Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Audition de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins, M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi, et M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325)               2

– Présences en réunion.................................40

 

 

 

 

 


Mercredi
16 octobre 2024

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 5

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


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La réunion commence à dix-sept heures.

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

La commission auditionne Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins, M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi, et M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 325).

M. le président Frédéric Valletoux. Nous commençons cet après-midi nos travaux relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 avec l’audition de quatre ministres : Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins ; M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes ; Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi ; M. Laurent Saint‑Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics.

La semaine dernière, le bureau de la commission a reconduit les modalités d’organisation de cette audition adoptées l’an dernier. Après les ministres interviendront donc successivement le rapporteur général, pour trois minutes ; les quatre rapporteurs thématiques, pour deux minutes chacun ; le rapporteur pour avis de la commission des finances, pour deux minutes ; les orateurs des groupes politiques, pour quatre minutes chacun ; les autres députés, pour deux minutes chacun.

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics. Pour ma part, j’évoquerai essentiellement le cadre des finances publiques qui sous-tend ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Je préciserai le calendrier, puis la méthode, avant de me concentrer sur les enjeux de finances publiques.

D’abord, du fait des circonstances que vous connaissez, le calendrier de préparation du texte a été particulièrement contraint. J’ai pleinement conscience que ce n’est pas sans conséquence, notamment sur le contenu du texte que le Premier ministre a qualifié de « perfectible ». Il est donc important que nous travaillions ensemble pour l’améliorer. Je crois sincèrement aux vertus de l’écoute, du dialogue et de la concertation, qui sont d’ailleurs au fondement de notre modèle de protection sociale.

Nous devons dialoguer avec vous, mais aussi avec les partenaires sociaux et les organisations professionnelles patronales et syndicales. Lundi, devant la Commission des comptes de la sécurité sociale, j’ai dit que nous devions et que nous saurions être à l’écoute de toutes les propositions qui iraient dans le sens d’un rééquilibrage des comptes.

C’est autant à la lumière de la situation globale des finances publiques que de la situation spécifique des comptes sociaux que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prend son sens. Vous le savez, notre déficit public est trop important. Il pourrait être supérieur à 6 % du PIB à la fin de l’année. Nous avons donc l’ambition de le ramener à 5 % à l’horizon 2025, ce qui représente un effort de réduction d’environ 60 milliards d’euros, en fonction de l’évolution tendancielle.

S’agissant des comptes sociaux, le rapport présenté par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale illustre la gravité de la situation : en 2024, le déficit de la sécurité sociale augmentera de près de 8 milliards d’euros et pourrait s’élever à 28 milliards en 2025, en l’absence de mesures nouvelles. Autrement dit, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 marque une étape importante vers le retour progressif à l’équilibre de nos comptes sociaux – donc de nos comptes publics –, tout en ouvrant de nouveaux droits.

L’esprit de responsabilité qui doit nous animer impose de renouer avec une trajectoire de finances sociales soutenable. Il y va de la pérennité du modèle de protection sociale, fondé sur la solidarité intergénérationnelle. La soutenabilité est la première condition de la solidarité.

Vous connaissez les raisons de ce déséquilibre : nous avons fait le choix nécessaire et juste de dépenser pour protéger nos concitoyens face aux crises sanitaires et économiques de ces dernières années. C’est la principale raison du déficit social. Les crises sont désormais derrière nous. La croissance devrait atteindre 1,1 % en 2025. Le taux de chômage, qui est passé sous la barre des 8 %, est au plus bas depuis quarante ans. L’inflation, désormais inférieure à 2 % et qui serait de 1,8 % en 2025, est contenue.

Par conséquent, nous proposons un effort de freinage proportionné de la dépense sociale, se traduisant par une progression maîtrisée de la dépense des régimes obligatoires de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de plus de 8 %, soit 18 milliards d’euros, contre 5,3 % en 2024. Le PLFSS prévoit des mesures visant à redresser le solde dès 2024. En 2025, l’équilibre de quatre branches permettra de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros, tout en finançant des mesures nouvelles.

Le report de l’indexation des pensions de retraite – étant entendu que les minima sociaux seront revalorisés à la date prévue – permettra de dégager plus de 3 milliards d’euros pour la sécurité sociale, auxquels s’ajouteront plus de 2 milliards d’euros au titre du relèvement de quatre points du taux de cotisation des employeurs publics de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

La maîtrise des dépenses de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) contiendra sa progression à son niveau spontané de 2,8 %. Cette ambition ne sera satisfaite qu’à condition de financer les mesures nouvelles que le Gouvernement s’est engagé à prendre, à due concurrence, par un effort de maîtrise de la dépense représentant 4,9 milliards d’euros d’économies. Il reposera sur l’ensemble des acteurs du système de santé tout en préservant les assurés, dont le reste à charge a baissé de plus de deux points en dix ans. Il passera également par le relèvement du ticket modérateur à hauteur de 1,1 milliard d’euros, ce qui mettra davantage à contribution les organismes complémentaires, dont la part de prise en charge de la consommation de soins et de biens médicaux baisse tendanciellement. La baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières sera sans effet sur les salariés rémunérés en deçà de 1,4 Smic, ce qui dégagera 600 millions d’euros d’économies dès 2025. Enfin, le relèvement des franchises et des participations forfaitaires acté en 2024 montera en charge, avec une hausse de 300 millions d’euros.

La maîtrise de l’Ondam reposera également sur des mesures d’efficience. Le plan de maîtrise du prix des produits de santé et le plan de sobriété des usages, qui contribueront à hauteur de 1,2 milliard et de 400 millions aux économies, permettront de contenir la progression des dépenses de produits de santé, malgré une augmentation de 2,3 %. L’optimisation des achats, notamment à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux, dégagera 700 millions de moindres dépenses. Les mesures de limitation des dépenses de radiologie et d’imagerie médicale équivaudront à une économie de 300 millions d’euros. Enfin, 300 millions d’euros d’économies sont attendues dans le champ de la régulation des soins de ville et des dépenses liées au covid‑19. Au-delà de ces économies de près de 5 milliards d’euros, les efforts de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude doivent monter en charge.

Par ailleurs nous proposerons des réformes d’efficience, comme la refonte des allégements généraux, pour lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires en dépensant moins.

Enfin, la révision des niches sociofiscales, dans le cadre des réformes relatives aux dispositifs sectoriels, est prévue à l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de mesures visant à prendre en compte de manière plus fine les usages s’agissant des avantages en nature, notamment les véhicules de fonction, ou encore de mesures de lutte contre l’optimisation sociofiscale.

Ce projet de loi de financement est un coup de frein réel tout autant que raisonnable. Il nous laisse suffisamment de marge de manœuvre pour à la fois préserver notre système de protection sociale et continuer à agir. En effet, nous continuons à agir pour les professionnels de santé libéraux, dont les revalorisations seront présentées par la ministre de la santé et de l’accès aux soins ; pour l’hôpital, dont le budget progressera de plus de 3 milliards ; pour les établissements sociaux et médico-sociaux, dont le budget augmentera également, permettant d’honorer les engagements pris dans les domaines du handicap et du grand âge.

L’effort de maîtrise de la dépense sera juste et réparti entre les branches, en cohérence avec les besoins identifiés et les priorités du Gouvernement.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins. Posons-nous des questions simples : où en sommes-nous ? Où allons-nous ? Je ne tiendrai pas un discours triomphaliste : la situation des finances publiques exige de la responsabilité, une responsabilité dont dépendent la soutenabilité et la pérennité de notre modèle de protection sociale. Je veux toutefois vous convaincre que ce budget est positif car il sera facteur de progrès dans le domaine de la santé.

Le déficit de la branche maladie pour 2025 est estimé à 13,4 milliards d’euros. Cette dynamique importante démontre que les besoins croissent ; il est nécessaire que nous les financions. En outre, notre modèle social, héritage du Conseil national de la Résistance, doit être préservé. Aussi ce projet de loi de financement de la sécurité sociale marque-t-il une étape importante dans l’ouverture de nouveaux droits au service de nos concitoyens, tout en œuvrant à la recherche d’une amélioration de la trajectoire de nos comptes sociaux en vue d’un retour progressif à l’équilibre – objectif responsable.

Comme l’a rappelé le Premier ministre, la santé des Français demeure plus que jamais une priorité. Ce budget le prouve : il s’inscrit dans la continuité de ses engagements pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens en matière de santé et d’accès aux soins.

C’est d’abord un budget de progrès, comme en témoigne la trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie. C’est également un budget d’action pour la santé de tous les Français, avec la poursuite des investissements nécessaires pour garantir l’accès aux soins et protéger l’hôpital.

Pour répondre à ces impératifs, l’Ondam augmentera de 2,8 % en 2025 pour atteindre 264 milliards d’euros, soit une hausse de 9 milliards d’euros par rapport à 2024 et de 60 milliards d’euros par rapport à 2019. Tous les ans, l’Ondam progresse du fait de la poursuite des financements d’investissements et de mesures nouvelles, notamment le Ségur de la santé.

Cette trajectoire assure le financement de nos priorités : améliorer l’organisation du système de santé, assurer son financement, renforcer les politiques en matière de santé mentale et de psychiatrie, travailler à l’attractivité des métiers et accompagner les innovations.

Le PLFSS permet de poursuivre la dynamique de renforcement de l’accès aux soins dans tous les territoires. Nous continuerons d’accompagner les maisons de santé pluridisciplinaires, nous poursuivrons la stratégie « d’aller vers », nous respecterons l’engagement contractuel à l’égard des médecins généralistes dont le prix de la consultation passera à 30 euros à l’échéance prévue.

Par ailleurs, nous menons une action résolue en faveur des soins palliatifs grâce à la stratégie décennale qui, dotée de 1 milliard d’euros, renforcera massivement ces soins dans tous les territoires. Dès la première année d’application, en 2025, 100 millions d’euros seront investis.

La prise en charge de la santé mentale, érigée en grande cause nationale pour l’année 2025 par le Premier ministre, progressera, avec près de 100 millions d’euros mobilisés. Ainsi, le dispositif Mon soutien psy sera renforcé : douze séances, au lieu de huit aujourd’hui, seront remboursées et le prix des consultations sera revalorisé. Les jeunes pourront accéder au dispositif de prévention du suicide VigilanS. Les services d’accès aux soins (SAS) intégreront progressivement une filière d’accès aux soins en psychiatrie afin d’apporter des solutions à nos concitoyens dans les territoires.

Nous amplifierons les politiques en faveur de la prévention, afin d’atteindre nos grands objectifs en matière de santé et d’accès à la santé. À cet égard, Mon bilan prévention, politique importante de dépistage aux âges clefs de la vie, sera généralisé afin de jouer un rôle moteur. La campagne de vaccination contre le papillomavirus sera reconduite au collège. Ces actions seront menées avec les agences régionales de santé (ARS), grâce à une augmentation de 10 % du budget des fonds d’intervention régionaux (FIR).

Pour faciliter la gestion des ressources humaines dans les établissements publics sanitaires et médico-sociaux, et pour éviter d’aggraver leurs difficultés budgétaires, le montant des rémunérations versées aux intérimaires sera plafonné.

Enfin, dans un contexte d’aggravation des ruptures de stocks dans l’ensemble des pays européens, le projet de loi de financement garantit l’accès aux médicaments et aux produits de santé à tous les Français. Il s’inscrit dans la continuité de la feuille de route ambitieuse, présentée au mois de février 2024 par le précédent Gouvernement, pour la disponibilité des médicaments et une stratégie de relocalisation industrielle de certaines molécules.

L’amélioration de la pertinence des dépenses atteste que ce PLFSS est un budget de responsabilité. Il s’agit de dépenser bien et mieux en responsabilisant l’ensemble des acteurs, qui devront participer à la maîtrise de la progression des dépenses. À cet égard, des accords tarifaires doivent être conclus avec eux, à l’instar de celui signé entre l’assurance maladie et les représentants des professionnels de santé dans l’imagerie et la biologie. Nous devons également améliorer l’efficience des transports des patients, élargir les dispositifs d’accompagnement des prescripteurs créés dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale pour la pertinence des prescriptions, ou encore simplifier les modes de calcul de la clause de sauvegarde s’appliquant aux médicaments. Ces questions feront l’objet d’un travail de coconstruction entre la Caisse nationale de l’assurance maladie et les acteurs de la santé.

Nous attendons en 2025, de manière responsable, un effort de 89 milliards d’euros d’économies auquel chacun doit prendre sa part. Il convient de poursuivre le dialogue avec vous et avec tous les acteurs pour en définir les modalités concrètes de mise en œuvre afin d’atteindre la cible d’économies fixée ; aucune disposition présentée n’est figée. Nous avons envisagé des mesures de transfert vers les complémentaires santé à hauteur de 1 milliard d’euros, la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières financées par l’assurance maladie, un plan de maîtrise du prix des produits de santé pour 1,2 milliard d’euros, ou encore des mesures d’efficience s’appliquant à l’hôpital.

Du reste, les économies ne se feront jamais au détriment de l’hôpital, qui a tant besoin de soutien. Le sous-Ondam hospitalier s’élève à 3,01 %. Nous financerons toutes les mesures du Ségur engagées, notamment les mesures salariales. Par ailleurs, nous poursuivrons le travail accompli avec la réforme de 2022 relative à l’activité de soins critiques qui visait à mieux la répartir sur le territoire et à renforcer les exigences en matière de qualité et de sécurité des soins. Je continuerai à être aux côtés des hôpitaux, dont l’activité reprend progressivement – c’est un signe positif –, afin qu’ils embauchent rapidement du personnel.

Pour conclure, il est impératif d’assurer la soutenabilité de notre système de santé, percuté par les contingences démographiques et les maladies complexes qu’il faut financer, en travaillant à une plus grande maîtrise des dépenses. Nous devons réfléchir à une transformation des modes de financement ainsi qu’au renforcement de la prévention. Nous ferions alors œuvre utile pour notre pays et nos concitoyens qui doivent garder confiance dans ce système.

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans le contexte budgétaire actuel, si nous n’arrivions pas à conforter dans la durée notre modèle de solidarité, les plus vulnérables seraient les premiers à souffrir. Le ministère prend toute sa part à l’effort collectif pour le préserver. Comme mes collègues, j’ai travaillé pour vous présenter un projet tourné vers l’avenir.

S’agissant de la méthode, nous devons renforcer l’efficience des moyens publics alloués à la branche famille et à la nouvelle branche autonomie, que nous sommes plusieurs à avoir contribué à créer. Nous nous efforcerons en particulier d’améliorer les pratiques d’achat des établissements pour personnes âgées ou en situation de handicap. Des ressources seront mises en commun au sein des nouveaux groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux, dont nous devons intensifier le déploiement.

Les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont toute leur place dans l’offre d’aujourd’hui et de demain, à condition de mettre en commun leurs ressources et de diversifier leurs activités pour répondre aux besoins en évolution de leur territoire. Par ailleurs, nous devons lutter contre les pratiques de surmédicalisation qui n’améliorent ni la santé ni la qualité de vie. Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de limiter les dépenses d’intérim qui grèvent les budgets des établissements médico-sociaux et des établissements de santé.

S’agissant des établissements d’accueil du jeune enfant, je n’ignore rien des révélations récentes, qui s’apparentent à un détournement des moyens publics au regard de leurs objectifs. Dans les mois à venir, nous appliquerons l’article 18 de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi qui permet un contrôle financier au siège des groupes. D’ici à la fin de l’année, nous prendrons, avec la ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance Agnès Canayer, un décret d’application contre les pratiques commerciales douteuses, telles les frais annexes facturés aux familles, en précisant clairement le périmètre des dépenses publiques éligibles au complément de libre choix du mode de garde. En lien avec vous et avec les fédérations, j’aurai à cœur d’aller plus loin, non pas pour faire des économies sur le dos de ces publics, mais pour faire toujours mieux avec les moyens des citoyens. Derrière l’efficience de la dépense publique se posent en effet les questions de la qualité d’accompagnement et de la lutte contre toute forme de maltraitance, sur lesquelles je serai intraitable.

L’augmentation du budget d’investissement dans l’avenir permettra d’accompagner toutes les familles, de la petite enfance au grand âge, et de garantir la pleine participation des personnes en situation de handicap à notre société. Notre avenir sera marqué par une transition démographique inédite, qu’il nous incombe d’accompagner dès maintenant. Nous aurons besoin de tous les talents et de toutes les énergies pour soutenir notre économie, notre vie associative et l’implication citoyenne sur lesquelles repose notre système de solidarité.

