Il me semble satisfait par l’alinéa 20 de l’article 1er. Je vous invite à le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendement AC21 de M. Joël Bruneau

M. Joël Bruneau (LIOT). Cet amendement a surtout vocation à ouvrir le débat sur un écueil possible : que le pass’sport ne soit utilisé que par des jeunes qui, quoi qu’il arrive, auraient fait du sport. Pour l’éviter, il faudrait que les associations puissent démontrer une augmentation de leur nombre de pratiquants.

M. Thierry Sother, rapporteur. Votre amendement pose deux difficultés majeures. D’une part, il reviendrait à interdire le bénéfice du pass’sport à de nouveaux inscrits au motif que le nombre de pratiquants au sein d’un club n’aurait pas augmenté. D’autre part, il faudrait attendre la fin du mois de décembre pour mesurer cette augmentation. Or le remboursement se fait à mesure que les demandes sont transmises par les clubs, à partir du 1er juillet.

M. Fabien Di Filippo (DR). Cet amendement aurait un effet pervers redoutable et imposerait sans doute de revenir sur le versement de certaines sommes. Toute activité associative est cyclique. L’augmentation du nombre de pratiquants consécutive aux Jeux olympiques se tassera forcément à un moment donné – preuve que le pass’sport ne règle pas tout. La question de fond est celle de notre rapport culturel au sport. Avant de vouloir financer les licences, interrogeons-nous : pourquoi les parents ne passent-ils pas plus de temps, pendant les premières années de la vie de leurs enfants, à faire du sport avec eux ? Pourquoi le sport ne fait-il pas partie de notre vie quotidienne ? Il est faux d’affirmer que le frein serait le coût de la licence.

M. François Ruffin (EcoS). J’invite moi aussi M. Bruneau à retirer son amendement : celui-ci complexifierait le dispositif, en contradiction avec l’objectif de simplification qui nous occupe. De surcroît, les bénévoles et les dirigeants ne sauraient être tenus pour responsables du nombre de leurs licenciés, ne serait-ce que parce que celui-ci dépend aussi des équipements auxquels le club a accès.

M. Joël Bruneau (LIOT). C’est un amendement d’appel, visant à souligner que le pass’sport doit contribuer à accroître le nombre de pratiquants sportifs. Je mesure néanmoins les complications qu’il induirait pour les clubs et associations.

L’amendement est retiré.

Amendement AC22 de M. Joël Bruneau

M. Joël Bruneau (LIOT). Cet amendement vise à inciter les associations à déployer des actions de médiation pour attirer les jeunes plutôt qu’à simplement accueillir ceux qui se présentent à elles. Je partage à cet égard l’avis de Fabien Di Filippo sur la nécessité d’un encadrement de qualité.

M. Thierry Sother, rapporteur. Il est vrai que la pratique sportive n’est pas toujours spontanée et qu’il faut parfois un élément déclencheur. Lors des auditions, le rôle des pairs, des proches et des familles a souvent été mentionné. Mais le conditionnement de l’habilitation à la présence d’un médiateur risque d’affecter les budgets des clubs, en particulier des plus petits. Avis défavorable.

M. François Ruffin (EcoS). Un mot sur l’amendement précédent : il ne s’agit pas selon moi de mesurer l’augmentation de la pratique sportive club par club mais d’évaluer les effets du pass’sport au niveau national.

S’agissant des actions de médiation, la solution que vous proposez ne me semble pas la bonne, monsieur Bruneau. Je vous rejoins sur le fond : il faut des médiateurs, des animateurs et des éducateurs pour attirer les jeunes vers le sport. Mais, outre que cela se joue beaucoup à l’extérieur des clubs, il se trouve que ceux-ci n’ont souvent pas les moyens de recruter ce type d’encadrants.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). La question soulevée par cet amendement, celle des freins à la pratique sportive, mériterait de faire l’objet d’un rapport. Comme l’a dit Fabien Di Filippo, on ne devient pas une nation sportive en légiférant : une loi agit sur les comportements et non sur les mentalités. À cet égard, il faut soutenir les collectivités territoriales qui, par le biais de leurs agents ou d’associations conventionnées, vont chercher les publics pour les amener vers le sport.

M. Belkhir Belhaddad (EPR). Je suis très sceptique face à cette proposition : faisons plutôt confiance aux collectivités locales et territoriales. Lorsque j’ai mis en place le pass’sport dans ma ville en 2010, avec le soutien du centre communal d’action sociale, nous n’avons pas eu besoin de le conditionner à la présence de médiateurs pour qu’il soit une vraie réussite : ce qu’il nous a fallu, c’est une volonté politique et un ciblage du dispositif. Nous devons maintenant travailler sur les freins qui demeurent. Sur ce sujet, je suis en désaccord avec M. Di Filippo : l’aspect financier reste un frein, tout comme l’absence d’équipements ou d’éducateurs. Nous avons d’ailleurs déposé, dans le cadre du PLF pour 2025, un amendement visant la création de 1 000 postes d’éducateurs sportifs partout en France.

M. Joël Bruneau (LIOT). Je ne souhaite évidemment pas obliger les clubs à recruter chacun un médiateur professionnel. Mais, quelle que soit leur taille, la qualité de l’encadrement est essentielle – qu’il soit assuré par un bénévole ou non. La plupart des fédérations exigent d’ailleurs que les éducateurs aient suivi des formations pour encadrer : nul besoin d’une fonctionnarisation de l’encadrement sportif.

Je mesure la difficulté de mise en œuvre d’un tel amendement, qui vise simplement à souligner que le pass’sport ne suffira pas si l’on ne s’attaque pas aux autres obstacles à la pratique sportive.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendements AC6 et AC7 de M. Carlos Martens Bilongo

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous proposons l’insertion de deux articles additionnels. Le premier disposerait que la nation se fixe pour objectif de permettre à tous les enfants et à tous les jeunes adultes, y compris les étudiants, d’accéder à une activité sportive régulière, en réduisant les barrières économiques, sociales et géographiques qui sont particulièrement marquées dans les zones rurales et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Le second prévoirait que la nation se fixe pour objectif de réduire significativement la consommation de sucres ajoutés chez les enfants d’ici 2030, notamment via des campagnes de sensibilisation et par l’introduction, dans tous les établissements scolaires, de modules éducatifs sur la nutrition saine et équilibrée ainsi que sur l’impact du sport sur la santé physique et mentale.

M. Thierry Sother, rapporteur. Je suis favorable à ces deux amendements. Je vous propose néanmoins, pour leur donner une meilleure visibilité, de les insérer respectivement dans le code du sport – à l’article L.100-1, qui dispose que « la loi favorise un égal accès aux activités physiques et sportives, sans discrimination » – et dans le code de l’éducation.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement AC30 de M. Thierry Sother

M. Thierry Sother, rapporteur. Je propose que le gouvernement remette au Parlement un rapport sur le bilan à tirer des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, en vue, je l’espère, de l’adoption d’une loi d’héritage dans les prochains mois.

Mme Céline Calvez (EPR). J’invite notre commission à faire usage de sa capacité de créer une mission d’évaluation. La loi du 2 mars 2022 contient des dispositions relatives non seulement à la gouvernance du sport, mais surtout, dans son titre Ier, aux liens à créer entre le sport et l’école ou la santé pour en démocratiser la pratique. Nous pourrions utilement nous pencher sur ces questions, plutôt que de nous contenter de charger le gouvernement de le faire.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous pourrons effectivement évaluer cette loi, qui aura trois ans au printemps.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC31 de M. Thierry Sother

M. Thierry Sother, rapporteur. Il s’agit d’obtenir un rapport dressant le bilan des politiques publiques promouvant l’activité physique chez les jeunes.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AC9 et AC10 de M. Carlos Martens Bilongo

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Je propose que le gouvernement remette au Parlement deux rapports, l’un relatif aux inégalités sociales dans l’accès à une activité sportive et l’autre portant sur les causes et les conséquences de la consommation excessive de sucre.

M. Thierry Sother, rapporteur. Des missions d’information me sembleraient plus appropriées, notamment sur la question des équipements sportifs, qui dépendent essentiellement des collectivités locales. Avis de sagesse.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement AC33 de M. Thierry Sother

M. Thierry Sother, rapporteur. Attaché à l’évaluation des politiques publiques, je propose de prévoir la remise d’un rapport sur les effets du pass’sport sur la pratique sportive.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AC14 de M. Julien Odoul.

Article 2 : Gage financier

Amendement AC8 de M. Carlos Martens Bilongo

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Nous proposons que la proposition de loi soit gagée selon le principe du pollueur-payeur, c'est-à-dire en taxant les entreprises – souvent des multinationales basées à l'étranger – qui portent atteinte à la santé de nos enfants en leur vendant des produits bourrés de composants chimiques ou nocifs, dont le sucre. Les publicités incitant à consommer ces produits, véritables cancers sucrés, mettent à mal les politiques publiques visant à promouvoir l’activité physique et doivent donc être imposées.

