Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Présentation, en application de l’article 148 alinéa 3 du Règlement, de deux pétitions renvoyées à la commission, intitulées « Non à la Loi Duplomb - Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective » (n° 3014) et « Pétition contre la loi Duplomb » (n° 3092) (Mme Hélène Laporte, rapporteure), et vote en vue de leur classement ou de leur examen par la commission               2

 


Mercredi 17 septembre 2025

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 126

session de 2024-2025

Présidence de Mme Aurélie Trouvé,

Présidente


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En application de l’article 148 alinéa 3 du Règlement, la commission des affaires économiques, saisie de deux pétitions intitulées « Non à la Loi Duplomb - Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective » (n° 3014) et « Pétition contre la loi Duplomb » (n° 3092) (Mme Hélène Laporte, rapporteure), a procédé à une présentation de celles-ci, puis au vote en vue de leur classement ou de leur examen par la commission.

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. L’ordre du jour de la commission appelle, en application de l’article 148, alinéa 3, du Règlement de notre assemblée, la présentation de deux pétitions ayant recueilli plus de dix mille signatures chacune et relatives à la loi du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite loi « Duplomb ».

Cette présentation a vocation à éclairer notre commission avant qu’elle décide de classer ou d’examiner chacune de ces pétitions. En application d’un tourniquet à la proportionnelle des groupes, le bureau de la commission a décidé que la fonction de rapporteur serait confiée à un membre du groupe Rassemblement national, ce qui a conduit notre commission, le 8 septembre, à désigner notre collègue Hélène Laporte.

Les pétitions en question sont la pétition n° 3014, intitulée Non à la loi Duplomb – Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective, et la pétition n° 3092, intitulée Pétition contre la loi Duplomb. La première a recueilli plus de deux millions de signatures, ce qui est sans précédent. Notre bureau a donc souhaité que la commission en soit saisie sans plus tarder. Nous avons ajouté la seconde, qui porte sur le même sujet et a recueilli plus de dix mille signatures en six mois – seuil en dessous duquel nous procédons à un classement d’office, comme nous l’avons fait le 9 juillet pour un certain nombre de pétitions.

Il faut certainement voir dans le succès de ces pétitions le signe de l’inquiétude croissante de nos concitoyens quant aux qualités sanitaires de leur alimentation et au devenir des écosystèmes. Il est aussi l’expression d’une volonté de débat, frustrée au printemps dernier alors même que notre commission avait consacré plusieurs journées à l’examen de la proposition de loi Duplomb.

Le contexte a évolué depuis leur dépôt, puisque le Conseil constitutionnel a rendu une importante décision concernant en particulier l’article 2 de la loi. Néanmoins celle-ci, pour sa majeure partie, a été promulguée telle qu’elle avait été adoptée par la commission mixte paritaire (CMP).

Après la présentation de la rapporteure, nous écouterons les orateurs qui le souhaitent, puis la décision de classement ou d’examen de chaque pétition fera l’objet d’un vote de la commission.

L’examen, s’il était décidé, constituerait une deuxième étape, prévue par l’article 148, alinéa 4, du règlement. Il donnerait lieu, dans des conditions que notre bureau préciserait lundi, à la publication dans les prochaines semaines d’un rapport comprenant le texte de la pétition et le compte rendu de nos débats. En application du Règlement, il n’y aurait pas de vote à l’issue de cet examen.

Enfin, ce rapport pourrait donner lieu à une troisième étape, un débat en séance publique, si la Conférence des présidents était saisie d’une telle demande par le président de la commission ou un président de groupe et décidait d’y donner suite. Le règlement ne prévoit pas, là non plus, que ce débat donne lieu à un vote. Je rappelle le caractère inédit d’une telle procédure puisqu’aucune pétition n’a, à ce jour, atteint ce stade.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Les deux pétitions citoyennes qui ont été transmises à la commission des affaires économiques ont recueilli plus de dix mille signatures et portent sur l’abrogation de la loi du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.

La pétition n° 3014 mérite une attention particulière. Intitulée Non à la loi Duplomb – Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective, elle a été déposée le 10 juillet 2025 sur le site de l’Assemblée nationale et a recueilli plus de deux millions de signatures.

Il s’agit de la plus importante mobilisation citoyenne enregistrée par le dispositif de pétition en ligne de l’Assemblée nationale. Jusqu’ici, seule une pétition avait franchi le seuil réglementaire des cent mille signatures : la pétition pour la dissolution de la Brav-M, avec deux cent soixante mille signataires, classée par la commission des lois le 23 mars 2023. La pétition que nous examinons a recueilli huit fois plus de signatures. L’ampleur inédite de cette mobilisation est un signal démocratique que nous ne pouvons ignorer ni minimiser, quelles que soient les positions que nous avons défendues il y a quelques mois.

Cette pétition formule trois demandes : l’abrogation immédiate de la loi Duplomb, la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée et la consultation citoyenne des acteurs de la santé, de l’agriculture, de l’écologie et du droit.

Il s’agit donc en premier lieu de demander au Parlement de revenir sur l’adoption d’une loi issue de plusieurs mois de travaux en commission, en séance publique et en CMP et qui est parvenue à une solution d’équilibre pour nos agriculteurs. Je ne surprendrai personne en annonçant que je suis absolument défavorable à un tel retour en arrière. Cette loi, certes imparfaite, apporte des réponses à ce qui inquiète le monde agricole depuis plusieurs années : la précarité économique persistante, la pression normative, la disparité des normes et la perte de compétitivité face à nos voisins européens.

Le 7 août, un mois après l’adoption de la loi, le Conseil constitutionnel l’a profondément dénaturée en censurant sa disposition la plus significative, la plus contestée par ses adversaires – et qui explique le succès de cette pétition : la possibilité, anciennement prévue à l’article 2, de déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes autorisés par l’Union européenne, comme l’acétamipride ainsi que d’autres substances assimilées comme la flupyradifurone et le sulfoxaflor. Cette disposition ne figure donc plus dans la loi promulguée le 11 août 2025, ce qui constitue une perte pour nos agriculteurs tout autant que pour le Parlement, une fois de plus dépossédé de sa compétence à légiférer en toute connaissance des enjeux économiques, sanitaires et environnementaux selon un arbitrage relevant du choix souverain.

Le Conseil constitutionnel a toutefois reconnu que le législateur poursuivait un objectif d’intérêt général en cherchant à soutenir les filières exposées à une concurrence européenne déséquilibrée. En effet, certains néonicotinoïdes et des substances assimilées sont approuvés par l’Union européenne jusqu’en 2033 et sont autorisés dans les autres États membres, ce qui crée une concurrence déloyale pour les filières agricoles françaises qui ne disposent pas d’alternatives suffisantes. La censure partielle du Conseil constitutionnel ne portait pas sur l’intention du législateur mais sur l’encadrement de la dérogation, jugé insuffisant dans la mesure où il renvoyait au pouvoir réglementaire le soin de définir les filières agricoles, la durée de la dérogation et le type d’usage et de traitement concernés.

Une importante partie des griefs exprimés dans la pétition a donc déjà trouvé une réponse institutionnelle : la loi Duplomb a, de fait, été promulguée sans sa disposition centrale, motivation principale de la contestation. Il ne faut pas pour autant balayer l’examen de cette pétition d’un revers de main. Nous pouvons nous accorder sur l’idée que cette demande d’abrogation, quelle que soit notre position sur son bien-fondé, est juridiquement recevable. La demande faite à notre assemblée est d’exercer à nouveau son pouvoir législatif pour revenir en arrière.

