Compte rendu
Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire
– Suite de l’examen pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis) 2
Mardi 6 mai 2025
Séance de 21 heures 30
Compte rendu n° 42
Session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Gérard Leseul,
Vice-président
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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis).
Article 6 (examen prioritaire) (suite) : Organisation des contrôles relatifs à la police de l’environnement et amélioration des relations entre les agents chargés de cette police et les usagers
Amendement CD320 de M. Loïc Prud’homme
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer les alinéas 7 à 17, qui, sous prétexte « d’apaiser les tensions », autorisent les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) à porter des caméras-piétons. Ces dispositions ne sont qu’un gage donné à celles et ceux qui souhaiteraient exercer leur métier en échappant à tout contrôle du respect des normes en vigueur. En réalité, je ne connais aucune profession qui réclame de pouvoir agir de la sorte. Ce doit être encore moins le cas des agriculteurs, dont l’activité dépend largement de subventions – une situation que je ne critique pas, mais qui nécessite que nous nous assurions que cet argent public est utilisé dans le respect des normes et des lois votées par le Parlement, lesquelles visent à préserver non seulement l’environnement, mais aussi et surtout la santé publique.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne comprends pas l’intérêt de supprimer le déploiement des caméras-piétons. Cette mesure n’est pas un frein aux contrôles, dont nous ne contestons pas la nécessité ; elle permettra au contraire d’apaiser les tensions, de vérifier les conditions dans lesquelles s’est déroulée une inspection qui a mal tourné, et donc de sécuriser tant l’agent de l’OFB que l’agriculteur contrôlé. Que ce soit dans les transports ou lors d’un contrôle opéré par les forces de l’ordre, l’activation de la caméra incite généralement les uns et les autres à descendre d’un cran dans leurs propos, ce qui améliore la qualité des échanges.
M. Timothée Houssin (RN). Je suis assez surpris par cet amendement, car l’extrême gauche prétend, depuis le début des débats, défendre l’OFB et ses agents. Pour ma part, je suis allé rencontrer les agents sur le terrain : ils m’ont dit qu’ils étaient non seulement favorables à cette disposition, mais même absolument demandeurs de caméras-piétons. Quant aux syndicats agricoles, ils semblent eux aussi estimer que cette mesure est plutôt positive. Je ne pense pas non plus que les chasseurs y soient opposés. On a donc l’impression que les caméras-piétons sont acceptées par toutes les parties, et que seule La France insoumise conteste leur déploiement. Si l’OFB les réclame et que les personnes contrôlées n’y voient pas d’inconvénient, pourquoi s’opposer à ces instruments qui permettront d’apaiser les tensions et de clarifier certaines situations ?
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je rappelle tout d’abord à nos collègues d’extrême droite qu’il n’y a pas d’extrême gauche dans notre assemblée, comme l’a confirmé le Conseil d’État.
Un rapport des services d’inspection des ministères de l’agriculture et de la transition écologique a conclu que la récente décision d’imposer un port discret de l’armement aux inspecteurs de l’OFB et d’expérimenter l’usage de caméras-piétons ne suffira pas pour retrouver des relations normales entre contrôleurs et contrôlés.
J’ai expliqué tout à l’heure que cette disposition n’était qu’un gage donné à ceux qui voudraient continuer d’échapper à tout contrôle. Il est un peu croquignolesque de prétendre qu’il s’agit d’apaiser les tensions, quand on sait qu’une exploitation a la probabilité d’être visitée par un agent de l’OFB une fois tous les 500 ans. Je ne pense donc pas que l’on puisse parler d’une pression excessive de ces inspecteurs…
M. Fabrice Barusseau (SOC). Pour avoir travaillé avec les syndicats, nous pouvons attester que l’utilisation de caméras-piétons constitue une vraie plus-value, très largement reconnue. Elle sécurisera tant les agents de l’OFB que les exploitants soumis à un contrôle. Nous ne voyons donc aucun aspect négatif dans ces dispositions.
M. Vincent Descoeur (DR). De toute évidence, l’usage de caméras piétons permet d’objectiver la relation entre le contrôleur et le contrôlé. Aucune des parties n’aurait donc intérêt à ce que nous supprimions ces alinéas.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD321 de Mme Mathilde Hignet.
Amendement CD322 de M. Loïc Prud’homme
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Quelle serait l’utilité de ces caméras dans la prévention des incidents au cours des inspections ? Ces outils ne permettent ni d’agir en amont de potentielles tensions, ni de désamorcer d’éventuels malentendus, d’ailleurs favorisés par le gouvernement, entre des agents de l’OFB et des agriculteurs.
Au cours des trois dernières années, 3 370 procédures ont été engagées par l’OFB à l’encontre d’exploitants agricoles, dont 90 % concernent des infractions constatées en flagrance. Les caméras piétons n’ont donc pas non plus de réelle plus-value en matière de collecte de preuves.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Une caméra individuelle n’est pas nécessairement utilisée pour recueillir des preuves. Elle doit servir de témoin lorsque la tension monte entre les parties. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD323 de Mme Mathilde Hignet
Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer, à l’alinéa 10, la mention de « la formation et la pédagogie » des agents de l’OFB, qui jette le discrédit sur ces derniers en sous-entendant que l’une des causes des incidents serait précisément leur manque de formation ou de pédagogie – ce que nous réfutons.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il est bon que chacun se forme tout au long de sa carrière professionnelle. J’ajoute que les enregistrements des caméras individuelles pourraient être utilisés à des fins pédagogiques, car visionner des événements qui se sont mal passés permet d’en tirer des enseignements. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Reconnaissez qu’il est difficile d’interpréter le texte dans le sens d’une utilisation des enregistrements à des fins de formation des agents ! Peut-être faudra-t-il y revenir en séance.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je propose que nous retravaillions la rédaction de l’alinéa 10 d’ici à la séance afin de dissiper tout malentendu.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je tiens à relever une incohérence entre l’alinéa 10 et les suivants. Vous dites, madame la rapporteure pour avis, que ces enregistrements auront une visée pédagogique : j’en déduis que les agents de l’OFB seront très réactifs, puisque les enregistrements devront être effacés au bout de trente jours.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement CD464 de la rapporteure pour avis tombe.
Amendement CD187 de Mme Chantal Jourdan
M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à calquer le dispositif de caméra individuelle sur celui applicable aux agents de police et de gendarmerie. En effet, il paraîtrait cohérent que les agents de l’OFB en proie à des difficultés lors d’un contrôle puissent bénéficier d’une transmission des images captées en temps réel. Cela permettrait de les protéger au mieux, de les traiter de la même façon que les autres agents publics et d’assurer la réactivité la plus élevée possible.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sur le fond, je suis favorable à cette disposition, même si j’ai quelques doutes quant à sa mise en œuvre effective.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CD186 de Mme Chantal Jourdan
M. Fabrice Barusseau (SOC). Nous souhaitons que les agents de l’OFB puissent, comme les agents de police, utiliser les enregistrements pour faciliter la recherche d’auteurs d’infractions ou la description fidèle des faits dans les comptes rendus d’interventions. Sinon, quelle serait l’utilité réelle des caméras embarquées ?
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD465 et CD466 de la rapporteure pour avis.
Amendement CD121 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). L’OFB assure différentes missions telles que la lutte contre le trafic d’animaux sauvages, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ou la prévention de la dégradation des zones protégées. En ces temps de crise écologique majeure et d’effondrement des populations d’espèces sauvages, il serait intéressant de publier un bilan annuel des infractions constatées par les agents de l’OFB, de leur nature et des suites qui y ont été données. Nous pouvons déjà trouver de telles informations au sujet des infractions routières ; il serait pertinent d’élargir cette pratique à la délinquance environnementale.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’OFB fournit déjà dans ses rapports d’activité une partie de ces informations, même si je conviens qu’elles mériteraient sans doute d’être précisées. Par ailleurs, je doute de l’efficacité de cette publication pour la prévention des atteintes à l’environnement. Avis défavorable.
Mme Delphine Batho (EcoS). Notre amendement prévoit la publication d’un bilan récapitulant non seulement les infractions constatées par l’OFB, mais également les suites qui y ont été données. Sur cet aspect, il est très difficile d’obtenir des informations. Si ma mémoire est bonne, nous avons réussi à connaître, lors des débats sur la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, le nombre de classements sans suite ainsi que d’autres précisions, mais je ne crois pas qu’il y ait de bilan annuel des suites données par la justice aux infractions environnementales constatées.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CD467 de la rapporteure pour avis.
Amendement CD225 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Ces derniers mois, les critiques envers l’OFB ont porté sur les tensions qui seraient, selon certains responsables politiques et syndicaux, omniprésentes lors des contrôles menés par les inspecteurs de l’environnement. Il convient pourtant de rappeler que moins de 10 % des contrôles se déroulent dans des exploitations agricoles, la plupart des missions de l’Office ayant trait à la police sanitaire en lien avec la faune sauvage, à la recherche scientifique, au suivi des espèces, aux diagnostics sur l’état des milieux naturels et à la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces protégées. Ainsi, selon un rapport interministériel, les contrôles de l’OFB ne suscitent en réalité qu’une minorité de situations conflictuelles. Nous proposons cependant de créer un outil public de suivi des contrôles, qui permettra de dresser des bilans réguliers du déroulement de ces derniers, de mesurer les suites données et peut-être d’objectiver un peu le débat public sur ces questions.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Nous venons d’adopter une demande de rapport sur ces sujets. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Marie Pochon (EcoS). Non, il ne s’agit pas du même sujet.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CD468 de la rapporteure pour avis.
Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.
