Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Examen de la proposition de loi visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurants pour tout produit alimentaire (n° 532) (Mme Anne-Laure Blin, rapporteur)               2

 Informations relatives à la commission...................19

 


Mardi 13 novembre 2024

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 22

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


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La commission des affaires économiques a examiné, sur le rapport de Mme AnneLaure Blin, la proposition de loi visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurants pour tout produit alimentaire (n° 532).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous examinons ce matin la proposition de loi visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire.

Notre commission a examiné un texte analogue dans les mêmes conditions d’urgence l’an dernier afin de reporter de décembre 2023 à décembre 2024 la date limite d’utilisation des titres-restaurant pour acheter des produits alimentaires dans le commerce. Cette méthode n’est guère satisfaisante. Nous espérons qu’une solution plus pérenne sera trouvée, qui tienne compte des préoccupations de tous les acteurs, y compris de ceux de la restauration hors domicile. Ce texte qui concerne les salariés ne doit pas non plus éclipser la question plus vaste du renforcement de l’aide alimentaire – je rappelle que le Gouvernement avait promis un chèque alimentaire.

Les amendements qui n’avaient pas un lien direct avec l’objet précis de l’article unique ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Cette proposition de loi, que j’ai déposée avec Jean-Pierre Taite et Pierre Cordier, vise à proroger en 2025 l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables, afin d’assurer sans délai et de manière efficace la continuité de l’action publique face aux effets sociaux persistants des épisodes inflationnistes.

En octobre 2024, les dernières statistiques de l’Insee indiquaient que l’indice des prix à la consommation harmonisé avait progressé de 1,5 % sur un an. En glissement annuel, l’inflation s’élève à 1,2 %. Ces chiffres marquent le retour à un rythme de progression des prix plus normal après la brutale accélération subie au premier semestre 2022. Mais l’inflation cumulée depuis deux ans continue de peser sur le pouvoir d’achat. Elle fragilise même l’accès de nombre de ménages à des produits essentiels. D’ailleurs, les données provisoires de l’Insee faisaient état, le mois dernier, d’une hausse des prix sur les produits frais de l’ordre de 4,5 % en glissement annuel.

Ce texte propose une mesure simple et de bon sens : la prorogation stricte, jusqu’au 31 décembre 2025, du régime dérogatoire introduit par l’article 6 de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Très concrètement, il s’agit de maintenir, pour plus de 5 millions de salariés, le droit d’utiliser leurs titres-restaurant pour acheter des articles relevant de l’alimentation du quotidien dans les grandes et moyennes surfaces. Cette mesure est plébiscitée par les Français qui bénéficient des titres-restaurant. Selon les derniers chiffres disponibles, près d’un tiers des titres-restaurant était utilisé dans les grandes et moyennes surfaces au deuxième trimestre 2024, contre 40 % dans la restauration. On observe une nette hausse, de plus de 8 points depuis 2022, en faveur des grandes et moyennes surfaces, ce qui démontre que la dérogation introduite en 2022 répond bien à un besoin de nos compatriotes.

Si cette mesure mérite un large soutien de part et d’autre de nos bancs, il convient de garder à l’esprit qu’il importe de mener une politique économique qui, tout en veillant au rétablissement des finances publiques, assure le dynamisme et la pérennité de nos entreprises. C’est la condition sine qua non d’une authentique création de richesses qui permette une juste répartition de la valeur.

Avec la loi sur le pouvoir d’achat, le Parlement avait conçu un dispositif circonscrit, de nature à répondre de manière proportionnée à des besoins identifiés. Si nous pouvons assouplir les modalités d’utilisation du titre-restaurant, il est nécessaire de veiller à un certain équilibre pour ne pas en dévoyer son usage. L’objet des titres-restaurant, sous toutes leurs formes, est et doit rester la prise en charge partielle des dépenses des salariés pour leur pause déjeuner, dans les entreprises qui ne fournissent pas ou qui ne peuvent pas offrir une solution de restauration collective. Depuis leur création, les titres-restaurant participent d’un écosystème qui irrigue l’économie de proximité – les restaurants, l’hôtellerie-restauration et les commerces de bouche.

J’entends les craintes des restaurateurs dont j’ai auditionné les représentants. Ils nous alertent sur le risque que comporterait la pérennisation d’un instrument conçu à des fins conjoncturelles, alors même que leur secteur connaît une situation difficile.

L’exercice est délicat. D’une part, les Français ne comprendraient pas que nous ne maintenions pas une mesure qui les accompagne face à l’inflation. D’autre part, je ne crois pas qu’ils approuveraient que nous prolongions indéfiniment une dérogation au détriment des commerces qui font vivre nos communes. Il nous faut donc envisager une refonte plus profonde et plus durable du dispositif qui conduira à adapter l’usage des titres-restaurant aux changements de notre société – une conviction que je partage avec la secrétaire d’État à la consommation, qui m’a dit souhaiter réunir en début d’année prochaine les acteurs concernés. Si des échanges ont bien eu lieu par le passé, rien n’a été décidé. Il conviendra de faire enfin aboutir les discussions engagées avec les acteurs et les partenaires sociaux.

Je suis ravie que certains d’entre vous rejoignent le combat que je mène depuis un moment. Nous devons réfléchir aux usages, mais également aux bénéficiaires. C’est ainsi que j’avais défendu deux propositions de loi à destination des étudiants ; j’appelle votre attention sur la situation de ces milliers d’étudiants qui n’ont, à ce jour, aucune offre pour se restaurer à moindre coût. Ils vivent dans ce que l’on appelle des zones blanches, des zones éloignées de sites de restauration leur donnant accès au tarif social étudiant, notamment aux repas à 1 euro pour les boursiers. C’est pourquoi je continue à travailler avec le ministère de l’enseignement supérieur pour trouver rapidement des pistes concrètes.

L’enjeu ce matin est de conserver pour des millions de salariés un outil utile à la défense du pouvoir d’achat, après le 31 décembre. Une fois que nous aurons examiné le dispositif et adopté son article unique, il faudra qu’il soit rapidement voté dans des termes identiques au Sénat.

M. Frédéric Weber (RN). Le groupe Rassemblement national soutiendra la prorogation de cette mesure, qui permettra aux salariés bénéficiaires de titres-restaurant de continuer à les utiliser pour l’achat de produits non directement consommables, comme le riz, les pâtes, les œufs, la viande et le poisson frais. Ce dispositif d’extension de l’utilisation des titres-restaurant à tout achat de produits alimentaires avait ses raisons d’être lors du vote de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat en 2022 – elles n’ont d’ailleurs pas disparu. En période de tension sur le pouvoir d’achat, cela reste un outil nécessaire pour soutenir les Français, notamment les plus modestes, face à une inflation persistante. Cependant, il est essentiel de rappeler que cette proposition de loi n’est rien d’autre qu’un palliatif. Elle ne répond pas à l’urgence d’une restauration structurelle du pouvoir d’achat mais tente de colmater les brèches.

L’an dernier, c’était le gouvernement Renaissance qui proposait cette dérogation ; aujourd’hui, c’est le groupe Droite républicaine, anciennement Les Républicains, qui reprend le flambeau. Malgré les discours de façade, c’est une continuité que l’on observe : deux groupes, une même politique, sans vision économique à long terme. Pourquoi ces mesures correctives à répétition ? Pourquoi cette dépendance aux ajustements temporaires ? Parce que le Gouvernement et ceux qui le soutiennent n’ont pas de politique économique structurelle capable de restaurer durablement le pouvoir d’achat. Chaque année, nous voyons revenir ces petites réformes pour ajuster ici et là sans jamais s’attaquer à la racine du problème. Cette incapacité à proposer un projet à long terme nous conduit à légiférer au coup par coup sans véritable cap.

