Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Examen de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (n° 161) (M. Nicolas Thierry, rapporteur) 2
Mercredi 12 février 2025
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 28
Session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
Mme Sandrine Le Feur,
Présidente
— 1 —
La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (n° 161) (M. Nicolas Thierry, rapporteur).
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Avant d’en venir à l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger la population des risques liés aux PFAS (substances perfluoroalkylées ou polyfluoroalkylées), je vous rappelle qu’à l’issue de cet examen, nous devrons dépouiller le scrutin de la semaine dernière sur la nomination de M. Philippe Pascal aux fonctions de président-directeur général du groupe ADP.
Comme le prévoit l’article 29-1 du règlement, le dépouillement doit intervenir au même moment à l’Assemblée et au Sénat, qui auditionne M. Pascal ce matin.
Examen de la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS (n° 161) (M. Nicolas Thierry, rapporteur).
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Conformément à la demande du groupe Écologiste et social, la proposition de loi (PPL) sur les PFAS est examinée selon la procédure de législation en commission, qui s’applique sur l’ensemble du texte. Les articles ne pourront être amendés en séance que pour assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination en cours ou corriger une erreur matérielle.
Je rappelle que ce texte est le fruit d’un travail important, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et que la volonté est qu’il soit adopté conforme à l’issue de l’examen par cette commission.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. J’ai l’honneur de revenir devant notre commission ce matin pour vous soumettre à nouveau ma proposition de loi qui vise à protéger la population des risques liés aux PFAS.
Certains d’entre vous le savent, mon activité de parlementaire se concentre depuis de longs mois sur cette pollution chimique insidieuse, invisible mais omniprésente, que nul ne peut plus ignorer.
Mes chers collègues, aucune de vos circonscriptions, aucun territoire, aucun cours d’eau ni réseau d’eau potable n’échappe à ce fléau, à cette menace de contamination généralisée, comme l’attestent notamment les récentes enquêtes sur la qualité de l’eau du robinet, parues dans la presse.
Même si beaucoup d’entre vous étaient présents au sein de notre commission lors de la première lecture de cette proposition de loi, il y a près d’un an, d’autres nous ont rejoints depuis. Aussi, permettez-moi de revenir brièvement sur les défis soulevés par la pollution aux PFAS, même si je vous sais très nombreux à en connaître les enjeux.
Ces PFAS, que l’on appelle aussi « polluants éternels », sont une invention humaine. Produits de la créativité de quelques industriels du XXe siècle, ces molécules sont, à l’échelle de l’humanité, extrêmement récentes. Jusque dans les années 1950, nous vivions dans un monde qui ignorait tout de la synthèse des PFAS.
Ces substances chimiques forment une famille de près de 12 000 composés. Leur caractéristique commune est une chaîne d’atomes de carbone et de fluor, qui leur confère de nombreuses propriétés : elles sont stables sous de fortes chaleurs ; elles sont imperméables et antiadhésives ; elles repoussent les graisses et sont antitaches. Revers de ces multiples qualités : ces composés ne se dégradent pas, ou très peu, dans l’environnement. Ils s’infiltrent dans les sols, l’eau, l’air et les tissus organiques. Ils sont ainsi à l’origine d’une pollution systémique, parfois éternelle en raison de leur extrême persistance. Cette imprégnation généralisée est telle que le coût de la dépollution se chiffrerait, à l’échelle du continent et selon une récente enquête parue dans la presse, en centaines de milliards d’euros.
Il est impossible aux humains et à tout être vivant d’échapper aux PFAS. Et une fois ces molécules dans un organisme, il est difficile de les en déloger, car leurs propriétés chimiques les préservent de l’action des enzymes qui devraient les dégrader.
Or cette exposition subie et massive est grave. Les scientifiques considèrent que ces substances représentent des risques sérieux pour la santé et de nombreuses études les caractérisent. Les plus documentés sont, notamment, l’altération de la fertilité, les maladies thyroïdiennes, les taux élevés de cholestérol, les lésions au foie, les cancers du rein et des testicules, la réponse moins importante aux vaccins ou encore le poids réduit des enfants à la naissance.
Nous sommes donc bel et bien face à un désastre sanitaire, de l’ordre des scandales du chlordécone ou de l’amiante pour ce qui est de la portée et de la gravité.
Ce constat étant posé, venons-en à la proposition de loi qui nous occupe ce matin. Avant d’en détailler les mesures, je souhaiterais souligner l’occasion que nous avons, grâce à l’intérêt collectif que nous avons su manifester, de poser aujourd’hui, puis la semaine prochaine en séance, les premiers jalons de la lutte contre les polluants éternels. Peu nombreuses sont en effet les propositions – surtout lorsqu’elles émanent des oppositions – qui franchissent les méandres de la navette parlementaire pour aboutir à une éventuelle adoption définitive. Et c’est bien avec cet objectif que je me présente à vous.
Aussi, je veux avoir un mot de remerciement pour nos collègues du Sénat, qui ont bien voulu considérer ce texte et l’adopter dans de délais brefs, pour nous permettre d’en discuter aujourd’hui. Je rappelle que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité, d’abord à l’Assemblée, puis au Sénat. Gageons qu’elle rencontrera le même enthousiasme pour cette deuxième lecture.
Je vous propose d’adopter cette PPL à l’identique, dans sa version issue du Sénat. À cet égard, je vous remercie d’avoir été économes en propositions d’amendements et de permettre ainsi, je l’espère, une adoption conforme.
Cette proposition, dont je suis l’auteur, a été modifiée depuis son dépôt. Son contenu a été amendé ici même, puis au Sénat. Autant le dire et cela n’échappera à personne, le texte tel qu’il nous parvient n’est pas celui que j’ai déposé ; il ne correspond pas, en tout point, à l’ambition initiale que je souhaitais donner à cette loi. Néanmoins, conscient des équilibres de notre assemblée et de l’urgence qu’il y a à agir contre les polluants éternels, je souhaite tout de même son adoption définitive, car il comporte des avancées majeures, dont il serait impensable de se priver, compte tenu de l’urgence de la situation.
Avec cette PPL, je vous propose de doter la France de sa toute première loi de lutte contre les polluants éternels. Et par la même occasion de faire de notre pays l’un des pionniers en Europe en la matière.
La première mesure vise à limiter la pollution aux PFAS à la source, en prenant des restrictions échelonnées dans le temps, selon la disponibilité des solutions de remplacement. Je vous propose d’agir dès 2026 sur des usages pour lesquels ces solutions existent déjà – les cosmétiques, les farts de ski, les vêtements et les chaussures –, puis en 2030 sur l’ensemble des produits textiles. Ce calendrier, fruit de nos débats, a été complété par les sénateurs, qui ont jugé bon d’ajouter certaines exceptions. Si le périmètre de celles-ci est défini dans le texte, leur liste devra faire l’objet d’un décret.
Ces restrictions apparaissent plus que jamais essentielles. En effet, s’il existe un projet européen en ce sens, il semble « avoir du plomb dans l’aile ». J’ai d’ailleurs exprimé mes doutes à ce sujet devant vous, il y a plusieurs mois ; l’année écoulée m’aura malheureusement donné raison : la procédure européenne de restriction des PFAS sera plus longue et plus incertaine que prévu. Dès lors, adopter au niveau national les restrictions que je défends enverra à nos partenaires européens un signal ambitieux qui, je l’espère aussi, conduira à renforcer notre ambition commune.
Concernant ces premières restrictions, je veux évoquer les ustensiles de cuisine qui, vous vous en souvenez sans doute, nous avaient divisés en première lecture. Je reste convaincu qu’ils ne devraient pas contenir de PFAS, car d’autres options existent. Sur cette question, je n’ai pas trouvé de majorité parlementaire ; j’ai en revanche, il me semble, remporté une bataille culturelle. À défaut d’établir une norme, nous aurons mis en lumière un enjeu majeur. Je ne rouvrirai donc pas le débat sur ces ustensiles, car je sais qu’il condamnerait toute possibilité d’adoption définitive.
La deuxième mesure de cette PPL concerne le contrôle de l’eau potable. Je vous propose, dès la promulgation de cette loi, d’inclure les PFAS dans le contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable. Cette disposition va au-delà de la réglementation actuelle et de celle prévue par le droit européen. Elle instaure une recherche obligatoire des PFAS, sans délai, et concerne une liste de substances plus large que celle du droit européen. Pour rappel, une directive européenne nous obligera à rechercher vingt PFAS seulement, parmi lesquelles ne figure pas le TFA (acide trifluoroacétique), pourtant retrouvé massivement dans les eaux de nombreuses communes françaises. La disposition que je propose est assortie d’une obligation pour le gouvernement de publier une carte des sites ayant pu émettre ou émettant des PFAS dans l’environnement. Cette carte apportera une transparence bienvenue quant à la réalité de la pollution de nos territoires.
Je propose ensuite, dans deux articles ajoutés au cours de la discussion, de doter la France d’une trajectoire nationale de réduction des rejets aqueux de PFAS depuis les installations industrielles, et d’établir un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux potables.
Je souhaite également faire inscrire dans notre loi le principe pollueur-payeur. Cette inscription prendra la forme d’une redevance, assise sur les rejets de PFAS dans l’eau. Son objectif est de faire contribuer financièrement les industriels à l’origine de la pollution. J’insiste sur le coût que va représenter la pollution aux PFAS dans nos territoires, pour nos collectivités. Dès l’entrée en vigueur du contrôle de la présence des PFAS dans l’eau, nombre de nos communes connaîtront des dépassements de la norme réglementaire. Nos collectivités devront alors consentir des investissements massifs pour traiter l’eau. La redevance que je propose est un premier levier pour anticiper ce mur d’investissement. Elle a été précisée en première lecture et je suis heureux qu’elle ait été soutenue, à l’Assemblée puis chez nos collègues du Sénat, qui sont particulièrement sensibles aux contraintes qui pèseront bientôt sur nos collectivités.