Article 6 bis (nouveau) : Reconnaissance du rôle des agents de la police de l’environnement et encadrement de la communication des autorités de l’État
Amendement CD172 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). « Une coalition d’idéologues, qui entend vous empêcher de travailler et de vivre dignement » : voilà comment un responsable politique de premier plan, président de groupe à l’Assemblée nationale et candidat potentiel à l’élection présidentielle, décrivait l’OFB dans un courrier adressé en février dernier aux agriculteurs de sa région. Ce type de propos menace des agents de police chargés de faire respecter la loi. Imagine-t-on un président de la République dénigrer la police de l’environnement, placée sous la tutelle de plusieurs ministères ? Imagine-t-on un membre du gouvernement remettre en question les missions et l’existence de cette institution, garante de la préservation de l’environnement ? Imagine-t-on un ministre de l’intérieur critiquer de manière aussi véhémente la police nationale ? Aussi notre amendement vise-t-il à prévenir la mise en cause injustifiée ou dénigrante des inspecteurs de l’environnement et agents de l’OFB par les autorités de l’État.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sur le fond, je partage vos propos : les agents de l’OFB mènent au quotidien, avec compétence et professionnalisme, des missions exigeantes de police de l’environnement, souvent dans des contextes sensibles. Toutefois, il ne me semble pas justifié de voter une disposition spécifique sur la communication de l’État, alors que l’engagement de ces agents est largement salué dans les cercles institutionnels et professionnels.
Je vois aussi un risque d’instrumentalisation politique du texte, car vous avez déposé cet amendement pour réagir à des déclarations individuelles récentes. Aussi son adoption fragiliserait-elle la portée juridique de la proposition de loi. Du reste, sa formulation me paraît trop floue pour être juridiquement opérante. Avis défavorable, donc.
Mme Marie Pochon (EcoS). Nous ne parlons pas de l’expression d’individus lambda, mais de la prise de parole d’un président de groupe du socle commun et des propos du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Ces personnes sont des responsables politiques importants, qui incarnent l’autorité de l’État.
M. Vincent Descoeur (DR). Quand on ne partage pas le point de vue d’un responsable politique, on ne dépose pas d’amendements visant à lui répondre dans la loi. Sinon, nous pourrions nous-mêmes défendre de nombreux amendements sur de nombreux autres sujets…
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je tiens à défendre Mme Pochon. L’instrumentalisation politique n’est pas dans cet amendement, mais dans la lettre envoyée à tous les agriculteurs d’une région pour critiquer un organisme d’État, ou dans la déclaration démagogique du Premier ministre. Ces propos sont très graves, car ils mettent en danger tant les agriculteurs que les agents de l’OFB et alimentent un climat de tension dans les exploitations. Alors que nous convenons tous ici que ce climat ne devrait pas exister, certains responsables politiques jettent de l’huile sur le feu. C’est pourquoi il me paraît tout à fait pertinent d’adopter cet amendement, qui met le sujet sur la table. Nous devons nous montrer à la hauteur et protéger les agents de la police de l’environnement autant que ceux des autres polices. Ils n’ont pas à être dénigrés.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 6 (examen prioritaire)
Amendement CD250 de Mme Julie Lechanteux
Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement d’appel vise à souligner un déséquilibre évident au sein du comité d’orientation de l’OFB, où les agriculteurs ne sont pas représentés de façon spécifique. Les collèges « humanités » et « citoyens » occupent plus de la moitié des sièges, alors qu’aucun collège agricole n’est formellement constitué. Pourtant, qui est plus directement concerné par la biodiversité que nos agriculteurs ? Ils sont sur le terrain, acteurs du vivant et soumis en permanence à des obligations environnementales.
Cette absence de reconnaissance institutionnelle alimente un sentiment d’exclusion, d’injustice et de défiance vis-à-vis de l’OFB. Si nous voulons restaurer la confiance et le dialogue, nous devons donner aux agriculteurs toute leur place dans les instances de concertation. La création d’un collège agricole, dont les membres seraient désignés par les chambres régionales d’agriculture, serait un geste simple mais fort, un signe de respect et de considération pour une profession essentielle à nos territoires et à notre souveraineté alimentaire.
Cet amendement n’est pas une remise en cause du comité d’orientation de l’OFB, mais un appel au dialogue, à l’équilibre et à la reconnaissance.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Vous l’avez dit vous-même, il s’agit d’un amendement d’appel. Du reste, des représentants agricoles siègent au conseil d’administration de l’OFB. Avis défavorable.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Cet amendement du Rassemblement national me paraît bien timide. Vous devriez proposer que les agriculteurs soient directement nommés agents de l’OFB : ainsi, ils pourraient s’autocontrôler, et vous seriez satisfaits.
Mme Julie Lechanteux (RN). Cette caricature est vraiment pénible. Quand nous proposons des dispositions équilibrées, visant à encourager la justice et le dialogue, elles ne vous conviennent pas. Soyez un peu constructifs !
M. Fabrice Barusseau (SOC). C’est stigmatiser les agriculteurs que de vouloir un collège d’agriculteurs. Bien d’autres professions sont aussi concernées par les missions de l’OFB et pourraient avoir leur propre collège. Cet amendement est donc malvenu.
Mme Julie Lechanteux (RN). Il ne s’agit pas de stigmatiser les agriculteurs ni de constituer un collège qui leur soit propre. Comme je l’ai bien expliqué, nous proposons de créer un collège composé de tous les représentants du monde agricole. C’est donc vous qui, là encore, stigmatisez certaines personnes ou certains partis au détriment de l’intérêt général.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD336 de M. David Magnier
M. David Magnier (RN). Cet amendement vise à envoyer un signal fort à nos agriculteurs, qui croulent sous des contrôles environnementaux souvent vécus comme une sanction plutôt que comme un accompagnement. Alors que les règles sont complexes, une erreur involontaire – un plan d’épandage mal rempli, une norme méconnue – peut entraîner des amendes immédiates. C’est injuste, et cela alimente un sentiment de défiance.
Afin d’améliorer les relations entre l’OFB et les agriculteurs, nous proposons de consacrer un droit à l’erreur pour les exploitants de bonne foi. Inspiré de la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc, cet amendement vise à permettre à un agriculteur ayant commis un manquement non intentionnel de régulariser sa situation sans être sanctionné, sauf si l’infraction cause un dommage grave à l’environnement, à la santé ou à la sécurité. Un rapport clair prévoyant des mesures précises et un délai raisonnable serait transmis à l’agriculteur pour le guider dans la mise en conformité.
Ce droit à l’erreur, modulé selon la gravité des faits, n’est pas un blanc-seing, mais une main tendue pour accompagner plutôt que punir et pour rétablir la confiance entre les agriculteurs et l’administration. C’est une mesure de justice, qui allège les contraintes et simplifie les relations. Adopter cet amendement, c’est choisir la confiance plutôt que la sanction et l’accompagnement plutôt que la répression.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La loi Essoc, que vous avez évoquée, ne s’applique pas en matière environnementale, ce qui est une bonne chose. Par ailleurs, les agents ont déjà un pouvoir d’appréciation ; ils peuvent également mener des contrôles « à blanc », à visée pédagogique, dont j’ai d’ailleurs déjà bénéficié à titre personnel. Enfin, votre amendement excède le périmètre et modifie l’équilibre de la proposition de loi. J’y suis donc défavorable.
M. David Magnier (RN). Je suis souvent en circonscription, auprès de mes agriculteurs, et je n’ai jamais vu de contrôles à blanc. Les agriculteurs sont oppressés, ils ont très peur d’écoper d’une amende à la moindre erreur en cas de contrôle.
Encore une fois, c’est un dispositif inspiré – j’insiste sur ce terme – de celui prévu dans la loi dite Essoc.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne doute pas que vous soyez proche de vos agriculteurs. Mais je vous rappelle que l’OFB ne contrôle chaque année que 1 % des exploitations à l’échelle nationale. L’administration comme l’OFB mènent bien des contrôles à blanc, et leurs agents sont sensibilisés à la nécessité de faire preuve de pédagogie lors d’un premier contrôle ; en cas de récidive, ils sanctionnent, et c’est bien normal. Je suis défavorable à votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD337 de M. David Magnier
M. David Magnier (RN). Cet amendement se veut une bouffée d’oxygène pour nos agriculteurs, pris en étau dans un maquis de normes environnementales souvent incohérentes.
Par une absurde réalité, suivre scrupuleusement une règle du code de l’environnement pour protéger une rivière peut conduire un exploitant de bonne foi à se mettre en infraction au regard d’une autre règle du code rural ou forestier sur la gestion des haies. Ces contradictions réglementaires jettent nos agriculteurs dans une insécurité juridique intolérable.
Par cet amendement, nous proposons une solution simple et juste à cette situation : exonérer de responsabilité administrative ou pénale tout agriculteur de bonne foi victime de ces incohérences – pas de sanctions pour ceux qui se retrouvent piégés par des règles mal alignées. L’amendement prévoit en outre qu’un rapport écrit précisant les contradictions et démarches à entreprendre pour clarifier sa situation est remis à l’exploitant, et que les autorités compétentes, comme l’OFB, sont tenues de signaler ces aberrations à leur ministère de tutelle dans un délai de six mois et de proposer des mesures concrètes pour harmoniser les normes.
À l’heure de la simplification des normes, c’est une mesure de bon sens qui protège nos agriculteurs et pousse l’État à faire le ménage dans les règles qu’il impose. Pour lever les injustices et soutenir les agriculteurs dans leur bonne foi, je vous invite à adopter cet amendement.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les articles 37 et 38 de la loi pour la souveraineté alimentaire et agricole – dite LOA – ont résolu la question des conflits qui pouvaient naître des quatorze réglementations régissant la gestion des haies. Les services de l’État sont d’ailleurs censés accompagner et éclairer les agriculteurs sur cette réglementation.
En outre, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions de la LOA similaires à celle que vous proposez, pointant un risque sur la définition juridique des normes contradictoires.