Si nous soutenons malgré tout cette mesure, il est essentiel de souligner qu’elle ne profite qu’à une faible proportion de salariés, 5,4 millions de personnes. Les artisans, les agriculteurs, les travailleurs indépendants, les retraités en sont exclus, alors qu’ils sont durement frappés par la crise du pouvoir d’achat. Encore une fois, il s’agit d’une réponse partielle et inégale à un problème qui concerne pourtant tous les Français. Chaque fois qu’une prolongation de circonstance est proposée, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un bricolage législatif qui ne traite jamais la question pourtant fondamentale : comment redonner du pouvoir d’achat de manière durable aux Français ?

Les problèmes liés à l’inflation et à la pression sur les salaires ne se régleront pas avec des mesurettes. Le Rassemblement national avait proposé de supprimer la TVA sur les produits alimentaires de première nécessité, ce qui aurait profité à tout le monde et pas seulement aux bénéficiaires de titres-restaurant. À force de ne pas traiter les racines du problème, le Parlement se retrouve, année après année, à voter des ajustements temporaires, alors que les Français attendent des solutions solides et durables pour protéger leur pouvoir d’achat. Nous soutiendrons cette prorogation. Néanmoins, ne nous y trompons pas : loin de restaurer durablement le pouvoir d’achat, ce type de disposition maintient notre pays dans une illusion de gestion à la petite semaine.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Monsieur Weber, vous n’êtes pas sans savoir que l’actualité a été un peu mouvementée ces derniers mois. La proposition de loi vise à répondre très concrètement à la fin annoncée d’un dispositif. Si nous ne votons pas le même texte que le Sénat, le 1er janvier 2025, les salariés ne pourront plus utiliser leurs titres-restaurant dans les grandes et les moyennes surfaces. Cela étant, il est évident que la refonte globale du dispositif s’impose.

Mme Françoise Buffet (EPR). La première prorogation a été un véritable soutien pour le pouvoir d’achat de millions de salariés. Cet usage des titres-restaurant reste plébiscité par 96 % de leurs bénéficiaires.

Depuis 1967, les titres-restaurant représentent un avantage social indéniable en permettant aux salariés d’acquitter tout ou partie du prix du repas consommé à l’occasion de leur journée de travail. Les restaurateurs ont également bénéficié de cette mesure, qui leur a permis de développer leur chiffre d’affaires. Cependant, le dispositif actuel doit être repensé, car les modes de consommation ont évolué, influencés par le développement du télétravail et les nouveaux rythmes de vie. À cela, plus récemment, se sont ajoutés de nouveaux enjeux, tels que la préservation de notre souveraineté alimentaire et le soutien à nos agriculteurs, mais aussi des questions de santé publique : les Français sont attentifs à une meilleure traçabilité et qualité des produits qu’ils consomment. La hausse importante des prix des produits alimentaires en 2022 nous a déjà conduits à faire évoluer le dispositif existant, en élargissant l’usage des titres-restaurant. Malgré un ralentissement de l’inflation, il reste nécessaire de le maintenir.

Les professionnels du secteur attendent une évolution du dispositif : dématérialisation des titres, gain de temps dans leur traitement, ouverture à la concurrence de manière à faire diminuer le niveau élevé des commissions liées aux frais de gestion. Toutes ces raisons plaident en faveur d’une réforme durable de cet outil.

En adaptant les titres-restaurant à ces nouvelles ambitions, nous pourrions orienter leur usage vers des aliments sains et de qualité, favorisant ainsi l’accès aux produits frais et à la consommation locale. Un tel soutien aux producteurs français serait bénéfique pour la santé des salariés comme pour l’économie de nos territoires et le respect des pratiques agricoles durables. À terme, ce dispositif réformé pourrait également contribuer à la sécurité alimentaire et à la résilience de notre agriculture, en limitant notre dépendance aux produits importés. On pourrait même aller jusqu’à imaginer une nouvelle dénomination du titre-restaurant, voire la création d’un label correspondant à ces nouveaux critères.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. La refonte du titre-restaurant est évoquée depuis 2019. Il va être temps de trancher, en collaboration notamment avec la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR).

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). En janvier dernier, Bruno Le Maire annonçait que le gouvernement Attal abandonnait le chèque alimentaire, pourtant promis par Emmanuel Macron. Ce n’est qu’une promesse non tenue parmi tant d’autres des gouvernements Macron successifs, qui semblent toujours avoir une bonne raison pour ne pas agir face à l’augmentation de la précarité en France. À l’époque, Bruno Le Maire annonçait que les prix alimentaires allaient baisser cette année. Or, en octobre 2024, l’inflation a atteint 4,5 % sur un an pour les produits frais. C’est dire à quel point il est visionnaire !

Sur la période 2021-2023, l’inflation alimentaire a été de 23 %, soit bien plus que l’inflation globale sur la même période. Les salaires sont loin d’avoir suivi. Le faible recul de l’inflation en 2024 n’augmentera pas à court terme le pouvoir d’achat des ménages. En conséquence, la précarité alimentaire continue à augmenter dans notre pays. Un Français sur trois ne fait pas trois repas par jour, selon le baromètre 2024 de la pauvreté et de la précarité du Secours populaire. L’inaction du Gouvernement est totale en la matière : rétropédalage sur les chèques alimentaires – Bruno Le Maire demandait des trimestres anti-inflation à la grande distribution sans les y contraindre ; refus d’encadrer les marges des industries de l’agroalimentaire et de la grande distribution, lors de notre niche parlementaire en novembre 2023, alors qu’elles sont en grande partie responsables de l’inflation alimentaire.

Nous voilà donc à débattre de l’une des rares mesures permettant d’augmenter le budget alimentaire des Français, ou plutôt des seuls salariés disposant de titres-restaurant. Allons-nous avoir le même débat tous les ans ? L’an dernier déjà, nous vous alertions sur la nécessité de pérenniser le dispositif ou, au minimum, de le proroger au-delà d’un an. La crise profonde du pouvoir d’achat que nous subissons ne se résoudra pas par miracle. Tant qu’il n’y aura pas sur la table des propositions concrètes pour permettre à tous nos concitoyens d’accéder à une alimentation saine et de qualité, ce dispositif doit continuer à s’appliquer.

Nous entendons néanmoins l’inquiétude des restaurateurs. C’est au Gouvernement d’instaurer une compensation pour ceux qui sont concernés par l’utilisation des titres-restaurant. Il pourrait aussi en profiter pour plafonner les commissions perçues par les émetteurs de titres-restaurant, qui se gavent sur le dos des commerçants, et nous présenter un projet de loi permettant de garantir à tous les Français de manger à leur faim.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Encore une fois, si le texte n’est pas voté, la mesure ne pourra plus s’appliquer au 1er janvier prochain. Votre cohérence m’échappe : alors que vous dites vouloir encadrer le montant des commissions perçues et défendre les restaurateurs, vous avez déposé un amendement visant à pérenniser le dispositif tel qu’il existe.