Le dernier point de cette PPL permet de préciser notre approche concernant les eaux potables. Il crée une obligation de transparence pour les autorités sanitaires, qui devront rendre publics les programmes d’analyse des PFAS dans l’eau potable et dresser des bilans réguliers. Le Sénat a souhaité préciser que ces contrôles cibleraient aussi les eaux en bouteilles, précision dont l’actualité a prouvé toute la pertinence.
Pour conclure, je rappelle que nous avons aujourd’hui la possibilité de marquer une avancée majeure et d’être, collectivement, au rendez-vous pour lutter contre les toxiques qui empoisonnent nos vies. Nous sommes observés et certains voient dans cette proposition de loi des mesures concrètes et un signal fort pour répondre à leurs préoccupations. J’espère que nous saurons être à la hauteur.
L’enjeu est simple : il faut adopter cette PPL sans modification. Car sur ces sujets, chaque année de perdue se compte, hélas, en vies humaines.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Pierre Meurin (RN). Je souhaite débuter mon intervention par une rapide présentation. Je suis le député de la circonscription de Salindres. J’habite à cinq minutes de cette commune et je me promène tous les week-ends, avec mes enfants, au bord de l’Avène, qui serait, paraît-il la rivière la plus polluée au monde. Je suis donc vaguement concerné par le problème sanitaire dont nous traitons aujourd’hui.
Mais je suis aussi le député qui subit, à cause de l’effroi lié aux PFAS, la casse sociale provoquée par la fermeture de l’usine Solvay de Salindres. J’ai une pensée pour les soixante-douze salariés qui vont être licenciés dans les prochains mois – et qui devront continuer de rembourser leur crédit immobilier –, en raison de cet effroi créé par le législateur et de sa précipitation à légiférer. En effet, considérant la versatilité de ce même législateur, les industriels anticipent la future incorporation des TFA dans la législation relative aux PFAS et ferment leurs usines.
Ce matin, j’aurais aimé pouvoir saluer Mme Agnès Pannier-Runacher, mais avec cette procédure de législation en commission, toute cette deuxième lecture se déroulera sans la présence de la ministre, qui ne pourra donc pas donner son avis sur les amendements examinés. Je trouve cela regrettable et pas sérieux de la part du gouvernement. Cette discussion aurait mérité une présence gouvernementale afin d’éviter une adoption à la va-vite. Mon collègue Frédéric-Pierre Vos a, par exemple, proposé un amendement pour classer les PFAS en trois catégories, selon le danger qu’elles présentent : verte pour les non dangereuses ; grise lorsqu’il n’y a pas d’avis fondé en matière de dangerosité ; rouge en cas d’avis scientifiques qui confirment la dangerosité. Si un ministre était présent, nous aurions pu obtenir une réponse quant à cet amendement.
À la suite d’auditions que j’ai menées à titre personnel, j’ai quant à moi déposé un amendement visant à exclure les textiles à usage industriel. L’avis du rapporteur est certes très intéressant à cet égard, mais nous aurions aimé avoir une réponse du gouvernement.
Je m’interroge également sur le bien-fondé d’une cartographie où figureront tous les sites qui produisent ou ont produit des PFAS. Cela ressemble à une chasse à l’entreprise et à une stigmatisation alors que, dans le même temps, le président de la République souhaite réindustrialiser le pays.
Notre position est globalement bienveillante au regard des enjeux sanitaires que vous évoquez, Monsieur le rapporteur. Certaines de nos inquiétudes demeurent cependant et nous considérons que la peur n’est pas bonne conseillère lorsqu’il s’agit de légiférer. La situation dans ma circonscription en est un très bon exemple.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Pour rappel, la présence des ministres en commission n’est ni constitutionnellement ni réglementairement obligatoire. Plusieurs textes, et non des moindres – projet de loi sur le nouveau pacte ferroviaire et sur la collectivité européenne d’Alsace ; proposition de loi de M. Serva sur la continuité territoriale en outre-mer ou encore celle de M. Taupiac sur les PFAS –, ont déjà été examinés en commission le mercredi matin, sans présence d’un ministre. En outre, celui qui nous occupe a été largement débattu à l’Assemblée, que ce soit en commission ou en séance publique, ainsi qu’au Sénat, en commission et en séance publique également. La ministre a donc pu largement s’exprimer.
M. Anthony Brosse (EPR). Nous nous retrouvons ce matin pour examiner de nouveau la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées, de retour après son adoption, au printemps dernier, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Fruit d’un travail transpartisan, sa réécriture avec le gouvernement et les différents groupes politiques a, en effet, permis d’aboutir à une version adoptée à l’unanimité par nos deux assemblées.
Les dates d’interdiction et les produits concernés ont fait débat – et c’est normal –, mais nous avons su trouver un consensus, salué à la fois par les représentants de la nation que nous sommes, par les associations de consommateurs et de protection de l’environnement et par la majorité des industriels producteurs de PFAS affectés par ces interdictions. Certes, les ustensiles de cuisine n’ont pas été retenus. Les entreprises impliquées et leurs salariés voient donc leur outil de production et leurs emplois préservés, l’évolution de ce secteur d’activité étant cependant nécessaire face à un législateur prompt à infléchir la réglementation sur les PFAS. En effet, la révision du règlement européen Reach sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques utilisés sur le continent démontre la volonté des parlementaires de poursuivre l’action européenne en faveur d’une plus grande protection environnementale et sanitaire.
Ces mesures ne signifient pas l’arrêt de la production de PFAS ni de leur rejet dans l’environnement, mais le texte que nous examinons présente l’avantage d’inscrire dans la loi de premières dispositions importantes et engageantes pour l’avenir.
Nous pourrions également envisager de nous doter de la liste de l’ensemble des PFAS existantes – 15 000 environ –, identifier celles dont la dangerosité est avérée et prendre des mesures à leur encontre. En attendant que ce travail titanesque – qui n’est pas du ressort de la loi – soit effectué, le groupe EPR appelle à une adoption conforme de cette proposition de loi.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous examinons aujourd’hui un texte qui marquera une étape cruciale dans le combat contre les PFAS, contre leur prolifération massive et leurs conséquences gravissimes sur la santé des Françaises et des Français. À cet égard, il faut saluer le travail mené sans relâche par des associations et des lanceurs d’alerte, par des élus, des journalistes et des scientifiques. Il faut aussi entendre la voix des victimes, qui se comptent par millions, puisque chacune et chacun d’entre nous sont concernés.
Nous devons garder à l’esprit la mesure de ce scandale, puisque les PFAS sont partout, que ce soit dans nos vêtements, nos cosmétiques, nos ustensiles de cuisine, dans l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons. C’est tout notre quotidien qui est contaminé et qui, insidieusement, nous met en danger.
Les eaux de surface de trois des cinq villes de ma circonscription – Athis-Mons, Savigny-sur-Orge et Viry-Châtillon – figurent parmi les 900 hotpots de contamination du territoire français. Ce sont au total des millions de nos concitoyens qui boivent une eau contenant des niveaux de PFAS supérieurs aux normes européennes. De même, des milliers de travailleurs – dont ceux de l’usine Solvay – sont surexposés à ces molécules. Et il en sera ainsi à l’avenir si la législation n’évolue pas.
Ces quatre lettres sont devenues synonymes d’intoxication à très grande échelle, imputable en l’occurrence à la voracité et au cynisme des industriels et à la docilité, voire à la complaisance de certains décideurs politiques qui, en responsabilité, ont choisi de ne rien faire.
Ce texte est une étape nécessaire, mais qui reste, comme M. le rapporteur l’a souligné, largement insuffisante. En effet, la poêle antiadhésive, symbole de ce quotidien qui intoxique, en est exclue. Or si les PFAS sont toxiques dans nos vêtements ou nos cosmétiques, ils le sont tout autant, et sans doute davantage, lorsqu’ils servent à notre alimentation. Il faut également mentionner les reculs consentis pour faire adopter cette PPL, notamment l’interdiction totale des PFAS en 2027 qui devient une interdiction limitée à certaines substances en 2030.
En outre, dans sa version initiale, l’article 3 de la PPL prévoyait un gage sur le tabac et une taxe additionnelle de 1 % sur les bénéfices réalisés par les industries qui rejettent des PFAS dans l’environnement. Ces éléments ont disparu de la nouvelle mouture du texte, mais la question du financement demeure. En Europe, la fourchette des coûts en matière de santé après l’exposition aux PFAS est de l’ordre de 52 à 84 milliards d’euros chaque année. Quant aux coûts des traitements des eaux potables et usées nécessaires à l’élimination des PFAS, ils sont estimés à 238 milliards d’euros par an, à l’échelle de l’Union européenne. Ces montants sont colossaux. Qui va payer ?
Tant que les pollueurs ne paient pas, ce sont les pollués qui le font, deux fois, par leurs impôts et par leur santé. Ils paient même, parfois, de leur vie.
Nous saluons ce texte et nous soutiendrons son adoption en conformité, mais c’est un salut au milieu d’une bataille qui ne fait que commencer.
M. Stéphane Delautrette (SOC). L’ensemble du groupe Socialistes et apparentés se félicite de voir ce texte de nos partenaires écologistes revenir en deuxième lecture devant notre commission, un peu plus de dix mois après son adoption en première lecture.
De quoi parlons-nous exactement lorsque l’on évoque les PFAS ? Indestructibles dans la nature et capables de se disperser sur de très grandes distances, ces substances sont considérées comme des polluants éternels. Présents dans nombre d’objets de la vie courante – tapis, peintures, emballages alimentaires, traitements contre l’acné, gainages de circuits électriques dans les avions, prothèses de hanche, fil dentaire, cordes de guitare, batteries de véhicules électriques…–, ils continuent d’être largement produits et utilisés, en raison notamment de leurs qualités antiadhésives et imperméabilisantes.