M. Thierry Sother, rapporteur. Je me réjouis que la nécessité de combattre la présence addictive du sucre dans les produits proposés à la consommation fasse l’unanimité.

L’idée de substituer une taxe sur les publicités pour les boissons sucrées au gage que je propose, à savoir une taxe sur ces boissons elles-mêmes, m’inspire toutefois quelques réserves. Il n’est pas certain qu’une telle taxe incite les industriels à réduire le taux de sucre dans leurs recettes, d’autant que l’attractivité des boissons sucrées ne se limite pas aux seules publicités – il suffit de participer à une kermesse ou à une manifestation dans une école pour le constater. Bref, je ne suis pas sûr que la cible choisie soit la bonne. Une taxe portant directement sur les boissons sucrées me semble plus appropriée. Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Le gage que nous proposons permettrait au contraire à la puissance publique de prendre le relais de sportifs qui se sont engagés sur cette question, comme ce très grand footballeur international, qui, pendant une conférence de presse, a écarté une bouteille de Coca-Cola, sponsor de la compétition, pour signifier aux jeunes générations que ce produit n’est pas bon pour leur santé.

Vous avez souhaité lier la question du sucre à celle du sport. L’amendement vise à mettre en cohérence notre législation avec le travail de pédagogie déjà à l’œuvre dans les clubs. Il appartient à la puissance publique de prendre le relais des personnalités pour défendre l’intérêt général, les sportifs, et tous ceux qui pensent que la pratique sportive devrait aller de pair avec des pratiques alimentaires vertueuses pour la santé.

M. Thierry Sother, rapporteur. Une taxe sur la publicité pourrait être instaurée de façon complémentaire, mais ce que vous proposez est une substitution pure et simple. Je maintiens donc mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 non modifié.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

*

La commission examine ensuite la proposition de loi visant à rendre accessible à tous les étudiants le repas à 1 euro (n° 519) (Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure).

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Les étudiants ont faim. Les chiffres témoignent d’une précarité étudiante grandissante, qui n’est autre qu’une nouvelle forme de pauvreté : en 2023, près d’un étudiant sur cinq déclarait que ses difficultés financières l’empêchaient de vivre dignement ; 65 % d’entre eux disent avoir déjà eu recours à l’aide alimentaire ; 36 % sautent des repas par manque d’argent.

Cette situation est en partie due à la décision de restreindre le dispositif des repas à 1 euro pour tous les étudiants, institué pendant la crise sanitaire. En réservant ce tarif aux seuls étudiants boursiers ou identifiés comme précaires par les services sociaux des Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires), le gouvernement a privé de nombreux étudiants d’un dispositif dont ils avaient besoin.

Accorder le repas à 1 euro en priorité aux étudiants boursiers, c’est persister à fonder cette mesure de justice et d’égalité sur un statut de boursier pourtant largement dépassé. Ses lacunes sont en effet connues : effets de seuil, prise en compte injuste des revenus des parents, faible adaptabilité du fait d’un calcul fondé sur les revenus de l’année précédant la demande. À notre grand regret, cela ne devrait pas s’arranger dans un avenir proche, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ayant annoncé un nouveau report de la réforme du système des bourses, que tous les acteurs du secteur appellent pourtant de leurs vœux.

Pour les étudiants non boursiers mais précaires, l’accès au dispositif reste, quant à lui, trop limité. Il faut notamment constituer un dossier et prendre rendez-vous auprès des assistants sociaux du Crous. Malgré le travail et les efforts quotidiens de ces derniers, les délais d’attente peuvent atteindre plusieurs mois, en particulier au moment sensible de la rentrée universitaire, quand ils ne dissuadent pas les étudiants de déposer une demande. Plus profondément, ces procédures varient fortement d’un Crous à l’autre, notamment s'agissant des documents à présenter pour faire état d’une situation de précarité. Elles sont donc porteuses d’inégalités et leur caractère intrusif, voire stigmatisant, pose question. Enfin, cette possibilité est limitée, dans la pratique, par la faible information des étudiants sur les aides auxquelles ils pourraient prétendre.

Finalement, seul un étudiant non boursier sur dix a recours au dispositif, soit 40 000 jeunes, sur plus de 400 000 qui en auraient besoin. Nous ne pouvons pas nous accommoder d’un tel taux de non-recours, ni prétendre apporter des aides qui ne seront, en réalité, pas sollicitées par leurs destinataires.

La loi dite Levi du 13 avril 2023 visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré a le mérite de prendre en compte les étudiants les plus éloignés des centres de restauration universitaire, mais présente une lacune : elle ne définit pas ce qui constitue une « offre de restauration à tarif modéré », si bien que les repas servis dans ce cadre peuvent continuer de grever les budgets des étudiants les plus précaires. Par ailleurs, la compensation financière de 40 euros par mois prévue pour les boursiers ne disposant d’aucun site de restauration à moins de vingt minutes de leur lieu d’études est insuffisante : n’avons-nous donc que 60 centimes par repas à offrir à nos étudiants ?

Il y a près de deux ans, je déposais une proposition de loi visant à étendre le repas à 1 euro à tous les étudiants. En février 2023, elle était rejetée à une voix près dans l’hémicycle. Depuis, l’accroissement de la précarité étudiante a confirmé la nécessité de cette mesure, que j’ai l’honneur de défendre de nouveau aujourd’hui.

Dans le cadre de mes travaux préparatoires, j’ai visité les Crous de Caen, de Nancy, de Marseille, de Lille, de Bordeaux et bien d’autres. J’ai rencontré de nombreuses organisations étudiantes – l’Union étudiante, la Fage (Fédération des associations générales étudiantes), l’Unef (Union nationale des étudiants de France) – ainsi que des associations de solidarité comme Cop1. Je me suis entretenue avec des représentants de la CGT, avec les responsables du Cnous (centre national des œuvres universitaires et scolaires), ainsi qu’avec les directeurs des Crous de La Réunion, de Bordeaux, de Créteil, ou encore de Corse. J’ai échangé avec l’Association des villes universitaires de France ainsi qu’avec France Universités, dont les membres étaient mobilisés hier contre la baisse du budget des universités et à qui j’adresse tout mon soutien. Je tiens à remercier toutes ces personnes pour leur implication et la qualité de nos échanges et à saluer leur dévouement précieux dans le contexte social dégradé que nous connaissons.

L’instauration d’un tarif unique à 1 euro comporterait plusieurs avantages. Ce tarif effacerait les différences de traitement injustifiées opérées entre les étudiants en raison de leur situation vis-à-vis du système des bourses et constituerait une première étape vers le soutien universel à l’émancipation des jeunes, décorrélé des ressources de leurs parents, que le groupe Socialistes et apparentés promeut depuis plusieurs années.

Il remédierait aux effets de seuil et au problème du non-recours, les étudiants précaires étant peu au fait des démarches à effectuer. Ouvert à tous les étudiants, il bénéficierait avant tout aux plus précaires, puisque les Crous sont principalement fréquentés par des étudiants modestes, le prix étant leur premier facteur d’attractivité. Prétendre qu’une masse d’étudiants privilégiés se ruerait vers les restos U si la mesure était votée, c’est par ailleurs méconnaître la sociologie des universités, avant tout composées de jeunes des classes modestes et moyennes.

La proposition de loi vise également à assurer un meilleur maillage territorial du dispositif, beaucoup d’étudiants manquant d’un restaurant universitaire à proximité de leur lieu d’études. Pour ce faire, le premier levier consiste à étendre l’offre à tous les points de vente gérés par les Crous, notamment aux cafétérias, afin que ce service public soit proposé sur tous les campus, même sur les plus petits. La seconde étape serait d’étendre l’offre de restauration à 1 euro aux sites agréés par les Crous, dans le sillage de la loi Levi, qui encourage le conventionnement de structures publiques et privées dans les zones dépourvues de sites de restauration universitaire.

Ce texte est enfin un appel à renforcer les moyens alloués au réseau des œuvres universitaires, en particulier pour soulager les agents, qui font face à une forte augmentation de la demande, et pour désengorger les restaurants universitaires, dont les files d’attente s’allongent. Je réitère mon soutien aux agents des Crous, qui travaillent souvent dans des conditions difficiles et composent avec des moyens insuffisants. Le coût de cette proposition de loi, estimé à environ 90 millions d’euros, inclut une hausse des moyens mis à leur disposition.

J’ajoute que l’activité des restaurants des Crous n’a pas vocation à être rentable : ayons le courage de la considérer comme une activité de service public, au même titre que l’école ou l’hôpital. La précarité étudiante est un phénomène d’ampleur, qui appelle une réponse forte des pouvoirs publics. Les dernières annonces du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et, plus largement, le désengagement de l’État en la matière, dont témoigne la baisse significative des crédits consacrés à la vie étudiante dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, devraient nous inquiéter.

