Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

 Audition de M. Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF 2


Mercredi 2 octobre 2024

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 1

Session ordinaire de 2024-2025

Présidence de

Mme Sandrine Le Feur,

Présidente

 


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné M. Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Monsieur le président, nous sommes heureux d’inaugurer avec vous les travaux de notre commission sur les transports pour cette législature.

Une page s’est tournée avec la fin des Jeux olympiques et paralympiques. Quel bilan en faites-vous ? À ce propos, je tiens à saluer votre réactivité et celles des agents SNCF, qui ont permis de surmonter la crise des sabotages le 25 juillet dernier.

Parmi les sujets majeurs pour notre commission, je souhaite mentionner particulièrement l’adaptation au changement climatique. Les aléas météorologiques et climatiques ont déjà un impact clair sur la circulation des trains et les scénarios pris en compte par le Gouvernement prévoient un réchauffement moyen de 4 degrés en France d’ici à la fin du siècle.

Alors que la Cour des comptes recommandait récemment de renforcer le pilotage stratégique des gestionnaires d’infrastructures et l’implication des pouvoirs publics, SNCF Réseau vient de formaliser sa stratégie d’adaptation. Elle souligne les risques les plus critiques : sur les ouvrages en terre, avec le cycle de l’eau, et sur les systèmes électriques, avec la hausse des températures. Qu’en est-il de SNCF Voyageurs et de SNCF Gares et connexions ? Comment le coût de l’adaptation au changement climatique est-il pris en compte dans la mise en œuvre des deux paquets du plan d’investissement de 100 milliards d’euros ?

Plus largement, alors que nous examinerons prochainement les crédits du projet de loi de finances pour 2025, quelle est votre estimation des besoins de financement de la SNCF ?

Les mobilités rurales et l’équilibre des territoires sont une autre préoccupation essentielle, qui conduira la commission à rester vigilante quant au calendrier de la conférence de financement des Serm, les services express régionaux métropolitains, et de leur mise en œuvre.

Comment voyez-vous l’avenir des lignes déficitaires, angle mort de l’ouverture du ferroviaire à la concurrence ?

Peut-être pourrez-vous enfin nous dire un mot des objectifs environnementaux du groupe, qu’il s’agisse de la part des renouvelables dans la recherche de l’autonomie énergétique ou de la fin de l’usage du glyphosate par le groupe SNCF – dont je vous remercie.

M. Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF. Je suis moi aussi très heureux d’être là. Depuis mon arrivée à la présidence du groupe SNCF, je suis venu très régulièrement devant l’Assemblée pour rendre compte de l’activité et des perspectives de l’entreprise ainsi que des questions ferroviaires en général. Vous me faites l’honneur de me recevoir très vite après le début de la session ordinaire, ce qui témoigne de votre intérêt pour ces sujets.

Mon action à la tête du groupe SNCF est restée fidèle depuis cinq ans aux engagements que j’ai pris solennellement devant la représentation nationale à mon entrée en fonctions, en 2019. Il s’agissait alors déjà des urgences environnementales, territoriales, économiques et sociales, qui restent d’actualité.

La transition environnementale est un axe majeur du développement du ferroviaire, lequel est, de ce point de vue, un mode de transport vertueux par construction. La plupart de nos trains fonctionnent à l’électricité, décarbonée puisqu’elle provient du nucléaire et, de plus en plus, des énergies renouvelables. Le report modal est la première source de réduction des émissions : chaque tonne de marchandise qui passe d’un camion à un train, chaque voyageur qui prend le train plutôt que sa voiture produit un effet positif sur celle-ci. En outre, nous faisons en sorte de pouvoir nous passer dans quelques années de la motorisation au diesel résiduelle. Enfin, nous sommes très fiers d’avoir été les premiers à décider de cesser d’utiliser le glyphosate – une décision dont les conséquences sont complexes, car la végétation gêne la circulation des trains et les produits de substitution sont moins efficaces ; elle nous coûte de l’argent, mais nous l’appliquons volontiers pour préserver la biodiversité et réduire ainsi notre empreinte.

La SNCF joue aussi un rôle important dans les territoires, irrigués par 30 000 kilomètres de lignes, jalonnés de 3 000 gares – quand on voit la carte des gares, on voit la carte de France. Je crois que ce sont 10 % à 15 % des habitants qui ne vivent pas à moins de 5 kilomètres d’une gare.

Concernant l’enjeu financier, l’un des objectifs de la réforme de 2018 était de mettre fin aux déficits de la SNCF et à la dette du ferroviaire. C’est fait : je suis très fier de rappeler que, depuis six semestres, les comptes de la SNCF sont dans le vert. Le groupe ne perd pas d’argent, il dégage même un bénéfice, lequel est réinvesti dans le ferroviaire – infrastructures et achat de matériel neuf. Plus besoin de tendre la main pour clore nos comptes ; au contraire, l’argent que nous gagnons, nous le redonnons à l’État, ce qui permet ces réinvestissements.

Le chiffre d’affaires du groupe a beaucoup augmenté, de 20 % en quatre ans. Au total, en tenant compte des deux grandes filiales, Geodis et Keolis, qui en représentent près de la moitié, il s’élève à 42 milliards en 2023. C’est considérable : la SNCF est un grand groupe dont la puissance économique est majeure. Son résultat net est de + 1,3 milliard en 2023, contre – 300 millions en 2019 ; le cash-flow atteint + 2,5 milliards en 2023 contre – 2,3 milliards en 2019.

Si nous avons du mérite à avoir obtenu ces bons résultats, l’État nous a aidés, reprenant 35 milliards de la dette de SNCF Réseau, ce qui a réduit nos frais financiers de 1,5 milliard. En parallèle, les comptes ont été tenus : depuis 2019, des plans d’économies de 600 à 700 millions par an ont été mis en œuvre. C’est cette gestion très vertueuse qui permet de dégager un surplus.

Ces dernières années, comme le pays et le monde entier, nous avons connu des crises. La plus spectaculaire était celle du covid, qui a duré près d’un an et demi. Au tout début, en 2020, les TGV étaient arrêtés ; les conséquences économiques en ont été sévères, car une grande partie de notre revenu vient de ces trains. Nous avons aussi connu des crises sociales, comme celle liée à la réforme des retraites – avant la plus récente, il y en avait eu une dès 2019, du fait des enjeux sociaux d’une précédente réforme. Enfin, comme tout le monde, nous avons dû gérer les conséquences économiques et sociales indirectes de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a fait grimper les prix de l’énergie, ce qui a renchéri nos coûts – fallait-il ou non répercuter cette hausse sur nos clients ? – et érodé le pouvoir d’achat des salariés sous l’effet de l’inflation. Nous ne nous en sommes pas trop mal débrouillés.

Compte tenu de nos bons résultats, j’ai décidé d’accroître encore l’apport de la SNCF au fonds de concours, la caisse qui, au sein du budget de l’État, est abondée par l’entreprise pour financer la régénération du réseau. Celui-ci est fondamental : sans bon réseau, pas de bon service ferroviaire – qu’il s’agisse de la fiabilité, de la fréquence, de la capacité ou de la performance. Or le réseau a besoin d’un apport régulier d’argent pour être maintenu en bon état. L’engagement supplémentaire de la SNCF sera de 2,3 milliards entre 2024 et 2027.

Le réseau ferré classique structurant a été le parent pauvre des dernières décennies. En effet, le TGV, né en 1981, a absorbé l’essentiel de la capacité financière, les investissements dans la construction des lignes à grande vitesse venant en grande partie de la SNCF. Pendant ce temps, on ne mettait pas assez d’argent dans le réseau classique. Or c’est le réseau des territoires, celui qui les réunit et qui irrigue chacun d’entre eux. Il est donc crucial de le maintenir en bon état pour garantir la desserte territoriale.

Afin de maintenir, développer et moderniser ce réseau, il faudra 1,5 milliard de plus par an à partir de 2027. Ce besoin est connu, personne ne le conteste – il a été expertisé à plusieurs reprises. Nous avons sous les yeux le contre-exemple de l’Allemagne, où des efforts insuffisants ont mis le réseau en grande difficulté – le taux de ponctualité des trains y est tombé à 60 % –, et le modèle de la Suisse, qui finance son réseau, où le chemin de fer est parfait et où les trains allemands ne peuvent plus entrer car leur retard gêne la circulation des trains suisses. Nous ne voulons pas que les trains français soient frappés de la même interdiction dans cinq ou dix ans.

Sur le plan social, notre entreprise est vivante et même vibrante. Elle se caractérise par une longue tradition de forte réactivité sociale.

Nous sommes au cœur d’une transformation dont l’élément majeur est la concurrence. Celle-ci commence à se concrétiser. Dans le transport ferroviaire de voyageurs, Trenitalia et Renfe proposent déjà des services à grande vitesse en France. Pour le TER, des appels d’offres ont été lancés ; la SNCF en a gagné certains, perdu d’autres – Transdev en a remporté deux et commencera à exploiter des trains l’année prochaine. Ce mouvement va progressivement toucher tous les territoires. C’est un bouleversement très important pour le ferroviaire français et pour la SNCF en particulier.

Dans ce contexte, vu les enjeux sociaux, le dialogue social est nécessaire. Il est également normal d’associer les personnels aux bons résultats de l’entreprise. Un dialogue nourri nous a évité une trop grande conflictualité interne. Les plus grosses grèves étaient liées à la réforme des retraites, qui n’est pas un sujet spécifique à la SNCF. Les deux seules grandes grèves nationales, de chefs de bord, à Noël 2022 et en février 2024, n’ont duré que deux jours chacune et, chaque fois, deux TGV sur trois roulaient.

Concernant le fret, qui a fait l’objet l’année dernière à l’Assemblée d’une commission d’enquête conduite par David Valence et Hubert Wulfranc, nous avons un problème très délicat, qui suscite beaucoup de résistances au sein de l’entreprise. La Commission européenne a ouvert une procédure à l’encontre de l’État français, l’accusant d’aide illégale au profit de Fret SNCF. La négociation menée avec le gouvernement français s’est traduite par un plan de discontinuité assez sévère : il implique un abandon volontaire de 20 % du trafic, une transformation de la société, qui va disparaître au profit de deux nouvelles sociétés, et une ouverture de capital prévue en 2026.

Les Jeux de Paris 2024, enfin, sont une réussite. Nous nous sommes beaucoup préparés ; toute la SNCF s’est mobilisée. Nous n’avions pas prévu les sabotages qui ont arrêté trois lignes à grande vitesse, mais nous avons réparé le réseau en deux jours ; c’est une performance incroyable de nos collègues de SNCF Réseau. Notre récompense, ce sont les voyageurs qui les ont salués au moment où les trains repartaient et le dessin où Plantu leur a décerné trois médailles d’or. Avoir contribué à la réussite des Jeux est un motif de grande fierté collective.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Emmanuel Blairy (RN). Monsieur le président, le groupe Rassemblement national se réjouit de vous voir devant notre belle commission.

L’année 2023, ce furent 122 millions de voyageurs sur le réseau SNCF, 4 % de plus qu’en 2022. Le train est plus incontournable que jamais pour nos concitoyens, ce qui fait peser de lourdes responsabilités sur vos épaules.

Permettez-moi de revenir sur la nuit de sabotages du 25 au 26 juillet 2024. Dans ma circonscription, la gare de Croisilles, sur la ligne TGV Nord, était concernée ; je me suis rendu sur place. Je salue l’engagement des ouvriers SNCF pour réparer les lignes, mais aussi de la sûreté ferroviaire. Ce sont 800 000 voyageurs qui ont été affectés au moment où les regards se tournaient vers la France à l’occasion de l’ouverture des Jeux. Ces événements ont montré qu’il existe dans notre pays des groupes organisés dont les méthodes ressemblent à celles de l’ultragauche – c’est la presse qui le dit, je ne fais que le rapporter – et qui peuvent provoquer des retards et des interruptions complètes de service.

Quelles mesures sont prises pour protéger les points stratégiques ?

Disposez-vous d’effectifs suffisants – de sûreté ferroviaire, mais aussi de maintenance – pour cela ?

Pouvez-vous nous présenter les éléments majeurs du plan de continuité d’activité en cas d’interruption du trafic liée à des actes malveillants, de vandalisme, de dégradation ou de détérioration ? Quelles solutions sont proposées aux usagers – itinéraire alternatif, autres moyens de transport, indemnisation ?

En ce qui concerne la protection des agents, avez-vous eu des échanges avec le Gouvernement ou avec des parlementaires pour que la proposition de loi adoptée au Sénat, puis étudiée par l’Assemblée nationale avant sa dissolution, soit réexaminée rapidement afin de permettre l’utilisation, voire la généralisation du port de caméras de protection par les contrôleurs ?

