Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Examen de la proposition de loi visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités (n° 284) (M. Thomas Ménagé, rapporteur) 2
– Dépouillement du scrutin du 16 octobre 2024 sur la proposition de nomination de Mme Catherine Paugam‑Burtz aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé 17
– Suite de l’examen de la proposition de loi visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités (n° 284) (M. Thomas Ménagé, rapporteur) 18
– Présences en réunion.................................29
Mercredi
23 octobre 2024
Séance de 9 heures 30
Compte rendu n° 10
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
— 1 —
La réunion commence à neuf heures trente.
M. le président Frédéric Valletoux. En tant que président de la commission, il m’appartient de veiller à la bonne application des dispositions constitutionnelles, organiques et réglementaires. J’ai donc saisi le président de la commission des finances sur la recevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution de la proposition de loi que nous examinons ce matin.
Selon le président Éric Coquerel, les dispositions prévues par les deux premiers articles du texte entraîneront des charges pour les organismes de sécurité sociale, que les dispositions de l’article 3 visent à équilibrer. Si l’article 40 interdit de compenser la création d’une charge par la création d’une ressource nouvelle ou l’augmentation d’une ressource existante, il est de jurisprudence constante de tolérer le dépôt d’un texte dont l’adoption aurait pour conséquence la création ou l’aggravation d’une charge publique, dès lors qu’elle comporte un gage de charge.
Le président Coquerel juge que cette lecture favorable à l’initiative parlementaire doit trouver à s’appliquer non seulement lors du contrôle, par le bureau de l’Assemblée nationale, de la recevabilité au moment du dépôt des propositions de loi, mais aussi lorsque cette recevabilité est contestée par la suite auprès du président de la commission des finances. Il conclut que le texte est recevable au titre de l’article 40.
Nous en venons donc à cette proposition de loi, que je remercie le rapporteur de bien vouloir présenter à la commission.
M. Thomas Ménagé, rapporteur. Depuis que la réforme des retraites a été adoptée par la force en 2023, cette proposition de loi visant son abrogation est la seconde qu’examine notre commission. Nous nous étions penchés sur la première en juin 2023 à l’initiative du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT). Nous savons ce qu’il est advenu de ce texte en raison des manœuvres déployées par l’ancienne majorité présidentielle.
À l’occasion de la journée d’ordre du jour réservé à notre groupe politique, nous proposons une deuxième proposition de loi, qui n’est ni partisane ni polémique. Elle ne vise pas à appliquer le programme d’une formation politique. Il s’agit d’un texte de concorde conçu dans l’intérêt supérieur des Français.
Sur la base des professions de foi présentées lors des dernières élections législatives, nous savons qu’une large majorité – une majorité absolue ! – existe en faveur de ce texte dans notre hémicycle. Cette majorité, nous la devons à nos électeurs, qui nous écoutent et nous observent. Face à une violence démocratique inégalée sous la Ve République, à l’usage des articles 44, alinéa 3, 47‑1 et 49, alinéa 3 de la Constitution, nous avons une triple responsabilité.
La première de ces responsabilités est de réparer une erreur démocratique mais aussi les erreurs commises par les réformes successives des retraites, aussi inefficaces sur le plan économique que budgétaire. En 2023, le Gouvernement et l’ancienne majorité présentaient cette réforme des retraites comme indispensable pour sauver un système menacé de faillite. Pourtant, le compte n’y est pas et le Conseil d’orientation des retraites (COR) annonce un déficit de 0,2 % du PIB en 2024 et de 0,8 % en 2070.
La vérité, c’est qu’il n’y avait aucune urgence. Comme le soulignait devant vous en janvier 2023 l’ancien président du COR, Pierre-Louis Bras, les dépenses de retraite « ne dérapaient pas » et le système était excédentaire. Les Français qui travaillent ont servi de variable d’ajustement pour tenter de limiter la dérive des comptes publics. La véritable raison d’être de la réforme de 2023 résidait dans la situation globale des finances publiques, notamment dans les possibles recettes fiscales liées au recul de l’âge du départ en retraite.
Raisonner à partir du solde total du système de retraite est trompeur. En effet, certains régimes sont excédentaires, comme l’Agirc-Arrco, quand d’autres sont déficitaires, comme le régime général. Nous ne pouvons pas nous dispenser de l’analyse de chaque régime et de la soutenabilité d’ensemble de nos comptes publics.