Pourtant, ces produits posent deux problèmes très concrets, qui ont fait l’objet d’une large attention médiatique ces derniers mois, ce dont je ne peux que me féliciter. Premier problème : ces substances sont partout dans notre environnement, comme l’ont prouvé les rapports du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) et du Forever Pollution Project, qui ont recensé près de 17 000 sites contaminés dans toute l’Europe, dont 2 000 environ qui présentent des niveaux de pollution particulièrement inquiétants pour la santé des riverains. Des effets nocifs et toxiques de plusieurs PFAS sur le métabolisme humain ont été observés et le caractère cancérigène de ces produits est avéré.
Leur présence dans l’eau, l’air et dans certaines poussières n’est pas anodine, tandis que le coût de la dépollution se chiffre à 2 000 milliards d’euros sur vingt ans pour l’Europe, selon les dernières estimations. Concrètement, ne pas agir aujourd’hui signifie voir augmenter encore cette facture vertigineuse, alors que d’autres investissements sont nécessaires pour relever les défis de la transition écologique. Nous sommes, dans cette commission, particulièrement bien placés pour le savoir.
Aussi la proposition de loi du groupe Écologiste et social – qui vise à interdire les PFAS dans les produits cosmétiques, les emballages alimentaires et les farts – est-elle la bienvenue, comme le prouve le large consensus obtenu en première lecture, à l’Assemblée comme au Sénat. Et bien que la version du texte examinée aujourd’hui soit moins ambitieuse que celle d’origine, nous ne pouvons que nous satisfaire que le législateur s’empare de ce sujet écologique et sociétal majeur.
Nous soutiendrons donc cette PPL et nous nous joignons à l’appel de notre collègue rapporteur pour un vote conforme.
M. Vincent Descoeur (DR). Le texte que nous examinons ce matin traite d’un sujet particulièrement préoccupant, souvent soulevé, souvent montré du doigt, mais qui, à ce jour, n’a jamais fait l’objet d’une réponse législative. Il s’agit des risques environnementaux et sanitaires qui découlent de la présence en nombre de PFAS, tristement connus sous le nom de polluants éternels en raison de leur persistance dans l’environnement.
Si ces PFAS présentent des propriétés particulières qui ont incité les industriels à les développer – on en recense aujourd’hui plus de 12 000 –, elles se caractérisent aussi par un inconvénient majeur : leur persistance dans la nature, où ils ne cessent de s’accumuler. On les retrouve désormais en quantité dans le sol, dans l’air et dans l’eau, en particulier dans celle destinée à la consommation humaine. Ce qui suffit à justifier que l’on se préoccupe, sans délai, de cette question de santé publique en introduisant le principe de recherche systématique et sans délai de la présence de ces PFAS dans l’eau potable.
Au-delà de cette disposition, l’article 2 de cette proposition de loi introduit le principe d’une redevance acquittée par les producteurs de ces molécules. Ils contribueront ainsi à la dépollution de l’eau destinée à la consommation humaine, en accompagnant les collectivités – par l’intermédiaire des agences de l’eau – qui devront, immanquablement, engager des investissements massifs. Je souscris pleinement à ce principe à titre personnel, cela d’autant plus que dans le rapport d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au changement climatique, et parmi les propositions que mon collègue Yannick Haury et moi-même avions faites, figurait en bonne place l’élargissement aux PFAS de la redevance pour pollution diffuse, sur le principe pollueur-payeur.
Ce texte, adopté en première lecture à l’Assemblée, est le fruit d’un compromis avec le Sénat, ce qui mérite d’être souligné. Son objectif est de protéger nos concitoyens contre les risques pour la santé inhérents aux rejets de ces substances, désormais très présentes dans notre environnement quotidien, et d’en interdire à terme l’utilisation dans un certain nombre de domaines, en raison de leur caractère persistant.
Résultat d’une prise de conscience salutaire, cette PPL est une première réponse à un problème de santé publique très préoccupant. Il s’agit d’un premier pas, auquel notre groupe s’associera.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Nous avons tous du poison dans le sang. Les PFAS, ces polluants éternels, sont partout : dans l’eau que nous buvons, dans l’air que nous respirons, dans la nourriture que nous mangeons. Et ils ne disparaissent jamais. L’an dernier, avec treize autres députés de mon groupe, j’ai fait analyser mes cheveux. Résultat : un taux de contamination aux PFAS bien supérieur à la moyenne nationale. Cela me concerne moi, mais aussi les habitants de ma circonscription et du sud de Lyon, autour
de Pierre-Bénite, l’un des territoires les plus pollués d’Europe, à cause des rejets de l’industrie chimique.
Nous savons que les PFAS provoquent des troubles hormonaux, des cancers et d’autres maladies graves. Nous savons aussi qui sont les premières victimes : les travailleurs des usines de l’industrie chimique. Ces mêmes ouvriers qu’on a laissés sans protection face à l’amiante, que l’on a sacrifiés au nom du profit. Nous leur devons la vérité ; nous leur devons des solutions pour sortir de cette industrie toxique.
Le consensus scientifique est clair. La raison de notre inaction l’est moins. Pourquoi perdons-nous tant de temps, alors que nous disposons de tous les éléments pour agir ? Peut-être parce que face à cette proposition de loi, l’industrie chimique a sorti l’artillerie lourde. BASF, Bayer, Syensqo (ex-Solvay) et tous les grands pollueurs ont mobilisé leur lobby. Il y a un an, en Belgique, ils ont réuni soixante-treize PDG pour signer un pacte contre l’interdiction de PFAS. Ils nous parlent de pacte industriel, mais un pacte pour qui ? Certainement pas pour nous, qui avons déjà perdu trop de temps.
Chaque année, la contamination s’étend, le nombre des victimes et les coûts de dépollution explosent : jusqu’à 100 milliards d’euros par an en Europe. Alors qui va payer ? Pas les pollueurs, alors ce sera nous, nos collectivités, nos hôpitaux, nos familles, nos corps.
Face à ce sabotage organisé, des voix s’élèvent heureusement et refusent de se taire. Celles de scientifiques qui voient leurs travaux ignorés ou minimisés sous la pression des industriels ; celles de journalistes qui mettent en lumière la vérité ; celles de collectivités qui prennent leurs responsabilités ; celles d’associations et de militants qui, partout en France, se battent sans relâche pour la transparence et la justice environnementale.
J’étais, pas plus tard qu’hier, aux côtés de militants attaqués en justice pour avoir dénoncé le scandale des PFAS produits par Arkema, dans le Rhône. Ces citoyens analysent l’air, l’eau, les corps et révèlent ce que d’autres préfèrent cacher. Ils interpellent les pouvoirs publics, exposent les responsabilités, demandent des comptes aux pollueurs et organisent des actions en justice, pour que l’empoisonnement de nos territoires ne soit pas une fatalité.
Pour ne pas les trahir, je vous invite à voter cette proposition de loi de mon collègue Nicolas Thierry, sur laquelle il travaille depuis deux ans. Et à la voter telle quelle, sans amendement, afin qu’elle puisse s’appliquer au plus vite.
Bien sûr, nous devrons aller plus loin dans cette bataille, mais en demander davantage aujourd’hui, ce serait prendre le risque de perdre ce précieux texte dans les méandres des échanges parlementaires et, finalement, de ne jamais voir adoptées les avancées obtenues. Ce serait au fond faire un cadeau aux lobbies. Ce serait dire aux Français : « Oui, nous savons que vous buvez de l’eau contaminée, mais laissez-nous encore quelques années pour agir. » Ce n’est pas notre choix. Défendons la santé des gens et ne laissons pas les pollueurs dicter la loi.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il y a trois ans était révélée la pollution aux PFAS dans ma circonscription, à Pierre-Bénite, au sud de la métropole de Lyon. Le groupe Les Démocrates soutient pleinement ce texte, qui reprend les recommandations du rapport « PFAS, pollution et dépendance : comment faire marche arrière ? », que m’avait confié le gouvernement. On y retrouve ainsi l’interdiction d’usages non essentiels de PFAS dans les farts, les cosmétiques et certains textiles, dès 2026, le renforcement du contrôle des eaux potables, pour inclure celui des PFAS, comme c’est inscrit dans la directive-cadre sur l’eau, l’interdiction des rejets des PFAS dans les milieux naturels, à la suite d’un amendement du groupe Les Démocrates adopté lors de la première lecture, la définition, dans le plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine, un ajout opportun du Sénat au regard de l’estimation proposée par le Forever Pollution Project. Il reprend aussi une redevance pollueur-payeur assise sur les rejets aqueux des PFAS, qui deviendra rapidement obsolète je l’espère, car il n’y aura plus de rejets.
Nous souhaitons un vote conforme du texte du Sénat, afin qu’il soit promulgué le plus rapidement possible. Il s’agit, en effet, d’un message fort envoyé aux industriels pour qu’ils anticipent la fin de l’utilisation des PFAS dans leur processus de fabrication – comme ont déjà su le faire les producteurs de cosmétiques – et qu’ils participent financièrement à la dépollution. Il s’agit aussi d’envoyer un message à l’Europe, car la vraie réponse sera européenne. Il y a un an, l’Europe a ainsi interdit l’usage des PFAS dans les emballages alimentaires. La France prend de l’avance aujourd’hui et anticipe les décisions que l’Europe devra prendre rapidement, de manière harmonisée, sur l’ensemble du continent.
