Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Audition de Mme Catherine Paugam‑Burtz dont la nomination aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est envisagée, puis vote sur cette proposition de nomination dans les conditions prévues par l’article 29‑1 du Règlement 2
– Examen du rapport d’information sur la semaine de quatre jours (MM. Stéphane Viry et François Gernigon, rapporteurs) 19
– Informations relatives à la commission......................30
– Présences en réunion.................................32
Mercredi
16 octobre 2024
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 4
session ordinaire de 2024‑2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à neuf heures trente.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission procède à l’audition de Mme Catherine Paugam‑Burtz dont la nomination aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est envisagée, puis vote sur cette proposition de nomination dans les conditions prévues à l’article 29‑1 du Règlement.
M. le président Frédéric Valletoux. Mes chers collègues, conformément aux dispositions de l’article L. 5322‑1 du code de la santé publique, il est envisagé de nommer Mme Catherine Paugam-Burtz à la direction générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il résulte des lois organiques et ordinaires du 23 juillet 2010 que cette nomination fait l’objet d’un avis public des commissions des affaires sociales des deux assemblées dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Cette proposition de nomination appelle la désignation d’un rapporteur appartenant à un groupe minoritaire ou d’opposition. En début de législature, la commission a décidé que les référents seraient appelés à exercer, le moment venu, ces fonctions de rapporteur. Elles reviennent donc aujourd’hui à notre collègue Thierry Frappé, désigné ce matin même référent de la commission auprès de l’ANSM.
À l’issue de cette audition, nous passerons au vote à bulletin secret sur cette proposition de nomination, hors la présence de Mme Paugam-Burtz.
Mme Catherine Paugam-Burtz, dont la nomination aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est envisagée. C’est un honneur de me présenter devant vous dans la perspective de ma nomination en qualité de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Je suis médecin hospitalo-universitaire, professeur d’anesthésie-réanimation depuis 2010. J’ai exercé comme chef de service, puis chef de pôle, au sein de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP‑HP), dans les hôpitaux du nord de Paris. Durant ce parcours, j’ai acquis une connaissance approfondie de la recherche clinique, avec plus de 200 publications à mon actif, ainsi qu’une connaissance des méthodes d’élaboration des référentiels scientifiques de bonnes pratiques.
Lors de la première vague de covid‑19 au printemps 2020, mes fonctions de chef de service et de présidente de la collégiale des anesthésistes réanimateurs d’Île-de-France m’ont amenée à me confronter de façon concrète au sujet des pénuries de médicaments. J’ai été appelée, en juin 2020, au poste de directrice générale adjointe de l’AP‑HP.
Depuis ces années, j’ai développé une vision transversale des enjeux de la gestion d’un établissement public de santé. Je ne peux tous les détailler. Je souhaiterais en évoquer deux, qui résonnent particulièrement avec ma candidature aujourd’hui. Le premier aspect concerne l’occasion qui m’a été donnée de superviser les activités de l’Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) de l’AP‑HP. À cette occasion, j’ai appréhendé les enjeux de disponibilité et d’approvisionnement des médicaments ; j’ai aussi développé mes connaissances de leurs problématiques de fabrication et d’exploitation.
Le second point que je souhaite mettre en avant a trait à la supervision de la direction des services numériques de l’AP‑HP. J’y ai acquis des compétences en matière de stratégie de développement des données de santé au service du pilotage d’un établissement. J’ai pu aussi me familiariser, interagir avec l’écosystème national en matière de données de santé. Il me semble que ceci revêt un intérêt particulier à l’heure où leur utilisation en vie réelle représente un enjeu majeur pour les missions de l’ANSM, en matière de pilotage et de sécurité des produits de santé tout au long de leur vie.
En synthèse, mon parcours professionnel est inédit. Mais il est cohérent, toujours éclairé par mon regard de clinicienne et de chercheuse. Il est guidé par mon attachement aux valeurs du soin et au service public et, plus largement, à la santé pour tous. Ma candidature à la direction générale de l’ANSM s’inscrit dans cet intérêt pour les missions de service public que l’Agence exerce en matière de sécurité sanitaire.
L’ANSM est un établissement public sous la tutelle du ministère chargé de la santé. Elle assure, au nom de l’État, la sécurité des produits de santé et favorise l’accès aux innovations thérapeutiques. Elle agit au service des patients, aux côtés des professionnels de santé et en concertation avec leurs représentants respectifs, présents dans toutes les instances de l’Agence. Ces missions s’exercent aux différents stades de la vie des produits mis sur le marché en France, afin qu’ils soient sûrs, efficaces, accessibles et bien utilisés.
L’Agence s’appuie sur une expertise interne forte, mais aussi sur des experts externes dans un cadre déontologique défini et transparent. Il s’agit d’un élément cardinal pour la garantie de la sécurité de nos concitoyens et leur confiance. L’Agence dispose de pouvoirs de police sanitaire qui lui permettent, si nécessaire, de modifier, suspendre, interdire des activités dans un seul et unique but : la sécurité des patients. Elle peut également prendre des sanctions financières en cas de non-respect de la réglementation. Enfin, elle participe au fonctionnement de l’Agence européenne du médicament sur les dossiers d’analyse en vue d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle travaille en outre avec les autorités réglementaires des autres États membres, au service de la sécurité sanitaire de l’ensemble des Européens.
Les enjeux sont multiples. L’évolution rapide de l’environnement technique, économique et social entraîne des conséquences pour les produits de santé. Je pense notamment à l’arrivée des innovations d’ampleur, notamment en lien avec le développement du numérique, la transition écologique, l’anticipation et la gestion des crises sanitaires, le développement du bon usage.
Je souhaite revenir brièvement sur les pénuries et les ruptures de stocks, phénomène mondial aux causes multifactorielles. En pratique, en 2023, l’ANSM a traité plus de 5 000 signalements de rupture ou de risque de rupture, un tiers de plus qu’en 2022 et six fois plus qu’en 2018. Dorénavant, nous devons disposer d’un stock de sécurité de quatre mois minimum pour 750 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.
Je connais les inquiétudes majeures que ces aspects suscitent pour les patients, les prescripteurs et les pharmaciens. La lutte contre les pénuries fait partie du quotidien de l’Agence afin de garantir l’accès et l’approvisionnement régulier, notamment lorsqu’il s’agit des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur dont l’indisponibilité pourrait affecter le pronostic vital.
Les actions de l’ANSM en la matière sont nombreuses. Elles portent notamment sur l’anticipation de ces situations, la détection plus rapide et, le cas échéant, la gestion. Ces actions s’intègrent dans une feuille de route qui vise à garantir la disponibilité des médicaments et à assurer, à plus long terme, une souveraineté industrielle. L’ANSM mène ses actions, dans le champ de ses responsabilités, au côté des différents acteurs impliqués : les ministères de la santé et de l’industrie. Enfin, ses actions s’exercent également dans le cadre européen en partageant les informations sur les pénuries, en travaillant au renforcement des obligations pour les industriels et en coordination de la réponse.
Le deuxième point concerne l’accès à l’innovation. L’ANSM encadre et accompagne la mise à disposition des produits de santé innovants en toute sécurité. À cet effet, elle est à l’écoute des patients et des professionnels de santé afin d’identifier les besoins non couverts ou de donner un cadre aux prises en charge thérapeutiques innovantes. Par ailleurs, l’ANSM a su développer, en collaboration avec la Haute Autorité de santé (HAS), des procédures permettant un accès le plus précoce possible à certains produits de santé, notamment pour les situations d’impasse thérapeutique, mais de manière sécurisée.
Ma candidature s’inscrit dans une période particulière pour l’Agence puisqu’au mois de juillet, son contrat d’objectifs et de performance avec l’État a été signé. Ce troisième cadre quinquennal lui donne une feuille de route en cohérence avec les priorités de santé publique. Il repose sur quatre axes : une Agence garante de la sécurité des patients dans leur utilisation des produits ; une Agence agile et accompagnant l’innovation ; une Agence à l’écoute et au service des citoyens ; une Agence performante et engagée. Ces orientations stratégiques sont parfaitement alignées avec ma sensibilité de clinicienne, qui considère la sécurité des patients comme une mission première et place également au premier plan la disponibilité et la lutte contre la pénurie, de même que la mise à disposition de l’innovation pour les patients et les professionnels.
Le premier axe porte évidemment sur l’anticipation et la gestion des pénuries. Ce travail de l’Agence s’intègre dans un tableau national avec de nombreux autres acteurs publics. Les actions mises en ligne concernent l’anticipation des pénuries et, en particulier, la poursuite de l’analyse des vulnérabilités des chaînes industrielles, avec la direction générale des entreprises (DGE) et la direction générale de la santé (DGS), ainsi que la création d’un système d’information dédié à la gestion des ruptures en lien avec les bases de données européennes. À ce sujet, ce type d’outil est absolument indispensable pour profiter d’une vision globale et d’un vrai pilotage de la chaîne de valeur du médicament allant de la production à la consommation en passant par la distribution et la prescription. Un système équivalent concernant les dispositifs médicaux dans le champ de l’Agence est aussi attendu.
Un autre point fondamental a trait au partage des données avec les industriels, les territoires, les hôpitaux, les officines, les professionnels de santé, les patients, d’une part pour mieux anticiper et percevoir les signaux, et d’autre part pour répondre aux besoins générés par les tensions d’approvisionnement. Encore une fois, cette feuille de route s’inscrit dans des travaux européens. Le renforcement du bon usage des produits de santé en fait partie.
L’ANSM dispose d’un grand nombre de données en interne. L’un des enjeux pour les années à venir portera sur la capacité de les organiser, les compléter et les exploiter afin que l’Agence renforce ses capacités d’anticipation des pénuries, de régulation et de surveillance en continu des produits de santé.
L’Agence a produit ces dernières années un immense travail pour être transparente dans son action et à l’écoute des usagers, pour renforcer la confiance en tant qu’autorité de régulation indépendante et impartiale. Ce travail doit être poursuivi. Il s’agit également de développer de nouvelles collaborations au niveau des territoires afin de comprendre et d’anticiper les besoins. Enfin, il me semble important qu’une agence d’État soit exemplaire dans sa stratégie de responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Elle suit une ligne de conduite respectueuse de l’humain, de l’environnement et de la société.
En conclusion, ma candidature se veut au service des défis qui attendent l’Agence dans les prochaines années. Éclairée de mes expériences antérieures, mes actions s’inscriront dans le périmètre du contrat d’objectif récemment signé. Il s’agira de continuer de travailler avec l’ensemble des parties prenantes pour garantir la sécurité des patients, soutenir l’innovation thérapeutique, renforcer la communication, la transparence et la confiance.
M. Thierry Frappé, rapporteur. Madame, je tiens à vous remercier de vous présenter à cette audition. Vous êtes candidate à un poste central pour la santé publique dans une période marquée par des défis importants.
Je souhaite aborder le sujet de la pénurie de médicaments, enjeu majeur de santé publique. Cette pénurie inquiète nos concitoyens, les professionnels de santé, mais aussi nous, membres de la représentation nationale. Ses répercussions sont directes et parfois dramatiques pour les patients et les professionnels de santé.
Nous recevons régulièrement des témoignages de praticiens hospitaliers et libéraux, de pharmaciens, de patients, inquiets face aux situations de rupture d’approvisionnement. Pour l’année 2023, 4 925 références de médicaments ont été signalées en rupture de stock contre 4 446 en 2020 et 1 504 en 2009. Certes, l’obligation de déclaration par les laboratoires explique en partie cette augmentation brutale entre 2019 et 2020. Cependant, cette pénurie touche aussi bien des médicaments courants que des traitements plus spécialisés ou des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM).