En relevant l’âge de départ en retraite, le Gouvernement prétendait réduire les dépenses sociales alors qu’une telle réforme contribue à les augmenter. Lorsque plus de la moitié des seniors n’occupent pas un emploi, repousser l’âge de départ en retraite revient à augmenter les dépenses sociales. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ces effets d’éviction coûteraient près de 5 milliards d’euros aux finances publiques. Certains économistes, comme Henri Sterdyniak, qui n’est pas membre du Rassemblement National, estiment même le coût de ces effets d’éviction situé entre 5 et 11 milliards d’euros. La réforme des retraites n’introduit aucune mesure de soutien réel à l’emploi des seniors, pourtant un enjeu majeur. La lecture purement comptable du Gouvernement n’a produit aucun résultat. Elle n’a pas « sauvé » le système de retraite et le Gouvernement de l’époque a donc menti.
Notre deuxième responsabilité est de protéger, puisque ces réformes ont conduit à un système injuste qui pénalise les plus précaires. Chaque jour qui passe est un jour de souffrance supplémentaire infligé à nos concitoyens en fin de carrière.
Je pense à tous ces Français qui, après avoir travaillé toute leur vie pour atteindre la durée requise, devront continuer deux années de plus. Je pense à toutes ces femmes qui subiront de plein fouet la réforme et dont l’âge moyen de départ devrait augmenter de 9 mois contre 5 mois pour les hommes, parce que les femmes travaillent plus souvent dans des emplois précaires à temps partiel. Je pense à tous ces ouvriers, à tous ces travailleurs exposés à la pénibilité, qui ont déjà subi l’usine à gaz du compte professionnel de prévention, dont les critères les plus importants ont été supprimés. Ils devront désormais travailler plus longtemps pour espérer une retraite à taux plein.
Nous souhaitons supprimer les pires dispositions des réformes Touraine de 2014 et Borne de 2023. Nous voulons rétablir une forme de justice entre les travailleurs en prenant mieux en compte les carrières hachées, les carrières longues et la pénibilité. Plus on travaille tôt, plus on travaille dur, plus on devrait partir tôt. Nous faisons un choix de société : permettre à nos compatriotes de profiter de leur retraite après une dure vie de labeur. Cependant, rien n’empêche ceux qui souhaitent partir plus tard de le faire. Il faudra les accompagner. Avec cette réforme, nous ne défendons pas le droit à la paresse mais bien la liberté pour chaque Français de partir à un âge raisonnable tout en assurant, pour les carrières longues et les plus pénibles, le droit de partir plus tôt.
Enfin, notre troisième responsabilité est de préparer l’avenir. Nous défendons une vision non pas parcellaire, mais macroéconomique. Or, les gouvernements ayant conduit les différentes réformes n’ont pas eu le courage de mener les actions ambitieuses en mesure de pérenniser notre système de retraite.
D’abord, qu’ont fait ces gouvernements pour rehausser le taux d’emploi, dont la faiblesse constitue malheureusement une spécificité française ? Toutes mes auditions l’ont souligné : si le taux d’emploi en France, qui se situe autour de 68 %, est légèrement moindre que la moyenne européenne, il est inférieur de 10 points à celui de l’Allemagne et de 14 points à celui des Pays- Bas. Pire, les taux d’emploi des personnes âgées, des jeunes et des personnes non qualifiées sont très faibles. Le COR l’a démontré : un rattrapage du taux d’emploi pour atteindre celui des Pays-Bas procurerait jusqu’à 140 milliards d’euros de recettes publiques supplémentaires par an, ce qui couvrirait largement les déficits annoncés. Les emplois créés entraîneraient des cotisations sociales et des recettes fiscales supplémentaires, qui permettraient de financer les pensions de nos retraités. Le gouvernement Borne a fait un choix différent en considérant plus facile de faire travailler les salariés deux ans de plus, plutôt que de permettre à tous les Français de trouver un emploi. Avec cette proposition de loi, nous dénonçons aussi ce choix.
Ensuite, qu’ont fait ces gouvernements successifs en matière de soutien à la démographie ? Dans un régime par répartition, les actifs paient les pensions des retraités. Comme nos concitoyens, nous sommes attachés à ce système. Pourtant, depuis plus de dix ans, la natalité est en chute libre. Chacun est libre de ses choix et de son souhait de devenir père ou mère d’un ou de plusieurs enfants. Personne ne forcera qui que ce soit à fonder ou à agrandir une famille. Cependant, le nombre moyen d’enfants souhaités s’élevait à 2,27 en 2023, mais le nombre moyen d’enfants par femme n’était que de 1,68. Ce décalage doit nous interroger. Il n’est pas normal que des familles ne puissent pas s’agrandir parce que la puissance publique ne les accompagne pas suffisamment, parce qu’elles ne disposent pas d’une chambre supplémentaire ou qu’elles ont du mal à se loger, parce que leur pouvoir d’achat s’est effondré et qu’elles ne peuvent assumer financièrement l’arrivée d’un enfant, ou parce que les places en crèche manquent. Les enfants d’aujourd’hui sont notre avenir et les cotisants de demain. Si l’on fait de la natalité un gros mot alors qu’elle est au fondement du système par répartition, le problème ne sera jamais résolu.