M. Hubert Ott (Dem). Monsieur Magnier, pouvez-vous nous donner des exemples d’incohérences ? Concrètement, quels sont les attributs d’une norme cohérente à vos yeux ? Soyons précis ! Ces discours flous qui laissent imaginer tout et son contraire discréditent ce que l’on appelle le système, alors même que rien ne prouve qu’il y a des lacunes, des contradictions ou des difficultés d’interprétation des règles communes. Et si tel est le cas – ce que je peux entendre –, travaillons-y, plutôt que de contester purement et simplement leur application.
M. David Magnier (RN). Suivre scrupuleusement les règles du code de l’environnement pour protéger une rivière, par exemple, peut conduire à se mettre en infraction au regard des dispositions du code rural ou du code forestier relatives à la gestion des haies.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ce problème a été résolu dans la LOA, et je ne vois pas d’autres exemples qui illustreraient votre propos.
M. Julien Guibert (RN). En voici un : pour des raisons environnementales – notamment pour protéger les périodes de nidification –, les haies doivent être taillées avant une date limite, sauf si cette taille vise à sécuriser la voie publique. Voilà un exemple très précis de contradiction entre les dispositions des différents codes, sur lequel j’ai d’ailleurs interrogé le ministre – j’attends toujours sa réponse.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les dates butoirs de taille sont justifiées par de bonnes raisons, comme la nidification. Et elles laissent largement le temps aux agriculteurs – ou, à défaut, à la commune – de tailler des haies et élaguer les arbres qui pourraient représenter un danger pour la voie publique ou gêner les câbles de la fibre durant l’hiver, d’autant qu’ils savent qu’ils n’y seront plus autorisés l’été.
M. Hubert Ott (Dem). Les règles relatives à la taille des haies ou à la réduction du volume des houppiers sont effectivement bien connues des agriculteurs. Certes, il existe des dérogations pour répondre à des obligations en matière de sécurité, mais si nous incitons le monde agricole et l’OFB à travailler ensemble et à se tenir mutuellement informés, les éventuelles difficultés pourront être facilement évitées.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Ces argumentaires dénotent une vision un peu manichéenne du monde, qui opposerait les gentils agriculteurs victimes des réglementations aux méchants agents de l’OFB.
Vous partez du principe que les agriculteurs sont toujours de bonne foi, mais ce n’est pas toujours le cas – certains sont même d’une mauvaise foi absolue. Tout le monde a droit à l’erreur, mais certains se trompent plus d’une fois et en toute connaissance de cause : simplement, ils préfèrent payer des amendes plutôt que de respecter les normes. En tant qu’ancien maire, je pourrais vous citer plusieurs exemples.
M. Julien Guibert (RN). Les dates limites sont différentes d’un département à l’autre. En outre, la plupart de ces travaux sont assurés par des entreprises de travaux agricoles (ETA) : lorsque des intempéries retardent leur calendrier ou empêchent le passage des engins sur certains chemins, comme cela a été le cas dans la Nièvre à la suite de fortes pluies, les préfectures peuvent accorder des dérogations. Seulement, cela ne suffit pas toujours pour répondre aux obligations dans les temps : c’est dans ce vide juridique que naissent les contradictions. Voilà toute la complexité que présente l’application des normes sur le terrain.
Mme Marie Pochon (EcoS). Comme vous venez de le souligner, il existe des dérogations aux règles du droit commun en cas d’événement imprévu – de nature climatique, notamment –, mais il ne me semble pas opportun de les généraliser.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD167 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Les missions de police de l’environnement assurées par l’OFB garantissent la préservation des écosystèmes et la diversité génétique des organismes vivants, et permettent de lutter contre les crimes environnementaux. Elles répondent à des objectifs d’intérêt général et de réparation des atteintes à l’environnement – notamment celles mentionnées dans la Charte de l’environnement – et s’inscrivent dans une logique de prévention, de sensibilisation et de régulation visant à maintenir l’équilibre des milieux naturels et la pérennité des espèces. Il nous semble donc primordial d’inscrire dans le code de l’environnement que ces missions concourent pleinement à l’intérêt général. Reconnaître cette dimension renforcerait la légitimité des actions menées sur le terrain par l’OFB et de mieux faire valoir les enjeux environnementaux au sein des politiques publiques.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition à la portée essentiellement symbolique dépasse le champ de la proposition de loi. Avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). À vous entendre, madame Pochon, l’OFB incarnerait à lui seul la police de l’environnement. En réalité, cette dernière repose sur des lois spéciales et une multitude d’agents de différentes structures. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « police de l’environnement » ? Cela déterminera notre position sur cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD335 de M. David Magnier
M. David Magnier (RN). Nos agriculteurs vivent dans l’angoisse des contrôles environnementaux de l’OFB, souvent synonymes de sanction immédiate, y compris pour des non-conformités mineures ou méconnues. Loin d’encourager la conformité, cette approche répressive creuse un fossé de méfiance entre les exploitants et les autorités. Nos agriculteurs ne demandent pas l’impunité, mais un accompagnement juste pour naviguer dans la complexité des normes environnementales.
Cet amendement vise donc à instaurer des contrôles à blanc, une véritable révolution pédagogique menée conjointement par l’OFB et les chambres d’agriculture. Annoncés à l’avance, ils ne visent pas à punir mais à guider, en informant l’exploitant des éventuelles non-conformités – sans le verbaliser – et les mesures à prendre pour se mettre en règle, à travers un rapport clair, rédigé en concertation avec la chambre d’agriculture. Un contrôle de suivi est fixé dans un délai raisonnable pour vérifier les progrès. Pour garantir la transparence et l’équité, les modalités de ces contrôles seront définies par décret.
Véritable pont entre les agriculteurs et les autorités, cette mesure est une main tendue pour remplacer la sanction par le dialogue. Elle s’appuie sur la proximité des chambres d’agriculture, partenaires de confiance des exploitants, pour accompagner plutôt que réprimer. En adoptant cet amendement, nous envoyons un message clair : nous croyons à une agriculture responsable, soutenue par une administration qui guide plutôt qu’elle punit. C’est une chance unique de restaurer la confiance, de lever les tensions et de donner à nos agriculteurs les moyens de réussir dans le respect de l’environnement.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les contrôles à blanc existent déjà. Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD228 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Cet amendement vise à inscrire dans le code de l’environnement le comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale (Colden), créé par décret en 2023. Souvent coprésidés par le procureur de la République, ces comités départementaux où siègent les agents assermentés chargés de la constatation des atteintes à l’environnement sont un cadre privilégié d’échange d’informations entre les services verbalisateurs et le parquet.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable : cela relève du champ réglementaire.
Mme Delphine Batho (EcoS). Pourtant, sauf erreur de ma part, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) sont bien inscrits dans le code de la sécurité intérieure, à l’instar de plusieurs autres structures de coordination de l’action publique ou spécialisées dans la lutte contre certains types de criminalité. Nous voterons en faveur de cet amendement ; s’il n’était pas adopté, il faudrait réfléchir à ce sujet d’ici à l’examen en séance publique, ne serait-ce que par parallélisme de forme.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD122 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Si nous sommes plutôt favorables au port de caméras par les agents de l’OFB, il convient, dans un souci de cohérence légistique, d’inscrire cette mesure dans le code de la sécurité intérieure, comme pour tous les autres agents assermentés qui garantissent la sécurité et la sûreté dans l’espace public.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition, qui dépasse largement le cadre du texte, risque d’être source de complexité et d’incohérence juridique. Avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). Encore une fois, la rédaction est beaucoup trop large, car même un agent chargé de contrôler le stationnement dans la commune serait concerné par votre amendement. Cela va très loin ; nous voterons contre. Soyez précis : l’environnement est un sujet sérieux !
M. Gérard Leseul, président. Merci pour cette pointe d’humour, monsieur Blairy.
La commission rejette l’amendement.
Article 6 ter (nouveau) : Généralisation du port d’arme apparent par les inspecteurs de l’environnement
Amendement CD168 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Loin de rassurer les personnes contrôlées, le port de l’arme discret par les agents de terrain de l’OFB est plutôt de nature à susciter le doute et l’inquiétude. En outre, les inspecteurs de l’environnement, qui sont les plus susceptibles de contrôler des individus potentiellement armés – trafiquants d’animaux, braconniers –, doivent pouvoir se défendre le plus efficacement possible en cas de danger grave et imminent. Or le port d’arme discret complique la saisie d’une arme de poing.
Pour protéger les agents de l’État tout en assurant la plus grande transparence possible pour les citoyens contrôlés, privilégions le port d’arme visible pour les agents de l’OFB.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable sur le fond.
M. Emmanuel Blairy (RN). Effectivement, c’est paradoxal : comme les policiers et les gendarmes, soit l’agent est en uniforme et l’arme doit être visible, soit il est en civil, et l’arme doit être discrète et sortie uniquement en cas de nécessité.
Peut-être faudra-t-il créer plusieurs services au sein de l’OFB – c’était l’objet des amendements de mon collègue David Magnier : un service administratif, non armé, chargé de la prévention et de l’accompagnement des agriculteurs et des maires ruraux dans la transition écologique, et un service doté de toutes les qualités judiciaires idoines et composé d’agents de terrain armés afin de se prémunir face aux situations périlleuses, comme le contrôle d’individus chassant sur le terrain d’autrui – que vous appelez le braconnage.
M. Hubert Ott (Dem). La police de l’environnement est avant tout une police. Nous croisons tous les jours ici des agents bardés d’armes de tous calibres, et cela ne pose aucune difficulté : ces agents font simplement leur travail, et les choses se passent tout à fait bien. Pourquoi monter de toutes pièces une sorte de scénario catastrophe en imaginant des monstres qui pourraient dégainer à tout moment une arme cachée sous leur uniforme ? C’est grotesque, on patauge en pleine comédie absurde.