La deuxième demande, qui porte sur une « révision démocratique » des conditions d’adoption de la loi, peut être interprétée de plusieurs façons. Les pétitionnaires appellent-ils à une révision constitutionnelle, à une loi organique ? En tout état de cause, la procédure législative a été rigoureusement suivie.

Elle l’a notamment été concernant la troisième demande : les commissions des affaires économiques et du développement durable de l’Assemblée nationale et du Sénat ont procédé à la consultation préalable des acteurs impliqués, entendant les représentants des professions agricoles, des institutions scientifiques ou des administrations publiques. J’aurais donc tendance à considérer que cette demande est satisfaite, même si elle touche elle aussi à la compétence de notre assemblée.

Plus généralement toutefois, plus de deux millions de citoyens se sont saisis d’un outil institutionnel pour exprimer leur inquiétude. Il nous appartient de répondre à cette demande formelle de débat démocratique. C’est pourquoi je suis favorable à ce que la commission examine cette pétition, ce qui n’équivaut pas à une validation de son bien-fondé. L’acte démocratique qu’elle représente justifie que le Parlement prenne le temps d’écouter, d’analyser et de débattre.

Cet examen nous apportera l’occasion de confronter nos arguments sur l’idée sous-entendue par la pétition d’une opposition unanime du monde scientifique à la loi. Ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du texte, mais la perspective de le reprendre dans les conditions neuves créées par la pétition ne saurait effrayer les parlementaires que nous sommes. Il s’agit là d’une question de respect du débat public, de légitimité institutionnelle et de confiance dans la démocratie représentative. Classer cette pétition sans discussion enverrait un message désastreux : celui d’un Parlement sourd à la voix de millions de citoyens. Or, nous avons tout à gagner à ouvrir cet espace de débat sur la loi que nous avons votée – y compris pour mieux l’expliquer et la défendre.

Un tel examen permettrait aussi de clarifier les demandes de la pétition, comme la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée ou la consultation citoyenne des acteurs de la santé, de l’agriculture, de l’écologie et du droit. Il permettrait enfin de répondre au reproche qu’elle fait à la loi Duplomb de constituer « une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire » et « une attaque frontale contre la santé publique, la biodiversité, la cohérence des politiques climatiques, la sécurité alimentaire, et le bon sens ».

Au nom du dialogue démocratique et du respect que nous devons à une mobilisation citoyenne d’une telle ampleur, je propose donc que notre commission prenne le temps d’examiner cette pétition. Les deux millions de pétitionnaires qui ont jugé opportun de s’adresser à nous méritent une réponse circonstanciée. Et si, ce qui est probable, ce débat en commission confirme nos désaccords de fond, il aura eu le mérite d’éclairer davantage les Français sur ce qui est en jeu.

La seconde pétition, intitulée Pétition contre la loi Duplomb, a recueilli un peu plus de dix-neuf mille signatures. Elle ne comporte pas d’autre texte que : « Pétition contre la loi Duplomb et pour l’abrogation des néonicotinoïdes », une formulation qui, si elle est compréhensible, me semble perfectible. Comme son objet est redondant avec celui de la pétition n° 3014, je propose, pour plus de clarté et afin de nous concentrer sur le principal, que nous procédions à son classement.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs de groupe.

M. Robert Le Bourgeois (RN). En janvier 2024, des milliers d’agriculteurs sont descendus dans les rues ou sont venus à Paris pour crier leur colère contre des gouvernements qui, depuis trop d’années, ont promis, sans agir, d’œuvrer à de meilleurs revenus agricoles ou de lutter contre la concurrence déloyale, tandis que s’enchaînaient les traités de libre-échange et les surtranspositions qui soumettent nos agriculteurs et nos éleveurs à des distorsions de concurrence intenables. Au lendemain du mouvement des agriculteurs, toute la France et tous les mouvements politiques les ont assurés d’un soutien sans faille.

La loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur faisait partie des multiples réponses dont notre agriculture a besoin. Bien loin des mensonges éhontés de l’extrême gauche, elle avait simplement pour but de répondre aux demandes du monde agricole en matière de gestion de l’eau, de simplification des normes d’extension des exploitations ou d’usage d’un produit que la France a été la seule à interdire, par ce zèle normatif dont elle a le secret.

Certaines de ces avancées ont été balayées d’un revers de main par le Conseil constitutionnel, qui, une fois de plus, s’est arrogé un pouvoir de législateur qu’il n’a pas. Parallèlement, ces mêmes macronistes qui, en février 2024, assuraient derrière leur Premier ministre d’alors, Gabriel Attal, que le temps des « interdictions sans solutions » était révolu, tâtonnent désormais et demandent les avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et de l’Agence européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, Efsa), avis dont nous disposons pourtant déjà. Énième promesse sans lendemain et, surtout, énième trahison pour notre agriculture.

Entre les mensonges des uns et les tergiversations des autres, seul le Rassemblement national a honoré sa parole. Dès 2022, la présidente de notre groupe Marine Le Pen s’est engagée dans son programme présidentiel à refuser toute interdiction de substance active sans solution équivalente économiquement soutenable, promesse renouvelée par le président Jordan Bardella lors des dernières élections européennes et législatives. Durant tout l’examen de la proposition de loi Duplomb, les députés du groupe Rassemblement national ont honoré cet engagement vis-à-vis des agriculteurs. Si certains nous regardent ce matin, nous leur disons que nous ne les abandonnerons pas : nous pourrions être seuls contre tous que nous ne cesserions pas de les défendre.

Toutefois, vous le savez, le Rassemblement national tient pour sacrés l’expression populaire et le débat démocratique. Comment pourrions-nous ignorer deux pétitions ayant recueilli deux millions de signatures pour l’une et dix-neuf mille pour l’autre ? Le groupe Rassemblement national soutient donc naturellement l’examen de la pétition ayant recueilli le plus de signatures, dans la mesure où leurs objets sont largement similaires.

S’il est nécessaire de lever les inquiétudes relatives à la santé publique et à l’environnement, il est tout aussi urgent de redire aux Français que ce débat est aussi celui de notre souveraineté alimentaire et qu’il y va de la survie de nos exploitations.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Depuis l’été, la loi Duplomb suscite des inquiétudes. Plus de deux millions de citoyens se sont mobilisés par voie de pétition pour demander son abrogation, ou du moins un débat. Un tel niveau de mobilisation montre qu’il s’agit d’un sujet profondément politique et sociétal. Face aux craintes exprimées par nos concitoyens, il nous appartient d’être responsables. C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République sera favorable à la tenue de ce débat.

S’agissant spécifiquement de l’acétamipride, beaucoup d’informations contradictoires, voire fausses, circulent. Il est donc nécessaire de rappeler les faits : cette substance est autorisée au niveau européen, sous conditions strictes ; à ce stade, des interrogations demeurent sur ses effets lorsqu’elle est cumulée avec d’autres produits ou sur son impact sur la biodiversité. Le débat sera donc utile pour faire le point sur les connaissances scientifiques disponibles et sortir des croyances.

