Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

 Suite de l’examen pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis)              2

 


Mercredi 7 mai 2025

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 43

Session ordinaire de 2024-2025

Présidence de

M. Gérard Leseul,

Vice-président

 


  1 

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis).

M. Gérard Leseul, président. Nous poursuivons l’examen des articles de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Il reste 163 amendements à discuter.

 

Article 1er (suite) : Abrogation de la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, évolution des conseils à l’utilisation de ces produits et maintien de l’interdiction des remises, rabais et ristournes

 

Amendement CD279 de Mme Mathilde Hignet

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Cet amendement vise à maintenir les dispositions à caractère législatif en faveur de la séparation complète de la vente et du conseil stratégique et spécifique à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Les chambres d’agriculture pourraient conférer aux conseillers le statut de salariés protégés, pour leur éviter de subir des pressions des présidences de chambre d’agriculture et leur permettre de prodiguer un conseil gratuit et indépendant dans les fermes. Les agriculteurs auraient un intérêt économique à diminuer leur consommation de pesticides, réduisant ainsi leurs charges et augmentant leurs revenus : le conseil commercial du vendeur serait rendu inopérant.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à supprimer les alinéas 35 et 36 de l’article 1er, soit la disparition du conseil stratégique à l’utilisation des produits phytosanitaires. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). La rédaction actuelle ne nous convient pas. J’ai d’ailleurs déposé l’amendement CD280 qui en propose une autre.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CD469 et CD393 de Mme Constance de Pélichy et CD491 de la rapporteure pour avis tombent.

 

Amendement CD394 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) repose à l’heure actuelle sur une obligation de moyens pour les obligés. Afin d’inciter à une plus grande diminution de l’achat et de l’utilisation de ces produits, cet amendement propose une première étape vers une obligation de résultat, en prévoyant des objectifs chiffrés de réduction de vente de produits phytopharmaceutiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’y suis favorable, d’autant que vous laissez l’autorité administrative fixer les objectifs, dans le cadre des CEPP.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD212 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à responsabiliser les acteurs de la vente de produits phytopharmaceutiques avec des objectifs clairs en matière d’obtention de certificats d’économie de produits phytosanitaires, en renouvelant le soutien apporté aux CEPP. Ces derniers sont un moyen efficace de faire participer les entreprises distributrices de ces produits à la politique de réduction des usages des produits de synthèse et au développement de solutions plus durables, répondant ainsi à la recommandation  15 du rapport de la commission d’enquête sur les produits phytopharmaceutiques, publié sous la précédente législature.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement reprend en partie l’ancienne rédaction – abrogée – de l’article L. 254-10-4 du code rural et de la pêche maritime, reposant sur l’expérimentation mise en place en 2016. Depuis, le dispositif a été pérennisé. Les bilans pour la mise en œuvre du dispositif de CEPP sont disponibles sur le site du ministère de l’agriculture, pour chaque période d’obligation, notamment 2022-2023. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous évoluons dans un système ultralibéral dérégulé. La cupidité des entreprises de vente de pesticides lui est inhérente. L’argent n’est pas mis au service d’un projet d’entreprise ou de production agricole. Les CEPP s’inscrivant dans cet écosystème ultralibéral, ils se font happer par cette chasse au profit, qui a conduit à l’échec des mesures précédentes.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD211 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à rétablir une sanction en cas de non atteinte des objectifs fixés aux distributeurs en termes de CEPP, en contrepartie de l’abrogation de la séparation de la vente et du conseil.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Une sanction existe déjà dans la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime, à l’article R. 254-42. Je ne suis pas favorable à l’ajout d’une autre sanction.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD268 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Il s’agit de faire en sorte que tous les exploitants agricoles, y compris en société, puissent bénéficier du conseil stratégique global : aucun agriculteur ne doit être laissé au hasard. Ne pas mentionner les milliers d’exploitants agricoles qui exercent aujourd’hui en société revient à courir le risque de les exclure, injustement. Le monde agricole a évolué : une part croissante des exploitations sont organisées sous forme sociétaire, pour répondre aux défis économiques et environnementaux. L’objectif est également d’éviter des angles morts administratifs, une ambiguïté législative pouvant être interprétée restrictivement par l’administration. Cet amendement permet d’éviter un futur bras de fer entre les agriculteurs et les services instructeurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je comprends votre inquiétude. Néanmoins, je n’ai pas relevé que certaines sociétés agricoles auraient été privées de conseils. Elles sont composées d’exploitants agricoles, une notion qui ne fait pas l’objet de restrictions dans le texte. Une précision à cet égard ne me semble donc pas utile. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD345 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Cet amendement vise à rendre le conseil stratégique obligatoire, en allégeant les contraintes actuelles. Il ne serait plus délivré de manière périodique mais à des périodes clés de la vie des exploitations, telles qu’une transmission, une acquisition, un gros investissement ou un changement de système de production.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je comprends la volonté d’alléger les contraintes pesant sur les agriculteurs. Néanmoins, l’objectif du conseil stratégique est d’avancer sur des logiques agronomiques, ce qui suppose de procéder à une évaluation avec une récurrence suffisamment forte, à l’aide d’indicateurs. Une réorientation est parfois nécessaire. La périodicité et la récurrence – elle doit être au moins annuelle – du conseil stratégique sont importantes.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD210 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement propose la création d’un conseil agronomique global annuel et universel, sous l’autorité des chambres d’agriculture. Le conseil stratégique doit être conçu pour produire et protéger autrement. L’interdiction doit laisser place à une logique de vision globale sur l’ensemble du système agricole. Par ailleurs, il faut prendre en considération l’ensemble des questions propres aux transitions – le rapport à la consommation d’énergie, aux émissions de gaz à effet de serre, la gestion de ressources en eau, la maîtrise de la fertilisation et la qualité des sols.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Nous venons d’adopter un amendement qui permettra aux agriculteurs de bénéficier d’un conseil stratégique global à des périodes clés. Je ne suis pas favorable à ce qu’il soit annuel et universel.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD209 de Mme Chantal Jourdan, CD410 de M. Marcellin Nadeau et CD490 de la rapporteure pour avis (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement vise à assurer que le conseil est prodigué par des agronomes de formation.

M. Marcellin Nadeau (GDR). L’article 1er propose la création d’un conseil stratégique global, malheureusement facultatif, dont le conseil stratégique à l’utilisation des produits pharmaceutiques ne constitue qu’un volet. Si l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a souligné que la condition du succès de ce conseil n’était pas tant sa gratuité que sa qualité – les conseillers qui en sont chargés doivent effectuer des formations poussées –, le Sénat a supprimé l’obligation de certification des conseillers, pour lui substituer la notion de « conseillers compétents en agronomie, en protection des végétaux, en utilisation efficace, économe et durable des ressources ou en stratégie de valorisation et de filière ». Le présent amendement propose de revenir à l’exigence de disposer au moins de conseillers certifiés.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je partage vos préoccupations sur la qualification des conseillers. C’est pourquoi mon amendement propose de créer une certification pour les conseillers dans le cadre du conseil stratégique global. Je suis donc défavorable aux amendements CD209 et CD410, au profit de l’amendement CD490.

La commission adopte l’amendement CD209.

En conséquence, les amendements CD410 et CD490 tombent.

 