Votre mandat doit s’achever l’année prochaine. Quelles priorités votre successeur devrait-il prendre en compte ?

M. Jean-Pierre Farandou. D’abord, merci de vos mots pour les cheminots. Ils les apprécieront ; ils ont besoin d’être encouragés et ils le méritent. Merci d’être allé sur le terrain pour les soutenir.

Les questions de sûreté sont majeures pour notre entreprise comme pour le pays. Ceux qui voulaient perturber les Jeux ne se sont pas trompés de cible : à travers la SNCF, c’est la France qu’on a attaquée.

Nous avons identifié une cinquantaine de points stratégiques. Ils sont régulièrement surveillés par la SNCF et la gendarmerie au moyen de rondes et de drones équipés de caméras thermiques qui détectent les personnes, dont la présence est ensuite signalée aux gendarmes pour qu’ils aillent les contrôler. Au moment de la crise, des accords entre la SNCF et la gendarmerie permettaient le recours à des hélicoptères, moins statiques que les drones. Nous aurons de nouveau recours à ces mesures, notamment les veilles de grands départs, quand on a absolument besoin que le réseau fonctionne.

Nous avons les moyens humains nécessaires. La surveillance générale repose sur plus de 3 000 agents, des cheminots, très sérieusement formés à l’école d’Ermont – où vous êtes tous cordialement invités –, aussi bien – certains disent mieux – que les membres de la police nationale et de la gendarmerie. Ils comptent d’ailleurs dans leurs rangs d’anciens gendarmes et d’autres anciens militaires. Je profite de votre question pour leur rendre hommage.

Nous avons une excellente collaboration avec les forces de sécurité intérieure. Les Jeux nous ont fourni l’occasion d’apprendre à travailler encore mieux ensemble. Je salue le travail fourni par la préfecture de police de Paris dans le cadre du CCOS (centre de coordination opérationnelle de sécurité), qui pilote et organise l’action autour des transports en Île-de-France. Il nous a par exemple permis de réduire le temps d’intervention sur les bagages abandonnés, qui est toujours une plaie pour la régularité.

Les caméras sont bien sûr essentielles dans ce domaine.

La proposition de loi dite Tabarot est nécessaire. Elle était très bien engagée. Maintenant que l’Assemblée est de nouveau réunie, j’espère qu’elle fera très vite son retour devant le Parlement. Elle nous donnera plus de pouvoirs et permettra la réutilisation de la caméra-piéton après une période de vide juridique. Nous avons besoin de cet outil, qui avait été très bien accepté par nos agents, pour sécuriser et pacifier les relations entre ces derniers et certains clients parfois un peu perturbateurs.

Si je devais retenir une priorité de la SNCF, ce serait le réseau. Il faut continuer à dialoguer avec le Parlement et le Gouvernement afin que le réseau français dispose des moyens nécessaires pour se régénérer, se moderniser et se développer. Le ferroviaire est indispensable à la transition écologique et à l’aménagement du territoire. Il faut des investissements pour assurer cette fonction dans l’ensemble du pays.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Je salue votre engagement et votre dévouement au service du groupe SNCF, si cher au cœur des Français, ainsi que votre fidélité à notre commission.

Je salue aussi votre travail : vous avez eu la lourde charge de mettre en œuvre la loi pour le nouveau pacte ferroviaire que nous avons votée en juin 2018 et aux termes de laquelle l’État a repris la dette en échange d’une amélioration de la performance opérationnelle et financière. Mission accomplie : tous les segments du trafic connaissent une belle augmentation – 15 000 trains et 10 millions de voyageurs par jour. Il y a un véritable engouement pour le transport ferroviaire : c’est à nouveau l’âge d’or du train.

La SNCF est une entreprise qui fonctionne bien : 21 milliards de chiffre d’affaires au premier semestre 2024, en progression de 3,4 % par rapport au premier semestre 2023. Vous l’avez dit, l’argent est réinvesti. S’y ajoute le grand plan de financement de 100 milliards décidé sur les conseils de David Valence, président du COI (Conseil d’orientation des infrastructures), et annoncé par Mme la Première ministre en février 2023 ; il porte sur les infrastructures, qui souffrent des aléas climatiques, en particulier de la canicule et des inondations, mais également sur le matériel roulant. Vous aviez dit manquer de TGV ; vous avez commandé 115 nouvelles rames, qu’Alstom devrait livrer en 2025 ; dès qu’elles arriveront, vous pourrez augmenter les capacités et les fréquences de circulation. Justement, une autre priorité du même plan est la réouverture et l’extension de lignes ferroviaires fermées ces dernières décennies. Je vous interroge souvent sur la ligne Strasbourg-Marseille, qui concerne un territoire rural enclavé.

Il faut aussi saluer la création de la filiale SNCF Renouvelables, destinée à développer les énergies vertes et à lutter contre la dépendance énergétique du groupe.

Vous l’avez dit, la SNCF est une référence européenne. Tous les participants au salon InnoTrans Berlin 2024 que j’ai rencontrés le confirment. Nous sommes maintenant devant l’Allemagne. Concernant l’industrie ferroviaire, les petites entreprises de nos territoires qui travaillent pour la SNCF sont très fières d’en détenir le label. Félicitations ! Le chemin de fer a un rôle à jouer dans l’histoire européenne, c’est certain.

Quelle est votre position au sujet des recommandations de l’ART (Autorité de régulation des transports) sur la transparence des arbitrages de SNCF Réseau concernant la procédure de fixation du cours des péages ferroviaires ?

Pouvez-vous nous dire deux mots des nouveaux projets Draisy et Flexy, qui vont permettre d’offrir plus de solutions dans nos régions ?

M. Jean-Pierre Farandou. Je suis heureux de ces remerciements de la représentation nationale aux cheminots.

L’ART a pour mission de veiller au fonctionnement de la concurrence et au respect de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Conserver l’unité du groupe SNCF – unité de fonctionnement, unité financière puisque tous les bénéfices sont réinvestis dans le réseau, unité sociale – est un choix politique, qui ne doit pas entraîner de comportements défavorables pour les nouveaux entrants. SNCF Réseau, tout en appartenant au groupe, exerce certaines fonctions en toute indépendance. Nous y veillons : ainsi, les représentants de la SA (société anonyme) de tête au conseil d’administration de SNCF Réseau quittent la salle dès que les fonctions essentielles sont abordées. Les décisions se prennent sans eux. L’ART est vigilante, c’est son rôle, mais je vous assure que tout est fait pour assurer l’indépendance des fonctions essentielles de SNCF Réseau.

Je suis très fier de dire que la SNCF innove aussi pour les petites lignes, avec des constructeurs, petits ou grands, qui travaillent sur de nouveaux matériels. Le Draisy en est le symbole : conçu par l’entreprise Lohr, installée en Alsace, cet engin doit remplacer les petites michelines et nous permettre de rouvrir des lignes sur lesquelles aucun train ne circule aujourd’hui, ou peu. Il n’est pas cher, point important car ce matériel sera acheté par les conseils régionaux. Il est électrique, connecté, pratique, vitré. Quant au Flexy, il doit réconcilier avec le train nos villages et nos hameaux où il n’y a plus de rails : c’est un engin routier, un monospace de quatorze places, mais capable de rouler sur des rails grâce à un double système de roues. C’est une innovation made in France : nous sommes les seuls dans le monde à le construire. Il pourra arriver d’ici deux ans.

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Depuis des décennies, nous assistons au démantèlement méthodique des capacités de la puissance publique. L’État ne dispose ni d’une véritable stratégie industrielle ni d’une politique cohérente en matière de transport ou de développement des réseaux collectifs dans les bassins de vie.

La SNCF, qui devrait être un levier essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour l’accessibilité du train à toutes et tous, se trouve affaiblie par des orientations politiques contraires à l’intérêt général.

Le groupe La France insoumise souhaite revenir sur un sujet d’une extrême gravité : le plan de discontinuité proposé par l’ancien ministre délégué aux transports, Clément Beaune, qui prévoit la liquidation de Fret SNCF. Ce plan entraînerait la cession de vingt-trois flux, abandonnés à des entreprises privées : 102 millions d’euros de recettes annuelles seraient captées par des entreprises allemandes et belges.

Il ne s’agit pas seulement d’une question économique. La disparition de Fret SNCF aboutirait à la création de deux nouvelles entités, l’une dédiée à la gestion des capacités et l’autre à la maintenance des locomotives. C’est là un choix contestable, mais que dire des lignes rouges définies par M. Beaune ? Deux points de rupture avaient été définis, annulant ce projet si dépassé.

La première ligne rouge concerne le report modal inversé : la suppression de certains flux ferroviaires pourrait provoquer le passage de 300 000 à 500 000 poids lourds supplémentaires sur nos routes. C’est une catastrophe écologique annoncée. Pouvez-vous confirmer que ce risque est bien réel, comme l’annonce l’excellente expertise des syndicats de la SNCF ?

La seconde ligne rouge concerne la viabilité économique des deux nouvelles entités. Face à un budget 2025 placé sous le signe de l’austérité, pouvez-vous garantir que ces deux entreprises auront les moyens de survivre ?

Enfin, après l’éboulement dans la vallée de la Maurienne en 2023, la réouverture de la ligne Lyon-Turin, initialement prévue pour cet été, a été repoussée au début de l’année 2025. Pouvez-vous nous confirmer une date ferme pour la reprise de cette liaison essentielle ?

Votre franchise lors de vos précédentes auditions, notamment à propos d’une meilleure utilisation de la ligne entre la France et l’Italie, a été saluée. Nous espérons aujourd’hui des réponses tout aussi claires et courageuses.

M. Jean-Pierre Farandou. J’ai évoqué la discontinuité tout à l’heure. C’est en effet un sujet compliqué, voire douloureux. Le transfert des vingt-trois flux s’est achevé en juillet. À ce stade, nous considérons qu’il n’y a pas eu de report modal. Nos concurrents – notamment DB Cargo France, filiale de la Deutsche Bahn, vous avez raison sur ce point – avaient les capacités.

Vous avez aussi raison de poser la question de la viabilité ; nous nous la posons également, comme d’ailleurs la Commission. Celle-ci exige que les sociétés qui vont renaître après la discontinuité soient viables. Le diagnostic est partagé : une poursuite de l’aide au secteur est indispensable. Dans le cadre du plan de relance, l’État avait décidé de dégager 170 millions par an pour l’aide au wagon isolé, aide qui profite à l’ensemble du secteur. M. Beaune avait accepté de relever cette aide à 200 millions. Nous espérons que cet engagement sera tenu dans le budget 2025.

S’agissant de la ligne Lyon-Turin, la montagne est tombée sur un tunnel ferroviaire : la falaise s’est éboulée, et le tunnel est comprimé. Plus nous purgeons la falaise, plus nous nous rendons compte que la roche est friable : nous ne sommes encore au bout ni de la purge, ni des travaux de réparation – pas toujours faciles à mener en hiver. Nous prévoyons une réouverture de la ligne en mars ou avril 2025. Cette fermeture entraîne un report modal important : il y a encore plus de camions dans les vallées, et ce n’est pas une bonne nouvelle. Nous souhaitons bien sûr reprendre l’exploitation le plus vite possible.

M. Peio Dufau (SOC). La SNCF est un acteur essentiel de la décarbonation du transport de voyageurs comme de marchandises. Or, depuis 2006, malgré l’ouverture à la concurrence du fret et les nombreux plans censés relancer l’entreprise publique, nous avons chuté de 50 gigatonnes-kilomètres en 2002 à 33 gigatonnes-kilomètres en 2023, toutes entreprises confondues, alors que le volume global de marchandises transportées a explosé. Pour mémoire, la SNCF avait racheté Geodis en 2008 pour devenir le premier transporteur routier français. L’arrêt du train Perpignan-Rungis, qui ajoute 30 000 camions par an sur les routes, est le symbole de notre échec collectif.

Comment l’État et la SNCF peuvent-ils atteindre l’objectif d’un report modal massif de la route vers le rail ? De plus, le plan de discontinuité de Fret SNCF aura des conséquences sociales et environnementales catastrophiques. Êtes-vous favorable à un moratoire ?

Plus largement, le réseau ferroviaire a besoin d’un investissement colossal. En 2022, le groupe socialiste proposait 3 milliards de crédits supplémentaires sur l’année pour le ferroviaire, proposition balayée par le 49.3. En 2023, le COI préconisait d’investir 100 milliards d’euros d’ici à 2040. Quelles sont pour vous les pistes de financement de ces investissements nécessaires ? Êtes-vous favorable à un plan pluriannuel ?