M. Karim Benbrahim (SOC). Depuis 2021, dans un contexte économique d’abord marqué par les conséquences de la crise du covid, puis par un contexte géopolitique dégradé, les Françaises et les Français font face à une inflation historique qui touche durement la vie des classes moyennes et des classes populaires. Les factures énergétiques ont explosé, les prix des matières premières se sont envolés, entraînant une hausse des prix des produits et des biens de consommation courants. Trop souvent, cette tendance est amplifiée par des profiteurs de crise qui réalisent des profits records, indus et déconnectés des efforts d’investissement ou des innovations réalisées.

Parallèlement, alors que l’inflation augmentait, nous avons vu le taux de pauvreté s’accroître et les files d’attente dans les banques alimentaires s’allonger. Mais la crise du pouvoir d’achat ne touche pas uniquement les plus précaires. Le ruissellement promis par Emmanuel Macron ne s’est jamais produit : tandis que des avantages fiscaux étaient accordés aux foyers les plus aisés, les classes moyennes et populaires ont vu leur pouvoir d’achat reculer. Si les prix augmentent aujourd’hui à un rythme moindre qu’en 2022 et en 2023, l’inflation est encore là et les difficultés d’une grande partie de nos concitoyens restent réelles.

Pourtant, hier encore, la droite comme l’extrême droite ont refusé de soutenir ces classes moyennes et ces classes populaires en adoptant les mesures de justice fiscale que nous avons défendues dans le cadre du projet de loi de finances. La justice sociale, comme le pouvoir d’achat des Françaises et des Français, attendra.

Dans ce contexte, la mesure qui nous est proposée apparaît comme une rustine sur une crise qui nécessite des mesures d’un autre ordre. Néanmoins, elle constitue un soutien au pouvoir d’achat des ménages qui bénéficient de titres-restaurant et nous la voterons à ce titre. Nous avions d’ailleurs demandé l’année dernière une prorogation du dispositif jusqu’à la fin 2025 ; le Gouvernement s’y était opposé. Alors que les habitudes de consommation évoluent, il nous paraît également important de mentionner que le dispositif des titres-restaurant doit être réactualisé pour répondre aux évolutions des habitudes de consommation, aux attentes des parties prenantes et aux objectifs sociaux et environnementaux que nous souhaitons atteindre collectivement. Ainsi, nous sommes favorables à l’ouverture d’une réflexion avec les parties prenantes sur les coûts des commissions, la dématérialisation, l’ouverture à de nouveaux bénéficiaires et les conditions de soutien à différentes filières de production et de distribution.

Enfin, nous voulons rappeler que le secteur de la restauration est confronté à des difficultés auxquelles le Gouvernement doit apporter des réponses. Il doit notamment répondre aux difficultés de recrutement, en améliorant l’attractivité des métiers de la restauration. C’est conscient de ces réserves que le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de la prorogation.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Je regrette que vous utilisiez ce dispositif très concret pour politiser le débat. Nous n’avons pas de leçon à recevoir. En 2021, j’ai déposé une proposition de loi pour défendre la création d’un titre-restaurant pour les étudiants. Votre groupe ne l’a pas votée. Pas plus tard qu’hier, nous avons obtenu des gages du Gouvernement pour restaurer le pouvoir d’achat des retraités. Le groupe Droite républicaine est aux côtés des salariés pour défendre leur pouvoir d’achat, tout en préservant la compétitivité de nos entreprises.

M. Guillaume Lepers (DR). La proposition de loi répond aux attentes de bon nombre de nos concitoyens : pouvoir continuer d’acheter tout type de produits alimentaires avec des titres-restaurant est précieux dans le contexte économique actuel. Plus de 5,4 millions de salariés bénéficient de titres-restaurant. Leur utilisation pour les achats du quotidien s’inscrit dans une démarche volontariste de soutien du pouvoir d’achat des travailleurs, alors que les prix des produits alimentaires pèsent toujours plus lourdement sur le budget des ménages.

Cet élargissement de l’usage des titres-restaurant a été instauré en 2022 pour limiter les effets de l’inflation massive. Depuis août 2021, les prix des produits alimentaires ont bondi de 20 %. Même si l’inflation ralentit en 2024, l’impact de cette période prolongée de hausse des prix reste sensible pour de nombreuses familles. L’utilisation des titres-restaurant pour l’achat de produits alimentaires essentiels, bruts ou transformés, a permis de mieux soutenir les dépenses des salariés, avec une valeur faciale moyenne des titres atteignant 8,25 euros en 2022.

Je souhaiterais néanmoins rappeler que, dans « titres-restaurant », il y a « restaurant », et qu’il convient aussi de prendre en compte l’impact de l’élargissement du dispositif sur les restaurateurs. Comme les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), ils subissent la hausse du coût des charges, notamment énergétiques, et voient leur clientèle se reporter sur la grande distribution. Selon un rapport récent, moins de 40 % des titres sont aujourd’hui utilisés dans leurs établissements.

Il me semblerait donc nécessaire de préciser que cette mesure ne saurait être que temporaire. Son renouvellement ne peut pas devenir automatique. Dans les prochains mois, nous devrons permettre au travail d’être plus rémunérateur, afin que les titres-restaurant retrouvent leur rôle initial et que les métiers de la restauration bénéficient d’un regain d’activité. En attendant, il nous paraît judicieux de prolonger cet élargissement. C’est pourquoi le groupe Droite républicaine soutient bien évidemment l’adoption de ce texte sans modification.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Effectivement, l’usage des titres-restaurant alimente nos entreprises locales. J’ai reçu presque tous les acteurs du secteur et tous m’ont dit leur opposition à la pérennisation du système sans une refonte globale du dispositif. Les émetteurs, les bénéficiaires et les restaurateurs sont prêts à y travailler l’an prochain.

M. Boris Tavernier (EcoS). Après une période d’inflation soutenue à l’origine d’une précarité alimentaire inédite, le ticket-restaurant est devenu pour beaucoup de Français un dispositif nécessaire de soutien au pouvoir d’achat alimentaire, un complément pour faire ses courses. Ainsi, le groupe Écologiste et social votera en faveur de cette proposition de loi qui permet de proroger d’un an la possibilité d’acheter des produits alimentaires non directement consommables.

Néanmoins, cette situation n’est pas satisfaisante. Premièrement, de manière évidente, les salariés devraient pouvoir payer leurs courses avant tout grâce à leur salaire, un salaire décent, et non avec des titres-restaurant exonérés de cotisations sociales. Deuxièmement, on entend le manque à gagner que cette dérogation représente pour les restaurateurs qui font vivre nos villes et nos quartiers. Le texte ne propose rien aux restaurateurs, pas même une réflexion sur les commissions toujours plus fortes qu’ils sont sommés de payer. Troisièmement, l’Assemblée nationale se voit contrainte de voter en vitesse, une fois de plus, un régime dérogatoire.

Les habitudes de travail et de consommation ont évolué, et de nouveaux enjeux s’imposent : lutte contre la précarité alimentaire et nécessaire transition vers une alimentation durable. Ainsi, il semble indispensable de proposer, à l’issue de cette nouvelle année dérogatoire, une réforme structurelle du ticket-restaurant, afin d’inventer le titre-restaurant du XXIe siècle.