Notre groupe souhaite que l’on adopte une approche scientifique des enjeux sanitaires des pratiques agricoles, lesquelles ne se limitent pas au seul usage de la molécule d’acétamipride. Par exemple, la dose de cuivre appliquée par hectare en agriculture biologique est, d’après les chiffres de l’Anses, très souvent supérieure à ce qui se pratique en agriculture conventionnelle, et ce pour beaucoup de cultures. L’Anses a renforcé cet été les conditions d’autorisation des produits à base de cuivre afin de limiter leur impact, y compris en agriculture biologique. Tout cela ne fait pas l’objet d’une pétition citoyenne, mais nous pensons que notre commission doit suivre le sujet : il y va de la santé de nos agriculteurs et de notre environnement, comme de la recherche d’alternatives au cuivre, très employé en agriculture biologique.

Le débat que nous souhaitons voir se tenir ici sera l’occasion de rappeler que le texte adopté en juillet n’est pas circonscrit à l’utilisation de l’acétamipride. Il interdit dès 2026 la fabrication, le stockage et la circulation en France de produits contenant des substances non homologuées par l’Union européenne. Il inscrit aussi dans le droit français le comité des solutions pour la protection des cultures, lancé en mars 2024 par le gouvernement Attal et qui a vocation à faire dialoguer agriculteurs, chercheurs, instituts techniques et ministères pour identifier les impasses et faire émerger des solutions alternatives (par exemple, à l’usage du cuivre). Une abrogation de la loi nous ferait enfin revenir sur d’autres mesures importantes, touchant par exemple à la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytopharmaceutiques ou à la gestion des retenues d’eau. Ce n’est pas souhaitable.

En somme, nous souhaitons que ce débat renforce le dialogue entre la science, le monde agricole, les citoyens élus que nous sommes et nos concitoyens.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je rappelle que l’Efsa impose des seuils maximums de résidus de pesticides dans les aliments et qu’elle considère que le rapport bénéfice-risque pour l’acétamipride est favorable, tout comme le faisait l’Anses avant la censure de l’article 2 – éléments sur lesquels nous avons d’ailleurs pris appui pour défendre cette proposition de loi. Quant aux autres apports de la loi Duplomb que vous évoquez, ils sont très attendus par nos agriculteurs. Ils permettent par exemple une meilleure indemnisation des dégâts climatiques sur les prairies ou un meilleur encadrement de l’action de l’Office français de la biodiversité auprès des agriculteurs afin de prévenir les conflits.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Dur, dur de savoir à qui attribuer le premier prix d’hypocrisie cette année. Entre Emmanuel Macron, la ministre de l’agriculture ou encore le sénateur Laurent Duplomb, la concurrence est rude.

Voilà les faits retenus pour nos participants ! Un : ils affichent tous une opposition de fer contre le traité de libre-échange avec le Mercosur, sans rien faire pour s’y opposer réellement. Deux : préparent-ils une loi fixant des prix minimums d’entrée sur le territoire français et des clauses de sauvegarde pour protéger notre élevage et nos agriculteurs de la concurrence déloyale ? Bien sûr que non ! Ils préparent une « petite » loi Duplomb qui permet au contraire d’aligner les normes françaises sur le moins-disant international, en introduisant davantage de pesticides sur le marché et en donnant la main aux firmes pour s’accaparer des filières d’élevage et produire plus avec moins d’agriculteurs, moins d’environnement et moins de santé – mais en étant compétitif. Trois : ils essayent de faire passer la loi « en douce » à l’Assemblée nationale par 49.3 déguisé, en espérant que cela ne fasse pas de bruit.

Eh bien c’est raté ! Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, une pétition de l’Assemblée nationale a reçu plus de deux millions de signatures, dans le but de s’opposer à la loi Duplomb et de demander la tenue d’un débat. C’est gigantesque, et c’est révélateur. Oui, les Français ont le droit de savoir que votre loi ne concerne que soixante-cinq élevages bovins sur soixante-trois mille et qu’elle ne facilitera qu’une seule chose, l’accaparement des filières d’élevage par quelques firmes et autres grands groupes, aux dépens des agriculteurs et des paysages. Les Français ont le droit de savoir que la loi ne comportait absolument aucune mesure pour améliorer le revenu des agriculteurs. Ils ont le droit de savoir que vous souhaitiez réautoriser l’usage de l’acétamipride, un pesticide neurotoxique dangereux pour la santé et l’environnement, sur cinq cent mille hectares en France.

Nous ne pouvons pas faire comme s’il n’y avait pas de problème. Rien qu’en ce début septembre, nous avons appris que le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides avait enregistré en 2024 un nombre record de déclarations de maladies dues à l’exposition professionnelle aux pesticides, avec plus de mille dossiers reçus d’agriculteurs, de salariés agricoles, de travailleurs et parfois de membres de leurs familles ; puis que l’État a été condamné par la cour administrative d’appel de Paris pour préjudice écologique lié à l’utilisation de pesticides et déclin de la biodiversité ; et enfin que l’étude scientifique PestiRiv a confirmé les doutes sur l’exposition accrue des riverains de vignes aux pesticides.

Un débat primordial se cache derrière ces questions. Soit nous continuons avec votre logiciel, le libre-échange à outrance et l’alignement sur le moins-disant international pour être compétitif – mais bon courage pour être compétitifs avec les fermes de cent mille bœufs aux hormones du Brésil ou les immeubles de cochons à douze étages de Chine ! Soit nous considérons que l’agriculture française est un sujet essentiel de souveraineté, de santé publique et d’environnement et nous cessons enfin de traiter celles et ceux qui nous nourrissent comme une variable d’ajustement sur les marchés mondiaux.

Ayons donc ce débat sur la loi Duplomb. C’est bien la moindre des choses dans un pays qui se veut souverain : la souveraineté alimentaire est avant tout le droit d’un peuple de décider lui-même de son système alimentaire.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Vous souhaitez un débat et, ça tombe bien, nous aussi. Vous voulez aussi décerner un prix d’hypocrisie. Mais, de votre côté, comment expliquez-vous à nos agriculteurs que les vingt-six autres pays de l’Union européenne ont droit à ce néonicotinoïde ? Que vous et vos enfants consommez de la pâte à tartiner avec des noisettes venues d’autres pays, européens ou extra-européens, et ayant reçu cette molécule ? Comment ferons-nous lorsque les coopératives importeront des noisettes qui auront reçu des traitements bien plus importants que celui à l’acétamipride qu’autorisait la loi Duplomb, qui assurait une traçabilité et un encadrement importants ? Comment expliquez-vous aux agriculteurs cette autorisation de la molécule jusqu’en 2033 par l’Union européenne ? Je sais que vous vous fichez de leur rentabilité mais, en matière d’hypocrisie, vous allez très loin.

Mme Mélanie Thomin (SOC). C’est une première sous la Ve République, qui n’est pas passée inaperçue : nous sommes appelés à nous prononcer sur une pétition historique.

Ces derniers mois, le débat parlementaire autour de la loi Duplomb a été sapé, à bien des égards, par les propres partisans de ce texte et par une partie de ceux qui leur ont tenu la plume. Motion de rejet préalable, passage accéléré et examen dans le huis clos d’une CMP : tous les moyens ont été mobilisés pour bâillonner le débat parlementaire. Pire, le Gouvernement a laissé les députés d’un parti politique arrivé dernier aux élections législatives dicter sa loi, avec le soutien du bloc central et de l’extrême droite, condamnant ainsi l’Assemblée nationale au silence.