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 6
Amendement CD137 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Équiper les agents de contrôle de l’OFB de caméras-piétons semble aller dans le bon sens, mais nous manquons de données attestant de l’utilité réelle de cette mesure. Malgré un risque de surenchère en matière d’équipement, ce dispositif permet de sécuriser les agents et de prouver, comme le souligne un récent rapport interministériel, que les conflits en cas de contrôle restent minoritaires.
Reste la question du financement de cet équipement. Les caméras individuelles des policiers municipaux peuvent être financées par une ligne budgétaire du ministère de l’intérieur, puisqu’elles sont éligibles au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), mais en l’absence d’autre précision, celles des agents de l’OFB seraient financées par l’Office lui-même, au risque d’obérer encore un peu plus son budget – ce que personne ne souhaite.
Afin de garantir l’efficacité, la continuité et l’indépendance des missions de police de l’environnement, cet amendement tend à créer un comité national de concertation sur les modalités de financement pérennes des missions de police de l’environnement, en s’inspirant du FIPD.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition dépasse le cadre et la finalité de la proposition de loi. En outre, il existe déjà des instances compétentes en matière de programmation budgétaire. Avis défavorable.
M. Vincent Descoeur (DR). Pour faire honneur à l’important travail de simplification que nous venons de mener dans l’hémicycle, peut-être pourrions-nous essayer de rester inactifs quelques semaines…
Mme Marie Pochon (EcoS). Cet amendement d’appel visait à ouvrir le débat sur le financement de ces nouveaux équipements, car il ne faudrait pas qu’ils amputent le budget déjà restreint de l’OFB. Je retravaillerai mon amendement en vue de la séance publique pour leur assurer un financement propre digne de ce nom.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). La question du financement des équipements de la police de l’environnement est tout à fait légitime, mais comme tout sujet financier, sa place est dans le projet de loi de finances, dont une des missions est justement consacrée aux moyens de l’OFB.
Votre proposition illustre parfaitement ce dont nous ne voulons plus – la création d’un nouveau comité – et elle est d’autant plus caricaturale que nous sommes en train, parallèlement, d’examiner un texte sur la simplification. Essayons d’être plus sobres et de limiter les comités superfétatoires.
La loi organique relative aux lois de finances est très claire : tous les sujets financiers dépendent de la loi de finances.
Mme Marie Pochon (EcoS). Alors qui va financer ces équipements ?
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Vous n’aurez qu’à déposer un amendement au projet de loi de finances pour augmenter la dotation de la mission consacrée à la police de l’environnement, en fléchant les crédits vers ces nouveaux équipements. Ce sujet n’a pas sa place dans un autre texte.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Soyez honnêtes, la question n’est pas hors sujet. Le texte autorise les agents de l’OFB à utiliser un nouvel équipement. Or, chaque année, vous refusez d’augmenter ses crédits. Si l’argent nécessaire à l’achat des équipements doit être pris sur le financement du suivi de la biodiversité, cela peut remettre en cause notre vote.
M. Antoine Vermorel-Marques (DR). Après avoir voté pour armer les agents de l’OFB, vous défendez le financement de caméras-piétons. Pourtant, lors de l’examen des projets de loi de finances, certains de nos collègues du NFP votent systématiquement contre le financement de tels équipements et contre l’armement des policiers. Je vous invite à voter les mêmes amendements en faveur de la police nationale, de la gendarmerie et de toutes les forces de sécurité civile – y compris des polices municipales, que vous voulez parfois désarmer.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Vous avez bien conscience, madame Meunier, que l’adoption de l’amendement n’augmenterait pas le budget de l’OFB ? Elle ne servirait à rien, sauf à créer un comité. Nous n’examinons pas un projet de loi de finances ; de plus, en tant que députée, vous ne pouvez pas déposer un amendement tendant à aggraver la charge de l’État : votre amendement n’est pas un amendement de financement.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes cohérents : nous avons voté contre l’autorisation des caméras-piétons mais, maintenant que l’article a été voté, nous demandons sur quelle mission de l’OFB seront prélevés les crédits nécessaires au financement du matériel supplémentaire, puisque vous bloquez tous les ans l’augmentation de son budget – augmentation que nous, nous soutenons. À budget constant, l’achat d’équipements se traduira par une perte autre part, donc affectera soit les conditions de travail des agents, soit la biodiversité.
La commission rejette l’amendement.
Article 6 quater (nouveau) : Rapport annuel sur l’usage des caméras individuelles par les agents de la police de l’environnement
Amendement CD139 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Le présent amendement tend à obtenir un bilan annuel statistique de l’utilisation des caméras-piétons par les agents de la police de l’environnement. Leur utilité est encore hypothétique.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.
M. Emmanuel Blairy (RN). Nous pourrions voter pour cet amendement, mais il faudrait définir ce que vous appelez « police de l’environnement ».
La commission adopte l’amendement.
Après l’article 6
Amendement CD159 de M. Emmanuel Blairy
M. Emmanuel Blairy (RN). Pendant que certains voudraient transformer l’OFB en OFBI, revenons plutôt au sujet du texte. Les dégâts de gibier portent atteinte à la souveraineté alimentaire et gênent l’exercice du métier d’agriculteur. Il faut donc des chasseurs pour réguler le gibier sur les parcelles rurales. Or les actions cynégétiques nécessitent un contrôle, donc une police de la chasse. Le rapport d’information du Sénat relatif à l’évaluation de la loi du 24 juillet 2019, publié en septembre 2024, indique que l’OFB s’est départi à 85 % de ses missions de police de la chasse, souvent en les confiant à des bénévoles, lesquels n’ont pas les compétences judiciaires requises pour mener les contrôles à bien. En conséquence, nous demandons que le gouvernement remette au Parlement un rapport relatif aux missions de l’OFB ; selon nous, il faut les recentrer autour de la police de la chasse.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable aux demandes de rapport en général.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Monsieur Blairy demande ce que désigne la notion de police de l’environnement. Le code de l’environnement la définit clairement : elle est constituée des « inspecteurs de l’environnement », dont fait partie le personnel de l’OFB ainsi que d’autres agents assermentés, comme les gardes forestiers et les gardes du littoral.
M. Emmanuel Blairy (RN). La police de l’environnement est une appellation globale qui désigne une boîte à outils destinée à lutter contre certaines contraventions et certains délits. L’amendement que je défends concerne la police de la chasse, également exercée par différents agents, comme les policiers nationaux, les gendarmes et les gardes champêtres. Avant la fusion, elle constituait le cœur de métier de l’OFB, qui doit lui redonner la priorité, sans quoi nous le regretterons. Jusqu’ici tout va bien parce que les fédérations de chasse s’en chargent, mais elles ont très peu de moyens, de même que les gardes particuliers qui s’y emploient également, avec une formation insuffisante – je l’ai montré dans les conclusions de la mission d’information flash sur la conciliation des usages de la nature et la protection de la biodiversité, déposées en mars. Je demande ainsi au gouvernement un rapport établissant les priorités en matière d’environnement, donc de police de la chasse.
Mme Delphine Batho (EcoS). À la page 17 de son rapport, Mme Le Feur précise que la chasse est le premier domaine dans lequel l’OFB exerce ses contrôles – elle concerne 31 % des actions menées.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Mme Batho a raison : la chasse est le premier domaine d’intervention de l’OFB.
M. Emmanuel Blairy (RN). Ce n’est pas parce que c’est son premier domaine d’intervention que c’est le principal. Depuis la fusion des établissements, ses actions de police de la chasse ont diminué de 85 %. J’ai interrogé des agents de l’OFB et des représentants du monde cynégétique : tous s’accordent à dire que ce sont parfois des bénévoles qui assurent cette mission. Pourtant, nous avons fait des agents de l’OFB des inspecteurs de l’environnement dotés de compétences en matière pénale afin de pallier le trop faible effectif de la gendarmerie et de la police nationale. Mais cela aboutit parfois au résultat inverse : ils renvoient la procédure à la gendarmerie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CD226 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). L’amendement CD226 vise à obtenir un bilan des contrôles de l’OFB ayant provoqué des conflits. Il faut objectiver notre connaissance de la tenue de ces contrôles et de leurs éventuelles conséquences.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il est déjà satisfait par l’adoption des amendements CD121 et CD225. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement est retiré.
M. Gérard Leseul, président. Nous avons terminé l’examen des articles délégués.
Avant l’article 1er
Amendement CD15 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Aucune réponse n’a été apportée aux deux principaux problèmes que les agricultrices et les agriculteurs ont dénoncés lors de leurs mobilisations : leur revenu et la concurrence déloyale, liée notamment à la dérégulation des échanges et à l’importation de denrées produites dans des conditions très éloignées de nos normes sociales et environnementales. Nous tournons autour du pot en examinant des textes sans rapport avec ces deux revendications. Or, tant qu’ils ne recevront pas de réponse, nous continuerons à surenchérir en matière de lois inutiles et censurées par le Conseil constitutionnel.
On ne peut parler des contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur sans évoquer le revenu ni la concurrence déloyale, avec laquelle certaines dispositions du texte, par exemple celles relatives aux pesticides, ont un rapport direct. Aussi le présent amendement vise-t-il à insérer un titre Ier A : « Mettre fin à la concurrence déloyale ».
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le sujet est crucial mais j’émets un avis défavorable à l’insertion d’un titre supplémentaire.