D’abord, s’agissant de la politique familiale – une des priorités du Gouvernement –, les moyens du service public de la petite enfance sont confortés et sécurisés avec une hausse de près de 10 % des prestations familiales extralégales – le fonds national d’action sociale. Ces dépenses supplémentaires visent à soutenir les familles en mettant fin aux tensions sur l’offre d’accueil et à offrir une diversité de solutions adaptées au quotidien et aux besoins de tous. Concrètement, nous renouvelons l’objectif de création de 35 000 places en établissements d’accueil du jeune enfant en finançant les investissements nécessaires à l’horizon 2027. Nous poursuivrons la revalorisation des professionnels, essentiels pour répondre à notre ambition pour la petite enfance, en versant dès cette année le bonus attractivité qui entraînera des augmentations de salaire net à hauteur de 150 euros en moyenne en début de carrière. Nous veillerons à harmoniser les différentes conventions pour faciliter la mobilité professionnelle.

À partir du 1er janvier 2025, le service public de la petite enfance bénéficiera d’un nouvel élan grâce au transfert aux communes des compétences obligatoires d’organisation de l’accueil du jeune enfant. Elles recenseront ainsi l’offre et l’ensemble des besoins sur leur territoire avant de planifier le développement de nouveaux modes d’accueil. Cette vision d’ensemble les confortera dans leur rôle d’information des familles. Enfin – et c’est le plus important –, elles disposeront de nouveaux outils pour assurer la qualité de l’accueil du jeune enfant et sa sécurité au quotidien. Malgré la situation budgétaire, elles recevront un soutien financier de l’État de 86 millions d’euros pour atteindre ces objectifs.

Le Gouvernement et un grand nombre d’entre vous portent une attention particulière aux familles monoparentales, dont la charge, premier frein périphérique à l’accès à l’emploi, incombe le plus souvent aux femmes. À partir de 2025 sera mise en œuvre une réforme du complément du libre choix du mode de garde, financée par la branche famille à hauteur de 600 millions d’euros en année pleine. Pour les familles monoparentales, ce dispositif s’appliquera jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 12 ans, contre 6 ans actuellement. L’accès facilité à un mode de garde permettra aux parents de concilier leurs différents temps de vie, de s’accorder des temps de répit bénéfiques à toute la famille, d’encourager leur accès à l’emploi et leur maintien dans celui-ci. Enfin, pour lutter contre la pauvreté des enfants, les prestations familiales seront revalorisées en fonction de l’inflation au 1er avril. Au total, les dépenses de la branche famille augmenteront de près de 2 milliards d’euros.

Je sais que vous proposerez des mesures relatives au congé de naissance, afin de favoriser le bon développement de l’enfant lors de ses 1 000 premiers jours et de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec Agnès Canayer et Salima Saa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, nous continuerons à travailler sur ce dispositif qui trouvera toute sa pertinence dès lors qu’il constituera un choix supplémentaire pour les familles concernées sans rien retirer aux autres.

L’ambition en matière de fraternité évoquée par le Premier ministre s’appliquera également aux personnes en situation de handicap. Avec Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, nous souhaitons conforter la dynamique impulsée par les Jeux paralympiques en faveur d’une société plus inclusive. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit donc une accélération du déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement, qui bénéficient d’une enveloppe de 1,5 milliard d’euros au total à l’horizon 2030. Alors que 200 millions d’euros devaient y être consacrés chaque année, nous portons l’enveloppe annuelle à 270 millions d’euros pour 2025.

Les concertations menées sur le terrain par les ARS, les conseils départementaux et les associations avancent vite. Toutes les personnes impliquées jouent le jeu. D’ici à 2025 seront déployées 15 000 solutions plus individualisées, plus adaptées aux besoins si spécifiques des personnes et au plus près de leur lieu de vie.

Nous porterons une attention particulière à l’école pour tous car un camarade de classe en situation de handicap pourrait être un ami, un futur collaborateur professionnel, un futur employeur ou un futur époux. La société inclusive que nous appelons de nos vœux doit démarrer dès le début de la vie avec la lutte contre les préjugés. L’école inclusive a besoin de moyens d’accompagnement médico-sociaux que mon ministère doit être en mesure de fournir. À cet égard, nous avons lancé le déploiement d’un soutien médico-social renforcé dans quatre départements à la rentrée 2024. Nous avons les moyens pour aller plus loin en 2025 avant une généralisation du dispositif.

Le fonds d’appui à la transformation des établissements et services pour personnes handicapées, doté d’une enveloppe de 250 millions d’euros annoncée lors du comité interministériel du handicap et confirmée dans le projet de loi de financement, financera le déploiement d’instituts médico-éducatifs. Nous mettons ainsi tout en œuvre pour que les personnes concernées mènent la vie qu’elles souhaitent en bénéficiant d’un accompagnement en fonction de leurs besoins en vue d’être pleinement autonomes. Il y va de l’égalité des droits promise par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont nous fêterons cette année les vingt ans. Je serai également à votre écoute sur ces questions.

J’en viens à un sujet qui mérite notre attention : le vieillissement. Malgré les progrès accomplis, les défis à relever restent majeurs. Les personnes de plus de 85 ans sont susceptibles d’avoir besoin d’un soutien à l’autonomie. Or, leur nombre augmente à l’horizon 2030. Il faut nous y préparer dès maintenant en nous assurant que l’offre globale – Ehpad, services à domiciles, solutions intermédiaires innovantes, comme les colocations intergénérationnelles et les résidences autonomie – permet à nos concitoyens de vivre bien et satisfont leurs besoins, quel que soit leur âge.

Dans l’intérêt des résidents et des professionnels, il faut mettre fin aux difficultés financières des Ehpad ; 90 % des établissements de demain existent déjà, et nous avons besoin d’eux. Plusieurs rapports parlementaires l’ont montré : ces difficultés sont structurelles. J’ai l’intention d’apporter, avec vous, des solutions pérennes. Les taux d’occupation n’ont jamais retrouvé le niveau d’avant la crise sanitaire, preuve qu’il est nécessaire de transformer les Ehpad et les services qu’ils proposent pour correspondre aux besoins et aux envies de nos concitoyens âgés. Il faut en faire des lieux où l’on vit bien, et non seulement où l’on vieillit bien, et ne pas limiter la diversification des activités. Les exemples abondent : étudiants logés, crèches conjointes, services publics adossés, lieu d’accueil et de convivialité de tout le quartier. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit des investissements immobiliers supplémentaires, avec la consigne de consommer rapidement les crédits en 2025. Le travail sur le modèle se poursuivra.

La majorité des financements alloués aux Ehpad proviennent non de la sécurité sociale mais des usagers, qui paient un tarif hébergement ; le département prend en charge une part des frais relatifs à l’autonomie. Depuis 2019, les dotations des ARS ont augmenté de 50 %, mais les tarifs hébergement et les financements de l’autonomie ont suivi des évolutions variables selon les territoires. Malgré l’inflation, l’intensification des besoins et la nécessité de revaloriser les professionnels engagés, leur hausse a généralement été bien plus faible. La loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie prévoit une mesure relative aux tarifs hébergement ; en complément, le projet de loi de financement de la sécurité sociale tend à financer de manière volontariste l’expérimentation du rattachement de l’entretien de l’autonomie en Ehpad à la branche de la sécurité sociale du même nom. Voulue par le secteur, elle se déroulera dans vingt-trois départements candidats afin de simplifier le travail des gestionnaires, qui pourront ainsi passer plus de temps auprès des résidents. Il s’agit d’égaliser vers le haut le niveau de financement et l’entretien de l’autonomie pour un surcoût total d’environ 200 millions d’euros pour la sécurité sociale. Les moyens de tous les Ehpad augmenteront par ailleurs en 2025, avec le recrutement d’environ 6 500 professionnels supplémentaires pour atteindre plus vite les 50 000 équivalents temps plein (ETP) annoncés pour 2030. Ces évolutions et le financement de nouvelles places aboutiront à augmenter d’environ 6 % le sous-objectif de l’Ondam relatif aux personnes âgées.

Accompagner le vieillissement, c’est également soutenir les aides à domicile grâce à qui les Français qui veulent vieillir chez eux réalisent leur souhait, que ce soit à leur domicile ou dans une résidence autonomie. Conformément à la loi « bien-vieillir » précitée, le projet de loi de financement prévoit une nouvelle aide financière, pour un montant de 100 millions d’euros, que les départements dirigeront vers les aides à domicile afin de prendre en charge une partie de leurs dépenses en mobilité. Ces professionnelles, souvent des femmes, sont en effet obligées de consacrer une partie de leur salaire au financement de leurs déplacements professionnels, ce qui est inacceptable.

Depuis plusieurs années, je m’occupe des 11 millions d’aidants de personnes en situation de handicap et de personnes âgées en perte d’autonomie. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d’augmenter les moyens consacrés au déploiement de nouvelles places de répit. Je souhaite donner un nouveau souffle à la stratégie Agir pour les aidants, que les récents soubresauts démocratiques ont empêchée de se développer autant qu’elle le méritait. Un comité de suivi se tiendra avant la fin de l’année.

En raison des ajouts au champ de la branche autonomie, les dépenses augmenteront de 2,4 milliards d’euros en 2025, la plaçant en déficit pour les prochaines années. J’assume ces investissements nécessaires, mais il est désormais acté que l’affectation à la branche de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG), prévue pour 2024 par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, ne suffira pas à garantir à long terme le rythme de déploiement de l’offre. Le Gouvernement ne considère pas comme un tabou le principe d’une hausse des recettes à même de poursuivre l’adaptation de la société au grand âge. Cependant, il ne faut pas que les propositions risquent de détériorer l’équilibre financier dont nous dépendons collectivement. Vis-à-vis des contribuables, nous avons un impératif d’efficience ; cela implique de donner à la solidarité une juste part, mais aussi de compter sur la responsabilité individuelle.

Enfin, nous avons élaboré ce texte dans un délai réduit. Il s’agit d’une proposition perfectible, dans la limite de ce qu’autorise la situation des finances publiques.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi. Je vais vous présenter les éléments relatifs au travail et à l’emploi dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que dans le projet de loi de finances (PLF), afin de vous donner une vision globale de la feuille de route de mon ministère.

Nous avons la responsabilité collective de protéger notre modèle social, de le rendre plus efficace et d’en garantir la durabilité. La principale source de financement de la sécurité sociale reste les contributions des employeurs et des salariés. Le travail finance la protection sociale. Mais il n’y suffit pas. Personne ne peut se satisfaire que notre modèle social soit soutenu par le déficit et l’emprunt : nous devons travailler plus et mieux, plus longtemps, en meilleure santé, pour les investissements d’avenir et la protection sociale. Mon rôle est de faire en sorte que l’économie crée des emplois et préserve ceux existants. Ces emplois doivent permettre d’exercer un travail de qualité, reconnu, mieux payé, dans de meilleures conditions. Ils doivent participer à faire monter en gamme notre économie tout en relevant les défis de réindustrialisation et de transition climatique.

La priorité est l’emploi des jeunes, des seniors et de tous ceux qui en ont été durablement éloignés. Le premier axe des politiques publiques consiste à soutenir les opérateurs et les outils efficaces des politiques de l’emploi. Dans le PLF, les moyens alloués à France Travail, à l’insertion par l’activité économique, sont globalement stables. L’apprentissage bénéficie également de crédits élevés par rapport à son histoire – son budget est au moins équivalent à celui des pays européens les mieux-disants dans ce domaine, l’Allemagne et la Suisse. Certaines initiatives ne relèvent pas de la discussion budgétaire comme la relance de la négociation sur l’assurance chômage et sur l’emploi des seniors ; j’ai écrit aux partenaires sociaux une lettre suggérant des économies supplémentaires par rapport à l’accord de novembre 2023. Le dialogue social sera au cœur de ma méthode comme de celle du Premier ministre.

Le deuxième axe concerne le pouvoir d’achat des travailleurs. Il faut que le travail paie et que le Smic ne soit pas un salaire à vie. Cela semble une évidence, pourtant un tiers des personnes payées au Smic le sont durablement. Pendant des décennies, les gouvernements de gauche et de droite ont accumulé les allégements de cotisations patronales sur les salaires compris entre 1 et 3,5 Smic, justifiés par le chômage de masse. Mais ils se conjuguent désormais avec une forte inflation, qui a fait monter rapidement le salaire minimum, ouvrant une trappe à bas salaires et provoquant une flambée du coût des allégements généraux. Pour le dire simplement, le bas des grilles salariales est tassé juste au-dessus du niveau du Smic. Augmenter un salarié au-delà est très coûteux pour l’employeur : de nombreux salariés se retrouvent coincés au Smic ou juste au-dessus pendant des années. Nous voulons remettre en route la progression salariale.

Nous révisons donc les allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, suivant le travail des économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, qui constitue le plus récent de nombreux diagnostics en la matière. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une baisse très progressive des allégements entre 1 et 1,2 Smic – 2 points sur 40 en 2025 et 2 points supplémentaires en 2026 – et une hausse des exonérations entre 1,3 et 1,9 Smic. À la différence du scénario proposé par MM. Bozio et Wasmer, nous ne proposons pas cette réforme à coût constant. Le texte prévoit 4 milliards d’euros d’économies par an, alloués pour moitié à la branche maladie et pour moitié à la branche vieillesse. L’effort pour les entreprises est à mettre en regard du coût des exonérations, 80 milliards d’euros cette année contre 60 milliards d’euros en 2021. J’entends les craintes des entreprises concernant le coût du travail : nous maintenons les exonérations jusqu’à 3 Smic, au lieu de 3,5 aujourd’hui et de 2,5 dans les recommandations de la mission Bozio-Wasmer, notamment pour préserver l’emploi industriel. Par ailleurs, la réforme sera menée en deux ans afin que les entreprises puissent s’adapter et de veiller aux éventuels effets de bord.

Le pouvoir d’achat des travailleurs ne dépend pas seulement des textes budgétaires. Il faudra se pencher sur les minima conventionnels, le tassement des grilles salariales et les classifications professionnelles. Je convoquerai prochainement les branches qui tardent à négocier de manière structurelle et je recevrai les représentants d’une dizaine de branches qui ne jouent pas le jeu. Quant au temps partiel, qui concerne à 80 % des femmes, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), sera bientôt présenté au Haut Conseil des rémunérations, de l’emploi et de la productivité. J’aimerais que les partenaires sociaux se saisissent du problème et que les parlementaires en débattent.

Le troisième axe consiste à participer à la responsabilité budgétaire et à l’effort collectif nécessaires pour assurer la pérennité de notre modèle social. D’abord, le Gouvernement propose de revaloriser les pensions de retraite le 1er juillet et non le 1er janvier. Cela fera l’objet d’un intense débat parlementaire. J’écouterai toutes les propositions mais j’appelle chacun à regarder les faits et les chiffres, à prendre en compte les économies que nous souhaitons réaliser. Nous partageons l’objectif de garantir la pérennité du régime par répartition, or la dégradation de la situation économique implique des mesures effectives à court terme, en conservant un esprit de solidarité et de justice entre les générations, mais aussi à l’intérieur d’une même classe d’âge. Le Gouvernement propose donc de reporter de six mois la revalorisation, au moment où le rythme de l’inflation descend sous la barre de 2 % : nous demandons aux retraités une contribution à la maîtrise des comptes publics, sans engager l’avenir. Cela ne remet pas en cause l’indexation des retraites sur l’inflation. Les retraités les plus modestes, qui perçoivent l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) ou l’allocation veuvage, ne sont pas concernés – ces prestations seront revalorisées au 1er janvier. Enfin, pour la soutenabilité du système de retraite, il faut regarder en face la situation de certains régimes déficitaires : la CNRACL en particulier souffre d’une démographie défavorable, moins de cotisants et plus de pensionnés. Nous proposons d’augmenter progressivement les cotisations employeur ; nous avons choisi de ne pas procéder dès 2025 au choc que préconisaient les inspections générales.