Les membres du groupe Socialistes et apparentés, bien qu’opposés à cette proposition de loi, n’ont jamais adopté de posture dogmatique. Nous sommes restés ouverts au débat tout au long de son examen, en fixant néanmoins des lignes rouges à ne pas franchir. Sans esprit d’obstruction, mais avec la volonté d’enrichir le texte, nous avons déposé une centaine d’amendements.

Dans le creux de l’été, après le passage en force que j’évoquais, la pétition contre la loi Duplomb a sauvé l’honneur de ceux qui ont vécu cette séquence politique comme une trahison démocratique. La loi Duplomb a laissé des traces, comme en témoignent nos échanges sur le terrain. Elle a davantage divisé que réconcilié. Ce sursaut traduit une alerte citoyenne, une prise de conscience collective, une indignation légitime face à l’absence de débat et au danger que cette loi fait peser sur la garantie du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Ce texte n’a servi qu’à fragiliser les fondements scientifiques de notre démocratie, par la remise en cause de l’autorité de la science et des prérogatives de l’Anses et par la réintroduction de l’acétamipride. Parallèlement, les réponses apportées aux besoins de l’agriculture française étaient largement inadaptées. Cette loi fracture et crispe, c’est une tromperie face à l’urgence : rien en faveur du revenu des agriculteurs ; rien pour lutter contre les distorsions de concurrence ; rien pour réguler le foncier agricole ; rien pour réformer la répartition des aides aux agriculteurs ; rien pour adapter l’agriculture aux transitions climatiques…

Ces enjeux essentiels à la survie des agriculteurs et à notre souveraineté alimentaire méritent un vrai débat. C’est ce qu’exigent le monde agricole pour son avenir mais aussi des millions de Français, qui ont besoin de volonté politique au service d’une meilleure alimentation pour toutes et tous.

Avec mes collègues du groupe Socialiste et apparentés, enracinés dans nos territoires ruraux, nous souhaitons que le Parlement s’en saisisse pleinement. Nous sommes prêts au débat.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Vous affirmez que la CMP vous a privés de débat démocratique. Une CMP n’est-elle pas démocratique ? N’y aviez-vous pas de représentant ? Si, comme toutes les forces politiques. Je passe sur le fait qu’évoquer les résultats des partis politiques aux législatives ne manque pas de sel de la part d’une élue socialiste.

La loi Duplomb contient des apports importants, tels que l’ouverture d’une expérimentation sur des pistes alternatives aux produits phytosanitaires – comme l’introduction d’insectes stériles. En revanche son article 2 sur la réintroduction de l’acétamipride, qui a engendré des crispations bien qu’il pose un encadrement strict, a été supprimé par le Conseil constitutionnel. Nous semblons être tous d’accord pour examiner cette pétition, mais il faut être conscient que la disposition principale, qui la motivait, a été censurée et que les agriculteurs attendent le reste du texte, qui contient des avancées dans différents domaines.

M. Julien Dive (DR). Première remarque : sans la procédure qui a permis l’adoption de cette loi, il n’y aurait pas de texte et les agriculteurs resteraient sans réponses à l’heure qu’il est – et pour longtemps, compte tenu de la chute du Gouvernement la semaine dernière. Je note d’ailleurs que cette procédure a été validée par le Conseil constitutionnel.

Deuxième remarque : tous les débats tenus dans notre commission sur les critères à fixer pour autoriser l’acétamipride, par dérogation, sous conditions et pour certaines filières, recoupent exactement les préconisations du Conseil constitutionnel. Il me semble donc, mais ce n’est pas aux députés que je le fais remarquer, que l’article 2 aurait pu rester dans la loi.

Troisième remarque : prenons garde au risque de créer de la déception. Il ne faut pas laisser penser que nos discussions de ce matin permettront d’abroger – ou de confirmer d’ailleurs – la loi Duplomb. Il s’agit seulement de décider si nous allons débattre dans l’hémicycle pour réaffirmer nos positions, sans voter. Nous n’allons pas faire le « match retour » des débats passés.

Quatrième remarque : dire qu’il n’y a pas eu de débats est faux. Il y en a eu, de bonne facture qui plus est, en commission des affaires économiques et en commission du développement durable, pendant deux semaines. Plus de mille amendements ont été examinés.

Néanmoins, réaffirmer les positions des uns et des autres me semble essentiel. Pour cette raison, notre groupe soutiendra l’examen de la pétition. Cela permettra d’éclairer les différentes positions et de rappeler les arguments qui nous ont conduits ici. Cela permettra aussi de mettre en lumière les milliers de menaces de mort reçues par les parlementaires, qu’ils aient ou non voté la loi, et les actions menées contre leurs permanences. Le débat a été manipulé et caricaturé.

Enfin, madame la rapporteure, avez-vous examiné les conditions de promotion de cette pétition exceptionnelle ?

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Non : dans la mesure où il y a deux millions de signataires, il est de notre devoir de l’examiner.

Vous avez raison de rappeler qu’il y a bien eu un débat. Nous nous sommes réunis pendant plusieurs heures, puis le texte a été examiné par une commission mixte paritaire où toutes les forces politiques étaient représentées, et enfin il a été voté, en toute liberté.

La loi ne se réduit effectivement pas à son article 2. Elle contient des améliorations pour le quotidien de nos agriculteurs.

Enfin, c’est vrai, les menaces de mort ou les souhaits de cancer que l’on m’a adressés, ainsi qu’à mes enfants, devraient être condamnés par toute la classe politique.

M. Benoît Biteau (EcoS). Cette pétition est historique : les citoyens se mêlent enfin de ce qui les regarde ! Elle confirme que la question agricole doit sortir de sa bulle et faire l’objet d’un véritable débat de société. Voyez : deux millions cent mille signataires ! Parce que l’agriculture, c’est la nourriture de tout le monde, c’est l’eau que nous buvons tous les jours, c’est l’air que nous respirons à chaque instant, c’est la santé de tous, en particulier de nos enfants – j’adresse une pensée à ceux de ma circonscription qui sont atteints d’un cancer. Mais c’est aussi – et c’est pour cela que les citoyens s’en occupent – beaucoup d’argent public, pour accompagner l’agriculture bien sûr, mais également pour financer les logiques curatives relatives à la biodiversité, au climat et à la santé.

Cette pétition est aussi salutaire pour la majorité des agriculteurs, contrairement à ce que certains continuent d’affirmer. Les irrigants ne représentent que 6 % des agriculteurs ; seuls 3 % des éleveurs sont concernés par le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ; seules 4,2 % des surfaces sont concernées par de potentiels traitements à l’acétamipride. C’est donc une frange extrêmement restreinte du monde agricole qui peut se réjouir du texte. En vérité, la très forte majorité des agriculteurs en sont les victimes. Ce qui menace la souveraineté alimentaire, c’est l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique que cette loi Duplomb accélère de manière irresponsable.

Je voudrais quand même rappeler l’actualité de ces derniers jours. Selon l’étude PestiRiv, les riverains des parcelles traitées par les pesticides sont sévèrement impactés par ces substances – et encore une fois, ce sont les enfants qui sont les premières victimes. La condamnation de l’État, le 3 septembre dernier, à revoir ses procédures d’autorisation des produits phytopharmaceutiques, actuellement peu protectrices de notre santé et de la biodiversité, confirme la pertinence de la mobilisation citoyenne.