M. Timothée Houssin (RN). Bien que défavorables à la concurrence déloyale, nous ne voterons pas cet amendement : en pompiers pyromanes, les écologistes s’en plaignent alors qu’ils sont responsables des surtranspositions qui en sont la cause.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Votre intervention illustre bien l’incohérence du Rassemblement national sur ce sujet. Deux scénarios sont possibles. Soit nous mettons fin au libre-échange pour instaurer en France des normes à même de protéger l’environnement et la santé des agriculteurs, et nous assumons un système protectionniste qui empêche la concurrence internationale déloyale, soit nous ouvrons les frontières aux produits agricoles en acceptant de nous aligner sur le moins-disant international. Le Rassemblement national, lui, propose tout à la fois de fermer les frontières et de faire n’importe quoi à l’intérieur du pays. S’il y a un non-sens, il se trouve bien à l’extrême droite.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er A (nouveau) : Renforcement des exigences pour la mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés
Amendement CD136 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement CD136, essentiel à nos yeux, vise à mettre fin à la concurrence déloyale liée aux pesticides. En Turquie, les producteurs de noisette – pour ne citer que cet exemple – utilisent une quinzaine de substances interdites dans l’Union européenne ; ceux de l’Oregon, vingt-sept, dont des perturbateurs endocriniens, des cancérogènes, des reprotoxiques, des néonicotinoïdes. En attendant la fin de la refonte du règlement européen, nous proposons, afin de protéger la santé, l’agriculture et la biodiversité, d’appliquer les règles en tenant compte des limites maximales de résidus (LMR) au seuil de détection pour les substances non autorisées dans l’Union européenne ; des modes de production pour les substances répondant dans l’UE à des critères d’exclusion, même en l’absence de détection de résidu ; des preuves scientifiques des dangers pour la santé et la biodiversité s’agissant des produits composés de substances encore approuvées par l’UE mais interdites en France, dès lors que ces preuves scientifiques ont été notifiées à la Commission européenne.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il vaut d’autant mieux attendre la fin de la modification des règlements que l’adoption de cette disposition entraînerait un risque de contentieux et qu’elle pourrait se révéler inefficace. Le contournement du cadre européen pourrait nuire à une réforme collective. J’émets un avis défavorable à l’amendement.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er AB (nouveau) : Donner la possibilité au ministre de la santé de prendre des mesures conservatoires relatives à la mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés
Amendement CD348 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). L’amendement CD348 tend à autoriser le ministre de la santé, garant de la sécurité sanitaire, à prendre des mesures conservatoires visant à suspendre l’importation et la mise sur le marché de denrées alimentaires ou de produits agricoles qui ne respectent pas nos normes, par exemple en matière d’usage de produits phytopharmaceutiques, susceptibles d’être dangereux pour la santé.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.
Article 1er AC (nouveau) : Obligation pour l’autorité administrative de prendre des mesures conservatoires en cas de mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés
Amendement CD214 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Pour lutter contre la concurrence déloyale en matière de pesticides et pour protéger la santé publique, le code rural et de la pêche maritime prévoit que les pouvoirs publics ont la faculté de prendre des mesures conservatoires. Le présent amendement tend à en faire une obligation.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Une telle disposition risquerait de porter atteinte à la capacité d’appréciation des autorités administratives compétentes. Elle imposerait une réponse automatique unique à des situations diverses par leur nature, par l’intensité du risque encouru et par le contexte réglementaire. Le droit en vigueur permet de proportionner l’action de l’administration à la gravité des faits constatés et à l’état des connaissances scientifiques. Une obligation générale pourrait entraîner des décisions inadaptées voire excessives.
Mme Delphine Batho (EcoS). Le code prévoit ceci : « Il est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation.
« Les ministres chargés de l’agriculture et de la consommation peuvent […] prendre des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles mentionnés [au précédent alinéa]. » Nous voulons remplacer « peuvent » par « doivent ». La question, primordiale, a des implications commerciales. Ne soyons pas naïfs quant aux reconfigurations géopolitiques en cours : il faut protéger nos normes en matière de santé, de biodiversité et d’agriculture.
La commission adopte l’amendement.
Avant l’article 1er
Amendement CD251 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). Malgré son titre, l’adoption de cette proposition de loi ne lèverait aucune des contraintes qui s’exercent sur les agriculteurs : elle ne prévoit rien en matière de rémunération, d’accès au foncier, de lutte contre la concurrence déloyale, d’accompagnement dans la crise climatique. Parce qu’elle autorise la réintroduction de néonicotinoïdes, elle fera même courir de graves dangers à la filière apicole et à l’agriculture en général.
Nous défendons donc plusieurs amendements visant à appliquer aux produits sanitaires vendus ou en cours de mise sur le marché les protocoles de test les plus récents ; à permettre la publication d’un bilan des protocoles existants pour réaliser les tests de toxicité sur les insectes pollinisateurs ; à garantir aux apiculteurs la liberté de produire sans pesticides et, en cas de préjudice économique, d’en rendre responsables les distributeurs et détenteurs d’autorisations de mise sur le marché (AMM).
Le présent amendement tend donc à insérer un nouveau titre, « Lever les contraintes au métier d’apiculteur » : nous devons protéger tous les agriculteurs.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. À ce stade, j’émets un avis défavorable. Si des amendements spécifiques à l’apiculture étaient adoptés, nous pourrions y revenir lors de l’examen en séance publique.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er B (nouveau) : Garantie pour les apiculteurs de la liberté de produire sans pesticides, et responsabilisation des distributeurs et metteurs sur le marché en cas de dissémination de ces produits
Amendement CD351 de Mme Marie Pochon
Mme Marie Pochon (EcoS). On estime que 35 % de la production agricole française sont assurés grâce à la pollinisation. Dans le même temps, la mortalité des colonies d’abeilles n’a jamais été aussi élevée puisque, chaque année, entre 20 et 30 % d’entre elles sont décimées en raison de l’usage des pesticides, du changement climatique et des pratiques de l’agriculture intensive, que cette proposition défend bec et ongles.
L’amendement vise donc à protéger les apiculteurs dont les colonies sont victimes de l’épandage de pesticides – et notamment des néonicotinoïdes, que certains souhaitent autoriser de nouveau grâce à ce texte. Les apiculteurs donnent l’alerte et souhaitent produire librement, sans subir les choix des industriels de la chimie de mettre sur le marché des produits qui déciment les pollinisateurs.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je comprends votre objectif mais cet amendement pose diverses questions de mise en œuvre. Comment évaluer concrètement la responsabilité des distributeurs et de ceux qui mettent les produits sur le marché ? Comment s’assurer que le préjudice économique résultant de la perte de colonies d’abeilles est effectivement lié aux pesticides et non à d’autres facteurs, comme le frelon asiatique ou le varroa ?
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er BA (nouveau) : Obligation pour l’Anses de se baser sur les connaissances scientifiques les plus récentes pour les tests de toxicité des pesticides avec une publication annuelle d’un bilan des protocoles existants
Amendements CD349, CD222 et CD224 de Mme Marie Pochon (discussion commune)
Mme Marie Pochon (EcoS). La disparition des pollinisateurs est due à plusieurs causes, dont l’arrivée d’espèces invasives, la destruction des habitats et la monoculture. Mais les pesticides sont de loin la première d’entre elles.
Avec l’amendement CD349, nous voulons garantir à la fois l’indépendance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), pour qu’elle œuvre en faveur de la santé publique et de l’environnement, et la protection des pollinisateurs. Pour ce faire, nous proposons que l’Anses assure que les protocoles de tests les plus récents sont utilisés pour évaluer les produits phytosanitaires déjà en vente ou en cours de mise sur le marché. Si nous souhaitons protéger les abeilles et les pollinisateurs, tâchons de les préserver des produits qui les empoisonnent.
L’amendement CD224 fait quant à lui suite à un recours déposé par plusieurs associations environnementales – Pollinis, Notre affaire à tous, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières - truites, ombres, saumons et l’Association pour la protection des animaux sauvages. Il a mis en évidence différentes lacunes dans les procédures d’évaluation des produits phytosanitaires. De nombreux effets des pesticides sur certains insectes pollinisateurs ne sont pas suffisamment pris en compte, dont par exemple les effets chroniques ou sublétaux.
Il est donc nécessaire de mettre à jour les protocoles actuellement utilisés pour évaluer la toxicité de ces produits, afin de lever les entraves au métier d’apiculteur. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons le faire car de nouveaux protocoles existent.
Cet amendement vise à obtenir un bilan des protocoles actuels des tests de toxicité, afin de formuler des recommandations pour permettre l’adoption des protocoles les plus récents. Nous pourrons ainsi garantir la protection des pollinisateurs et, de fait, des apiculteurs.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable à l’amendement CD349, qui est plus complet, et défavorable aux autres.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je soutiens l’amendement CD349.
Quand on étudie la question des pesticides, on constate qu’il existe un écart certain entre la toxicologie réglementaire, utilisée par l’Anses, et la toxicologie académique, qui progresse à un rythme plus rapide. Les différences sont importantes, notamment s’agissant de la connaissance des mécanismes de perturbation endocrinienne, du fonctionnement des molécules fongicides SDHI, qui attaquent les mitochondries des cellules, ou encore des néonicotinoïdes. Le rôle carcinogène de ces derniers est désormais documenté par la toxicologie académique, mais il n’est pas encore pris en considération dans tous les protocoles des agences sanitaires.
Il est urgent de procéder à une mise à jour, qui est réclamée non seulement par ces agences, mais aussi et surtout par la société civile et les associations, afin que les autorisations de mise sur le marché tiennent compte des avancées scientifiques les plus récentes.
La commission adopte l’amendement CD349.
En conséquence, les amendements CD222 et CD224 tombent.
Avant l’article 1er
Amendement CD16 de Mme Delphine Batho
Mme Delphine Batho (EcoS). Mon amendement propose de corriger le libellé du titre Ier, dont la rédaction n’est pas acceptable.