Amendement CD269 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Mon amendement vise à intégrer la compétence en économie agricole dans le conseil stratégique global, pour accompagner pleinement les exploitants. Une exploitation agricole étant aussi une entreprise, le conseil ne peut pas s’arrêter aux champs ou à l’étable : il doit aider à trouver des débouchés, sécuriser les revenus et naviguer dans les aides, de façon à mettre fin à l’isolement économique des agriculteurs. Trop souvent, les exploitants se retrouvent seuls face au marché. Cet amendement répond à un besoin criant de soutien sur le plan économique. Pour accompagner les agriculteurs, il faut prendre en compte la dimension économique de leur activité. Au-delà de la production, il faut aussi vendre, valoriser et investir. Le renforcement des compétences économiques du conseil permettra aux agriculteurs de rester compétitifs et maîtres de leur avenir.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement me semble déjà satisfait par la compétence en « stratégie de valorisation et de filière » et par l’objectif de « viabilité économique ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD270 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Il s’agit d’intégrer le droit rural aux compétences requises, pour un conseil stratégique global réellement protecteur et opérationnel. L’objectif est de protéger les agriculteurs face à la complexité juridique – statuts fonciers, baux ruraux, autorisations d’exploitation. Trop souvent, les exploitants sont seuls face à des règles complexes et évolutives. Un accompagnement stratégique ne peut pas ignorer le droit. Il ne suffit pas de conseiller sur des cultures, il faut aussi sécuriser juridiquement les projets agricoles, pour éviter les litiges et les erreurs irréversibles, et pour sécuriser l’avenir des exploitations. Une mauvaise décision juridique peut compromettre toute une exploitation. Intégrer le droit rural, c’est prévenir les risques avant qu’ils ne deviennent des problèmes.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les enjeux juridiques que vous mentionnez ne sont pas uniquement associés au droit rural. Si je partage votre avis quant à l’importance des connaissances juridiques des conseillers en matière rurale et environnementale, la seule notion de « droit rural » me semble trop restrictive. De plus, les agriculteurs disposent d’un panel de personnes compétentes pour les conseiller en la matière – centres de gestion, chambres d’agriculture. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD208 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Pour garantir un conseil stratégique global, il est indispensable que les compétences des agronomes soient les plus exigeantes possible.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD395 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Mon amendement vise à ce que le conseil stratégique global inclue la question de la transition agroécologique des exploitations.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD207 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à rappeler le rôle central de l’adaptation des activités agricoles aux conséquences du changement climatique, pour assurer la viabilité économique des exploitations. Il est en effet possible d’améliorer la performance des rendements agricoles, tout en respectant les normes environnementales.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous invite à retirer cet amendement et à le retravailler pour la séance. La notion de « réchauffement climatique » n’est pas suffisamment large et laisse de côté la viabilité environnementale et sociale.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD104 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). La proposition de loi établit un nouveau conseil annualisé, le « conseil stratégique global ». Or, aucune disposition ne permet d’avancée significative en la matière. Alors que beaucoup se sont émus des difficultés des agriculteurs depuis le début de l’année 2024, ce conseil doit aussi être un moyen d’intégrer, dans une approche globale et une vision à long terme, des spécificités pédoclimatiques, des moyens humains et une amélioration de la compétitivité de l’entreprise. Il faut réaliser un diagnostic périodique, actualisé, afin d’identifier les marges de manœuvre et de permettre aux agriculteurs de mieux s’en sortir, notamment sur le plan économique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable d’autant que la séparation de la vente et du conseil pour les fabricants est déjà prévue pour le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. De plus, cet amendement applique une séparation spécifique aux produits phytopharmaceutiques à un conseil global.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD105 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement vise à préciser les attendus du document de conseil stratégique global afin que les conseils délivrés soient fondés sur une approche rigoureuse, scientifique et de qualité. L’objectif est de démontrer que moins on utilise de pesticides, moins on en a besoin, de façon à enclencher un cercle vertueux.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis de sagesse. À titre personnel, je ne suis pas opposée à rendre obligatoire le conseil stratégique global.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD272 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à affirmer que le conseil stratégique doit être indépendant, objectif et adapté à chaque exploitation. L’objectif est de garantir son efficacité. Il ne saurait être standardisé, car chaque exploitation est unique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Chaque exploitation est effectivement particulière et doit pouvoir bénéficier d’un conseil spécifique. Les amendements adoptés précédemment permettent de le garantir. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD153 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Le conseil doit intégrer la façon de produire et le cadre de vie. Au-delà des agriculteurs, les riverains et les personnes installées en territoires ruraux doivent pouvoir en bénéficier.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je n’y étais pas favorable à l’origine. Néanmoins, puisque nous avons adopté une disposition indiquant que les conseillers devaient être des agronomes, il est préférable que l’exercice de la fonction de conseiller soit réservé aux titulaires d’un diplôme d’ingénieur agronome ou d’un master en agronomie. Avis favorable, dans un souci de cohérence.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD397 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Des diagnostics modulaires ont été créés par la loi, afin de faciliter l’installation et la transmission, et d’accélérer la transition agroécologique. Afin d’éviter les redondances, il convient de les reconnaître comme faisant partie intégrante du conseil stratégique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. À l’inverse de ce que vous proposez, la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, promulguée en mars dernier, stipule que « les informations recueillies lors des diagnostics sont utilisées dans le cadre d’un conseil stratégique global destiné à améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale ainsi que le caractère vivable du projet agricole ». Les diagnostics modulaires peuvent donc servir au conseil stratégique global. L’adoption de votre amendement pourrait prêter à confusion. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous devrions avoir une approche systémique, et non cloisonnée, des différents modules, conseils et diagnostics, dans un souci de cohérence et de simplification envers les agricultrices et les agriculteurs.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD206 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à souligner la nécessité de financer rapidement et de manière pluriannuelle la formation et le recrutement massif d’agronomes, en cohérence avec l’ensemble des amendements que nous venons d’adopter au sujet de l’obligation du conseil stratégique global.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Même si je soutiens le financement et la promotion d’ingénieurs agronomes, il ne me semble pas pertinent d’inscrire dans la loi un nombre précis. Nous en avons déjà débattu lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, et les besoins d’ici à 2030 pourraient évoluer. Avis défavorable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Si l’amendement fixe un objectif d’ici à 2030, c’est en fonction de l’évaluation des besoins.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CD280 et CD281 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ces amendements tendent à mettre le conseil pour l’utilisation des produits phytosanitaires entre les mains des chambres d’agriculture, pour garantir sa gratuité, son indépendance et l’absence de conflits d’intérêts. Ainsi, nous pourrons enfin trouver des solutions fiables et efficaces pour réduire réellement l’utilisation de ces produits, pour diminuer les charges qui pèsent sur les agriculteurs du fait de l’achat d’intrants chimiques et donc pour améliorer les revenus, ce qui correspond à la demande première des agriculteurs qui se mobilisent aujourd’hui. Ils ne veulent pas qu’on déglingue toutes les normes environnementales, mais simplement que leur travail soit respecté et rémunéré correctement. Ces amendements permettront de répondre à leurs revendications.

Par ailleurs, en nous appuyant sur un tel instrument plutôt que sur des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques qui coûtent de l’argent public et dont l’efficacité peut être discutée, nous pourrons atteindre une meilleure efficacité et créer une possibilité de contrôle de la maîtrise et surtout de l’orientation à la baisse des trajectoires d’utilisation des pesticides. Je vous invite, en cohérence avec l’adoption de l’amendement CD279, à voter ces amendements.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. S’agissant du premier amendement, même si l’idée que vous proposez pourrait être intéressante pour inciter les exploitations agricoles à se tourner vers des solutions de conseil, plusieurs questions se posent, notamment sur la capacité de l’État de financer le dispositif. Par ailleurs, confier ce service public aux chambres d’agriculture pourrait exclure les structures indépendantes déjà engagées dans le conseil stratégique et déstabiliser le marché en rendant économiquement non viable l’offre privée, y compris celle de qualité. Je suis donc défavorable à votre premier amendement. Même avis concernant le second, puisque le conseil spécifique est supprimé par la proposition de loi : cet amendement ne serait pas applicable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je crois que vous avez bien saisi la mécanique de ces amendements : il s’agit bien de rendre non viable le conseil privé. Nous voulons un conseil public, entre les mains de la puissance publique, pour garantir son indépendance – c’est au cœur de la discussion que nous avons depuis hier. Je vous remercie d’avoir ainsi pointé l’objectif : c’est un argument supplémentaire en faveur de l’adoption de ces dispositions.

La commission adopte l’amendement CD280.

En conséquence, l’amendement CD281 tombe.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

 

 

Article 2A (nouveau) : Garantie pour les agriculteurs biologiques de la liberté de produire sans pesticides, et responsabilisation des distributeurs et metteurs sur le marché en cas de dissémination de ces produits

Amendement CD384 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Nous proposons de créer un titre et un dispositif spécifique pour répondre aux problématiques des grands oubliés de cette proposition de loi, les agriculteurs biologiques. Alors que nous devrions tout mettre en œuvre pour soutenir les producteurs qui ont choisi de se tourner vers l’agriculture biologique, qui est aujourd’hui le modèle agricole le plus vertueux et le plus durable, ce texte passe délibérément et complètement sous silence leurs difficultés. En plus d’avoir à faire face à un manque de soutien des pouvoirs publics et à un manque de débouchés, nombre d’agriculteurs biologiques sont contraints de détruire des récoltes contaminées par des pesticides qu’ils n’ont pas utilisés, notamment le prosulfocarbe, qui est très volatil. D’après la Fédération nationale d’agriculture biologique, les destructions de cultures de sarrasin bio contaminées par cet herbicide se chiffrent depuis 2020 à plus d’un demi-million d’euros. C’est une injustice totale à laquelle nous devons mettre fin. Cet amendement tend donc à garantir aux agriculteurs biologiques la liberté de produire sans pesticide et à responsabiliser les industriels en cas de préjudice économique lié à une contamination par des pesticides.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le principe d’une responsabilisation des distributeurs de phytos à l’égard des préjudices économiques pour la filière bio me paraît intéressant. Ce que vous évoquez correspond une réalité sur le terrain, mais l’amendement soulève plusieurs questions, notamment celle de l’évaluation concrète de la responsabilité et du préjudice économique, mais aussi celle de la manière de s’assurer que le préjudice économique est bien lié aux phytos et non à d’autres facteurs, ce qui peut arriver. S’agissant de cet amendement, qui fait écho à un autre, relatif aux apiculteurs, qui a été adopté hier soir, me semble-t-il, je donne un avis de sagesse.

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement est déterminant. On entend dire dans les campagnes que toutes les agricultures doivent cohabiter et qu’elles sont compatibles entre elles, sauf que ce n’est pas tout à fait le cas dans la vraie vie. En Bretagne, on trouve ainsi des cas très sévères de pollution d’agriculteurs qui ont tout mis en œuvre pour respecter le cahier des charges de l’agriculture biologique et dont la conduite est parfaitement irréprochable, mais dont les récoltes sont détruites ou déclassées parce que des voisins les ont polluées, voire qui perdent la certification agriculture biologique pour la totalité de leur structure, ce qui les met dans des situations économiques extrêmement délicates. Et après on s’étonne que l’agriculture biologique puisse parfois être en difficulté sur ce plan ! Quand une agriculture piétine à ce point les pratiques vertueuses des autres, un vrai problème se pose. Cet amendement est donc particulièrement bienvenu si nous voulons essayer de faire en sorte que toutes les agricultures cohabitent. Mais pour que cela soit possible, en vérité, il faudrait vraiment mettre un coup d’accélérateur s’agissant du développement de l’agriculture biologique, de manière que l’autre agriculture n’empêche pas la plus vertueuse de continuer de progresser.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement est effectivement important. Il établit, d’abord, la responsabilité du détenteur de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) : il existe souvent, quand on parle des pesticides, une confusion en la matière. La responsabilité, c’est notre position constante, incombe aux pouvoirs publics qui autorisent des produits et aux firmes qui les fabriquent et les mettent sur le marché, et non à l’agriculteur qui, compte tenu des autorisations, les utilise.