Durant toute son activité, un professionnel de santé doit souvent jongler avec des alternatives moins adaptées aux conséquences éventuelles sur la qualité des soins et la sécurité des patients. La crise liée à la pandémie du covid‑19 a mis en lumière et a accru les tensions sur les chaînes d’approvisionnement du monde entier.
Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau, l’aggravation de la pénurie est le symptôme d’un problème plus profond et structurel. La France et l’Europe sont devenues fortement dépendantes de la production pharmaceutique étrangère, notamment en provenance de Chine ou d’Inde. Une grande partie des principes actifs des médicaments y est aujourd’hui fabriquée, ce qui expose notre système de santé à des interruptions d’approvisionnement liées à des facteurs extérieurs tels que des tensions géopolitiques, des crises sanitaires locales ou simplement des problèmes logistiques.
Ces ruptures révèlent une vulnérabilité inquiétante de notre souveraineté industrielle et de notre souveraineté sanitaire. Il est d’une importance capitale d’assurer aux citoyens l’accès aux traitements dont ils ont besoin, sans interruption et sans subir les effets d’une production délocalisée et globalisée à outrance.
La relocalisation de certaines productions doit être placée aujourd’hui au cœur du débat public. Elle doit s’accompagner d’une refonte de la gestion des stocks stratégiques. Dans ce contexte, le rôle de l’ANSM est essentiel, non seulement pour anticiper ces pénuries, mais aussi pour établir des mécanismes robustes qui permettent de réagir en cas de crise. En ce sens, il semble important de souligner la mise en place du plan de lutte hivernal permettant d’anticiper ces éventuelles pénuries, mais aussi, depuis février 2024, d’une feuille de route triennale pour les combattre. Ils devraient, à terme, améliorer la situation des officines et des hôpitaux.
Je souhaiterais connaître votre position et vos priorités sur plusieurs points cruciaux. Que pensez-vous de cette feuille de route ? Croyez-vous qu’elle puisse réellement améliorer la situation à plus ou moins long terme, en anticipant judicieusement les besoins futurs ? Pensez‑vous qu’avec ce type de mesures, l’Agence peut jouer un rôle dans la prévention des ruptures et dans sa tâche de médiateur face aux sanctions éventuelles ? Quelles sont, selon vous, les principales causes à considérer en urgence face à la pénurie du médicament : dépendance à l’égard des fabricants étrangers, difficultés d’approvisionnement de matières premières ? Que pensez-vous d’inciter à la relocalisation de la production aux niveaux national et européen ? Quel rôle l’Agence peut-elle jouer dans l’accompagnement de cet objectif ?
Enfin, ne serait-il pas intéressant d’améliorer l’information entre l’ensemble des acteurs du médicament : officines, grossistes-répartiteurs et laboratoires ? Demander une remontée régulière des rotations et stocks de chaque officine auprès de l’ANSM permettrait une répartition efficace des ressources et offrirait plus de visibilité aux industriels. Cette remontée pourrait se faire à travers une plateforme nationale indépendante répertoriant les stocks exacts de chaque secteur, de chaque département.
Madame, les pénuries de médicaments constituent un enjeu central pour notre souveraineté industrielle, sanitaire et pour la santé publique. Vous êtes pressentie pour devenir la prochaine directrice générale de l’ANSM. Vous devrez fournir des réponses urgentes et concrètes à ce problème. Nous attendons de vous une trajectoire efficace qui assure la sécurité sanitaire des Français à l’avenir.
Mme Catherine Paugam-Burtz. Les causes des pénuries sont multifactorielles. Au niveau industriel, un enjeu de taille concerne les matières premières nécessaires à la fabrication des médicaments, qui peuvent entraîner des vulnérabilités sur la chaîne de production. D’autres causes existent cependant, comme les politiques de santé des pays acheteurs et les sujets liés à la mondialisation.
Ensuite, la feuille de route me semble effectivement bien rédigée. L’une des premières priorités de l’ANSM consiste à travailler avec les autres acteurs de façon synergique, au niveau national comme au niveau européen. L’Agence est également en charge de l’anticipation, de la détection et des plans d’actions gradués, notamment hivernaux. Ces derniers se déclinent selon les besoins, depuis une surveillance simple jusqu’à un véritable « plan blanc » du médicament dans les situations les plus délicates.
La feuille de route comporte la possibilité de présenter au ministre de la santé des mesures dérogatoires d’épargne, de prescription et de bon usage, jusqu’aux dispensations à l’unité. Il y a des dispositifs de production hors spécialité, notamment les préparations hospitalières ou officinales spécifiques. D’autres actions figurent dans ces plans gradués de prescription et de dispensation alternative. Vous avez d’ailleurs souligné à quel point ces dernières génèrent des difficultés, nécessitant absolument une communication et un accompagnement de la part de l’Agence.
Enfin, la feuille de route aborde la transparence de la chaîne d’approvisionnement et l’information à fournir, d’abord aux patients. Cela passe par la constitution d’un outil numérique recensant les productions et les stocks chez les industriels, mais aussi les stocks des grossistes, les prescriptions et, enfin, les consommations effectives. Cet outil, intégré à l’échelon européen, est fondamental. Il devra faire l’objet, à mon sens, d’une mise en transparence, en particulier par la publication de tableaux de bord sur le site de l’ANSM.
En conclusion, cette feuille de route et le contrat d’objectifs et de performance fixent des actions qui me semblent permettre à l’ANSM d’exercer pleinement son rôle dans la lutte contre les pénuries.
M. le rapporteur. Je me permets de revenir sur la remontée des données des officines. Actuellement, le logiciel principalement utilisé s’appelle Vigirupture. Mais il s’agit d’un logiciel privé auquel n’adhèrent pas tous les pharmaciens. Dès lors, il est impossible de disposer de chiffres objectifs.
Il est beaucoup question de l’instauration du logiciel DP‑Ruptures. Qu’en est-il ? Les pharmaciens que j’ai pu rencontrer regrettent l’absence de nomenclatures dans ces gestes supplémentaires, comme la prescription de distribution automatisée, qui suscite un travail supplémentaire.
Mme Catherine Paugam-Burtz. À ce stade, je ne suis pas en mesure de vous répondre. Pour autant, je ne peux que pointer l’importance de la cohérence et de l’ergonomie de ces outils si nous voulons disposer d’une vision globale de la chaîne.
Par ailleurs, je souhaite évoquer un autre point concernant les actions de l’ANSM. J’ai déjà mentionné l’obligation faite aux industriels de signaler leur situation de rupture ou de risque de rupture, et donc d’enclencher leur plan de gestion des pénuries. Cela révèle l’enjeu du champ des contrôles et sanctions que couvre l’Agence. À ce titre, elle a prononcé cet été des sanctions contre onze laboratoires pour un montant supérieur à 8 millions d’euros.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Angélique Ranc (RN). Les récentes pénuries de médicaments et les enjeux liés à la sécurité sanitaire ont mis en lumière l’importance cruciale du rôle joué par l’ANSM. Notre groupe parlementaire partage son engagement à garantir l’accès aux soins et la qualité des médicaments.
Pour atteindre cet objectif, nous avions proposé plusieurs mesures concrètes lors de la précédente législature : la publication en ligne des plans de gestion des pénuries pour une plus grande transparence, la création d’une plateforme unique de partage d’informations pour la coordination des acteurs et l’optimisation de la gestion des crises, un rapport annuel sur la consommation de médicaments pour comprendre les dynamiques du marché. Nous souhaitons connaître votre avis sur ces mesures et savoir comment elles s’inscrivent dans votre stratégie.
Nous sommes également attentifs à la mise en œuvre de la substitution automatique des médicaments biosimilaires, mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, qui promet de rationaliser les dépenses de santé en garantissant l’accès aux traitements innovants. À la lumière des premiers avis de l’ANSM sur le ranibizumab et l’aflibercept, nous souhaitons comprendre votre approche de ce dispositif. Quels ajustements envisagez-vous d’apporter à la méthodologie d’évaluation des biosimilaires pour une évaluation fine de leur interchangeabilité ?
Au-delà de ces questions spécifiques, nous souhaitons connaître votre vision globale pour l’ANSM. Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels l’Agence sera confrontée dans les prochaines années et comment comptez-vous renforcer son rôle ? Vos réponses nous permettront d’évaluer votre capacité à mener à bien les missions de l’Agence et de prendre une décision éclairée quant à votre nomination.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La diversité de ses missions rappelle que l’ANSM est un acteur incontournable en matière de santé sanitaire. À l’approche de l’hiver, les tensions sur la disponibilité de certains médicaments sont fréquentes. C’est pourquoi l’Agence lance, pour la deuxième année, un plan contre les pénuries, indispensable pour l’anticipation, le suivi et la régulation de ces produits.
J’aimerais connaître votre point de vue sur ces pénuries. En 2023, plus de 5 000 ruptures de disponibilité ont été déclarées, soit six fois plus qu’en 2018. L’Agence vient d’infliger une sanction record de 8 millions d’euros à onze laboratoires en raison du non-respect de leurs obligations de maintien de stocks suffisants. Cette amende est le fruit de trente-trois décisions consécutives à la campagne de contrôle menée en 2023. Est-ce le signe d’une amélioration notable des pouvoirs de sanction de l’ANSM par comparaison au faible nombre de sanctions prononcées les années précédentes – huit entre 2018 et 2022 à hauteur de 922 000 euros ?
Les laboratoires pharmaceutiques expliquent les pénuries par la faiblesse des prix d’achat de certains médicaments, en particulier les médicaments essentiels. Des études montrent que la vente est plus lucrative dans les pays étrangers qu’en France, compte tenu du niveau de nos prix. Que pensez-vous de l’augmentation du tarif des médicaments en France ? Dans une démarche pédagogique à destination des usagers sur la consommation et le coût réel des médicaments, jugez-vous opportune une nouvelle campagne d’information sur le bon usage des médicaments, la lutte contre le gaspillage en lien avec l’écologie et l’affichage du prix sur les boîtes de médicaments ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Sous la tutelle du ministère de la santé, l’ANSM se situe au croisement de plusieurs logiques d’intervention publique : elle gère la régulation du médicament, la distribution et la gestion des stocks, ainsi que la recherche dans le secteur. Elle est responsable des mécanismes de surveillance par lesquels il convient d’accompagner leurs usages.
Dans le scandale de la Dépakine, produite par Sanofi, la prescription du médicament est à l’origine de troubles neurodéveloppementaux chez plus de 2 200 enfants. Ce scandale a eu lieu en partie à cause des manquements de Sanofi dans la remontée d’informations sur les risques que le médicament faisait courir au fœtus, mais également à cause des carences de l’ANSM dans l’information des patientes. Il y a eu un défaut de contrôle.
Quelles améliorations est-il possible d’apporter aux systèmes d’information et d’enquête auprès des laboratoires pharmaceutiques avant et après l’autorisation de mise sur le marché ? Les solutions en place jusqu’à maintenant pour informer le patient vous paraissent-elles suffisantes ?
En France, les médicaments essentiels viennent à manquer. Fin 2023, face à des pénuries importantes, une centaine de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur étaient en rupture de stock. C’est pourquoi, en janvier 2024, La France insoumise a déposé une proposition de loi visant à la création d’un pôle public du médicament. Un jour ou l’autre, nous le mettrons en place. Pensez-vous que la sanction des onze laboratoires pour défaut de stock de médicaments essentiels est plus efficace qu’un pôle public du médicament ? Enfin, quelle est votre position sur la vente d’Opella, filiale de Sanofi et productrice du Doliprane, à un groupe d’Amérique du Nord ?
M. Arnaud Simion (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés nourrit une vigilance particulière sur la sécurité sanitaire du médicament et les produits de santé. Depuis la loi du 29 décembre 2011, l’ANSM a vu ses missions renforcées. Parmi celles-ci figure l’évaluation des médicaments, pour laquelle l’Agence assure la surveillance en laboratoire et l’inspection sur les sites de fabrication.