D’autres mesures concernent les retraites agricoles. En effet, 2025 offrira l’occasion d’appliquer plusieurs réformes améliorant la retraite complémentaire des travailleurs indépendants en modifiant l’assiette des contributions sociales. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit plusieurs mesures significatives pour le secteur agricole, comme la pérennisation de la hausse des cotisations patronales sur le travail saisonnier et l’augmentation des exonérations de cotisation au moment de l’installation, que la profession demandait. En outre, nous ferons converger le mode de calcul des retraites agricoles vers celui du régime général : il sera basé sur les vingt-cinq meilleures années et le montant minimum des pensions, de 1 073 euros brut par mois, sera aligné dès 2025 sur celui du régime général, soit 1 367 euros. Cette mesure de justice sociale vient lisser les fortes variations que connaissent les revenus agricoles. Le nouveau calcul sera applicable dès le 1er janvier 2026 et pleinement opérationnel en 2028, en raison de discussions avec la Mutualité sociale agricole (MSA). On estime que 35 à 45 % des assurés agriculteurs seraient gagnants et que 50 à 60 % d’entre eux ne verraient pas de changement significatif.

La partie du projet de loi de financement consacrée à la branche maladie doit nous interroger sur la croissance des indemnités journalières. Leur montant est passé de 8 milliards d’euros en 2017 à 17 milliards d’euros en 2024. Une mesure d’économie applicable par voie réglementaire a servi de fondement à l’élaboration du texte. Je suis consciente qu’il s’agit d’une mesure paramétrique : elle transfère le poids à l’employeur et fait courir le risque de polariser davantage le monde du travail, avec d’un côté les salariés couverts par les conventions collectives et de l’autre ceux qui ne le sont pas. Il faut que les partenaires sociaux, les fédérations professionnelles et les parlementaires se penchent sur le système des indemnités journalières et sur les tendances de fond, afin de trouver le juste équilibre entre la responsabilité individuelle, celle de l’entreprise et la solidarité nationale. Il faudra prendre en considération l’absentéisme, la santé au travail, l’organisation et les conditions de travail.

S’agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), l’article 24 du PLFSS prévoit des mesures importantes pour une bonne retranscription de l’accord interprofessionnel du 15 mai 2023, adopté à l’unanimité et précisé en juin 2024. Il garantit la juste indemnisation des accidents du travail, couvrant l’ensemble du préjudice, à la fois professionnel et personnel.

Vous l’aurez compris, ces choix pour 2025 s’inscrivent dans des chantiers pluriannuels plus larges, que nous évoquerons au cours du débat.

M. Yannick Neuder, rapporteur général, rapporteur pour l’équilibre général, les recettes et la branche maladie. Nous entamerons la semaine prochaine l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans un contexte politique particulier. Le texte que nous soumet le Gouvernement prend acte d’une situation moins favorable que prévu. Mais il comprend peu de mesures pour y remédier, d’autant que leur portée est limitée.

On constate d’abord une dérive des comptes du régime obligatoire de base de la sécurité sociale et du FSV, dont le déficit atteindrait 18 milliards d’euros en 2024, 16 milliards d’euros en 2025, et 19,9 milliards d’euros en 2028. Le temps me manque pour évoquer la dette, tout aussi alarmante : 3 200 milliards d’euros. Les crises sanitaire et inflationniste sont derrière nous. Elles ne peuvent plus servir d’excuse. Les impasses de financement sont structurelles ; il faudra des solutions également structurelles. Que nous proposez-vous ?

Plutôt que des réformes, vous suggérez des coups de rabot et des ajustements. Tantôt importants et tantôt modestes, ils demeurent paramétriques. Les recettes doivent sans doute constituer un levier de redressement des finances sociales, mais sans céder à la facilité d’une hausse immédiate des cotisations qui fragilisera leur assiette. Le phénomène des trappes à bas salaire existe, mais les combattre risque de fragiliser la capacité des entreprises à embaucher et à produire.

Quatre articles du projet de loi de financement tendent à soutenir les pensions des agriculteurs et la compétitivité des exploitations. Je me réjouis que les combats que nous sommes nombreux ici à avoir menés soient suivis d’effets. Nous veillerons à ce que ces avancées respectent le calendrier initial et se traduisent par des effets concrets pour ceux qui nous nourrissent au prix d’une vie de labeur.

Pour la branche maladie, de bonnes idées sont sur la table afin de prendre en considération les conventions récentes, de rendre les transports de patients plus efficaces et d’éviter les pénuries des produits de santé. Toutefois, la hausse de 2,8 % de l’Ondam est purement faciale. Si l’on retranche 1,1 milliard d’euros de cotisations de la CNRACL imputé aux établissements, l’Ondam hospitalier augmente de 2 %, et non de 3,1 %. Cette décision devra faire l’objet de plus de dialogue ; nous ne pouvons nous en satisfaire en l’état. Pour ma part, je déplore cette mesure injuste qui n’est pas à la hauteur des défis en matière de santé publique pour combler un déficit de 2 milliards d’euros, mal anticipé et que les hôpitaux ne peuvent assumer. Toutes les fédérations hospitalières et tous les représentants des personnels de santé et des usagers expriment leur incompréhension.

Personne n’ignore que les membres du Gouvernement ici présents réfléchissent aux moyens de faire des économies sur les indemnités journalières et sur le ticket modérateur. Je suggère de combiner une autodéclaration pour les arrêts courts et un jour de carence d’ordre public : cela responsabiliserait les assurés, libérerait du temps médical et allégerait les dépenses de la sécurité sociale sans alourdir celles des employeurs ni des complémentaires. La seconde mesure ne ferait pas gagner d’argent et elle est défavorable au pouvoir d’achat de nos compatriotes : soit ils assumeront un reste à charge, soit le tarif des assurances s’alourdira. Les retraités qui perçoivent une petite pension subiront une double peine : la revalorisation de leur pension sera reportée et le reste à charge de leurs soins plus élevé. Je compte sur notre assemblée pour trouver sereinement le bon équilibre entre l’ardente nécessité de rétablir la trajectoire des comptes et celle de préserver l’excellence de notre modèle social.

M. Guillaume Florquin, rapporteur pour la branche autonomie. Seul l’article 21 concerne la branche autonomie, et c’est un article de continuation, relatif à l’expérimentation lancée l’an dernier pour simplifier le financement des Ehpad en remplaçant par un forfait global le forfait soin, versé par l’ARS, et le forfait dépendance, versé par le département. En théorie, cette fusion devrait rendre la gestion des ressources plus flexible et mieux adaptée, pour répondre plus efficacement aux besoins de nos aînés. Cependant, des incertitudes demeurent quant à l’augmentation du budget des Ehpad. Auront-ils réellement plus de moyens pour améliorer les conditions de vie des résidents et recruter du personnel qualifié ? Rien ne permet de l’affirmer. Il est essentiel d’analyser les effets concrets de l’expérimentation avant de généraliser la mesure. On peut également s’interroger sur le choix de la limiter à vingt-trois départements alors que quatre autres avaient manifesté leur intérêt. Quel aurait été le surcoût d’étendre l’expérimentation à toutes les collectivités candidates ?

Il est déplorable qu’aucun autre article ne soit consacré aux problèmes essentiels que rencontre la branche autonomie. La population vieillit. En 2050, un Français sur trois aura plus de 60 ans. Les besoins en matière de prise en charge de la perte d’autonomie sont pressants. Comment répondre à la crise du secteur, qui touche aussi bien les Ehpad que les services d’aide et d’accompagnement à domicile, qui risquent de mettre la clef sous la porte prochainement ? De nombreuses pistes existent. Par ailleurs, la barrière d’âge qui sépare les dispositifs nuit à leur efficacité : avant 60 ans, une personne en situation de handicap perçoit la prestation de compensation du handicap, puis elle bénéficie de l’allocation personnalisée d’autonomie, qui couvre différemment les besoins.

Une réforme plus complète de la branche autonomie est indispensable.

M. Louis Boyard, rapporteur pour la branche famille. Il faut parler du scandale des crèches privées. En 2004, vous avez ouvert les crèches au marché privé et vous avez cédé aux groupes d’intérêt en favorisant le secteur privé. Depuis dix ans, 90 % des nouvelles places sont dans des crèches lucratives. Qui les gère ? Cela va du fonds de pension américain au fonds de pension britannique. C’est une évidence : il est malsain de construire un marché géré par des fonds de pension étrangers qui cherchent de la rentabilité sur des bébés français. Or ce système, que vous favorisez, est quasi exclusivement financé par l’argent des Français : on parle de milliards d’euros d’argent public, d’exonérations d’impôts qui peuvent atteindre 75 % pour les grandes entreprises. Un chef d’entreprise en a même rigolé lors d’une audition, disant que c’était presque un don !

Le pire, c’est le système de financement que vous avez créé – la prestation de service unique. Pour que les fonds de pension reçoivent leur argent public, ils doivent appliquer au bébé une tarification à l’activité (T2A), celle-là même qui a tué l’hôpital public. En gros, la rentabilité d’un bébé dépend de la quantité d’heures qu’il passe à la crèche et des bonus liés à son profil. Vous prenez un fonds de pension américain, un système de financement public qui ouvre la voie à l’optimisation, vous mettez des bébés au milieu : vous obtenez le résultat qu’on a vu – salariés en sous nombre et sous-payés, détournement de fonds publics, fraudes, maltraitances, réduction des coûts sur la nourriture, le chauffage et les couches.

Depuis vingt ans, les salariés, les parents, les mairies disent d’arrêter ce système, mais vous cédez aux groupes d’intérêt. Voici ce que nous reprochons à Aurore Bergé : elle a étouffé le scandale sous leur pression. Voici ce que nous reprochons à Yaël Braun-Pivet : elle a couvert Aurore Bergé pour la dispenser de se justifier devant la justice. Voici ce que nous vous reprochons, macronistes : ne rien changer parce que les groupes d’intérêt vous disent de ne rien changer. Malgré les fraudes, les maltraitances et les détournements, vous laissez faire. Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, allez-vous en terminer avec la marchandisation des bébés, ou êtes-vous aussi des Aurore Bergé ?

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure pour la branche vieillesse. Mon temps est limité, nous avons reçu le texte tardivement et nous l’examinons sous la menace du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution. Mes questions visent à vous faire intégrer des modifications dans le texte sur lequel le Premier ministre engagera la responsabilité du Gouvernement.

L’article 23 prévoit de reporter la revalorisation des pensions. La mesure est injuste puisqu’elle touche indifféremment les retraités, quel que soit le niveau de leur pension. Non seulement ils devront attendre six mois supplémentaires, mais le ralentissement de l’inflation risque de limiter l’augmentation. Vous organisez une baisse pérenne de leur pouvoir d’achat. Certes, l’Aspa sera rehaussée au 1er janvier, mais avez-vous envisagé une revalorisation différenciée en fonction du montant des pensions ? Peut-on intégrer une clause de sauvegarde pour assurer que l’augmentation sera équivalente à celle qui serait intervenue le 1er janvier ?

Lors des auditions, les représentants de la MSA ont signalé une injustice pour les non-salariés agricoles : le capital-décès ne peut pas être versé si le défunt ne justifiait pas d’une durée minimale d’affiliation, or les conditions ne sont pas identiques dans les autres régimes. Comptez-vous aligner le régime agricole sur les autres ?

Les cotisations patronales des fonctions publiques territoriale et hospitalière vont augmenter. La compensation pour les collectivités territoriales sera-t-elle à l’euro près, comme c’est en partie le cas pour l’hôpital ?

M. Jean-Carles Grelier, rapporteur pour la branche accidents du travail et les maladies professionnelles. S’agissant de la branche AT-MP, le PLFSS 2025 rompt avec la décennie précédente. Sa trajectoire budgétaire sera durablement affectée. Depuis plusieurs années, elle était excédentaire mais, entre 2026 et 2028, elle sera déficitaire. Il sera urgent de rétablir les comptes de cette branche, petite mais nécessaire. Il faudra considérer tous les moyens de réduire les coûts de la maladie professionnelle et ceux de l’accident du travail.

Nous avons auditionné plusieurs organismes et agences, presque tous rattachés à l’État. Chacun accomplit un travail de qualité, mais isolément. Une vraie politique de prévention fait cruellement défaut. Par ailleurs, ces agences souffrent d’un manque de coordination : elles travaillent en silo, sans cap, sans évaluation. Si nous voulons prévenir la trajectoire budgétaire annoncée, il faut dès maintenant, outre les efforts budgétaires, un travail de fond avec les services de la ministre du travail et de l’emploi et ceux de la ministre de la santé et de l’accès aux soins. Les médecins et les infirmiers du travail ont un rôle majeur à jouer : le premier est souvent le seul médecin que rencontrent les salariés qui ne bénéficient déjà plus d’un médecin traitant. Nous sommes confrontés à une urgence de santé publique, qui concerne le monde du travail.

M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances. Prévoyez-vous une nouvelle reprise de dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ? Si c’est le cas, pouvez-vous préciser son montant et le délai d’amortissement ?

L’article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de baisser les exonérations. Quelles seront les conséquences sur l’emploi ? La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises vient de diminuer fortement. N’aurait-il pas été plus pertinent de demander un effort aux entreprises en la rehaussant ?

Prévoyez-vous de compenser les hausses de cotisations de la CNRACL pour les collectivités locales, et à quelle hauteur ? Quelle baisse des effectifs escomptez-vous ? En effet, augmenter les cotisations risque d’imposer à ces collectivités des choix difficiles en matière de recrutement.

Les mesures relatives aux arrêts maladie devraient économiser 625 millions d’euros en 2025, c’est bien peu au regard des montants concernés. Envisagez-vous d’augmenter le délai de carence, et de combien ? Pourrait-on instaurer un délai de carence progressif lorsque le nombre d’arrêts maladie explose pour une même personne ? Quelles nouvelles mesures comptez-vous prendre contre la fraude et les abus ?

Les comptes 2023 de la branche famille n’ont pas été certifiés. Quelles mesures d’amélioration de gestion projetez-vous ? Comment éviter que se reproduise la perte de 5,5 milliards d’euros de versements indus et de rappels qu’on n’espère plus récupérer ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. L’assurance maladie, monsieur le rapporteur général, couvre 80 % des dépenses contre 76 % il y a dix ans. L’augmentation des besoins de soins est considérable ; nous devons envisager d’orienter différemment les politiques de prise en charge. Selon moi, il faut préserver une forte solidarité en matière de santé. Mais les équilibres deviennent fragiles.

L’Ondam est de 3,1 % pour les hôpitaux, sachant que ceux-ci devront faire face à une augmentation de leurs cotisations à la CNRACL afin de réduire le déficit de cette caisse de retraite complémentaire des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Cette cotisation est une forme de soutien social de l’hôpital à tous ses agents, et nous devons aider cet employeur à faire face. Si vous avez d’autres solutions à proposer, je suis à votre écoute.

J’entends votre proposition concernant le jour de carence, sur lequel je ne ferai pas de commentaires. En revanche, j’accorde une grande attention aux petites retraites. Il faudra veiller à ce que ces retraités fragiles ne soient pas affectés par une hausse de dépenses contraintes telles que leur mutuelle d’assurance, notamment en leur facilitant l’accès de la complémentaire santé solidaire (C2S). Nous allons aussi veiller à ce que l’éventuel transfert de 1 milliard d’euros de l’assurance maladie vers les organismes complémentaires d’assurance maladie n’entraîne pas une hausse des tarifs ou des tickets modérateurs. Si hausse il devait y avoir, elle devra être supportable et en rapport avec l’effort demandé – un rapport sénatorial montre que les hausses de cotisations y sont parfois bien supérieures. Il ne s’agit pas de clouer quiconque au pilori, mais je souhaiterais que tout le monde prenne sa part de responsabilité car l’heure est au sérieux plus qu’à la fantaisie.

M. Paul Christophe, ministre. Monsieur le rapporteur Florquin, j’ai relevé une petite ambiguïté dans votre propos : vous exprimez un doute sur les bienfaits de l’expérimentation visant à simplifier le financement des Ehpad tout en nous invitant à élargir le champ des bénéficiaires potentiels. L’expérimentation a été étendue de dix à vingt départements, et il est proposé d’y inclure trois nouveaux candidats. C’est pourquoi la date limite de dépôt d’une délibération pour participer à l’expérimentation est repoussée du 30 avril au 31 octobre 2024. Le forfait global unique, réunissant le soin et la dépendance, permettra des gains et une convergence de la distribution actuelle des tarifs vers le haut – au minium au troisième quartile du point GIR –, ce qui revient à accorder 200 millions d’euros aux Ehpad concernés.