Il est ici question du préjudice économique résultant de la dissémination des produits et de leur impact sur les productions relevant du mode de production biologique. Un décret est prévu pour traiter les points que vous avez évoqués, madame la rapporteure pour avis – qui établit quoi, comment on mesure et de quelle façon on détermine ensuite l’indemnisation.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 2B (nouveau) : Accessibilité des données d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’Anses et au public

Amendement CD142 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous nous rapprochons des questions abordées à l’article 2, qui prévoit une régression inédite et gravissime dans le rapport à l’expertise scientifique en ce qui concerne le poison que sont les néonicotinoïdes, alors même que nous avons appris cette semaine que les populations d’insectes s’étaient effondrées de 61 % sur le continent européen au cours des trois dernières années – pas seulement à cause des pesticides, mais ils constituent un des facteurs principaux en la matière. Or, comme chacune, chacun le sait, l’agriculture dépend de ce qu’on appelle les auxiliaires des cultures, c’est-à-dire tous les insectes qui jouent un rôle fondamental pour la biodiversité mais aussi pour la production agricole.

Le présent amendement porte sur le registre de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Vous savez qu’il existe jusqu’à présent un registre papier et que l’Union européenne oblige à passer à un format numérique, normalement à partir du 1er janvier prochain. Nous souhaitons que les données de ce registre soient rendues accessibles automatiquement à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dans le cadre de ses missions de phytopharmacovigilance, et qu’elles soient, sous une forme anonymisée, rendues publiques. Actuellement, les seules données publiques sont celles concernant la vente des pesticides par département. Le cadre actuel n’est donc pas conforme à la Charte de l’environnement, qui donne à tout citoyen le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement qui sont détenues par les pouvoirs publics.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Article 2C (nouveau) : Expérimentation d’un mécanisme d’assurance-risque comme alternative à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques

Amendement CD419 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement revient sur un sujet récurrent, dont nous avons notamment discuté avec Stéphane Travert lors de l’examen de la loi Egalim. Un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (Cgaaer), de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (Cgedd) de décembre 2017 soulignait ce que nous disons depuis longtemps, à savoir qu’il faut, s’agissant de la réduction des pesticides, suivre une approche dans laquelle on apporte une réponse socio-économique au lieu de se placer seulement sur le plan agronomique. On constate, en effet, qu’un certain nombre d’exploitantes et d’exploitants agricoles ont recours aux pesticides ou aux fongicides dans une logique en quelque sorte assurantielle. C’est d’ailleurs tout le problème des néonicotinoïdes et une des raisons pour lesquelles on les a interdits en France : on en met même quand il n’y en a pas besoin, en l’absence de ravageurs, ce qui est une catastrophe pour la santé publique et la biodiversité.

Notre proposition, qui a été testée notamment en Italie pour le maïs, est d’expérimenter une logique d’assurance-risque dans laquelle, au lieu d’acheter des phytos, on cotise, pour moins cher, à une caisse mutuelle. Si jamais les cultures subissent un ravageur, un plancher de revenu est garanti par le mécanisme d’assurance-risque, qui sert d’alternative socio-économique à l’utilisation de pesticides. Compte tenu du cadre contraint de l’article 40 de la Constitution, nous proposons une expérimentation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable à cette expérimentation.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je suis également favorable à cette expérimentation, qui peut être particulièrement éclairante. Il existe déjà des retours d’expérience extrêmement intéressants : Delphine Batho a parlé de l’Italie, mais nous avons aussi des choses qui ressemblent à cela en France. On constate que moins on utilise de pesticides, plus on a de résultats. Contrairement à une idée reçue selon laquelle les pesticides protègent les récoltes, la réduction de ces produits conduit à avoir des insectes – ils sont malheureusement en grave difficulté, Delphine Batho l’a également évoqué – qui viennent sur les fleurs, ce qui signifie plus de grains, de fruits et de légumes. On peut ainsi continuer à avancer suivant des logiques de productivité qui reposent sur des solutions basées sur la nature.

Par ailleurs, on se rend compte que plus on réduit l’utilisation des pesticides, voire quand on les supprime, plus on crée les conditions d’un retour des prédateurs des ravageurs. On parle beaucoup, s’agissant des noisettes, de la punaise diabolique. Or elle a un prédateur naturel qui s’appelle la guêpe samouraï : ne plus utiliser de pesticides permet ainsi de lutter efficacement contre la punaise diabolique.

L’expérimentation qui nous est proposée risque de n’être que transitoire : on se rend compte rapidement que c’est la bonne manière de trouver des réponses agronomiques, écologiques, mais aussi économiques.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Article 2 : Révision de la procédure de délivrance des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques par l’Anses, utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques, et autorisation à titre dérogatoire de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou assimilés

 

Amendements de suppression CD471 de la rapporteure pour avis, CD1 de Mme Delphine Batho, CD205 de M. Fabrice Barusseau, CD282 de Mme Mathilde Hignet et CD411 de M. Marcellin Nadeau

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sans revenir sur ce que j’ai déjà dit hier, je propose de supprimer cet article qui prévoit diverses mesures non acceptables, qu’il s’agisse de l’Anses, de la réautorisation, à titre dérogatoire, des néonicotinoïdes ou de l’épandage de pesticides par drone, cette disposition étant de toute façon caduque depuis la loi adoptée le 23 avril.

M. Nicolas Thierry (EcoS). Le groupe écologiste demande la suppression de cet article qui constitue un tournant inquiétant. Il marque une rupture avec le principe de l’indépendance de l’expertise scientifique, en cédant à une logique politique court-termiste et idéologique. C’est une régression assumée, qui s’inscrit dans une dérive illibérale également observée à l’échelle internationale : il s’agit de discréditer la science, d’affaiblir les autorités indépendantes et de soumettre la décision publique aux intérêts économiques.

Concrètement, l’article 2 propose de mettre la France dans la roue de pays qui affaiblissent la science. C’est devenu une stratégie politique : aux États-Unis, par exemple, l’administration Trump a écarté les experts de l’EPA (Agence de protection de l’environnement) ; au Brésil, sous Bolsonaro, des centaines de pesticides ont été autorisés malgré les alertes de l’agence sanitaire nationale ; en Hongrie, l’Académie des sciences a été placée sous la tutelle du pouvoir, pour museler les critiques. C’est exactement la même logique ici : en s’attaquant à l’Anses, qui est une agence publique indépendante, reconnue pour sa rigueur, cet article cherche à disqualifier toute parole scientifique qui pourrait déranger. Il ne s’agit pas d’éclairer la décision politique mais de soumettre l’expertise à une ligne idéologique, au détriment de l’intérêt général.

En proposant de réintroduire les néonicotinoïdes, cet article piétine la littérature scientifique, abondante et cohérente, qui établit sans ambiguïté, malgré ce qui a été dit à plusieurs reprises, la toxicité de ces substances pour les pollinisateurs. Il n’y a pas de débat en la matière : c’est un déni de la science.

Cet article est dangereux pour la santé publique, pour l’environnement et pour la démocratie, et il ouvre une brèche que d’autres demain, s’ils le peuvent, n’hésiteront pas à élargir.

M. Fabrice Barusseau (SOC). Je ne répéterai pas tout ce qui vient d’être dit. Notre amendement vise simplement à supprimer cet article aussi incohérent que dangereux pour la santé humaine et environnementale.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je ne reviens pas davantage sur tous les points développés par M. Thierry. Cet article conduirait à un recul grave s’agissant de l’indépendance de l’Anses et de l’indépendance scientifique en général.

Nous avons auditionné au sein de la commission des affaires économiques, à l’occasion des travaux sur ce texte, Phyteis, qui est une organisation professionnelle regroupant les entreprises du secteur de l’agrochimie : pour les acteurs de la filière, il serait absolument contre-productif de revenir sur l’indépendance de l’Anses. En créant un conseil d’orientation qui choisirait quels produits seraient à privilégier, vous introduiriez un avis politique dans le processus – les différents ministères seraient représentés – et vous iriez dans le sens d’un ralentissement de l’homologation, ce qui inquiète les professionnels de l’agrochimie. Tout cela va en réalité à l’encontre de ce que souhaitent celles et ceux qui défendent cet article.

Selon Phyteis, des améliorations pourraient être prévues du côté de l’Anses, mais elles consisteraient plutôt à mettre de l’huile dans les rouages, en faisant en sorte qu’on puisse déposer de nouvelles pièces dans des dossiers en cours d’homologation et qu’on accélère les processus. En tout cas, nous vous proposons de supprimer le présent article.

M. Marcellin Nadeau (GDR). Nous souhaitons également la suppression de cet article, qui remet en cause l’indépendance de l’Anses et de l’expertise scientifique, autorise l’usage des drones dans l’agriculture, en contradiction avec les recommandations de l’Anses, et crée une nouvelle dérogation pour l’acétamipride dans les filières où il n’existerait pas de solution alternative suffisante, en violation du principe de non-régression et des articles 2 à 5 de la Charte de l’environnement.

M. Timothée Houssin (RN). Le mieux est l’ennemi du bien. Cet article est un des fondements de la proposition de loi : si on le supprime, on fait disparaître les principales dispositions du texte, pour suivre de bonnes intentions qui conduiraient, en réalité, à nuire à notre économie et à l’environnement.

Je reviens sur un sujet qui est un peu instrumentalisé, celui des néonicotinoïdes et de l’acétamipride en particulier, pour la filière sucrière. Le texte, dans sa rédaction actuelle, propose un régime dérogatoire et temporaire pour l’utilisation exceptionnelle, quand c’est indispensable, des néonicotinoïdes afin qu’une filière puisse continuer à vivre. Si vous empêchez une telle dérogation, vous laisserez nos agriculteurs face à une concurrence déloyale venant non seulement de pays extra-européens, qui utilisent toutes sortes de produits nocifs, mais aussi de sucreries et de producteurs de betterave de pays européens qui ont le droit d’utiliser des néonicotinoïdes.