Que pensez-vous de certains grands projets tels que la nouvelle voie LGV du Sud-Ouest, dont le coût est estimé à 14 milliards d’euros ? Alors que l’argent manque partout, la priorité n’est-elle pas aux transports du quotidien et à la mise auR niveau des voies existantes, indispensables à nos territoires ?

À ce sujet, la conférence de financement des Serm n’a jamais eu lieu. Quel sera le rôle de la SNCF dans leur mise en place ? Qu’attendez-vous de l’État pour que ces projets deviennent des réalités pour nos concitoyens ?

La fréquentation des trains de nuit a doublé en trois ans. Où en est-on de la commande des 600 nouvelles voitures qui permettraient d’envisager de transporter 5,6 millions de voyageurs d’ici à 2030 ?

Enfin, pourquoi la SNCF généralise-t-elle l’externalisation des travaux de maintenance du réseau ferroviaire alors que ses équipes possèdent l’expertise nécessaire ?

M. Jean-Pierre Farandou. S’agissant de la discontinuité, la décision sur un éventuel moratoire doit être prise par le Gouvernement. La directrice de cabinet du ministre délégué aux transports a reçu les syndicats qui manifestaient il y a quelques jours. Pour le moment, mon action de président d’une entreprise publique consiste à appliquer les consignes contenues dans une lettre que j’ai reçue en mai 2023, du ministre des transports de l’époque, et qui prévoit la mise en place de cette discontinuité.

Dans le domaine du fret, certains pays ont réussi, comme l’Autriche où la part modale du fret dépasse les 30 % quand nous plafonnons à 10 % : il faut reprendre leurs recettes ! Le fret a besoin d’aides permanentes, je l’ai dit, pour équilibrer la concurrence avec la route ; sinon celle-ci prendra tout, ce qui ne va pas dans le sens de la transition écologique. Il faut aussi investir pour accroître la capacité, notamment dans les triages, qui commencent à fatiguer, dans les boîtes de service, dans des évitements de circulation pour les trains de fret, dans un meilleur raccordement des grands ports au fret. La bonne nouvelle, c’est que de plus en plus d’entreprises souhaitent avoir recours au ferroviaire afin de réduire leurs émissions de scope 3. La demande est là, mais nous avons besoin d’un effort de l’État tant sur les aides à l’exploitation que sur les investissements.

La ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, avec son antenne vers Dax et le Pays basque, doit permettre de mieux nous relier à l’Espagne : les Espagnols ont monté leurs lignes à grande vitesse jusqu’aux Pyrénées, mais au-delà, il n’y a plus rien. Ils se sentent enclavés, comme les Portugais… La France peut-elle mieux connecter l’Espagne au reste de l’Europe, au nom de l’intégration et du développement européen ? C’est une question qu’il faut se poser.

La grande vitesse a toute sa place dans le Sud-Ouest : sinon, les gens prennent l’avion, par exemple depuis Paris vers Toulouse et l’hinterland toulousain. Le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) intègre en outre deux projets de transport de la vie quotidienne : le premier concerne le sud de Bordeaux, le second le nord de Toulouse.

Je crois beaucoup aux Serm : c’est la grande idée ferroviaire du moment. Ils peuvent, comme l’a fait le TGV en son temps, changer la vie des gens en leur permettant, grâce à une offre intermodale, de ne plus prendre leur voiture, qui coûte cher, qui provoque de la congestion dans les villes, qu’on ne sait pas où garer. Le financement se fera projet par projet, avec l’État et les collectivités. La SNCF interviendra pour construire, et sera candidate à l’exploitation de ces services.

M. Peio Dufau (SOC). Je vous demandais votre avis sur le moratoire, en tant que futur ancien directeur habitué à tenir des propos francs.

Quant à la LGV, il faudrait trouver des milliards que nous n’avons pas pour des trains qui ne sont pas essentiels pour les habitants de la région. Le transport pendulaire journalier, donc les Serm, ne doit-il pas être prioritaire ? Il faut faire des choix, nous l’avons entendu pendant toute l’après-midi d’hier.

Mme Christelle Petex (DR). Durant votre mandat, vous avez plaidé inlassablement pour un vaste plan d’investissement dans le rail, un secteur qui, après des années de sous-investissement, doit se moderniser afin, vous l’avez dit, de préserver un service public indispensable, mais aussi de respecter nos engagements en matière de décarbonation et de répondre aux besoins de désenclavement de nos territoires.

L’annonce d’un plan de 100 milliards d’euros d’ici à 2040 faite par l’ancienne Première ministre a suscité beaucoup d’espoir. Mais ce plan n’est pour l’essentiel pas financé, et la faiblesse du soutien de l’État menace des investissements pourtant indispensables à la modernisation et à la sécurité de notre réseau vieillissant comme au respect de nos engagements environnementaux. La SNCF, déjà contrainte d’investir 1,7 milliard d’euros dans le fonds de concours en 2024, ne peut pas agir seule. Nous sommes confrontés à une contradiction flagrante : d’un côté, l’État annonce un plan ambitieux pour le ferroviaire ; de l’autre, la SNCF a dû en assumer les coûts presque seule.

Vous les avez déjà rapidement évoquées : pourriez-vous préciser quelles sont pour vous les grandes priorités de financement ?

Sous la précédente législature, nos collègues sénateurs ont adopté une proposition de loi de M. Tabarot. Il est important d’y revenir. Les chiffres de 2022 – plus de 124 000 victimes de vols et de violences – sont préoccupants. Les caméras-piétons semblent être un dispositif prometteur, à même de mieux lutter contre les incivilités et d’améliorer la sécurité des agents sur le terrain. Quel bilan tirez-vous de leur expérimentation et quelles autres mesures pourraient être envisagées pour renforcer la sécurité des usagers et des agents ?

Enfin, bien que le climat social à la SNCF se soit apaisé, des grèves continuent de perturber gravement le trafic, en particulier durant les périodes de forte affluence. Pensez-vous que ces pratiques, jugées intolérables par de nombreux Français, pourraient faire l’objet d’un encadrement plus strict ? Un certain nombre de mes collègues ont déposé des propositions de loi visant à réduire le droit de grève à certains moments précis.

Je suis certaine que mes collègues aborderont des questions cruciales telles que la place de la desserte des territoires ruraux.

M. Jean-Pierre Farandou. Il y a un accord avec le Gouvernement pour les années 2024 à 2027 : la SNCF va apporter seule 2,3 milliards supplémentaires, ce qui nous permettra déjà de faire davantage.

Reste à déterminer ce qui se passera ensuite. Le besoin est établi : 1,5 milliard supplémentaire pour régénérer le réseau, c’est-à-dire pour remplacer les vieux rails, les vieilles caténaires, et moderniser nos technologies. La SNCF est prête à amplifier son effort de manière régulière, avec 500 millions supplémentaires par rapport aux engagements pris au moment de la réforme : il faut donc encore trouver 1 milliard. Il appartient au Gouvernement de déterminer ce qui doit être fait, mais je vois deux pistes possibles. Il y aura d’abord, à partir de 2027, une taxation des poids lourds européens et des avions des compagnies européennes, dans le cadre du système communautaire d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (ETS). Le revenu fiscal dégagé pourrait être de 2 milliards par an pour la France, dont une moitié pourrait aller au réseau ferroviaire. D’autre part, les concessions autoroutières expirent à partir de 2031, c’est-à-dire un peu plus tard : il y a là aussi des possibilités.

J’ai déjà indiqué que nous souhaitons que la proposition de loi Tabarot aboutisse. Les caméras-piétons fonctionnent bien : 85 % des agents les apprécient. L’annonce que nous allons devoir les retirer va créer de l’émoi, car ils se sont habitués à cet outil qui pacifie les relations avec les usagers – « Souriez, vous êtes filmés »… Nous sommes également favorables au renforcement des pouvoirs des agents de la surveillance générale. Par exemple, ils ne peuvent pas intervenir au-delà de la porte de gare : une extension jusqu’aux parvis et aux gares routières pourrait être intéressante pour leur permettre d’appréhender des individus qui posent des problèmes d’ordre public.

Le droit de grève est constitutionnel. Les règles ne dépendent pas du président de la SNCF. Nous laissons le débat parlementaire se dérouler.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Au nom du groupe Écologiste et social, je vous remercie, ainsi que l’ensemble des cheminots, pour le travail mené ces dernières années, dans des contextes parfois difficiles comme la crise du covid ou encore lors de l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques. Merci aussi pour la posture que vous avez adoptée tout au long de votre mandat de président de la SNCF. Les syndicats l’ont souligné, vous vous êtes toujours montré attaché au dialogue social et aux conditions de travail de vos salariés, ce qui est d’autant plus remarquable dans cette période où la démocratie est malmenée.

Merci enfin pour votre conscience de l’urgence à agir face au changement climatique et du rôle pivot des transports en commun en ce sens. Les mobilités restent le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre en France, à hauteur de 32 %. Les émissions du secteur n’ont pas diminué depuis 1990. Il est donc urgent de réformer en profondeur nos moyens de nous déplacer, comme nos moyens de transporter nos biens. Le meilleur moyen de répondre à cette transition des mobilités est d’investir dans le ferroviaire, tant dans la régénération, la modernisation et le développement du réseau que dans l’amélioration de l’offre de fret et de services aux voyageurs.

Le rail doit aussi être un outil au service de la justice sociale et territoriale, grâce au renforcement des connexions entre les territoires et à une offre diversifiée, attrayante et inclusive.

En février 2023, cet horizon a enfin semblé prendre forme avec la promesse d’un grand plan pour le ferroviaire, doté de 100 milliards d’euros d’ici à 2040. Mais cette annonce d’Élisabeth Borne est restée lettre morte. Notre réseau ferré aurait pourtant besoin d’être rénové et modernisé. Cette régénération nécessiterait d’investir au moins 4 milliards d’euros par an au cours des dix prochaines années. Nous en sommes loin, alors que notre ambition devrait plutôt être d’aller au-delà et de développer notre réseau ferré pour mieux mailler le territoire.

Pourtant, de nombreuses propositions ont déjà été formulées pour dégager les recettes nécessaires à ces investissements : 5 milliards d’euros pourraient venir de la suppression des niches fiscales sur le carburant, sans même parler de celles qui concernent le kérosène ; 3,7 milliards de l’augmentation de la taxe Chirac sur les billets d’avion, comme le proposait la Convention citoyenne ; 1,8 milliard par an de l’abaissement du seuil du malus poids sur les SUV. Les solutions ne manquent pas, sans compter la manne autoroutière, une taxe poids lourd à l’image de celle mise en place par l’Allemagne, une taxe sur les grands voyageurs de l’aérien… Ce n’est pas une impossibilité financière qui entrave le développement du rail, mais bien un manque de volonté politique.

Dans le contexte d’urgence climatique que nous connaissons, quelles actions pourraient selon vous, en toute franchise, créer un choc de l’offre dans les transports ferrés, tant pour les voyageurs que pour le fret ?

M. Jean-Pierre Farandou. Avant de se lancer dans le développement du réseau, il faut se préoccuper de l’existant : n’oublions pas ces 30 000 kilomètres qui constituent le patrimoine de notre pays, le réseau des territoires, emprunté par des millions de personnes tous les jours. Les TGV sortent des lignes à grande vitesse pour aller sur des lignes classiques : le réseau est un tout, et il faut vraiment faire tout ce qui est possible pour qu’il tienne. Je sens que cette opinion est largement partagée par la représentation nationale, et je vous en remercie.

Les Serm me paraissent vraiment le projet à même de développer énormément les transports en commun. Beaucoup, aujourd’hui, n’ont pas le choix : les gens du Médoc ne font pas exprès de prendre leur voiture pour faire 40 kilomètres et entrer dans Bordeaux ; ils n’ont simplement pas d’autre solution. Il y a peut-être un train par heure sur la malheureuse voie unique : ce n’est pas à la hauteur des besoins. Avec les Serm, des gens qui habitent en zone rurale pourraient prendre leur voiture mais la laisser à la première gare et utiliser les transports en commun pour rejoindre la métropole, où ils pourront aussi circuler à vélo. Bien sûr, ce sont des projets différents selon les territoires.

En matière de fret, une politique volontariste est indispensable. La route est un concurrent redoutable : si on laisse faire le marché, elle prendra tout. Un camion de 40 tonnes a fait quatre fois l’aller et retour pendant qu’il a fallu chercher un wagon de 40 tonnes, l’incorporer dans un train, le trier une, deux fois, le livrer. Une intervention politique est donc nécessaire si l’on souhaite maintenir le wagon isolé dans notre pays, je l’ai dit. Aujourd’hui, il n’y a pas assez de sillons pour les trains de fret : les trains de voyageurs ont pris toute la place. Il faut donc créer de l’infrastructure.