Mais cette PPL n’est qu’une première pierre et nous devrons aller plus loin. Plusieurs pays d’Asie s’emparent du sujet, tandis que des états américains interdisent déjà d’autres usages des PFAS, comme dans les textiles d’ameublement et les jouets. Il nous faudra également traiter la question des rejets atmosphériques et de l’air ambiant et insister auprès de certains acteurs qui ont pris du retard – industriels, armée, compagnies aériennes – pour qu’ils débutent des campagnes de prélèvement et d’analyse et mettent en place des mesures contre les rejets de PFAS.
Enfin, nous avons interdit certains usages et c’est une très bonne chose. Dès à présent, les autorités publiques doivent prévoir des contrôles – car il ne suffit pas d’interdire, il faut ensuite contrôler –, afin que les produits importés ne contiennent plus de PFAS.
Des décisions restent à prendre pour protéger durablement notre environnement et la santé de nos concitoyens. Le groupe Les Démocrates soutient cette avancée législative, coconstruite par nos collègues ici – je me souviens de la première proposition de loi de M. Taupiac – et au Sénat. Nous devrons également suivre collectivement la progression du plan interministériel que le gouvernement a mis en place il y a un an.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Tout d’abord merci, Monsieur le rapporteur, d’avoir remis cette question essentielle au centre de nos préoccupations.
En 2023, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, présentait un plan d’action ministérielle pour la période 2023-2027, qui prévoyait notamment la surveillance des milieux naturels, l’accélération des recherches scientifiques pour trouver des produits de remplacement ainsi qu’un accès facilité à l’information pour les citoyens. L’idée était de rappeler l’importance d’une action coordonnée à l’échelle européenne pour supprimer les risques liés à l’utilisation des PFAS.
Le texte examiné aujourd’hui, travaillé par nos deux assemblées en première lecture, confirme la volonté de réduire la source d’exposition et les risques sanitaires associés à ces PFAS. Il prévoit notamment des interdictions de mises sur le marché, dès 2026, pour certains produits comme les cosmétiques, les farts, les textiles d’habillement et de chaussures – hors vêtements industriels et de protection –, pour lesquels il existe déjà des solutions de remplacement.
Lors de la première lecture, nous avons trouvé un consensus entre notre obligation de supprimer les risques sanitaires et la nécessaire transformation des industries qui utilisent ces produits, pour leur permettre de trouver des alternatives et préserver ainsi l’économie.
Le groupe Horizons & indépendants confirme – après déjà deux votes – vouloir interdire l’ensemble de ces substances, de manière coordonnée et harmonisée à l’échelle européenne, sauf dérogations proportionnées que nous avons pu prévoir et qui ont été reprises par le Sénat. Force est de constater que les négociations européennes sur le sujet ont pris du retard, même si le travail de consultation continue, par le biais notamment de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa). C’est pourquoi, en tant que législateur, il nous incombe d’agir sans attendre, en particulier lorsque des produits de substitution opérationnels existent déjà, pour envoyer un message à nos partenaires européens.
Nous soutenons également l’amendement introduit par les sénateurs qui prévoit que les interdictions voulues dans cette PPL soient soumises à un régime de contrôles et de sanctions, au même titre que le prévoit le règlement Reach, qui permet d’harmoniser la réglementation à l’échelle européenne.
Nous soutenons aussi les politiques visant à mobiliser les connaissances scientifiques, pour aider la R&D (recherche et développement) de l’industrie à trouver des alternatives pour l’ensemble des PFAS, quand bien même tous n’auraient pas le même impact sur la santé. Il est temps de cesser d’opposer le respect de notre environnement et le développement économique.
Nous ne pouvons enfin que soutenir le renforcement des contrôles de l’eau potable et la mise en place d’une trajectoire nationale visant à réduire les rejets de PFAS par les installations industrielles, en amont de leur interdiction, planifiée cinq ans après la promulgation de la loi pour permettre aux industriels de s’adapter et retrouver des alternatives durables. Nous avions déjà soutenu cette position en première lecture.
Par ailleurs, j’ai déjà souligné, lors de la précédente discussion de cette PPL, le coût exorbitant de la dépollution de l’air, de l’eau et des sols pour les collectivités territoriales, qui seront incapables d’en supporter la totalité.
Ce texte, qui est un compromis de nos deux assemblées – j’en profite pour remercier Cyrille Isaac-Sibille pour le travail essentiel qu’il a accompli –, est une première réponse à une préoccupation majeure de santé environnement.
Le groupe Horizons & indépendants appelle, par conséquent, à un vote conforme de ce texte.
M. David Taupiac (LIOT). Nous allons acter la semaine prochaine, je l’espère, une première étape dans la lutte contre les substances per- et polyfluoroalkylées. C’est l’aboutissement d’un long parcours parlementaire, débuté lors de la XVIe législature avec l’audition, en avril 2023, de l’association Générations futures, du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et de la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Cette audition nous avait alertés quant à la pollution massive des PFAS et à leur impact environnemental et sanitaire. J’ai par la suite défendu, dans le cadre de la niche parlementaire réservée au groupe LIOT une proposition de loi interdisant ces substances dans les emballages alimentaires et imposant des normes limites de rejets aux ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement). Ce texte n’avait pas été voté, mais cela n’avait pas mis fin au travail parlementaire. Sur presque tous les bancs de l’Assemblée, des députés ont continué à se mobiliser. Je pense par exemple à Jimmy Pahun, à Cyrille Isaac-Sibille et, surtout, à Nicolas Thierry, que je remercie pour son travail.
Dans le même temps, les ONG et la presse n’ont cessé de jouer leur rôle de lanceurs d’alerte, essentiel pour faire bouger les choses.
Nous examinons aujourd’hui un texte de compromis ; certains y verront des renoncements, d’autres des contraintes excessives. J’y vois pour ma part des mesures utiles, qui tiennent compte de l’état des connaissances et de la science, et une première étape pour faire entrer la question des PFAS dans la loi. Ainsi, le calendrier d’interdiction d’utilisation des PFAS concerne certaines applications – les farts, les cosmétiques et le textile – pour lesquelles il existe d’autres solutions que ces substances. À cela s’ajoutent des mesures de réduction de pollution à la source, par la mise en place de normes de rejets industriels. C’est une démarche nécessaire pour que nos sols et nos eaux, déjà contaminés, ne le soient pas davantage. Quant à l’ajout de PFAS à la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l’eau, il constitue une première étape vers le financement de la dépollution.
Il y a bien sûr quelques bémols : la proposition de loi issue du Sénat renvoie une grande partie des mesures à des décrets, ménageant ainsi autant de voies de sortie pour les industriels. En outre, elle ne concerne qu’un nombre très limité d’usages, qu’il conviendra d’élargir en travaillant avec les industriels concernés.
Le groupe LIOT ne déposera pas d’amendement pour faciliter l’adoption conforme, à laquelle nous sommes favorables, en commission et dans l’hémicycle.
M. Éric Michoux (UDR). Comme Pierre Meurin, j’ai dans ma circonscription un site industriel, l’usine Tefal, qui utilise ces produits et au sein duquel travaillent 1 800 personnes, qui fabriquent des poêles antiadhésives. Je me balade, moi aussi, au bord de l’eau, avec ma fille de sept ans ; je n’ignore rien des problèmes sur la santé et l’environnement que posent les PFAS. L’UDR comprend la préoccupation des Français, qui est évidemment tout à fait légitime.
Vous avez eu raison, Monsieur le rapporteur, de porter un regard particulier sur les ustensiles de cuisine, qui sont aujourd’hui un des fleurons de notre industrie, d’autant que les industriels sont déjà contraints par la norme Reach, qui encadre l’utilisation de ce type de produits. Et si, demain, il était interdit de les fabriquer, nous devrions, de toute façon, faire face à des importations de pays moins regardants quant à la qualité de leurs produits. On retrouverait ainsi, en Europe et en France, des produits chinois largement plus polluants.
Il faut donc protéger notre industrie, avec sérieux et sérénité, en contrôlant la pollution et ses effets sur la population. Ne cassons pas nos fleurons à cause de dogmes
écolo-socialo. C’est ce qu’on a fait dans l’automobile et, aujourd’hui, on importe des voitures électriques plus polluantes. C’est ce qu’on a fait pour notre agriculture, détruite par un système de surtransposition des directives européennes, ce qui nous conduit à importer des poulets ukrainiens immangeables ou de mauvaises oranges espagnoles.
Ne détruisons pas à nouveau notre industrie à cause de dogmes écolos. (Protestations.) Je voulais dire d’extrême gauche.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Merci, mes chers collègues, pour votre soutien quasi unanime.
Je souhaite revenir sur le TFA, afin que tout le monde comprenne bien de quoi l’on parle. Le TFA est un PFAS à chaîne courte qui, de ce fait, est particulièrement mobile. Par ailleurs, il peut aussi apparaître dans l’environnement parce que certains PFAS, lorsqu’ils se dégradent, deviennent des métabolites du TFA. C’est ce qui explique qu’on le retrouve dans de nombreux endroits, à des taux très élevés. Cela inquiète beaucoup les autorités, car, à lui seul, le TFA pourrait faire dépasser les seuils de réglementation qui vont être proposés. C’est un sujet de préoccupation en Europe, en particulier au sein de l’AEPC (ou Echa), qui déborde largement le cadre de cette PPL. Ainsi, l’agence de l’environnement allemande vient, par exemple, de classer le TFA comme reprotoxique. Cela va concerner nombre d’industries, la filière et beaucoup de collectivités, car lorsqu’il sera classé comme toxique – ce qui arrivera à un moment ou à un autre –, ce sera un réel problème. Retenez bien ces trois lettres, car le TFA risque d’être un sujet majeur dans les prochaines années.