Cela ne résoudra pas tous les problèmes de ces établissements, dont la complexité a été éclairée par les travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat : sous-occupation, difficultés de recrutement et autres. Nous allons aussi essayer d’accompagner leur restructuration, en sortant de l’approche verticale en tuyaux du « bien vieillir » pour passer au « bien vivre ». Au lieu de se focaliser sur le seul vieillissement, il faut s’intéresser aux besoins identifiés sur les territoires. La démarche vaut pour les crèches, l’habitat à destination des personnes handicapées vieillissantes, les maisons France Services. Il faut miser sur les expérimentations lancées dans les départements pour assurer la soutenabilité financière – notion que je préfère à celle de rentabilité – des Ehpad, et disposer d’une offre plus adaptée aux territoires.

Cette approche permettrait aussi de rendre les métiers plus attractifs. Ce n’est pas très vendeur de proposer à un jeune professionnel de faire du soin à domicile durant toute sa vie. En revanche, il pourrait être plus intéressé par la perspective de passer du soin à domicile, au travail en Ehpad, en établissement pour personnes en situation de handicap, voire en crèche. Ma volonté est de conforter le système tout en diversifiant l’offre.

Monsieur le rapporteur Boyard, je me contente d’être Paul Christophe. Vous regardez la question des crèches au travers d’un prisme et, comme vous avez fait votre choix entre public et privé, il est inutile que je vous réponde sur ce point. Pour ma part, je constate notre défaillance en matière de contrôle. Je compte beaucoup sur le service public de la petite enfance, qui va nous rapprocher des collectivités territoriales pour apprécier les besoins, juger de la qualité des établissements et faire évoluer le système. Comme dans le cas du scandale Orpea, le contrôle des crèches visées ne reposait pas sur des grilles d’évaluation sincères, sinon le volume de dépenses aurait alerté. Si le coût de fonctionnement est de 10 000 euros par berceau dans un établissement public, il est pour le moins suspect qu’un autre établissement affiche un coût de 3 000 euros. Vous nous reprochez une absence de mesures en ce qui concerne les modes de garde. Elles existent, en chiffres plus qu’en lettres : 200 millions d’euros supplémentaires vont être consacrés à la réforme du libre choix du mode de garde, transposition de ce qui avait été annoncé précédemment.

S’agissant de la non-certification des comptes de la branche famille, liée en particulier au versement d’indus pour un montant élevé, notre credo est de progresser cette année. En tant qu’ancien du Trésor public, j’ai une certaine lecture de la rigueur comptable. Une mesure du projet de loi de financement devrait vous satisfaire : le pré-remplissage des formulaires, après le succès de l’expérimentation effectuée dans quatre départements. Non seulement cette mesure améliore l’accès aux droits pour nombre de personnes, mais elle permet d’effacer un grand nombre d’indus – 1 milliard d’euros en année pleine, ce qui n’est pas négligeable. Dans bon nombre de cas, les gens n’ont pas d’intentions malhonnêtes mais ils se trompent dans le remplissage de formulaires complexes. En revanche, les indus sont difficiles à mettre en évidence dans les cas de travail dissimulé.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame Rousseau, nous sommes conscients que ce décalage de six mois de la revalorisation des pensions, quel que soit leur niveau, pose problème. Nous étudions la possibilité d’une revalorisation différenciée, sachant que la mesure doit prendre effet dès janvier.

S’agissant du capital décès pour les agriculteurs, la mesure prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale consiste à traduire l’engagement pris dans la loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d’assurance les plus avantageuses, dite « loi Dive », adoptée en février 2023. Elle ne concerne que le champ de la retraite, conformément au vote du Parlement et à la demande des organisations de non-salariés agricoles. Depuis la loi de financement de la sécurité sociale de 2022, les ayants droit des non-salariés agricoles peuvent bénéficier d’un capital décès en cas d’accident de la vie courante, de maladie ou de suicide. Comme vous le soulignez, les accidents du travail sont exclus de cette couverture, ce que nous allons essayer de corriger malgré le cadre budgétaire.

En ce qui concerne la branche vieillesse, des questions m’ont été posées sur la CNRACL, une caisse qui devrait accuser un déficit de 10 milliards d’euros à l’horizon 2030 alors que le déficit total de la branche vieillesse s’élève à 14 milliards d’euros, ce qui donne une idée de la nécessité de la remettre à flot. Sa situation financière critique résulte d’un ratio démographique dégradé, mis en évidence dans un rapport inter-inspections – Igas, Inspection générale des finances (IGF) et Inspection générale de l’administration – qui préconisait une augmentation immédiate des cotisations patronales de 10 points dès 2025 et de 8 points supplémentaires à l’horizon de 2030. Le Gouvernement a choisi d’augmenter les cotisations patronales de 4 points par an en 2025, 2026 et 2027. C’est un effort important, mais plus raisonnable que celui préconisé par les inspections.

Monsieur le rapporteur Grelier, vous avez raison de critiquer le travail en silo pour la branche AT-MP. Une campagne de sensibilisation a été lancée en début de semaine sur les accidents graves et mortels ainsi que les maladies professionnelles. Dans notre pays, au moins deux personnes meurent chaque jour au travail. Ce n’est pas une fatalité. Cela soulève des questions d’organisation et de sensibilisation, en particulier des publics les plus exposés que sont les jeunes, les intérimaires, les apprentis, les travailleurs détachés. Je serai heureuse de travailler avec cette commission, sachant que certains d’entre vous s’intéressent à ces questions.

La mesure concernant les indemnités journalières est très court-termiste et paramétrique, j’en suis consciente. Il fallait donner un coup de frein, mais le fait de renvoyer vers l’employeur contribue à polariser encore davantage le monde du travail : les salariés des grandes entreprises sont protégés tandis que les autres, notamment ceux qui sont employés pour des contrats courts, ne le sont pas.

Nous devons mettre tous les sujets sur la table. Après un échange avec la direction de la sécurité sociale, j’ai constaté que les délais de carences pouvaient donner lieu à des conclusions contre-intuitives. Il faut aborder des questions telles que la santé, les conditions de travail et l’organisation du travail, qui ne sont pas sans effet sur les arrêts de travail. Nous devons en discuter aussi avec les organisations professionnelles.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce PLFSS joue sur les paramètres sans chercher à engager des réformes, même s’il faut envisager dès à présent celles qui seront nécessaires par la suite pour rééquilibrer durablement les comptes sociaux, notamment en ce qui concerne les AT-MP. L’urgence étant de freiner la dépense sociale, nous le faisons quasi exclusivement en modifiant les paramètres. Le raisonnement vaut pour le PLF.

Pour des raisons d’évolutions démographiques, la petite caisse qu’est la CNRACL affichera un déficit qui représentera bientôt les deux tiers ou les trois quarts de celui de la branche. Va-t-il y avoir des compensations ? Étant chargé des comptes publics, j’aurais tendance à vous répondre que tout cela représente du déficit public. Quel levier actionner ? On pourrait faire varier la durée de cotisation, comme le suggère M. Jean-Didier Berger, mais cela renverrait à d’autres réformes. Nous avons opté pour une hausse du taux de 4 points pour les collectivités territoriales, ce qui pèsera sur l’Ondam hospitalier.

S’agissant de la Cades, nous pouvons poursuivre le processus d’amortissements prévu par la loi organique du 7 août 2020, soit 16 milliards d’euros par an jusqu’en 2032, sachant que nous avons une année de marge puisque le texte a fixé la date de 2033. Il n’y a donc pas besoin d’envisager une prolongation de la durée de vie de la Cades. Rappelons que la loi organique prévoyait des reprises de dette, mais aussi des besoins de financement futurs. Pour faire écho aux débats d’hier dans l’hémicycle, l’amortissement de la dette sociale n’est pas une privation de recettes mais une nécessité : si nous procédions comme pour la dette de l’État, les intérêts cumulés ne feraient qu’aggraver la situation. Il est faux de prétendre que la sécurité sociale est excédentaire en considérant que les recettes de la CSG et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ne devraient pas servir à amortir et rembourser la dette sociale.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Vous nous présentez ce projet de loi de financement de la sécurité sociale alors que l’accès aux soins devient de plus en plus difficile, que les délais s’allongent pour obtenir un rendez-vous, que les dépassements d’honoraires explosent, que plus de la moitié des Français indiquent avoir déjà dû reporter des soins pour des motifs financiers. Ce projet ne fait qu’aggraver les risques de renoncement aux soins alors qu’il est vital de sauver notre système de santé. La hausse du ticket modérateur et des franchises, ainsi que celle, inévitable, des cotisations de complémentaires de santé, vont affecter ceux qui n’ont pas de contrat collectif, c’est-à-dire de 5 millions de personnes.

Vos choix nous inquiètent. L’absence de mesures de prévention est un choix politique incompréhensible à un moment où les maladies chroniques pèsent de plus en plus sur les dépenses de santé. Le texte traduit aussi une absence totale de prise en charge de la douleur, qui n’est toujours pas reconnue comme spécialité, alors que 12 millions de patients souffrent de douleurs chroniques et qu’un plan pour l’algologie serait nécessaire. Actuellement, ces patients doivent attendre plusieurs mois pour une première consultation, et quelque 30 % des structures publiques pourraient disparaître au cours des prochaines années par manque de moyens financiers et humains.

Les Français veulent que l’on assure leurs droits fondamentaux, particulièrement lorsqu’ils se trouvent en situation de vulnérabilité. C’est pourquoi je voudrais insister sur les soins palliatifs. Au printemps dernier, la ministre du travail, de la santé et des solidarités annonçait que ces soins allaient faire l’objet d’une forte impulsion pendant trois ans. Cet effort ne semble pas se concrétiser : le budget – 84 millions d’euros en 2024 – ne va augmenter que de 16 millions d’euros. Nous attendons toujours le dispositif qui permettrait d’accompagner les malades sur tout le territoire. Vingt-cinq ans après sa promulgation, la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs n’est toujours pas effective. Nous demandons le déploiement de tels soins dans chaque lieu de vie, par une implication des praticiens libéraux qui permettrait de développer la prise en charge à domicile et de systématiser le suivi en Ehpad. Nous souhaitons la création d’une mention en soins palliatifs dans le master d’infirmier en pratique avancée (IPA) et la mise en place d’un programme ambitieux de formation initiale et continue pour les médecins généralistes.

Le Premier ministre a annoncé que les efforts en faveur des soins palliatifs seront renforcés en 2025 et qu’un texte légalisant l’aide à mourir serait à nouveau soumis au Parlement. Avant d’envisager un tel texte, il faut un renforcement important des moyens consacrés à ces soins. Quid du milliard d’euros supplémentaire sur dix ans, annoncé par la ministre précédente ? En raison du vieillissement de la population, les besoins vont considérablement augmenter au cours des années à venir. Ces soins symbolisent une société solidaire et fraternelle qui a le souci des plus fragiles. Nous attendons qu’ils deviennent enfin une réalité pour tous et partout. N’oublions pas qu’un quart des médecins en soins palliatifs vont quitter leur poste dans les cinq ans. Quelle sera votre politique en faveur des soins palliatifs ? Allez-vous prendre les engagements financiers nécessaires ?

Mme Stéphanie Rist (EPR). Vous pouvez compter sur le groupe Ensemble pour la République pour soutenir ce PLFSS. Nous le soutiendrons car nous sommes convaincus qu’il faut adopter des mesures qui conduiront à mieux maîtriser nos dépenses sociales tout en continuant à investir dans notre système de santé.

Pour cela, nous avons la conviction qu’il faut continuer à améliorer la pertinence des prescriptions, à freiner les dépenses d’indemnités journalières et de transports sanitaires. Nous pensons qu’il faut aussi réviser le modèle concernant les affections de longue durée (ALD), poursuivre le travail engagé pour lutter contre la fraude sociale, ou encore lancer une simplification administrative. Nous nous réjouissons de voir que certaines mesures du texte vont clairement en ce sens.

Cependant, c’est avec vigilance que nous soutiendrons ce texte, certaines mesures risquant de faire baisser le taux d’emploi. Je pense en particulier à l’article 6 qui réforme les allégements généraux de cotisations patronales. Nous soutiendrons l’évolution de la répartition de ces exonérations car nous pensons comme vous, madame la ministre, que le Smic ne doit pas être un salaire à vie. Cela étant, nous souhaitons une réforme juste. À cet égard, nous nous inquiétons des mesures appliquées à court terme provoquant une hausse du coût du travail. Ces économies ne doivent pas avoir pour victime collatérale notre tissu de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) et les personnes qui ont un emploi, ce qui conduirait d’ailleurs à diminuer les recettes de la sécurité sociale. Madame la ministre du travail et de l’emploi, pourriez-vous préciser dans quelle mesure cette baisse des exonérations se répercutera sur l’emploi et nos entreprises, notamment les plus petites ?

Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Nous sommes à un tournant crucial pour notre système de sécurité sociale. Ce projet de loi de financement pour 2025 se présente sous les auspices d’une austérité brutale, politique qui risque d’accentuer la précarité des plus vulnérables au lieu de les protéger. Commençons par les chiffres. En 2024, le déficit des régimes de base de la sécurité sociale atteindra quelque 16,6 milliards d’euros, ce qui traduit une dégradation massive par rapport à 2023. Ce déficit est aggravé par le creusement des comptes de la branche vieillesse, dont le déficit est passé de 1,3 milliard d’euros à 5,5 milliards d’euros, conséquence d’une indexation nécessaire mais mal anticipée des retraites sur l’inflation.

Ce déficit est aussi le résultat direct des exonérations de cotisations sociales massives accordées aux entreprises. Elles coûtent 67 milliards d’euros par an à la sécurité sociale, ce qui contribue de manière substantielle à la dégradation de nos finances. C’est ainsi que 41,3 milliards d’euros sont perdus à cause des réductions de cotisations patronales sur les bas salaires, et 9,7 milliards d’euros supplémentaires en raison des exonérations sur les cotisations familiales. Ces cadeaux fiscaux, sans effet prouvé sur l’emploi, étranglent le financement de notre protection sociale. Le Gouvernement pourrait décider de revoir ces exonérations injustifiées. En les supprimant sur les salaires supérieurs à 1,6 Smic, nous économiserions jusqu’à 11,4 milliards d’euros par an. Répétons-le : ces exonérations, qui ne contribuent en rien à l’emploi, grèvent lourdement les recettes de la sécurité sociale.

En parallèle, la Cades continue à rembourser la dette liée au covid‑19, transférée à la sécurité sociale, ce qui coûte 10 milliards d’euros par an. Cette dette aurait pu être assumée par l’État à un coût moindre d’environ 1 milliard d’euros par an. Depuis sa création, la Cades a déjà payé 71 milliards d’euros d’intérêts, soit cinq années de déficit de la sécurité sociale.

Comment le Gouvernement compte-t-il faire des économies pour combler ce déficit ? Sur le dos des malades, travailleurs, retraités et chômeurs : 1 milliard d’euros de ticket modérateur en plus pour les consultations médicales ; 4 milliards d’euros d’économies par le gel de l’indexation des retraites pour six mois – une mesure qui aggravera encore la situation des 2 millions de personnes âgées qui vivent sous le seuil de pauvreté. Pendant ce temps, nos hôpitaux souffrent : le déficit des établissements de santé devrait quadrupler en 2024, atteignant 2 milliards d’euros ; les suppressions de lit continuent à un rythme effréné ; l’Ondam 2025, fixé à 2,8 %, est bien en deçà des besoins réels d’un secteur à bout de souffle.

Contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre de la santé et de l’accès aux soins, ce n’est pas un budget de responsabilité, mais un budget d’austérité, bien en deçà des besoins. Il est urgent de changer de cap, d’arrêter de sacrifier notre système de santé et de sécurité sociale sur l’autel de la dette et des marchés financiers. Ce n’est pas à nos malades, à nos retraités et à nos soignants de payer la facture. Il est temps de redonner à la sécurité sociale les moyens de remplir sa mission : protéger, soigner et garantir la solidarité nationale.