Quant aux lignes à grande vitesse, elles contribuent formidablement au développement du trafic et de l’économie.

Le ferroviaire a un rôle central à jouer dans la transition écologique, car, dans l’immédiat, il est le seul mode de transport qui concilie le respect de la planète et le développement économique.

M. Jimmy Pahun (Dem). À mon tour, je salue votre action à la tête de la SNCF, qui a retrouvé depuis trois ans le chemin de la rentabilité et s’efforce de renforcer l’attractivité du rail dans un contexte difficile.

Le prix des billets de train varie grandement selon les plateformes de réservation, et reste assez cher. Comment améliorer l’information des voyageurs sur votre tarification ?

J’illustrerai la question des Serm par quelques exemples. La liaison Redon-Quimper passera de vingt-six à quarante trains en cinq ans, soit une augmentation du trafic de quelque 12 % par an. Entre Auray et Quiberon, la circulation croîtra de 16 %. Je regrette que cette ligne – le fameux « tire-bouchon » – ne soit en service que trois mois par an, alors que le reste de l’année, plus de 147 220 voyageurs sont acheminés en bus sur cet axe, l’un des plus fréquentés de Bretagne. Ne pourrait-on pas y expérimenter le train léger innovant ?

Bien que la SNCF dégage un résultat net positif, les péages que la région Bretagne verse à RFF/ SNCF Réseau croîtront de 9 %. Cela obligera certainement la région à augmenter le versement mobilité. Pour sa part, la SNCF devra rendre plus de 1 milliard d’euros à l’État. Cet argent ne devrait-il pas plutôt être investi dans les petites lignes ?

Enfin, pouvez-vous m’aider à convaincre RTE, le préfet et les élus locaux de faire passer le câble de raccordement de la ferme éolienne de Groix et Belle-Île le long du ballast de la ligne Auray-Quiberon, qui doit prochainement être remplacé ? Cela éviterait de mener deux importants chantiers à 5 kilomètres de distance.

M. Jean-Pierre Farandou. Les péages sont acquittés par les transporteurs ferroviaires pour rouler sur le réseau, et servent à assurer sa maintenance. En France, ils sont davantage répercutés sur les usagers des trains, via le prix du billet, ou sur les autorités organisatrices de la mobilité, que sur les contribuables, via le budget de l’État – l’Italie et l’Espagne ont fait le choix inverse. Le tarif des péages, validé par l’Autorité de régulation des transports pour trois ans, reflète les coûts de maintenance ; il se trouve que ceux-ci ont augmenté de 10 % sous l’effet de la hausse du prix de l’énergie.

Du fait de ses bons résultats en 2024, la SNCF versera 1,7 milliard d’euros dans le fonds de concours – autrement dit, dans les caisses de l’État – afin de financer des investissements ; 1 600 chantiers sont prévus. Cet argent profite donc bien au réseau.

Enfin, la ligne Auray-Quiberon et son matériel roulant avaient besoin d’être rénovés. La région Bretagne a trouvé des solutions pour assurer la pérennité de ce service indispensable l’été. Il lui revient de déterminer si la ligne doit être exploitée en dehors de la période estivale. Des études sont en cours s’agissant de la rénovation du ballast. Je vous en communiquerai les résultats.

M. Sylvain Berrios (HOR). Nous vous félicitons de la bonne santé financière de la SNCF, qui permet d’aborder l’avenir avec sérénité. Dans la perspective de l’ouverture prochaine à la concurrence, dans quels marchés internationaux souhaitez-vous vous inscrire prioritairement ?

Le développement du fret est une pierre angulaire de la transition écologique. Vous avez rappelé tout à l’heure que sa part modale était aux alentours de 10 % ; la loi « climat et résilience » de 2021 affiche l’ambition de la doubler d’ici à 2030. Cela suppose des infrastructures et l’ouverture de voies secondaires dans des zones denses. Quel dialogue entendez-vous engager avec les élus locaux là où ces travaux risquent de perturber la vie des habitants et l’aménagement des territoires ?

J’insiste sur le rôle que doit jouer la SNCF dans la vitalité des territoires, en particulier ruraux. À cet égard, l’offre Flexy – dont le modèle économique n’est, certes, pas encore stabilisé – peut être déterminante. Où en est ce projet ?

Pour finir, qu’en est-il de la soutenabilité des investissements dans le tunnel de la Maurienne ?

M. Jean-Pierre Farandou. La SNCF a une tradition ancienne de coopération avec les pays d’Europe du Nord – Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Suisse et Luxembourg. En la matière, la marque phare est Eurostar, société ferroviaire européenne dans laquelle la SNCF est majoritaire. Citons aussi les services Alleo et Lyria, exploités respectivement avec l’Allemagne et la Suisse. Ces coopérations donnent satisfaction et excluent une entrée en concurrence.

Avec les pays d’Europe du Sud, en revanche, la concurrence est de mise. Nous avons ainsi ouvert le service à grande vitesse et à bas coût Ouigo España, qui remporte un vrai succès. Nous envisageons également d’ouvrir des lignes en Italie.

S’agissant du développement du fret, nous mènerons toutes les concertations utiles avec les élus. Les nouvelles lignes ou les raccordements ferroviaires éviteront toutefois les centres-villes, au profit des zones périphériques – le contournement fret de l’agglomération lyonnaise en est un bon exemple.

Les Serm contribueront pour leur part à relier les territoires ruraux. Plus encore, la future navette rail-route Flexy sera le dernier maillon jusqu’à la ruralité profonde. Elle desservira des villages ou des hameaux et empruntera des petites lignes ferroviaires, aujourd'hui en partie désaffectées, jusqu’à des gares de correspondance avec les Serm.

Enfin, nous déployons tous nos efforts pour rouvrir la circulation en Maurienne, en concertation avec les élus. Nous devons absolument purger la falaise afin d’éviter de nouveaux problèmes dans quelques années. Jusqu’à ce que nous ayons passé ce mauvais cap, la desserte des stations de ski est assurée par autocar depuis Saint-Michel-de-Maurienne.

 

L’audition est suspendue quelques instants.

 

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Je m’associe à mes collègues pour saluer le bilan positif de votre action à la tête de la SNCF. J’adresse également mes félicitations à l’ensemble de vos agents qui ont participé à la réussite des Jeux olympiques.

Le groupe LIOT est attaché aux territoires, à leur vitalité et à leur accès à des solutions de mobilité. La présence d’une gare et d’une desserte fréquente contribue à l’attractivité des communes, permettant à tous, des plus jeunes aux plus âgés, de se déplacer et de se rendre au travail à moindres frais. C’est aussi un élément de fierté pour les habitants, qui nourrit leur sentiment d’appartenance à la dynamique du pays. Est-il envisageable d’augmenter le nombre de dessertes, en particulier sur les petites lignes ? Dans le maintien d’une ligne, où se situe l’équilibre entre la rationalité économique et l’engagement auprès des territoires au titre de la continuité des services publics ?

Ma circonscription est très touchée par l’irrégularité des trains et l’insuffisance des dessertes. À moyen terme, est-il envisageable d’accroître celles-ci et de rouvrir certaines petites lignes ?

Les Serm, dont vous dites qu’ils sont l’avenir du train, suscitent une forte attente dans les territoires. Comment seront-ils financés ? La SNCF compte-t-elle investir dans leur généralisation ? Quels types de projets seront prioritaires ? Adopterez-vous une approche qualitative ? Le prix actuellement acquitté par les voyageurs assure-t-il un équilibre économique satisfaisant, ou faudra-t-il accroître la participation des pouvoirs publics, voire des usagers ? Êtes-vous favorable à l’abaissement du taux de TVA des billets de TER à 5,5 % ?

La SNCF est une galaxie de structures. Lorsqu’une collectivité souhaite réaménager une friche ou un terrain délaissé qui appartient au groupe, elle se retrouve en absurdie. Voilà dix ans que la commune dont j’ai été maire tente d’acheter une friche contiguë à la gare afin d’aménager l’accès à celle-ci. Terrain pollué, réseau de télécommunication à dévoyer, dossier passant de main en main entre des personnes qui le maîtrisent rarement, sont autant de facteurs bloquants. Cet exemple est loin d’être isolé. À l’heure du ZAN – l’objectif zéro artificialisation nette – et des mobilités durables, la réhabilitation des friches est pourtant essentielle. Comment améliorer la transmission du foncier de la SNCF quand il est pollué ? La SNCF ne doit-elle pas assurer la dépollution de ses terrains, plutôt que d’en faire porter le coût sur les collectivités acheteuses ?

Enfin, de nombreux militants pour le climat appellent à un changement dans nos modes de transport, le train étant appelé à se substituer à la voiture et à l’avion. Les infrastructures existantes et prévues peuvent-elles soutenir l’augmentation de la fréquence des trains qui en résulterait mécaniquement ? Quels sont les scénarios de croissance imaginés par la SNCF ?

M. Jean-Pierre Farandou. Toutes les petites lignes sont désormais gérées par les régions ; leur développement dépend donc du volontarisme de ces dernières. La région Occitanie, par exemple, a consenti des investissements importants pour rouvrir deux lignes, dans les Cévennes et les Pyrénées, qui étaient jusqu’alors arrêtées. SNCF Réseau réalise les travaux qui lui sont demandés dès lors qu’ils sont financés, et SNCF Voyageurs se propose pour opérer les services définis par les régions. L’État peut contribuer au financement de ces travaux, dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) ou en dehors, comme l’avait fait M. Djebbari. La SNCF est favorable au développement des petites lignes et s’efforce de trouver des solutions pour réduire le coût des travaux, du matériel roulant et de l’exploitation des lignes.

Le financement des Serm sera décidé entre l’État et les collectivités concernées – régions, métropoles, départements –, et sera essentiellement assumé par ces dernières. SNCF Réseau interviendra peu dans ces investissements, mais se concentrera sur la régénération et la modernisation du réseau existant.

Ce sont également les régions qui déterminent librement le prix du billet de TER acquitté par l’usager. J’estime que ce prix doit rester modéré, avec des abonnements à 40 ou 50 euros partiellement pris en charge par les employeurs. En revanche, le TGV ne bénéficie d’aucune subvention ; ce n’est pas stricto sensu un service public. Il a besoin de recettes dynamiques. C’est pourquoi nous jouons sur des gammes de prix. Ils sont au plus bas avec l’offre Ouigo, à condition d’acheter son billet le plut tôt possible. La carte Avantage ouvre aussi droit à des réductions pour les déplacements fréquents. L’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) est évidemment favorable à une baisse du taux de TVA des billets de train, répercutée sur les usagers. Il reste à savoir si elle doit concerner uniquement les transports du quotidien, ou également les trajets en TGV.

Je vous le concède : la SNCF est une galaxie plurielle. Aussi avons-nous désigné un coordinateur dans chaque région, porte d’entrée facilement identifiable pour les élus locaux.

Enfin, je vous invite à me communiquer le dossier de réhabilitation de friche auquel vous avez fait référence. Dans tous les cas, nous voulons faciliter au maximum la vie des élus.

M. Édouard Bénard (GDR). Je ne reviendrai pas sur le sujet douloureux du plan de démantèlement – ou de discontinuité, pour employer la terminologie bruxelloise – de Fret SNCF. Vous avez clairement répondu quant aux prédations du marché qui, en toute logique et sans politique volontariste, ont pour conséquence de « nettoyer » le fret.

En ce qui concerne le transport de voyageurs, vous avez décidé de créer des filiales dédiées pour répondre aux appels d’offres de TER, alors que rien ne vous y contraignait. Cela inquiète les cheminots. Dans la période d’austérité qui s’annonce, cela ne risque-t-il pas de provoquer un surcoût pour les régions, dont beaucoup investissent dans la régénération des infrastructures et l’achat de matériel roulant ?

Dans la continuité du plan pour le rail de 100 milliards d’euros annoncé par un précédent gouvernement, vous paraîtrait-il souhaitable que le Parlement adopte une loi pluriannuelle de financement des infrastructures ferroviaires ?