En effet, on ne peut écrire qu’il s’agirait de mettre fin aux surtranspositions et aux surréglementations en matière de produits phytosanitaires. Le règlement de l’Union européenne prévoit une répartition claire des compétences entre l’autorisation des substances, qui dépend de l’Union, et celle des produits, qui relève des États membres. L’amendement propose donc le titre suivant : « Tirer les conséquences des connaissances scientifiques en matière de pesticides ».
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec vous : il n’y a ni surtransposition ni excès de réglementation en matière de pesticides.
Avis de sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Article 1er : Abrogation de la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, évolution des conseils à l’utilisation de ces produits et maintien de l’interdiction des remises, rabais et ristournes
Amendements de suppression CD7 de M. Benoît Biteau et CD276 de M. Loïc Prud’homme
Mme Marie Pochon (EcoS). Notre assemblée a encore travaillé sur la séparation du conseil et de la vente de produits phytosanitaires il y a à peine trois mois, alors que nous étions à quelques jours des élections des chambres d’agriculture.
Sans refaire tout le débat, on peut quand même noter qu’il existe un consensus sur le fait que la séparation du conseil et de la vente telle qu’elle a été formulée dans la loi Egalim doit être améliorée. Mais comment ?
Depuis cette loi, si vous vendez des pesticides, vous n’avez pas le droit de fournir des conseils aux agriculteurs. Le législateur souhaitait ainsi que les agriculteurs bénéficient de conseils de qualité qui ne soient pas influencés par la nécessité de vendre. Nous savons que sa volonté n’est pas respectée dans les faits. Nous n’avons pas réussi à faire sortir des fermes les vendeurs de pesticides.
Mais est-ce pour autant une raison d’abandonner la séparation du conseil et de la vente ? Certains se saisissent de toutes les opportunités pour faciliter le développement de pratiques agricoles intensives. Ce fut le cas notamment lors des débats sur la loi dite Le Peih, qui a notamment ouvert la gouvernance des chambres d’agriculture aux vendeurs de pesticides. Ce texte a en effet facilité le travail de lobbying des administrateurs de coopératives au sein de ces chambres.
Avec cette proposition, il nous est proposé d’enfoncer le clou en supprimant la séparation du conseil et de la vente. Cela revient à légaliser des conflits d’intérêt en retirant les maigres garde-fous que le législateur était parvenu à instaurer timidement.
Nous pensons que le principe de séparation du conseil et de la vente est bon. Il doit être défendu bec et ongles, faute de quoi c’est toute l’agronomie qui sera reléguée au rang de simple argument commercial. Nous refusons la nouvelle fuite en avant voulue par cet article et proposons de le supprimer.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Avec l’amendement CD276, nous demandons également la suppression de cet article, qui constitue un recul grave en matière de santé publique, de protection de l’environnement et d’accompagnement des agriculteurs. Il met fin à la séparation entre la vente et le conseil des produits phytosanitaires, réinstaurant un modèle dépassé où ceux qui vendent des pesticides peuvent également conseiller leur usage. C’est un conflit d’intérêt évident. Comment croire qu’un conseil est objectif quand il est donné par celui qui a intérêt à vendre ? La loi Egalim de 2018 avait à juste titre instauré cette séparation pour garantir un accompagnement indépendant.
Alors que la France est le deuxième utilisateur de pesticides en Europe et que 17 millions de nos concitoyens ont bu une eau contaminée en 2023, on nous propose de faire machine arrière. Le conseil stratégique devrait au contraire devenir une mission de service public afin de favoriser la transition écologique.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il faut faire preuve de pragmatisme et regarder ce qui se passe réellement. La séparation ne fonctionne pas. En fait, les vendeurs de produits phytosanitaires ont toujours conseillé les agriculteurs et, malgré la loi Egalim, ils continuent à le faire oralement. En effet, les agriculteurs n’ont pas pour habitude de payer pour un conseil. C’est une mauvaise chose qu’il faut certes essayer de modifier, mais en tenant compte de la réalité.
Il faut aussi noter que les certificats d’économies de produits phytosanitaires (CEPP) empêchaient de vendre ces produits à tire-larigot. Les techniciens qui les commercialisaient devaient respecter des objectifs de réduction de la consommation de pesticides et étaient formés pour conseiller et accompagner les agriculteurs.
La loi Egalim leur a demandé de choisir entre la vente et le conseil. Beaucoup ont opté pour la vente. On pensait que le conseil aurait pu être assuré davantage par les chambres d’agriculture, mais cela n’a pas été le cas car elles ne disposaient pas de personnels formés en nombre suffisant.
Cet article, dont la rédaction résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement du gouvernement, propose que la séparation entre la vente et le conseil s’applique aux seuls fabricants de produits phytosanitaires et non plus aux distributeurs de ces derniers, ce qui me semble pertinent.
Avis défavorable.
M. Dominique Potier (SOC). Nous avons consacré des heures de travail à la séparation du conseil et de la vente. Archétype de la fausse bonne idée, cette mesure figurait dans le programme du président de la République et avait été proposée par des ONG environnementales. Cela partait d’un bon sentiment, mais c’est une catastrophe sur le terrain. C’est pire qu’avant, car on a ajouté une insécurité juridique pour les agriculteurs et les distributeurs.
Ça ne marche pas et ça ne peut pas marcher, comme l’ont montré les travaux que j’ai menés avec Stéphane Travert dans le cadre d’une mission flash. Il avait fait adopter cette mesure sur commande lorsqu’il était ministre de l’agriculture et je salue son honnêteté intellectuelle, qui l’a conduit à reconnaître qu’il s’agissait d’une erreur. La commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires, créée à la demande du groupe socialiste, avait également consacré des heures d’auditions à ce sujet.
Il faut bien évidemment revenir sur cette mesure. Mais il faut aussi proposer autre chose. Or ce texte maintient un statu quo que nous sommes très nombreux à juger insupportable.
Le groupe socialiste considère qu’il faut mettre fin à la séparation du conseil et de la vente, car c’est un échec qui conduit à une insécurité juridique et sanitaire. Nous proposons des mesures complémentaires. D’une part, il s’agit de rénover le dispositif des CEPP – qui avait été abandonné avec la séparation entre le conseil et la vente –, afin de responsabiliser l’ensemble des entreprises qui composent la chaîne de distribution. D’autre part, nous proposons de mettre en place un conseil agronomique sous l’autorité des chambres d’agriculture. Cela passe par le recrutement de 1 000 agronomes, permettant d’apporter à chaque agriculteur deux demi-journées de conseil gratuit en abordant non seulement le sujet de la phytopharmacie mais aussi ceux de l’eau, du climat et de l’agroécologie. Bref, c’est une approche globale et systémique.
L’indépendance et la responsabilité commerciale : c’est la réponse que nous apportons à ce qui est un échec. Je veux bien croire qu’il ne résulte pas de mauvaises intentions mais, sur le terrain, c’est un accident industriel.
M. Benoît Biteau (EcoS). On entend beaucoup dire qu’il ne faut pas d’interdiction sans solution et, pour compenser l’interdiction d’un pesticide, on évoque souvent l’apparition d’une nouvelle molécule, mais la solution viendra en fait de l’agronomie. En ne séparant pas le conseil de la vente, on se privera de conseils agronomiques qui permettraient pourtant de nous affranchir des pesticides. C’est assez simple à comprendre et c’est la raison pour laquelle nous sommes très attachés à cette séparation. Tant que certains auront intérêt à vendre des pesticides et qu’on n’aura pas admis que l’agronomie est la science qui permet de ne plus utiliser ces produits, nous ne progresserons pas.
La séparation du conseil et de la vente n’a en effet pas bien fonctionné. Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Ne faudrait-il pas d’abord s’interroger sur les causes et sur les solutions ?
Revenir sur cette séparation est une hérésie. Cela continuera à faire le lit de ceux qui veulent encore vendre des pesticides, avec tous les dégâts que cela entraîne sur la santé de nos concitoyens et des agriculteurs, mais aussi sur la biodiversité, les ressources vitales et le climat – car les pesticides accélèrent le dérèglement climatique.
L’agronomie doit donc être mise au cœur de l’action. Et qu’on ne nous dise pas qu’on n’en a pas les moyens ! Les chambres d’agriculture lèvent l’impôt et ont des armées de techniciens, dont le rôle est précisément de diffuser les préconisations de l’agronomie et de ne pas promouvoir les pesticides.
Un recul a déjà eu lieu lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’exercice de la démocratie agricole, qui a permis à des marchands de pesticides de diriger des chambres d’agriculture. Avec le texte du sénateur Duplomb, on va de surcroît continuer à laisser ceux qui prescrivent des pesticides donner des conseils qui ne relèvent pas de la véritable agronomie.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je ne peux que souscrire aux propos de notre collègue Benoît Biteau.
Dominique Potier nous dit que c’est pire qu’avant. Mais ce sera encore pire si nous ne supprimons pas cet article. Il faut certes faire des propositions, mais n’aggravons pas les choses au prétexte que la mesure de la loi Egalim n’est pas une réussite. Nous avions d’ailleurs averti lors des débats et nous avions indiqué que l’activité de conseil devait relever des chambres d’agriculture, et donc de la puissance publique – comme vous le suggérez vous-même, monsieur Potier.
Mes amendements CD208 et CD281 visent ainsi à créer un statut particulier pour ceux qui donnent des conseils sur les produits phytosanitaires, afin de les prémunir des pressions – notamment lorsque leur chambre d’agriculture est présidée par des personnes qui ne sont pas très enclines à diminuer l’utilisation des pesticides.
Mais il faut avant tout en finir avec cet article premier. Nous pourrons ensuite rapidement rédiger une proposition transpartisane si un consensus se dégage sur le rôle que doit jouer la puissance publique pour assurer l’indépendance du conseil et le retour à l’agronomie.