Un sursaut est indispensable. La mise à disposition d’une offre de restauration à 1 euro pour tous les étudiants serait la première étape du long chemin qu'il nous faut emprunter pour mettre fin à la pauvreté étudiante. Un pays comme le nôtre doit traiter correctement ses étudiants, qui rendront largement à l’État, au cours de leur vie de travail, ce qu’ils auront perçu.

François Mitterrand disait : « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ». Soyons à la hauteur.

Mme Frédérique Meunier, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Bruno Clavet (RN). La situation des étudiants en France n’a jamais été aussi alarmante que sous Emmanuel Macron : 43 % des étudiants sautent des repas et 76 % ne disposent que de 3 euros par jour pour vivre – ou survivre. Pourtant, Emmanuel Macron avait promis dès 2017 de faire de la jeunesse et des étudiants une priorité, s’engageant notamment à éradiquer la précarité alimentaire. Il avait également annoncé une revalorisation massive des bourses, pour les rendre plus accessibles et adaptées aux besoins. Force est de constater que ces promesses, comme tant d’autres, sont restées lettre morte.

Face à cet énième renoncement, c’est au Parlement qu’il revient de s’emparer de cette réalité indigne d’un pays comme le nôtre, censé être celui de l’égalité des chances. C’est pourquoi la mesure consistant à proposer un repas à 1 euro à tous les étudiants constitue un premier pas intéressant. Elle promeut des valeurs d’égalité qui sont au cœur de l’engagement du Rassemblement national, selon lesquelles chacun doit avoir les mêmes chances d’où qu’il vienne et où qu’il naisse en France.

Les députés du Rassemblement national sont donc prêts à soutenir cette proposition de loi. Ils prouvent ainsi une fois de plus qu’ils ne sont pas sectaires, acceptant d’ajouter leur voix aux vôtres – une attitude qui n’est malheureusement que rarement partagée, mais qu’importe : notre esprit de responsabilité demeure intact, car notre priorité est et restera toujours l’intérêt des Français.

C’est dans cet esprit de coconstruction que ma collègue Tiffany Joncour a déposé un amendement visant à équilibrer la proposition de loi et même à la renforcer, en prévoyant d’instaurer le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et à 2 euros pour les autres. Cette modulation tarifaire respecterait les réalités financières de chacun tout en maintenant une aide substantielle pour ceux qui en ont le plus besoin. Elle permettrait aussi aux Crous de préserver la qualité des repas sans les mettre sous pression.

Nous réaffirmons notre soutien à ce texte, a fortiori si notre amendement est adopté. Ce soutien sera d’ailleurs indispensable à son adoption. En 2023, un texte similaire avait été rejeté à une voix près, à cause de l’opposition des macronistes. La donne a changé : ils ne sont plus majoritaires et c’est une bonne nouvelle, pour les étudiants comme pour la France. Voilà qui montre bien que, pour défendre les avancées sociales, mieux vaut croiser sur sa route les députés du Rassemblement national que ceux d’Emmanuel Macron.

Mme Graziella Melchior (EPR). En 2020, pour faire face aux difficultés économiques des étudiants en pleine crise du covid, notre majorité a instauré le repas à 1 euro dans les Crous. Le dispositif a depuis été maintenu pour les boursiers et pour les étudiants précaires qui en font la demande. Afin d’assurer la pérennité du droit à un tarif minoré, notre groupe avait également déposé une proposition de loi, défendue par Anne Brugnera en février 2023.

En outre, pour pallier les effets de l’inflation, la ministre chargée de l’enseignement supérieur Sylvie Retailleau avait annoncé la plus forte revalorisation des bourses depuis dix ans : toutes ont augmenté, de 37 à 127 euros par mois, et 35 000 étudiants supplémentaires ont été reconnus comme boursier.

Nous avons donc apporté des réponses concrètes aux étudiants en difficulté, dans un souci de justice sociale.

À l’heure d’examiner votre texte, je me demande en quoi le fait de rendre le repas à 1 euro accessible à tous les étudiants, y compris à ceux dont les parents disposent de moyens financiers importants, sert la justice sociale. La démocratisation de l’enseignement supérieur permet à de plus en plus de jeunes issus de familles modestes de s’inscrire à l’université. C’est bien eux que nous devons soutenir. Il me semblait que cela faisait partie des valeurs de la gauche.

Rappelons qu’une tarification sociale s’applique pour tous dans les restos U, le prix du repas étant fixé à 3,30 euros quand son coût réel s’établit entre 7 et 9 euros. Quel message envoie-t-on aux jeunes en prétendant qu’on peut manger pour 1 euro, au moment où, devenant autonomes, ils prennent conscience du coût de la vie ? Je pense aussi aux agriculteurs, qui s’engagent pour fournir une alimentation toujours plus saine et de qualité et dont nous défendons par ailleurs la rémunération. Notre collègue Philippe Fait défendra d’ailleurs un amendement afin que le coût réel des repas soit affiché dans les Crous.

Par ailleurs, une enquête de l’Ifop révèle que seuls 54 % des étudiants fréquentent régulièrement les restos U, notamment en raison de l'éloignement géographique et de files d’attente excessives. Votre proposition ne risque-t-elle pas d’aggraver le problème ? Peut-être conviendrait-il, avant tout, de s’assurer que les étudiants qui en ont besoin bénéficient réellement du repas à 1 euro. N’oublions pas non plus les inégalités territoriales : de nombreux établissements ne se trouvent pas à proximité d’un restaurant universitaire.

Bien conscient des difficultés plurielles qui persistent et afin de garantir que ce droit ne subisse pas les aléas politiques, notre groupe soutiendra donc l’amendement de Bertrand Sorre, qui vise à inscrire dans le code de l’éducation un tarif minoré, fixé à un 1 euro pour tous les étudiants boursiers et précaires. C’est cela, me semble-t-il, la justice sociale.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Merci d’avoir redéposé ce texte. Il y a quelque chose de ridicule, et même d’indécent, à devoir débattre une nouvelle fois, des années plus tard, de l’opportunité d’accorder 2 euros par jour à des étudiants dont la moitié explique ne pas manger à leur faim. Soyons honnêtes : si nous devons nous battre, c’est parce qu’un homme, seul, bloque tout, alors que la société comme l’Assemblée nationale sont majoritairement favorables au repas à 1 euro. Cet homme, c’est Emmanuel Macron.

Deux images marqueront particulièrement ses quinquennats : les files d’étudiants devant les lieux de distribution d’aide alimentaire et les repas à Versailles où il invite ses amis, au premier rang desquels Bernard Arnault. Il est temps de choisir entre le champagne pour quelques-uns et le repas Crous pour tous.

Ceux qui s’opposent au repas à 1 euro au motif que le fils de Bernard Arnault en bénéficierait également ont le souci d’équité sélectif ! En effet, le fils de Bernard Arnault n’a pas besoin de travailler pour payer ses études, contrairement au fils de l’assistante maternelle, qui a donc moins de temps pour réviser. Cet argument de l’équité est déconnecté et de mauvaise foi. Seuls 43 000 étudiants non boursiers bénéficient du repas à 1 euro, alors qu’ils sont 417 000 à en avoir besoin. En réalité, si vous ne voulez pas de cette mesure, c’est parce qu’Emmanuel Macron a choisi d’abandonner les étudiants. Elle ne coûterait que quelques millions, mais c’est déjà trop pour lui !

Le cœur du problème est la question de la solidarité sociale et nationale. Tant que l’accès aux études dépendra du revenu des parents, chargés de financer le train de vie de leur enfant, les inégalités persisteront – certains pourront permettre au jeune de vivre au-dessus du seuil de pauvreté, d’autres non. C’est pourquoi je vous appelle à vous rallier à l’idée du revenu étudiant, seule mesure structurelle susceptible de sortir des centaines de milliers d’étudiants de la précarité dans laquelle ils sont enfermés depuis des années. À mesure que le temps passe, le nombre d’étudiants à l’université augmente. Le problème ne fera donc qu’empirer, sauf si la précarité infligée aux jeunes issus des milieux populaires parvient à les dissuader de s'inscrire à l’université !

Au vu du blocage politique qui s’annonce, et au-delà du sort de ce texte, auquel je suis favorable, j’appelle les étudiants à se mobiliser contre ce gouvernement de radins que j’ai hâte de faire tomber et contre cette minorité présidentielle que nous avons hâte de dégager, pour mettre fin à la précarité dans laquelle vous les enfermez.

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). La précarité étudiante atteint des niveaux alarmants, au point de remettre en cause le droit fondamental à poursuivre des études supérieures dans des conditions dignes. Chaque jour, des milliers de jeunes, faute de moyens, font la queue pour obtenir des colis alimentaires. D’autres peinent à se loger ou vivent dans des conditions insalubres. Nombre d’entre eux doivent cumuler études et petit boulot pour subvenir à leurs besoins, souvent au détriment de leur réussite académique et de leur santé.