M. Jean-Pierre Farandou. Si nous ne constituions pas des filiales dédiées pour répondre aux appels d’offres, nous n’aurions aucune chance de les remporter. En effet, si la maison mère se portait candidate, les règles d’utilisation de son personnel s’appliqueraient ; or elles sont plus contraignantes que celles de la branche. En conséquence, l’offre de la SNCF serait 5 % à 10 % plus élevée que celle de ses concurrents. Je l’ai d’emblée expliqué aux organisations syndicales. J’ajoute que les cheminots transférés dans une société dédiée bénéficient des mêmes éléments de protection sociale que précédemment – c’est un « sac à dos social » amélioré. Hormis les conditions d’utilisation du personnel, rien ne change de leur point de vue.

Un avenant au contrat pluriannuel de performances, qui court jusqu’à 2032, est en cours de négociation entre SNCF Réseau et l’État. J’invite la commission à s’y intéresser. Il sera l’occasion de clarifier, dans la durée, le financement des travaux nécessaires pour le réseau ferroviaire français.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Timothée Houssin (RN). Le tronçon Mantes-Paris de la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN) est indispensable. Malgré ses 3 millions d’habitants et plus de 5 millions de passagers annuels en provenance ou à destination de la capitale, la région Normandie reste la grande oubliée des investissements en matière d’infrastructures ferroviaires. Bien qu’elle soit cruciale pour le développement économique et la décarbonation, la LNPN rencontre l’opposition du conseil régional d’Île-de-France, qui demande son abandon. Le projet visant à faciliter la traversée de l’Île-de-France par les trains normands est pourtant reconnu d’intérêt national depuis 2020. Bénéfique pour le transport de marchandises et de passagers entre Paris et la Normandie, la LNPN permettrait aussi de libérer des sillons au profit des passagers franciliens et du fret approvisionnant l’Île-de-France. Pensez-vous comme nous que cette ligne, en particulier son tronçon Mantes-Paris, est d’intérêt national ? La SNCF défend-elle auprès de l’État la nécessité de faire avancer ce dossier ? Que répond votre groupe aux inquiétudes des Normands, qui voient depuis des décennies leur temps de trajet vers Paris s’allonger alors qu’il se réduit fortement dans toutes les autres régions de France ?

M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Bien que vous ayez négocié un accord sur les fins de carrière plus favorable aux cheminots, votre mandat à la tête de la SNCF est durement marqué par la libéralisation du secteur ferroviaire. Vous avez en effet décidé de faire concourir la SNCF aux appels d’offres par l’intermédiaire de filiales de droit privé. Par ailleurs, comme le rappelait le secrétaire général de la CGT cheminots, votre groupe a travaillé de concert avec le ministère des transports sur un plan de discontinuité plus de deux ans avant l’annonce de ce dernier. Vous comptez également dans votre bilan la liquidation de Fret SNCF. La France accuse pourtant, par rapport à la moyenne européenne, un retard important en matière de fret ferroviaire, dont la part modale n’est que de 10,4 %. Vous avez plaidé pour un plan d’investissement massif dans le rail afin de traiter les enjeux climatiques, mais la répartition des crédits reste floue. Comment vous paraît-il possible de concilier l’impératif de service public et l’enjeu climatique, deux notions totalement opposées à la logique de libéralisation et à la recherche de profit ? Enfin, comment comptez-vous garantir un avenir au fret ferroviaire et aux trains du quotidien ?

M. Pierrick Courbon (SOC). Ma question, à laquelle j’associe Jean-Pierre Taite, porte sur le sujet crucial de la desserte de Saint-Étienne, treizième ville de France, par des TGV directs. Nous avons été émus d’apprendre la volonté de la SNCF de revenir sur la présence de conducteurs de TGV basés à Saint-Étienne – votre groupe a formulé les choses de manière plus pudique puisqu’il est question d’« optimiser la répartition de la charge entre [les] différentes résidences Traction » de l’axe TGV Sud-Est. Ces mots renouvellent notre crainte de voir remis en cause les quatre allers-retours quotidiens entre Saint-Étienne et Paris. S’il y a un sujet qui fait l’unanimité des habitants ainsi que des décideurs institutionnels, économiques et politiques du territoire stéphanois – un territoire en souffrance –, c’est bien la nécessité de conserver à tout prix le TGV direct entre Paris et Saint-Étienne. Pouvez-vous nous donner des garanties quant à la pérennité de cette ligne ?

M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Durant la campagne législative, j’ai été interpellé à de nombreuses reprises sur l’état de délabrement du pont de Saint-Ladre à Crépy-en-Valois. Une fois élu, je vous ai envoyé un courrier, resté sans réponse, pour vous demander si la SNCF envisageait d’accélérer le calendrier de réparation de ce pont d’une importance capitale pour mon territoire. On nous laissait entendre que les travaux ne seraient pas réalisés avant 2027 ou 2028, avec une participation un peu étiolée du conseil départemental de l’Oise. Toutefois, depuis que je me suis intéressé à cette question, un communiqué faisant état d’un début des travaux avancé en 2026 a été publié dans Oise Hebdo. Au nom des usagers dont je me fais ici le porte-parole, je vous demande d’éclaircir la situation et je sollicite un rendez-vous avec vous ou vos équipes afin qu’une décision puisse être entérinée.

Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP). Au cours des prochaines années, des travaux rendront difficile la circulation des trains de nuit et de fret. Craignant une fermeture complète des voies à la circulation, le collectif « Oui au train de nuit ! » a reçu du ministère chargé des transports la réponse suivante : « L’alternative pourrait être de développer la pratique d’autoriser la circulation de trains sur la voie contiguë. Toutefois, cette option nécessite de s’assurer de sa faisabilité d’un point de vue industriel et sécurité. » La SNCF pourrait-elle réaliser et publier une étude comparant le coût de la non-circulation des trains au surcoût occasionné par des travaux sur une seule voie ? Quelles seraient les conditions à réunir pour rendre possible cette hypothèse, sachant que les travaux sont majoritairement externalisés à des entreprises du BTP (bâtiment et travaux publics) et à leurs sous-traitants ? La SNCF pourrait-elle imposer un niveau de formation minimal des personnels des sous-traitants afin de garantir la sécurité ? Enfin, pour comparer les coûts, assurer la sécurité et garantir la qualité des travaux, ne serait-il pas plus simple de réinternaliser certains chantiers et de les confier au personnel expérimenté de SNCF Réseau ?

M. Julien Guibert (RN). Je souhaite appeler votre attention sur deux points essentiels pour les habitants de mon département, la Nièvre, et, plus largement, pour l’ensemble des usagers des lignes rurales.

La ligne Paris-Clermont est en attente de régénération et de modernisation, mais les dysfonctionnements récurrents – retards et suppressions de trains – sont devenus insupportables, ce qui affecte gravement la qualité du service public. Quelles mesures concrètes avez-vous prévues pour garantir un suivi rigoureux des travaux et assurer durant cette période transitoire une continuité du service qui réponde aux attentes des usagers ?

Par ailleurs, l’ouverture à la concurrence de l’offre TER suscite des inquiétudes. Ce mouvement pourrait-il remettre en question l’efficience et l’accessibilité des transports ferroviaires pour les habitants des zones rurales ? Je pense en particulier à la ligne du Morvan, qui dessert notamment Clamecy, Corbigny et Avallon.

La SNCF joue un rôle crucial dans la mobilité rurale, enjeu vital pour l’économie et la population de nos campagnes. Quelles garanties apportez-vous pour que la SNCF continue d’accomplir cette mission, dans un contexte de concurrence et de modernisation nécessaire des infrastructures ?

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). La France est lanterne rouge des pays européens en matière d’investissement dans les infrastructures ferroviaires. Avec une dépense de 51 euros par habitant en 2023, nous sommes très loin de l’Allemagne, qui y consacre 115 euros par habitant, ou de l’Autriche, où ce ratio atteint 336 euros. La France investit peu – c’est un fait –, et elle investit mal. Notre réseau ferroviaire, dont l’âge moyen est de 30 ans, contre 17 ans en Allemagne, est vieillissant et peu performant. Alors que sa régénération devrait être une priorité, les investissements de l’État en la matière stagnent depuis plus de dix ans, et aucun effort supplémentaire n’est prévu dans les prochaines années. Dans ce contexte, pensez-vous qu’il soit raisonnable de poursuivre la politique du tout-TGV, à l’origine du sous-investissement chronique dans l’entretien du réseau, et de dépenser plus de 14 milliards d’euros pour construire deux nouvelles lignes à grande vitesse (LGV), Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, alors que ces liaisons existent déjà, fonctionnent et pourraient être optimisées ?

Mme Julie Lechanteux (RN). Le projet de ligne nouvelle Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) représente un investissement colossal, de plus de 12 milliards d’euros, financé à 40 % par des collectivités locales déjà asphyxiées financièrement qui n’auront pas les moyens de supporter un tel fardeau sans envisager une augmentation d’impôts. Ce projet a pour ambition de réduire le temps de trajet entre Marseille et Nice de seulement trente minutes, à l’horizon lointain de 2050. Cette perspective est difficilement justifiable au regard de l’ampleur des financements demandés, sans parler de l’impact environnemental du projet.

Ce dernier soulève plusieurs questions légitimes. Comment justifier un tel investissement alors que l’entretien des lignes existantes, essentiel à la sécurité et à la qualité du service, n’est toujours pas réalisé ? Est-il judicieux de poursuivre ces investissements alors que le projet prévoit notamment la fin de l’arrêt des TGV en gare de Saint-Raphaël, ce qui pénaliserait 1,5 million de voyageurs et emporterait des conséquences dramatiques pour l’attractivité économique et touristique du territoire ?

M. Jean-Pierre Taite (DR). À l’instar de mon collègue Pierrick Courbon, j’espère que vous nous confirmerez qu’aucune suppression de TGV entre Saint-Étienne et Paris n’est envisagée.

Le CPER 2023-2027 d’Auvergne-Rhône-Alpes prévoit un financement de la région à hauteur de 70 millions d’euros et de l’État à hauteur de 104 millions. Vous engagez-vous à ce que toutes les petites lignes restent en service ?

Sur la ligne Boën-Thiers, actuellement fermée, dans ma circonscription, la région s’est engagée à financer le matériel roulant mais attend toujours une réponse de la SNCF quant à la réhabilitation de l’infrastructure. Quel calendrier de travaux avez-vous défini ?

Enfin, sur la ligne TER Boën-Montbrison-Saint-Étienne, il est prévu que SNCF Réseau supprime un poste d’aiguillage en gare de Saint-Romain-le-Puy, empêchant le croisement des trains et pénalisant de nombreux usagers. Le bon sens serait pourtant de renforcer ce poste, ce qui permettrait d’accueillir davantage d’usagers confrontés quotidiennement à l’engorgement de l’A72. Aurez-vous ce bon sens ?

M. Sébastien Humbert (RN). La mobilité ferroviaire constitue un enjeu important pour le désenclavement de nos départements ruraux ; or, malheureusement, les lignes de desserte fine des territoires sont celles dont l’État accompagne le moins le financement. À titre d’exemple, le financement des travaux d’urgence inscrits au CPER pour l’ensemble des lignes identifiées dans la région Grand Est devrait revenir pour environ 63 % à la région, contre seulement 28 % à l’État et 8,5 % à SNCF Réseau. Pourrait-on envisager une participation plus significative de l’État et de SNCF Réseau dans la réfection de ces lignes ?

En outre, pouvez-vous nous confirmer que la ligne Nancy-Lyon, suspendue depuis 2018 et dont la réouverture est prévue le 8 décembre prochain, a vocation à être pérennisée, que la totalité de ses arrêts – y compris Neufchâteau, dans les Vosges – seront maintenus et que l’augmentation de la fréquence de rotation de la ligne sera effective dans un deuxième temps, comme cela était initialement prévu ?

M. Nicolas Ray (DR). À chacune de vos auditions, nous vous interrogeons sur la ligne Paris-Clermont, qui connaît des difficultés structurelles telles que des pannes ou des retards. Une mauvaise nouvelle nous est parvenue en début d’année : les nouvelles rames Oxygène, dont la livraison était prévue en 2025, n’arriveront qu’en 2027. La qualité de service dans les trains Corail actuels, très anciens, ne justifie pas les tarifs en vigueur. En attendant la livraison des rames Oxygène, accorderez-vous donc une compensation tarifaire aux usagers, comme le précédent gouvernement s’y était engagé en répondant à l’une de mes questions ? Par ailleurs, qu’en est-il de l’étude envisagée en vue de réduire le temps de parcours sur cette ligne ? Il s’agit là d’un élément indispensable pour le développement et l’attractivité du Massif central.

M. François-Xavier Ceccoli (DR). Ma question concerne des lignes particulières telles que celles exploitées par les Chemins de fer de la Corse ou la ligne Digne-Nice, caractérisées par une absence d’électrification, une forte déclivité – de l’ordre de 30 mètres pour 1 000 –, le franchissement de cols et l’utilisation de voies métriques. À ce jour, les matériels utilisés sont à la fois très polluants et fort coûteux au vu des faibles séries fabriquées.