S’agissant de la dépollution, évoquée par Claire Lejeune notamment, nous devrons nous en préoccuper collectivement après cette proposition de loi. Certes, nous allons faire en sorte de fermer le robinet, mais il subsistera la pollution historique. Comment allons-nous dépolluer ce qui est contaminé depuis des décennies ? Il existe des technologies, comme celle de l’osmose inverse ou celle du charbon actif, mais elles sont extrêmement coûteuses. Les journalistes ont d’ailleurs souligné le coût que cette dépollution allait représenter. C’est l’un des premiers chantiers que nous devrons ouvrir, une fois cette PPL adoptée : comment s’attaquer à cette pollution historique sans mettre les collectivités dans d’immenses difficultés ?
Je ne m’étends pas davantage, car les autres questions seront abordées dans le cadre de l’examen des amendements.
Article 1er : Interdiction des substances per- et polyfluoroalkylées
Amendement de suppression CD10 de Mme Danielle Brulebois
Mme Danielle Brulebois (EPR). Oui, les PFAS sont préoccupants. C’est pour cette raison qu’un plan ministériel a été engagé, que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC, ou Echa) travaillent sur cette question et qu’existe la réglementation Reach (enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances) – réglementation que la proposition de loi tend d’ailleurs non à surtransposer, mais à « avant-transposer ».
Les industriels ont été traités de grands pollueurs, voire de grands criminels au titre de l’incidence de leurs produits sur la santé. Il convient de rétablir certaines vérités. Car si on retrouve effectivement des PFAS dans nos cheveux, ils font aussi partie des composants des pacemakers, des stents, des implants dentaires, des prothèses de hanche, ou encore de médicaments contre le cholestérol. Réfléchissons donc avant de renoncer à tout cela.
Par ailleurs, je rappelle que la proposition de loi n’est pas assortie d’une étude d’impact. L’article 1er, particulièrement, ne distingue pas les PFAS préoccupants pour la santé humaine et l’environnement de ceux qui sont par nature non solubles et non biodisponibles. Tous les PFAS – et heureusement, vu qu’il en existe 11 000 – ne sont pas dangereux pour la santé !
C’est notamment le cas du polyfluorure de vinylidène (PVDF), polymère produit sans fluorosurfactant dans plusieurs sites français, dont celui de Solvay à Tavaux. Très utile à nos médicaments, mais aussi à nos batteries lithium-ion, cette substance est stratégique pour notre souveraineté en matière de transition écologique.
J’appelle donc à faire la part des choses et à éviter les discours populistes. De ce que j’ai entendu, on agite les peurs, on fait peur aux gens, alors que la chimie n’est pas toujours dangereuse pour l’homme. Du point de vue sanitaire, je le répète, les PFAS ont constitué un progrès et favorisé l’allongement de la vie de nos concitoyens. Il faut être un peu rationnel.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je vous répondrai de manière très rationnelle, comme vous m’y invitez.
D’abord, vous souhaitez distinguer les PFAS utilisés dans le secteur de la santé : c’est justement ce que nous faisons, ainsi que l’Union européenne. Nous nous efforçons de séparer les usages essentiels des usages non-essentiels. C’est pourquoi les pacemakers et les prothèses ne sont évidemment pas concernés par la proposition de loi et que l’Echa ne prévoit pas de délai pour la substitution de cette substance pour ces dispositifs, pour lesquels le bénéfice des PFAS est plus important que le risque. À l’inverse, la balance penche clairement du côté du risque s’agissant des usages des industries textile et cosmétique, ou encore pour la fabrication des farts de ski ; c’est ce à quoi je propose de renoncer.
Par ailleurs, vous faites valoir que le texte n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. C’est vrai de toutes les propositions de loi – contrairement aux projets de loi. Nous avons néanmoins mené des auditions. Nous nous sommes appuyés sur le rapport très complet que notre collègue Cyrille Isaac-Sibille a rendu en janvier 2024. Et nous disposons de très nombreuses études décrivant les dangers potentiels de ces substances chimiques persistantes pour l’environnement et pour la santé. Dit autrement, une large bibliographie scientifique et des travaux parlementaires fouillés viennent étayer le texte. L’argument selon lequel nous manquerions de données n’est donc absolument pas recevable.
Vous avez également indiqué que l’Union européenne évaluait actuellement une proposition de restriction universelle, qui a été déposée il y a deux ans par cinq États membres. C’est exact, mais le processus n’aboutira dans le meilleur des cas que dans plusieurs années, alors que nous faisons face à un risque sanitaire établi. À cet égard, je rappelle que certains PFAS sont en passe d’être interdits dans l’ensemble de l’Union européenne, à l’instar de ceux utilisés pour les emballages alimentaires, et que certains pays comme le Danemark ont déjà imposé des restrictions d’utilisation pour certains produits.
C’est précisément la visée de la proposition de loi. De manière très rationnelle, nous réfléchissons en fonction des usages et proposons de limiter le plus rapidement possible la diffusion de ces polluants éternels dans l’environnement dans les secteurs de consommation courante où des solutions de substitution existent déjà. Mon avis est donc évidemment défavorable sur cet amendement.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Cet amendement n’est pas sérieux ! Nous sommes réunis pour traiter le cas de polluants dits éternels, des composés chimiques qui ne se dégradent pas de manière naturelle et qui s’accumulent dans nos organismes, et nous ne devrions pas agir ?
Pour ne citer qu’une étude, celle conduite l’an dernier par l’UFC-Que choisir et l’association Générations Futures fait apparaître que la quasi-totalité des Français sont exposés aux PFAS par l’eau potable qu’ils consomment au quotidien. Il s’agit d’une pollution mondiale, ces substances étant extrêmement mobiles et se propageant tout au long de la chaîne alimentaire, selon le phénomène de bio-amplification. Des dizaines de ces composés ont ainsi été retrouvées sur des ours polaires qui, par définition, vivent loin de toute source de pollution.
Répétons-le, les PFAS sont reprotoxiques et à l’origine de lésions hépatiques, de cancers, de pathologies de la thyroïde, ou encore d’obésité, et diminuent les réponses immunitaires, notamment à la suite de vaccins. Mais à vous écouter, pour favoriser l’allongement de la vie de nos concitoyens, il faudrait surtout ne rien faire ! Ce n’est pas entendable. Alors que les scientifiques s’accordent justement à dire que nous ne protégeons pas suffisamment les Français contre ce fléau, vous nous expliquez qu’il est urgent d’attendre, de réfléchir davantage. Par cet amendement – et les autres que vous avez déposés –, vous renvoyez à une éventuelle interdiction au niveau européen, mais nous ne pouvons pas attendre.
Enfin, je rappelle qu’en première lecture l’Assemblée avait adopté un amendement visant à activer la clause de sauvegarde prévue à l’article 129 du règlement Reach, qui dispose que « lorsqu’un État membre est fondé à estimer qu’une action d’urgence est indispensable pour protéger la santé humaine ou l’environnement en ce qui concerne une substance […], il peut prendre des mesures provisoires appropriées ». Nous sommes précisément dans cette situation, aussi pouvons-nous et devons-nous agir maintenant et sans attendre l’Europe.
M. Pierre Meurin (RN). Je ne retirerai pas un mot de l’intervention de Mme Brulebois. Les industriels sont très inquiets, pas tant en raison de la proposition de loi à proprement parler, mais des conséquences qu’ils anticipent pour leur activité.
Comme souvent, il y a une forme d’hypocrisie derrière de tels textes écolos. Nous adoptons des réglementations environnementales, sanitaires, sociales, mais comme nous participons à la mondialisation, nous importons ensuite les produits que nous ne fabriquons plus chez nous, ceux-ci étant d’autant plus compétitifs que leur élaboration n’obéit à aucune de nos normes.
Pour reprendre l’exemple de l’usine Solvay à Salindres, l’acide trifluoroacétique (TFA) qui y est produit est indispensable à la fabrication, entre autres, de traitements antiviraux et contre le cancer. Et pour un court laps de temps encore, cette usine est la seule d’Europe à fabriquer cette molécule. Or si elle ferme alors que nous aurons toujours besoin de TFA, nous serons amenés à l’importer de Chine, où elle est produite sans normes environnementales et sanitaires.
Pour reprendre la fameuse citation, « il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt ». L’écologie et les droits humains, c’est bien chez nous, mais ce qui se passe à des milliers de kilomètres, tout le monde s’en fiche ! Cette hypocrisie m’agace très fortement et porte atteinte à la compétitivité de nos entreprises.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je rappelle que les PFAS ont été développés lors de la dernière guerre mondiale à des fins militaires mais leurs propriétés sont si exceptionnelles qu’ils ont été utilisés dans de nombreuses autres productions.
Je ferai un parallèle avec le nucléaire. La radioactivité existe à l’état naturel et personne ne pourrait se passer du nucléaire dans le domaine de la santé, notamment pour les scanners, mais nous contrôlons cette filière. Il doit en aller de même des PFAS, dont nous devons reprendre le contrôle. Nous ne remettons pas en cause ses usages essentiels, pour la médecine ou pour la transition énergétique, mais seulement ses usages considérés comme futiles. Dans les domaines des cosmétiques, du textile, ou encore du fart, nous pouvons nous en passer. Et pour les avoir rencontrés, je peux vous dire que les représentants de ces filières ont compris l’enjeu et suppriment d’ores et déjà les PFAS de leurs productions.
Quant à l’étude d’impact, elle a eu lieu sur le terrain. Par ce texte, nous envoyons un signal aux industriels, dans l’attente d’une réponse européenne, voire mondiale. Nous affirmons que la France est prête à avancer. De nombreuses années seront nécessaires à l’émergence de cette filière et l’un des enjeux sera effectivement de contrôler les produits fabriqués hors de l’Union européenne.
Mme Justine Gruet (DR). Je remercie ma collègue du Jura pour son engagement et apporte mon soutien à la plateforme Syensqo de Tavaux, qui a montré, en mesurant les taux de polluants éternels en amont et en aval, que le site ne produisait pas de PFAS à chaîne courte.