Cette précarité n’est pas qu’un simple chiffre ou une anecdote. Elle est une réalité brutale et quotidienne pour toute une génération : 36 % des étudiants déclarent avoir déjà sauté des repas par manque d’argent. Cette réalité à des conséquences auxquelles il nous revient d’apporter des solutions. Beaucoup d’étudiants renoncent à se soigner, alors que la santé mentale des jeunes ne cesse de se détériorer. À terme, ces difficultés compromettent l’égalité des chances et c’est notre avenir collectif qui s’en trouve fragilisé. Réjouissons-nous de l’augmentation significative du nombre d’étudiants depuis dix ans, mais soyons à la hauteur de leurs ambitions et accompagnons-les.

C’est précisément ce que permettra cette proposition de loi en instaurant un repas à 1 euro pour tous les étudiants. Cette mesure n’est pas seulement de nature financière, elle touche aussi à un enjeu de santé publique : bien manger, c’est mieux vivre. Les conséquences de l’alimentation sur la santé physique, la concentration, la réussite dans les études et, à terme, la capacité à s’épanouir et à construire son avenir sont bien réelles. La précarité alimentaire n’est pas une fatalité, mais une injustice. Un repas équilibré ne devrait jamais être un luxe. Pourtant, nombreux sont les étudiants qui sautent des repas ou se tournent vers des solutions peu nutritives car ils ne peuvent pas se permettre autre chose. Garantir à chaque étudiant un repas à 1 euro, c’est garantir non seulement de quoi manger, mais aussi de quoi se construire sainement.

Le texte traite aussi de la question de l’accessibilité géographique en généralisant le dispositif à tous les sites des Crous, y compris les cafétérias. Cela permettra de couvrir les besoins, non seulement dans les grandes villes, mais aussi dans les zones où l’offre est insuffisante, afin que chaque étudiant, où qu’il soit, puisse bénéficier de cette avancée.

Cette proposition de loi est un acte de justice sociale et d’égalité républicaine. En l’adoptant, nous enverrons un message clair : aucun étudiant ne devrait avoir à choisir entre manger et étudier. Soutenir la jeunesse, c’est investir dans l’avenir de notre pays. Je vous invite à voter ce texte, pour que les mots « solidarité » et « égalité » prennent tout leur sens.

Mme Béatrice Piron (HOR). Cette proposition de loi s’inscrit dans une démarche louable : lutter contre la précarité étudiante, qui est un problème crucial. Les chiffres le rappellent : près de 700 000 étudiants bénéficient d’une bourse sur critères sociaux et plus de 20 millions de repas ont été servis dans ce cadre en 2021 – un dispositif précieux pour des étudiants de plus en plus en difficulté.

Cependant, une bonne intention ne suffit pas toujours à produire une politique publique juste et efficace.

Tout d’abord, le texte, en généralisant les repas à 1 euro, y compris pour les étudiants qui ont les moyens de s’acquitter du tarif social, nuit à la justice sociale et pourrait réduire l’efficacité du dispositif actuel, ciblé sur les plus précaires.

De plus, il accentuerait l’écart entre le coût de production des repas et leur prix de vente, augmentant la charge financière pour les Crous de plusieurs centaines de millions d’euros par an, dans un contexte budgétaire déjà tendu. Est-ce responsable ? Cette forte pression les contraindrait à réduire leurs coûts de production, ce qui pourrait compromettre l'intégration de produits bio ou locaux, pourtant essentiels à une alimentation saine et durable.

Par ailleurs, cette extension du repas à 1 euro risque de fragiliser le réseau des Crous, qui compte près de 1 000 points de restauration, lesquels ont servi plus de 35 millions de repas en 2022, soit une hausse de près de 30 % par rapport à 2021. Saturer ces infrastructures pourrait nuire à la qualité des prestations offertes et les bénéficiaires les plus précaires pourraient être pénalisés par des temps d’attente prolongés ou par une réduction des capacités d’accueil.

L’enjeu n’est pas tant de généraliser le repas à 1 euro que d’en améliorer le ciblage et d’accompagner les publics fragiles. La réforme des bourses prévues pour 2024 ou 2025 pourrait corriger certains effets de seuil pénalisant les classes moyennes. Il est également essentiel de mieux informer les étudiants sur leurs droits, car beaucoup ignorent pouvoir prétendre à une tarification réduite dès leur inscription. La France est le seul pays européen à proposer des repas complets à 3,30 euros, partout, pour tous les étudiants. Nous pouvons être fiers de ce modèle. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de MM. Sorre et Croizier visant à inscrire l’information sur le tarif à 1 euro dans la loi.

Mon groupe est convaincu que cette proposition de loi, malgré les bonnes intentions de ses auteurs, manque de pragmatisme. Généraliser le repas à 1 euro conduirait à diluer les moyens au détriment des plus fragiles, tout en aggravant les tensions budgétaires. Nous voterons donc contre ce texte.

Mme Pascale Bay (DR). Dans une période de déficit public record, qui exige un effort de chacun, les parlementaires doivent faire preuve d’exemplarité et limiter les dépenses de l’État au strict nécessaire. Un repas servi par le Crous coûte environ 9 euros à produire : les tarifs pratiqués sont donc déjà très avantageux. Ramener pour tous le prix du repas de 3,30 à 1 euro est une dépense injustifiée, qui laisse un reste à charge pour l’État de 8 euros par repas.

Le rôle du législateur n’est pas de créer des dépenses qui ne répondent à aucun besoin. Nous nous opposons donc fermement à tout élargissement de l’offre de repas à 1 euro aux étudiants non boursiers. Nous considérons cependant que le système actuel doit être pérennisé et qu’il est nécessaire de protéger les étudiants boursiers et non boursiers en situation de précarité identifiés par le réseau des œuvres universitaires. En effet, la précarité alimentaire des étudiants est une réalité et nous devons leur apporter notre soutien.

D’une part, il est de notre devoir d’inciter le Cnous à implanter des restaurants universitaires dans les territoires qui en sont dépourvus. Le repas à 1 euro pour tous signifierait moins d’ouvertures de sites de restauration dans les territoires ruraux et dans les établissements isolés. D’autre part, nous devons organiser la lutte contre le non-recours aux aides, avec le soutien des universités. Les plus précaires des étudiants ont besoin d’être mieux informés et aidés pour profiter des dispositifs existants.

Il serait plus pertinent de permettre à des étudiants qui en ont besoin de profiter d’une aide à laquelle ils n’ont pas accès, plutôt que de donner des avantages supplémentaires à des étudiants qui n’en ont pas besoin.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Nous pouvons faire ce matin un nouveau pas – sans doute pas décisif, mais symbolique – contre la précarité étudiante, après tant de débats, d’alertes, de manifestations et de vrais drames. La généralisation du repas à 1 euro est une nécessité, quand 26 % des jeunes de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté, quand plus d’un étudiant sur trois affirme avoir déjà sauté un repas par manque d’argent – et jusqu’à deux sur trois dans certains territoires ultramarins – et quand 20 % des étudiants ont recours à l’aide alimentaire.

On me répondra certes que personne n’a jamais fait autant pour les étudiants que les derniers gouvernements. Allons donc demander à tous les jeunes dans les files de distribution, à ceux qui sont forcés de travailler à côté, s’ils vivent mieux depuis l’élection d’Emmanuel Macron : nous avons une petite idée de la réponse ! En espérant l’adoption définitive du repas à 1 euro, j’ai une pensée émue pour tous les étudiants qui ressentent de la honte à être précaires, pour ceux qui bénéficient de l’aide alimentaire, pour ceux qui demandent de l’aide auprès d’un assistant de service social ou qui, au contraire, n’osent pas en demander. Recevoir de l’aide ne devrait jamais être une honte. On ne répétera jamais assez à ces jeunes qu’ils ne sont pas responsables de la précarité dans laquelle ils se trouvent. Ils sont victimes d’une absence criante et insupportable de justice sociale.

La généralisation du repas à 1 euro est une réponse immédiate aux attaques des gouvernements contre l’université publique et le système de protection sociale de notre pays, une réponse aux carences de l’État dans la protection de sa jeunesse, une mesure urgente qui doit ouvrir un nouveau chapitre de réformes structurelles contre la pauvreté des jeunes, parce que « jeunesse » ne devrait plus jamais rimer avec « détresse » et que la pauvreté ne peut plus constituer une forme de rite de passage pour nos jeunes.

Surtout, le groupe Écologiste et social plaide pour que la réforme globale du système de bourses finisse par voir le jour, pour que les plans de construction de logements de Crous soient respectés et renforcés, et pour que les frais d’inscription soient supprimés. À terme, une garantie d’autonomie pour chaque jeune nous semble indispensable.