Nous souhaitons, par exemple, ouvrir la réflexion sur l’intérêt d’étendre le titre-restaurant à de nouveaux publics non salariés, comme les travailleurs indépendants, les professions libérales, les étudiants, les femmes enceintes ou les personnes en précarité. Nous souhaitons également étudier des pistes pour faire du titre-restaurant un outil de transition vers un système alimentaire plus durable et solidaire et un outil qui contribue à la solidarité alimentaire. Nous souhaitons aussi rééquilibrer le rapport de force entre les différentes parties prenantes et, pourquoi pas, encadrer les commissions. Nous souhaitons faciliter l’usage du titre-restaurant en milieu rural et dans les circuits de distribution alternatifs, comme les marchés de plein vent, la vente à la ferme, les magasins de producteurs ou les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap). Il ne faudrait pas croire pour autant que le ticket-restaurant soit à lui seul une politique publique cohérente et suffisante d’accès à l’alimentation : les écologistes proposent des mesures plus systémiques comme la sécurité sociale de l’alimentation.

Avec près de 5,5 millions de salariés concernés, un marché total évalué à près de 10 milliards d’euros et 1,5 milliard de participation de l’État par le biais des exonérations sociales et fiscales, il y a a priori de quoi faire pour dépoussiérer le titre-restaurant. Des initiatives parlementaires ont déjà été lancées l’an passé : je pense à la proposition de loi d’Hadrien Clouet ou à celle du rapporteur sur le titre-restaurant étudiant. Ces travaux pourraient enrichir la réforme structurelle du ticket-restaurant que nous appelons.

Mes chers collègues, voyez ce vote comme un ultimatum. C’est la dernière fois que nous votons en catimini une loi minimaliste de dérogation. Nous devons cette année travailler à une réforme ambitieuse, plus juste pour toutes les parties prenantes.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Je suis ravie que vous rejoigniez ce que je défends depuis 2021. À l’époque, malheureusement, certains avaient préféré dévoyer le dispositif que j’avais proposé à destination des étudiants qui ne disposent pas de solution de restauration collective.

M. Richard Ramos (Dem). Les restaurateurs sont des fabricants de lien social, la table du restaurant étant un lieu d’échange entre les salariés. Il faut donc aider nos restaurateurs, principalement ceux qui font du « fait maison », car il ne faudrait pas que nous en arrivions à subventionner de mauvais plats du jour tout juste sortis du congélateur, en général composés de produits agricoles étrangers.

Toutefois, le moment n’est pas le bon pour réserver le titre-restaurant aux seuls restaurateurs. La baisse du pouvoir d’achat nous impose de faire perdurer le dispositif. Le groupe Les Démocrates soutiendra donc la proposition de loi, avec une préférence pour une prolongation de trois ans, car une durée d’un an nous paraît trop courte pour faire quoi que ce soit, et avec un plafond différent pour les restaurants et la grande distribution.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Les titres-restaurant sont payés à parts égales par l’entreprise et le salarié : ce dispositif ne comporte pas de subventionnement public.

Concernant les produits agricoles, il faut faire attention à ne pas surtransposer les normes, ce qui irait à l’encontre de la compétitivité internationale de nos entreprises. Les agriculteurs ne peuvent malheureusement pas définir leurs prix et ne connaissent pas le prix de vente de leurs produits.

M. Xavier Albertini (HOR). Le 21 novembre 2023, je prenais la parole dans cette salle pour défendre, au nom de mon groupe, la prorogation en 2024 de l’utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables. Un an plus tard, nous nous retrouvons pour décider d’une nouvelle prolongation : cela devient un marronnier législatif.

Sachant que le pouvoir d’achat est toujours contraint, que la crise sanitaire a définitivement installé des usages de consommation tels que le « faire soi-même », que les salariés aspirent à davantage de flexibilité et que 96 % des bénéficiaires de titres-restaurant, soit plus de 5,4 millions de salariés, se déclarent favorables à la prolongation de ce dispositif élargi, ne pas leur accorder cette faculté nous rendrait coupables d’une totale déconnexion avec nos concitoyens.

Je comprends aisément les réticences des restaurateurs, dont les difficultés à retrouver des flux de consommation vont au-delà du simple dispositif des titres-restaurant. Plus globalement, la question se pose du maintien de cette appellation, qui n’est plus adaptée si nous entérinons son élargissement.

Par ailleurs, j’aimerais que nous ne soyons pas obligés chaque année de remettre l’ouvrage sur le métier. Plusieurs actions ont été menées sur ce sujet, notamment par Mme Olivia Grégoire lorsqu’elle était ministre : il serait bon, pour des raisons d’efficacité législative, que nous réformions le dispositif au fond.

Néanmoins, le groupe Horizons & indépendants soutiendra la présente proposition de loi.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Ce sujet revient en effet chaque année. Il ne vous aura pas échappé que je n’étais pas à cette place les années précédentes. Nous avons décidé de déposer cette proposition de loi pour répondre à une attente très concrète : si le dispositif n’est pas prolongé avant le 31 décembre, il tombera. Nous avons travaillé avec le Gouvernement pour envisager la suite, et des engagements seront certainement pris en séance ; la ministre compte recevoir l’ensemble des parties prenantes dans la perspective d’une refonte plus globale.

M. Max Mathiasin (LIOT). Même si l’inflation est en baisse, les prix des produits alimentaires restent en moyenne bien plus élevés qu’avant la crise sanitaire ; nos concitoyens le constatent quand ils vont faire leurs courses – ne parlons pas des outre-mer, où l’on paye en moyenne 40 % de plus qu’en métropole pour un caddie comparable.

Dans ce contexte, les Français veulent pouvoir utiliser les titres-restaurant pour payer leurs courses du quotidien au supermarché et pour préparer le repas qu’ils apportent au travail ou consomment à la maison. Le groupe LIOT est favorable à la prorogation de ce dispositif, car c’est une mesure de défense du pouvoir d’achat, alors que l’urgence est toujours là pour des millions de Français.

Reste toutefois un problème de méthode. De nouveau, l’Assemblée nationale doit examiner dans la précipitation une proposition de loi, et non un projet de loi, qui aurait nécessité une étude d’impact. Pourtant, l’utilisation des titres-restaurant dans les supermarchés a des conséquences non négligeables sur la restauration qui mériteraient d’être évaluées. Défendre le pouvoir d’achat de nos concitoyens ne doit pas avoir pour corollaire la condamnation des artisans et des restaurateurs. Aussi nous étonnons-nous du manque de contreparties pour ce secteur. Celui-ci appelle, et c’est bien normal, à limiter les commissions abusives des émetteurs de titres-restaurant et demande l’instauration de plafonds journaliers différenciés entre les restaurateurs et la grande distribution. Les deux amendements que nous avions déposés en ce sens ont malheureusement été déclarés irrecevables.

Le groupe LIOT votera cette proposition de loi, tout en appelant à faire évoluer le dispositif. Nous pensons qu’il existe une voie permettant de soutenir à la fois le pouvoir d’achat de nos concitoyens et les artisans et restaurateurs qui font la richesse de notre territoire.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Les restaurateurs ne doivent pas être affectés par la prolongation de ce dispositif. Nous continuerons donc à travailler à une refonte du titre dans l’intérêt de chacune des parties. Je n’oublie pas les amendements qui ont été déclarés irrecevables : ils abordent des thèmes qui ont été mis sur la table lors des auditions. J’ai fait part à la ministre du débat sur la valeur, sur les bénéficiaires ou sur la dématérialisation, dans la perspective de l’élargissement du dispositif.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Le groupe UDR soutiendra cette mesure, car elle aidera des millions de Français à faire face à la faiblesse du pouvoir d’achat pendant une année supplémentaire.