En écho à cette mobilisation, nous, législateurs, devons sans délai convoquer le principe de précaution et de prévention et bâtir des politiques publiques pour accompagner l’urgente bifurcation agricole. C’est pourquoi nous souhaitons abroger la loi Duplomb tout en préservant ses avancées intéressantes, notamment le régime assurantiel sur les prairies ou l’arrêt de la fabrication de pesticides interdits sur notre territoire.

Ce débat doit avoir lieu dans l’hémicycle, et il aura de toute façon lieu en dehors. Samedi prochain, La Rochelle accueillera ainsi un événement appelant à une convention citoyenne sur la transition agricole, confirmant l’adage de Victor Hugo selon lequel rien n’arrête une idée dont l’heure est venue.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Que faites-vous des rapports sur le bilan bénéfices-risques de l’Efsa ou de l’Anses ? Ces agences ne seraient-elles pas fiables ? Que dites-vous quand les vingt-six autres pays de l’Union européenne utilisent l’acétamipride ? La loi Duplomb offrait plusieurs garanties : la nécessité d’un décret, la limitation aux filières dans le besoin, une autorisation temporaire avec renouvellement possible. Il n’était pas question d’utiliser indéfiniment l’acétamipride ! Des études sont menées pour trouver des alternatives. Dans le Lot-et-Garonne, par exemple, Unicoque fait l’expérience d’insectes qui pourraient prendre la relève de cette molécule.

M. Éric Martineau (Dem). Nous ne pouvons ignorer le nombre de signataires de ces deux pétitions contre la loi Duplomb, qui reflète les inquiétudes de beaucoup de nos concitoyens. C’est pourquoi le groupe Les Démocrates soutiendra bien évidemment leur examen, même si nous avons déjà débattu longuement en commission sur ces sujets. À titre personnel, je m’étonne que la pétition n° 3109 d’Olivier Lehé n’ait pas reçu plus d’attention, puisqu’elle tire les conséquences des précédentes en demandant l’interdiction d’importer ce que nous interdisons à nos agriculteurs de produire.

Nous, députés, avons voté une résolution contre les surtranspositions européennes. En revanche, lorsqu’il s’agit de faciliter concrètement le travail des agriculteurs, qui produisent pour nous nourrir, avec l’une des agricultures les plus vertueuses au monde, et qui ont été soutenus par plus de 70 % des Français lors des manifestations agricoles de janvier 2024, le débat s’enflamme et les entraves sont difficiles à rompre. On s’étonne de voir baisser le nombre d’agriculteurs et d’exploitations, mais on ne leur apporte aucune solution concrète !

Ne soyons pas hypocrites. J’aurais pu moi-même signer la pétition présentée aujourd’hui, si et seulement si elle avait comporté une phrase essentielle tirant les conclusions de son propre raisonnement : « Je m’engage à acheter des produits de qualité, de saison, en acceptant de rémunérer les agriculteurs à la hauteur de mes exigences sanitaires et environnementales. »

Arrêtons d’opposer de manière stérile agriculture et environnement. Arrêtons de mettre de côté le consensus scientifique sur les enjeux agricoles et environnementaux. Arrêtons d’oublier que les politiques publiques s’articulent entre échelle nationale et échelle européenne. En tant qu’agriculteur, donnez-moi les moyens de faire mieux. Je veux bien entendre que je travaille mal, mais dites-moi alors comment je dois faire.

Pour toutes ces raisons, je souhaite un débat serein et apaisé, non instrumentalisé, qui tienne compte avant tout des réalités de terrain. Soyons fiers des agriculteurs français !

Mme Hélène Laporte, rapporteure. C’est toute l’hypocrisie de la situation : on interdit à nos agriculteurs d’utiliser ce néonicotinoïde quand tous les autres pays européens peuvent l’utiliser jusqu’en 2033, ce qui les livre à une concurrence déloyale, et on ne parle pas de tous les néonicotinoïdes présents dans nos objets du quotidien.

M. Thomas Lam (HOR). La mobilisation d’ampleur autour de la pétition déposée le 10 juillet dernier sur le site de l’Assemblée nationale doit nous interroger. Elle témoigne de la préoccupation légitime et croissante des Français à l’égard des enjeux sanitaires et de santé publique associés à notre alimentation et à notre modèle de production agricole.

Le groupe Horizons & indépendants est évidemment favorable à ce qu’un débat puisse se tenir à l’Assemblée nationale, afin d’aborder avec sérieux, responsabilité et rigueur scientifique ces sujets qui nous concernent tous. Il est évident qu’il existe une incompréhension énorme entre le monde agricole et nos concitoyens, dont j’ai pu mesurer l’inquiétude dans ma circonscription, notamment en matière de santé publique.

J’espère que cette nouvelle discussion sera l’occasion pour chacun de rappeler ses arguments afin de permettre à toutes et à tous de bien comprendre les enjeux. J’espère également que nous éviterons les arguments fallacieux et grossiers dans les deux sens – ces arguments que nous avons pu voir sur les réseaux sociaux, parfois relayés par des collègues parlementaires – et que nous en resterons au factuel.

Enfin, si les Français ont l’impression qu’il n’y a pas eu de débat alors que nous avons passé de nombreuses heures en commission et dans l’hémicycle, nous devons nous interroger sur l’écho de notre travail auprès de l’opinion publique.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Comme vous, je souhaite un débat apaisé.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Monsieur Martineau, après vérification, la pétition n° 3109 n’a recueilli pour l’instant que mille trois cent trente-neuf signatures. En dessous des dix mille signatures, elle sera classée d’office.

M. David Taupiac (LIOT). L’Assemblée nationale a voté, le mardi 8 juillet 2025, la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, qui contenait des dispositions diverses. Les députés de notre groupe, conscients des distorsions de concurrence que subissent certaines filières agricoles, avaient majoritairement voté en sa faveur.

Depuis l’adoption de la loi, un important mouvement citoyen a émergé pour faire état de préoccupations quant à l’impact sanitaire et environnemental d’une réintroduction de l’acétamipride. Ce sont des inquiétudes légitimes. En juillet dernier donc, comme nous l’avions défendu tout au long des débats, souhaitant redonner la parole à la science, nous avons demandé la saisine de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail sur les dérogations prévues par la loi, et appelé à consulter, le cas échéant, l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) afin de déterminer les filières entrant dans le champ de la dérogation, en tenant compte des critères restrictifs établis par la représentation nationale. S’appuyer sur les données scientifiques disponibles et actualisées pour décider d’autorisations est la condition essentielle de leur acceptabilité.

Entre-temps, le Conseil constitutionnel a tranché cette première question le 7 août dernier, en retirant de la loi la disposition autorisant la réintroduction de l’acétamipride, tout en validant les allègements administratifs pour construire des bâtiments d’élevage et des ouvrages de stockage d’eau.

Nous restons favorables à la tenue d’un débat à l’Assemblée nationale, dès la reprise des travaux parlementaires. Sans portée législative, il sera néanmoins l’occasion d’évoquer des points qui restent crispants dans le débat sociétal, comme la concurrence déloyale à l’échelle européenne et la question des usages partagés de l’eau.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je note que vous êtes favorable au débat.