M. Dominique Potier (SOC). Dans la pratique, on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque vendeur et chaque agriculteur. La séparation artificielle de la vente et du conseil permet tous les abus. C’est pire que tout.
Le CEPP faisait peser une responsabilité sur le vendeur vis-à-vis de l’acquéreur. Ce dispositif obligeait le vendeur de produits phytosanitaires à trouver des solutions alternatives, comme le biocontrôle ou le génie génétique. Cette obligation a été supprimée lorsque l’on a séparé le conseil et la vente.
Il faut, d’une part, prévoir des obligations pour le vendeur – ce que nous proposons – et, d’autre part, mettre en place un conseil agronomique global annuel et universel.
Il n’est donc pas nécessaire de rédiger une nouvelle proposition de loi, car nos amendements suffisent.
M. Gérard Leseul, président. Vous n’avez pas convaincu M. Biteau.
M. Benoît Biteau (EcoS). En effet ! Je réfuterai d’ailleurs par la suite les arguments de M. Potier.
La commission rejette les amendements.
Amendement CD447 de M. Timothée Houssin
M. Timothée Houssin (RN). Nous avons échappé de peu à la suppression de cet article. Sa portée avait été réduite de manière inopportune par le Sénat en séance, alors que le texte initial nous convenait assez bien.
Il prévoyait notamment de supprimer l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques. Nous sommes en effet le seul pays en Europe ayant procédé à une telle interdiction. Cela pénalise une fois de plus nos agriculteurs en renchérissant leurs coûts de production et en créant une forme de dumping écologique qui profite aux agriculteurs des autres pays européens, souvent plus polluants.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’interdiction des remises, rabais et ristournes, qui figure de nouveau dans le texte grâce à l’adoption d’un amendement du gouvernement lors de l’examen en séance au Sénat.
Bien que le gouvernement ne dispose pas d’un bilan précis de cette mesure dans d’autres domaines, comme la vente de médicaments vétérinaires, de telles interdictions sont efficaces pour limiter l’importance de l’argument commercial lors du choix des produits.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD277 de Mme Mathilde Hignet.
Amendement CD213 de M. Fabrice Barusseau
M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à préserver les règles de séparation capitalistique pour les producteurs de produits phytopharmaceutiques à faible risque.
Au Sénat, un amendement de réécriture de cet article, déposé par le gouvernement en séance, a rétabli la possibilité d’exercer une activité de conseil lorsque l’on distribue des produits phytopharmaceutiques. Par ailleurs, il encadre cette activité par des règles de prévention des conflits d’intérêt et maintient les CEPP.
En revanche, l’exercice de l’activité de conseil stratégique reste interdit à ceux qui mettent sur le marché des produits phytopharmaceutiques, en raison du risque élevé de conflit d’intérêt. À ce titre, les règles de séparation capitalistique des activités continueront de s’appliquer aux producteurs de produits phytopharmaceutiques.
Toutefois, le gouvernement a prévu une exception en précisant que ces règles ne s’appliqueront pas à ceux qui fabriquent seulement des produits à faible risque, de biocontrôle ou utilisables en agriculture biologique, afin de favoriser le développement de solutions alternatives aux substances les plus nocives.
Avec cet amendement, nous proposons de limiter cette exception aux seuls produits de biocontrôle ou utilisables en agriculture biologique.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il convient de maintenir la cohérence entre les différentes dispositions relatives aux produits phytopharmaceutiques qui figurent dans le code rural.
Les substances de base et produits à faible risque sont exclus de l’interdiction de remises, rabais et ristourne, au même titre que les produits de biocontrôle. Les mesures de protection des personnes habitant à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments ne leur sont pas applicables. Enfin, ces substances de base et ces produits à faible risque sont définis comme des méthodes alternatives.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL278 de M. Loïc Prud’homme
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Pour vendre un bien ou un service, il faut savoir créer un besoin.
Si vous vendez des pesticides et que vous fournissez en même temps un conseil sur leur utilisation, vous aurez forcément davantage intérêt à prescrire la dose maximale qu’à prendre en compte les besoins de l’agriculteur – qu’il s’agisse de ses finances, de la qualité écologique ou de sa santé.
C’est pour cela que nous voulons maintenir la séparation du conseil et de la vente.
Nous avançons à chaque fois des arguments qui concernent la santé. Une étude publiée à la fin de 2024 a établi une corrélation entre l’usage de pesticides et le cancer du pancréas.
Mais vous serez peut-être plus sensibles aux intérêts économiques des agriculteurs. Des études montrent que les exploitations agricoles qui s’en sortent le mieux sont celles qui limitent les charges. Cela suppose aussi de réduire l’emploi des produits phytosanitaires, et donc d’avoir un conseiller capable de vous dire ce dont vous avez réellement besoin – et pas ce dont il a besoin pour gagner le maximum d’argent. Ça tombe sous le sens.
Il faut mettre en place un conseil indépendant dispensé par les chambres d’agriculture. Celles-ci doivent employer davantage de conseillers, qui ne vendent pas des produits mais sont au service de l’intérêt général et de l’agriculteur.
Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.
Amendement CD101 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). Comme je commençais à l’indiquer, la loi « démocratie agricole » est revenue sur la séparation de la vente et du conseil et, surtout, a permis la réintégration, au sein de la gouvernance des chambres d’agriculture, de personnes tirant profit de la vente de pesticides. Or, comme l’a très bien dit Manon Meunier, la principale mission de ces organes de service public est de conseiller.
Par ailleurs, pour répondre à mon ami Dominique Potier, avec qui, pour une fois, je suis en désaccord, je trouve presque méprisant de dire que si nous avons échoué à séparer ces deux activités, c’est parce que les agriculteurs et les paysans, au fond, ne sont pas capables de prendre des décisions, même quand ils sont éclairés par un conseil agronomique judicieux. Grâce à la séparation de la vente et du conseil, nous voulons justement redonner de l’autonomie aux professionnels. Nous avons confiance en leur capacité de prendre les bonnes décisions, dès lors qu’elles sont libérées des arguments commerciaux associés aux pesticides.
Enfin, j’invite le collègue Houssin, qui estime que la compétitivité dépend nécessairement d’une bonne prescription de pesticides, à regarder les résultats économiques publiés par les centres de gestion spécialistes de l’agriculture. Il comprendra que moins on utilise d’intrants, de pesticides et d’engrais de synthèse, plus on gagne en compétitivité. Nous ne sommes plus au XXe siècle : le prix des engrais a été multiplié par trois en cinq ans et les performances ne dépendent plus de ces substances de synthèse. D’où la nécessité de disposer d’un conseil indépendant et efficace pour retrouver les vertus de l’agronomie. C’est ainsi que les agriculteurs gagneront en compétitivité et, je le répète, en autonomie de décision.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il y a quelques années, j’aurais soutenu cet amendement, mais j’y serai défavorable. Les chambres d’agriculture ont évolué. En tant qu’agricultrice, je reçois leurs propositions de formation et de conseil et je n’ai pas le sentiment qu’elles cherchent à vendre des produits phytosanitaires, ni qu’elles sont influencées par certaines personnes pour le faire.
M. Dominique Potier (SOC). Je crois que nous partageons le même objectif, mais que nous divergeons sur la manière de l’atteindre. Collègue Biteau, même quand nous aurons créé un conseil indépendant, agronomique et global, les agriculteurs pourront toujours acheter des produits chimiques ou de biocontrôle et, dans la pratique, nous ne pourrons pas interdire au vendeur de leur prodiguer des conseils. C’est aussi bête que cela. Dès lors, soit nous responsabilisons le conseil, par l’intermédiaire des CEPP, que nous avons créés en 2014 et qui ont été tués en 2017, soit nous continuons comme avant, mais en pire. On peut toujours donner des leçons en matière de santé ou d’agronomie, mais pour être précis et efficace, il faut apporter des solutions pratiques.
Par ailleurs, de ce que j’entends, les présidents de coopérative sont réduits à leur activité de marchands de pesticides, alors qu’ils sont avant tout les dirigeants d’organes décisionnels relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS) – secteur qui régit 50 % du commerce agroalimentaire et de l’agrofourniture. Ils méritent donc notre respect et, je le répète, ne peuvent pas être réduits à leur fonction de distribution de produits chimiques, quoi qu’on pense de ces substances. Qu’ils soient à la tête d’une petite ou d’une grande coopérative, il convient de rendre hommage à leur engagement, sachant que je préfère l’ESS à une économie libérale et uniquement spéculative et financière.
M. Benoît Biteau (EcoS). J’entends les arguments de la rapporteure pour avis ainsi que ceux de Dominique Potier, que je rejoins s’agissant de l’économie sociale et solidaire. Cela étant, nous venons de voter une loi qui réintègre les présidents de coopérative, qui ont intérêt à vendre des pesticides, dans la gouvernance des chambres d’agriculture qui, elles, exercent une mission de service public.
Les structures de conseil indépendantes que nous avons auditionnées nous l’ont dit : les agriculteurs s’en sortent beaucoup mieux et retrouvent leur autonomie de décision en redécouvrant les vertus de l’agronomie, qui apporte des solutions y compris économiques puisque cette pratique réduit les coûts de production.
Quant aux coopératives, quand bien même il s’agit de structures d’économie sociale et solidaire, je vous invite à consulter la liste de leurs activités commerciales les plus rémunératrices et rentables. Il ne s’agit pas de la collecte de grains ou de céréales, mais bien de la vente d’intrants. Tant que ce constat n’aura pas été fait, on ne comprendra pas complètement l’intérêt de séparer la vente du conseil. Même une entreprise relevant de l’ESS peut avoir intérêt à vendre des pesticides et des engrais de synthèse.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je crois, cher Dominique Potier, que vous êtes bloqué dans un siècle qui n’est plus le nôtre. Cela a été documenté par de nombreux articles de presse, les coopératives agricoles sont devenues des multinationales, qui vont jusqu’à retirer aux coopérateurs la possibilité d’influer sur leurs stratégies. Il ne faut pas vivre dans le monde des Bisounours. Pour la plupart d’entre elles, les coopératives ne sont plus des structures de l’ESS au sens où nous l’entendons. Certaines devraient même, ainsi que je l’avais proposé par voie d’amendement dans le passé, se voir retirer leur statut de coopérative.