La semaine dernière, le groupe pharmaceutique français Sanofi a annoncé avoir choisi le fonds d’investissement américain CD&R pour lui céder une participation majoritaire dans Opella, qui commercialise le Doliprane. Si cette opération venait à se concrétiser et que la fabrication de ce produit ne se déroulait plus en France, quels seraient les moyens de s’assurer qu’il n’y aurait pas de pénurie possible ?
L’action de l’ANSM est par ailleurs centrée sur la gestion et le risque de rupture de stock des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Or, la situation est préoccupante. En 2023, plus de 5 000 ruptures de stock ont été constatées, soit 30 % de plus qu’en 2022 et six fois plus qu’en 2018. L’ANSM a infligé huit millions d’euros d’amende à onze laboratoires en raison de stocks trop faibles. En effet, ces derniers ont l’obligation de garantir au moins deux mois de stock, sans toutefois excéder quatre mois de couverture de besoins. Ne pensez-vous pas pertinent, pour prévenir davantage les pénuries, d’étendre cette durée minimale à quatre mois au moins ?
La publicité faite par l’ANSM de la sanction des laboratoires défaillants, qui ne dure aujourd’hui que deux mois maximum, ne mérite-t-elle pas d’être étendue à plus d’un an pour se montrer plus dissuasive ?
Pour conclure, les élus socialistes et apparentés ne s’opposent pas à votre candidature. Votre parcours parle pour vous.
Mme Sylvie Bonnet (DR). En décembre 2023, nous étions déjà nombreux à interroger votre prédécesseur sur ses actions de lutte contre la pénurie des médicaments. Le nombre de signalements de rupture de stock a atteint des niveaux inédits en 2023 et 2024, en particulier pour les antibiotiques et les antidiabétiques. Ces tensions entraînent des pertes de chance pour les patients dans l’impossibilité de se procurer les médicaments. Pour les pharmaciens, la délivrance est devenue particulièrement complexe et chronophage. Il semblerait que les stocks de sécurité et les obligations de service public à la charge des grossistes-répartiteurs soient insuffisants. Qu’envisagez-vous contre ces pénuries ?
Alors que les finances de l’État sont très fragilisées, toutes les pistes d’économies doivent être envisagées. Parmi elles figure la lutte contre le gaspillage de médicaments, particulièrement dans le contexte actuel de pénurie. Pourriez-vous modifier les règles applicables aux dates de péremption ou améliorer la filière de recyclage ?
Enfin, la loi permet désormais la substitution des biosimilaires par les pharmaciens. Cependant, il semblerait que le comité scientifique temporaire de l’ANSM n’ait pas encore défini les conditions de mise en œuvre sur cette substitution. Quelles pourraient être vos préconisations en la matière ?
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ma première question concerne la transparence des données, qui peuvent avoir un caractère d’intérêt public majeur. Or, aujourd’hui, elles sont assez inaccessibles, voire non traitées de manière accessible. Comment faire évoluer cet accès aux données ?
Vous avez également parlé de l’indépendance des laboratoires pharmaceutiques. Malheureusement, on ne lutte jamais de manière suffisamment assidue contre l’ingérence ou les influences des laboratoires pharmaceutiques. Pourriez-vous préciser les mesures concrètes que vous comptez prendre durant votre mandat, notamment pour faire évoluer l’évaluation de la toxicité des médicaments sur les personnes, mais aussi sur l’environnement ? Comptez‑vous agir en faveur de la diminution des expérimentations animales des médicaments, ou de l’évolution du cadre applicable ?
Enfin, au-delà de la Dépakine, d’autres médicaments entraînent des effets dangereux sur la santé. Je pense à l’Androcur, dont les effets secondaires peuvent conduire à des formes de tumeur cérébrale. Or, pour ce médicament, l’ANSM a tardé à imposer aux laboratoires pharmaceutiques producteurs l’obligation d’inscrire les effets indésirables dans la notice et à prévenir les médecins de l’importance de cet effet. En avez-vous tiré quelques leçons pour l’avenir ?
M. Jean-Carles Grelier (Dem). Vous avez évoqué les 750 molécules sous obligation de stockage. Ce stockage est essentiellement européen. Ne vous semble-t-il pas qu’il serait pertinent qu’il devienne régional et qu’il soit confié notamment aux répartiteurs pharmaceutiques, qui représentent 12 000 emplois français non délocalisables ?
Ma deuxième question porte sur l’innovation, l’une des responsabilités de l’ANSM depuis maintenant treize ans. Les lois de financement de la sécurité sociale qui se sont succédé imposent entre 1,5 milliard et 2 milliards d’euros d’économies par an à la filière du médicament. Ne vous semble-t-il pas que ces efforts drastiques imposés à une même filière industrielle sont de nature à nuire à l’innovation thérapeutique en France, et donc aux patients français ?
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). En écoutant votre propos liminaire, j’ai bien entendu les principaux défis auxquels l’ANSM est confrontée. La sécurité du médicament, la gestion des pénuries et l’accès aux innovations thérapeutiques représentent des enjeux majeurs de santé publique.
Le premier sujet particulièrement préoccupant concerne les pénuries de médicaments et notre souveraineté sanitaire. Quelles actions concrètes pensez-vous prendre pour non seulement gérer, mais anticiper efficacement ces tensions d’approvisionnement ? Cette question ne doit-elle pas être aussi prioritaire que celle du prix du médicament ?
S’agissant des informations sur les stocks disponibles, quel dispositif comptez-vous mettre en œuvre pour améliorer la remontée des informations et leur partage avec vos homologues européens ? Le système européen de vérification des médicaments est-il pertinent pour maîtriser les stocks ? Ne pensez-vous pas nécessaire de raisonner surtout à l’échelle européenne et de travailler à davantage de coopération entre États membres pour la constitution de stocks pour les médicaments critiques ?
Je souhaite également évoquer l’accès aux traitements innovants. Les autorisations de mise sur le marché sont extrêmement longues. Elles relèvent principalement aujourd’hui de l’Agence européenne du médicament. Les délais sont deux fois plus longs qu’aux États‑Unis. Dans un contexte où l’innovation thérapeutique est rapide, pensez-vous que l’ANSM puisse jouer un rôle de facilitateur sans, naturellement, compromettre la sécurité des patients ? En d’autres termes, comment concilier l’accélération nécessaire des AMM de médicaments innovants avec les impératifs de sécurité et d’efficacité pour garantir l’accès à ces traitements à tous les patients sur l’ensemble du territoire ?
M. Paul-André Colombani (LIOT). La pénurie de médicaments s’est malheureusement installée au point de devenir chronique. Comme l’an dernier, l’ANSM va activer un plan de lutte contre les pénuries de médicaments fortement demandés pendant l’hiver. L’objectif consiste à surveiller certains médicaments avec la possibilité de déclencher diverses mesures afin d’assurer un approvisionnement minimal et équitable auprès de la population. Quelles sont, selon vous, les évolutions législatives qui permettraient de renforcer rapidement ces actions ?
Notre groupe avait soutenu la proposition de loi qui prévoyait de renforcer les obligations de constitution de stocks de sécurité applicables aux industriels. Êtes-vous favorable à la création d’un niveau plancher de stocks de médicaments de plusieurs mois en fonction des besoins, avec des dérogations possibles par l’ANSM ?
Enfin, quel regard portez-vous sur le conditionnement et les délivrances de tramadol et de codéine sur présentation de l’ordonnance sécurisée ? Des médecins hospitaliers alertent sur la potentielle lourdeur d’un tel protocole dans leur pratique.
M. Yannick Monnet (GDR). En 2023, 4 925 signalements de rupture de stock ou de tension d’approvisionnement ont été recensés. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Les conclusions de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments suscitée par le groupe communiste au Sénat il y a à peine deux ans ont largement documenté ce phénomène. Dans ce cadre, l’Agence fournira un avis éclairé sur les difficultés liées aux situations de monopole. La relocalisation en France de la production de médicaments peut constituer une partie de la réponse.
Notre groupe est sensible à vos éclairages. Nous plaidons depuis de nombreuses années pour la création d’un service public du médicament. Nous avons d’ailleurs déposé, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, des propositions de loi en ce sens. Quelle est votre analyse ? Quelle est votre appréciation des mesures figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, telles que la généralisation de la dispensation à l’unité pour les médicaments à forte saisonnalité, le renforcement du recours aux ordonnances conditionnelles pour les médicaments identifiés à risque, l’autorisation donnée aux pharmaciens de remplacer un médicament par un autre en cas de simple risque de rupture, ou encore le relèvement du plafond des sanctions à l’encontre de l’entreprise responsable d’une défaillance de stocks de sécurité ? Pensez-vous que ces mesures vont dans le bon sens pour lutter contre les pénuries ?
Il faut davantage de règles de production minimale en France, en matière de stock stratégique, de transparence des prix des médicaments. Il nous semble également nécessaire de poser des conditions strictes à l’industrie pharmaceutique en échange d’aides publiques et d’incitations fiscales. Quel est votre avis sur ces propositions ?
Mme Hanane Mansouri (UDR). La production et la distribution de médicaments sont de plus en plus mondialisées, comme le démontre la cession du producteur de Doliprane à un fonds américain. La liste des médicaments en rupture en France est longue et ne cesse de grossir. Mon groupe est très attaché à la souveraineté de la France en matière de médicaments, dans un objectif de santé publique. Quels sont les leviers dont dispose l’ANSM pour s’assurer de la disponibilité à un coût raisonnable de médicaments en France ?
Mme Catherine Paugam-Burtz. Nombre de vos questions ont abordé les thèmes de la pénurie et de la souveraineté. L’ANSM dispose de compétences qui lui permettent de travailler à l’anticipation des crises. Ceci passe en grande partie par une bonne connaissance des stocks, mais aussi de la consommation. Une fois encore, cette connaissance implique de s’équiper d’outils numériques capables d’agréger les informations, dont certaines sont d’ailleurs déjà disponibles. D’autres devront être recherchées. Il est important que les acteurs du bout de la chaîne – les prescripteurs, les pharmaciens, les patients – puissent faciliter toutes les remontées d’informations.
S’agissant des situations complexes, il est possible pour l’ANSM, dans ses plans d’actions gradués, d’envisager des modes de production et des mesures dérogatoires par arrêté ministériel. Je suis attachée à pouvoir disposer de productions alternatives, hors spécialité, comme les préparations hospitalières spéciales ou les préparations d’officines spéciales.
Permettez-moi, à ce titre, d’évoquer le rôle de l’ANSM, qui siège au sein de l’Ageps, afin de coordonner des réseaux d’acteurs publics et privés, notamment des fournisseurs de matières premières à usage pharmaceutique, dans le cadre de contrats de sous-traitance pharmaceutique. À ce titre, ceux-ci nécessitent des organisations particulières et une capacité de contrôle et d’analyse au niveau national.
Au-delà de la sécurisation et du contrôle de la qualité, l’ANSM peut aussi participer au travail de recherche lorsqu’une rupture ou un abandon de production sont annoncés. De la même façon, elle peut accompagner les projets de relocalisation et d’industrialisation, car certains médicaments stratégiques sont marqués par des enjeux sanitaires et industriels. À cet effet, elle travaille avec la DGE sur une analyse des vulnérabilités. La liste des médicaments d’innovation à impact thérapeutique majeur, qui compte plus de 6 000 références, est probablement trop large. Une nouvelle version sera publiée en 2025 ; son élaboration collaborative associe les sociétés savantes et les patients. En résumé, l’Agence apporte sa pierre à l’édifice de la souveraineté et du maintien de l’indépendance de la France, notamment en identifiant les fragilités.