Toutefois, elle a un coût pour nos finances publiques, puisqu’elle repose sur une exonération de cotisations sociales : plus les cotisations seront élevées, plus ce type d’outil sera nécessaire. On ne peut oublier l’objectif initial du titre-restaurant, à savoir pallier l’absence de cantine d’entreprise pour les repas du midi. L’exception proposée pénalise indirectement le secteur de la restauration, alors que celui-ci sort d’une crise ayant entraîné la disparition de nombreux fonds de commerce, notamment sous l’effet de la hausse des coûts de l’énergie. Face à ce conflit d’usage, l’avenir pourrait inviter à concevoir deux catégories de titres, l’une à destination de la grande et moyenne distribution, l’autre à destination des restaurateurs. D’autres catégories pourraient même cibler directement les produits de première nécessité ou les productions nationales – la liste est potentiellement infinie.

Le titre-restaurant ne bénéficie qu’aux salariés, soit 5,4 millions de personnes ; il exclut les étudiants en zone blanche, les chômeurs, ou encore les personnes âgées. Et, surtout, il ne tient que très indirectement compte de la richesse de celui qui en bénéficie. Je vous alerte donc sur le risque qui découlerait de l’accroissement du mitage social de son modèle de financement ; sur l’effet de bord que cela créerait dans des entreprises déjà largement taxées, le titre-restaurant étant d’autant plus intéressant que la ponction sociale est élevée ; sur une potentielle transformation en équivalent contemporain du ticket de rationnement, qui enrichirait surtout les intermédiaires avec leurs commissions.

Nous soutiendrons cette proposition de loi, mais nous appelons à une très grande vigilance, ce dispositif n’étant attractif qu’en raison de l’exonération de cotisations sociales dont il bénéficie. Nous nous tenons à disposition pour travailler sur la refonte globale du dispositif.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Lors des auditions, les acteurs ont été quasiment unanimes : ils ne veulent pas d’une pérennisation du dispositif dérogatoire, pas plus que de son extension à outrance, qui aurait pour conséquence de le transformer en ticket de rationnement alimentaire. Un élargissement trop important dévoierait sa vocation sociale initiale, à savoir contribuer à la restauration du salarié sur son temps de travail. Il y a là un risque et beaucoup s’y sont opposés.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Olivia Grégoire (EPR). J’ai travaillé sur cette réforme tout au long de l’année 2023 avec la CNTR. La dématérialisation doit faire baisser les commissions. Nous avons également réfléchi à la question de la solidarité et des dons ; aux indépendants, aux étudiants et à tous ceux qui n’y ont pas accès ; à l’utilisation du titre-restaurant au-delà du département de travail.

L’agenda politique ne m’a pas permis de mener cette réforme à bien, mais je l’avais ardemment préparée. Je défendrai un amendement visant à pérenniser la dérogation dans l’intérêt des salariés. Il est important que nous n’ayons pas à légiférer chaque année.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. La refonte du titre-restaurant est évoquée depuis 2019, mais elle n’a pas été concrétisée, aucun projet de loi n’ayant été déposé. Les amendements visent à pérenniser une mesure conjoncturelle, alors même qu’il n’y a pas de réforme structurelle du dispositif. Cela a mis en émoi nombre d’acteurs, y compris au sein de la CNTR, et ne manquera pas de poser des difficultés.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). La proposition de loi répond aux attentes des Français en prolongeant l’extension temporaire de l’utilisation des titres-restaurant à tous les produits alimentaires, y compris ceux non directement consommables. Conçue initialement pour alléger les dépenses dans un contexte de crise du pouvoir d’achat, cette mesure a bénéficié à divers secteurs de la distribution alimentaire. Sans remettre en cause sa pertinence, j’aimerais savoir quel impact l’élargissement a eu sur la filière de la restauration, et quelles autres pistes nous pourrions explorer afin d’assurer un équilibre entre soutien au pouvoir d’achat et soutien à ce secteur clef.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Ayant été nommée rapporteur la semaine dernière seulement, je n’ai disposé que d’un temps très court pour mener des auditions et présenter ce texte. Il faudra, avec la secrétaire d’État chargée de la consommation, aboutir très rapidement à une refonte du dispositif dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs du secteur, notamment des restaurateurs.

 

 

Article unique

Amendements CE1 de M. Hadrien Clouet, CE22 de Mme Olivia Grégoire et CE9 de M. Karim Benbrahim (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). C’est très sympa, de se donner rendez-vous chaque année au mois de novembre pour voter l’extension du dispositif pour un an, mais je vous propose de nous épargner cela pour les années à venir : l’amendement CE1 vise à pérenniser le droit d’acheter des pâtes ou du riz avec des titres-restaurant, reconnaissant ainsi aux salariés le droit de faire leur popote à la maison et d’échapper à l’alimentation ultra-transformée dans des zones dépourvues de restaurateurs.

L’inconvénient de cet article unique est que son champ est si restreint que plusieurs de nos amendements ont été déclarés irrecevables, notamment ceux visant à arrêter d’étrangler les commerçants avec les taux de commission – ils sont passés de 1 % à 4 % – et à exclure les entreprises ubérisées qui pratiquent le salariat déguisé.

Mme Olivia Grégoire (EPR). L’amendement CE22 vise également à pérenniser le dispositif, avec un renvoi à un décret pour préciser la liste des produits qui en sont exclus. C’est une demande forte de la CNTR, qui souhaite que les interdictions soient enfin respectées, notamment par les grandes et moyennes surfaces. Je proposerai en séance des sanctions pour celles qui ne respecteraient pas ces interdictions.

M. Karim Benbrahim (SOC). Nous proposons également de pérenniser le dispositif tel qu’il est. Cela nous donnera du temps pour le repenser globalement, avec toutes les parties prenantes, et nous évitera de nous retrouver dans la même situation dans un an – la récente dissolution nous rappelle d’ailleurs que nous n’aurons peut-être pas la garantie de pouvoir nous réunir dans un an.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Dans ces amendements, vous souhaitez pérenniser le dispositif existant tandis que dans d’autres, vous aspirez à une refonte globale du dispositif : il y a là une incohérence. Ma proposition de loi vise à laisser un an supplémentaire aux acteurs pour préparer une réforme qui convienne à tous.

Vous êtes nombreux à prendre la défense des restaurateurs. Toutefois, nous allons examiner d’autres amendements qui ouvrent totalement la voie à la grande distribution, comme l’amendement CE19 de Mme Grégoire : il y a là aussi une incohérence. Il s’agit de trouver un équilibre : soit vous voulez la refonte du dispositif, auquel cas il faut que nous nous donnions un an pour reprendre les travaux avec tous les acteurs, soit vous voulez simplement le pérenniser, ce qui implique de le conserver à l’identique.

Afin de garantir l’équité de traitement entre restaurateurs et grandes surfaces, il convient de prolonger ce dispositif social, tout en veillant à ne pas le dévoyer. Inscrire cette mesure de manière pérenne dans le code du travail risquerait d’affecter les équilibres auxquels chacun des acteurs aspire.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Contrairement à ce que vous affirmez, nous pouvons tout à la fois prolonger le dispositif et le rendre plus juste. C’est même en nous accordant du temps que nous pourrons réfléchir collectivement à sa réforme – avec un taux maximal de commission, par exemple, et en excluant les plateformes ubérisées pour réserver l’usage du titre-restaurant à l’artisanat de la restauration, secteur créateur d’emplois qualifiés.