M. Julien Brugerolles (GDR). La mobilisation citoyenne inédite autour de la pétition demandant l’abrogation de la loi Duplomb met en évidence l’inquiétude que ce texte suscite chez nos concitoyens. Cette irruption de la société civile a d’abord mis en relief l’impasse où a conduit l’adoption « à la hussarde » de ce texte par le Parlement. Au-delà de la question de la réintroduction dérogatoire de substances nuisibles à la biodiversité et à la santé humaine comme les néonicotinoïdes, qui a cristallisé les débats, les conditions d’examen de cette loi et son adoption sans examen en séance publique, à la suite de l’adoption d’une motion de rejet préalable privant les députés de leur droit d’amendement, ont constitué un modèle de brutalisation de la procédure parlementaire.

Sur le fond, ne nous y trompons pas : le texte promulgué il y a quelques semaines ne vise pas à défendre les agriculteurs ou à défaire des contraintes, comme on voudrait nous le faire croire. Il vise d’abord à mettre notre agriculture au diapason de la concurrence internationale et à poursuivre la fuite en avant vers la dérégulation. L’abaissement de nos normes environnementales et sanitaires n’est jamais une bonne solution, puisqu’il s’agit du premier levier de protection contre les importations déloyales. S’il faut une preuve supplémentaire de ce contresens politique total, c’est bien la signature et la volonté d’une mise en œuvre accélérée de l’accord avec le Mercosur, ces dernières semaines.

Oui, la loi Duplomb est d’abord une vaste entreprise de diversion destinée à retarder l’indispensable mise en œuvre de nouveaux outils d’intervention publique pour réguler les prix et les marges et sécuriser enfin les revenus agricoles ; une diversion pour retarder tout débat sur les outils de protection indispensables afin de faire face à la concurrence internationale.

Ce texte retarde aussi le grand chantier de la transformation agroécologique de nos systèmes agricoles, seul gage de durabilité pour nos exploitations. Tant que nous ne définirons pas collectivement la trajectoire et les moyens d’une diversification et d’une déspécialisation de nos systèmes de production, en les adaptant aux nouvelles contraintes climatiques et environnementales, nous n’agirons pas efficacement pour diminuer le recours aux intrants et défaire les agriculteurs de l’emprise des géants de l’agrofourniture et des pesticides.

Sans construction de régimes publics de prévention et d’assurance contre l’ensemble des aléas climatiques et des risques sanitaires et environnementaux, il n’y aura pas de baisse massive du recours aux intrants et aux produits phytosanitaires dans notre pays. L’urgence est d’ouvrir un véritable débat sur notre modèle agricole et alimentaire.

En ce sens, les députés communistes et du groupe GDR soutiendront bien évidemment l’examen de la pétition ayant recueilli plus de deux millions de signatures, qui doit impérativement faire l’objet d’un rapport et d’un débat en séance.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je m’étonne toujours d’entendre parler de choses comme la « brutalisation de la procédure parlementaire ». Nous avons eu plusieurs jours de débats en commission, une commission mixte paritaire (où toutes les forces politiques sont représentées) s’est réunie, il y a eu un vote : je ne vois pas en quoi il y a eu une brutalisation. La brutalisation n’était-elle pas plutôt du côté de l’obstruction et du dépôt de milliers d’amendements, souvent redondants ?

En revanche, je suis d’accord sur le fait que d’autres enjeux devraient nous mobiliser, notamment l’adoption du traité entre l’Union européenne et le Mercosur.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. René Lioret (RN). Nous demandons que cette pétition soit examinée au moins pour deux raisons. La première, c’est que rien n’existe dans la littérature pour démontrer que l’acétamipride a un effet cancérogène. J’ai bien cherché ; je n’ai pas trouvé. Si quelqu’un ici a une étude prouvant que l’acétamipride provoque le cancer, il faut qu’il nous la montre. La deuxième raison, c’est qu’on laisse entrer dans notre pays des produits traités à l’acétamipride en provenance des vingt-six autres pays européens, où la molécule est autorisée. Il y a là un profond manque de logique. Peut-on considérer que ces pays sont des criminels ? Enfin, nous avons importé au cours des deux dernières années 1,1 million de tonnes de sucre d’Ukraine, où il n’y a aucun interdit sur ce type de produit.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Nous en revenons toujours au fait que l’Efsa considère le rapport bénéfices-risques favorable. En 2024, elle a proposé de ramener les seuils de sécurité de 0,025 à 0,005 milligramme par kilogramme de poids corporel, soit une division par cinq. Mais il n’y a aucune preuve d’un quelconque caractère cancérigène de l’acétamipride. Je suppose d’ailleurs que les producteurs italiens ne veulent pas tomber malades, pas plus que l’Efsa ne veut que les producteurs de l’ensemble des pays de l’Union européenne n’attrapent de maladies.

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). La mobilisation citoyenne autour de la pétition pour l’abrogation de la loi Duplomb montre que les Français veulent une agriculture familiale qui respecte le paysan et le vivant. Nous avons aussi besoin d’une agriculture qui assure notre souveraineté alimentaire. Au fond, comme pour l’accord avec le Mercosur, il s’agit de refuser le nivellement vers le bas de notre agriculture. Deux urgences devraient nous rassembler : interdire l’importation de produits traités avec des pesticides interdits en France – préférons pour le Nutella les noisettes françaises à celles de Turquie ou du Chili, traitées à l’acétamipride ! – et stopper la ratification du traité avec le Mercosur, qui signe la mort de milliers d’élevages en France. Collègues macronistes, qui dites-vous opposés à l’accord avec le Mercosur, cautionnez-vous la capitulation du président Macron devant la Commission européenne ? Refusez plutôt avec nous la « mercosurisation » de notre agriculture !

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je ne peux que vous rejoindre et constater cette capitulation.

M. Dominique Potier (SOC). Je livre quatre points complémentaires à l’excellent exposé de notre collègue Mélanie Thomin. Premièrement, le groupe socialiste condamne sans ambiguïté toutes les formes de violences contre les responsables politiques, qu’elles concernent les permanences ou les personnes.

Deuxièmement, le débat que tout le monde appelle ne remplacera pas celui que nous attendions le 26 mai, qui restera pour nous un jour noir de la démocratie, puisque l’on a vu une ministre de l’agriculture et un ministre de l’intérieur se congratuler avec des manifestants qui faisaient pression pour empêcher un débat au Parlement.

Troisièmement, le groupe socialiste a toujours été en pointe et engagé sur ces sujets, qu’il s’agisse de la proposition sur les phytovictimes, de celle sur la phytopharmacovigilance ou de la commission d’enquête sur les produits phytosanitaires. Nous allons continuer, dans ce débat, à faire prospérer nos idées autour du projet d’une « Anses augmentée », explorant les nouvelles frontières de la science, et d’une harmonisation européenne qui mette fin à ces concurrences qui nous occupent aujourd’hui.