Elle agit également dans un cadre européen comme partie prenante des discussions en cours sur les listes de médicaments critiques et les possibles aggravations et majorations des sanctions vis-à-vis des industriels en cas de non-respect de leurs obligations. Plusieurs d’entre vous m’ont d’ailleurs interrogée à propos de ma position sur la proposition de loi de Mme Valérie Rabault. L’ANSM est favorable à une majoration des sanctions avec la création d’un plancher et d’un plafond pour les stocks, mais également de leur durée qui passerait ainsi à huit mois. Par ailleurs, nous sommes favorables à l’extension à un an de la durée de publicité sur le site, aujourd’hui d’un mois seulement.
Je souhaite revenir sur la lutte contre le mésusage. Je suis favorable à une nouvelle campagne d’information à ce sujet. Le bon usage, la sobriété, la juste prescription et la pertinence des soins représentent des enjeux majeurs. Ces démarches sont justes et pertinentes, en particulier lorsqu’elles sont à la croisée de la qualité des soins, de la diminution de l’iatrogénie, de la décarbonation du soin, de la diminution des gaspillages et des coûts. En tant qu’hospitalière, j’y ajoute la diminution du temps infirmier.
Dans le domaine de la surveillance, j’ai évoqué la capacité à analyser les données. L’ANSM dispose dans le cadre de ses actions de pharmacovigilance d’une quantité assez importante de données, notamment sur les AMM. Cette pharmacovigilance est organisée en France au niveau régional. Même si nous pouvons toujours nous améliorer, sachez que ce système est envié au niveau européen. Les patients peuvent par ailleurs effectuer directement sur le site leur déclaration d’événements indésirables qu’ils pensent associés à leur traitement. Notre capacité d’analyser ces données est absolument fondamentale pour améliorer le pilotage de la sécurité.
Après autorisation de mise sur le marché, la sécurité est notamment pilotée à travers les centres de vigilance. À ce titre, il faut augmenter le nombre d’études de pharmaco-épidémiologie. L’ANSM participe, avec la Caisse nationale de l’assurance maladie, à un groupement d’intérêt scientifique (EPI-PHARE) qui gère ces données de santé en vie réelle. Cette analyse, couplée aux signaux de pharmacovigilance, permet de dépister des signaux faibles de manière systématique.
Vous avez évoqué le sujet du pôle public du médicament et, au-delà, la place des pouvoirs publics dans la lutte contre les pénuries. La capacité de relocaliser les productions me paraît extrêmement importante. La création d’un pôle public en mesure d’assurer notre approvisionnement en matières premières et de produire ces médicaments est difficilement envisageable dans sa globalité. En revanche, il est possible de prioriser des actions ciblées au niveau national et européen. À ce titre, l’ANSM participe activement aux discussions sur l’alliance des médicaments critiques à l’échelle européenne. Elles concernent notamment l’aide à la relocalisation de la production de matières premières et de médicaments.
S’agissant des données, vous avez mentionné leur manque d’accessibilité, voire de transparence. Dans la majorité des cas, elles ne sont pas encore suffisamment agrégées, mais des tableaux de bord sont mis à disposition sur le site. Vous avez en outre relevé l’évaluation de l’impact des médicaments sur l’environnement. Ce point est effectivement majeur. L’Agence a d’ailleurs conclu une collaboration avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail dans le cadre de sa politique « Une santé », qui permet justement d’élargir le champ d’évaluation des différentes actions et, en l’occurrence, l’impact environnemental des médicaments.
De la même façon, plusieurs d’entre vous ont évoqué la limitation du gaspillage et la capacité à allonger les modalités de durée de conservation. Ces aspects me semblent importants. Ils supposent de disposer des analyses de stabilité. La réutilisation des produits de santé non consommés et le développement de la réutilisation des dispositifs médicaux remis en bon état constituent effectivement des axes majeurs de progrès.
L’ANSM travaille depuis quelque temps, en collaboration avec la HAS, à la mise en place de plusieurs actions en faveur de l’innovation. L’une d’entre elles porte sur la constitution d’un groupe de conseil à la disposition des acteurs qui souhaitent se porter sur le marché des innovations, mais sont souvent peu au fait des cadres réglementaires. Il s’agit du guichet « innovation et orientation ».
Par ailleurs, l’Agence s’attache aux innovations sur des produits développés pour les populations les plus fragiles, qui se situent souvent en dehors du champ des essais thérapeutiques initiaux. Je pense notamment aux publics pédiatriques et gériatriques ou aux maladies rares. Dans ce domaine, un certain nombre de dispositions en faveur de l’innovation sont en place ; elles doivent être appuyées. Il s’agit notamment des cadres de prescription compassionnelle que l’ANSM est en mesure d’accompagner à partir de signalements identifiant des besoins non couverts.
Le dernier mécanisme d’accès à l’innovation, issue d’une modification de la loi il y a deux ans, concerne les accès précoces. Ces procédures permettent, avant l’AMM et en toute sécurité, de mettre à disposition des produits de santé le plus tôt possible. Il s’agit en général de situations d’impasse thérapeutique. La même démarche s’applique aux dispositifs médicaux et, au total, quasiment 25 000 patients ont été concernés en 2023. L’Agence intervient par un protocole de surveillance et de recueil des données extrêmement rigoureux.
Vous m’avez interrogée sur le tramadol. Je souhaite vous répondre avec ma casquette d’anesthésiste-réanimateur. Le tramadol et la codéine sont effectivement à l’origine de mésusages, voire d’addictions. Il me paraît donc absolument fondamental de contrôler plus largement leur prescription. En tant que prescripteur, je suis cependant consciente de la lourdeur qu’implique au quotidien les ordonnances sécurisées. Une des solutions d’avenir réside dans une meilleure capacité à numériser nos prescriptions, qu’elles émanent de l’hôpital ou de la médecine de ville. Nous n’y sommes pas encore mais le travail est en cours. Il devrait à terme permettre de simplifier les situations.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Yannick Neuder (DR). En janvier 2025, l’appréciation de l’évaluation des technologies en santé évoluera. Quels en seront les impacts, notamment vis-à-vis de la HAS ?
Nous sommes à la veille du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Un certain nombre d’amendements concerneront le régime de sanctions que vous avez présenté. La capacité de mesurer l’efficacité de ces sanctions est-elle réelle ? N’existe-t-il pas un effet de bord qui pourrait contraindre certains laboratoires à tourner le dos à la France en matière d’investissements ?
Pensez-vous que l’ensemble de la filière française pourrait prendre le virage de la fabrication, de la distribution, du conditionnement et de la répartition à l’unité, comme c’est le cas dans certains pays du nord ? La souveraineté sanitaire est-elle affectée par la vente par Sanofi de sa filiale qui produit le Doliprane ?
M. Joël Aviragnet (SOC). Alors que votre nomination comme directrice générale de l’ANSM est envisagée par le Président de la République, je souhaite vous interroger sur les pénuries de médicaments qui frappent nos territoires, notamment ruraux.
Notre ancienne collègue Valérie Rabault avait porté une proposition de loi en février dernier afin de lutter contre ces pénuries. Ce dispositif ingénieux permettait de constituer des stocks minimaux de certains produits afin d’éviter des situations de manque aux conséquences dramatiques pour nos concitoyens.
Cette loi n’est pas encore entrée en vigueur et les pénuries se poursuivent. Chaque semaine, les habitants de ma circonscription m’alertent, tant ils ont l’air inquiets pour leur santé. Je dois avouer que cette inquiétude me gagne puisque certains pharmaciens sont confrontés à l’impossibilité de délivrer des prescriptions. Or, le ministre de la santé de l’époque avait affirmé qu’il n’y aurait pas de problème. Pensez-vous que la loi portée par Valérie Rabault permettrait de résoudre le problème ?
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’ANSM évalue, habilite, autorise, met sur le marché des médicaments. Or, les pénuries ont touché plus d’une personne sur trois en France l’année dernière. À l’heure où nous nous parlons, il manque des collyres, des traitements anticancéreux. Le toxicarb est importé de Belgique. Dans ma circonscription, il faut parfois tenter sa chance dans quatre pharmacies pour trouver certains antibiotiques. Les laboratoires doivent avoir un stock de traitement en réserve pour les 748 médicaments dits d’intérêt thérapeutique majeur, mais nombre d’entre eux ne respectent pas cette obligation. Évidemment, tant que l’on soumettra le secteur pharmaceutique au taux de profit, l’intérêt général sera plutôt un obstacle qu’un objectif.
Comment percevez-vous les moyens dont disposent aujourd’hui l’ANSM, notamment pour son pôle « défauts qualité et rupture de stock », qui compte huit postes équivalents temps plein (ETP) ? Quelle organisation interne préconisez-vous pour assurer la supervision nécessaire et remplir cette mission ? Pensez-vous le montant légal des amendes aujourd’hui approprié ? J’ai le sentiment que le caractère dissuasif n’apparaît pas évident, compte tenu de l’actualité.
Pensez-vous que le stock de sécurité minimal, aujourd’hui fixé à deux mois devrait être systématisé à quatre mois, en permettant toujours à l’ANSM de proroger au cas par cas cette durée ?
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Depuis 2017, les pénuries ont été multipliées par onze. Nous manquons de tout et partout parce que l’industrie, dans les années 1990, a largement délocalisé pour plus de profits et surtout parce que l’État a laissé faire. Pire encore, il existait un établissement public, qui produisait notamment des médicaments et des produits de santé, l’Ageps. Elle a notamment fabriqué le chloroforme, les premiers gants jetables et même du curare pendant la crise du covid‑19. Malheureusement, dans cette Agence, la partie dédiée à la production va fermer à la suite d’une décision prise en 2018. Désormais, cette activité sera sous-traitée au privé. Pensez-vous pertinent de maintenir cette décision de fermeture prise avant le covid‑19 ?
M. Thibault Bazin (DR). Vous avez évoqué l’enjeu de la communication et du lien au patient. Un tiers des événements indésirables graves sont imputables aux médicaments. Il existe donc un véritable enjeu de sécurisation de la prise en charge médicamenteuse, notamment aux points de transition – admissions et sorties d’établissement.
Une expérimentation dite Médicis, conduite par le centre hospitalier de Lunéville, a permis de diminuer la mortalité de 7,5 % grâce à l’accompagnement thérapeutique et la conciliation médicamenteuse. On évitait aussi la surprescription médicamenteuse. Comment généraliser ce parcours innovant, source de qualité et d’économie pour notre système de santé, alors que nous souffrons de pénuries de médicaments ? Dans quelle mesure un programme de recherche, tel un programme de recherche sur la performance du système des soins, pourrait‑il nous y préparer ?
M. Michel Lauzzana (EPR). L’innovation est notre avenir à plus d’un titre. Elle porte sur de nouvelles techniques, mais aussi sur des évaluations plus complexes pour des cohortes faibles et peu de médecins compétents. Comment prenez-vous en compte ces évolutions ? Comment faites-vous évaluer, évoluer vos doctrines d’évaluation ?
M. Fabien Di Filippo (DR). Ma question concerne les thérapies innovantes, notamment dans le domaine du cancer. Les délais de validation y sont très longs et les traitements excessivement coûteux, mais leurs résultats sont cependant prometteurs. Quelle est votre position, notamment sur les délais de mise sur le marché ou de délivrance ? Les malades dans les situations les plus précaires ne comprennent pas toujours les raisons d’une telle prudence.
M. Stéphane Viry (LIOT). Je m’interroge également sur ces délais qui peuvent constituer une perte de chance pour des patients, qui ne peuvent accéder à des thérapies innovantes pourtant éprouvées dans des pays limitrophes. En France, le délai moyen de mise sur le marché est de 500 jours. Il est inférieur à 200 jours en Allemagne. Ce délai est peut-être lié à une bureaucratie trop lourde dans notre pays et à un principe de précaution en fait contraire à l’intérêt des patients.