Vous avez évoqué le développement d’un nouveau train électrique, appelé Draisy, fruit d’une collaboration entre votre entreprise et le groupe alsacien Lohr. Son déploiement opérationnel est prévu en 2028. Peut-on espérer une déclinaison particulière de ce train, peut-être en mode hybride, pour qu’il puisse être utilisé sur les lignes spécifiques auxquelles je faisais allusion ?

M. David Magnier (RN). Lors de votre dernière audition, vous avez souligné l’importance du partenariat entre la SNCF et les régions pour la gestion des TER. Cependant, dans de nombreuses circonscriptions rurales – comme la mienne – où les TER constituent l’épine dorsale du transport, les collectivités locales peinent à en assumer seules les coûts. Elles manquent souvent de ressources pour moderniser ou maintenir ces lignes, tandis que les inquiétudes grandissent quant à un potentiel désengagement progressif de la SNCF qui pourrait priver certains territoires de solutions de mobilité viables. Selon un rapport d’information du Sénat, les collectivités et l’État supportent une part importante du financement des TER alors que les péages de TGV et les coûts d’exploitation augmentent, ce qui pèse sur les petites lignes. Comment la SNCF pourrait-elle alléger cette pression financière et participer davantage au cofinancement des TER et des petites lignes ? Seriez-vous prêt à envisager l’élaboration d’un plan financier visant à garantir un service public ferroviaire de qualité dans tous les territoires, y compris les plus ruraux ?

M. Jean-Pierre Farandou. La ligne nouvelle Paris-Normandie est bien sûr, pour la SNCF, un projet d’intérêt national. Nous connaissons les fonctionnalités du projet, ses objectifs et ses vertus écologiques telles que la séparation des flux et l’accroissement des capacités. Nous attendons maintenant que l’État et les deux régions concernées parviennent à se mettre d’accord. Comme vous, monsieur Houssin, j’ai noté les oppositions exprimées par la région Île-de-France. Il faut arriver à surmonter ces difficultés et créer les conditions du démarrage de ce projet utile.

Il est très important que les nouvelles sociétés qui naîtront des cendres de Fret SNCF soient viables. Il s’agit même d’une condition posée par l’Union européenne. Pour permettre à ces sociétés de survivre et de se développer, l’aide publique apportée au secteur doit être portée de 170 à 200 millions d’euros, conformément aux annonces du ministre des transports il y a plus d’un an, et des investissements spécifiques au développement du fret doivent être réalisés. Nous savons quelles sont nos priorités : moderniser les triages, aménager les voies de service, traiter les goulets d’étranglement, assurer l’accès aux ports.

Le volet économique du plan de discontinuité, qui prévoyait l’abandon de vingt-trois flux, a privé d’emploi quelque 500 agents. J’ai pris l’engagement de retrouver, au sein de la SNCF, un poste à chacun d’entre eux. Les démarches sont en cours : nous étudions la situation région par région, dossier par dossier, et nous allons y arriver. Bon nombre des cheminots concernés seront accueillis dans le secteur des TER.

Je coupe court à une mauvaise rumeur : il n’y aura pas de réduction des liaisons directes entre Saint-Étienne et Paris.

Dans l’affaire du pont de Saint-Ladre, nous sommes rattrapés par l’imbroglio administratif français : ce pont, qui surplombe la voie ferrée, est géré par le département de l’Oise, mais les travaux relèvent de SNCF Réseau. Vous avez évoqué la partie de ping-pong entre les deux acteurs, mais nous sommes en train de converger. À ma connaissance, les travaux pourront être réalisés en 2026. Si vous souhaitez me rencontrer, monsieur Vos, c’est avec grand plaisir que nous vous confirmerons ces informations et que nous vous donnerons plus d’éléments sur la nature et le déroulement des travaux prévus ainsi que sur la répartition des financements.

Les trains de nuit sont des trains d’équilibre du territoire (TET) ; c’est donc l’État, l’autorité organisatrice, qui a la charge des matériels et qui décide si ces trains roulent, où ils s’arrêtent et combien coûtent les billets achetés à bord. S’il veut développer les trains de nuit, il devra investir dans du matériel roulant – celui que la SNCF utilise actuellement a certes été rénové, mais il est à bout de souffle – et dans des locomotives.

S’agissant des travaux dans la Nièvre, on touche à un éternel problème : les travaux sont nécessaires pour maintenir la voie mais ils gênent la circulation des trains et les usagers. Nous menons des concertations et essayons de trouver les meilleurs équilibres possibles. Les financements sont acquis, ce qui est une bonne nouvelle par rapport à d’autres dossiers : en l’occurrence, l’État a prévu les sommes nécessaires pour permettre à SNCF Réseau de réaliser les travaux. Ces derniers, indispensables, ont été engagés, et nous devons les mener avec discernement, moyennant peut-être quelques ajustements.

Dans quelles conditions peut-on réaliser des travaux sur une seule voie ? Ce n’est pas impossible, mais délicat – c’est plus dangereux que d’interrompre complètement les circulations. Honnêtement, nous n’aimons pas trop cela. En outre, cette solution présente des surcoûts car les travaux prennent plus de temps : les ouvriers ne sont pas à leur aise et doivent absolument respecter des procédures de sécurité pour ne pas être happés par un train passant à 160 kilomètres à l’heure sur la voie d’à côté. Comme vous l’avez dit, il faut mettre en balance le surcoût des travaux et la gêne occasionnée par la non-circulation des trains.

La question des petites lignes est récurrente. Je le répète, la SNCF est ravie d’y faire des travaux, mais ce n’est pas elle qui les finance. L’argent est le nerf de la guerre : les crédits sont accordés par la région, et éventuellement par l’État si cela est prévu par les CPER. Je vous invite donc à consulter ces documents, qui fixent la limite jusqu’à laquelle les travaux sont possibles.

La mobilité rurale fait partie des choses qui comptent, et le ferroviaire doit jouer un rôle en la matière. L’organisation générale revient aux autorités organisatrices dans les régions, dont la loi d’orientation des mobilités (LOM) a renforcé la position – elles sont vraiment les patronnes de toutes les mobilités sur leur territoire. Notre contribution consiste à proposer des systèmes d’exploitation moins coûteux. Or les nouveaux matériels roulants, que j’ai déjà évoqués plusieurs fois, coûtent moins cher que les matériels actuels : comme ils sont moins lourds, les voies sur lesquelles ils roulent ont moins besoin d’être maintenues. En d’autres termes, on peut se permettre de retenir des normes de maintenance un peu inférieures et les voies deviennent ainsi moins coûteuses.

Je connais bien les chemins de fer corses car j’ai été responsable de ce réseau régional à l’époque où la structure qui les gérait était une émanation de la SNCF. Ce n’est plus le cas : cette structure est devenue d’abord une société d’économie mixte (SEM), puis un établissement public industriel et commercial (Epic), ce qui signifie que la collectivité de Corse est désormais la patronne des chemins de fer de l’île. Il y a un enjeu de matériel, compte tenu de la complexité du réseau – il me semble d’ailleurs que des experts de la SNCF ont été sollicités pour aider la collectivité à choisir le meilleur matériel roulant. La voie métrique est un handicap car elle n’est pas compatible avec les matériels que j’évoquais tout à l’heure. Du reste, peu de constructeurs européens s’y intéressent, si ce n’est Stadler Rail, en Suisse, et Caf, le repreneur de Soulé, près de Bagnères-de-Bigorre. Il est toujours possible de revoir les choses, mais cette option n’a pas été choisie sur les nouveaux matériels car les pentes importantes sont très spécifiques aux lignes de montagne.

Le tout-TGV est passé de mode.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Bien sûr que non ! Et le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest ?

M. Jean-Pierre Farandou. Je n’ai pas dit non plus qu’il n’y avait plus de TGV du tout ! J’aime tous mes enfants ferroviaires : les transports de la vie quotidienne, les TER, les Transilien, les TGV… Cependant, vous avez raison, il y a là des questions d’argent et de priorités. Pour ma part, je le répète, ma priorité est le réseau existant, mais s’il est possible de tout faire, ce sera avec plaisir ! C’est par l’offre que nous réussirons à développer le trafic : le fameux « fois deux » que j’évoquais tout à l’heure – le doublement de la place du train – passe aussi par la mise en œuvre de tous ces projets.

S’agissant de la ligne nouvelle en Paca, je ferai peu ou prou la même réponse : il s’agit d’un bon projet. Sur la Côte d’Azur, à partir du Var, il n’y a pas de place pour autre chose que la mer, la voie ferrée classique, l’autoroute et l’Esterel. Or la mobilité augmente fortement dans la région et les capacités de transport actuelles sont saturées : l’été, quand les touristes arrivent, on ne s’en sort pas ! Puisque les solutions offertes par l’autoroute et le transport en bateau sont limitées, et que l’on ne va pas percer la montagne, nous n’avons pas d’autre choix que d’adapter la ligne ferroviaire actuelle. Ce projet de ligne nouvelle doit donc être vu comme une manière d’augmenter la capacité ferroviaire plutôt que d’améliorer la performance en termes de vitesse. Du reste, il est globalement bien reçu par les élus locaux, qui savent que seul le ferroviaire peut apporter une solution à la saturation de la mobilité.

L’important CPER d’Auvergne-Rhône-Alpes a fait l’objet d’âpres négociations entre la région et l’État ; il ne reste plus maintenant qu’à l’exécuter. Soyez donc vigilants : il faut que le budget 2025 contienne les crédits nécessaires à la mise en œuvre des CPER dans le domaine des transports ! Pour ma part, je souhaite bien sûr que les budgets soient au rendez-vous et nous permettent de poursuivre tous les projets que nous avons évoqués, notamment pour les lignes régionales mentionnées dans les CPER.

Monsieur Taite, vous avez cité des exemples de lignes régionales, ouvertes ou non. Je le répète, la SNCF ne finance plus ces lignes-là. Il revient à l’État et aux collectivités d’apporter les financements nécessaires ; dès lors, nous réaliserons les travaux, de la manière la plus astucieuse et la moins chère possible pour les payeurs.

La ligne Nancy-Lyon, suspendue à la suite de la crise du covid, a été restaurée dans le cadre des trains d’équilibre du territoire. L’État a ainsi reconnu que cette ligne relevait d’une logique d’aménagement du territoire. La région Grand Est a prêté du matériel roulant pour démarrer la liaison à partir du service d’hiver, le 15 décembre prochain. Cette solution va permettre de tenir quelque temps, mais la même question que pour les trains de nuit ne manquera pas de se poser : la région Grand Est ne pourra pas mettre à disposition son matériel indéfiniment ; dans quelques années, l’État devra réaliser les investissements nécessaires et acheter le matériel roulant pour garantir la durabilité de la ligne, voire augmenter la fréquence des trains. La desserte de Neufchâteau sera bien sûr assurée dans le cadre de la pérennisation de la ligne.

Je connais évidemment les difficultés, qui ne sont pas nouvelles, de la ligne Paris-Clermont. La situation pourrait même empirer puisque l’on a appris que le constructeur Caf n’était pas en mesure de livrer les nouvelles rames conformément au planning prévu. Ces deux années de retard constituent une très mauvaise nouvelle car le matériel roulant fait partie de la difficulté : nous exploitons des locomotives vieilles de 40 ans et des voitures Corail comparables à des R16. Soyez sûrs que les cheminots sont pleinement mobilisés : ils suivent des plans de maintenance renforcée, bichonnent le matériel, prévoient des locomotives de secours et s’apprêtent à clôturer les voies pour empêcher le passage de sangliers. Les travaux d’infrastructure avancent, parfois trop vite comme dans la Nièvre, mais tout cela reste fragile et il faut vraiment que le matériel roulant tienne deux ans de plus… S’agissant des tarifs, je rappelle que la ligne relève de l’État, qui est donc décisionnaire en la matière – la SNCF n’est que l’opérateur. Le précédent ministre avait formulé quelques idées ; il revient maintenant à son successeur de s’emparer du sujet et de décider s’il donne suite ou non à ces réflexions.

M. Fabien Di Filippo (DR). Bon nombre de mes collègues vous ont interrogé sur la desserte de territoires périurbains, voire ruraux. La fracture territoriale est en effet un immense sujet d’inquiétude pour beaucoup d’entre nous et un enjeu important pour notre pays.