Mme Olivia Grégoire (EPR). C’est assez rare pour être souligné : j’adhère totalement aux propos de M. Clouet. J’ai une question simple : la secrétaire d’État, avec qui vous avez échangé, a-t-elle prévu un calendrier d’action pour mener la réforme globale du dispositif ? Je répète que celle-ci était prête – j’ai quand même été ministre deux ans ! – et que même si elle n’avait pas encore été inscrite au calendrier parlementaire lorsque la dissolution est intervenue, elle avait néanmoins été travaillée.

M. Jérôme Nury (DR). J’entends ceux de nos collègues qui souhaitent réformer totalement ce dispositif et le pérenniser. Toutefois, on ne peut pas faire cela sur un coin de table, dans une proposition de loi. Il faudrait peut-être arrêter de procrastiner : depuis un an, qu’a-t-on fait sur le sujet ? De plus, en dépit de votre bonne volonté, vous allez vous heurter au calendrier : l’an dernier, le texte n’a été promulgué que le 27 décembre, alors que nous l’avons adopté à peu près à la même époque. Modifier un texte de fond en comble fait courir le risque qu’il ne s’applique pas du tout. Nous avons donc intérêt à simplifier et à aller vite.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Madame Grégoire, je comprends que vous vouliez défendre votre bilan, mais la réalité, c’est que la refonte du titre-restaurant a été maintes et maintes fois évoquée depuis 2019 sans qu’aucun texte ne soit déposé au Parlement. En 2023, vous aviez vous-même affirmé qu’une pérennisation devrait être consensuelle. Or, il ressort des auditions qu’elle est considérée comme dangereuse par l’ensemble des acteurs, y compris ceux qui siègent au sein de la CNTR. On comprend que vous souhaitiez concrétiser vos engagements personnels, qui n’avaient pas été repris par le Gouvernement à l’époque où vous étiez ministre.

Ayant discuté avec la secrétaire d’État à la consommation, je peux attester, même si je ne peux pas m’exprimer à sa place, qu’elle a bien à l’esprit le calendrier de la réforme. Elle aura très certainement l’occasion de revenir sur ce point en séance. L’adoption du présent texte nous donnera une année supplémentaire pour mener ce travail de fond avec l’ensemble des acteurs.

Monsieur Clouet, je n’ai fait que souligner la contradiction entre vos amendements. En pérennisant le dispositif existant, vous risquez de repousser la refonte globale que vous appelez de vos vœux.

Enfin, nos collègues du Sénat sont vraisemblablement sur la même ligne que moi, à savoir la prolongation pour une année. Si la commission adoptait le présent texte, cela permettrait au Sénat de le voter en termes identiques, garantissant ainsi son application au 31 décembre et permettant aux salariés de continuer à bénéficier du dispositif. La procédure parlementaire pouvant être très longue, nous n’avons pas le temps de mener un débat de fond.

Successivement, la commission rejette l’amendement CE1 et adopte l’amendement CE22.

En conséquence, l’article unique est ainsi rédigé et l’amendement CE9 ainsi que les amendements CE2 de M. Hadrien Clouet et CE10 de M. Karim Benbrahim tombent.

 

 

Après l’article unique

Amendement CE19 de Mme Olivia Grégoire

Mme Olivia Grégoire (EPR). Cet amendement vient clarifier le champ d’application de l’utilisation des titres-restaurant. Je n’ai en rien modifié le texte qui avait été proposé en 2023. Contrairement à ce que j’ai cru vous entendre dire, Madame le rapporteur, je n’élargis pas plus que cela le périmètre de son utilisation dans les commerces de distribution alimentaire, y compris les grandes surfaces.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Suivant votre volonté personnelle, la commission vient de pérenniser un dispositif critiqué par tous les acteurs du titre-restaurant, ce qui va créer un déséquilibre et susciter un très vif émoi chez les restaurateurs. Vous poursuivez clairement sur votre lancée en mentionnant les grandes surfaces dans cet amendement CE19. L’utilisation des titres-restaurant dans les rayons des grandes surfaces est certes une source d’économies pour les salariés français, mais elle correspond à un dévoiement de la fonction initiale du dispositif. En vous engageant dans cette voie, vous faites fi de l’équilibre souhaité par les entreprises et les salariés, et vous allez à l’encontre de leur intérêt. C’est bien dommage.

M. Jérôme Nury (DR). Il y a quelque chose de cynique dans ces discussions. La main sur le cœur, chacun se déclare favorable à la prolongation de l’élargissement provisoire dont nos concitoyens ont besoin. Dans les faits, nous sommes en train de tuer le dispositif, puisque le texte ne sera ni soutenu par l’exécutif, ni adopté par le Sénat. En voulant bien faire, nous en venons à désavantager les salariés et les habitants de nos territoires qui ne pourront plus bénéficier de l’extension d’usage l’année prochaine. C’est dommage et un peu pittoresque que cela vienne du socle commun.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Pour avoir préparé la réforme avec les quatre collèges de la CNTR, je trouve que votre façon de présenter leur volonté est un peu caricaturale, Madame le rapporteur. Il n’y a rien de dommageable dans cet amendement CE19 qui ne fait qu’aligner un périmètre sur une réalité. Il ne m’a pas échappé que vous avez entendu les collèges représentatifs et autres groupements d’intérêts ; toutefois, il me semble intéressant d’entendre aussi le souhait des Français – mais je dois sûrement être en décalage !

M. Karim Benbrahim (SOC). Ce qui me dérange, pour ma part, c’est d’entendre répéter que nous devons nous caler sur la position des sénateurs afin que la proposition de loi soit adoptée dans les temps. Je voudrais tordre le cou à cette idée : s’il arrive la semaine prochaine en séance, il peut très bien aller au Sénat courant novembre ou début décembre, puis passer en commission mixte paritaire d’ici à la fin de l’année. Cessez de faire référence à une position à venir du Sénat pour orienter le vote.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Au vu des débats, il est urgent de changer le nom du titre-restaurant, comme M. Nury le suggérait. Les restaurateurs de ma région, qui sont déjà vent debout parce qu’ils ne voient quasiment aucun client arriver avec ce fameux ticket, demandent tous à en changer le nom pour supprimer toute référence au restaurant. Appelons-le titre-repas ou n’importe quoi d’autre, mais pas titre-restaurant.

M. Richard Ramos (Dem). Même si nous avons tendance à prendre cette habitude désagréable, nous ne devrions pas essayer d’anticiper la réaction des sénateurs pour nous aligner sur eux. C’est ici que la loi doit être faite. Nous sommes en train d’étendre un dispositif alors que, comme chacun sait, les élastiques sont indigestes. Charles Fournier a déposé une proposition de loi d’expérimentation vers l’instauration d’une sécurité sociale de l’alimentation, et nous sommes plusieurs à préparer des textes sur le même thème. Nous essayons ici d’assigner au titre-restaurant un objectif qui n’est pas le sien : répondre au besoin immédiat des Français de se nourrir dans un contexte de réduction de leur pouvoir d’achat. Voilà la difficulté. Il est finalement question du droit à bien manger en France, que l’on soit salarié ou pas. Nous ne pouvons pas rédiger en si peu de temps et sur un coin de table une loi sur un sujet aussi complexe.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’idée de légiférer en se demandant ce que vont faire les sénateurs me laisse aussi un peu sceptique. Vous n’êtes pas sans savoir qu’en cas de désaccord, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. Pour ma part, j’invite les sénateurs à se demander également ce que pensent les députés.