J’ai entendu vos propos liminaires. J’ai aussi pris connaissance de la position de l’Inspection générale des affaires sociales quant au contrat d’objectifs et de performance 2019‑2023. La réduction des délais pourrait-elle faire partie de vos objectifs dans votre mission de santé publique ?
M. Elie Califer (SOC). La pandémie et les crises économiques ont révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement du médicament. De quelle manière l’ANSM pense-t-elle renforcer de façon concrète la coordination entre les acteurs du secteur que sont les pharmaciens, les industriels et les autorités publiques afin de garantir un accès continu aux traitements essentiels ? Ensuite, la vente en ligne a souvent permis la distribution de produits contrefaits sur certains marchés. L’outre-mer, composé de territoires répartis sur les différents océans, subit ce phénomène. Comment lutter contre ces effets ?
M. René Lioret (RN). Mon intervention concerne l’industrie des médicaments génériques et biosimilaires. Ce marché représente 50 % des volumes distribués en France pour 4,5 milliards d’euros, soit 16 % du chiffre d’affaires des médicaments et 28 millions de patients traités. Il couvre 80 % des pathologies et le prix des médicaments y est 40 % à 60 % inférieur à celui des médicaments princeps. Ce secteur est donc indispensable à l’efficience globale et il permet à la sécurité sociale une économie de 2,5 milliards d’euros par an.
Cependant, ce secteur est aujourd’hui menacé par la clause de sauvegarde, ce dispositif fiscal de contrôle de la dépense. Au-delà d’un seuil, les entreprises reversent ainsi 50 % à 70 % du chiffre d’affaires hors taxes. Historiquement, ces médicaments porteurs d’économies ont été exclus. Mais en 2019, ils ont été inclus dans la clause de sauvegarde à hauteur de 25 millions d’euros. Cinq ans après, cette clause a été multipliée par quatre, soit 100 millions d’euros en 2024. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, elle devrait tripler et passer à 324 millions d’euros. Cette décision risque de marquer la fin du générique en France, la marge sur ces médicaments étant extrêmement faible et même négative en 2023.
Est-il normal de pénaliser ainsi un secteur qui contribue largement aux économies de la sécurité sociale, alors même que nous recherchons des marges de manœuvre budgétaire ? Peut-on courir le risque de voir disparaître les acteurs les plus fragiles de ce secteur et d’accroître ainsi les ruptures de médicaments ? Plus largement, quelle est votre position sur les bio-génériques, les biosimilaires et les hybrides, ainsi que sur les conditions de leur développement dans notre pays ?
Mme Josiane Corneloup (DR). Les pénuries chroniques placent l’ANSM en première ligne. Les conséquences sont majeures en termes de complexité pour le pharmacien, de temps passé, d’observance pour le patient et d’erreurs médicamenteuses. L’ANSM a autorisé les mêmes sociétés ou groupes à agir en tant que grossistes-répartiteurs et en tant que dépositaires à travers une filiale ou une société sœur. Or, le cumul des autorisations crée un conflit d’intérêts. Il est effectivement plus rentable de vendre en tant que dépositaire qu’en tant que grossiste-répartiteur. Nous connaissons la situation financière tendue des grossistes-répartiteurs, en lien avec le prix du médicament le plus bas d’Europe, qui est en train de fragiliser toute la filière.
Compte tenu de ces coups de rabot sur le prix du médicament, la recherche est mise à mal. Les grossistes-répartiteurs ont de plus en plus de peine à assurer leur mission de service public. Les pharmaciens sont en difficulté : une pharmacie ferme tous les jours ouvrés. En outre, cette situation conduit à des dérives. Par exemple, les grossistes-répartiteurs ne sont pas tenus de publier la part des ventes effectuées comme dépositaires – hors obligations de service public. Il est donc impossible de contrôler le respect de ces obligations. Comment mieux s’en assurer ?
Mme Catherine Paugam-Burtz. Je me dois d’évoquer pour commencer la charte d’engagement des acteurs de la chaîne du médicament pour un accès équitable des patients aux médicaments. Un certain nombre de ces engagements devront probablement être suivis de contrôles et potentiellement de sanctions, dans une démarche d’équilibre, pour prendre en compte les enjeux des uns et des autres. De son côté, l’ANSM est chargée de la sécurité des médicaments et de la sécurité sanitaire.
S’agissant de la délivrance à l’unité, sommes-nous prêts à ce virage comme un certain nombre de pays l’ont fait depuis longtemps ? Je ne suis pas en mesure de répondre de façon détaillée, mais je suis convaincue que nous devons tendre vers cette orientation.
Vous avez mentionné le risque de perte de souveraineté et vous l’avez illustré par le rachat récent d’Opella. Dans ma position actuelle, je n’ai pas connaissance du dossier et vous conviendrez qu’il m’est difficile de le commenter. Cependant, dans son champ de compétences, l’ANSM s’assurera que ce rachat n’entraîne aucune conséquence négative sur les stocks et sur l’approvisionnement du marché français. Cet aspect me permet de souligner à quel point les actions de l’Agence s’intègrent dans un cadre plus global, notamment celui des collaborations avec la DGS et la DGE. Je confirme par ailleurs mon intérêt pour la proposition de loi de Mme Valérie Rabault.
J’ai été interrogée sur la qualité de l’information pour les patients et les médecins. Je rappelle que les médecins généralistes pourront être équipés de systèmes d’aide à la prescription, que l’ANSM sera susceptible d’alimenter en informations concernant la disponibilité des médicaments en proposant des alternatives pour aider les praticiens.
Les moyens de l’Agence ont plutôt augmenté ces dernières années. À ma connaissance, le recrutement de dix ETP est prévu pour répondre aux enjeux que posent les pénuries. Vous avez évoqué par ailleurs l’Ageps, qui faisait partie des préconisations de la commission d’enquête du Sénat. L’industrie pharmaceutique doit certes prendre toute sa place dans la lutte contre les pénuries, mais la nature même du médicament rend légitime et nécessaire l’existence d’un pôle public chargé du pilotage d’un réseau d’acteurs publics et privés. C’est ainsi qu’un opérateur public peut répondre, avec des moyens de production propres. L’Ageps est l’héritière de l’ancienne pharmacie centrale des hôpitaux. Elle a fabriqué effectivement un certain nombre de médicaments. Actuellement, les ateliers de production occupent une surface limitée de 1 000 mètres carrés. Ils ne peuvent produire que des ampoules jusqu’à 20 millilitres, des flacons, quelques comprimés et des gélules. Isolément, ils ne sont pas capables de résoudre les problèmes de pénurie par ces volumes de production limités. Depuis plusieurs années, l’établissement pharmaceutique sous-traite la moitié de ses références auprès de cinq façonniers. Cette production est donc ciblée sur des médicaments particuliers. Dans ce cadre, nous avons renforcé les expertises, en particulier en termes de développement analytique, de management de la qualité, de cahier des charges et d’audit des sous-traitants.
Vous avez évoqué le sujet de la conciliation médicamenteuse en faisant allusion à la surprescription, qui touche un grand nombre de personnes âgées et qui est responsable d’iatrogénies. Cette conciliation peut s’opérer à partir de plusieurs axes de travail afin de combattre, en ville comme à l’hôpital, la polymédication qui provoque à la fois une surconsommation et du gaspillage.
L’évolution des doctrines en matière d’évaluation des essais cliniques a également été mentionnée, notamment pour les anticancéreux. Quel que soit le mécanisme d’action d’un médicament, la base de l’évaluation clinique demeure la comparaison concernant l’efficacité sur le patient. Cependant, nous sommes de plus en plus en mesure de générer des données et des jumeaux numériques permettant de mener une autre forme de recherche. L’application des thérapeutiques, en particulier cancéreuses, s’intègre maintenant dans une médecine personnalisée qui nécessite d’avoir défini au préalable la signature de la tumeur.
S’agissant des délais de mise en œuvre des AMM, je n’ai pas en tête les 500 jours qui ont été cités. Pour les accès précoces, les chiffres dont je dispose font mention de quarante-deux jours. Il s’agit entre autres de médicaments anticancéreux. Il est naturellement nécessaire de progresser, notamment par une meilleure articulation des démarches. Cela implique d’analyser finement les processus. Néanmoins, je reste attachée au fait que cette recherche d’efficacité ne puisse en aucun cas avoir lieu au détriment de la sécurité.
La vente en ligne relève du droit des pharmacies, à laquelle le conseil de l’ordre des pharmaciens est opposé. L’ANSM n’en a pas la charge ; cette question relève plus probablement du ministère de la santé. Personnellement, il me semble contradictoire de parler de bon usage tout en considérant simultanément qu’un médicament peut être en vente sur internet comme un produit lambda.
S’agissant du recours aux biosimilaires et aux génériques, l’Agence a pour objet de restaurer la confiance et, probablement, de faciliter ces substitutions. En revanche, la fixation des tarifs se situe en dehors de son champ de compétences. Pour autant, je vous rejoins sur l’importance de disposer de nos propres capacités de production.
La dernière question concernait les grossistes-répartiteurs et les dépositaires, et notamment leur capacité à travailler en dehors des obligations de service public. Pouvez-vous me la répéter ?
Mme Josiane Corneloup (DR). L’ANSM a autorisé les mêmes sociétés ou groupes à agir en tant que grossistes-répartiteurs et en tant que dépositaires à travers une filiale. Or, il est plus rentable de vendre en tant que dépositaire qu’en tant que grossiste-répartiteur. Il semble impossible de contrôler le respect des obligations de service public. Mais ce sujet témoigne d’une dérive plus large de notre système. Dans la mesure où les grossistes-répartiteurs ne peuvent plus vivre de leur activité de service public, ils cherchent à compenser par d’autres biais.
Mme Catherine Paugam-Burtz. Je ne dispose pas de suffisamment d’expérience dans ce domaine pour vous apporter une réponse complète. Cependant, la charte d’engagement des acteurs de la chaîne pour un accès équitable des patients aux médicaments implique un certain degré de transparence.
M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie d’avoir veillé à répondre, de manière approfondie, à toutes les interrogations des députés.
Mme Catherine Paugam-Burtz quitte la salle.
Puis, délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29‑1 du Règlement, sur la proposition de nomination de Mme Catherine Paugam-Burtz aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Le scrutin sera dépouillé le mercredi 23 octobre 2024, concomitamment au dépouillement du scrutin auquel aura procédé la commission des affaires sociales du Sénat.
La séance est suspendue de onze heures trente-cinq à onze heures quarante-cinq.
*
La commission examine ensuite le rapport d’information sur la semaine de quatre jours (MM. Stéphane Viry et François Gernigon, rapporteurs).
M. le président Frédéric Valletoux. Une mission d’information sur la semaine de quatre jours avait été confiée à Stéphane Viry et à Paul Christophe au début de l’année. La dissolution est venue interrompre ces travaux, mais la commission a souhaité en juillet dernier qu’ils puissent aller à leur terme dans cette nouvelle législature. La nomination de Paul Christophe au gouvernement conduit François Gernigon à lui succéder dans la fonction de rapporteur. Je remercie nos deux collègues de nous présenter leurs conclusions.
M. Stéphane Viry, rapporteur. En février dernier, Paul Christophe et moi-même entamions nos travaux sur un sujet dans l’air du temps, qui suscite des débats passionnés et soulève des interrogations multiples : la semaine de quatre jours. Nous avons entendu des chefs d’entreprise, des représentants syndicaux, des élus locaux, des agents de l’État, des économistes et sociologues, des spécialistes des ressources humaines. Qu’il me soit permis en tout premier lieu de les remercier pour leur contribution toujours précieuse.