Nous sommes en train de financer la recherche pour trouver des solutions alternatives ; elle avance, mais on perd en France une sucrerie par an depuis le début de la Macronie, ce qui veut dire que lorsqu’on aura trouvé, dans quelques années, une solution pour éviter d’être obligé d’utiliser des néonicotinoïdes à des moments exceptionnels, on aura tué la filière et il n’existera plus de sucreries. La gauche, qui va faire fermer les sucreries de nos circonscriptions, avec ses amendements, aura demain des larmes de crocodiles pour les emplois détruits. La recherche en cours n’aura servi à rien et vous laisserez donc la place, comme c’est déjà le cas du reste, à du sucre qui vient d’ailleurs en Europe. Nos sucreries appartiennent à des groupes internationaux, qui généralement sont aussi implantés ailleurs en Europe et qui regardent aussi les différences entre les législations, celles qui nuisent à nos sucreries et qui risquent de fermer des sites de production.

Vous ferez également venir du sucre du bout du monde, qui sera produit non seulement avec des néonicotinoïdes mais aussi avec d’autres pesticides, et parfois à l’issue de déforestations. Nous serons donc perdants en matière d’économie, d’emploi, d’environnement et de santé publique. Vous allez peut-être faire fermer des sucreries, mais vous n’arrêterez pas de manger du sucre.

M. Pierrick Courbon (SOC). Je soutiens ces amendements de suppression.

Nous avons décidé d’interdire les néonicotinoïdes, parce que nous avions considéré que la littérature scientifique était suffisamment abondante et précise s’agissant de la toxicité de ces produits non seulement pour les abeilles et l’ensemble de la chaîne alimentaire, mais aussi pour la santé humaine. Il n’était pas question de considérations partisanes, de lubie temporaire. Des travaux ont mis en évidence, en effet, des cancers, une diminution de la fécondité et des contaminations in utero, en particulier en raison de l’acétamipride, qui, s’il fait partie des néonicotinoïdes les moins dangereux pour la biodiversité, est l’un des plus nocifs pour la santé humaine. Vous nous proposez de faire marche arrière en toute connaissance de cause : les faits scientifiques n’ont pas changé, ces dernières années, bien au contraire. Or il n’est pas possible de légiférer contre la science, ni d’accepter de faire prévaloir les intérêts économiques, fussent-ils légitimes, sur les faits scientifiques.

Vous présentez une très mauvaise réponse à un vrai problème. En prétendant défendre certaines filières agricoles, comme celles de la noisette et de la betterave, vous acceptez d’en tuer une autre. Selon quelle logique la défense d’un type d’agriculture ou d’une production agricole peut-elle se faire au détriment d’autres ? L’apiculture est aussi une production agricole qu’il faut respecter. Ce que vous avez dit à propos du sucre vaut tout autant pour le miel.

Je dénonce, enfin, l’hypocrisie de certains collègues qui nous expliquaient hier pour défendre l’économie générale du texte qu’il était indispensable pour nos agriculteurs et ne posait pas de vrai problème pour la filière apicole. Je le rappelle, ils ont voté la main sur le cœur, il y a quelques semaines, un texte visant à préserver cette filière et à lutter contre le frelon asiatique. Or avec cette proposition de loi ils vont simplement tuer l’apiculture. J’appelle à faire preuve d’un peu de cohérence.

M. Antoine Vermorel-Marques (DR). À titre personnel, je comprends que les agriculteurs demandent une évolution de la loi, en raison de l’impact qu’elle peut avoir sur les filières. Ces demandes doivent être respectées parce qu’elles font souvent suite à des crises économiques fortes et à des difficultés résultant d’une concurrence déloyale à laquelle nous n’arrivons pas à apporter des réponses, dans le cadre du marché intérieur et même plus largement. Les limites maximales de résidus sont, en effet, très peu contrôlées par les services des douanes, qui laissent entrer dans notre pays tout et n’importe quoi. Néanmoins, l’évolution législative qui nous est proposée se ferait au détriment d’une autre filière, celle de l’apiculture. Or on sait, scientifiquement, que l’acétamipride a des conséquences durables sur la production et la santé des abeilles, mais aussi d’autres animaux, en particulier les oiseaux et les insectes, et peut-être les mammifères, dont les humains. Pour toutes ces raisons, je voterai personnellement contre la réintroduction de l’acétamipride, donc pour ces amendements de suppression.

Mme Delphine Batho (EcoS). Il faut rappeler un peu l’histoire. L’interdiction des néonicotinoïdes, prévue par voie d’amendement en 2015, est devenue la loi de la République l’année suivante, avec une entrée en vigueur d’abord en 2018 puis de façon définitive en 2020. Cela fait donc dix ans. Quand vous avez voté, en 2020, la loi réautorisant les néonicotinoïdes interdits dans l’Union européenne, texte qui a été censuré par la Cour de justice de l’Union européenne, la filière de la betterave disait qu’elle avait besoin de trois ans et que ce serait ensuite terminé. Or nous sommes en 2025.

Par ailleurs, les dispositions interdisant les néonicotinoïdes ont été élargies en 2018 par la loi Egalim, défendue par un ministre qui s’appelait Stéphane Travert et un rapporteur nommé Jean-Baptiste Moreau. Je me souviens de l’intervention dans laquelle ce dernier a dit en séance publique à l’ensemble des collègues qu’il n’y avait pas d’agriculture sans pollinisateurs. Les pertes de productivité vont aujourd’hui de 5 à 80 % selon les cultures, par manque de pollinisateurs. On ne peut seulement mettre en avant l’intérêt de telle ou telle filière : toutes les autres sont concernées par l’effondrement des populations d’insectes.

Les trois néonicotinoïdes qui sont encore autorisés au niveau européen – l’Union européenne ayant suivi la France pour l’interdiction de ces produits, une des questions qui se posent est également celle du rôle de notre pays en Europe – sont sur la sellette. S’agissant de l’acétamipride, 1 576 études académiques, scientifiques, ont montré depuis 2020 les méfaits de cette substance pour la biodiversité et la santé humaine – c’est un poison considérable. Cela suffit.

Les dispositions concernant l’Anses constituent aussi une régression absolument spectaculaire : il faut supprimer l’article 2.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Il faut absolument repousser l’article 2, qui est l’un des fondements de la proposition de loi Duplomb. Il convient de rendre sa juste place à la science et à la santé de l’homme, de l’animal, du végétal ainsi que de tous les écosystèmes.

M. Hubert Ott (Dem). Des producteurs de noisettes m’ont dit qu’en Italie, malgré l’usage de l’acétamipride, qui y est toujours autorisé, la punaise diabolique continue à causer des dégâts considérables. On promet un miracle mais, en réalité, on va nous faire subir une double peine. L’impasse dans laquelle on se trouve ne tient pas tant aux restrictions à l’usage de produits chimiques qu’à l’insuffisante valorisation économique de la filière. La seule coopérative française existante dans le secteur de la noisette rémunère les producteurs à hauteur de 1,70 à 1,80 euro le kilo, alors que la rémunération de leurs homologues italiens et espagnols s’élève à près de 2,50 euros. Ceux qui ont quitté la coopérative ont certes obtenu des rendements plus faibles, mais mieux valorisés dès le départ. La question est de savoir si l’on respecte le travail des agriculteurs, si l’on accepte de le reconnaître et de le valoriser. Le véritable enjeu est la structuration économique et commerciale de la filière, et non l’autorisation du recours à des molécules chimiques pour le moins controversées.

M. Benoît Biteau (EcoS). Les études scientifiques ont mis en évidence un phénomène qui s’apparente à un cercle vicieux : plus on emploie de pesticides, plus on en a besoin. Un bon exemple en est donné par la filière de la betterave, qui est devenue dépendante aux néonicotinoïdes à partir du moment où il a été mis fin aux quotas betteraviers. La filière a mis l’accent sur la fertilisation azotée pour amplifier la production, ce qui a rendu les plantes turgescentes : autrement dit, elles sont devenues très vulnérables aux attaques de champignons et de parasites, comme les pucerons, dont certains sont des vecteurs de la jaunisse nanisante. La prolifération de pucerons a eu des effets dramatiques. Ceux qui n’emploient pas les néonicotinoïdes préservent des prédateurs comme les chrysopes, qui neutralisent les pucerons très efficacement, dans des délais assez courts. Loin de sauver les agriculteurs, cet article produirait des effets exactement inverses.

M. Timothée Houssin (RN). Les apiculteurs de ma circonscription, qui sont installés à côté d’une sucrerie et entourés de champs de betteraves, disent tous que, la betterave ne fleurissant pas, les traitements qui lui sont appliqués ne leur créent pas de problèmes particuliers. En outre, la durée d’effet de ces produits a été divisée par cinquante en quelques années – l’acétamipride n’est évidemment pas une solution de long terme. Dans sa rédaction issue du Sénat, le texte prévoit qu’un décret, pris à titre exceptionnel, peut autoriser l’utilisation de ces produits. Ces derniers ne seraient donc employés que de façon marginale, lors de crises de grande ampleur – la dernière remontant à 2020. On sait qu’à court terme, ces produits seront probablement interdits à l’échelle européenne, ce qui ne fera plus subir à notre filière sucrière la concurrence déloyale de nos voisins. Il faut laisser à nos agriculteurs, à titre exceptionnel, la possibilité de faire survivre la filière en attendant, d’une part que les progrès accomplis leur permettent de se passer de ces traitements et, d’autre part, que l’on applique les mêmes règles partout en Europe. À défaut, vous mangerez demain du sucre étranger fabriqué dans de mauvaises conditions.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Monsieur Houssin, vous défendez le maintien de l’acétamipride sur le fondement d’arguments ineptes, au mépris de la santé humaine et de la préservation de l’environnement, notamment des pollinisateurs. Vous prétendez que l’on risque de consommer demain du sucre venu de je ne sais où alors que la moitié de la production française est exportée. Si j’ai bien compris, vous nous proposez un alignement par le bas, sur le plus sale et le moins cher. Vous entendez aligner nos règles environnementales et peut-être, aussi, la rémunération de nos agriculteurs sur celles de la Roumanie, où les revenus agricoles sont de l’ordre de 300 euros par mois. Il faut cesser de tenir des discours centrés sur la concurrence. Des alternatives existent, qu’il s’agisse de la noisette, des betteraves ou des asperges.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Les néonicotinoïdes sont présents dans nombre de nos foyers puisque les produits utilisés pour traiter les chiens et les chats contiennent de la perméthrine et de la tétraméthrine. Nos canapés sont également contaminés. Les enfants sont exposés à ces substances. Pourtant, voilà des sujets dont on n’entend jamais parler.