M. Jérôme Guedj (SOC). Mesdames et messieurs les ministres, j’ai douze questions à vous poser.

La première porte sur la méthode. Vous engagez-vous à ne pas recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour adopter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, contrairement à ce qui s’est passé en 2022 et en 2023 ? Pour éviter d’y recourir, acceptez-vous un travail de coconstruction en participant la semaine prochaine aux débats de la commission des affaires sociales et à l’examen des amendements ? Ce fut le cas pour la réforme des retraites. Votre participation serait utile, vu le peu de temps que nous avons eu pour travailler sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

J’en viens au fond. Comment pouvez-vous dire que l’Ondam de 2,8 % est satisfaisant ? Après avoir défalqué le taux d’inflation de 1,8 % et la compensation de l’augmentation de cotisations à la CNRACL, l’Ondam est en réalité de 0 %. Il faut arrêter la mystification !

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne cherche pas à réformer, dites-vous. Mais des réformes avaient été lancées précédemment. J’ai été frappé, madame Darrieussecq, de ne pas trouver un mot sur la réforme de la T2A, que ce soit dans vos propos ou dans le dossier de presse. Pouvez-vous nous donner le détail et les scénarios des mesures de freinage ? Vous citez le montant de 1,1 milliard d’euros pour l’augmentation du ticket modérateur. Dites clairement les choses. Pouvez-vous confirmer que vous avez d’ores et déjà préparé des textes réglementaires pour rehausser le ticket modérateur de 30 % à 40 % ? Dans ce cas, le reste à charge – éventuellement payé les mutuelles – passerait de 8 à 12 euros. Avez‑vous élaboré les premiers documents en ce sens, en concertation avec les acteurs concernés ?

La santé mentale a été déclarée grande cause nationale. Pouvez-vous nous indiquer quel montant supplémentaire lui sera consacré dans l’Ondam, sans compter les dispositifs existant tels que Mon soutien psy ou VigilanS ? Combien de millions d’euros supplémentaires allez-vous accorder à la grande cause nationale en 2025 ?

Vous prévoyez 100 millions d’euros pour les soins palliatifs. Il y a quelques mois, lors de l’examen du projet de loi sur la fin de vie, les parlementaires ont adopté à l’unanimité un amendement prévoyant de consacrer 212 millions d’euros à la programmation des soins palliatifs en 2025. Pourquoi ne pas avoir repris cette mesure consensuelle ?

S’agissant du vieillissement, je repose l’excellente question d’Annie Vidal à laquelle vous n’avez pas pu répondre hier, monsieur Christophe. Envisagez-vous de commencer vos fonctions de ministre hors la loi ? En application de l’article 10 de la loi du 8 avril 2024, le Gouvernement doit présenter une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge avant le 31 décembre 2024. Pouvez-vous nous dire, en transparence, que vous n’appliquerez pas cette loi ? Dans votre intervention, vous avez dit qu’il fallait accompagner dès maintenant la transition démographique. Vu le peu temps qu’il me reste, je ne peux détailler la faiblesse de vos propositions.

S’agissant des exonérations de cotisations sociales, madame Panosyan-Bouvet, vous n’avez pas fourni d’argument solide pour étayer votre décision de ne pas suivre la préconisation du rapport Bozio-Wasmer de les supprimer à partir de 2,45 Smic. Même si la question dépasse le projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’aimerais savoir ce qu’il en est de la réforme de l’assurance chômage et des 400 millions d’euros d’économies demandées ? Je voudrais aussi dénoncer l’idée d’assujettir les apprentis à la CSG. C’est une mesure injuste. Il existe d’autres niches sociales.

Si vous ne pouvez pas me fournir de réponses à ces questions, j’irai les chercher à la direction de la sécurité sociale en ma qualité de coprésident de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Thibault Bazin (DR). À l’occasion de l’examen du premier PLFSS de la législature, nous attendions du changement. Mais le Gouvernement a eu peu de temps pour s’approprier le projet préparé par les administrations. On n’y retrouve pas totalement la déclaration de politique générale du Premier ministre. Il va falloir y remédier. Vous partez d’une situation budgétaire qu’il faut regarder avec lucidité, comme le Premier ministre tient à le faire. Les comptes ne sont pas bons. La France connaît un dérapage budgétaire qui fragilise notre système de protection sociale. La dette abyssale, dont nous héritons, peut mettre en péril notre souveraineté. Il est urgent de redresser nos comptes publics et nous vous soutiendrons sur ce chemin.

La branche maladie est responsable d’une grande partie du déficit. Pourtant, il est nécessaire de soutenir nos établissements de santé, de revaloriser enfin l’activité des professionnels du secteur. Après la hausse attendue des tarifs des médecins généralistes, d’autres professionnels tels que les infirmiers ou les kinésithérapeutes patientent à leur tour pour des revalorisations. Pour les financer tout en équilibrant le système, il faut débureaucratiser, faire des économies de frais d’agences de conseil, simplifier les procédures administratives pour gagner du temps de soignant. Il ne suffit pas de le dire. Il faut le faire.

Les établissements de santé et les établissements médico-sociaux connaissent des déficits structurels récurrents, comblés chaque année par des volumes croissants de crédits non renouvelables, ce qui conduit à une déresponsabilisation des acteurs. Il est urgent de réformer le modèle de financement. Cette fragilité persistante nuit à la conduite de transformations structurantes, à des investissements attendus. À quand une approche pluriannuelle du financement des établissements ?

Madame la ministre de la santé, vous revendiquez une exigence de sécurité des soins, que nous partageons. La réforme des unités de soins continus amène à différencier des unités de soins polyvalents et des unités de soins renforcés. Mais encore faut-il préciser le modèle retenu. Quand allez-vous publier les décrets ?

De nombreuses expérimentations dites « article 51 » arrivent à leur terme. Certaines ont prouvé leur efficience : des parcours innovants permettent de réduire la mortalité ou les sur-prescriptions, à l’instar du parcours Medisis qui sécurise la prise en charge médicamenteuse. Qu’est-il prévu dans ce projet de loi de financement pour que l’investissement consacré à ces expérimentations ne reste pas sans suite ? Ce serait un immense gâchis d’argent public.

Vous dites vouloir dépenser bien et mieux. Quelles mesures concrètes de rationalisation envisagez-vous ? Face à la hausse considérable des arrêts maladie, avez-vous réfléchi à une généralisation des trois jours de carence pour assurer plus de justice et contribuer à l’équilibre ?

La pérennité de notre système de protection sociale passe non seulement par le travail, mais aussi par le renouvellement des générations. Il faut mieux valoriser le travail, créer plus d’écart entre les revenus du travail et ceux de l’assistanat et s’attaquer aux effets de seuil qui incitent certains à refuser un temps plein ou des heures supplémentaires. Certaines situations révoltent bon nombre de citoyens qui travaillent. Notre système a besoin de réformes structurelles pour inciter au travail et le valoriser. Il y a tant à faire pour améliorer le taux d’emploi et nos comptes sociaux.

Comme l’économiste Nicolas Bouzou l’a souligné, des trappes à inactivité existent. Les allégements de charges ont fonctionné pour le travail de personnes peu qualifiées. Si on supprime ces allégements, ne risque-t-on pas d’augmenter le taux de chômage de ces personnes ? Alors qu’on demande des efforts aux Français qui ont travaillé toute leur vie, par le report de la revalorisation des retraites, ne faut-il pas en demander autant aux autres ? C’est une question, là encore, de justice.

Nos concitoyens peuvent consentir à des efforts à condition que les fonds publics soient mieux gérés et que chacun contribue. C’est, une fois encore, de la justice sociale. La Cour des comptes a identifié des indus. De nombreux rapports ont mis en évidence des fraudes inacceptables. Des pensions sont versées à l’étranger à des bénéficiaires décédés. Allez-vous vous atteler sérieusement à cette question ? Allez-vous agir contre les sites qui proposent des arrêts maladie frauduleux ? Monsieur le ministre chargé des comptes publics, vous avez évoqué l’amplification de la lutte contre la fraude. Quels sont vos objectifs ? La Cour des comptes a relevé des fraudes du côté des autoentrepreneurs. Ne faut-il pas réformer ce secteur, notamment par un abaissement de seuil ?

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Après plusieurs semaines d’incertitudes, le Gouvernement nous soumet enfin un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour lequel nous n’aurons que quelques jours de réflexion. Nous avions peu d’espoir quant à votre capacité à entendre la demande, majoritairement formulée par les Français lors des élections législatives, de plus de justice sociale. Nous découvrons, de fait, un projet de loi de financement tout aussi insuffisant que celui de l’année dernière.

Au-delà des calculs comptables auxquels vous vous livrez, la mission première de cette assemblée est de décider des moyens alloués à notre système de santé pour lui permettre de répondre aux besoins et d’assurer le maintien de la population en bonne santé. L’augmentation en trompe-l’œil de l’Ondam global de 2,8 % est à l’image de vos rafistolages budgétaires : dès lors qu’on neutralise l’augmentation des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la hausse n’est plus que de 2 %, avant même de décompter l’inflation. Par ailleurs, l’hypothèse de croissance du PIB de 1,1 % a de nouveau été jugée trop optimiste par le Haut Conseil des finances publiques, qui a prévenu de l’impact sur l’économie des restrictions budgétaires en cours.

Si le Gouvernement table sur une limitation du recours aux intérimaires, ses économies ne permettront pas d’honorer la promesse du Ségur pour tous, ni d’améliorer les conditions de travail des soignants. Par conséquent, rien de nouveau sous le soleil : ce que vous prévoyez sera insuffisant pour l’hôpital, les soignants seront toujours plus à bout et le système de soins restera à la dérive.

La marque de ce PLFSS, ce sont des mesures paternalistes et culpabilisantes pour les plus vulnérables. De quelle justice parlez-vous quand, pour des économies de bouts de chandelle, vous appauvrissez les travailleurs en arrêt maladie, quand vous vous attaquez au ticket modérateur alors que 20 % de la population a renoncé à des soins pour des raisons financières, ou quand vous faites à nouveau des retraités les boucs émissaires de votre cure d’austérité par un scandaleux gel des pensions de six mois ? Vous proposez quelques compensations pour les agriculteurs ; elles sont maigres en comparaison de leur détresse. La ligne directrice de ce projet de loi de financement est l’absence de mesures d’ampleur. Loin de traiter les inégalités à la racine, vous allez engendrer des dépenses supplémentaires par manque de vision de long terme.

S’agissant de la forme, nous ne pouvons que déplorer le fait que ce texte ne laisse aucune entrée pour parler de sujets majeurs et verrouille, de fait, toute initiative parlementaire. Vous annoncez des mesures pour la santé mentale. Mais comment en débattre puisqu’elles sont tout bonnement absentes du texte ? Et que dire du grand âge, qui ne figure pas dans ce projet de loi de financement alors que trois millions de personnes âgées seront dépendantes d’ici à 2030 ? Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il financer sa promesse de rembourser intégralement les fauteuils roulants si ce texte ne prévoit aucune ligne budgétaire en ce sens ?

Des sources d’économies, nous en avons. Le coût de la malbouffe est de 50 milliards d’euros par an et celui de la pollution de l’air de 100 milliards d’euros. Il faudra changer de braquet. Le Premier ministre a reconnu que son budget était perfectible. Le groupe Écologiste et Social le prend au mot : il sera au rendez-vous pour introduire de l’humain et des propositions dans ce texte.

M. Philippe Vigier (Dem). Il est vrai que ce budget a été préparé dans des conditions improbables, avec les déficits que l’on connaît. Les Démocrates vous soutiendront : dans le cadre non pas d’un « oui mais », mais d’un « oui avec », c’est-à-dire en faisant un certain nombre de propositions. Il faut absolument régler la question des déficits de manière efficace au lieu de se cantonner au mythe de l’éternelle augmentation des dépenses. Je rappelle au passage à Jérôme Guedj que j’étais là lorsque la T2A a été inventée, sous le ministère de Marisol Touraine. On s’aperçoit huit ans plus tard que c’est une arme de destruction massive pour le financement des hôpitaux.

Sur le plan de la santé, madame la ministre, j’entends que vous présentez ce texte en urgence. Mais il faut définir des lignes de force pour les semaines, les mois et les années qui viennent. En premier lieu, vous savez bien que l’accès aux soins pour tous, sur tout le territoire, sera toujours plus difficile. Je vous invite à aller plus loin en matière de délégation de tâches. La création des infirmiers en pratique avancée était un progrès considérable. Mais il n’est pas utilisé d’une façon optimale.

Je tiens également à insister sur les transferts entre l’assurance maladie et les mutuelles. Le taux de prise en charge par l’assurance maladie est passé de 76 à 80 %. Mais vous avez omis les 300 000 ALD supplémentaires, qui tendent à le faire baisser. Or, l’augmentation de la prise en charge des mutuelles pénalise directement les assurés puisqu’elle implique un surcoût pour eux. C’est pourquoi nous plaidons pour une spécialisation des remboursements qui définirait, de façon efficace et transparente, ce qui relève de l’assurance maladie et des mutuelles.

J’en viens aux médicaments, dont nous déplorons tous que 85 % soient fabriqués hors de France. Pouvez-vous confirmer que la clause de sauvegarde, qui est violente et que Paul Christophe connaît bien puisque c’est un sujet sur lequel nous avons travaillé ensemble, sera bien plafonnée à 1,6 milliard d’euros en 2025 ? Confirmez-nous aussi que les réductions demandées aux laboratoires seront de 950 millions d’euros ! Le mieux, car cette mesure aura un effet très négatif, serait de faire en sorte de moins consommer.

Madame la ministre du travail, les articles 15 et 16 signifient la fin du paritarisme : si on ne s’entend pas, les clefs seront données au directeur de l’assurance maladie, ce qui veut dire pour demain des coups de rabot sur la biologie, la médecine et les pharmacies. Malgré des développements en matière de financiarisation et de réorganisation des filières, l’offre de soins partira dès lors en morceaux. Je vous invite, sans faire de procès, à avancer de manière collective sur cette question que les services de Bercy et du ministère de la santé connaissent bien, comme Frédéric Valletoux. Sinon, nous y laisserons beaucoup de plumes.

S’agissant des retraites, je ne suis pas le seul à penser impossible d’en rester à la modélisation que vous proposez. Quand on a 5 000 euros de retraite, on peut faire l’impasse sur une augmentation pendant une année. Quand on touche 1 600 euros, on ne le peut pas. Nous ferons une proposition concrète, dont je sais déjà qu’elle peut être transpartisane. Elle ne permettra peut-être pas les mêmes économies, mais le résultat sera tout de même substantiel.

Nous proposerons une deuxième économie importante dont nous avons débattu l’année dernière, notamment avec Marc Ferracci, désormais membre du Gouvernement, au sujet des exonérations sociales à partir de 2,5 fois le Smic. Elles ne sont pas productrices d’emploi. Mais elles représentent beaucoup d’argent à un moment où France Travail devrait avoir moins de dotations. Il faut revoir la copie : lorsqu’on est à 7 % de chômage, on s’occupe de personnes plus éloignées de l’emploi, ce qui nécessite un traitement plus individuel avec plus d’accompagnement.

M. François Gernigon (HOR). Nous devons dire clairement aux Français l’état des comptes publics, y compris sociaux, dans un esprit de responsabilité. Ce texte est une première étape dans la réponse à l’urgence financière à laquelle notre pays fait face. Les Français méritent la vérité, non des discours rassurants qui masqueraient une réalité budgétaire alarmante. L’intégrité des finances publiques conditionne la stabilité de l’ensemble de notre économie : un déficit incontrôlé est une menace directe pour les services publics et les prestations sociales.

Mon groupe estime qu’il faut soutenir ce PLFSS ainsi que le PLF. Ils comportent des mesures qui, bien que difficiles, sont nécessaires pour enrayer la dérive budgétaire. Assumer ses responsabilités, c’est oser adopter des mesures indispensables pour nos finances publiques. Ne rien faire serait de la lâcheté et un désastre, surtout pour les plus modestes qui paieront l’inaction au prix fort. Si l’État continue de dépenser sans compter, les plus fragiles verront, avant les autres, leurs conditions de vie se dégrader. Chaque décision budgétaire a un impact sur le quotidien des Français.