De plus, rappelons comment se passait la vente de pesticides avant la séparation de cette activité et du conseil. Des viticulteurs de Gironde me l’ont expliqué, les vendeurs venaient les voir et leur indiquaient, semaine par semaine, quelles substances ils devaient utiliser. Et une fois que le calendrier était ainsi établi, ils remplissaient le bon de commande et fournissaient les bidons correspondants.
Il est donc impératif de ne pas considérer les coopératives comme les bienfaitrices de l’agriculture et des agriculteurs, car c’est en grande partie faux, et, comme je le disais plus tôt, de réserver le conseil à la puissance publique. Cela ne réglerait pas la question des conseils prodigués en douce, mais il nous appartient de trouver les bonnes solutions sur ce point – étant entendu que nous divergeons sur le niveau de radicalité à retenir pour garantir cette indépendance.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CD391 et CD392 de Mme Constance de Pélichy
Mme Constance de Pélichy (LIOT). Nous prenons acte de l’échec de la séparation capitalistique des activités de vente et de conseil. En revanche, il serait opportun de tenter une séparation opérationnelle. L’amendement CD391 vise ainsi à empêcher un même professionnel de vendre et de conseiller. Quant au CD392, il tend à instaurer l’obligation d’une facturation différenciée pour ces deux activités.
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Un tel dispositif obligerait les entreprises, notamment de négoce, à établir deux facturations, la première pour la vente de produits phytosanitaires, la seconde pour le conseil. Or les agriculteurs ne sont pas prêts à payer pour cette seconde activité, n’ayant pas intégré que ce coût était compris dans le prix des produits. Une séparation organisationnelle ne me semble donc pas constituer la solution adaptée pour assurer la distinction effective entre la vente et le conseil. Avis défavorable
M. Benoît Biteau (EcoS). J’aurais pu adhérer à la proposition de Mme de Pélichy si je n’avais pas, en tant que directeur adjoint d’une très grande coopérative, été justement chargé d’animer un service de conseil indépendant, séparé de la vente. Nous facturions bien aux agriculteurs ce service de conseil, mais ils récupéraient ce coût grâce à des ristournes accordées lors de l’achat de produits phytosanitaires. Qu’une même entreprise puisse à la fois conseiller et vendre induit donc nécessairement une forme de porosité, ce qui fait perdre toute effectivité à la séparation des activités.
Il faut donc faire autrement, raison pour laquelle j’insiste tant sur le rôle des chambres d’agriculture. Puisqu’elles ne vendent pas de produits, qu’elles exercent une mission de service public et qu’elles lèvent l’impôt, elles sont à même de proposer un service de conseil, pourvu, je le répète, que des vendeurs de pesticides ne puissent participer à leur gouvernance.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CD88 de M. Vincent Descoeur, CD99 de M. Freddy Sertin et CD346 de Mme Danielle Brulebois
M. Vincent Descoeur (DR). Ces amendements visent à supprimer, à l’alinéa 31, la disposition selon laquelle la prestation de conseil est effectuée à titre onéreux. Par définition, une telle mesure augmenterait la charge liée au traitement phytosanitaire et donc les coûts de production, ce qui ne semble pas opportun dans le contexte actuel. Pourquoi ne pas laisser la possibilité aux agriculteurs de bénéficier d’une prestation à titre gracieux, particulièrement si celle-ci est assurée par un technicien appartenant à un organisme consulaire, comme certains collègues viennent de l’évoquer ?
Mme Danielle Brulebois (EPR). En effet, ces amendements tendent à laisser la possibilité aux structures d’accompagnement des agriculteurs de faire payer ou non leurs prestations de conseil.
M. Gérard Leseul, président. Quel est votre avis, madame la rapporteure, sur ces amendements rédigés en lien avec la FNSEA ?
Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis partagée sur ce point. Il faut que les agriculteurs prennent conscience que le conseil a un coût ; les techniciens sont formés et leur travail doit être valorisé. Cela étant, je sais que les professionnels ne sont pas prêts à accepter ce coût, même si celui-ci pourrait être compensé par la réduction de la consommation de produits phytosanitaires qui pourrait justement en résulter.
Je m’en remettrai donc à la sagesse de la commission sur ces amendements. Il faut que nous prenions acte que le conseil a un coût, mais aussi trouver le moyen d’accompagner les agriculteurs dans ce domaine. À cet égard, nous pourrions nous inspirer des formations proposées par Vivéa, pour partie directement financées par l’organisme et pour lesquelles les agriculteurs ne doivent s’acquitter que d’un reste à charge. De cette manière, le coût du conseil ne serait pas trop excessif.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cette question est intéressante et même éclairante. Nous sommes nombreux à souhaiter que le conseil relatif aux produits phytosanitaires et aux pesticides soit gratuit, surtout dans l’optique d’une réduction de leur consommation. Mais, en même temps, si un organisme privé prodigue un conseil gratuit, cela signifie qu’il trouvera par ailleurs une rentabilité à cette activité : le conseil sera donc nécessairement lié à la vente. Le cas échéant, nous en reviendrons au cercle vicieux que nous essayons d’exposer, à savoir que quand votre intérêt économique est de vendre des pesticides, il est aussi de conseiller d’en acheter le plus possible. Ces amendements sont donc très révélateurs et montrent bien que nous avons besoin d’un organisme public et indépendant, doté de financements importants. Car c’est bien parce que les moyens alloués n’ont pas été suffisants que l’accompagnement des agriculteurs par des personnes formées n’a pas fonctionné. Voilà de quoi nous avons besoin pour réussir la séparation du conseil et de la vente et aboutir à une baisse de la consommation des produits phytosanitaires.
M. Vincent Descoeur (DR). Je comprends que vous souhaitiez une prise de conscience au sujet du coût du conseil, tout comme j’entends que certains organismes recourent à des astuces pour faire disparaître cette charge pour les agriculteurs, mais j’estime que le débat mérite d’être ouvert, ainsi que celui relatif au potentiel apport des chambres consulaires. Ainsi ne me paraît-il pas opportun de graver dans la loi que le conseil doit obligatoirement être effectué à titre onéreux. Si d’aventure un organisme, dans l’esprit d’une coopérative, souhaite dispenser un conseil à titre gracieux, il me semblerait tout de même assez curieux qu’il en soit empêché par le législateur. Préservons cette possibilité.
M. Benoît Biteau (EcoS). Référons-nous à la notion d’investissement. En effet, tous les agriculteurs qui font appel à un service de conseil payant pour leur ferme – car toutes les chambres d’agriculture ne sont pas au point en matière d’agronomie – ont l’impression, ou même la conviction de réaliser un investissement, car la prestation est liée à une obligation de résultat. Dit autrement, un retour d’investissement, prenant la forme d’une réduction des coûts de production, est attendu. Ainsi, même payant, un tel service constitue un levier supplémentaire pour que nos exploitations gagnent en compétitivité – objet de nos discussions.
M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Pour résoudre cette quadrature du cercle, plutôt que de parler de compétitivité, peut-être pourrions-nous nous fonder sur le revenu paysan. En l’occurrence, nous qui nous battons pour sa progression considérons que la gratuité du conseil pourrait constituer un levier intéressant, mais à la condition, j’y reviens, d’une exclusivité absolue du conseil par la puissance publique.
L’indépendance agronomique vis-à-vis de tous les intrants est source de revenu. Si elle est considérée comme telle par les agriculteurs et les chambres d’agriculture, et si nous garantissons que le conseil est prodigué d’une manière totalement indépendante, alors les choses pourront fonctionner.
M. Dominique Potier (SOC). Monsieur Descoeur, il n’existe pas de conseil gratuit. Qu’il soit directement ou indirectement facturé, il s’impose de toute façon aux agriculteurs. Aucun prestataire ne prodigue de conseils sans se rémunérer d’une manière ou d’une autre, quitte à user d’un artifice commercial.
Monsieur Biteau, pour avoir également auditionné des conseillers indépendants, je peux vous assurer qu’ils ne couvrent qu’une très faible surface agricole. Et je vous invite à regarder la sociologie des personnes auxquelles ils s’adressent, à leur niveau socioculturel, ou encore à la taille de leur ferme. Ce système n’est donc pas modélisable. Nous avons besoin de ces conseillers pour un certain profil d’agriculteurs, mais pour le commun des professionnels, le service public, assuré par les chambres d’agriculture, est vraiment la solution.
La commission rejette les amendements.
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Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 6 mai 2025 à 21 h 30
Présents. - M. Fabrice Barusseau, M. Emmanuel Blairy, M. Nicolas Bonnet, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, M. Pierre Cazeneuve, M. Bérenger Cernon, M. Pierrick Courbon, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, M. Romain Eskenazi, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Marie Fiévet, M. Julien Guibert, Mme Mathilde Hignet, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, M. Pascal Lecamp, Mme Julie Lechanteux, Mme Claire Lejeune, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, Mme Manon Meunier, M. Marcellin Nadeau, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Constance de Pélichy, M. René Pilato, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Jean-Claude Raux, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Freddy Sertin, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Nicolas Thierry, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland
Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Jean-Victor Castor, Mme Sandrine Josso, M. Stéphane Lenormand, Mme Christelle Petex, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Batho, M. Benoît Biteau, M. Dominique Potier, Mme Anne-Sophie Ronceret