M. Pascal Lecamp (Dem). Nous devons revenir à notre rôle de législateurs, qui nous impose de légiférer sur des bases scientifiques. Avec Hubert Ott, nous avons rencontré, au cours des quinze derniers jours, des représentants de l’Anses, de l’Inrae, des dix-neuf instituts techniques agricoles et de l’Institut de l’élevage, pour ne citer que nos principaux interlocuteurs. La conclusion de ce travail de fond est qu’il faut protéger l’Anses et lui laisser la main, comme la loi et la réglementation actuelles le lui permettent, pour décider des autorisations, des interdictions, voire des dérogations. Il est essentiel que nous votions contre cet article.

M. Marcellin Nadeau (GDR). Le Rassemblement national est prompt à nous dire que les outre-mer, c’est la France. Pourtant, le sucre, à ses yeux, ne serait pas français s’il venait de La Réunion : il y a là une contradiction que je voulais souligner.

M. Nicolas Thierry (EcoS). M. Houssin a déclaré que, comme la betterave ne fleurit pas, les traitements qui lui sont appliqués ne poseraient pas de problème aux abeilles. Cette affirmation est battue en brèche par l’ensemble des agences scientifiques. L’empoisonnement des pollinisateurs et des insectes ne se fait pas uniquement par les betteraves traitées car les autres plantes sont contaminées par les sols, qui sont pollués pour plusieurs années. C’est bien d’écouter les habitants de sa circonscription mais c’est encore mieux de lire les rapports scientifiques et de ne pas museler les agences sanitaires.

Madame Brulebois, je vous informe que Mme Batho a déposé un amendement sur les insecticides domestiques qui répond à votre préoccupation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis choquée par le fait que certains défendent la filière de la betterave ou de la noisette sans se préoccuper des autres productions alors que les néonicotinoïdes mettent en difficulté la filière apicole, ainsi que celles des fruits et légumes et des céréales, pour ce qui concerne le sarrasin. Pour obtenir un bon rendement en sarrasin, par exemple, il faut avoir deux ruches à l’hectare. Pour produire des courgettes, des fraises, des tomates commercialisables, il faut de la pollinisation. En 2018, année au cours de laquelle de nombreuses ruches ont disparu, j’ai subi une perte de rendement considérable sur mon exploitation. On ne peut pas se focaliser sur la filière de la betterave qui, d’ailleurs, nous mène par le bout du nez. Depuis 2016, en effet, les betteraviers savaient qu’on allait interdire les néonicotinoïdes ; ils n’ont rien fait pendant quatre ans puis, en 2019 et en 2020, ils nous ont demandé de leur accorder des dérogations – personnellement, je m’étais opposée à ces mesures. Ils nous ont dit qu’ils allaient trouver des solutions en trois ans. Le travail engagé arrive à son terme. L’État a été à leurs côtés pour les aider à trouver des alternatives, et cela a porté ses fruits. Je suis défavorable à la réintroduction, à titre dérogatoire, de l’acétamipride, et appelle donc à la suppression de l’article.

La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 2.

En conséquence, les autres amendements portant sur l’article tombent.

 

La réunion est suspendue de dix heures cinquante-cinq à onze heures dix.

 

 

Article 2 bis (nouveau) : Rejet de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide lorsqu’il est composé d’une substance active non approuvée pour la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique

 

Amendement CD33 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Des substances interdites dans les pesticides – je pense aux néonicotinoïdes mais aussi à un certain nombre de pyréthrinoïdes – continuent d’être autorisées pour d’autres usages, par exemple dans les insecticides domestiques. L’Anses nous a alertés à de nombreuses reprises sur cette voie de contamination et ses conséquences pour la santé humaine. En attendant que le processus législatif européen aboutisse – ce qui prendra du temps –, il nous faut adopter des règles pour nous prémunir contre ces dangers.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

 

Article 2 ter (nouveau) : Instauration d’une zone tampon autour des espaces scolaires et parascolaires et des établissements de santé

Amendement CD294 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Une étude parue fin 2024 dans le Journal européen d’épidémiologie a tenté d’établir une corrélation entre les zones d’utilisation des pesticides et les cas de cancer du pancréas. Pour ce faire, les auteurs ont croisé les données de l’assurance maladie et les chiffres des ventes de pesticides par commune, ce qui leur a permis de mettre en évidence un lien significatif entre la répartition des cancers et l’utilisation des pesticides. Au sein du Nouveau Front populaire, nous préconisons, à l’instar de nombreux collectifs et associations luttant contre ces cancers, la création d’une zone tampon s’étendant sur une surface de 200 mètres autour des lieux d’habitation et des zones clés comme les centres hospitaliers et les établissements de santé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à l’établissement de distances minimales, qui ne me paraît pas être la solution pour lutter contre les pesticides. Il me semble préférable d’agir en faveur de la transition agricole. Les pesticides étant très volatils, je doute de l’impact de la distance, qu’elle soit de 20 mètres, comme le prévoit l’arrêté de 2019, ou de 200 mètres. En outre, d’un point de vue technique, je ne vois pas comment les exploitants pourraient appliquer une telle mesure.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Mieux vaut s’efforcer d’améliorer l’usage qui est fait des pesticides et tendre vers leur abandon que de chercher des mesures palliatives qui ne résoudront pas le problème et derrière lesquelles l’agriculteur s’abritera.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 2 quater (nouveau) : Rétablissement des expérimentations d’épandage par drone pour les fortes pentes, les bananeraies et les vignes-mères de porte-greffes conduites au sol

Amendement CD493 de la rapporteure pour avis

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à poursuivre les expérimentations, autorisées par la loi Egalim, sur l’épandage de pesticides par drone sur les types de parcelles et les cultures pour lesquelles ce type d’épandage a été autorisé par la loi n° 2025-365 du 23 avril 2025 – à laquelle j’étais défavorable. En effet, l’Anses estime qu’il n’y a pas eu suffisamment d’expérimentations. La généralisation de l’épandage par drone me paraît prématurée.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je soutiens cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 2

Amendement CD449 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement vise à permettre la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride jusqu’en 2027, en attendant que le plan national de recherche et d’innovation (PNRI) porte ses fruits.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Article 2 quinquies (nouveau) : Possibilité pour les parcs et réserves d’interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans leur territoire

Amendement CD34 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit de permettre aux territoires classés, tels que les parcs nationaux et les réserves naturelles, d’interdire l’utilisation de pesticides dans leur périmètre.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette disposition imposerait des restrictions excessives aux agriculteurs qui se trouvent dans ces zones et serait source d’insécurité juridique pour les exploitants agricoles à cheval sur plusieurs territoires. En outre, cela pourrait conduire à des mosaïques réglementaires locales. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 2 sexies (nouveau) : Instauration d’un taux plancher pour la taxe sur les produits phytopharmaceutiques vendus sur le territoire français

Amendement CD265 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (EcoS). La très lucrative industrie phytopharmaceutique devrait assumer une partie des conséquences de la pollution aux pesticides. Le coût des traitements liés à la pollution de l’eau potable par les pesticides est estimé entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an – l’imprécision s’expliquant par le fait que le gouvernement n’a pas jugé utile d’actualiser le chiffre depuis une dizaine d’années. Alors que les fabricants engrangent des profits monumentaux sur le dos de nos ressources naturelles et de notre santé, leur contribution, au titre de la taxe sur les produits phytosanitaires, est dérisoire puisqu’elle ne représente que 0,9 % de leur chiffre d’affaires annuel. La loi permettrait de porter le taux à 3,5 % du chiffre d’affaires, mais le gouvernement s’y refuse – ce qui illustre les intérêts qu’il défend. Appliquant le principe du pollueur-payeur, cet amendement vise à inverser la logique actuelle en faisant du plafond un plancher d’imposition – le taux de 3,5 % demeurant toutefois très faible eu égard au coût de la dépollution. L’argent devrait évidemment servir à accompagner la transformation agroécologique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Notre commission avait voté cet amendement lors de l’examen de la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable. Par cohérence, je vous propose de l’adopter à nouveau.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Je suis très favorable à cet amendement. Lorsqu’on organise des réunions sur la qualité de l’eau, agriculteurs et collectivités répondent présent, mais ce n’est jamais le cas des prescripteurs. Ces derniers passent entre toutes les mailles. Ils doivent être reconnus comme pollueurs.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 2

Amendement CD454 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement, qui avait été adopté en commission spéciale, au Sénat, avant d’être supprimé en séance, vise à charger l’Anses de contribuer à encourager l’innovation – laquelle est essentielle pour trouver des alternatives aux pesticides, aux engrais chimiques et aux produits à risque – en favorisant la souveraineté technologique et agricole dans le but de répondre au défi du changement climatique. Il s’agit de ne pas cantonner cette agence à un rôle de gendarme sanitaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. À mon sens, le rôle que vous souhaitez conférer à l’Anses relève plutôt de l’Inrae. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 2 septies (nouveau) : Renforcement des missions de l’Anses pour organiser et superviser les essais évaluant l’impact des produits réglementés

Amendement CD295 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Afin d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché d’une formulation, des sociétés telles que Bayer commandent des études à des laboratoires, opèrent un tri pour ne conserver que les résultats les plus favorables et présentent ces derniers dans un dossier qu’elles soumettent à l’Anses. Or cette agence n’a pas les moyens de réaliser les contre-expertises scientifiques nécessaires, notamment pour vérifier la toxicité de long terme. En outre, des conflits d’intérêts ont été mis au jour dans des affaires traitées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Aussi proposons-nous que les entreprises pétitionnaires fournissent les produits à l’Anses, qui aurait la responsabilité d’organiser et de superviser la réalisation des diverses études, notamment de toxicité – à court et à long terme – par des laboratoires indépendants qu’elle choisirait, aux frais des demandeurs. L’agence analyserait ensuite ces études avant de décider de délivrer ou non l’autorisation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. En effet, la procédure d’évaluation des produits phytosanitaires est définie par des règlements européens. L’Anses n’a pas à superviser les essais mais à tenir compte des « éléments d’incertitude obtenus pendant l’évaluation ». Sur son site internet, l’Anses précise qu’elle commence par vérifier la validité scientifique des données fournies par les industriels et leur conformité aux exigences réglementaires. Votre proposition contribuerait en outre à accroître la charge de travail de l’agence.