Le texte qui nous est soumis a été rendu possible par le combat des syndicats étudiants et par les alertes et les actions des associations étudiantes qui luttent contre la pauvreté, comme Linkee ou Cop1. Je tiens à saluer le travail et l’abnégation de notre présidente et rapporteure, Mme Keloua Hachi.

Le groupe Écologiste et social votera bien évidemment pour ce texte. Étendre ces droits n’est pas un cadeau que nous faisons aux étudiants, mais notre devoir. J’en appelle donc à votre humanité et à votre responsabilité : votez ce texte !

M. Laurent Croizier (Dem). Selon une étude d’octobre 2024, plus d’un tiers des étudiants déclarent sauter régulièrement un repas par manque d’argent. La précarité étudiante est un fléau auquel les députés démocrates refusent de se résoudre. La France est, et nous en sommes fiers, le seul pays du monde à proposer une restauration à tarif social à tous les étudiants. Alors que le coût réel d’un repas au Crous se situe autour de 8 euros, le tarif du repas universitaire est maintenu depuis 2019 à 3,30 euros. C’est notre majorité qui a mis en place, en 2020, lors de la crise du covid, le repas à 1 euro à l’intention des étudiants boursiers, avant de l’étendre à tous les étudiants en 2021. Nous l’avons ensuite maintenu pour les étudiants boursiers et les étudiants non boursiers se déclarant en situation de précarité.

Pour le groupe Les Démocrates, chaque euro dépensé doit avoir du sens et être utile, a fortiori dans un contexte budgétaire difficile. Il est donc une seule et unique question à se poser à propos de cette proposition de loi : l’extension du repas à 1 euro à tous les étudiants, sans aucun critère social, permet-elle de lutter efficacement contre la précarité étudiante ? La réponse me semble négative, pour trois raisons en particulier.

La première est que cette mesure profiterait uniquement aux jeunes non boursiers ou ne se déclarant pas en situation de précarité, qui bénéficient déjà d’un tarif aidé à 3,30 euros. Ensuite, elle bénéficierait indifféremment aux étudiants issus de familles très modestes ou des familles les plus aisées. Enfin, les 90 millions d’euros qu’elle coûterait par an nous sembleraient plus utiles s’ils étaient orientés vers l’aide aux étudiants précaires ou vers le logement étudiant, qui est une question majeure.

À l’égalité, qui veut la même aide pour tous, nous, démocrates, préférons l’équité, qui offre l’aide la plus juste à ceux qui en ont réellement besoin. Cette proposition de loi manque totalement sa cible. Elle est empreinte d’un égalitarisme qui oublie que l’enjeu n’est pas d’offrir le repas à 1 euro aux étudiants les plus aisés, mais de répondre à la précarité des étudiants les plus fragiles.

Nous nous demandons, par ailleurs, quel sens il y a à fixer dans la loi le montant d’un tarif de restauration. En effet, la loi n’a pas à souffrir du temps : or quel sens auront des montants de 1 ou 2 euros dans deux, cinq ou dix ans ?

En cohérence, et en reprenant la proposition rédigée en 2023 avec nos collègues de Renaissance et Horizons, le groupe Les Démocrates défendra deux amendements relatifs à un enjeu qui nous semble plus pertinent que l’extension du repas à 1 euro aux plus aisés : pérenniser et inscrire dans la loi le principe d’une tarification sociale minorée ciblée sur les étudiants boursiers et les étudiants non boursiers en situation de précarité.

M. Salvatore Castiglione (LIOT). Si la précarité étudiante n’a pas été créée par la crise sanitaire, celle-ci l’a fortement aggravée. Les confinements ont cessé, mais les étudiants continuent de faire la queue devant les épiceries solidaires. Avec l’inflation des dernières années, la hausse du coût de la vie des étudiants se poursuit, tirée également par l’augmentation des loyers, du prix d’internet et, bien sûr, de l’alimentation. Aujourd’hui, 65 % des étudiants interrogés déclarent avoir recours à l’aide alimentaire et plus d’un tiers déclarent sauter parfois un repas par manque d’argent ou par priorité. Ce chiffre supérieur de sept points à la moyenne nationale est le signe que, malheureusement, la précarité alimentaire est structurellement ancrée dans la population étudiante.

Durant la précédente législature, notre groupe avait déjà défendu le maintien du ticket-restaurant universitaire à 1 euro pour tous, et non pas seulement pour les étudiants boursiers, car la précarité étudiante est une double peine : non seulement les difficultés financières empêchent les étudiants d’accéder aux biens et services les plus élémentaires, mais elle amène en outre la moitié d’entre eux à exercer une activité rémunérée, au détriment de leur réussite scolaire.

Payer non pas 3,30 euros, mais 1 euro pour un repas est loin d’être anecdotique : cela représente de 70 à 140 euros d’économies par mois. Le dispositif mériterait par ailleurs d’être simplifié pour les étudiants non boursiers précaires, qui doivent déposer sur le site du Crous un dossier en ligne avec justificatifs, alors que les étudiants connaissent très mal leurs droits.

Cette disposition doit s’appliquer au moins le temps qu’intervienne une vraie réforme des bourses, qui tarde à venir depuis son annonce en 2022 – 60 % des étudiants en sont exclus, dont ceux qui sont issus des classes moyennes. La priorité est de viser les étudiants se situant dans la zone de fragilité, en révisant les critères et en luttant contre les effets de seuil. La situation des étudiants ultramarins doit aussi être particulièrement scrutée.

Bien sûr, pouvoir accéder à un resto U n’est pas seulement une question de prix : les horaires et les inégalités territoriales sont d’autres questions sur lesquelles il faudra se pencher. L’annonce d’une aide pour ceux qui en sont éloignés est un premier pas, mais elle ne réglera pas tout. D’ici à une vraie réforme des bourses et de la restauration universitaire, le rétablissement du repas à 1 euro, sans être la solution miracle à la précarité de tous les étudiants, sera une respiration pour beaucoup d’entre eux, encore trop nombreux.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Deux ans pratiquement se sont écoulés depuis la première fois que notre assemblée a examiné cette proposition de loi visant à offrir à tous les étudiants le repas à 1 euro. À l’époque, la crise avait mis en lumière la fragilité des conditions de vie des jeunes. Nous nous souvenons tous des images qui tournaient en boucle sur les chaînes de télévision, montrant des files d’attente interminables pour l’aide alimentaire. Ces images nous avaient émus, mais manifestement pas assez pour convaincre les députés qui avaient voté contre, arguant que le dispositif aurait bénéficié à tous les jeunes sans distinction.

La précarité étudiante est pourtant devenue une réalité bien ancrée. Ce n’est plus une question passagère liée à la crise sanitaire. D’ailleurs, les enquêtes de l’Observatoire de la vie étudiante sont claires : au moins un quart des étudiants vivent dans la précarité. Lors de cette rentrée, par exemple, les étudiants non boursiers ont subi une augmentation de près de 3 % des frais d’inscription et de la CVEC (contribution de vie étudiante et de campus), à quoi s’ajoute une hausse des loyers de 2,5 %, alors que le logement reste le principal poste de dépense. Face à cette explosion des coûts, les étudiants ne peuvent couper que dans l’alimentation. Résultat : 20 % des étudiants ne mangent pas à leur faim et 36 % sautent régulièrement des repas.

Aujourd’hui, le dispositif des repas à 1 euro est réservé aux boursiers et, pour les non boursiers, soumis à une évaluation sociale. Ce n’est clairement pas suffisant.

La proposition de loi que nous examinons a un objectif simple : élargir à tous les étudiants ce repas à 1 euro, parce qu’en leur garantissant des repas variés et équilibrés, nous faisons un pas pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de réussite.

Il faut cependant préciser que ce tarif devrait aussi être appliqué dans les restaurants agréés par le Crous, qui offrent aux étudiants qui ne disposent pas d’un restaurant universitaire à proximité des repas complets à tarif social. Il serait incohérent de les exclure du dispositif.

Le groupe GDR votera donc en faveur de cette proposition de loi qui va dans le sens d’une amélioration réelle des conditions de vie des étudiants. Nous espérons qu’elle pourra ouvrir la voie à une proposition de loi-cadre sur l’avenir de notre jeunesse permettant d’aborder les multiples enjeux auxquels celle-ci est confrontée, comme l’accès au logement et à l’enseignement supérieur ou la création d’un revenu étudiant qui garantisse à chacun une autonomie financière durant ses études.

M. Maxime Michelet (UDR). L’importante croissance de la précarité étudiante suscite une inquiétude unanime, à laquelle l’UDR s’associe naturellement, et nous saluons l’engagement de Mme la rapporteure sur cette question. Les chiffres sont alarmants : qu’il s’agisse de l’alimentation, du logement, de la mobilité ou de la santé mentale, tous les indicateurs se dégradent. Ainsi, les deux tiers des étudiants français auraient déjà eu recours à l’aide alimentaire. Ce chiffre est intolérable.