Le groupe Horizons & Indépendants entend prendre ses responsabilités en soutenant l’effort national nécessaire pour redresser le pays. C’est pourquoi il sera pleinement mobilisé lors de l’examen de ce texte et du PLF, pour lesquels il fera des propositions sérieuses et concrètes. Nous serons attentifs à ce que chaque mesure soit non seulement efficace d’un point de vue économique, mais également juste sur le plan social, et à ce que l’effort ne pèse pas de manière disproportionnée sur les plus vulnérables. Nous souhaitons, par ailleurs, un dialogue avec les différents groupes politiques. Il est essentiel que toutes les voix soient entendues afin que nous puissions nous doter d’un cadre budgétaire solide et socialement acceptable. Mon groupe veillera à ce que ce projet de loi de financement soit le reflet d’une ambition collective permettant de restaurer la confiance des Français dans la gestion des finances publiques et de garantir à notre pays un avenir stable et prospère.

Le PLFSS 2025 apporte une réponse aux défis budgétaires auxquels la France est confrontée. Il repose sur un ensemble de réformes, notamment celle des exonérations patronales, et sur des mesures exceptionnelles, telles que la revalorisation des pensions de retraite au 1er juillet plutôt qu’au 1er janvier. Nous en discuterons. Ces mesures sont indispensables pour freiner le déficit mais elles ne peuvent assurer, en l’état, un retour durable à l’équilibre de notre système de protection sociale. Ce texte apporte des réponses pragmatiques et immédiates que je salue, mais il ne s’attaque pas aux causes structurelles de nos déséquilibres.

Nous souhaitons savoir quelles réformes structurelles le Gouvernement envisage pour aller au-delà de ces mesures ponctuelles. Je pense, par exemple, à la prévention, qui est un point noir de notre modèle social alors qu’elle devrait permettre de concilier, à terme, nos impératifs budgétaires et une amélioration durable de la santé des citoyens. Par ailleurs, la Cour des comptes a relevé que de nombreux lits d’hôpitaux étaient occupés par des personnes âgées qui pourraient être mieux prises en charge ailleurs. Cette situation contribue à la saturation des établissements. Quelle est l’estimation du coût de ces hospitalisations évitables pour les comptes sociaux ? Pensez-vous que le développement de solutions alternatives, comme les soins intermédiaires ou à domicile, pourrait permettre des économies tout en renforçant notre système de soins ?

M. Laurent Panifous (LIOT). Même si ce budget tente de limiter les dégâts, il ne traduit pas une politique ambitieuse de consolidation de notre modèle de protection sociale. Il pose un vrai problème : les économies seront faites sur la santé et les retraites, ce qui pénalisera les plus modestes et les plus fragiles.

Ce court projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte en particulier des dispositions défavorables à l’accès aux soins, qui devrait pourtant être une priorité. La hausse du ticket modérateur sera inévitablement répercutée sur les tarifs des complémentaires, qui augmentent déjà en raison des déremboursements progressifs. Le coût d’une bonne mutuelle, permettant de se soigner correctement, devient inaccessible pour les Français les plus modestes et les plus fragiles. Cette évolution est un marqueur éclairant de l’évolution de notre société : la place du soin y est centrale, mais son financement glisse de la solidarité vers l’individu, ce que je tiens à dénoncer. La baisse du plafond de rémunération des indemnités journalières suit la même logique : on renvoie aux organismes de prévoyance complémentaire, pour ceux qui en bénéficient, et les cotisations augmenteront.

Ces dispositions doivent être mises en perspective avec la situation des établissements de santé. Le déficit de l’hôpital public devrait dépasser 2 milliards d’euros en 2024, soit quatre fois plus qu’en 2019. L’augmentation affichée de 3,1 % des dépenses ne suffira pas, d’autant qu’elle intègre une augmentation de 4 points de cotisations de retraite. Nous savons déjà que nos hôpitaux subiront encore des déficits importants.

J’en viens aux grands absents du texte. Rien ne semble prévu pour la prévention, sujet dont tout le monde s’accorde à dire depuis longtemps qu’il est essentiel mais sur lequel nous n’avançons pas. Il en est de même pour la santé mentale, pourtant érigée par le Premier ministre en grande cause nationale, et pour la petite enfance, alors que des situations scandaleuses sont dénoncées de façon répétée. Au-delà de la question du statut des établissements et de l’existence ou non d’une délégation de service public, nous ne pouvons pas rester inactifs face aux dysfonctionnements flagrants du modèle des crèches. Il faut étudier la question de leur financement et assigner des objectifs contrôlables. Nous devons prévenir les dérives afin que toutes les crèches soient des lieux de vie et de travail accueillants et bienveillants.

Le soutien à l’autonomie de nos aînés semble préservé des réductions budgétaires. Mais je regrette le manque d’ambition des gouvernements successifs. On ne peut que déplorer l’absence d’un financement dédié et suffisant pour cette branche, plus de quatre ans après sa création. La fraction de CSG allouée ne suffit pas : comment pourrait-on s’en satisfaire alors que les deux tiers des Ehpad ont un déficit structurel qui conduit à un risque important de dégradation de l’accompagnement des plus fragiles de nos aînés et des conditions de travail du personnel ? J’ai été intéressé par votre ouverture, monsieur le ministre des solidarités, au sujet de la recherche de nouveaux financements et de la diversification de l’offre des Ehpad. S’agissant de la loi de programmation dont le principe avait été adopté par le Parlement, nous verrons, mais je crains qu’elle ne soit abandonnée. En revanche, vous avez confirmé l’engagement de créer 6 500 postes de soignants dans les Ehpad en 2025 et je note l’objectif de 50 000 postes à l’horizon 2030.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale entérine une réforme majeure des allégements généraux de cotisations patronales sur laquelle je m’interroge. L’idée que votre remise à plat au niveau du Smic conduira les employeurs à augmenter les salaires me laisse sceptique. N’aurait-il pas été plus simple, plus lisible et plus efficace d’instaurer un unique taux de réduction, progressif, jusqu’à 2,5 Smic ?

La situation budgétaire globale des comptes publics exige que nous fassions tous preuve de responsabilité. Des efforts difficiles doivent être consentis. Mais la santé, le médico-social, la petite enfance, nos aînés et plus généralement l’accompagnement des plus fragiles d’entre nous devraient être préservés, voire renforcés, même au cœur d’une crise budgétaire. Dans une grande démocratie telle que la nôtre, la santé, que l’on soit riche ou pauvre, est un bien commun que nous devrions sacraliser.

M. Yannick Monnet (GDR). Je me sens un peu démuni devant ce PLFSS car nous partons de positions absolument irréconciliables. Je ne minimise pas l’importance du déficit public. Vos prédécesseurs en portent la responsabilité. Mais il vous appartient d’apporter des réponses permettant de rompre avec les méthodes de l’ancien gouvernement. Son prétendu sérieux budgétaire, qui a essentiellement consisté à organiser le désarmement fiscal de la nation au profit des plus riches, n’a pas fonctionné. Aucun ruissellement n’a eu lieu. Les travailleurs se sont appauvris et le déficit s’est creusé.

Du côté de la sécurité sociale, ce n’est pas un dérapage des dépenses qui est à l’origine du déficit, mais un assèchement des ressources. La perte de recettes liée aux niches sociales, c’est-à-dire le contournement des salaires, est estimée à 19,3 milliards d’euros en 2023, soit 9,4 milliards d’euros de plus en cinq ans, sans compensation par l’État. Les allégements généraux de cotisations sociales s’élèvent désormais à 80 milliards d’euros. Ce PLFSS prévoit de reprendre 5 de ces milliards en commençant à réduire les exonérations : c’est un début, mais admettez qu’on reste loin du compte.

Dès lors que vous considérez, comme vos prédécesseurs, la sécurité sociale comme une variable d’ajustement du déficit public et que vous n’allez pas chercher des ressources, les droits de nos concitoyens ne peuvent que péricliter. Or, ce ne sont pas les travailleurs, les familles, les retraités et les soignants qui ont vécu des largesses des gouvernements de ces sept dernières années. Ils ont même passablement souffert. Avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous leur dites qu’ils doivent participer à l’effort de réduction du déficit, puisque chacun doit prendre sa part selon Mme la ministre de la santé, en renonçant encore un peu plus à se soigner parce que le ticket modérateur va augmenter, alors que six Français sur dix renoncent déjà à des soins dont ils ont besoin, en payant encore un peu plus cher leur mutuelle après une augmentation de 8 à 10 % cette année, et en renonçant à tomber malades car le plafond de remboursement des arrêts de travail pour raisons de santé va diminuer. Vous dites également aux retraités qu’ils attendront six mois pour bénéficier de la revalorisation de leurs pensions, contrairement à ce que le Président de la République avait annoncé en juin, et au personnel soignant et non-soignant des hôpitaux et des Ehpad qu’il continuera à avoir trop peu de moyens pour faire son travail.

Le déficit des hôpitaux publics devrait, en effet, dépasser 2 milliards d’euros en 2024 et 85 % des Ehpad sont en déficit. Le personnel est exsangue : la Fédération hospitalière de France estime qu’il manque dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale 3 milliards d’euros pour les établissements de santé et 200 millions d’euros pour les Ehpad, tout simplement afin de ne pas sombrer. Comme vos prédécesseurs, vous fixez des objectifs sans commune mesure avec les besoins, dont vous parlez peu. Vous demeurez obstinément sourds et aveugles à la réalité, qui est l’effondrement de notre système de santé. Il n’est pas provoqué par le système lui-même, mais par une politique de moindre dépense et de moindre investissement dans la protection sociale.

En fin de compte, ce texte est tout à fait cohérent dès lors qu’on admet que vous marchez dans les pas de vos prédécesseurs. Pour changer vraiment, essayez au moins une fois de partir des besoins des populations pour construire le projet de loi de financement de la sécurité sociale : vous verrez que vous ne reculerez pas devant la mobilisation de nouvelles ressources.

M. Olivier Fayssat (UDR). Le projet de révision des cotisations sociales patronales, présenté comme une solution pour favoriser une hausse des bas salaires, soulève deux problèmes majeurs.

Tout d’abord, vous prévoyez de renforcer les allégements de cotisations au niveau du Smic. Cela peut sembler bénéfique pour les bas salaires. Mais les allégements diminuent dès qu’on dépasse 1,6 Smic et disparaissent totalement au-delà de 3 Smic. Concrètement, si la réforme allège les charges pour les bas salaires, elle les augmente pour les classes moyennes et ceux qui ont des salaires plus élevés. Ces salariés et employeurs, correspondant souvent à des PME, verront leurs coûts augmenter. Cette mesure pénalise ceux qui, tout en étant au-dessus du Smic, ne bénéficient pas de revenus élevés mais contribuent fortement à la dynamique économique.

Le second problème est plus structurel. Vous voulez prendre les excédents de la branche famille, qui gère notamment les cotisations d’allocations familiales, pour les rediriger vers la branche vieillesse, c’est-à-dire les retraites. Or, la branche famille est à peine à l’équilibre et ses excédents sont nécessaires à la politique familiale de notre pays, déjà sous-financée. En redirigeant des fonds vers la branche vieillesse, on masque les véritables déficits des régimes de retraite, en particulier ceux des régimes spéciaux et des retraites publiques. Cela revient à faire porter le poids des déséquilibres sur la classe moyenne et le secteur privé, qui devront compenser les lacunes d’un système non réformé en profondeur.

Quand vous annoncez une économie sur les réductions de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales, respectivement pour les salaires supérieurs à 2,2 et 3,2 Smic, faut-il comprendre que les recettes perçues, notamment par la branche famille, augmenteront en 2025 ? Quand vous dites, par ailleurs, que la réforme des allégements de cotisations permettra de dégager 4 milliards d’euros affectés aux branches vieillesse et maladie, faut-il comprendre que les augmentations de recettes, notamment du côté de la branche famille, serviront à financer les branches vieillesse et maladie ? Existe-t-il, pour être plus précis, un lien direct et établi entre ces deux annonces ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame Dogor-Such, vous avez parlé d’une absence de prévention dans le PLFSS. Ce n’est pas vrai : les consultations de prévention, la vaccination contre les papillomavirus dans les collèges et les campagnes concernant les vaccins hivernaux sont des politiques de prévention. Je suis d’accord, en revanche, sur l’insuffisante visibilité de ces politiques. La lecture d’un projet de loi de financement est un exercice aride. Il est nécessaire de mieux présenter et mieux structurer le plan de prévention. Je n’ai pas pu le faire en quinze jours – excusez-moi ! –, mais cela fait partie des objectifs que je me fixe pour la suite.

En ce qui concerne la douleur, des mesures sont prévues. Ce sont 80 millions d’euros qui sont alloués au financement des centres de la douleur chronique. Oui, une question se pose au sujet des études supérieures et de la spécialisation. J’y travaillerai avec le ministre de l’enseignement supérieur.

Vous avez parlé d’insuffisance, comme Jérôme Guedj, à propos des soins palliatifs. Une stratégie décennale, dotée de 1 milliard d’euros, soit 100 millions d’euros par an, a été lancée. Elle prévoit notamment des unités de soins palliatifs pédiatriques dans chaque région d’ici à 2034, un accès à des unités de soins palliatifs dans chaque département et des équipes mobiles, capables d’intervenir rapidement en hospitalisation, à domicile et dans les Ehpad. Il faut mesurer les difficultés : si nous inscrivions 1 milliard d’euros de crédits la première année, jamais ils ne pourraient être mobilisés. Faisons preuve de réalisme : il faut lancer et mener des appels à projets, en recrutant les bons professionnels, ce qui prend du temps. Sachez néanmoins que les soins palliatifs sont pour nous une question centrale.

Monsieur Guedj, je vous ai déjà en partie répondu. Vous pouvez faire tous les calculs que vous voulez : l’Ondam n’est pas nul, même en tenant compte de la prévision d’inflation. Il intègre toutes les mesures de revalorisation salariale déjà adoptées pour un montant de 14 milliards d’euros, qui continuent à produire leurs effets même si on n’en parle plus. Par ailleurs, des mesures salariales complémentaires sont prévues en 2025, à hauteur de 500 ou 600 millions d’euros, pour achever le Ségur salarial. Nous poursuivons la revalorisation des métiers de soignants, qui est totalement méritée et qui a redonné de l’attractivité – c’est pourquoi on peut recommencer à recruter dans les établissements. Quant au Ségur de l’investissement, 19 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien, continuent à être déployés de façon pluriannuelle en fonction de l’avancement des projets.

Nous avons prévu un effort de 1,6 milliard d’euros pour les soins de ville. Nous faisons confiance aux professionnels de santé, hospitaliers et libéraux, médecins comme infirmiers, pour travailler ensemble au développement de solutions d’accès aux soins dans tous les territoires. Des SAS se déploient partout de façon pertinente. Nous devons conforter ce dispositif pour les soins non programmés afin de désengorger les urgences et les hôpitaux : c’est une transformation importante, qui se déroule progressivement et à bas bruit, mais que nous accompagnons parce qu’elle constitue un progrès. Les praticiens libéraux doivent travailler main dans la main avec les hôpitaux et les établissements sanitaires ou médico-sociaux.

S’agissant de la T2A, un travail est en cours, au niveau des services, pour faire évoluer le financement des hôpitaux. Je souhaite qu’on avance, car la T2A, seule, n’est pas satisfaisante. Le forfait qui existait auparavant ne l’était pas davantage. Il faut trouver une solution médiane. Nous partagerons les résultats avec vous lorsque ce travail sera abouti. Ses premières concrétisations sont attendues dès 2025.

Je suis d’accord avec l’idée, défendue par M. Bazin, de débureaucratiser. Mais ne fantasmons pas ! Les établissements de soins comptent 60 % de soignants ; parmi les 40 % de non-soignants, la moitié – les brancardiers et le personnel technique indispensable au fonctionnement des hôpitaux – accompagne les soins. L’autre partie est notamment constituée des secrétaires médicaux dont nous avons également besoin pour la bonne marche des services. L’administration générale, c’est tout le reste. En matière de transformation, les établissements seront accompagnés par les ARS et l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, mais la performance ne doit pas signifier une moindre qualité.

Nombre d’entre vous ont évoqué des décrets attendus, portant notamment sur les praticiens à diplôme hors Union européenne et les pratiques avancées – soyez rassuré, monsieur Vigier. Je regrette qu’ils aient été retardés par la transition entre les gouvernements et je les signerai rapidement. Quant aux jours de carence, qui ont un impact négatif surtout dans la fonction publique, j’ignore quel est le meilleur équilibre à trouver.