M. Benoît Biteau (EcoS). La procédure d’autorisation de mise sur le marché des pesticides s’articule en deux étapes : une évaluation à l’échelon européen et la confirmation de l’AMM par chaque agence nationale. Cela étant, le directeur général de l’Efsa, que j’ai auditionné à deux reprises lorsque j’étais député européen, a rapporté l’existence de biais dans les dossiers des pétitionnaires, ce qui rejoint le constat dressé par Loïc Prud’homme. On ne peut pas donc pas considérer que le travail réalisé au niveau européen constitue une garantie. Il me semblerait très pertinent qu’au moins à l’échelon national, une évaluation indépendante des molécules soit réalisée.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Madame la rapporteure, vous affirmez que les dossiers seraient vérifiés par l’Efsa mais on ne compte plus les articles qui montrent qu’un grand nombre d’études académiques sont écartées sur le fondement de critères parfaitement opaques. Les dossiers d’homologation des matières actives, à l’échelon européen comme au niveau national, comportent dès lors un nombre réduit d’études, triées sur le volet par les pétitionnaires. L’Efsa comme l’Anses opèrent des vérifications à partir d’un dossier largement biaisé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avez-vous demandé à l’Anses ce qu’elle pensait de votre proposition ?

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je discute depuis de nombreuses années avec l’Anses. Tout ce qui peut contribuer à renforcer la confiance des citoyens, des filières et des personnes ayant affaire à l’Anses étant bon à prendre, je ne doute pas que l’agence serait favorable à cette façon de procéder. Je vais prendre son attache au sujet d’une proposition de loi que je vais déposer à ce sujet, ce qui permettra de mettre en lumière le fait que l’agence est désireuse de sortir de la situation actuelle. Elle est en effet tenue de se prononcer sur des dossiers de pétitionnaires au sujet desquels elle n’a pas les moyens de réaliser des contreexpertises. Elle est obligée de rendre des avis qui sont souvent sujets à caution.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 2

Amendement CD450 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Il vise à introduire un mécanisme permettant au ministre de l’agriculture ou à celui de l’économie de solliciter le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché afin de réévaluer une autorisation lorsqu’un risque avéré de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l’Union européenne est identifié, ou lorsque des risques de pénalités pour le marché français sont avérés.

Nous ne pouvons laisser nos agriculteurs exposés à une concurrence déloyale, non seulement avec le reste du monde, comme nous l’avons montré hier en votant des amendements visant à empêcher l’importation d’aliments cultivés avec des produits interdits dans l’Union européenne, mais aussi avec les autres pays européens.

Nous sommes bien seuls à défendre cette position, contrairement aux discours de la Macronie et des Républicains. Ce texte, initialement défendu par le groupe Les Républicains du Sénat, avait fait l’objet d’un consensus avec le gouvernement. Il a été pourtant entièrement démantelé dans notre commission avec les voix des députés macronistes. Quant aux députés du groupe Droite républicaine (DR), ils n’ont jamais été plus de deux à participer à nos débats ! Lorsque les amendements de suppression de l’article 2 ont été adoptés, non seulement les députés du groupe RN étaient les seuls à s’y opposer, mais l’un des deux députés du groupe DR a voté pour ! Les agriculteurs et les membres des syndicats agricoles qui nous regardent pourront constater qu’il ne reste plus rien du texte du sénateur Duplomb.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement vise à rétablir les dispositions prévues à l’article 2, dans leur lettre comme dans leur esprit.

Par ailleurs, permettez-moi de rappeler que nous avons adopté hier un amendement relatif à la lutte contre la concurrence déloyale, ajoutant au texte un titre avant le titre 1er.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 2 octies (nouveau) : Instauration d’une liste nationale de contrôle des métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine

Amendement CD264 de M. Jean-Claude Raux et sous-amendement CD46 de la rapporteure pour avis

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Toutes celles et ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la qualité de l’eau potable s’accordent sur une évidence : on ne trouve que ce qu’on cherche. Pour protéger notre santé contre les risques avérés induits par les pesticides, encore faut-il en avoir connaissance. Bien que l’ampleur de la contamination de l’eau que nous buvons soit loin d’être connue, nous savons néanmoins qu’en 2023, 17 millions de personnes en France ont bu une eau contaminée aux pesticides.

Selon une étude intitulée « Métabolites de pesticides, Générations futures dévoile la partie immergée de l’iceberg », 71 % des métabolites présentant un risque de contamination des eaux souterraines ne font l’objet d’aucune surveillance. Si 200 molécules environ sont étudiées en France, de grandes disparités existent entre les départements. Pour y remédier, cet amendement vise à créer une liste nationale de contrôle de la présence de métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine, établie après avis conforme de l’Anses. Cette mesure permettra de renforcer les contrôles et d’agir en connaissance de cause pour garantir une eau courante de qualité dans l’ensemble du territoire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Mon sous-amendement vise à mettre l’amendement en cohérence avec l’article 2 de la proposition de loi de M. Jean-Claude Raux, adoptée par notre commission en février 2025.

Avis favorable sur l’amendement CD264 sous réserve de l’adoption du sousamendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

 

Article 2 nonies (nouveau) : Instauration d’une signalétique pour toute denrée alimentaire ayant été cultivée avec un traitement phytopharmaceutique

Amendement CD446 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Il est urgent de soustraire les agriculteurs et les consommateurs aux effets des pesticides. Si le groupe Écologiste et social encourage une sortie totale des pesticides, il propose avec cet amendement une mesure plus modérée : rendre obligatoire un simple marquage sur l’emballage des denrées alimentaires contenant des produits agricoles cultivés à l’aide de pesticides. C’est une question de transparence à l’égard des consommateurs, afin d’éclairer leur choix.

Au vu des effets des pesticides sur la santé humaine et l’environnement, il n’est plus acceptable que des produits agricoles non biologiques apparaissent comme neutres aux yeux des consommateurs ; ils ne sont neutres ni pour l’environnement ni pour leur santé et celle des agriculteurs. De plus, un tel étiquetage renforcerait l’attractivité des produits biologiques et l’activité de leurs producteurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition présente un intérêt certain pour améliorer la prise de conscience des consommateurs. Toutefois, tous les produits phytosanitaires n’ont pas les mêmes effets sur la santé humaine ; sans précision sur la nature du pesticide et la quantité utilisée, il me semble difficile de connaître l’impact réel du produit. Par ailleurs, ces produits sont autorisés par l’Anses. Enfin, cette mesure pourrait constituer une entrave à la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne et serait contraire aux règlements européens sur l’information des consommateurs.

Ajouter un étiquetage supplémentaire risquerait aussi de brouiller les informations ; les consommateurs disposent déjà de l’information nécessaire et savent que les produits labellisés AB sont issus de cultures n’utilisant pas de pesticide.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 2 decies (nouveau) : Demande de rapport sur l’émission de Pfas liée à l’utilisation de pesticides

Amendement CD114 de M. Nicolas Thierry

M. Nicolas Thierry (EcoS). Cet amendement vise à demander au gouvernement de nous remettre un rapport sur les pesticides contenant des substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) ou qui en libèrent par le biais de leurs métabolites.

Dans cette commission, nous avons souvent parlé des polluants éternels ; nous connaissons la gravité de la situation sanitaire. Leur présence dans quelques dizaines de pesticides différents est désormais identifiée comme une source significative de pollution par les PFAS, notamment l’acide trifluoroacétique (TFA), un polluant éternel à chaîne courte – le plus petit des PFAS. Les autorités allemandes ont proposé à l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC) de classer le TFA comme toxique pour la reproduction ; sa présence inquiétante dans nos fleuves s’explique par la présence de PFAS dans certains pesticides.

J’ai conscience que les demandes de rapport sont bien souvent accueillies avec réserve, mais il me semble vital que le gouvernement considère l’urgence de la situation et éclaire au plus vite le Parlement grâce à un rapport analysant objectivement la situation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne suis pas particulièrement adepte des demandes de rapport, mais celui-ci me semble très pertinent. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 2

Amendement CD334 de M. David Magnier

M. David Magnier (RN). Cet amendement vise à corriger une injustice qui frappe nos agriculteurs. Les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous : nos exploitants respectent des normes strictes interdisant certaines substances phytopharmaceutiques, que leurs concurrents en Europe et ailleurs ont le droit d’utiliser, souvent sans aucune justification agronomique, environnementale ou sanitaire.

Nos agriculteurs, déjà sous pression, se battent à armes inégales face à des importations bénéficiant de conditions et de normes beaucoup plus souples, ce qui crée une distorsion de concurrence insupportable. Leur compétitivité en souffre, leur viabilité économique est menacée et c’est toute la filière agricole française qui vacille.