Enfin, nous veillerons à faire valoir une idée simple : l’« effet Duplomb », c’est un effet aveuglant par rapport aux vrais enjeux qui sont ceux de la santé environnementale, de la santé écologique et de la justice économique, garantes de notre souveraineté alimentaire.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je ne vais pas revenir une nouvelle fois sur le processus démocratique, qui a bien eu lieu. Si l’article 2 de la loi a été censuré, d’autres dispositions concernant les néonicotinoïdes allaient dans le bon sens, comme l’ouverture d’expérimentations pour trouver des alternatives aux produits phytosanitaires. Qui plus est, vous le savez, il n’était pas question d’autoriser leur usage indéfiniment : la disposition était très encadrée. Le but était de mettre nos agriculteurs sur un pied d’égalité avec la concurrence européenne, qui bénéficie de ces produits jusqu’en 2033, tout en laissant à la science le temps de développer de nouvelles solutions. Tout le monde consomme de la pâte à tartiner et de l’huile de noisette fabriquées à partir de fruits traités à l’acétamipride, qui sont importés sur notre sol. La France offre au moins une traçabilité qui n’existe pas ailleurs.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Madame la présidente, madame la rapporteure, pensez-vous qu’il serait utile de saisir l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), qui réunit dix-huit sénateurs et dix-huit députés représentant toutes les sensibilités politiques, pour éclairer le débat ? La science doit être une de nos boussoles dans cette affaire.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. On peut tout imaginer, dans la mesure où ce qui se passe est inédit. Des auditions auront lieu avant la publication du rapport et il est tout à fait possible de saisir l’Opecst.

M. Guillaume Lepers (DR). Derrière les grands débats, il y a la réalité concrète et terrible. J’ai reçu la semaine dernière des appels d’agriculteurs en pleurs qui m’annonçaient l’arrachage de nos magnifiques coteaux du Lot-et-Garonne. Aujourd’hui des noisetiers, demain des pruniers, après-demain des pommiers, c’est le début de la destruction de nos paysages et de notre patrimoine. Les familles d’agriculteurs sont dévastées d’arracher le fruit d’années de travail, de plusieurs générations. L’ironie du sort, mes chers collègues, c’est que des élus de tous bords viennent me voir pour me demander ce qu’il faut faire maintenant… Vous vous rendez compte de l’impact sur la biodiversité ? Même des apiculteurs s’inquiètent face à ces arrachages. C’est cela la réalité. Il est toujours facile de parler quand on n’est pas concerné mais derrière les grandes envolées verbales, derrière les mensonges médiatiques, derrière les menaces de mort qu’on a pu recevoir, il y a une réalité et elle est dure.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Vous avez raison de souligner la réalité de ce que subissent nos agriculteurs. Plus de la moitié des récoltes partent à la poubelle parce que les agriculteurs n’ont pas pu lutter efficacement contre les ravageurs. Que faire ? J’entends des propositions simplistes : tout arracher et planter autre chose… C’est oublier les économies investies, les prêts contractés auprès des banques, l’implication de toute une famille qui a du mal à s’en sortir, le délai d’attente avant de parvenir à une nouvelle récolte. Il est donc bon de ramener nos agriculteurs, nos producteurs dans le débat. Pourquoi la France serait-elle toujours à la marge des autres pays européens ? Nos agriculteurs ne font que demander un alignement sur ce qui est autorisé jusqu’en 2033 dans les autres pays européens. Personne ne saute au plafond à l’idée de recourir à l’acétamipride, mais cette autorisation devait être bien définie dans le temps.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je suis étonnée que, à aucun moment, le rapport qui nous est présenté n’évoque le seuil de cinq cent mille signatures mentionné à l’alinéa 6 de l’article 148 de notre règlement – un seuil que la pétition pour l’abrogation de la loi Duplomb dépasse quatre fois. Notre groupe a donc saisi la présidente de l’Assemblée nationale sur cette base, pour que le débat ait lieu quoi qu’il en soit.

Ce que nous entendons depuis tout à l’heure n’est pas très glorieux. On aurait pu penser que, après la prise de position du Conseil national de l’Ordre des médecins et après que deux millions de citoyens ont signé une pétition par le biais de FranceConnect, ce qui n’est tout de même pas évident, il y aurait à l’Assemblée nationale une attitude d’écoute et de prise en considération. Or, ce n’est pas le cas. Quelque chose de fondamental n’a pas été dit, c’est que les signataires de la pétition sont représentatifs de l’opinion majoritaire dans la société française, celle de 61 % des Français, y compris 40 % des électeurs du Rassemblement national, qui ne veulent pas de l’empoisonnement par les pesticides.

La pétition ne demande pas un débat : elle demande l’abrogation de la loi Duplomb. C’est pourquoi nous avons déposé hier la proposition de loi n° 1842 qui vise à l’abroger.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Le seuil des cinq cent mille signatures ne concerne pas notre débat d’aujourd’hui, mais la conférence des présidents. Je ne vois pas ce qu’il viendrait faire ici, quoi que vous en disiez, ni l’utilité de le mentionner dans ce rapport.

Sur le fond, c’est bien de parler des électeurs du Rassemblement national… mais ce qu’ils veulent surtout, c’est aider les agriculteurs. Nous, nous ne tenons pas un double discours, face aux agriculteurs et en période électorale.

Cette loi posait un cadre, et l’article 2 en a été censuré. On cherche la polémique pour rien. Si vous considériez vraiment nos agriculteurs, vous devriez soutenir vigoureusement les dispositions restantes du texte, qui visent à les aider.

M. Richard Ramos (Dem). Cette pétition est bienvenue : elle permet de rapprocher les citoyens des élites – parmi lesquelles je me compte. Ces deux millions de personnes en faveur d’un débat, c’est une chance pour la démocratie.

Quant à l’acétamipride, c’est un neurotoxique. Le mot est compliqué, mais les conséquences sont concrètes : ce sont nos parents, nos grands-parents qui souffrent de la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson ; demain, ce sera nous, nos enfants et nos petits-enfants.

Le débat me semble donc utile, avec des gens qui pensent différemment.

Par lâcheté ou par impuissance, nous n’arrivons pas à interdire à nos paysans des produits qui sont des poisons pour la société, mais nous mettons des boulets à leur charrue. L’acétamipride est un produit dangereux : ce n’est pas sur ce point que doit porter le débat, mais sur ce que nous faisons pour protéger nos agriculteurs contre leurs concurrents.

Madame la rapporteure, vous avez dit que vous ne sautiez pas au plafond à l’idée de réintroduire l’acétamipride : reconnaissez-vous donc sa dangerosité ?

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Je ne saute pas au plafond, tout comme les agriculteurs qui y ont recours. Mais, je le redis, il faut laisser le temps aux producteurs de trouver une alternative. Sinon, ils ne peuvent pas s’en sortir.

M. Richard Ramos (Dem). Mais le produit est-il dangereux ?

Mme Hélène Laporte, rapporteure. La dangerosité de l’acétamipride est avérée à forte dose. Ce n’est pas un argument : tous les pesticides le sont. La bouillie bordelaise, utilisée par l’agriculture biologique, n’est-elle pas dangereuse ?

M. Benoît Biteau (EcoS). Elle est utilisée à des doses très faibles !

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Mais qui propose d’utiliser l’acétamipride autrement qu’à de très faibles doses ? La loi Duplomb était extrêmement encadrée. Monsieur Ramos, si vous avez un chien, il a peut-être un collier anti-puces, mais il vient quand même dans votre salon…

M. Richard Ramos (Dem). J’en ai deux et aucun collier anti-puces…

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Vous tournez en boucle sur l’acétamipride et vous ne savez pas me répondre sur le fond. La bouillie bordelaise aussi, c’est dangereux.