Il faut le dire d’emblée : la semaine de quatre jours est une matière complexe. S’y intéresser invite à faire preuve à la fois d’humilité – les intuitions étant facilement déçues et les certitudes volontiers battues en brèche – mais également de mesure et de prudence, car les expériences engagées, sur le terrain comme en dehors demeurent peu abondantes et les données relatives à leur déroulement encore limitées. C’est dans cet esprit que Paul Christophe et moi-même nous sommes efforcés de remplir cette mission sans parti pris, sans dogmatisme, sans idées préconçues, dans le souci de faire progresser la réflexion. De cette mission, plusieurs enseignements peuvent être retirés.
Le premier enseignement est que la semaine de quatre jours, ou plus exactement la semaine de travail de moins de cinq jours, est indéniablement un sujet à la mode dans notre pays et, à des degrés divers, à l’étranger. On peut même parler d’un emballement médiatique autour de ce dispositif, qui séduit de plus en plus de Français. Un sondage conduit à la fin de l’année 2021 a révélé que 64 % des salariés auraient souhaité une plus grande flexibilité dans l’organisation de leurs activités. Deux ans plus tard, un autre sondage montrait que 77 % des actifs se disaient prêts à travailler quatre jours par semaine plutôt que cinq, à durée constante.
Si l’adhésion au dispositif semble progresser ainsi avec le temps, cela ne signifie pas pour autant qu’il se répande à toute vitesse dans les entreprises. Certes, le nombre d’accords collectifs prévoyant une répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours évolue à la hausse, mais le déploiement de la formule n’en reste pas moins progressif. Ainsi, à ce jour, le nombre d’entreprises ayant franchi le pas apparaît limité. Elles seraient de l’ordre de 5 % d’après l’estimation la plus fréquemment avancée. Ce pourcentage est toutefois néanmoins difficile à vérifier puisque le ministère du travail ne dispose que d’une vision partielle.
À l’étranger, la situation est peu ou prou comparable. La semaine de quatre jours existe bien dans certains endroits, mais elle est généralement pratiquée par un petit nombre d’entreprises ou d’administrations publiques sous la forme, là encore, d’expérimentations. C’est le cas au sein de l’Union européenne, notamment en Allemagne et en Espagne, où quelques dizaines de sociétés testent le dispositif. C’est le cas en Belgique, où le cadre juridique a récemment évolué pour permettre aux salariés de travailler quatre jours par semaine plutôt que cinq, sans réduction du temps de travail. C’est le cas également au Portugal, où une quarantaine de sociétés ont participé entre les mois de juin et décembre 2023 à un projet pilote sur la semaine de quatre jours autour de trois principes : la diminution du temps de travail hebdomadaire ; le maintien de la rémunération ; la stabilité de la productivité. En l’état de nos investigations, ce projet a donné de bons résultats, aussi bien sur le plan des performances économiques des entreprises que sur la qualité de vie au travail et la santé des individus.
C’est aussi le cas au Royaume-Uni, où l’expérimentation a été conduite pendant un semestre. Ainsi, soixante-et-une entreprises employant près de 3 000 personnes y ont participé et les résultats se sont avérés encourageants, si bien que 92 % des structures ont souhaité poursuivre dans la voie de la semaine de quatre jours. Pour les salariés, quantité d’effets positifs ont été observés : baisse du stress, de l’épuisement professionnel ou des troubles du sommeil, accroissement de la satisfaction au travail, meilleure conciliation entre vie professionnelle et responsabilités familiales. Les États-Unis, l’Islande, le Canada et la Nouvelle-Zélande se sont également évertués à fonder cette nouvelle organisation du temps de travail.
Le deuxième enseignement est le suivant : le débat autour de la semaine de quatre jours prend une place de plus en plus importante dans la vie politique. Elle peut, dans les entreprises, être instituée selon des modalités variées en théorie ; en pratique, elle se réalise par voie d’accord collectif. La situation est différente dans la fonction publique d’État où elle peut être instituée par arrêté ministériel. On recense quelques cas aux ministères de l’agriculture, des armées ou encore de l’écologie. Toutefois, avec la déclaration de politique générale de Gabriel Attal et l’expérimentation engagée au printemps dernier, le nombre de services régis par des cycles de travail aménagés sur moins de cinq jours devrait croître.
Au-delà de la fonction publique de l’État, au sein de la fonction publique territoriale, la semaine en quatre jours peut être instaurée par délibération de la collectivité ou de l’établissement. C’est sur ce fondement que la métropole de Lyon ou l’Eurométropole de Strasbourg, par exemple, ont ouvert la voie à la confection, dans les services, de formules de travail réparties sur quatre jours. Enfin, dans la fonction publique hospitalière, il revient au chef d’établissement de prendre des décisions touchant à l’aménagement et à la répartition des horaires de travail. La semaine en quatre jours est ainsi devenue une réalité dans un petit nombre de structures comme le centre hospitalier universitaire de Bordeaux ou le centre hospitalier Annecy Genevois. Mais en définitive, mes chers collègues, il ne faut pas s’y tromper : ce modèle demeure à ce stade faiblement retenu par les administrations.
M. François Gernigon, rapporteur. Troisième enseignement à tirer de cette analyse : la semaine de quatre jours n’obéit pas à un modèle unique d’organisation, bien au contraire. Elle a pu être instituée sur la base de différentes formules conçues à partir des spécificités des entreprises.
Cela se vérifie en ce qui concerne les modalités de répartition de la durée du travail hebdomadaire. Les solutions dessinées par les accords sont multiples : une semaine de quatre jours, une semaine de quatre jours et demi, voire une alternance entre une semaine de quatre jours et une semaine de cinq jours. Ces options sont accompagnées soit d’une réduction de la durée du travail, soit du maintien du volume horaire global, ce dernier scénario étant le plus répandu.
Cela se vérifie aussi en ce qui concerne les modalités de détermination de jours de repos supplémentaires. Ceux-ci sont tantôt fixes, tantôt fluctuants, tantôt arrêtés par l’employeur, tantôt choisis par les travailleurs. Dans certaines structures, la possibilité de travailler moins de cinq jours est ouverte à l’ensemble des personnels. Dans d’autres, elle n’est accessible qu’à une partie des équipes, pour des motifs tenant couramment à la nature des activités exercées. Il n’est pas rare qu’elle soit expérimentée par quelques catégories de salariés, puis proposée à un panel plus étendu de collaborateurs si les résultats sont jugés satisfaisants.
Le quatrième enseignement de cette étude est que la mise en œuvre de la semaine de quatre jours emporte différents ordres de conséquences pour les entreprises, les salariés et, plus globalement, l’économie et la société. Ces conséquences ne sont ni nécessairement positives, ni nécessairement négatives. Tout est affaire d’appréciation au cas par cas, si bien qu’une grande prudence s’impose pour appréhender les résultats des expériences conduites en France ou à l’étranger.
Pour les entreprises, il y a des effets positifs. On relève une plus grande capacité à attirer les personnels et à les conserver, en particulier dans les secteurs économiques en tension ; une production dont le niveau ne diminue pas, y compris lorsque la durée du travail est réduite ; une productivité qui reste stable quand elle n’évolue pas à la hausse ; des dépenses d’énergie réduites lorsque les locaux ferment un jour supplémentaire.
Mais des effets négatifs peuvent également intervenir, notamment avec l’aménagement des programmes de travail et la réorganisation des équipes qui peuvent s’avérer compliqués et chronophages pour les encadrants. En outre, une perte de proximité entre collaborateurs peut intervenir, potentiellement préjudiciable au partage d’informations et de connaissances ainsi qu’à la cohésion des collectifs. Enfin, une dégradation de la coordination entre les entités extérieures est possible. En dépit de ces difficultés d’intensité variable en fonction des configurations, force est de constater que les sociétés qui proposent la semaine de quatre jours sont peu nombreuses à revenir en arrière.
Pour les travailleurs, les conséquences peuvent sensiblement varier, également suivant les situations. Tout d’abord, le dispositif aurait pour vertu de faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée. Le temps libéré serait consacré aux loisirs, aux tâches domestiques ou administratives, à l’aide apportée à un proche, à un investissement associatif, voire à un autre emploi. De surcroît, la formule peut avantager les parents de jeunes enfants, qui disposent de plus de temps en leur compagnie et profitent au surplus d’économies de frais de garde non négligeables.
À l’inverse, l’amplitude accrue de la journée de travail susciterait des problèmes de garde d’enfants, singulièrement pour les familles monoparentales, et même entraîner des frais supplémentaires lorsqu’ils sont scolarisés. Elle accentuerait le déséquilibre dans la répartition des tâches parentales au détriment des femmes, qui en assurent déjà près des trois quarts. Elle peut aller jusqu’à donner le sentiment que la journée travaillée est intégralement consacrée à l’activité professionnelle, faute de temps libre pour faire autre chose.
Par ailleurs, il n’est pas rare de lire ou d’entendre que la répartition de la durée du travail hebdomadaire sur moins de cinq jours influera favorablement sur le bien-être des personnels. L’affirmation n’est pas fausse, mais la règle n’est pas absolue. À volume horaire global d’activité inchangée, l’allongement de la durée des journées de travail peut engendrer une fatigue accrue chez les salariés et augmenter la fréquence des accidents. À volume horaire global d’activité diminuée, l’optimisation des processus de travail s’impose volontiers comme une condition indispensable à la réussite du projet. Chronométrage des tâches, réduction des temps de réunion, disparition des temps morts – tels les moments de convivialité – en sont les principales traductions, avec les conséquences dommageables que l’on imagine.
Quoi qu’il en soit, le passage à la semaine de quatre jours emporte une intensification plus ou moins marquée de l’activité qui conviendra diversement aux collaborateurs. Peu gênante, voire bénéfique pour certains, elle pourra se révéler plus difficilement tolérable pour d’autres. Enfin, les effets sur la santé des travailleurs apparaissent encore incertains, tant les informations sont parcellaires et le recul limité. Cela étant, il ressort des données tirées à ce stade des expériences lancées en France ou à l’étranger que ces effets semblent être, au pire, inexistants et, au mieux, positifs.
Au-delà de ses conséquences pour les entreprises et les individus, la mise en place de la semaine de quatre jours pourrait avoir des incidences plus que plus globales sur l’économie et la société. Premièrement, elle pourrait encourager une résorption des inégalités entre les sexes par le biais d’une diminution de la part des femmes employées à temps partiel et rémunérées en conséquence, comme entre les personnes qui ont accès au télétravail et celles qui en sont exclues parce qu’elles exécutent des métiers ne s’y prêtant pas.
Deuxièmement, la semaine de quatre jours pourrait préserver l’environnement en limitant la consommation énergétique des établissements et les déplacements des salariés. Mais, afin que l’impact soit véritablement positif, il faudrait que le jour non travaillé ne soit pas consacré à des comportements polluants.
Troisièmement, elle pourrait favoriser la croissance de certains secteurs, comme les loisirs ou les travaux d’entretien et d’aménagement, et faciliter l’engagement associatif des citoyens.
M. Stéphane Viry, rapporteur. Quelles conclusions tirer de ces enseignements ? D’abord, le dispositif n’est ni un remède universel aux maux qui affectent le monde du travail, ni une fausse bonne idée sans solution et sans avenir. Pour le dire simplement, il peut contribuer, dans certains cas et sous certaines conditions, à l’amélioration des situations professionnelles et personnelles des travailleurs, mais également des performances des entreprises.
Deuxièmement, le dispositif peut reposer sans difficulté sur les normes juridiques en vigueur. De notre point de vue, une nouvelle loi n’est pas nécessaire, si ce n’est peut-être pour apporter la lisibilité qui fait aujourd’hui légèrement défaut. De plus, il ne saurait être envisagé d’inscrire dans le droit une quelconque disposition sur un déploiement généralisé dans les sociétés privées ou les administrations publiques. Pareille solution serait à nos yeux irréaliste et dénuée de sens. Il est souhaitable de laisser les entreprises choisir l’organisation du temps de travail qui leur convient le mieux. Celles qui entendent instituer la semaine de quatre jours peuvent le faire selon des formules variées, adaptables selon leurs spécificités. Il y a là une souplesse qu’il importe de préserver.