Avec cet amendement, nous demandons la remise d’un rapport clair et précis dressant un état des lieux des différents régimes d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques dans les pays partenaires de la France, afin d’identifier les substances actives interdites en France mais autorisées dans ces pays. Ce rapport nous permettra de mesurer l’impact de cette situation sur la compétitivité des exploitations agricoles françaises.

Parce qu’il est primordial de proposer des solutions concrètes aux agriculteurs pour ne pas affecter leur compétitivité, ce rapport formulera des propositions à court terme, dont l’utilité et la faisabilité seront étudiées – la reconnaissance mutuelle des autorisations ou l’accélération des équivalences, par exemple. Il proposera également des solutions à plus long terme.

Adoptons cet amendement et donnons à nos agriculteurs les moyens de se battre à armes égales ; c’est une question de justice et de souveraineté alimentaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le gouvernement a engagé deux actions pour évaluer les molécules interdites en France mais autorisées dans d’autres pays – membres de l’Union européenne ou non : le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) et le comité des solutions créé par Agnès Pannier-Runacher.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 2 undecies (nouveau) : Demande de rapport sur les actions menées au niveau européen par le gouvernement en vue d’une interdiction des néonicotinoïdes

Amendement CD403 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). L’attractivité et l’équilibre économique des filières agricoles, tout comme les questions environnementales, se jouent essentiellement à l’échelle européenne.

Nous venons de supprimer l’article 2, confortant l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes. Afin d’assurer à nos agriculteurs une pleine compétitivité tout en permettant à la recherche d’avancer, nous devons faire preuve de cohérence et promouvoir les mêmes décisions au sein de l’Union européenne. Par cet amendement, nous demandons au gouvernement de remettre au Parlement un rapport présentant les actions menées au niveau européen pour négocier une interdiction des néonicotinoïdes.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable. Il me semble tout à fait pertinent de connaître les actions menées par le gouvernement au niveau européen pour interdire les néonicotinoïdes, en particulier l’acétamipride qui sera réévalué en 2033.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je comprends l’intention de cette demande de rapport, mais celui-ci ne me semble pas indispensable puisque nous disposons déjà de ces informations. Elles éclaireront d’ailleurs les débats lors de l’examen de ce texte en commission des affaires économiques et en séance publique.

La France a fait le nécessaire pour interdire l’acétamipride et le flupyradifurone à l’échelle européenne, mais l’Autorité européenne de sécurité des aliments a décidé d’écarter une partie de la littérature scientifique fournie par la France. Le gouvernement devra d’ailleurs nous expliquer pourquoi après avoir apporté à l’Union européenne les preuves scientifiques de la toxicité de l’acétamipride, il propose d’en autoriser l’usage en France.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Compte tenu de ces informations, demande de retrait.

Mme Constance de Pélichy (LIOT). J’entends les arguments apportés par Mme Batho, mais je maintiens l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

titre ii – Simplifier l’activitÉ des Éleveurs

 

Article 3 : Allègement de la procédure d’enquête publique des projets soumis à autorisation environnementale ; relèvement des seuils au-delà desquels des projets d’élevage sont soumis à autorisation

 

Amendements identiques de suppression CD9 de M. Lisa Belluco, CD197 de Mme Chantal Jourdan, CD296 de Mme Mathilde Hignet et CD416 de M. Marcellin Nadeau

M. Benoît Biteau (EcoS). L’article 3 vise à supprimer les différents contrôles encadrant le développement de l’élevage industriel et des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

On ne peut vanter, la main sur le cœur, la qualité de son élevage reposant sur des systèmes herbagés et connectés avec la nature, tout en facilitant le développement d’élevages industriels, qui piétinent les concepts de bien-être animal et de qualité. Dans le cadre des accords de libre-échange, on refuse d’importer des animaux élevés en feed-lots – des parcs d’engraissement , mais on voudrait ouvrir les vannes du développement de l’élevage industriel. La réglementation sur les ICPE joue le rôle de garde-fous contre l’industrialisation de l’élevage. Les élevages sous ICPE représentent 3 % du secteur en France. Nous devons maintenir ce pourcentage, afin d’éviter que les élevages industriels ne se multiplient au cours des prochaines années.

La souveraineté alimentaire est souvent mise en exergue pour justifier le développement de ces élevages, mais de quelle souveraineté est-il question ? Ces élevages produiront des œufs et de la viande de piètre qualité, qui auront nécessité l’importation de grandes quantités de soja depuis l’autre bout de la planète et participé à la déforestation de la forêt amazonienne, alors même que nous dénonçons les accords de libre-échange avec le Mercosur, Je ne comprends pas cette vision étriquée de la souveraineté, qui rejette une approche globale et systémique.

Dans les zones où sont regroupés les élevages ICPE se concentrent également les atteintes à l’environnement : les algues vertes en Bretagne, la pollution des cours d’eau évoquée par Jean-Claude Raux, etc. Les coûts externalisés de l’intensification de l’élevage, considérables, sont couverts par des fonds publics.

On ne peut continuer à convoquer l’excellence gastronomique de nos produits – la gastronomie française a été inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité – et vanter les mérites de l’élevage industriel, qui échapperait aux contraintes de la réglementation des ICPE. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’article 3.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous souhaitons supprimer cet article, qui remet en cause le principe de concertation au cours de la phase d’instruction d’une demande d’autorisation environnementale et qui souhaite assouplir les règles concernant l’élevage.

Nous avons besoin de clarté et de transparence : chaque nouveau projet doit faire l’objet de réunions publiques, au cours desquelles les parties prenantes peuvent s’exprimer et partager des informations. La suppression des démarches de concertation, en rompant le dialogue dont nous avons particulièrement besoin actuellement, serait préjudiciable à la démocratie.

L’avenir appartient non pas à une agriculture industrielle et à la concentration des élevages, mais à des modèles de polyculture et d’élevage extensif.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Rien ne va dans l’article 3, qui vise la réduction de la participation du public et faciliterait, grâce à la modification des seuils relatifs aux ICPE, la création, l’extension et le regroupement des élevages. L’adopter contribuerait à décupler les tensions entre les citoyens et le monde agricole.

Cet article s’oppose à la défense d’une agriculture familiale à taille humaine que nous prônons. Son objectif est clairement énoncé dans le rapport sénatorial : « L’assouplissement et l’encadrement des procédures environnementales sont une revendication centrale pour certaines filières d'élevage. »

M. Marcellin Nadeau (GDR). Nous souhaitons également la suppression de cet article qui vise à assouplir le régime applicable aux ICPE. Il risque de porter à nouveau atteinte au principe de non-régression du droit de l’environnement en excluant les activités d’élevage du cadre applicable aux autorisations environnementales et en permettant d’alléger l’enquête publique. En supprimant les deux réunions publiques obligatoires, il revient sur l’un des éléments clés de la loi relative à l’industrie verte en matière de démocratie environnementale.

Ce n’est pas en édulcorant la consultation du public que l’on améliorera l’acceptabilité des projets ou que l’on trouvera un remède à la décapitalisation des cheptels. Les causes de ces problèmes sont à trouver ailleurs, notamment dans la rémunération du travail paysan.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’article n’aura pas pour conséquence la suppression des ICPE ; il prône un allègement des contraintes, en faisant passer 1 300 élevages de la catégorie nécessitant une autorisation à celle nécessitant un simple enregistrement.

Parler d’élevages industriels, au regard de ce qui est pratiqué dans d’autres pays, me met mal à l’aise, bien que je ne sois pas particulièrement favorable à ce modèle agricole.

S’agissant de l’organisation des réunions publiques d’ouverture et de clôture de la consultation, je suis favorable à l’amendement CD406 du groupe LIOT, qui vise à limiter cette mesure aux ICPE d’élevage.

Avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. Hubert Ott (Dem). La rédaction de l’article 3 qui nous est proposée, après que l’esprit initial en a été modifié par les sénateurs en séance publique, revêt un caractère malsain.

Ce qui ne concernait à l’origine que les ICPE d’élevage s’appliquerait à l’ensemble des projets soumis à autorisation environnementale, c’est-à-dire une grande variété d’installations : des entrepôts logistiques, des parcs éoliens, des sites de stockage de liquides inflammables, des fonderies, des usines, des ateliers d’incinérateur, des méthaniseurs, des carrières, des centres de traitement de déchets, etc. Ce glissement est inacceptable.

Je ne participerai pas au vote, parce qu’on ne sait tout simplement pas de quoi il est question ; c’est tout à la fois désinvolte et dangereux.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet article montre toute l’hypocrisie de ce texte, dont les promoteurs prétendent qu’il défendrait une agriculture familiale, alors qu’il favorise en réalité le modèle agro-industriel. L’élevage français, en particulier, est considéré comme n’étant plus compétitif ni rentable. Au lieu de le protéger, cet article vise à promouvoir le modèle international, qui est moins-disant.

Une véritable réflexion permettrait de dégager des solutions pour protéger les élevages de porcs et de volaille et assurer notre souveraineté en la matière. À l’inverse, les normes de l’agro-industrie leur sont appliquées, entraînant la fermeture des élevages de plein air. La semaine dernière, un éleveur porcin m’a ainsi raconté avoir dépensé 150 000 euros pour adapter son exploitation depuis l’entrée en vigueur des normes de biosécurité en 2019, alors que ces travaux n’ont aucun sens pour un élevage en plein air.

De plus, supprimer les zones humides, revient à faire disparaître les prairies humides adaptées à un modèle d’élevage bovin ; neuf éleveurs sur dix, dans notre pays, ont des troupeaux de moins de cent vaches, alors qu’une autorisation pour les ICPE n’est nécessaire qu’à compter de 800 bovins !

Les modèles que ce texte de loi vise à développer sont défendus par l’agro-industrie et ses filières, qui accaparent des centaines d’hectares pour implanter des exploitations qui n’ont plus rien de paysannes !