M. Richard Ramos (Dem). L’acétamipride est-il dangereux ?

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Ne vous énervez pas ! À haute dose, il l’est, comme tous les pesticides. Aucun agriculteur ne prétend le contraire. Vous cherchez la polémique et nous n’avançons pas. Les agriculteurs veulent autre chose que de la communication.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Merci de ne pas interrompre celui ou celle qui a la parole.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Cette pétition est un révélateur, et d’abord un révélateur démocratique. Quand deux millions de citoyens contestent une loi adoptée par le Parlement, il est normal que nous votions pour qu’un débat se tienne. Dans une sixième République, tant de signatures permettraient l’organisation d’un référendum d’abrogation !

Mais le vote sur l’abrogation aura lieu, puisque le groupe La France insoumise a déposé une proposition de loi en ce sens, qui sera examinée le 27 novembre, dans notre niche parlementaire.

Cette pétition est aussi un révélateur du fait que cette loi ne règle rien pour les agriculteurs, mais menace la santé et l’environnement en défendant l’utilisation des pesticides comme le développement de l’élevage intensif, facteur de développement de virus extrêmement dangereux.

Elle est enfin un révélateur du fait que messieurs Macron et Retailleau se sont accordé sur l’adoption de cette loi Duplomb contre leur ralliement à l’accord avec le Mercosur, soutenu par la Commission européenne et sa présidente LR von der Leyen.

Il y aurait pourtant une réponse claire : interdire l’importation en France de produits agricoles cultivés à l’aide de produits interdits sur notre territoire.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Vous parlez d’une proposition de loi visant à abroger la loi Duplomb, déjà privée de son article 2. Vous voulez donc renoncer à une meilleure indemnisation des dégâts climatiques sur les prairies et à une expérimentation de certaines pistes d’alternatives aux produits phytosanitaires, comme les insectes stériles. Vous assumerez cette position auprès des agriculteurs.

M. Benoît Biteau (EcoS). En tant que député européen, j’avais auditionné à deux reprises le directeur général de l’Efsa sur les autorisations de pesticides. Il reconnaît lui-même que deux aspects de la réglementation ne sont pas respectés par les autorisations de mise sur le marché : les intoxications chroniques – qui n’ont plus de lien avec la dose – et les effets de ces pesticides sur la biodiversité. Il reconnaît aussi que cette réglementation est, de toute façon, insuffisante : la toxicité des métabolites de décomposition de ces molécules n’est pas évaluée ; de plus, elle s’ajoute à celle des molécules auxquelles nous sommes exposés dans la vraie vie, ce qui crée un cocktail dont la dangerosité n’est pas évaluée non plus.

Quand autant de doutes s’accumulent, alors il faut convoquer le principe de précaution – d’autant que les solutions alternatives existent : nous ne proposons pas de suppression sans solution. La solution existe, c’est l’agronomie.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. C’est bien pour cette raison que l’Efsa réduit le seuil de sécurité. Voilà qui répond à votre question.

M. Benoît Biteau (EcoS). Ce n’est pas pour cela !

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Mais si ! Arrêtez de faire croire que vous avez une culture agricole, que vous êtes le seul, ça suffit. Il ne m’a pas échappé que vous étiez député européen, puisque je prenais l’avion en même temps que vous.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je parie que non ! Je n’ai pas pris l’avion depuis 2013.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Ne pariez pas. En tout état de cause, l’Efsa a divisé les seuils en 2024.

M. Éric Martineau (Dem). J’espère que nous aurons ce débat, car nos échanges révèlent aussi une méconnaissance des contraintes du métier d’agriculteur, qui doit nous pousser à nous interroger. Récemment, j’ai été interpellé par un agriculteur bio qui ne peut avoir que quatre poulaillers : il doit monter une nouvelle société pour en avoir un cinquième – et répondre à la demande de poulets bio !

J’invite aussi nos collègues, alors qu’on se passe de l’acétamipride depuis sept ans, à se demander par quoi il a été remplacé. Doit-on interdire aussi l’azadirachtine ? J’aimerais bien une réponse.

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Des études sont menées et nous attendons des solutions pérennes de remplacement.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Je me réjouis que nous nous dirigions vers l’organisation d’un débat et, plus tard, vers un vote.

On nous présente un choix entre deux options : réintroduire l’acétamipride ou maintenir l’interdiction. Nous proposons d’en ajouter une troisième, l’interdiction de l’importation de produits traités.

Nous devrons trancher entre deux logiques : celle d’un libéralisme mortifère qui tire mécaniquement tout vers le bas ; et celle d’un protectionnisme solidaire qui fait le contraire. On nous dit que les autres pays utilisent un poison et que cela nous oblige à faire la même chose ? Nous proposons le contraire : interdire l’acétamipride en France et en interdire l’importation, ce qui protégera notre environnement, notre santé, nos agriculteurs, et obligera les autres pays à s’aligner sur ce mieux-disant s’ils veulent continuer d’exporter chez nous. De ce fait, peut-être l’agriculture turque améliorera-t-elle ses pratiques ou peut-être les célèbres marques de pâte à tartiner viendront-elles se fournir en noisettes en France, ce qui serait une bonne nouvelle pour tout le monde !

Bref, nous sommes face à deux logiques : le fric à tout prix, ou la vie !

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Vous savez très bien qu’on ne pourra imposer cette interdiction ni à l’Italie, ni à la Turquie. Et quelle traçabilité aurions-nous ? C’est comme pour le Mercosur : la traçabilité se fait dans le pays de départ et ce seront de simples déclarations.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Vous êtes d’accord avec cela, alors !

Mme Hélène Laporte, rapporteure. Non, pas du tout. Mais je suis réaliste : vous savez très bien que nous ne pourrons pas contrôler les conditions d’une production en Turquie. Mais, contrairement à vous, je ne renonce pas.

Un mot au terme de cette réunion pour vous remercier pour ce débat… apaisé. Nous aurons beaucoup de choses à nous dire dans l’hémicycle !

 

La commission se prononce pour l’examen de la pétition n° 3014.

 

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Le vote a été unanime. Nous procéderons à l’examen de cette pétition lors d’une prochaine réunion, dans des conditions qui seront précisées par notre bureau.

 

Puis, la commission se prononce pour le classement de la pétition n° 3092.

 


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 17 septembre 2025 à 11 heures 30

Présents.  M. Laurent Alexandre, M. Gabriel Amard, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Karim Benbrahim, M. Benoît Biteau, M. Julien Brugerolles, M. Hadrien Clouet, M. Stéphane Delautrette, M. Inaki Echaniz, M. Jean-Luc Fugit, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Thomas Lam, Mme Hélène Laporte, Mme Marie Lebec, M. Robert Le Bourgeois, M. Pascal Lecamp, M. Guillaume Lepers, M. René Lioret, Mme Sandra Marsaud, M. Éric Martineau, Mme Manon Meunier, M. Paul Midy, Mme Louise Morel, Mme Sandrine Nosbé, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Joseph Rivière, M. David Taupiac, M. Matthias Tavel, M. Boris Tavernier, Mme Mélanie Thomin, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé

Excusés.  M. Alexandre Allegret-Pilot, M. Charles Alloncle, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Vincent Rolland

Assistait également à la réunion.  M. Fabien Di Filippo