Monsieur Peytavie, vous réclamez de l’humain. Il y en a partout dans ces lignes arides : elles ont pour but de fournir à la population un accès à la santé et les meilleurs soins.

La clause de sauvegarde restera égale à 1,6 milliard d’euros, ce qui donnera plus de visibilité aux laboratoires pharmaceutiques. Une baisse des prix est attendue à hauteur de 1,2 milliard d’euros.

Monsieur Panifous, les plus fragiles ont bien accès à la C2S. Non seulement cet important dispositif sera préservé, mais nous étudierons les modalités de son extension à certains publics particulièrement fragilisés.

La réforme structurelle évoquée par M. Gernigon doit être élaborée et mise en œuvre.

Monsieur Monnet, vous suggérez de tout garder en l’état et d’augmenter les recettes. Je ne suis pas d’accord parce que nous ne sommes pas suffisamment efficaces en matière de santé. Certaines politiques de prévention sont uniquement basées sur le soin. Mais il me semble plus utile d’éviter de tomber malade ce qui, en outre, coûte moins cher à la société. Quoi qu’il en soit, je ne vous en veux pas pour votre propos, que j’ai trouvé un peu caricatural.

M. Paul Christophe, ministre. Monsieur Guedj, pour un peu, j’aurais eu l’impression que votre propos était un peu comminatoire à mon endroit ! Je dois l’avouer, en trois semaines, je n’ai pas eu le temps de régler les problèmes soulevés par le grand âge : réformer la gouvernance, transformer l’offre et trouver un financement réaliste. Je les ai néanmoins pris en considération dans le budget de la branche autonomie. Le sous-objectif de l’Ondam Établissements médico-sociaux pour personnes âgées augmente de 6 % – bien plus que l’an dernier. Les trajectoires de recrutement, pluriannuelles, visent 50 000 ETP à l’horizon 2030, dont 6 500 en 2025 contre 6 000 cette année. L’expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance dans les Ehpad a été validée. Elle sera menée dans vingt-trois départements, donnant une nouvelle perspective financière aux établissements concernés et rétablissant une certaine équité en matière de tarifs proposés et de reste à charge. Pour autant, il reste du travail et les enjeux relatifs au financement ne sont pas épuisés. Nous pourrons approfondir ces sujets à l’occasion de notre rendez-vous demain.

Avec Charlotte Parmentier-Lecocq et vous-même, Monsieur Peytavie, nous avons évoqué il y a peu le remboursement des fauteuils roulants. Une nouvelle mesure dans le PLFSS ne sera pas nécessaire : grâce à l’amendement que vous aviez déposé l’an dernier et que nous avons soutenu, ce problème sera réglé par un arrêté dont les modalités restent à définir pour satisfaire pleinement les bénéficiaires. La ministre déléguée chargée du handicap a prévu de réunir rapidement les acteurs concernés, en collaboration avec vous. Nous sommes près du but. Mais il importe de fixer des plafonds tarifaires afin que les moyens de la sécurité sociale bénéficient aux usagers plutôt qu’aux constructeurs et aux distributeurs. En tout état de cause, nous prendrons cet arrêté après sa coconstruction avec les acteurs concernés et avec vous, monsieur Peytavie.

Il a été dit qu’il manque 200 millions d’euros au financement des Ehpad, mais la section soins est légèrement excédentaire. On peut donc s’interroger sur les sections ne relevant pas du budget de la sécurité sociale – l’alimentation, par exemple.

Le système de financement des crèches a évolué et nous attendons beaucoup de la création du service public de la petite enfance, qui comportera un référentiel qualité. Un décret relatif aux sanctions sera pris à la fin de l’année, permettant de sécuriser les pratiques.

Quant à la branche famille, monsieur Fayssat, elle aurait été déficitaire de 111 millions d’euros en 2025 si le Gouvernement n’avait pas apporté de nouvelles ressources. Cela montre l’attachement qui lui est porté. Elle devra financer dans les prochains mois le congé naissance, au sujet duquel nous entendons continuer à travailler avec les parlementaires.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée au sujet des allégements généraux d’exonérations et de leur impact sur la baisse du coût du travail peu qualifié. Des études ont montré qu’en période de chômage de masse, lorsque ces mesures ont été prises, la baisse du coût du travail peu qualifié a permis la création d’emplois.

S’agissant des plus bas salaires, entre 1 et 1,2 Smic, il y a 40 points d’écart en matière d’exonération. Nous avons décidé de baisser les exonérations de façon progressive, à raison de 2 points cette année et autant l’année prochaine. Je serai vigilante quant à l’impact de cette réforme sur l’emploi, en particulier pour les plus bas salaires, que les employeurs seront ainsi incités à augmenter. Afin de contrecarrer le mécanisme des trappes à pauvreté, les exonérations augmenteront pour les salaires compris entre 1,3 et 1,9 Smic. L’allégement sera le plus marqué au niveau du salaire médian – correspondant à 1,6 Smic : il représentera 3 900 euros en 2026, après la réforme, contre 2 650 euros cette année.

Nous en parlions il y a peu avec Laurent Saint-Martin : c’est précisément parce que les salaires étaient bloqués à des niveaux très bas que la prime d’activité a été imaginée. L’empilage d’exonérations et de compléments de revenus visant les petits salaires pose un problème budgétaire et crée les trappes à pauvreté. Nous avons décidé d’appliquer les exonérations jusqu’à 3 Smic plutôt que 2,45 Smic, comme le préconisait le rapport Bozio-Wasmer, parce que nous nous préoccupons de la compétitivité de certains emplois, notamment industriels, par rapport à nos voisins allemands, britanniques et néerlandais.

Au printemps dernier, il a été décidé d’abaisser le seuil d’exonération des cotisations salariales des apprentis pour le passer de 79 % à 50 % du Smic, et d’assujettir à la CSG et à la CRDS la part de salaire supérieure à 50 % du Smic. À niveau de rémunération brute inchangée, ces deux mesures auraient pour effet une diminution du salaire net des apprentis. Afin d’atténuer la baisse de pouvoir d’achat qui en résulterait, une hausse de leur grille de rémunération minimale est envisagée. Étant donné les conséquences de ces deux mesures sur leur pouvoir d’achat et sur le coût du travail pour leur employeur, le ministère du travail et de l’emploi réfléchit à des mesures alternatives. J’espère que nous pourrons avancer dans le cadre des débats parlementaires, en préservant la neutralité budgétaire. Quoi qu’il en soit, je remercie M. Guedj de m’avoir interrogée à ce sujet.

S’agissant de l’assurance chômage, nous avons proposé aux partenaires sociaux de revenir sur l’accord de novembre 2023, signé par l’ensemble des organisations patronales et trois organisations syndicales, en consentant un effort supplémentaire de 400 millions d’euros associé à un plan senior ambitieux et à la possibilité de retraites progressives. Celles-ci sont courantes en Europe du nord où les taux d’activité des seniors sont beaucoup plus importants que les nôtres.

L’assurance chômage des 77 000 travailleurs transfrontaliers présente un déficit annuel de 800 millions d’euros. Une première action, consistant à leur fournir un meilleur accompagnement, a déjà été lancée par les dix-neuf agences de France Travail dans les trois régions concernées. La deuxième action vise à faire évoluer l’offre raisonnable d’emploi, qui permet à un travailleur transfrontalier de refuser une offre française au motif qu’elle n’est pas raisonnable comparativement à la rémunération proposée de l’autre côté de la frontière. La troisième action, consistant à réviser le règlement européen en concertation avec nos partenaires, prendra plus de temps.

M. Bazin m’a interrogée au sujet des indemnités journalières et des jours de carence. Il ne faut exclure aucun sujet, qu’il s’agisse de la santé, de l’organisation du travail ou des conditions de travail.

Nous souhaitons progresser en matière de lutte contre la fraude, au sujet de laquelle Dominique Libault a rédigé un rapport. Les services du ministère font fermer les sites internet fournissant des arrêts maladie frauduleux.

Une question portait sur les mécanismes de désincitation au travail résultant des trappes à bas salaires, de la prime d’activité et des aides au logement. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques publiera demain une étude qui établit un lien entre le coût pour l’employeur et le revenu disponible pour les salariés en fonction du montant de la prime d’activité, de la situation familiale et du logement. Les chiffres évoqués lors de la conférence sur les bas salaires, il y a un an, montraient qu’augmenter de 100 euros net un salarié au Smic coûtait 480 euros à l’employeur ; ils ne prenaient en compte que la prime d’activité. La distorsion est encore plus grande lorsque d’autres facteurs sont comptabilisés.

Monsieur Philippe Vigier, vous m’avez interpellée sur les budgets de France Travail et du ministère. Vous avez raison : ce n’est pas parce que le chômage diminue qu’il faut baisser les crédits alloués à ce secteur. Cependant, il est important de mettre tous les éléments en perspective, particulièrement dans les débats budgétaires à venir, qu’il s’agisse de se référer à des périodes précises ou de procéder à des comparaisons avec des pays obtenant de bons résultats. Le budget du ministère était de 12 milliards d’euros en 2017 ; il sera de 20 milliards d’euros en 2025, malgré la baisse de 2,6 milliards d’euros prévue dans le PLF. France Travail verra la subvention de l’État pérennisée, conformément aux engagements pris auprès de l’Unedic, mais devra absorber une réduction de 1 % des ETP. Enfin, nous maintenons les contrats d’engagement jeune ainsi que tous les dispositifs d’insertion par l’activité économique comme les écoles de production, l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi et les écoles de la deuxième chance.

Enfin, s’agissant des retraites, certains oublient – peut-être volontairement – que la réforme tant décriée de 2023 prévoyait des revalorisations pour les petites pensions. Depuis un an, la pension de 1,4 million de nos concitoyens a augmenté, de 52 euros brut mensuels en moyenne. Toutefois, j’entends vos préoccupations et nous verrons, à la faveur du débat, s’il est possible de procéder à des modulations complémentaires.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur Guedj, la mesure relative à la CNRACL pour le secteur hospitalier représente 1 milliard d’euros. Elle ne diminue pas l’Ondam d’un point, mais de 0,4 point.

La lutte contre la fraude est un enjeu considérable pour la branche famille, dont la Cour des comptes n’a pu certifier les comptes, ce qui constitue un problème grave. Des mesures ont été prises dès le deuxième semestre 2023. L’instauration de la solidarité à la source doit être un levier de fiabilisation des données. Pour l’exercice 2023, 5,5 milliards d’euros sont en jeu. La lutte contre la fraude doit être une priorité, faute de quoi la diminution des dépenses sociales serait inacceptable pour nos concitoyens, d’autant que nous disposons des outils le permettant.

S’agissant de la branche maladie, nous devons lutter contre les sites internet permettant d’obtenir des arrêts maladie frauduleux. Des mesures en ce sens figuraient déjà dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Mais nous devons également renforcer les contrôles ; pour ce faire, des ETP ont été créés.

Avons-nous des positions irréconciliables, monsieur Monnet ? Je ne le crois pas. Le problème ne réside pas dans la baisse des recettes du régime de sécurité sociale. En 2019, elles s’élevaient à 508 milliards d’euros, FSV inclus. En 2025, nous prévoyons qu’elles atteignent 645,4 milliards d’euros. Or, vous laissez entendre qu’elles n’ont pas augmenté et que la politique économique et sociale n’a pas été propice au travail et donc, au financement de la sécurité sociale. C’est objectivement faux. La hausse des recettes est liée pour partie à la diminution du chômage. Par ailleurs, nous parlons de 80 milliards d’euros d’allégements généraux, dont 20 milliards d’euros au cours des quatre dernières années. Vous conviendrez qu’un freinage de 4 milliards d’euros est acceptable, notamment lorsque l’équation budgétaire doit être résolue.

En revanche, je vous l’accorde, les dépenses ont explosé alors qu’elles n’étaient pas toujours financées. Le Ségur de la santé n’était pas initialement financé. Pour ceux qui s’en souviennent, il a bénéficié de conditions très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. Paul Christophe l’a bien expliqué s’agissant de la branche autonomie : nous devons débattre des recettes et du financement, et prévoir un ralentissement des dépenses conforme aux recettes réelles. Entre 2023 et 2025, nous avons enregistré 50 milliards d’euros de recettes complémentaires, ce qui démontre qu’il est faux de prétendre que nous avons fait des cadeaux fiscaux pour empêcher le financement de la sécurité sociale.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des députés, que j’invite à être concis.

Mme Annie Vidal (EPR). Certes, la sécurité sociale se trouve dans une situation préoccupante. Mais, en 2020, avant le covid‑19, elle suivait une trajectoire de retour à l’équilibre, avec une extinction de la dette sociale. Elle a pleinement joué son rôle pendant la crise : parmi les Européens, les Français ont été les mieux accompagnés, même si certains d’entre vous le considéraient insuffisant. Cet accompagnement a eu les conséquences que nous connaissons.

Ma première question est récurrente depuis 2018 : qu’en est-il des négociations entre la Cnam et les transporteurs sur la prise en charge des transports bariatriques programmés ?

En 2024, la sous-utilisation du sous-objectif de l’Ondam Établissements médico-sociaux pour personnes âgées s’est élevée à 200 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 134 millions d’euros de la réserve prudentielle. Alors que le secteur connaît de grandes difficultés, pourquoi ces montants ne peuvent-ils pas être utilisés comme un fonds d’urgence ?

Enfin, ce sous-objectif de l’Ondam progresse de près de 6 % en 2025. Pouvez-vous garantir que l’ensemble des mesures gagées dans la loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie seront financées par cet accroissement ? Je pense au service public départemental de l’autonomie (SPDA), à la cellule de lutte contre les maltraitances, aux équipes locales d’accompagnement sur les aides techniques, au programme Integrated Care for Older People (Icope, ou soins intégrés pour personnes âgées), à la carte professionnelle, à l’accueil de nuit en Ehpad ou au soutien à l’Ehpad inclusif.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Tout d’abord, je vous remercie d’avoir évoqué les bilans de prévention aux âges clefs de la vie. Malheureusement, aucune nouvelle mesure en faveur de la prévention ne figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En six ans, les dépenses ont augmenté de 60 milliards d’euros tandis que la santé des Français s’est dégradée, en raison notamment d’une hausse des maladies évitables – diabète, pathologies cardiovasculaires, cancers. En outre, les affections de longue durée ont augmenté de 4 % au cours de la dernière année. Surtout, aucun scénario crédible de retour à l’équilibre ne se dessine à court terme.

Il existe pourtant des solutions. La prévention, loin d’être une perspective à long terme, peut apporter des résultats tangibles et rapides, tant pour la santé de nos concitoyens que pour nos comptes sociaux. Le coût des actions de prévention sera nettement inférieur à celui des soins relatifs aux pathologies liées aux mauvais comportements. Le coût du tabac est estimé à 150 milliards d’euros par an, celui de l’alcool à 102 milliards d’euros et celui de l’obésité à 20 milliards d’euros par an. L’Écosse, qui a vu la mortalité liée à l’alcool diminuer en seulement trois ans grâce à l’instauration d’un prix minimum, est un exemple intéressant.

Investissons dans la santé de nos concitoyens et pas uniquement dans le soin : telle est la vision prônée par le Premier ministre ! Vous la partagez, madame la ministre de la santé. La prévention doit guider l’ensemble de nos actions de santé publique. Il existe des pistes pour à la fois équilibrer les finances et améliorer la santé de nos concitoyens. Depuis trois ans, je plaide pour une réforme de la fiscalité comportementale – qu’il s’agisse de la consommation d’alcool ou de sucre. Ça fonctionne ! Nous pouvons aussi responsabiliser davantage les acteurs du secteur de la santé. Lors de l’examen du projet de loi de financement, soutiendrez-vous les amendements favorables à la prévention, qui font consensus dans de nombreux groupes ?

M. Didier Le Gac (EPR). Madame Panosyan-Bouvet, quand présenterez-vous la modulation des critères relatifs aux aides à l’apprentissage ? Ces derniers, qui concernent le niveau d’étude ou la taille de l’entreprise, sont très attendus dans les entreprises puisqu’ils pourraient être effectifs dès le 1er janvier prochain.