Face à cette réalité, nous devons proposer des solutions efficaces, sans céder aux effets d’annonce. Aujourd’hui, le repas dans les restaurants du Crous coûte 3,30 euros pour l’ensemble des étudiants et 1 euro pour les étudiants boursiers ou en situation de précarité. Ces prix sont déjà très bas au regard de l’inflation que connaît notre pays, et appuyés sur des mécanismes d’ajustement aux réalités sociales.

Avant donc de vouloir baisser à toute force le montant des repas, il convient de nous interroger sur les failles du dispositif actuel, pour mieux répondre aux besoins réels des étudiants. Une récente étude de l’Ifop explique ainsi que 54 % des étudiants profitent actuellement du repas à 3,30 euros dans les restaurants des Crous. Pour ceux qui n’en profitent pas, le premier frein n’est pas le prix du repas, puisque 13 % seulement déclarent que c’est le cas : bien plus nombreux sont ceux qui déclarent être freinés par des disparités territoriales, ou simplement par un déficit d’information. L’universalité du repas à 1 euro ne nous semble donc pas une réponse calibrée aux faits constatés sur le terrain. Les questions d’accès et d’information nous apparaissent plus importantes, particulièrement l’information permettant à tous les étudiants éligibles de recourir au repas à 1 euro.

Nous appelons l’attention de la commission sur la nécessité de garantir une juste rémunération à nos producteurs, agriculteurs et éleveurs, qui nourrissent notre pays et donc aussi nos étudiants. Dévaluer ainsi le prix des repas pourrait se révéler contre-productif et engendrer une pression accrue sur le prix des denrées alimentaires, à moins de promouvoir un modèle excessivement déficitaire, qui ne saurait être durable et vertueux, surtout en l’état actuel des finances publiques.

Dans notre pays, où les études supérieures sont déjà quasi intégralement prises en charge par l’État, nous devons veiller attentivement à l’efficacité de toutes les dépenses engagées dans ce domaine. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et dans le cadre de cet examen en commission, l’Union des droites pour la République s’abstiendra sur ce texte.

Mme Frédérique Meunier, présidente. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Prisca Thevenot (EPR). Monsieur Boyard, je suis étonnée par la forme et le fond de vos propos. Si vous avez eu beaucoup de mal à prendre la parole et si vous avez beaucoup bégayé en évoquant le repas à 1 euro, est-ce parce que vous aviez honte – de ne pas avoir été de ceux qui l’ont créé, d’avoir été de ceux qui ont voulu bloquer tous les budgets permettant de le déployer pour l’ensemble de jeunes ? Sommes-nous ici pour lancer de nouveaux challenges ou pour travailler cette proposition de loi, qui a le mérite d’exister ? Il existe un dispositif qui s’adresse à tous les jeunes, dans tous les territoires. Peut-être peut-il être amélioré, et c’est pour cela que nous sommes ici, pas pour faire l’influenceur sur les réseaux sociaux pour se faire mousser et flatter son ego. (Exclamations.) Vous ne servez pas à cela. Pendant que vous rigolez, des jeunes comptent sur les députés que nous sommes.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Téma ton bilan de ministre ! (Exclamations.)

Mme Frédérique Meunier, présidente. S’il vous plaît.

Mme Prisca Thevenot (EPR). Monsieur Boyard, vous êtes rouge de honte. Vous nous dites de nous barrer ? Non, nous sommes élus et nous continuerons à nous mobiliser ici.

Mme Frédérique Meunier, présidente. Je vous remercie…

Mme Prisca Thevenot (EPR). Madame la présidente, il ne s’agit pas seulement de couper le micro à ceux qui parlent, mais de faire en sorte que ceux qui n’ont pas la parole respectent le temps de parole des autres. Nous sommes tous légitimes, tous élus pour siéger, c’est-à-dire pour travailler pour les Françaises et les Français et non pas pour faire les influenceurs. C’était votre métier d’avant, monsieur Boyard, peut-être devriez-vous y revenir.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je tiens à remercier Mme Keloua Hachi pour sa ténacité, sa constance et son engagement pour les étudiants. Quarante pour cent d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, et encore ce chiffre est-il, selon moi, largement sous-évalué, car je ne connais aucun jeune qui vive avec les 1 216 euros par mois correspondants : on peut donc considérer qu’ils vivent tous sous le seuil de pauvreté. Tous doivent payer leur loyer, leurs charges, leur matériel informatique, leurs titres de transport et leurs repas, tous subissent de plein fouet l’explosion du coût de la vie, avec par exemple l’augmentation de 29,75 % des prix alimentaires depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Aucun n’a le temps de travailler à côté de ses études, sauf à échouer.

Mme Melchior disait tout à l’heure que les étudiants doivent apprendre la vie, qu’ils doivent savoir qu’un repas ne coûte pas 1 euro, qu’ils doivent être autonomes. Mais voulez-vous vraiment qu’ils le soient, alors que vous conditionnez tout aux revenus de leurs parents ? S’ils ne dépendaient plus du revenu de leurs parents, ils seraient tous boursiers.

Nous ne pouvons pas considérer les étudiants, qui sont des adultes, comme des sous-citoyens sous tutelle de leur famille. Chers collègues, ne préférez pas la charité à la solidarité. La République se grandit de ses mesures universalistes.

M. Eric Liégeon (DR). Garantir une alimentation abordable à tous les étudiants est un objectif louable, mais la proposition de loi soulève plusieurs questions. La première est celle de son financement. Vous estimez que la généralisation du repas à 1 euro coûtera entre 90 et 100 millions d’euros : cette dépense est-elle raisonnablement soutenable dans le contexte budgétaire actuel ? Quelles sont les modalités de son financement, sachant en outre que nous risquons de ne pas avoir de budget pour 2025 ?

Par ailleurs, habituer une génération à des repas à prix très bas ne risque-t-il pas de dévaloriser davantage les produits agricoles et le travail de nos agriculteurs en masquant les véritables coûts, alors que cette profession ne cesse de crier sa colère ? Comment cette proposition s’inscrit-elle dans une logique de juste valorisation de la production agricole et d’éducation alimentaire ?

Je rappelle en outre que les Français consacrent aujourd’hui 28 % de leur budget à l’alimentation, contre 35 % en 1960.

M. Erwan Balanant (Dem). Avec ce texte, notre présidente et rapporteure reprend et valorise une idée que nous avons eue, et c’est très bien. Il faut en effet rappeler que c’est notre majorité qui a instauré le repas à 1 euro au moment de la crise du covid, et qu’elle a maintenu ce dispositif au moment où il aurait pu s’arrêter.

Je pose une question sans polémique, car le fait que vous repreniez cette idée montre que nous pouvons travailler ensemble : la précarité étudiante n’existait-elle pas entre 2012 et 2017, période où le prix du repas étudiant est passé de 3,10 à 3,25 euros ? Si le repas à 1 euro n’a pas été instauré à cette époque, c’est parce que, quand on est socialiste, on fait de l’équité, pas forcément de l’égalité, et que le repas à 1 euro casse l’idée d’équité.

Je vous encourage donc à voter l’amendement de Laurent Croizier qui permettra d’inscrire dans la loi une tarification sociale pour tous.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Le jeu d’opposition auquel nous assistons est inutile, et même contre-productif. Je rappelle que 90 % des étudiants précaires, soit 360 000 personnes, n’ont pas accès au repas à 1 euro. Ce dernier, monsieur Balanant, est effectivement une bonne mesure et si notre gouvernement ne l’a pas adoptée en 2012, c’est parce que la précarité étudiante s’est largement accélérée à cause du covid. C’est incontestable. Certes, les étudiants étaient déjà en situation de fragilité et de précarité, mais pendant les deux années de la crise sanitaire, ils n’ont même plus trouvé de jobs étudiants. Et maintenant qu’ils ont retrouvé leurs jobs, l’inflation est telle que cela ne suffit pas. Vous savez très bien que des étudiants vivent dans leur voiture, ce qui n’était pas le cas entre 2012 et 2017. La conjoncture est différente et il faut l’accepter.

Nous devons tous ensemble agir pour les étudiants. Dire, comme le fait le groupe Ensemble pour la République, que les parents qui ont des moyens financiers importants peuvent payer pour leurs enfants, c’est méconnaître la réalité, qui est qu’un étudiant sur deux ne mange pas au restaurant universitaire mais à l’extérieur : tous ceux qui en ont les moyens mangent hors des restaurants universitaires, en raison de leur saturation et de l’obligation d’attendre de trente à quarante minutes pour un repas qui, s’il est équilibré, n’est pas pour autant gastronomique.