On ne peut pas ranger tous les PFAS dans une même catégorie : ceux à chaîne longue, par définition, ne pénètrent pas dans l’organisme et ne sont pas mobiles, contrairement à ceux à chaînes courtes qui sont très perméables, mobiles et impossibles à détruire. Il faut absolument faire cette distinction au sein des douze molécules de PFAS.
Grâce à ce site jurassien, la France a su se doter d’une production de PVDF, substance nécessaire à la fabrication de nombreux produits du quotidien, sans utilisation de PFAS à chaîne courte, et au service de notre transition énergétique. J’aimerais que chacun reconnaisse cette différence, plutôt que de participer à une démagogie écologique qui mettra nécessairement notre industrie en grande difficulté.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Prenons garde au message que nous adressons aux industriels. Certains ont prévu d’importants investissements, à l’instar de Solvay à Tavaux, en faveur des PVDF, qui, je le rappelle, sont nécessaires à la production de batteries lithium, elles-mêmes indispensables à la production de voitures électriques en Europe. Quant à l’intelligence artificielle qui enchante tout le monde, en témoigne le sommet qui se tenait à Paris, elle conduira à utiliser encore un peu plus de PVDF. Dans sa grande sagesse, le Sénat, heureusement, a laissé une grande latitude au gouvernement pour la rédaction des décrets d’application.
De plus, alors que Solvay a été présenté par les journaux comme un grand pollueur des sols, je tiens à rassurer, car si les gens ont des PFAS dans les cheveux, une récente étude épidémiologique a montré que, ni Tavaux ni le Jura dans son ensemble, ne présentaient une surmortalité ou un nombre de cancers supérieur à la moyenne.
M. Sylvain Berrios (HOR). Le groupe Horizons & indépendants ne soutiendra pas cet amendement.
Tout d’abord, le texte ne vise pas l’ensemble de l’industrie et distingue les usages essentiels et non-essentiels.
Ensuite, eu égard à cette méthode, des contacts ont été pris avec les industriels concernés pour s’assurer que leur adaptation sera réelle et immédiate et que les substances alternatives ne présentent pas de risques plus importants.
Enfin, et c’est au cœur de notre positionnement, personne ici ne peut ignorer les risques sanitaires latents que comportent les PFAS. Le procédé d’osmose inverse a été évoqué, certains industriels le proposant d’ailleurs dans leur réponse à des appels d’offres, mais recourir à une telle pratique pour obtenir une eau pure demanderait des sommes colossales.
Au fond, ce texte est assez modeste ; ne croyons pas qu’il révolutionnera l’ordre européen ou mondial. Mais il permet de faire savoir aux Français et à l’Union européenne que nous prenons ce sujet en main, dans le cadre d’un partenariat avec les industriels qui me semble être la bonne méthode. S’il faut bien sûr être attentifs à l’emploi et à l’économie, il faut l’être aussi à la santé de nos concitoyens, ainsi qu’à la santé environnementale, qui est absolument essentielle.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Soyons raisonnables : il ne s’agit pas de diaboliser toute l’industrie de la chimie, mais simplement d’organiser sa transition et de protéger nos concitoyens. Je ne peux vous laisser dire, collègue Brulebois, que les PFAS allongent la durée de vie des Français quand, à Pierre-Bénite, au sud de Lyon, dans la vallée de la chimie, les habitants nous expliquent qu’ils ne peuvent plus manger leurs légumes ni leurs œufs, et que leur eau est contaminée – sachant que des études récentes montrent que l’air l’est également. Les cancers, même pédiatriques se multiplient – j’ai récemment rencontré un jeune de quatorze ans souffrant d’un cancer des testicules – et la fertilité est altérée.
La Ligue contre le cancer et les scientifiques sont unanimes : il faut couper le robinet de la pollution à la source. En tant que législateurs, notre devoir est de nous préoccuper de la santé des Français, motivation qu’aucun lobby ne doit pouvoir affaiblir. C’est dans cet esprit-là que nous voterons ce texte et que nous repousserons cet amendement.
M. Xavier Roseren (HOR). Ma position sera légèrement différente de celle de mon groupe, car si la lutte contre les PFAS, substances dangereuses pour la santé, est une nécessité, j’estime que la date d’entrée en vigueur des dispositions de cette proposition de loi, fixée à 2026, est inappropriée. Des règlements européens ainsi que des études doivent en effet aboutir en 2027. Reportons donc à 2028 l’interdiction de l’utilisation des PFAS pour assurer la cohérence de notre législation avec les normes européennes. Ainsi, s’il est préférable de ne pas supprimer cet article, je serai favorable à l’amendement suivant de Mme Brulebois.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Je retire mon amendement. Mon but est de rationaliser une proposition de loi dont l’exposé des motifs agite des peurs et fait du populisme.
Il ne faut pas tout jeter. Je rappelle à nouveau les bénéfices des PFAS pour la santé et pour l’allongement de la vie. Les personnes qui ont des stents ou des prothèses de hanche en savent quelque chose.
Je fais confiance au gouvernement pour que les décrets d’application prennent bien en compte les domaines dans lesquelles les PFAS sont nécessaires : la santé, les batteries au lithium et le numérique avec le polyfluorure de vynilidène (PVDF), et les textiles puisque ces molécules servent à traiter les sièges antifeu des avions. Ils devront faire la distinction entre les PFAS nocifs pour la santé et ceux qui ne le sont pas.
L’amendement est retiré.
Amendement CD11 de Mme Danielle Brulebois
Mme Danielle Brulebois (EPR). Cet amendement vise à coordonner l’interdiction française avec la potentielle interdiction européenne.
L’introduction de restrictions nationales ciblées avant celles qui seront adoptées au niveau européen présente un risque important de non-conformité de la loi française aux règles européennes, de fragmentation du marché intérieur européen et de non-conformité des produits mis sur le marché national. Le contrôle de la présence de PFAS dans les nombreux produits importés sur le territoire national sera extrêmement difficile pour les autorités de surveillance du marché. Dans ces conditions, le délai de 2026 me paraît irréaliste.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Le PVDF, utilisé notamment dans les batteries, n’entre pas dans le champ de la proposition de loi. Il en va de même pour la santé. Ces usages sont en effet considérés comme essentiels.
Par ailleurs, le niveau de dangerosité des PFAS à chaîne longue n’est pas moins élevé. Je rappelle que l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS), premier PFAS à avoir été classé comme produit cancérigène en 2009, est précisément à chaîne longue.
En outre, tous les PFAS ont comme point commun d’être persistants, ce qui suffit à la communauté scientifique pour les considérer tous comme étant très préoccupants. La différence entre les PFAS à chaîne longue et ceux à chaîne courte peut être faite sur des critères de mobilité, mais pas de dangerosité.
Les PFAS constituent aujourd’hui une menace sanitaire comparable à celle représentée par l’amiante ou le chlordécone. Ces scandales nous ont instruits sur les dangers de l’immobilisme. Prenons donc garde à ne pas répéter les erreurs du passé. Il faut agir au plus vite, surtout quand les substitutions sont possibles. L’Union des industries textiles est d’ailleurs favorable à une interdiction des PFAS dans les produits textiles, notamment pour l’habillement. à l’instar de la filière cosmétique et de celle des produits de fart pour les skis.
Que nous faut-il de plus pour agir alors que l’attente citoyenne est grande ?
M. Pierre Meurin (RN). Nous soutenons cet amendement de bon sens. L’effroi n’est jamais bon conseiller et l’effroi écolo l’est encore moins. Aucun principe ne nous oblige à voter ce texte conforme. Nous pourrons avoir un débat en séance.
L’application en 2026 nous semble irréaliste et la plupart des industriels que nous avons reçus partagent cet avis. Ils ont peur que le législateur ponde encore quelque chose pour les gonfler.
Je regrette de voir la conversion des Républicains – dont la position a surpris de nombreux industriels – et du centre à l’effroi écologiste
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Je m’étonne de la légèreté avec laquelle certains collègues traitent un sujet majeur de santé publique, qui concerne tous nos concitoyens. Les victimes de cancer seront ravies d’entendre M. Meurin parler d’une égratignure au doigt. Je m’étonne aussi d’entendre le RN se mettre à défendre les droits humains en Chine. Peut-être détestent-ils plus l’écologie que les étrangers.
Madame Brulebois, pourquoi reporter l’application de ces mesures si nous avons toutes les raisons, notamment scientifiques, de voter ce texte de façon conforme ?
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit ici de l’interdiction des PFAS pour un usage futile – textiles, cosmétique, fart – que les industriels ont anticipé. La reporter ne servirait donc à rien.
Toutefois, il ne suffit pas d’interdire, il faut également contrôler le respect de l’interdiction et notamment veiller à ce que des produits importés ne contiennent pas de PFAS. Il faut également se mettre d’accord sur les usages qui sont futiles et ceux qui sont essentiels, car les PFAS sont nécessaires pour la transition énergétique, puisqu’ils sont notamment utilisés dans les batteries, les éoliennes et les hydrolyseurs.
M. Hubert Ott (Dem). Nous sommes face à un devoir moral. Nous savons en effet que les PFAS présentent une dangerosité inédite et qu’ils sont indestructibles. Reporter leur interdiction serait se rendre coupable de laisser une menace pour la santé publique se développer.
L’extrême droite lance des accusations contre nos collègues écolos et socialos, mais, ce faisant, elle leur rend grâce d’une chose : ils seraient les seuls à se préoccuper de la santé des Français, alors que nous sommes tous là pour cela. Nous vous invitons d’ailleurs à nous rejoindre. Prenez garde : vos positions indéfendables pourraient vous exposer aux accusations de nos concitoyens de mépriser leur santé.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Comment peut-on imaginer supprimer l’article 1er ou reporter la date d’interdiction ? J’ai le sentiment qu’il y a une méconnaissance du texte de cette proposition de loi, qui fait consensus sur tous les points et qui n’oppose pas l’écologie à l’économie. Assimiler l’interdiction des PFAS à une opposition au développement économique me semble très binaire. Si l’on ne contraint pas les entreprises, elles n’avanceront pas dans leur recherche et développement. Cette interdiction favorisera par ailleurs les entreprises honnêtes qui, déjà, n’utilisent pas de PFAS.