L’équilibre économique de la SNCF n’est plus le même qu’avant. À la suite de l’ouverture à la concurrence, des entreprises étrangères se sont greffées exclusivement sur les grands tronçons les plus rentables. Ne jugez-vous pas cette ouverture à la concurrence asymétrique, défavorable à votre groupe, voire un peu injuste pour la SNCF compte tenu des critères fixés, puisque vos concurrents n’assument pas les mêmes missions que vous ? Comment pourrions-nous vous aider à rétablir davantage d’équité dans cette relation concurrentielle avec de nouveaux acteurs ?

Mme Manon Bouquin (RN). Nous savons tous qu’il n’y aura pas de transition énergétique sans déploiement réfléchi du rail logistique. Un train de fret mis en circulation, ce sont quarante-cinq camions en moins sur les routes. Certains grands projets ferroviaires semblent malheureusement laisser de côté cet enjeu : c’est le cas du projet de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan, qui exclut la mixité fret-passagers sur le tronçon Béziers-Perpignan. La ligne existante, saturée, reste pourtant le maillon faible du corridor ferroviaire transeuropéen qui relie la Hongrie à l’Espagne : les effondrements de voies observés en 2019 attestent de sa vétusté ; du reste, elle est exposée à l’usure du littoral et aux inondations. L’exclusion du fret est-elle toujours le scénario retenu pour la ligne nouvelle, alors que le plan stratégique de développement du fret vise un doublement de ce dernier ? Les concertations prévues à l’automne 2025 ne pourraient-elles pas réorienter le projet dans le sens d’une mixité fret-passagers sur la totalité de la ligne nouvelle ?

M. Vincent Descoeur (DR). Je souhaite évoquer la remise en service du train de nuit Aurillac-Paris, intervenue en décembre dernier. Je me réjouis qu’en dépit d’horaires de circulation perturbés par des travaux sur le réseau et de quelques dysfonctionnements liés à la défaillance du matériel roulant, cette nouvelle liaison ait su trouver très vite une clientèle. En réponse aux sollicitations appuyées et répétées des élus cantaliens, le ministre Clément Beaune s’est engagé le 5 décembre dernier à ce que ce train, qui circule actuellement le week-end et durant les vacances scolaires, devienne quotidien à compter du service annuel 2025 ; il nous a assuré à cette occasion que SNCF Voyageurs serait en mesure de répondre favorablement à la demande de l’État qui, vous l’avez rappelé, est l’autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire. Après m’être associé aux satisfecit qui vous ont été décernés pour votre engagement à la tête de cette belle entreprise qu’est la SNCF, je souhaiterais que vous nous indiquiez où en est la mise en œuvre de cet engagement ministériel.

M. Aurélien Dutremble (RN). Je souhaite porter la voix de ceux qui prennent le TER en Saône-et-Loire, partant de Mâcon pour aller travailler à Lyon. Permettez-moi de vous lire plusieurs témoignages recueillis par UFC-Que choisir. Concernant la fiabilité, tout d’abord : « Je suis constamment sur mon téléphone pour vérifier si les trains ont du retard ou sont annulés, car tous les jours il y a quelque chose. » Sur les conditions de transport, ensuite : « Le stress est devenu permanent pour moi, surtout le soir. » Un autre usager évoque « la fatigue des trajets quand on est debout, serrés, malmenés, dans des trains surchauffés ou froids ». S’agissant enfin de la vie de famille : « Je suis obligé de demander à d’autres personnes d’aller chercher mes enfants chez l’assistante maternelle, plusieurs fois par mois, à cause des retards de trains. » Au-delà des chiffres visant à mesurer la qualité de service, il y a des personnes, des travailleurs. Que pouvez-vous répondre à ces abonnés ? Comment en est-on arrivé là ? Comment la qualité de service a-t-elle pu s’effondrer autant dans les TER ?

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). On a déjà évoqué la fracture dont souffrent les territoires ruraux. Alors que je fais au maximum le choix du train, je galère véritablement pour venir à Paris depuis ma circonscription. Il n’y a pas de liaison directe en TGV, si ce n’est les week-ends d’hiver pour permettre à nos amis parisiens de se rendre dans les stations de ski.

Je souhaite relayer la demande de M. Xavier Roseren relative au développement plus performant et équitable de l’offre de trains de nuit.

J’aimerais aussi aborder un sujet plus local, celui de la réhabilitation d’une ligne RER Sud-Léman. La deuxième phase des études d’avant-projet a été inscrite au CPER. J’attends évidemment que la SNCF se saisisse de ce projet.

Je ferai enfin une allusion à la différence de tarifs entre le train et l’avion. Aidez-nous vraiment à préférer le train !

Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Comme vous l’indiquez sur la page « Notre mission de service public » du site internet du groupe SNCF, la bifurcation écologique dans les transports est nécessaire. C’est pourquoi j’appelle votre attention sur un projet qui ne relève pas franchement d’une mission de service public, et encore moins d’une avancée écologique : je veux parler du Charles-de-Gaulle Express, cette concession privée visant à accélérer le transit entre Paris et l’aéroport Charles-de-Gaulle.

Ce « train des riches », comme le surnomment de nombreux habitants, passe non loin de ma circonscription de Seine-et-Marne. Le projet crée une nouvelle source de nuisances. Il avait fait l’objet, en 2019, d’un appel de plus de 100 élus du territoire qui le jugeaient totalement contraire à l’intérêt général. Pendant ce temps, les habitants subissent au quotidien les suspensions de service ou les rallongements de parcours du RER B et des lignes K et P du Transilien. Ainsi, la ligne P desservant Meaux a été intégralement fermée le samedi 21 septembre dernier – un comble pour la journée de la mobilité ! Ces dysfonctionnements et travaux à répétition contraignent les usagers à avoir recours à leur voiture. Dans ce contexte, pensez-vous vraiment qu’il faille concentrer les efforts sur le Charles-de-Gaulle Express, qui est un moyen d’accéder plus facilement à des transports encore plus polluants, à savoir les avions ?

Mme Marie Pochon (EcoS). En mars dernier, je vous avais déjà interrogé sur le train d’équilibre du territoire Paris-Briançon. Malheureusement, la situation reste compliquée. En 2023, seuls 34 % des trains commercialisés sont arrivés à l’heure ; en raison de travaux, seuls 560 trains sur les 730 prévus ont été ouverts à la vente ; une nuit sur quatre, il n’y a pas eu de train de nuit. Toujours pour cause de travaux, la situation s’aggrave depuis mi-septembre. Entre le 15 septembre et le 6 décembre, le train de nuit n’aura circulé que neuf nuits ; même si c’est mieux que rien, les cars de substitution ne garantissent ni le même confort ni la même desserte des gares intermédiaires. On nous annonce une situation similaire pour toute l’année 2025. Le « mieux que rien » ne devrait pas être une ligne directrice de la politique du rail en France. Quels moyens allez-vous déployer, et quand, pour permettre à la Drôme et aux Hautes-Alpes, des territoires très ruraux et très enclavés, de bénéficier d’un train de nuit réellement quotidien et fonctionnel, comme prévu par le contrat TET signé avec l’État ?

M. David Taupiac (NI). La SNCF a dévoilé la semaine dernière, à Strasbourg, un train léger électrique à batterie baptisé Draisy. Ce train, qui constitue une solution écologique pour remplacer les voitures individuelles, est en outre particulièrement adapté aux transports du quotidien et aux petites lignes rurales. Son exploitation doit débuter en 2028. Le projet est soutenu par les régions Grand Est et Occitanie.

Trois établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du Gers et du Lot-et-Garonne se sont impliqués dans le développement de ces transports innovants, dans le cadre du projet de ligne Auch-Agen associée à la future LGV. Le 22 octobre sera lancée une étude d’opportunité en deux phases, en lien avec le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et dans le cadre du programme Tech4Rail de la SNCF. Après une première phase portant sur la réhabilitation de la voie pour du transport de passagers et du microfret, avec des nouvelles solutions de trains légers et très légers, une seconde phase verra la réalisation d’études d’opportunité et de faisabilité économique. Les EPCI attendent une confirmation pour formaliser le partenariat avec la SNCF et Tech4Rail. Pourrais-je avoir votre retour ? Par ailleurs, si les tests techniques de Draisy devaient être effectués en Moselle et en Occitanie, serait-il envisageable que l’expérimentation commerciale soit réalisée sur la ligne Auch-Agen ?

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’Île-de-France a besoin du fret – je pense à la ligne Perpignan-Rungis, ou encore à la future ligne nouvelle Paris-Normandie qui, en prévoyant un arrêt à Mantes, permettra de libérer des sillons sur la ligne actuelle pour le fret. Comment atteindre les objectifs de report multimodal dans la région ?

La privatisation accélérée, voulue par la présidente de la région Île-de-France, constitue un obstacle majeur au recrutement. On ne compte plus les trajets supprimés faute de conducteurs. Pouvez-vous faire le point sur la capacité de recrutement au sein de Transilien ?

Depuis le service annuel 2019 et le débranchement de la ligne D vers Corbeil-Essonnes, la rupture en gare de Juvisy a considérablement dégradé les conditions de transport dans toute la région. La mobilisation des élus locaux a permis de constater la disponibilité de sillons, aboutissant à la création de la ligne S à compter du 15 décembre 2024. Peut-on espérer une augmentation des trajets sur cette ligne avant le service annuel 2027 ?

Enfin, serez-vous présent à l’inauguration de la ligne S ?

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Vous m’avez répondu tout à l’heure que vos priorités étaient les Serm, le fret et les LGV. Il manque les lignes d’équilibre du territoire, comme la liaison Paris-Clermont déjà évoquée, qui me tient à cœur en tant que député clermontois.

S’agissant des petites lignes, je n’ai pas compris pourquoi vous avez dit que le réseau plus local relevait uniquement des CPER. J’imagine pourtant que SNCF Réseau a toute latitude pour choisir les lignes qu’il rénove ! On a mentionné tout à l’heure la ligne Clermont-Saint-Étienne – plus particulièrement son tronçon Thiers-Boën, actuellement fermé – et la ligne Clermont-Tulle, qui permet de connecter le Puy-de-Dôme à la Corrèze. Pourriez-vous nous réexpliquer qui décide de rénover ou non ces lignes, qu’il me semble essentiel de maintenir, voire de rouvrir au transport de voyageurs ?

J’aimerais enfin vous parler de la gare routière de Clermont-Ferrand, qui doit être rénovée. Idéalement, elle devrait être installée à côté de la gare SNCF mais, pour ce faire, il faudrait que votre groupe fasse un effort en matière de foncier. Je vous invite donc à étudier ce dossier et à prendre une décision qui favorisera l’intermodalité.

M. Gérard Leseul (SOC). Le projet de ligne nouvelle Paris-Normandie, dans sa phase 1, apporte une solution au problème du bouchon mantois grâce au doublement des voies existantes. L’adaptation de cette section devrait résoudre une grande partie des difficultés que nous connaissons sur la liaison Paris-Normandie. Je ne commenterai pas les déclarations de la présidente de la région Île-de-France que vous évoquiez tout à l’heure.

En Seine-Maritime, cette phase 1 inclut la création d’une gare sur la rive gauche de Rouen qui implique le percement d’un tunnel sous la Seine. La localisation de la sortie de ce tunnel suscite une très vive inquiétude dans notre territoire du pays de Caux. Tous les élus locaux demandent que cette ligne ne se fasse pas au détriment du territoire et de ses habitants ruraux et périurbains. Il est essentiel de s’engager à adapter le projet pour le rendre acceptable.

J’aimerais plus généralement vous entendre au sujet de l’acceptabilité de ce type de grands projets par la population et des moyens que vous lui consacrez.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Je m’associe aux remerciements qui vous ont été adressés, monsieur le président. Vous allez nous manquer !

Où en êtes-vous du déploiement du solaire sur les délaissés ferroviaires, prévu par la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ?

Le groupe SNCF a engagé une action à votre initiative pour soutenir les populations civiles ukrainiennes. Avez-vous des garanties que cette démarche, saluée par la population ukrainienne et par l’Assemblée nationale française, va perdurer alors que le conflit est dans sa troisième année ?

M. Denis Fégné (SOC). Dans les Hautes-Pyrénées, le train de nuit reliant Tarbes à Paris, remis sur les rails en décembre 2021, a rapidement retrouvé son rythme de croisière. Si le développement de trains de nuit de ce type semble à l’ordre du jour, c’est toutefois surtout sur un axe Nord-Sud et au départ de Paris, au détriment des axes Est-Ouest et des transversales de région à région, alors que c’est très souvent sur ces liaisons que les temps de parcours sont les plus longs. Par exemple, la liaison Hendaye-Nice en train de jour est la plus lente de France : dix heures de voyage avec changement, dans le meilleur des cas.