M. Benoît Biteau (EcoS). J’entends vos arguments, madame la rapporteure, et je connais un peu vos convictions. Permettez-moi d’appeler votre attention sur un paradoxe : tout en vantant les mérites d’un mode d’élevage paysan, tourné vers les espaces naturels auxquels il rend d’ailleurs des services, on prétend être contrarié par l’application de contrôles plus étroits à des exploitations qui s’éloignent de ce mode.

Vous avez vous-même rappelé que seules 1 300 exploitations sont concernées. Il ne s’agit pas de les interdire, mais simplement de mieux les contrôler, parce qu’on a constaté qu’elles produisent des externalités négatives. Assouplir la réglementation risque de menacer sérieusement l’élevage que nous voulons continuer à promouvoir sur notre territoire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Monsieur Ott, vos remarques sont tout à fait pertinentes. Comme je l’ai indiqué, je suis favorable à l’amendement CD406 de Mme Constance de Pélichy visant à restreindre la portée de l’article 3 aux seuls ICPE relatifs à l’élevage.

Monsieur Biteau, les élevages doivent effectivement faire l’objet de contrôles ; la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) continuera de s’en charger. L’article 3 porte uniquement sur des installations et des agrandissements d’ICPE.

La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 3.

En conséquence, les autres amendements portant sur l’article tombent.

 

titre iv – Mieux accompagner les contrÔles et dispositions diverses relatives aux suites liÉes aux inspections et contrÔles en matiÈre agricole

 

Article 7 : Macro-organismes utilisés dans le cadre de la lutte autocide

 

Amendement de suppression CD8 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Le texte renoue avec des logiques de fuite en avant, permettant l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans le cadre de la lutte autocide. Plutôt que de se tourner vers les solutions basées sur la nature, on préfère encore une fois recourir au technosolutionnisme et jouer aux apprentis sorciers. Si les résultats de ces techniques peuvent être évalués rapidement, les dégâts collatéraux qu’elles causent sont souvent graves et méconnus. Nous souhaitons orienter le développement agricole vers des logiques plus agronomiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis étonnée de votre amendement. La lutte autocide, validée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, fait partie intégrante des stratégies de biocontrôle et contribue à la réduction de l’utilisation des pesticides.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cette solution, qui constitue une alternative positive à certains pesticides et insecticides, peut déjà être utilisée : l’Anses a validé une demande de la filière de la noisette relative à la technique de l’insecte stérile. À quoi sert l’article 7 s’il n’élargit pas le champ des autorisations ? Nous avons un doute sur son bien-fondé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Jusqu’à présent, la loi autorisait la lutte biologique mais pas spécifiquement la technique de l’insecte stérile. L’article 7 apporte cette précision.

M. Benoît Biteau (EcoS). L’article 7 ne concerne pas uniquement la technique de l’insecte stérile, que nous ne remettons pas en question. Il va beaucoup plus loin et acte même une dérive, ouvrant la voie à des solutions basées sur les OGM dont la réglementation communautaire nous préservait depuis 2001.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ne souhaitant pas la suppression de l’article, je vous propose de retirer votre amendement  à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Je serai en revanche favorable à vos amendements suivants.

La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 7.

En conséquence, les amendements CD129, CD161, CD165 et CD220 de M. Benoît Biteau tombent.

 

 

Article 8 : Recours à une ordonnance pour améliorer l’action de l’État à l’encontre des propriétaires ne prenant pas les mesures de lutte contre les organismes nuisibles de quarantaine

 

Amendements de suppression CD6 de Mme Delphine Batho et CD324 de Mme Mathilde Hignet

Mme Delphine Batho (EcoS). Il n’est pas possible de réformer par voie d’ordonnance des dispositions aussi importantes que celles listées à l’article 8 – d’autant plus que, sur les thématiques de la présente proposition de loi, le gouvernement a réalisé un très mauvais travail légistique. Soit il sait ce qu’il veut faire, auquel cas il soumet au Parlement les dispositions qu’il propose ; soit il ne le sait pas et, dans ce cas, nous refusons de nous dessaisir de nos propres compétences.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’article 8 autoriserait le gouvernement à légiférer par ordonnance sur un sujet très important, celui des pesticides, qui ne fait l’unanimité ni au Parlement ni au sein de la population.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’entends vos arguments. Avis de sagesse.

La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 8.

 

 

Article 8 bis (nouveau) : Création d’un régime spécifique de référé à l’encontre d’une décision d’autorisation environnementale

 

Amendement CD341 de Mme Lisa Belluco

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Cet amendement modifierait le régime du référé suspension en créant un régime spécifique s’agissant des requêtes en annulation d’autorisation environnementale. Je comprends le souci des auteurs mais je vois mal notre commission modifier la procédure devant les tribunaux administratifs à l’occasion du présent texte.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 8 ter (nouveau) : Délai dans lequel le juge administratif statue sur les recours à l’encontre d’une autorisation environnementale

Amendement CD343 de Mme Lisa Belluco

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

La commission adopte l’amendement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Notre commission a réalisé un travail de fond très intéressant. Même si je conçois que vous ne soyez pas en accord avec l’ensemble des dispositions, j’aimerais que nous donnions un avis favorable à leur adoption, afin que notre travail puisse être transmis à la commission des affaires économiques.

Mme Delphine Batho (EcoS). Partageant cette préoccupation, le groupe Écologiste et social émettra un avis favorable. Celui-ci est en effet nécessaire pour que les articles sur lesquels nous avons été saisis au fond servent de base à la discussion en séance, et pour que ceux sur lesquels nous avons été saisis pour avis soient transmis à la commission des affaires économiques.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Même si nous n’avons pas réussi à transformer le plomb en or, nous sommes parvenus à limiter les dégâts ! Notre groupe donnera donc un avis favorable à l’adoption du texte.

M. Vincent Descoeur (DR). Le texte soumis à notre vote est très éloigné de la proposition de loi initiale. À titre personnel, je regrette la disparition de certains articles, en particulier de l’article 5 relatif à l’approvisionnement en eau et à son stockage. Le sujet devra être de nouveau débattu : compte tenu de la perspective du changement climatique, de la raréfaction de la ressource et de l’irrégularité des précipitations, il me semble coupable de ne pas poser ouvertement la question du stockage de l’eau.

Je regrette aussi que nous ayons émis, il y a quelques instants, un avis défavorable à l’adoption d’un article qui ne visait qu’à simplifier les procédures.

Il faut néanmoins laisser prospérer le texte, dans l’espoir que les articles attendus puissent y être réintégrés. La rédaction sur laquelle nous allons nous prononcer ne correspond absolument pas à ce qu’attendent les agriculteurs qui se sont manifestés il y a quelques mois. En ce qui me concerne, je m’abstiendrai.

M. Marcellin Nadeau (GDR). Notre groupe se félicite du travail effectué en commission et émettra un avis favorable à l’adoption du texte. Je suis soulagé que nous ayons supprimé les dispositions relatives à l’épandage par drone. Le fait que les Antilles soient empoisonnées pour des siècles devrait aider certains à prendre conscience de ce qu’est une agriculture productiviste et tournée essentiellement vers l’exportation.

M. Hubert Ott (Dem). Quelle que soit notre appartenance politique, nous souhaitons tous de bonne foi aider l’agriculture française dans toutes ses composantes. Nos agriculteurs ont besoin que nous soyons à leurs côtés pour revaloriser leur travail, respecter leur dignité et assurer la compétitivité de leur travail, au sens non seulement pécuniaire du terme mais aussi qualitatif. Dans ce domaine, la France a tout pour réussir.

Si le texte en est là où il est, c’est qu’il ne cherchait pas à opérer une synthèse. Le fait que la diversité des opinions de la population soit ici représentée est une chance pour notre pays, mais nous ne savons pas en tirer profit. C’est bien dommage.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Notre groupe émettra un avis favorable à l’adoption du texte tel que modifié. Nous approuvons la suppression de dispositions qui nous paraissaient dangereuses pour le modèle agricole mais aussi pour la santé végétale, animale et humaine.

Nous avons eu des débats très riches, au cours desquels se sont affrontées des visions différentes mais des solutions alternatives sont aussi apparues. Celles-ci doivent être mises en avant et ne demandent qu’à être accompagnées.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 7 mai 2025 à 9 h 35

 

Présents. - M. Fabrice Barusseau, M. Belkhir Belhaddad, M. Sylvain Berrios, M. Benoît Biteau, M. Emmanuel Blairy, M. Nicolas Bonnet, Mme Manon Bouquin, M. Jean-Michel Brard, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, M. Lionel Causse, M. Bérenger Cernon, M. Marc Chavent, M. Pierrick Courbon, M. Vincent Descoeur, M. Peio Dufau, M. Aurélien Dutremble, M. Romain Eskenazi, M. Auguste Evrard, M. Denis Fégné, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Olga Givernet, M. Julien Guibert, Mme Mathilde Hignet, M. Timothée Houssin, M. Sébastien Humbert, Mme Chantal Jourdan, M. Maxime Laisney, Mme Sandrine Le Feur, Mme Élise Leboucher, M. Pascal Lecamp, Mme Julie Lechanteux, M. Gérard Leseul, M. David Magnier, M. Matthieu Marchio, M. Pascal Markowsky, Mme Manon Meunier, M. Éric Michoux, M. Marcellin Nadeau, M. Hubert Ott, Mme Julie Ozenne, M. Jimmy Pahun, Mme Constance de Pélichy, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Xavier Roseren, M. Fabrice Roussel, Mme Anaïs Sabatini, M. Raphaël Schellenberger, M. Freddy Sertin, Mme Anne StambachTerrenoir, M. Jean-Pierre Taite, M. David Taupiac, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland

 

Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Jean-Victor Castor, M. François-Xavier Ceccoli, Mme Sandrine Josso, M. Stéphane Lenormand, M. Pierre Meurin, Mme Christelle Petex, M. Olivier Serva

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Batho, M. Jordan Guitton, M. François Jolivet, M. Dominique Potier, M. Jean-Claude Raux