La gauche n’a effectivement pas le monopole de l’écologie. Nous sommes des partis de droite et nous soutenons cette proposition de loi afin de préserver la santé de l’homme, mais aussi celle des animaux et de l’environnement. Il n’y a qu’une seule santé, One Health.
M. Jean-Pierre Taite (DR). Monsieur Meurin, je respecte toutes les convictions politiques, même celles que je ne partage pas. Il revient aux Français de choisir. J’ajoute que personne ne peut me convertir, car j’ai des convictions. Je suis favorable à ce texte et je souhaite que nous le votions conforme, car notre seul objectif, qui devrait être un objectif unanimement partagé, est la préservation de la santé de nos concitoyens.
L’hémicycle donne parfois une image lamentable du travail parlementaire. Le travail en commission doit être l’occasion de faire les choses différemment, dans le respect des convictions que nous ne partageons pas.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Je suis inquiet : si on interdit le revêtement des ustensiles de cuisine, par quoi le remplacer ? Les poêles en fer sont cancérigènes et les poêles en inox sont très chères.
M. Julien Guibert (RN). Je veux dénoncer l’hypocrisie de certains de nos collègues. Deux industriels de ma circonscription m’ont dit, les yeux dans les yeux, qu’en cas d’interdiction, ils ne changeraient pas leurs méthodes de fabrication et délocaliseraient en deux ou trois ans leur production en Asie, où l’utilisation de PFAS moins vertueux est autorisée. Nous n’avons bien sûr aucun mépris pour la santé, mais nous craignons la fermeture de nos usines et la casse sociale qu’elle pourrait entraîner. Nul doute que vous viendrez alors, le poing en l’air, soutenir les salariés, alors que ce sont les textes que vous votez ici qui génèrent du chômage dans nos circonscriptions rurales. Je soutiens tous les salariés de Solvay à Clamecy, qui risquent demain de se retrouver sans travail. Bien sûr, il faut que la recherche et développement progresse. Mais on ne peut pas voter au pied levé des dispositions aussi importantes.
Mme Danielle Brulebois (EPR). Madame Violland, je m’abstiens quant à moi de juger les amendements de mes collègues ou leur capacité à comprendre un texte. Je peux vous assurer que je lis les textes et que je connais bien le contexte industriel et sanitaire.
Mon amendement est motivé par le souhait de laisser du temps aux industriels. Eux aussi ont des valeurs et n’ont aucune volonté d’empoisonner les gens. Au contraire, ils veulent trouver des produits de substitution, mais la recherche et le développement de nouvelles solutions ne se fait pas en un claquement de doigts.
Il est également motivé par la question du contrôle, dans un cadre hors de la réglementation européenne. Avez-vous pensé au système de contrôle des produits importés d’autres pays européens ?
Je souhaitais que nous ayons ce débat. Il a eu lieu et je retire donc mon amendement.
M. Pierre Meurin (RN). Je reprends l’amendement.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Vous avez déjà retiré l’amendement identique CD13.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Je l’ai retiré car Mme Brulebois avait déposé un amendement identique.
M. Hubert Ott (Dem). Les industriels sont conscients de leur obligation de procéder à une transition face à la dangerosité avérée des PFAS.
S’agissant des risques de délocalisation et de l’importation de produits contenant des PFAS, nous devons expliquer à nos concitoyens sur quels produits ils doivent orienter leur consommation pour éviter de se mettre en danger. Il faut modifier le marché.
Mme Marie Pochon (EcoS). Comme tous les groupes, nous ne disposons que d’une seule journée pour débattre de nos propositions de loi. Je ne comprends pas pourquoi plusieurs orateurs de chaque groupe s’expriment sur chaque amendement alors que, d’habitude, une seule prise de parole suffit. Aujourd’hui, les débats durent et, parfois, s’enveniment alors que nous les avons déjà eus l’an dernier dans l’hémicycle et en commission.
J’aimerais donc que nous en revenions à la procédure habituelle, où un seul avis est exprimé par groupe.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Il est normal que nous laissions le débat se dérouler en commission. J’espère néanmoins que, chacun ayant pu s’exprimer, nous pourrons désormais avancer plus vite dans l’examen des autres amendements.
Monsieur Meurin, vous pouvez en effet reprendre l’amendement.
M. Vincent Thiébaut (HOR). Notre groupe votera contre cet amendement. Je remercie le rapporteur de nous avoir rassurés sur le travail effectué. Les filières visées sont prêtes, mais nous sommes tous soumis à des injonctions contradictoires, car il nous faut préserver l’emploi et l’économie sur nos territoires et, en même temps, permettre l’avenir en luttant contre les pollutions.
Je rappelle à cet égard que l’interdiction du dioxyde de titane par la loi Egalim avait suscité une avalanche de réactions de la part des industriels, mais que ceux-ci, en moins de deux ans, ont su trouver une solution et supprimer cette substance. Nous devons donc envoyer des signaux à l’industrie afin qu’elle puisse engager investissements et recherche pour trouver des solutions qui satisferont tout le monde et répondront aux enjeux environnementaux et sanitaires.
M. Pierre Meurin (RN). Mme Pochon est un peu gonflée de se plaindre du traitement de sa niche, alors que la gauche a l’habitude de pourrir celles des autres groupes, comme elle l’a encore fait jeudi dernier.
Mme la présidente Sandrine Le Feur. Monsieur Meurin, vous aviez la parole pour vous exprimer sur l’amendement.
M. Pierre Meurin (RN). Je le défends, Madame la présidente. Il est toujours très confortable moralement d’appartenir au camp du bien, mais c’est parfois aussi de la paresse intellectuelle. Vous parlez de devoir moral et nous accusez de mépriser la santé des Français, mais ce n’est absolument pas le cas. Simplement nous dénonçons aussi l’hypocrisie des importations, comme l’a fait tout à l’heure mon collègue Julien Guibert.
Une phrase de Mme Violland m’a fait bondir : « Si on ne contraint pas les entreprises, elles n’avanceront pas dans leur recherche et développement. » Je ne savais pas qu’à droite, on ne croyait pas à l’entreprise ! Cet amendement est nécessaire pour donner une respiration à nos entreprises et à nos industriels.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD2 de M. Pierre Meurin
M. Pierre Meurin (RN). Il tend à ce que le décret prévu soit pris en concertation avec les acteurs visés.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. L’article 1er prévoit un renvoi à un décret. Il reviendra alors au ministre compétent d’établir par décret une liste de produits textiles d’habillement et de chaussures qui, parce qu’ils servent à la protection et à la sécurité des personnes, notamment dans des missions de sécurité civile ou de défense nationale, pourront continuer à contenir des PFAS. Le décret sera éventuellement soumis à consultation du public et les entreprises pourront faire valoir leur avis et apporter des informations, mais il n’est pas de coutume de prévoir de concertation dans la loi. C’est au pouvoir réglementaire de déterminer les exceptions par décret en réunissant les informations nécessaires. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD3 de M. Pierre Meurin
M. Pierre Meurin (RN). Il s’agit d’un amendement de précision, qui vise à nous assurer que, pour ce qui concerne les textiles, le dispositif ne s’applique qu’aux produits d’habillement et de chaussures.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CD4 de M. Pierre Meurin, CD18 de Mme Danielle Brulebois et CD5 de M. Pierre Meurin.
Amendement CD6 de M. Pierre Meurin
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Avis défavorable.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Le Rassemblement national veut empêcher l’établissement d’une carte qui recense les sites émetteurs de PFAS ou, si cette carte est dressée, empêcher qu’elle soit rendue publique. Alors qu’il est question d’une pollution massive, porteuse de risques avérés pour la santé, vous dites qu’il vaut mieux que les gens ne sachent pas – vous écrivez même : « pourquoi rendre publique cette carte ? », ajoutant qu’« aujourd’hui, les entreprises ont conscience de la dangerosité de certains produits et font tout pour empêcher la contamination ». Toujours est-il que nous avons appris, par exemple, à la fin de l’année dernière que l’usine Daikin lançait la production d’un nouveau produit comportant des polymères fluorés. Cela suscite un doute et il y a intérêt à légiférer pour réglementer ces questions. Vous êtes les tenants de l’obscurantisme et votre haine irraisonnée de l’écologie vous conduit à nier un enjeu majeur de la santé humaine.
M. Pierre Meurin (RN). Tenants de l’obscurantisme ? Il n’est pas sérieux d’employer ce langage religieux dans un débat technique sur les PFAS ! Toujours est-il que nous pouvons aller vite : inutile, donc, de chouiner en déplorant le traitement de votre niche parlementaire.