Madame Melchior, un étudiant sur deux ne mange pas au restaurant universitaire et ces 50 % sont ceux qui ont les moyens d’aller manger ailleurs. Les restaurants universitaires sont le moyen qui permet aux étudiants modestes et de condition moyenne de manger un repas équilibré. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’en fixer le prix à 1 euro. Quant à l’élargissement de ce tarif à tous, soyons honnêtes : l’élargissement pour les étudiants précaires est un échec.

Si je n’ai pas redéposé cette proposition de loi durant la 16e législature, c’est parce que Sylvie Retailleau m’avait promis que tous les étudiants précaires auraient accès à ce repas à 1 euro. C’est un échec : les comptes précis que nous venons de recevoir pour l’année universitaire 2023-2024 montrent que ce n’est le cas que pour 10 % d’entre eux. Faut-il attendre un miracle, ou au moins une communication élargie ? Voilà déjà un an et demi que nous attendons et rien ne s’est rien passé, y compris pour la réforme des bourses, dont M. Hetzel nous a dit qu’elle ne se ferait pas à l’horizon 2025. Faut-il attendre que les étudiants meurent de faim, que les files d’attente devant les banques alimentaires s’allongent encore, que les Restos du cœur ferment leurs portes ? Dans ma ville de Rosny-sous-Bois, les Restos du cœur sont saturés. Parmi les 400 bénéficiaires qu’ils peuvent accueillir, et qui étaient autrefois 400 familles, on compte aujourd’hui 200 personnes de moins de 25 ans. Est-ce cela que nous voulons pour notre société ?

Le défaut de cette proposition de loi est de vouloir que tout le monde mange pour 1 euro. Nous sommes tous conscients que la France est un modèle social, avec des droits d’inscription faibles et un repas à tarif social. Mais nous ne parvenons pas à l’équilibre que nous recherchons entre la possibilité que devraient avoir les étudiants de vivre avec leur propre revenu fiscal et une massification de l’accès aux universités. La preuve que nous ne l’avons pas atteint, c’est que les étudiants de licence qui ne mangent pas à leur faim arrêtent leurs études.

Madame Melchior, le maillage territorial est en effet un problème : les restaurants universitaires ne sont pas assez nombreux. Dans les zones rurales notamment, les étudiants qui étudient dans de petites universités ou dans de petites structures comme des instituts de formation en soins infirmiers n’ont pas de repas à 1 euro, et même pas de repas du tout. Je demande donc une évaluation de la loi Levi, qui devait assurer ce repas à tous les étudiants. En attendant, j’ai déposé un amendement pour rappeler que nous devons trouver des solutions, au moyen par exemple de conventions avec les collectivités. Nous demandons que tous les repas – même dans les lieux conventionnés, qui devraient déjà proposer une tarification à 3,30 euros – soient au tarif de 1 euro.

Monsieur Boyard, l’objet de cette proposition de loi est aussi que nous nous penchions sur la condition des étudiants et sur la vie étudiante. Il est essentiel qu’un étudiant ait le ventre plein et un logement chaud pour pouvoir faire sereinement ses études. Si 40 % des étudiants arrêtent leurs études en licence, c’est par manque de conditions de vie appropriées. Cette situation affecte leur santé mentale, comme le montrent les chiffres du recours des adolescents et jeunes adultes à des consultations de psychologue.

Quant aux coûts de production des repas, nous savons certes qu’il est de 8,80 euros, mais il est grave de penser que les étudiants ne le sauraient pas. De nombreux Crous ne servant pas de repas le soir, les étudiants mangent chez eux et font leurs courses : ils connaissent le prix d’un paquet de pâtes ou celui des légumes. Penser le contraire est un profond manque de respect envers eux, qui sont plus conscients du coût de la nourriture que nous ne l’étions à leur âge. Née dans les années 1970, j’avais conscience, en faisant mes études, de ce que coûtait un sandwich, mais pas de ce que ma mère faisait bouillir dans la marmite. Aujourd’hui, les jeunes le savent. (Exclamations.)

Mme Prisca Thevenot (EPR). Avant aussi !

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Très bien, vous avez vécu la guerre ! J’en suis ravie pour vous. Mais la différence avec les courses que nous faisions voilà vingt ans est que les jeunes sont confrontés aujourd’hui à une inflation terrifiante. Ils peuvent dépenser jusqu’à 6 euros pour un seul repas. Il faut absolument que tous les Crous ouvrent le soir, ce qui n’est cas que pour la moitié d’entre eux.

Enfin, comme l’a très justement rappelé M. Liégeon, les Français mangent moins, ne consacrant plus que 25 % de leur budget à l’alimentation. Surtout, ils mangent moins bien qu’il y a vingt ou trente ans. Les Crous ont donc le devoir d’offrir à nos étudiants un repas équilibré, avec des légumes et des produits locaux. Je ne veux pas que le repas à 1 euro soit un repas au rabais : il doit donner à l’étudiant la quantité et la qualité nécessaires pour qu’il puisse faire sereinement ses études.

Madame Bay, vous considérez que le repas à 1 euro n’est pas une dépense nécessaire. Il est absolument nécessaire de faire manger tous les étudiants, par ce biais ou par un autre. Certes, 90 millions d’euros par an, c’est beaucoup d’argent, mais nous n’avons pas apporté de solution à la précarité alimentaire des étudiants jusqu’à présent. Les 90 % d'étudiants précaires qui ne bénéficient pas du repas à 1 euro ne mangent pas du tout, ou vont chercher des colis repas à l’aide alimentaire. Ce n’est pas une mode, le besoin est réel ! Les personnes âgées de ma circonscription sont choquées par les images des files d’attente devant les banques alimentaires, elles me parlent d’un retour aux tickets de rationnement ! Soit vous avez un peu d’humanité (Exclamations) et vous voyez ces images comme elles sont, soit vous n’en avez pas, auquel cas je ne sais pas ce que vous faites ici. Il est temps de mettre fin à cette période funeste. Le monde nous regarde.

Monsieur Croizier, vos arguments sont justes, à l’exception d’un seul : les étudiants aisés ne mangent pas au Crous. Si l’on a 10 euros dans sa poche pour manger, on va s’acheter un sandwich à la boulangerie ou déjeuner dans une brasserie. Je rappelle aussi que les universités ne prévoient pas de pause déjeuner et qu’il faut au minimum une heure trente pour aller manger au Crous. Tout cela fait que de nombreux étudiants avalent un sandwich dans les escaliers. Par ailleurs, vous pensez que ce montant de 1 euro ne devait pas être inscrit dans la loi. Toutefois, le code de l’éducation mentionne le montant de la CVEC, qui est fléché et même indexé sur l’inflation, contrairement aux bourses. Pour ma part, ce n’est pas un montant mais un plafond que je donne, le prix du repas peut être inférieur.

Enfin, je veux dire un mot des étudiants ultramarins. Le directeur général du Crous de Mayotte décrit une réalité affligeante : un seul restaurant universitaire de 300 places sur l’île, pour des milliers d’étudiants. Bref, dans les faits, tout le monde ne bénéficie pas du repas à 1 euro.

Mme Frédérique Meunier, présidente. Tâchons d’accélérer, sans quoi c’est nous qui risquons de ne pas déjeuner à midi. Dans l’examen des amendements, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin sur l’amendement AC14 et sur l’ensemble de la proposition de loi.

Article 1er : Limitation à un euro du tarif des repas servis dans tous les sites de restauration des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires

Amendement AC14 de M. Laurent Croizier

M. Laurent Croizier (Dem). Cet amendement de réécriture vise à recentrer la proposition de loi autour de l’enjeu fondamental, à savoir aider les étudiants précaires, en inscrivant dans la loi non pas un tarif de repas, mais le principe d'une tarification sociale minorée pour les étudiants boursiers et les étudiants non boursiers en situation de précarité. Il prévoit également d’assurer l’information des étudiants sur ce point. Nous pensons qu’étendre le dispositif sans considérer la précarité des étudiants les plus fragiles, comme le propose le texte, contreviendrait au principe d’équité. Nous avons ici l’occasion de faire un geste fort. Les étudiants comptent sur nous. Ne manquons pas ce rendez-vous.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. L’amendement inscrirait dans la loi une distinction qui pose déjà problème et freine à l’accès libre au repas à 1 euro. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). Au contraire, cet amendement résout la question ! Inscrire dans la loi l’ambition de prendre soin des étudiants en situation financière difficile serait une véritable avancée. Plutôt que de préciser un montant de 1 euro dont personne ne sait ce qu’il représentera dans quelques années, nous aidons tout simplement les étudiants à suivre leurs études dignement, sans avoir faim. C’est ce que souhaite le groupe Démocrates et, je le crois, une bonne partie de la commission.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Madame la présidente, vous venez de dire que c’est nous qui n’allions pas manger. Il est honteux de soupirer toutes les cinq minutes alors que nous parlons de 360 000 étudiants précaires et que 36 % des étudiants sautent des repas par manque d’argent – et, non, il ne s’agit pas du fils de Bernard Arnault dont vous parlez si souvent. Ce ne sont pas les jeunes aisés qui vont au Crous. Cet argument fallacieux est employé dans le seul but de ne rien faire pour ceux qui font la queue devant les banques alimentaires, pour les trois quarts des étudiants qui sont exclus d’un système de bourse injuste, insuffisant et infantilisant, puisqu’il fait dépendre le jeune adulte de ses parents.