Monsieur Christophe, vous avez évoqué les difficultés structurelles des Ehpad ainsi que l’Ehpad de demain. Mais qu’en est-il de la situation actuelle ? Que dire aux directeurs des Ehpad publics ? En 2023, un fonds d’urgence de 100 millions d’euros avait été débloqué. Un fond similaire est-il envisagé cette année ? Sinon, que proposez-vous ?

Monsieur Saint-Martin, la majorité des décisions que nous prenons dans les secteurs de l’enfance, du handicap, du vieillissement, de l’exclusion et de la pauvreté sont appliquées par les départements. Le Gouvernement choisit de faire reposer le redressement des comptes publics sur les 450 plus grandes collectivités territoriales, parmi lesquelles les départements. Or, ces derniers se trouvent en difficulté, notamment en raison de finances exsangues. Je ne comprends pas qu’un tel effort leur soit demandé alors que ce sont les collectivités mettant le plus en œuvre la solidarité.

M. Elie Califer (SOC). Vous souhaitez économiser 2,9 milliards d’euros en décalant de six mois l’indexation des pensions sur l’inflation. Il est inique de rechercher des économies sur les petits retraités déjà précarisés, en particulier dans les départements et région d’outre-mer (Drom). Assumez-vous de ne pas revaloriser ces pensions durant les prochains mois, au détriment de ces millions de petites gens qui deviennent des boucs émissaires ? La rédaction de l’article 23 laisse penser que ce décalage est pérenne et sera reconduit chaque année. Pouvez‑vous nous rassurer à ce sujet ?

Par ailleurs, je suis préoccupé par l’article 6 et ses conséquences. Il prévoit une réforme de l’allégement des cotisations sociales patronales qui affecterait directement des dispositifs spécifiques aux Drom prévus dans la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite « Lodeom », dispositifs pourtant cruciaux. Le tissu économique ultramarin est complexe et la Lodeom compense les handicaps structurels auxquels nos entreprises sont confrontées tels que les cours élevés, les difficultés à bénéficier d’économies d’échelle, la dépendance aux importations et l’éloignement. Ne pensez-vous pas préférable d’attendre les conclusions de l’évaluation actuellement menée par l’IGF et l’Igas ?

M. Christophe Bentz (RN). Le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas seulement le fruit d’un arbitrage budgétaire du Gouvernement, il fournit aussi l’occasion d’indiquer une direction politique et, peut-être, une méthode de travail.

Madame Darrieussecq, vous êtes ministre de la santé et de l’accès aux soins. Il est heureux que cette notion ait été ajoutée, même si elle demeure symbolique. Le message envoyé est positif puisque l’accès aux soins évoque la dimension territoriale et géographique des politiques publiques de santé.

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a déclaré qu’en matière de santé, des solutions seraient trouvées avec les acteurs de terrain. Or, les ARS ne fonctionnent pas ainsi. Par exemple, au centre et au sud de la Haute-Marne, l’ARS a décidé de réorganiser l’offre de soins contre l’avis des professionnels de santé, des élus locaux, des acteurs de terrain et des usagers. Madame la ministre, comment rectifier le tir avec les ARS ?

Mme Joëlle Mélin (RN). Le système conventionnel a été instauré il y a plus de soixante-cinq ans pour garantir la solvabilité des patients. Les caisses assurent le remboursement des actes médicaux en contrepartie de l’acceptation par les professionnels de ville d’un blocage de leurs honoraires. Avec les années, le système s’est distordu : baisse des remboursements et des tarifs, lesquels sont le plus souvent en deçà de l’augmentation des frais généraux et des investissements nécessaires. Cela a peu à peu stérilisé les outils de travail, dans les laboratoires de ville, les officines pharmaceutiques et les lieux d’hospitalisation privés. Parallèlement, on assiste à une financiarisation à marche forcée.

L’article 15 fait ressurgir la tarification d’office, quels que soient les efforts des professionnels pour maîtriser les dépenses. Les professionnels de santé libéraux sont quasiment à l’os. Aujourd’hui, il s’agit des radiologues, qui sont une proie toute désignée pour les grands groupes financiers. Alors que la tarification d’office est une rupture a priori temporaire et partielle du système conventionnel, ne va-t-elle pas se généraliser durablement à tout le corps médical ? Souhaitez-vous vraiment la fin du système conventionnel, un système paritaire qui a assuré jusqu’à présent le remboursement facile des patients ?

Mme Anchya Bamana (RN). Le système de santé de Mayotte s’effondre sous la pression migratoire. Le personnel soignant y manque cruellement : absence de médecins régulateurs dans les structures mobiles d’urgence et de réanimation, fermeture des services de maternités intercommunales faute de sages-femmes. L’éducation nationale ne dispose que de deux médecins scolaires pour près de 113 000 élèves. Le système libéral compte 33 médecins pour 400 000 habitants. Il n’y a qu’un seul médecin du travail pour le secteur privé.

Pourtant, il n’existe aucune politique axée sur la prévention primaire, ce qui est d’autant plus critique dans un territoire où sévissent diabète, hypertension artérielle, cancers et obésité, pas plus que de politique d’attractivité des professionnels de santé à long terme. Des décisions incompréhensibles sont prises, telles que la suspension de l’indemnité particulière d’exercice au bénéfice des praticiens hospitaliers. Le centre hospitalier de Mayotte, seul établissement, accuse un déficit de près de 22 millions d’euros.

Dans le PLFSS, nous ne trouvons aucune mesure spécifique pour ce département. Toutes les auditions que j’ai menées, en tant que rapporteure pour avis de la mission Santé du PLF 2025, en témoignent. Lors de la rencontre que j’ai sollicitée auprès de vous, madame la ministre de la santé, je prendrai le temps de vous exposer plus en détail les problèmes auxquels les Mahorais font face, espérant votre écoute mais surtout votre action. Quelles premières mesures envisagez-vous pour sauver le système de santé de cette île ?

M. Théo Bernhardt (RN). La phagothérapie est une piste intéressante face à l’augmentation alarmante d’infections dues à des bactéries antibiorésistantes. Avez-vous des projets pour accélérer la recherche sur ce sujet ?

La recherche clinique fait face à plusieurs défis : longueur des procédures administratives, difficultés de recrutement de patients, manque de financement interdisant les essais cliniques à grande échelle. Avez-vous des solutions qui ne remettraient pas en cause, bien sûr, l’intégrité, la sécurité et l’éthique de nos études ?

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Le déficit actuel est de la responsabilité des gouvernements successifs depuis sept ans. Les économies ne doivent pas se faire en sacrifiant les investissements d’avenir : augmentation du coût du travail sur les bas salaires ou renonciation à une partie des exonérations de cotisations pour les apprentis. Vous prenez le risque de priver les entreprises de jeunes forces productives et les jeunes d’un accompagnement vers le monde du travail. L’apprentissage, déjà attractif, peut être plus efficace encore. C’est pourquoi nous souhaitons une priorité aux jeunes suivant des études jusqu’à un bac + 3 – plus d’apprentis soudeurs que de consultants pour McKinsey. Ne craignez-vous pas de mettre un frein supplémentaire à la productivité et au retour à l’activité ?

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Voici venu l’impôt Barnier sur les apprentis : un apprenti payé 700 euros devra s’acquitter de la CSG et de la CRDS, soit 50 euros en moyenne. Pourquoi leur faire les poches ? Parce que, depuis cinq ans, des aides excessives sont distribuées au grand patronat pour un montant de 25 milliards d’euros par an – deux fois le déficit de la sécurité sociale – sans qu’il y ait pour autant un contrôle des conditions d’apprentissage. Plus d’un quart des contrats sont rompus – ce taux atteint 40 % dans l’hôtellerie-restauration – et 15 000 apprentis sont victimes chaque année d’un accident du travail. La moitié des employeurs n’assurent pas leur devoir de tutorat.

Il faut améliorer l’encadrement de l’apprentissage. Les apprentis devraient être revalorisés et une vraie formation assurée, au lieu de les substituer à leurs collègues. La Suisse, par exemple, leur accorde des semaines de congés payés supplémentaires pour assurer leur formation.

Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Alors que les jeux Paralympiques étaient l’occasion inédite d’effleurer l’idéal d’une société inclusive, la première composition du gouvernement ne comptait pas de ministère dédié au handicap. Le PLF prévoit de raboter de 100 millions d’euros le budget de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). En supprimant 20 % de son enveloppe, le Gouvernement menace des milliers d’accompagnements, de formations, de financements indispensables à l’emploi de 7 millions de personnes en situation de handicap, déjà confrontées à des contrats précaires, à des postes inadaptés et à des discriminations à l’embauche. Ces aides sont primordiales pour créer des activités et inciter les entreprises à respecter la loi de 1987 instaurant un quota d’embauche de 6 %, quand il n’est que de 4 %. L’Agefiph est un système vertueux et autofinancé. Qui plus est, les cotisations sociales qui proviennent des emplois pourvus grâce à l’Agefiph sont une source de financement pour la sécurité sociale. En créant l’Agefiph, l’objectif était le plein emploi pour les personnes en situation de handicap, au nom de leur autonomie. Le maintien de ce budget est primordial.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Tous les jours, je reçois des témoignages alarmants : là où la médecine de ville disparaît, il ne reste plus que les centres hospitaliers pour les patients. Cet été, près de 80 % des services d’urgence – 174 exactement – n’ont pas pu fonctionner en continu. Les pompiers et les ambulanciers ont dû parcourir jusqu’à 400 kilomètres pour trouver un service ouvert. L’État doit agir ! Les communes n’ont d’autre choix que de prendre des arrêtés mettant en demeure l’État de respecter ses obligations d’accès aux soins. Or, l’Ondam pour 2025 est le plus austéritaire depuis la fin de la crise sanitaire. La Fédération hospitalière de France estime que le sous-objectif Établissements de santé doit bénéficier d’une évolution de 3,1 % et non du 0,2 % prévu. Quelle partie sera affectée à la rémunération et au recrutement de nouveaux personnels ? Vous envisagez l’augmentation du ticket modérateur alors que 40 % de la population renonce aux soins pour une raison financière, et vous accentuez la médecine à deux vitesses. Comment renforcer le service public de la santé plutôt que les cliniques qui coûtent plus cher à la sécurité sociale et donc à tous ? Pouvez-vous vous engager à ce que les situations de cet été ne se reproduisent pas ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame Vidal, un travail est en cours sur la question que vous soulevez, dont les conclusions sont attendues en 2025.

Monsieur Isaac-Sibille, même si elles sont peu visibles, il y a bien de nouvelles mesures de prévention. Les ARS disposent de 10 % de plus dans le FIR pour financer des actions spécifiques locales. Nous discuterons des taxes comportementales, notamment sur le sucre transformé, un poison à l’origine de nombreux cas de diabète secondaire.

Monsieur Bentz et madame Amiot, l’accès aux soins doit s’organiser territorialement en reposant notamment sur les communautés professionnelles territoriales de santé. Les services d’accès aux soins sont, à cette fin, d’une grande aide. Il faut se défaire de l’idée que l’accès aux soins se résume à l’hôpital. Les personnes ont avant tout besoin d’avoir comme interlocuteur un médecin ou un infirmier. L’hôpital devrait être réservé aux urgences et aux maladies graves. C’est vers cette épure que doit tendre notre organisation, même si c’est loin d’être simple dans la mesure où certains territoires manquent de médecins. Aussi devons-nous former plus d’infirmiers en pratique avancée et des médecins. Jusqu’en 2030, il faudra faire le dos rond et compter sur des organisations territoriales qui, malgré leur fragilité apparente, sont en réalité très utiles, comme me l’ont prouvé des exemples dans la Creuse ou dans des villes moyennes. Il faut aider et financer ces initiatives. Les ARS doivent être à l’écoute du terrain, le plus à même de construire un système adéquat.

Madame Mélin, nous n’allons évidemment pas mettre fin au système conventionnel auquel je suis très attachée. Les tarifs opposables protègent l’accès aux soins. Mais nous devons rester vigilants. Les profits des cabinets de radiologie et de biologie n’ont pas à alimenter des fonds d’investissement. Veillons aussi au bon niveau de prescription des examens !

Madame Bamana, je suis avec beaucoup d’attention la situation à Mayotte. Face à la pénurie de soignants, un mouvement de solidarité nationale a permis de faire venir pendant quelques mois des médecins d’Europe ou de La Réunion. Tout cela demeure néanmoins fragile. Nous en parlerons ensemble. Même si je serai très attentive à la sécurité sanitaire et à la couverture de santé à Mayotte, je ne ferai pas de miracle. Il y a besoin d’une réponse cousue main. Il faut y rendre les métiers médicaux attractifs.

Monsieur Bernhardt, la recherche doit en effet représenter un pan important des investissements en santé, en collaboration avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Quant à la phagothérapie, je me renseignerai.

M. Paul Christophe, ministre. Madame Vidal, je n’ai pas pu vous répondre lors de la séance des questions au Gouvernement puisque j’étais au Sénat pour la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves. Concernant la sous-exécution de l’objectif global de dépenses (OGD) Personnes âgées de 2024, j’attends une circulaire budgétaire. Elle permettra de donner des moyens aux services de soins infirmiers à domicile et de préparer la fusion des sections. Par ailleurs, les aides à la mobilité ne sont pas reprises dans l’OGD, dans la mesure où elles relèvent des départements. De la même façon, étant donné qu’il s’agit d’un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, le SPDA n’est pas repris dans l’OGD. Les travaux du ministère sur la carte professionnelle sont proches de leur aboutissement.

Monsieur Le Gac, 66 % des Ehpad sont déficitaires. Nous pouvons nous poser des questions sur leur modèle économique, qui dépassent celle du concours de l’État, qui a augmenté de 50 % depuis 2019.

Madame Belouassa-Cherifi, l’Agefiph est financée par une taxe payée par les entreprises ne respectant pas le taux de 6 % de salariés en situation de handicap. En réalité, les 50 millions d’euros pris sur le budget de l’Agefiph seront reversés aux entreprises adaptées par le biais du PLF. Ce n’est pas tant ce mouvement de tuyauterie qui fait débat qu’une ambiguïté laissant croire que plus de 50 millions d’euros seront concernés. Le Gouvernement déposera un amendement pour fixer ce montant.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Messieurs Le Gac, Clouet et Dussausaye, l’effort fourni pour l’apprentissage s’élève à 15 milliards d’euros – 4 milliards d’euros d’aides aux employeurs, 10 milliards d’euros pour financer la formation et les centres de formation d’apprentis et 1 milliard d’euros concernant les exonérations. Assurément, nous devrons réfléchir ensemble afin d’améliorer la qualité de la formation.

Concernant les aides à destination des employeurs, nous sommes en train de consulter les organisations patronales et syndicales interprofessionnelles ainsi que des formations de professionnels – la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, par exemple. Il nous faudra prendre des décisions rapidement pour que les entreprises soient en mesure d’anticiper.

S’agissant du profil des apprentis, il faut avoir en tête qu’un tiers de ceux qui ont pu mener des études jusqu’au master l’ont fait grâce à l’apprentissage. Cela permet aussi aux TPE et PME d’accéder à ce type de compétences, favorables à leur montée en gamme. Les apprentis de niveau 7 montrent également que l’apprentissage n’est pas une voie de garage mais qu’il peut être prestigieux, quel que soit le niveau de qualification. Chacune des options présente des avantages et des inconvénients.

Messieurs Guedj et Clouet, nous examinons la question de la fin des exonérations avec une grande vigilance. Pour éviter que les apprentis rémunérés selon un barème minimum subissent une perte de salaire net, nous allons relever ce barème malgré les inconvénients pour l’employeur. Nous voulons limiter le plus possible l’effet de la réforme pour rendre l’apprentissage attractif aussi bien pour le jeune que pour l’entreprise.

Monsieur Califer, le sujet des exonérations outre-mer est renvoyé à une ordonnance afin de laisser le temps de la concertation, en particulier avec les parlementaires concernés.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie d’avoir pris part à cette audition. La commission examinera le PLFSS dès le début de la semaine prochaine.

 

La réunion s’achève à vingt heures trente-cinq.


Présences en réunion

Présents.  Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, Mme Anchya Bamana, M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Josiane Corneloup, Mme Sandra Delannoy, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. René Lioret, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

 

Excusés.  Mme Béatrice Bellay, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon

 

Assistaient également à la réunion.  M. Jean-Didier Berger, Mme Stella Dupont, Mme Élise Leboucher, M. François Ruffin