Quant à la carte, elle n’aura pas seulement pour effet d’imposer des contraintes à nos entreprises, mais aussi de les stigmatiser. Il faut cesser de légiférer dans l’urgence sous le coup de l’effroi public, qui n’est jamais bon conseiller en la matière. Il faut nous donner du temps et laisser aux entreprises celui de s’adapter, sans les stigmatiser, mais en les accompagnant. Il faut aussi leur faire confiance, car la recherche et développement fonctionne. Il faut croire en nos entreprises, même s’il est de notoriété publique qu’à gauche – et notamment les Écolos –, vous êtes depuis toujours les ennemis de l’entreprise.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Pendant un an, j’ai fait un tour de France pour étudier la question des PFAS, participant à des débats publics en milieu tant rural qu’urbain ou périurbain, qui réunissaient des personnes de tous horizons et de 7 à 77 ans. Sur les milliers de personnes que j’ai ainsi eu la chance de rencontrer, aucune ne m’a dit que la transparence des données était un problème pour son territoire. Bien au contraire, toutes ressentaient de l’inquiétude face au manque d’information. La transparence bénéficie à tous, aux citoyens comme aux entreprises. Elle est ce qui crée la confiance et permet d’avancer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD12 de M. Frédéric-Pierre Vos
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). Les principes juridiques ne s’accommodent pas d’une interdiction totale lorsque l’exception est possible. Or le texte ne distingue pas les produits suspectés d’être dangereux de ceux qui sont inoffensifs. Le rôle du législateur est donc d’éviter que cette question soit renvoyée à la Cour de cassation, qui fera de jurisprudence après de longs procès et, fatalement, dans l’intervalle, de la casse industrielle. L’amendement vise donc à établir une liste distinguant trois catégories de produits, selon qu’ils sont inoffensifs, suspects de ne pas l’être ou qu’ils ne le sont pas.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Il est difficile d’affirmer que certains PFAS ne présentent aucun danger pour la santé humaine. Dans tous les cas, tous les PFAS sont considérés comme persistants dans l’environnement et bioaccumulables, et un grand nombre d’entre eux se dégradent en d’autres substances à chaîne de carbone plus courte possédant les mêmes caractéristiques. Il serait dangereux de laisser penser, même à titre d’information, que certains PFAS sont inoffensifs. Je le répète, leur dénominateur commun à tous est leur persistance. Pour la communauté scientifique cette caractéristique suffit à les considérer comme très problématiques pour la santé et les écosystèmes naturels. Avis défavorable.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je comprends l’esprit de cet amendement, mais il serait difficile à appliquer. Je rappelle en effet que le parti qu’ont pris les États-Unis d’examiner chaque PFAS pour savoir s’il est ou non néfaste pour la santé est une tâche pratiquement impossible, compte tenu du nombre de ces substances. L’Europe a d’ailleurs opté pour une autre stratégie, prenant en compte l’ensemble de la famille.
L’important est que, comme le prévoit le plan interministériel de Christophe Béchu, l’Anses indique les valeurs toxicologiques de référence (VTR) de chaque PFAS. C’est en cours et l’Anses devrait communiquer ses premiers résultats au mois d’avril. Dans l’attente de ces valeurs, nous nous inspirons de chiffres réglementaires, comme celui de 100 nanogrammes par litre qui est prescrit pour la consommation humaine ou comme la valeur toxicologique allemande retenue pour l’acide trifluoroacétique (TFA), mais il faut que la France et l’ensemble des agences européennes puissent définir les valeurs toxicologiques de référence, à partir de quoi nous pourrons définir quels sont les PFAS qui sont véritablement dangereux, sachant par ailleurs qu’il est de toute façon difficile de dire qu’un PFAS ne l’est pas.
M. Frédéric-Pierre Vos (RN). En la matière, il faut être très prudents et séquencer les questions, sous peine de vrais problèmes. C’est la raison pour laquelle il fallait retarder l’application du texte jusqu’à ce que la recherche et développement puisse éclairer le législateur, y compris pour ce qui concerne la toxicité. Aujourd’hui, en effet, nous pêchons au chalut. Je rappelle en outre que l’adoption de ce texte sur les PFAS imposera un coup d’arrêt immédiat au programme des éoliennes.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On sait que ces produits sont mauvais, mais la question est de savoir à quelle dose ils le sont. Nous attendons donc d’en connaître la valeur toxicologique de référence que nous communiquera l’Anses à partir du mois d’avril.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 1er non modifié.
Article 1er bis : Trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux contenant des PFAS
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CD7 de M. Pierre Meurin.
Elle adopte l’article 1er bis non modifié.
Article 1er ter (nouveau) : Élaboration d’un plan d’action gouvernemental pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine
La commission adopte l’article 1er ter non modifié.
Article 2 : Introduction d’une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l’eau
Amendement CD1 de M. Emmanuel Blairy
M. Emmanuel Blairy (RN). Comment le montant de la redevance de 100 euros par 100 grammes a-t-il été fixé ? J’ai l’impression que c’est au pifomètre ! Je rappelle par ailleurs qu’en l’état du droit, les entreprises financent déjà la dépollution.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. La proposition de loi prévoit en effet une nouvelle redevance, fondée sur le principe pollueur-payeur. Cette redevance, même modeste, permettra d’aider les collectivités locales à faire face au mur d’investissement qu’elles vont rencontrer à très court terme. Le montant de 100 euros pour 100 grammes a été calibré avec le ministère de la transition écologique et a été confirmé par le Sénat au terme des auditions auxquelles il a procédé. Ce chiffre n’a donc en aucun cas été défini au doigt mouillé. Du reste, c’est bien au législateur qu’il revient de définir un montant, comme c’est d’ailleurs le cas pour les autres redevances pour pollution diffuse d’origine non domestique.
M. Emmanuel Blairy (RN). Si ce montant a été calibré par le ministère compétent, il conviendrait, dans un souci d’efficacité, de l’appliquer par décret plutôt que de l’inscrire dans le marbre de la loi, afin de pouvoir déplacer le curseur.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Comme l’a dit le rapporteur, cette taxe est vouée à disparaître lorsque – le plus rapidement possible – les industriels ne rejetteront plus de PFAS dans le milieu naturel, notamment dans l’eau. Il existe en effet des outils qui permettent de l’éviter, dont l’osmose inverse, comme nous l’avons vu faire par Arkema dans le sud de Lyon, et une campagne est en cours pour identifier les rejets et les industriels qui en sont les auteurs.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Monsieur Blairy, je le répète, c’est bien au législateur qu’il revient de fixer un tarif ou des bornes pour les agences de l’eau, comme c’est notamment le cas pour toutes les pollutions diffuses d’origine non domestique.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CD8 de M. Pierre Meurin.
Amendement CD14 de M. David Magnier
M. David Magnier (RN). Les PFAS, polluants éternels, ne disparaissent pas, non plus que notre habitude de légiférer avec des demi-mesures. On nous propose une redevance uniforme de 100 euros tous les 100 grammes, sans faire de distinction entre un PFAS hautement toxique et un autre, moins nocif mais persistant. C’est une approche simpliste, inefficace et irresponsable. Alors que nous savons que certains de ces polluants sont déjà interdits, que d’autres vont l’être et que tous n’ont pas le même impact sur la santé et l’environnement, on applique la même taxe, sans différenciation ni prise en compte des disques réels. C’est un passe-droit offert aux pollueurs, qui n’auront aucun intérêt à modifier leurs pratiques. Pendant ce temps, le coût des dépollutions explose : 847 milliards d’euros sur plusieurs décennies pour nos seules eaux souterraines. Qui paiera ? Les pollueurs ou les Français ?
L’amendement propose une réponse simple : il vise à instaurer une réponse modulée selon la dangerosité réelle des substances en fonction de trois critères objectifs : la bioaccumulation, la persistance et la toxicité. Nos voisins européens l’ont compris : l’Allemagne et la Suède appliquent déjà une tarification différenciée en fonction du danger réel des substances polluantes.
Nous proposons une redevance efficace et dissuasive car une taxation uniforme ne fera qu’entériner l’idée qu’un pollueur peut continuer à polluer tant qu’il paie son écot, ce qui est inacceptable. Ne votons pas un barème paresseux avec cette taxe symbolique, mais une redevance intelligente, fondée sur la science et l’équité
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Je le redis encore : il est inexact de laisser penser que certains PFAS ne seraient pas problématiques, car tous ont un point commun : leur persistance. Toute la communauté scientifique tire la sonnette d’alarme en dénonçant le risque de ne pas aborder les PFAS comme une famille unique. Considérer substance par substance 12 000 polluants éternels et tous persistants, comme ont voulu le faire les États-Unis, qui sont empêtrés dans ce scandale depuis vingt-cinq ans, est la garantie de l’inaction et de l’enlisement.
Même d’un montant modeste, la redevance sera précieuse pour les collectivités et il n’y a pas lieu de moduler son montant, puisque tous les PFAS sont problématiques. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’article 2 non modifié.
Article 2 bis : Mission des agences régionales de santé
La commission adopte l’article 2 bis non modifié.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi non modifiée.
M. Nicolas Thierry, rapporteur. Un grand merci pour votre soutien. Ce texte est le fruit de deux ans de travail et je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord et que nous ayons été à la hauteur de l’enjeu. J’espère que nous le confirmerons la semaine prochaine dans l’hémicycle.
——————
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Réunion du mercredi 12 février 2025 à 9 h 35
Présents. - M. Fabrice Barusseau, M. Belkhir Belhaddad, M. Sylvain Berrios, M. Emmanuel Blairy, M. Nicolas Bonnet, M. Jean-Yves Bony, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, M. Lionel Causse, M. Bérenger Cernon, M. Marc Chavent, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Aurélien Dutremble, M. Romain Eskenazi, M. Auguste Evrard, M. Denis Fégné, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Olga Givernet, M. Julien Guibert, M. Sébastien Humbert, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Sandrine Le Feur, Mme Julie Lechanteux, Mme Claire Lejeune, M. Stéphane Lenormand, Mme Murielle Lepvraud, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, M. Matthieu Marchio, M. Pascal Markowsky, M. Pierre Meurin, M. Éric Michoux, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Constance de Pélichy, Mme Christelle Petex, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud’homme, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Raphaël Schellenberger, M. Freddy Sertin, Mme Ersilia Soudais, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland, M. Frédéric-Pierre Vos
Excusés. - M. Gabriel Amard, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Jean-Victor Castor, M. François-Xavier Ceccoli, M. Peio Dufau, M. Marcellin Nadeau, M. Philippe Naillet, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - Mme Justine Gruet, M. Eric Liégeon, M. Emeric Salmon