En conclusion, nos travaux me laissent encore très prudent sur la question. Mais j’émets, à titre personnel, un avis en « ballottage favorable » sur l’idée que le dispositif peut constituer une solution. Toutefois, il doit être nécessairement assorti de garde-fous.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). À l’écoute de vos conclusions, plusieurs questions se font jour concernant la pertinence d’un débat autour de la semaine de quatre jours. Je souhaite revenir sur les observations contenues dans votre projet de rapport, précisément celle concernant les motifs conduisant à réévaluer ou à adapter le rythme de travail à l’avenir. Il est flagrant qu’à la question : « Quelles seraient, pour vous personnellement, les deux principales motivations pour changer des rythmes de travail ? », les motivations saillantes sont le temps accordé aux enfants et à soi-même, un meilleur équilibre de vie personnelle et familiale. Dans un contexte où la santé mentale est toujours davantage mise en exergue dans le débat public, il faudra nécessairement mettre au profit de notre réflexion collective ces éléments précis qui influent sur le quotidien des Français.
Selon vous, dans quelle mesure cette semaine de quatre jours pourrait-elle mieux accompagner les familles, notamment monoparentales, dans une optique d’ergonomie de vie et d’organisation ? D’autre part, ce sujet pose également la question de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
M. Jean-François Rousset (EPR). Le travail a toujours été un combat majeur pour notre groupe. Comme le rappelait Gabriel Attal, alors Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale en janvier 2024, « nous devons déverrouiller le travail afin de l’adapter aux nouvelles aspirations de nos concitoyens ». En ce sens, il avait alors proposé de réfléchir non pas à la semaine de quatre jours, mais à la semaine en quatre jours, sans réduction du temps de travail. C’est en ce sens que nous souhaitons continuer à avancer sur ce projet.
Dans votre rapport, vous évoquez des aspects majeurs. En effet, vous soulignez l’importance d’analyser ce dispositif afin d’évaluer s’il convient à l’organisation, à la nature de l’activité et au profil des collaborateurs d’une entreprise. Vous énumérez une liste de questions à se poser lors de la construction d’un tel projet. De fait, ce modèle de la semaine de quatre jours n’est pas adapté à toutes les activités. Par ailleurs, vous insistez sur l’importance de laisser aux entreprises le choix du mode d’organisation du temps de travail le plus approprié pour elles, bien entendu en coordination avec le personnel.
En effet, nous avons besoin de souplesse et le législateur ne doit pas intervenir pour compliquer, mais pour simplifier. En ce sens, quel est, selon vous, le bon équilibre entre l’encadrement de la semaine de quatre jours, qui selon votre rapport passerait par des textes réglementaires ou conventionnels, et la nécessaire liberté laissée aux entreprises pour l’organisation du travail en leur sein ?
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Objet constant de lutte sociale, la réduction du temps de travail a été un processus régulier jusqu’aux lois Aubry sur les trente-cinq heures, qui constituent la dernière avancée nationale en la matière. Toutes les lois sur le temps de travail ont prévu des dérogations, instituant ainsi une norme tout en limitant sa portée. Trente-cinq heures n’est pas la durée maximale hebdomadaire, mais la durée légale qui sert au déclenchement des heures supplémentaires. Le code du travail autorise quarante-huit heures par semaine et quarante-quatre heures en moyenne sur douze semaines. D’autres dérogations aux trente-cinq heures existent avec les forfaits jours où la seule limite est le repos hebdomadaire de onze heures.
Le patronat encourage le travail supplémentaire de certains pour ne pas augmenter les salaires de tous et, ainsi, continuer à rémunérer davantage le capital. La meilleure illustration en est le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy. En répartissant le temps de travail de manière inégalitaire et en fonction de ses seuls intérêts, le patronat n’agit pas pour réduire le chômage de masse et la précarité, car ce chômage de masse et cette précarité lui permettent justement de faire pression sur les salaires.
Je vous renvoie d’ailleurs aux propos de Tim Gurner, dirigeant de Gurner Group. Le 12 septembre 2023, il déclarait : « Il faut que la souffrance revienne dans notre économie. Nous devons rappeler aux gens qu’ils travaillent pour leur employeur et non l’inverse. Désormais, les salariés pensent que leur patron a beaucoup de chance de les avoir. Cette dynamique doit changer. Il faut écraser cette arrogance et cela passe par plus de souffrance dans l’économie. » C’est cru. C’est dur. C’est la mentalité du grand patronat.
Sans réduction du temps de travail, il ne s’agit pas d’une semaine de quatre jours, mais d’une semaine en quatre jours. Elle ne doit donc pas être considérée comme une avancée sociale, mais comme un recul. La semaine de quatre jours doit se concevoir en trente-deux heures. Il faut urgemment agir pour mieux répartir le temps de travail entre tous les actifs, femmes et hommes, jeunes et seniors, à temps partiel, temps complet ou privés d’emploi. Il s’agit d’une mesure écologique et féministe. Travailler moins laisse plus de temps à consacrer à des activités non marchandes, du temps libre pour s’occuper des autres, des enfants, des personnes âgées, de la planète. Cela permet de prendre le temps de réparer plutôt que d’acheter neuf, de cuisiner ou de fabriquer ses produits d’entretien, de participer à des initiatives de type associatif pour une agriculture paysanne, de prendre le vélo ou le train plutôt que l’automobile. Il faut un véritable partage du temps de travail. Avez-vous étudié la question au cours de la préparation de votre rapport ?
Mme Océane Godard (SOC). Notre groupe approuve le fait de donner au travail son importance dans le débat public. Trop souvent, les préoccupations sur le travail demeurent occultées par les discours sur l’emploi. Néanmoins – et vous l’avez nettement précisé – il ne faut pas laisser penser que travailler en quatre jours améliorera à coup sûr la qualité de vie au travail. Le sujet est bien plus complexe et il est nécessaire de prendre en compte tous les éléments : les conditions de travail, l’organisation du travail et du management, la santé et le bien-être au travail, le télétravail.
En ce sens, nous serons proactifs et vigilants. Nous veillerons à ce que les sujets ne soient pas segmentés mais considérés de manière systémique. De même, il faut veiller à la méthode employée. À ce titre, la qualité du dialogue social a été particulièrement maltraitée depuis 2017. Il importe de travailler avec les branches, avec tous les acteurs du dialogue social pour construire un consensus dans le cadre d’un pacte social renouvelé.
Je vous invite à étudier une expérimentation intéressante qui s’est déroulée dans ma région, en Bourgogne-Franche-Comté, au sein de l’entreprise SIS. J’insiste sur le besoin de nuances et de consensus à construire car, si la qualité de vie au travail repose effectivement par des aspirations individuelles, elle passe aussi par le collectif.
Mme Justine Gruet (DR). Je vous remercie de ce rapport d’information. Il permet d’explorer un sujet qui paraît nouveau, mais qui était déjà discuté dans les années 1970. Il répond à un sentiment d’idéal collectif, à une volonté également d’une plus grande flexibilité, pour 64 % des Français.
En termes de sémantique, nous devons différencier la semaine en quatre jours et la semaine de quatre jours. La semaine de quatre jours correspond à une répartition du temps de travail, en diminuant sa durée. Cela ne semble pas adapté quand la France est déjà l’un des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques où l’on travaille le moins. La semaine en quatre jours semble, au regard de votre rapport, davantage plébiscitée par les femmes, les moins de 35 ans et les classes populaires.
Alors que nous travaillons déjà en moyenne trente-huit heures par semaine et que 45 % de nos concitoyens salariés ont des horaires atypiques, cela nous interroge sur plusieurs points. N’allons-nous pas créer une vraie iniquité entre les salariés, ceux pour qui la semaine de quatre jours est possible et ceux qui travaillent où elle ne l’est pas ? Ne devrions-nous pas réfléchir collectivement à mieux séparer la vie professionnelle de la vie personnelle et familiale ? Je pense ici aux messages électroniques qui arrivent le soir ou le dimanche sur les téléphones portables personnels et qui viennent empiéter sur le temps de repos ou, à l’inverse, aux messages personnels qui arrivent en journée sur le lieu de travail. Qu’en est-il de nos artisans, commerçants, agriculteurs et professions libérales qui ne comptent pas leurs heures de travail ?
Je tiens à vous remercier pour cette mission de qualité menée aux côtés de notre ancien collègue Paul Christophe. Le travail est considéré par notre groupe comme une source d’épanouissement. En cloisonnant les moments de vie pour disposer de vrais temps de repos et d’instants précieux consacrés à la famille, aux loisirs, à l’engagement associatif, à l’accompagnement d’un proche, on recréerait une véritable efficacité au travail et un état d’esprit collectif.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). La semaine de quatre jours est une idée qui fait son chemin, à juste titre. De notre point de vue, elle ne doit pas être envisagée seulement comme une simple adaptation de nos rythmes de travail. Nous croyons que l’on peut travailler moins, mieux et tous. Tel est d’ailleurs le sens de notre histoire sociale.
Il s’agit d’une transformation profonde de notre rapport au temps, au travail et à la société. Réduire la semaine de travail à quatre jours peut s’accompagner d’une baisse du temps de travail global. Si cette mesure est en quelque sorte dévoyée pour que les salariés accomplissent les mêmes tâches en quatre jours au lieu de cinq, elle perdra une partie de son sens. À ce titre, nous devons nous rappeler pourquoi cette idée est apparue. Elle est le fruit d’une réflexion sur le partage du travail, sur la nécessité de mieux répartir les richesses et les temps de vie.
Alors que la productivité a augmenté et que l’automatisation fait son œuvre, il est crucial que ces gains de productivité profitent à tous. Actuellement, la durée légale en France est de trente-cinq heures par semaine, mais les salariés français sont en moyenne à la tâche trente-neuf heures. Ils travaillent plus, ne vous en déplaise. Réduire la semaine de travail à trente-deux heures hebdomadaires, tout en répartissant ces heures sur quatre jours, permettrait de redistribuer le temps sans perte de salaire, comme l’ont montré plusieurs expériences en France et à l’étranger. Par exemple, au Royaume-Uni, une expérimentation dans soixante‑et‑une entreprises a révélé une augmentation de la productivité de 40 % et une baisse de 65 % des arrêts maladie. En ce sens, la réduction du temps de travail doit être pensée avec une véritable politique publique du temps libéré.
C’est ici que se situe la promesse d’une société plus juste et plus humaine. Il ne suffit pas de libérer du temps. Il faut aussi créer les conditions pour que chacun puisse l’utiliser de manière épanouissante et émancipatrice. Développer les infrastructures culturelles et sportives, promouvoir la formation tout au long de la vie, encourager les engagements associatifs et solidaires, faciliter l’accès à la culture et aux loisirs, telles sont les voies à explorer pour une semaine de quatre jours qui soit un véritable progrès social.
M. Nicolas Turquois (Dem). J’ai apprécié l’exhaustivité de votre présentation sur ce que permet la loi, en matière publique ou en matière privée, mais aussi votre humilité devant la difficulté à tirer des enseignements définitifs, compte tenu des données parcellaires existantes sur votre sujet. Cette réflexion intéresse clairement de plus en plus nos concitoyens, notamment les plus jeunes, parce qu’elle offre de la souplesse et qu’elle permet parfois de concilier au mieux le travail avec la vie privée. Elle intéresse aussi des entreprises parce qu’elle autorise un meilleur usage des facteurs de production.