Madame le rapporteur, nous savons que vous vous intéressez au sujet, que vous y travaillez depuis longtemps, que vous avez rencontré les acteurs concernés. Mais nous les avons vus, nous aussi, et le problème, c’est qu’ils sont comme nous : ils font de la politique et ne sont pas tous d’accord entre eux. Il faut savoir avec qui l’on travaille et qui l’on défend. Or, je n’ai toujours pas compris votre opinion sur le plafonnement des commissions, ce qui est important si nous voulons faire un travail à long terme. En février 2023, les taux de commission sur les titres-restaurant évoluaient entre 1 % et 2 %. Vous avez alors privatisé le secteur pour le remettre dans les mains d’un cartel composé de Bimpli, Edenred, Up et Sodexo, ce qui a provoqué un triplement des frais. Cette privatisation a coûté cher à tout le monde, sans parler des engagements obligatoires, écrits en Times New Roman 2 à la fin des contrats. N’ayons pas l’oreille sélective et sachons qui nous défendons. À mon avis, les restaurateurs se font plumer par le biais de ces commissions.

M. Pascal Lecamp (Dem). En tant qu’élus, nous voulons tous améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs grâce à la prolongation de la dérogation d’usage du titre-restaurant, sans pénaliser nos restaurateurs. Quitte à l’amender en chemin, nous pouvons faire en sorte que la présente proposition de loi réponde à cet objectif. Ensuite, donnons-nous le temps qu’il faut pour élaborer un système qui permette à tous les travailleurs de ce pays de se restaurer de manière saine. Les membres de la commission des affaires économiques devraient être capables de faire ce travail.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Mes chers collègues, assumez votre vote et évaluez sa cohérence avec les propos que vous avez tenus : vous avez mis fin au titre-restaurant tel que souhaité par les entreprises et les salariés. C’est la mort du titre-restaurant. Aucun des acteurs de la CNTR n’a souhaité une pérennisation du système, je le répète. Quand le sujet avait été évoqué il y a un an, la ministre de l’époque, qui se trouve dans cette salle, nous avait expliqué qu’il ne fallait pas proroger ce dispositif au-delà d’un an, et qu’une réforme structurelle était nécessaire. Que s’est-il passé depuis un an ? Rien. Or, répétons-le : la pérennisation équivaut à la mort du titre-restaurant. Et c’est votre choix.

Le Gouvernement pouvait soutenir la proposition de loi dans sa rédaction initiale, pas dans celle-ci. Or, vous pouvez feindre d’ignorer la procédure parlementaire, mais nous ne pourrons pas faire en un mois et demi la réforme qui n’a pas été engagée en cinq ans. Ma conviction de députée connectée au terrain est qu’il faut répondre tout de suite à l’urgence, car les Français nous demandent d’être réactifs face à la situation que nous connaissons tous ; mais il faut assumer et dire aux Français que l’extension va s’éteindre comme cela a été prévu en 2023 : sans vote conforme des deux assemblées, nous ne pourrons pas adopter de texte avant le 31 décembre 2024.

S’agissant de cet amendement CE19, je tiens à rappeler la part grandissante de l’utilisation du titre-restaurant dans les grandes et moyennes surfaces. Entre le quatrième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2024, la perte de chiffre d’affaires des restaurateurs au profit de ces enseignes est estimée à 550 millions d’euros. Vous pouvez prétendre que vous défendez nos commerces locaux et de proximité, nos restaurateurs, nos hôteliers et nos artisans. En réalité, vous avez signé, main dans la main, pour un transfert de toutes ces dépenses vers la grande distribution.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE20 de Mme Olivia Grégoire

Mme Olivia Grégoire (EPR). Cet amendement tend à clarifier le champ d’application de l’utilisation des titres-restaurant. Madame le rapporteur, je trouverai de bon aloi que nous évitions d’utiliser des mots un peu trop forts et de brandir des menaces concernant le Sénat ou la mort du titre-restaurant. Il faudra nous expliquer en quoi nous tuons ce dispositif quand nous prenons acte du souhait, exprimé par ceux qui le cofinancent, d’avoir voix au chapitre. Vous citez un chiffre de perte de chiffre d’affaires. Pourriez-vous nous donner le chiffre d’affaires global des restaurateurs de France ?

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Votre amendement modifie les dispositions de l’article L. 3262-5 du code du travail, relatif au traitement des titres périmés, qui précise que la contre-valeur de ces derniers peut être versée au budget des activités sociales et culturelles des entreprises auprès desquelles les salariés se sont procuré leurs titres. Vous aviez vraisemblablement pris des engagements, mais ils n’apparaissent pas dans votre proposition. Assumez d’être aux côtés de la grande distribution et rassurez-vous sur mon compte : je suis bien connectée aux Français, tout en estimant qu’il y a tout un écosystème à prendre en considération. Alors que vous êtes favorable au tout-grande distribution, je suis partisane d’un équilibre, menacé par votre amendement. Vous irez expliquer aux Français qu’ils ne pourront plus utiliser de titres-restaurant pour l’achat de produits alimentaires non immédiatement consommables à compter du 1er janvier 2025. Une fois de plus, vous dévoyez l’usage du titre-restaurant, tel que voulu par les entreprises et les salariés.

M. Richard Ramos (Dem). Vous faites tenir à l’ancienne ministre des propos qu’elle n’a pas tenus, Madame le rapporteur, ce qui rend le débat difficile. Votre manière de lui reprocher d’être pour la grande distribution sous-entend que, pour votre part, vous êtes contre. Dites carrément que les Français n’ont plus le droit d’utiliser les titres-restaurant dans les supermarchés ! Ne nous faites pas passer pour des défenseurs de la grande distribution alors que nous sommes nombreux à la combattre et que la question n’est pas là. Vous-même, avez-vous envie que les consommateurs aillent dans les supermarchés ? À vous entendre, on pourrait croire que vous ne défendez que les restaurateurs. Or, nous devons faire en sorte que les Français puissent trouver des produits peu chers dans les grandes surfaces, mais aussi que les restaurateurs vivent.

M. Stéphane Buchou (EPR). Madame le rapporteur, j’apprécierais que vous nuanciez vos propos et que vous usiez moins d’arguments d’autorité. Nous serions pour le tout-grande distribution et en passe de tuer les restaurateurs. Or, il existe plusieurs types de restauration. Pourriez-vous nous dire quelle est la part des titres-restaurant utilisés dans les établissements de restauration rapide, dont nous avons tous les noms en tête ? On ne peut pas mettre ces établissements sur le même plan que les restaurateurs classiques. Il me semble que personne ne veut tuer la restauration et que nous pourrions trouver un juste équilibre.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Monsieur Ramos, je ne peux pas vous laisser dire cela à mon endroit : j’ai reçu aussi bien les représentants de la grande distribution que ceux des restaurateurs. Mes premiers propos étaient équilibrés, destinés à vous dresser un état de la situation et à vous rendre compte de mon travail de rapporteur. Vous avez fait un autre choix que celui que je vous ai suggéré. Assumez-le.

Les Français ont de nouveaux modes de consommation, raison pour laquelle nous voulions prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant. Vous ne pouvez donc pas prétendre que nous voudrions empêcher les Français de concocter leur propre repas alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à vouloir le faire. Mais ne faites pas croire que vos propositions ne dévoient pas le dispositif aux yeux des acteurs du titre-restaurant : la pérennisation n’est souhaitée que par la Fédération du commerce et de la distribution, qui aspire à une ouverture du dispositif à l’ensemble des produits alimentaires, sans limite et de façon inconsidérée.