Vous êtes à côté de l’histoire et des attentes de la société. La France s’est grandie en instaurant la protection sociale pour le quatrième âge, c'est-à-dire les retraites, mais vous ne faites rien contre la précarité criante, contre les files à l’aide alimentaire, contre la pauvreté qui augmente sous votre quinquennat. En attendant de vous censurer ce soir et d’instaurer l’allocation d’autonomie qui permettra de protéger tous les jeunes, nous voterons contre l’amendement.

Il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, sur l’amendement AC14 de M. Laurent Croizier.

Votent pour :

M. Erwan Balanant, Mme Pascale Bay, Mme Béatrice Bellamy, M. Xavier Breton, Mme Danielle Brulebois, M. Joël Bruneau, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Carteron, M. Salvatore Castiglione, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, M. Philippe Fait, M. Frantz Gumbs, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Frédérique Meunier, Mme Béatrice Piron, Mme Isabelle Rauch, M. Bertand Sorre et Mme Prisca Thevenot.

Votent contre :

Mme Farida Amrani, M. Raphaël Arnault, M. Carlos Martens Bilongo, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Louis Boyard, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Emmanuel Grégoire, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Mathilde Hignet, Mme Tiffany Joncour, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Marie Mesmeur, M. Thierry Perez, M. Christophe Proença, M. Jean-Claude Raux, Mme Anne Sicard, M. Thierry Sother, Mme Violette Spillebout, et Mme Sophie Taillé-Polian.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 45

Pour l’adoption de l’amendement : 22

Contre l’adoption de l’amendement : 23

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC23 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Il vise à placer le dispositif permettant l’extension du repas à 1 euro à tous les étudiants après l’article L. 822-1-1 issu de la loi Levi, qui évoque une « offre de restauration à tarif modéré ».

La commission adopte l'amendement.

Amendements AC21 de Mme Fatiha Keloua Hachi et AC13 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Mon amendement vise à inclure dans le champ d'application de la proposition de loi les sites de restauration mis à disposition par les organismes agréés dans le cadre de la loi Levi. Il faut absolument rendre effectif l’accès au repas à 1 euro dans un maximum de lieux de restauration, afin que les étudiants puissent en bénéficier dans tous les territoires.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Mon amendement va dans le même sens, en garantissant que l’offre de repas à 1 euro sera accessible dans tous les centres de restauration agréés par le Crous. En corrigeant une inégalité territoriale, nous renforçons notre engagement envers tous les étudiants, en ville ou en milieu rural.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. L'amendement de Mme Bourouaha est parfaitement justifié, mais il est satisfait par le mien. Demande de retrait.

L'amendement AC13 ayant été retiré, la commission adopte l'amendement AC21.

Amendement AC3 de Mme Tiffany Joncour

Mme Tiffany Joncour (RN). Bruno Clavet a parfaitement présenté la position du groupe Rassemblement national : nous soutenons la solidarité et l’aide aux étudiants dans les restaurants universitaires, mais nous devons aussi rester lucides sur la gestion des finances publiques. La généralisation du repas à 1 euro représenterait un coût supplémentaire de 90 millions d’euros par an, un montant difficilement justifiable dans le contexte de crise économique. C’est pourquoi nous proposons une mesure de compromis plus adaptée : un repas à 1 euro réservé aux étudiants boursiers et précaires, qui sont les plus touchés, et à 2 euros pour les autres. Cette tarification différenciée offrirait un soutien aux étudiants en difficulté en étant plus raisonnable du point de vue budgétaire. L’enseignement est le socle de notre avenir car il forme les générations de demain : soutenir l’éducation, c’est investir dans la réussite de la jeunesse et dans la prospérité de la nation.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Avis défavorable. D’une part, 2 euros, c’est encore beaucoup pour certaines bourses. D’autre part, en prévoyant un tarif préférentiel, l’amendement perpétue la différence qui existe actuellement entre les étudiants boursiers et les autres. Les étudiants précaires n’auront toujours pas accès au repas à 1 euro, et le système des bourses n’est pas satisfaisant.

M. Louis Boyard (LFI-NFP). Par cet amendement, le Rassemblement national montre qu’il est macroniste dans sa conception de la précarité étudiante. Il pense sincèrement que, si l’on n’est pas boursier, on n’est pas précaire et que le repas à 1 euro n’est pas justifié. Je rappelle que 417 000 étudiants non boursiers sont en situation de précarité, dont seulement 43 000 ont accès au repas à 1 euro. Et la deuxième proposition du Rassemblement national en matière de lutte contre la précarité étudiante consiste à donner un tout petit peu plus d’argent aux étudiants qui travaillent, et à eux seulement, sans leur permettre de passer au-dessus du seuil de pauvreté. Autrement dit, le Rassemblement national, c’est le macronisme en pire.

M. Erwan Balanant (Dem). Il y a une belle contradiction dans cet amendement du Rassemblement national : vous considérez que 90 millions d’euros supplémentaires, c’est trop cher, tout en proposant d’abaisser le prix du repas de 3,30 à 2 euros.

On le voit, ce n’est pas une question de prix. Le groupe Démocrates est prêt à mettre 90 millions d’euros sur la table pour lutter contre la précarité étudiante, mais il faut les cibler. Discutez avec les gestionnaires des restaurants universitaires : ils disent qu’il est compliqué de tenir les prix avec un repas à 1 euro, et qu’ils préféreraient proposer des repas équilibrés, mieux sourcés, avec des produits de qualité, à ceux qui en ont le plus besoin.

M. Laurent Croizier (Dem). Je suis choqué que l’on veuille fixer un tarif dans la loi à une époque où chacun réclame moins de normes, plus d’agilité, plus de souplesse. Le jour où il faudra changer ce prix, il faudra que l’Assemblée se réunisse, que le texte parte au Sénat, qu’il revienne… S’il fallait faire la même chose pour tous les tarifs, on ne s’en sortirait plus ! Ce n’est pas la conception que je me fais de la loi. Elle doit contenir des principes qui résistent à l’usure du temps.

Enfin, je me délecte de voir M. Boyard défendre le repas à 1 euro pour les riches.

Mme Fatiha Keloua Hachi, rapporteure. Il ne s’agit pas d’un tarif, mais d’un plafond : le prix du repas pourrait être fixé à 90 centimes, voire gratuit. Et quand bien même il s’agirait d’un tarif, nous avons le précédent de la CVEC dans le code de l’éducation.

La commission rejette l'amendement.

 

La séance est levée à treize heures.

 

 


Présences en réunion

Présents.  Mme Farida Amrani, M. Rodrigo Arenas, M. Raphaël Arnault, Mme Christine Arrighi, Mme Bénédicte Auzanot, M. Erwan Balanant, M. Philippe Ballard, Mme Pascale Bay, M. José Beaurain, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Bruno Bilde, M. Carlos Martens Bilongo, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, M. Louis Boyard, M. Xavier Breton, Mme Danielle Brulebois, M. Joël Bruneau, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Carteron, M. Salvatore Castiglione, M. Roger Chudeau, M. Bruno Clavet, M. Alexis Corbière, M. Pierrick Courbon, M. Laurent Croizier, Mme Julie Delpech, Mme Virginie Duby-Muller, M. Philippe Fait, M. Emmanuel Grégoire, M. Frantz Gumbs, Mme Ayda Hadizadeh, Mme Florence Herouin-Léautey, Mme Mathilde Hignet, M. Sacha Houlié, Mme Tiffany Joncour, Mme Florence Joubert, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Bartolomé Lenoir, M. Eric Liégeon, Mme Delphine Lingemann, M. Christophe Marion, Mme Graziella Melchior, Mme Marie Mesmeur, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Michelet, M. Julien Odoul, M. Thierry Perez, Mme Béatrice Piron, Mme Lisette Pollet, M. Christophe Proença, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Claudia Rouaux, Mme Sophie-Laurence Roy, M. Arnaud Sanvert, Mme Anne Sicard, M. Bertrand Sorre, M. Thierry Sother, Mme Violette Spillebout, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot

Excusés.  Mme Géraldine Bannier, M. Aymeric Caron, M. André Chassaigne, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Nicole Sanquer

Assistaient également à la réunion.  M. Fabien Di Filippo, M. Steevy Gustave, M. François Ruffin