Cependant, il me semble que votre rapport ne questionne pas suffisamment l’impact macroéconomique selon que l’on parle d’une semaine de quatre jours avec réduction du temps de travail ou d’une semaine en quatre jours. Dans mon groupe, nous considérons que l’une des faiblesses structurelles de notre pays réside dans le manque de production de richesses pour assumer un système de protection sociale de notre qualité.
En conséquence, nous sommes plutôt favorables à des solutions qui permettraient une augmentation du temps de travail et non sa diminution. En revanche, nous trouvons intéressant de favoriser une plus grande souplesse, qui ne doit pas s’exercer au détriment des salariés. Le cadre doit être protecteur dans la mesure où la semaine en quatre jours ne correspond pas aux aspirations de tous.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Thibault Bazin (DR). Messieurs les rapporteurs, votre approche prudente et humble face à la complexité du sujet doit être saluée. Votre conclusion semble justifiée au regard des premiers retours d’expérience, non seulement en France mais aussi à l’étranger. Même en Belgique, où a été instaurée la liberté de choisir entre quatre et cinq jours, un Belge sur deux cents seulement a choisi cette possibilité. Plus intéressante encore est l’expérience menée par l’Urssaf Picardie sur la base du volontariat. Sur deux cents salariés éligibles, même si les trois quarts étaient au départ intéressés, trois seulement se sont réellement engagés, tous sans enfant à charge.
La question de l’organisation des heures d’école, de garderie périscolaire ou de crèche est en effet cruciale quand la journée de travail s’allonge. L’organisation du temps de travail ne peut pas être étudiée sans s’intégrer dans l’organisation générale de notre société. La France a besoin de ressources humaines pour assurer des services publics sept jours sur sept, tels que la sécurité ou la santé. Dans quelle mesure la généralisation de la semaine de quatre jours rendrait-elle les secteurs, notamment régaliens, de sécurité et de protection de soins, moins attractifs demain ? Alors que le développement du télétravail a parfois généré un sentiment d’injustice pour ceux dont le métier ne le permet pas, ne risque-t-on pas d’accroître des fractures dans notre société ?
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ce rapport s’inscrit dans la droite ligne du discours de politique générale qu’avait prononcé Gabriel Attal. Il y expliquait qu’il fallait faire en quatre jours ce que nous faisons aujourd’hui en cinq jours.
Aujourd’hui, la productivité du travail en France diminue pour différentes raisons. Ainsi, 43 % des salariés se déclarent en souffrance au travail et 20 % en souffrance extrême ; 500 000 situations d’épuisement professionnel sont à déplorer. Notre pays est celui qui enregistre le plus grand nombre d’accidents du travail. En réalité, il aurait fallu interroger la santé au travail autour de cette semaine de quatre jours.
Je vous alerte sur le fait que les secteurs intensifs en main-d’œuvre, simultanément ceux où les salaires sont les plus faibles, sont aussi ceux qui souffriraient les premiers d’une semaine en quatre jours et non pas d’une semaine de quatre jours.
M. Stéphane Viry, rapporteur. Je suis assez satisfait d’entendre que vous avez mesuré la volonté d’objectiver qui a guidé notre étude, au cours de laquelle nous avons été confrontés à des données rudimentaires et incertaines. Nous avons cherché à raisonner de façon claire sur la productivité, la qualité de vie au travail, l’absentéisme, la santé mentale. À ce jour, il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives et il me semble opportun que ce travail soit reconduit d’ici deux ans par notre commission. Cependant, lors de nos auditions, nous avons ressenti une aspiration à réfléchir autrement à la question du travail. Le paradigme a totalement changé : il met en avant une quête de sens, une meilleure articulation entre vie privée et vie professionnelle et, partant, une autre organisation du temps de travail.
Vous avez rappelé notre attitude faite de prudence et d’humilité. Le leitmotiv consiste à ne pas altérer la capacité des entreprises à produire, à n’affaiblir ni le chiffre d’affaires ni la productivité globale et individuelle. Lors de nos auditions, nous avons pu constater que du côté des entreprises, le passage à la semaine en quatre jours a pour objet de fidéliser les salariés et d’attirer de nouveaux collaborateurs. Dès lors que la performance économique n’en est pas affectée, cette modalité peut permettre de s’organiser autrement et d’adopter une relation de travail différente.
Monsieur Taché de la Pagerie, vous avez évoqué la question du temps libre, de l’équilibre de vie, de l’égalité salariale femmes-hommes et de la répartition des tâches. Dans les témoignages que nous avons recueillis, nous avons constaté que, dans les entreprises qui avaient privilégié cette nouvelle organisation, il existait une aspiration à la hausse du salaire des femmes. En effet, dans le modèle actuel, celles qui doivent s’occuper des enfants choisissent de ne travailler qu’à 80 %, ce qui implique un salaire à 80 %. Ce passage à quatre jours leur permet un temps de travail normal et 20 % de salaire en plus. Avec la mesure et la prudence qui caractérisent nos travaux, ces six mois d’investigation ont permis de montrer que le dispositif pouvait être un facteur contributif d’évolution sociétale.
Monsieur Rousset, ce dispositif est en phase d’expérimentation. En tant que rapporteurs, nous nous sommes efforcés d’écrire un chemin permettant d’éclairer les entreprises qui pourraient être intéressées par ce changement dans l’organisation du temps de travail. La direction générale du travail nous a d’ailleurs indiqué qu’elle envisageait d’écrire un guide pour recenser les bonnes pratiques. Pour ma part, je considère qu’il faut laisser les accords d’entreprise se nouer au plus près du terrain, pour respecter les spécificités de tous.
Monsieur Boyard, notre rapport ne suggère effectivement pas de réduire le temps de travail, mais de l’organiser différemment. Cela ne nous a pas empêché d’auditionner des promoteurs de la semaine en trente-deux heures et des entreprises qui l’avait mise en œuvre. L’audition de Pierre Larrouturou a été captivante. Nous avons entendu deux entreprises, LDLC et Yprema, qui ont choisi quatre jours en réduisant le volume à trente-deux heures sans perte de salaire. Les reculs de productivité ont été nuls ou marginaux pour ces deux sociétés qui avaient fait ce choix pour améliorer leur attractivité et fidéliser leurs salariés.
Madame Godard, l’approche systémique est effectivement importante. Le passage doit reposer sur un accord d’entreprise. Je suis favorable à ce que la ministre du travail rencontre les branches professionnelles et qu’elle tente une forme de « dynamisation sociale », dans le cadre du dialogue social.
Madame Gruet, l’aspiration des salariés est profonde. Une partie de plus en plus importante d’entre eux fait état d’un besoin de liberté dans le travail. Nous l’avons entendu, sans pour autant préconiser une liberté absolue qui risquerait de déstructurer l’entreprise, d’affaiblir sa productivité ou l’équité qui doit régner en son sein. C’est la raison pour laquelle nous recommandons un dialogue sur le terrain pour définir une solution gagnant-gagnant, pour tout le monde. J’ajoute que, lorsque nous avons auditionné les représentants des syndicats de salariés, nous n’avons pas eu le sentiment qu’ils étaient particulièrement demandeurs ; ils adoptaient plutôt une position d’attente.
Monsieur Turquois, je comprends votre remarque concernant la faiblesse de nos travaux sur le plan macroéconomique. Il n’a pas été possible de fournir des données dans la mesure où il n’en existe pas suffisamment. C’est précisément la raison pour laquelle il faudra remettre le sujet sur l’ouvrage. Le Parlement ne doit pas se laisser dépouiller de cette question fondamentale.
Monsieur Bazin, des échecs ont effectivement été enregistrés à l’Urssaf Picardie, mais également dans une compagnie d’assurance mondialement connue. Dans ces deux cas, les salariés demandeurs se sont rendu compte qu’ils n’en voulaient finalement pas, ou alors que l’entreprise s’en trouvait désorganisée, notamment dans sa relation avec la clientèle. Cependant, dans certains établissements hospitaliers, les personnels de santé, notamment les infirmiers et les aides-soignants, étaient très attachés à cette idée, de manière fractionnée. Ils considèrent que la semaine de quatre jours, quitte à travailler une à deux heures de plus au quotidien, offre un jour de répit supplémentaire qui permet de se détacher d’un contexte de travail parfois difficile.
Madame Rousseau, nous avons naturellement passé une matinée pour évoquer ces sujets avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), la médecine du travail et des universitaires. Leur position a été plus philosophique que doctrinale dans la mesure où il n’existe pas encore de retour sur l’usure professionnelle et sur la santé au travail. Des mises en garde ont été adressées. Nous les comprenons. Mais dans notre rapport, au-delà d’exprimer l’importance du bien-être des salariés, nous ne pouvions aller plus loin. L’Anact elle-même a indiqué qu’il n’existe pas suffisamment de retours d’évaluations en l’état.
M. François Gernigon, rapporteur. Je ne dispose pas du recul de mon collègue rapporteur, n’ayant pas participé à tous les travaux de la mission d’information. J’ai cependant rencontré il y a quelques semaines dans le Maine-et-Loire une entreprise du bâtiment d’une quinzaine de salariés qui a mis en place un tel système à la demande de certains personnels. Cette évolution ne s’est pas effectuée de manière uniforme dans l’entreprise. Certaines équipes travaillent du lundi au jeudi et d’autres du mardi au vendredi, mais le personnel administratif est encore présent cinq jours par semaine. Il s’agit ici aussi d’une expérience et le recul manque encore pour tirer des enseignements complets. Le chef d’entreprise m’a néanmoins indiqué qu’elle avait permis un dialogue social. J’estime qu’il s’agit là de l’élément le plus important : une démarche libre, qui n’est pas imposée par une décision unilatérale ou une branche.
Il faut certes fixer un cadre, réfléchir au sein des branches, mais la décision doit appartenir à chaque entreprise, dans le dialogue. Il n’y a pas une solution unique mais des solutions, qu’il s’agisse du public ou du privé. Quoi qu’il en soit, le sujet mérite d’être encore investigué, en étant à l’écoute des initiatives mises en place sur le terrain.
M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie pour la qualité de ce travail et de vos interventions.
En application de l’article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’information.
La réunion s’achève à douze heures quarante-cinq.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– M. François Gernigon corapporteur de la mission d’information sur la semaine de quatre jours ;
– M. Thomas Ménagé rapporteur de la proposition de loi visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités (n° 384) ;
– ses référents auprès des organismes suivants :
Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé |
Mme Karen Erodi |
Haute Autorité de santé |
M. Yannick Neuder |
France Travail |
M. Nicolas Turquois |
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé |
M. Thierry Frappé |
Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail |
Mme Nathalie Colin-Oesterlé |
Santé publique France |
M. Sébastien Peytavie |
Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales |
M. Théo Bernhardt |
Établissement français du sang |
M. Jean-François Rousset |
Institut national du cancer |
M. Arnaud Simion |
Agence de la biomédecine |
M. Thierry Frappé |
France compétences |
Mme Christine Le Nabour |
Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes |
M. Gaëtan Dussausaye |
Unedic |
Mme Océane Godard |
Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail |
M. Didier Le Gac |
Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale |
M. Paul-André Colombani |
Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge |
Mme Karine Lebon |
Comité national consultatif des personnes handicapées |
M. Olivier Fayssat |
Défenseur des droits |
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi |
Agence française de l’adoption |
Mme Zahia Hamdane |
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, Mme Anchya Bamana, M. Thibault Bazin, M. Belkhir Belhaddad, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Sandra Delannoy, M. Arthur Delaporte, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Jean Laussucq, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. René Lioret, M. Benjamin Lucas-Lundy, M. Sylvain Maillard, Mme Hanane Mansouri, Mme Graziella Melchior, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Béatrice Bellay, M. Hendrik Davi, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon
Assistait également à la réunion. – M. Damien Maudet