Quelles sont les ambitions de la SNCF en matière de développement de l’offre de trains de nuit ? Quelles perspectives pour les lignes de l’axe Est-Ouest, en particulier celle qui relie Hendaye à Nice et Genève via Lourdes et Tarbes ?

Mme Marie Pochon (EcoS). Hier, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a acté la fin de la nouvelle donne promise avec ses 100 milliards d’investissement dans le rail et la priorité aux transports du quotidien. Qu’en pensez-vous et qu’attendez-vous de nous en matière de financement du réseau à l’approche de l’examen du budget ?

M. Peio Dufau (SOC). Avant ces vingt dernières années, on n’avait jamais fermé de voies pour réaliser des travaux. Notre savoir-faire cheminot s’est perdu à la suite des restructurations.

En ce qui concerne la desserte du Sud Aquitaine, des records de vitesse ont eu lieu dans les Landes pendant des années. Sauf erreur, il s’agit du plus long tronçon en ligne droite du réseau français. Quant à la connexion avec l’Espagne, plus un train français ne passe la frontière pour aller jusqu’à Irun et aucun train espagnol ne vient plus jusqu’à Hendaye ; même chose en Catalogne. C’est un non-sens complet. Cette connexion est nécessaire.

M. Jean-Pierre Farandou. S’agissant de la concurrence, j’ai deux casquettes. Côté système ferroviaire global, la loi me demande d’accueillir les concurrents de manière équitable ; nous y veillons – nous sommes très surveillés dans ce domaine, notamment par l’autorité de régulation et par nos concurrents eux-mêmes – et nous y parvenons à peu près. Comme actionnaire de SNCF Voyageurs, en revanche, je me bats dans ce contexte de concurrence et j’encourage l’entreprise à être la plus efficace possible.

Un angle mort de la réforme, que vous avez souligné dès votre propos introductif, madame la présidente, est le principe de péréquation des TGV, mis à mal par la concurrence. Auparavant, les TGV qui faisaient gagner de l’argent permettaient de financer ceux qui en faisaient perdre, le tout au sein d’une même entreprise publique ; après quoi il restait assez d’argent pour avancer, donc tout le monde était content. Or la concurrence vient non sur les lignes déficitaires, mais sur celles qui rapportent, de sorte que, petit à petit, la SNCF va y gagner de moins en moins d’argent. Dès lors, comment continuer à opérer des lignes déficitaires ? Je n’ai pas de réponse à cette question. Pour le moment, nous tenons bon, mais, dans cinq ou dix ans, si les opérateurs concurrents ont pris une part importante des lignes qui rapportent de l’argent, nous aurons un problème d’équilibre. Il faut commencer à y réfléchir.

Sur la ligne Perpignan-Rungis, une solution est prévue pour le frais. D’ailleurs, si le train ne roule plus, c’est parce que des travaux sur le terminal ferroviaire sont en cours à Rungis, financés par la SNCF : c’est bien le signe que nous y croyons. Il faudra peut-être aussi trouver un système de caisses réfrigérées. Il s’agit en tout cas d’une suspension, sans surprise pour les différents acteurs. Notre volonté est de reprendre dès que les conditions techniques seront réunies.

Il n’y a pas de lignes mixtes en France en raison des rampes, que les trains de fret, plus lourds que les trains de voyageurs, ont du mal à emprunter. Il en existe dans d’autres pays, mais où les trains ne roulent pas à grande vitesse comme chez nous. Abaisser les rampes nécessiterait de construire des tunnels, ce qui renchérirait les coûts. Les TGV roulant sur la ligne nouvelle libéreront de la capacité pour le fret sur la ligne classique, qu’il faudra bien entendu maintenir et qui pourra accueillir ces trains de marchandises à condition de rester en bon état.

En ce qui concerne Paris-Aurillac, côté opérateur, nous sommes prêts à faire un train quotidien le jour où l’État, autorité organisatrice, nous le demandera. J’espère que le nouveau ministre confirmera la date de 2025.

En ce qui concerne Mâcon-Lyon, je n’ai pas les éléments précis pour répondre. Je suis désolé qu’il y ait des problèmes de qualité sur cette ligne très fréquentée. C’est peut-être un sujet sur lequel travailler avec la région, s’agissant notamment de la capacité, liée au parc disponible. Je m’engage à vous donner des précisions dès que nous aurons pu instruire le dossier.

S’agissant de la desserte d’Évian, nous allons vérifier. Je peux déjà vous dire que pour l’autre côté, vers Saint-Gingolph, la situation est compliquée : il y a beaucoup de travaux et les habitants ne souhaitent pas voir revenir les trains de fret. Le dossier est vivant, mais il faudra encore des discussions.

En ce qui concerne les trains de nuit, je le redis, c’est l’État qui décide : ce sont des trains d’équilibre du territoire. L’élément majeur, c’est le matériel roulant ; pour le moment, nous faisons du neuf avec du vieux, puisque nous avons rénové nos vieilles voitures. Pour aller plus loin, il faudra des décisions de l’État.

On nous demande de faire le CDG Express. Je défends les vertus écologiques du train, mais pour aller à New York ou à New Delhi, nous continuerons d’avoir besoin de liaisons aériennes. Il vaut alors mieux aller à Roissy en train qu’en taxi ; or le CDG Express facilite l’accès à l’aéroport, d’autant qu’il sera aussi ouvert aux salariés qui travaillent dans la zone de l’aéroport. Je n’ignore pas les controverses qu’a suscitées ce projet, mais il avance : la ligne doit ouvrir en 2027, avec un train tous les quarts d’heure, et vingt minutes pour aller de la gare de l’Est à l’aéroport. Ses travaux intègrent les besoins des autres lignes, y compris en termes financiers : les terminus partiels de la ligne B ont été financés par les travaux du CDG Express. Des équilibres ont été trouvés.

La liaison Paris-Briançon est une ligne historique pour les trains de nuit, car cette région est difficile à desservir par des trains de jour. Je souligne l’enjeu des Jeux olympiques de 2030 : il faudrait vraiment que nous nous mettions d’accord pour disposer, à cette date, d’un train de nuit de qualité. Vous évoquez les trains supprimés à cause des travaux : je l’ai déjà dit, on peut discuter de la façon dont on mène les travaux, mais ils sont indispensables pour fiabiliser la ligne. J’espère que l’État saura trouver les ressources pour mener les travaux nécessaires et mettre en service un matériel neuf d’ici à 2030.

Je me réjouis de l’appétence pour le Draisy ! Il serait pertinent de le tester sur le tronçon Auch-Agen, surtout si la nouvelle ligne dessert Agen et Toulouse. Nous allons voir avec la région Occitanie si cette ligne peut être choisie.

S’agissant des agents de conduite (ADC) en Île-de-France, la situation s’est améliorée, après avoir été très tendue – avec le covid, nous avons perdu une année de formation, et certaines régions ont été plus pénalisées que d’autres. Nous avons fait de gros efforts de recrutement et de formation : la machine fonctionne à plein.

Les autres sujets que vous abordez, notamment le schéma des dessertes, doivent être discutés avec Île-de-France Mobilités. Quelques trains vont en effet être lancés sur la ligne S. Je n’y suis pas défavorable mais, instruit par l’expérience, j’appelle à la vigilance : plus on crée des trains nouveaux, plus on occupe les rares moments creux qui restent, plus on fragilise l’ensemble du système. Je suis très attentif à la robustesse de ce système très complexe – peut-être est-on parfois allé trop loin.

S’agissant de la gare routière de Clermont, votre idée paraît judicieuse et nous allons regarder.

J’entends les problèmes concernant le débouché du tunnel de la ligne Paris-Normandie à Rouen. Je ne connais pas précisément ce dossier, mais l’acceptabilité est un sujet essentiel : aucun projet ne se fait plus sans discussions, sans échanges avec la population et les élus locaux.

J’ai décidé il y a un an de faire du groupe SNCF un producteur d’énergie solaire. Notre premier projet porte sur 1 000 hectares et 1 000 mégawatts-crête, soit 15 % de nos besoins, et nous espérons le voir s’achever en 2030-2032 ; nous disposons du foncier adéquat et nous sommes en train de lancer les procédures, ce qui prend un peu de temps. Les premiers panneaux devraient être installés dans deux ans environ. Je ne serai plus là, mais ma conviction personnelle est que nous pouvons être complètement autonomes. Il faudrait pour cela 10 000 hectares. Cela changerait complètement la donne, pour la SNCF mais aussi pour le pays, puisque nous sommes le premier consommateur d’électricité du pays.

Merci de votre question sur l’Ukraine. C’est une cause que j’ai embrassée depuis le début. Les premiers réfugiés sont arrivés dans nos gares : des femmes, des enfants, des personnes âgées – puisque les hommes faisaient la guerre –, perdus après avoir tout quitté avec quelques sacs. La plupart voulaient d’ailleurs aller en Espagne, où réside une large communauté ukrainienne : nous les y avons emmenés gratuitement. Nous les avons hébergés. Nous avons également monté des convois de marchandises de première nécessité vers l’Ukraine, avec l’aide de la protection civile. Nous veillons à maintenir vivante la cause ukrainienne ; ainsi, nous avons accueilli, sur les grilles de la gare de l’Est, une remarquable exposition de photos que j’ai inaugurée avec l’ambassadeur d’Ukraine. Vous savez combien la mémoire est importante à la SNCF : nous invitons l’ambassadeur d’Ukraine aux célébrations de la fin de chacune des deux guerres mondiales, puisqu’il s’agit à chaque fois d’honorer la mémoire de ceux qui sont tombés pour défendre la liberté. Nous envoyons du matériel ferroviaire pour aider nos collègues ukrainiens, qui sont de véritables héros, puisqu’ils font circuler des trains sous les bombes – manière douloureuse de se rappeler à quel point le ferroviaire est stratégique. Nous avons accueilli des maires ukrainiens qui s’intéressent à la façon dont on peut adapter les postes pour des personnes handicapées, car il faut réintégrer à la vie civile des soldats blessés. Bref, les dossiers sont nombreux et nous ne lâchons pas l’affaire.

Nous nous réjouissons de la place des transports du quotidien dans la déclaration de la politique générale du Premier ministre. J’y vois une priorité accordée au réseau existant et une convergence avec des projets que nous défendons, notamment les Serm.

Pour aider les cheminots et jouer, si vous me permettez la formule, le pack ferroviaire français, vous pouvez nous soutenir pour que nous obtenions 30 millions supplémentaires pour l’aide au secteur du fret. Il faudra pour cela des amendements au budget. Nous en avons vraiment besoin. Vous pouvez aussi nous aider en vous intéressant aux discussions en cours sur le contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau : c’est dans cet avenant que se joue l’avenir de notre réseau. La commission pourrait vérifier que les moyens sont suffisants pour assurer la régénération, la viabilité, la modernisation du réseau ferroviaire, qui est un outil fondamental des missions de votre commission.

Concernant enfin les relations avec l’Espagne, elles sont plus faciles vers la Catalogne que vers Bilbao et le Pays basque. Pour le fret, c’est plus difficile, même s’il existe des moyens de contourner le problème de l’écartement des rails.

Mme la présidente Sandrine Le Feur. Merci pour la précision et la franchise de vos réponses.

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du mercredi 2 octobre 2024 à 9 heures

 

Présents. - M. Gabriel Amard, M. Christophe Barthès, M. Fabrice Barusseau, Mme Lisa Belluco, M. Sylvain Berrios, M. Emmanuel Blairy, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Yves Bony, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, M. Pierre Cazeneuve, M. François-Xavier Ceccoli, M. Bérenger Cernon, M. Marc Chavent, M. Mickaël Cosson, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, M. Aurélien Dutremble, M. Romain Eskenazi, M. Auguste Evrard, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Marie Fiévet, M. Julien Guibert, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Sandrine Josso, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, Mme Claire Lejeune, M. Stéphane Lenormand, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, M. Matthieu Marchio, M. Pascal Markowsky, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Constance de Pélichy, Mme Christelle Petex, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Raphaël Schellenberger, Mme Ersilia Soudais, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, M. Nicolas Thierry, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland, M. Frédéric-Pierre Vos

 

Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Jean-Victor Castor, Mme Clémence Guetté, M. Nicolas Metzdorf, M. Marcellin Nadeau, M. Olivier Serva, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Matthias Tavel

 

Assistaient également à la réunion. - M. Édouard Bénard, M. Fabrice Brun, M. Sylvain Carrière, M. Pierrick Courbon, M. Fabien Di Filippo, M. Christian Girard, M. Nicolas Ray