Je me contente de vous rendre compte de mon travail et de vous rapporter les avis recueillis. Votre vote affecte le dispositif, mais c’est votre droit d’engager un bras de fer avec les sénateurs qui, eux, sont pour une simple prolongation de la dérogation pendant un an, ce qui respecte le choix des acteurs économiques. Si la proposition de loi n’est pas adoptée conforme, le dispositif ne pourra pas être prolongé. Dans ce cas, c’est la mort du titre-restaurant – non, le mot n’est pas trop fort. En un mois et demi, nous ne pouvons pas faire ce qui n’a pas été fait depuis 2019, c’est-à-dire depuis cinq ans.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE7 de M. Julien Dive

M. Julien Dive (DR). Nous demandons un rapport sur les effets du renouvellement de la dérogation relative à l’usage des titres-restaurant sur la filière restauration, car nous sommes soucieux de la vitalité des centres-villes et donc des restaurants de nos territoires. À l’occasion, je ne peux m’empêcher de souligner le caractère un peu pathétique de ces textes de prolongation dont nous débattons à la fin de chaque année : l’avancée de trois semaines des négociations commerciales l’an dernier, les titres-restaurant et le seuil de revente à perte cette année. Il faudrait peut-être élever le débat et faire des réformes de fond. Nous sommes tous d’accord pour préserver le pouvoir d’achat de nos compatriotes, alors engageons une réforme structurelle. Madame la présidente, ne pourrions-nous pas lancer une mission sur le sujet ?

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. Vous avez raison, une réforme structurelle est nécessaire. J’ai incité Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation, à arrêter rapidement des pistes concrètes et à prendre des engagements sur le sujet lors des débats en séance. Dans l’optique d’un vote conforme, perspective qui s’éloigne au fil de l’adoption d’amendements détricotant le dispositif, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je crois aussi que nous devons avoir un débat de fond sur l’accès de toutes et tous à une alimentation saine et suffisante, et que nous pourrons nous retrouver pour estimer ce débat nécessaire. Nous allons en discuter et essayer d’avancer de la façon la plus efficace possible.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE21, CE13, CE14, CE12, CE15 et CE16 de M. Boris Tavernier

M. Boris Tavernier (EcoS). Après cette nouvelle année dérogatoire, il est indispensable de faire une réforme structurelle. Afin de la préparer, nous demandons dans le premier de ces amendements un rapport sur divers aspects permettant de moderniser le titre-restaurant. Cette étude se penchera sur la possibilité d’étendre le titre-restaurant à de nouveaux publics non-salariés : travailleurs indépendants, professions libérales, étudiants, femmes enceintes, personnes en précarité. Elle évaluera l’opportunité de bonifier le titre-restaurant pour encourager l’achat de produits alimentaires durables et, plus globalement, envisagera les moyens d’en faire un outil de transition vers un système alimentaire plus durable. En complément de l’avis de l’Autorité de la concurrence, elle se prononcera sur l’opportunité de plafonner les commissions exigées par les opérateurs de titres-restaurant à l’égard des enseignes de restauration et de distribution alimentaire et, plus largement, fera des recommandations pour rééquilibrer les rapports de force entre les différentes parties prenantes. Elle formulera également des recommandations pour, d’une part, faciliter l’usage du titre-restaurant en milieu rural et dans des circuits de distributions alternatifs comme les marchés de plein vent, la vente à la ferme, les magasins coopératifs, les magasins de producteurs ou les Amap, et, d’autre part, pour faire du titre-restaurant un outil de transition vers un système alimentaire plus durable contribuant à la solidarité alimentaire.

Les amendements suivants sont des amendements de repli.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. À ce stade, nous avons surtout besoin d’entendre la secrétaire d’État prendre des engagements très précis en séance. Vous avez mentionné l’avis rendu en 2023 par l’Autorité de la concurrence, assez éclairant en la matière. Il ferait peut-être doublon avec des rapports du Gouvernement au Parlement, qui sont d’ailleurs rarement remis. Je vous invite à retirer ces amendements. À défaut, j’émettrai des avis défavorables.

La commission adopte l’amendement CE21.

Elle rejette l’amendement CE13.

Les amendements suivants sont retirés.

 

 

Titre

Amendement CE18 de Mme Olivia Grégoire

Mme Olivia Grégoire (EPR). Je suggère de remplacer « prolonger » par « pérenniser » pour tenir compte de l’adoption de mon amendement sur la pérennisation du système.

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. En toute cohérence, avis défavorable.

M. Julien Gabarron (RN). Nous devions traiter dans l’urgence de la prolongation d’un système plutôt mal orienté, dont l’utilisation est mal contrôlée, qui bénéficie à une minorité de salariés, et qui fonctionne actuellement au profit de la grande distribution et au détriment des restaurateurs du quotidien. Au Rassemblement national, nous pensons que la pérennisation décidée par voie d’amendement va figer la situation et empêcher toute discussion et concertation à l’avenir. Les propos entendus étaient pleins de bonnes intentions, mais nous allons figer un système mal fait, qui va profiter à quelques millions de salariés et ne contenter personne.

La commission rejette l’amendement.

 

Mme Anne-Laure Blin, rapporteur. C’est à n’y rien comprendre : vous avez voté pour la pérennisation du dispositif mais contre le changement du titre de la proposition de loi, ce qui fait que son titre n’a plus rien à voir avec son contenu. Continuez comme ça si vous voulez perdre un peu plus les Français. Faire la loi nécessite un minimum de cohérence !

 

La commission adopte la proposition de loi modifiée.

 

 

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Informations relatives à la commission

La commission a désigné M. Thomas Cazenave comme rapporteur sur la proposition de loi n° 447 contre toutes les fraudes aux aides publiques.

La commission a également désigné Mme Mélanie Thomin comme rapporteur sur la proposition de résolution européenne relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 13 novembre 2024 à 9 h 30

Présents. M. Xavier Albertini, M. Laurent Alexandre, M. Henri Alfandari, M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Maxime Amblard, M. Christophe Barthès, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Thierry Benoit, M. Benoît Biteau, Mme Anne-Laure Blin, M. Philippe Bolo, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. Thomas Cazenave, M. Hadrien Clouet, M. Romain Daubié, M. Julien Dive, M. Inaki Echaniz, M. Charles Fournier, M. Jean-Luc Fugit, M. Julien Gabarron, M. Antoine Golliot, Mme Géraldine Grangier, Mme Olivia Grégoire, Mme Mathilde Hignet, M. Harold Huwart, Mme Julie Laernoes, M. Thomas Lam, Mme Laure Lavalette, Mme Nicole Le Peih, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. Hervé de Lépinau, M. Laurent Lhardit, M. Bastien Marchive, M. Patrice Martin, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Manon Meunier, Mme Louise Morel, Mme Sandrine Nosbé, M. Jérôme Nury, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Joseph Rivière, M. Vincent Rolland, Mme Valérie Rossi, M. Boris Tavernier, Mme Mélanie Thomin, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier, M. Stéphane Vojetta, M. Frédéric Weber

Excusés. – M. Charles Alloncle, M. Éric Bothorel, M. André Chassaigne, M. Frédéric Falcon, Mme Hélène Laporte, Mme Sandra Marsaud

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Vincent Descoeur