Enfin, qu’ont fait les gouvernements successifs en matière de productivité ? Alors que la productivité française s’étiole, en particulier depuis la crise sanitaire, rien de sérieux n’a été engagé. Les projections du COR sont peu optimistes, atteignant péniblement 1 %. La productivité européenne décroche fortement en comparaison de celle des États-Unis. Il s’agit pourtant d’un sujet fondamental, largement documenté, y compris par le récent rapport Draghi sur la compétitivité européenne. La qualification de la main‑d’œuvre, la mobilisation des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle ainsi que la simplification administrative constituent autant de leviers à actionner de façon urgente. Près de 4 % du PIB sont perdus chaque année dans les lourdeurs bureaucratiques ; il s’agit d’une source possible de recettes qu’il faut sérieusement considérer.
Face à l’ensemble de ces constats, nous agissons grâce à cette proposition de loi. D’une part, ce texte abroge les pires dispositifs de la réforme des retraites de 2023 en proposant à l’article 1er de rétablir l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et d’abroger l’accélération du calendrier du passage de 42 à 43 annuités de cotisation. D’autre part, il abroge l’allongement de la durée de cotisation auquel avait procédé la réforme Touraine de 2014 et il rétablit, par souci de cohérence et pour tous, une durée légale de cotisation de 42 annuités au travers de l’article 2.
Par ailleurs, la proposition de loi adapte divers dispositifs pour prendre acte du rétablissement de l’âge légal de départ à 62 ans, tels que les départs anticipés pour inaptitude et incapacité, pour les travailleurs handicapés et pour les carrières longues. Par conséquent, nous revenons à l’âge d’ouverture des droits à la retraite en vigueur avant la réforme de 2023 pour les catégories « active » et « super-active » de la fonction publique. Il s’agit d’un sujet important, notamment pour nos policiers, que j’ai souhaité auditionner.
Nous assumons le coût de cette réforme car il s’agit d’un choix de société. Nous le finançons à long terme, notamment à travers une action ambitieuse sur les leviers mentionnés, mais aussi grâce à des économies structurelles dans le budget de l’État.
En résumé, cette proposition de loi est pragmatique et soucieuse des Français, en particulier des plus fragiles.
Soyons cohérents devant nos électeurs. Nous avons l’occasion d’abroger réellement la réforme des retraites et d’honorer nos engagements. J’insiste sur le mot « réellement » pour revenir quelques instants sur le comportement de nos collègues du Nouveau Front Populaire et notamment de M. Jérôme Guedj. Chers collègues, vous avez arpenté les marchés et les plateaux de télévision durant toute la campagne législative pour promettre aux Français d’abroger la réforme. Pourtant, le premier jour de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), vous avez choisi de leur faire croire que vous alliez procéder à cette abrogation grâce à un amendement, qui n’en faisait rien et n’entraînait qu’une augmentation des cotisations censée équilibrer une future réforme. Et dès le lendemain, monsieur Guedj, vous avez avoué sur Twitter que les amendements d’abrogation de la réforme avaient été déclarés irrecevables. Vous prétendez que nous aurions pu abroger la réforme alors que ces amendements n’ont jamais été discutés.
Je ne m’inscris pas dans cette logique de conflit et de conflictualisation, qui nuit au débat et ne fait pas avancer le sujet. Je ne suis ici ni pour raconter des salades aux Français, ni pour faire des effets de manche. Les Français nous ont missionné pour abroger la réforme des retraites. C’est ce que nous proposons de faire de la façon la plus claire, la plus efficace et la plus rapide qui soit. Nos concitoyens l’attendent puisqu’ils sont près de 90 % à vouloir remettre en cause la réforme de 2023.
J’entends aussi la nécessité de remettre à plat le financement de notre système. Chaque groupe a présenté des pistes en la matière et j’ai évoqué des points que nous considérons importants. Cependant, mes auditions l’ont montré : il est important d’associer à cette réflexion les partenaires sociaux, comme l’avait proposé Charles de Courson en juin 2023. Ainsi, dans une vision consensuelle, je présenterai un amendement portant article additionnel relatif à l’organisation d’une conférence de financement de notre système de retraite, autour duquel j’espère que nous pourrons tous nous retrouver dans l’intérêt de nos concitoyens.
Enfin, je suis convaincu que nous pourrons nous entendre autour de ce texte qui dépasse les clivages. C’est ce que j’attends de nos débats et c’est ce que les Français attendent de cette assemblée. Si cette proposition de loi est votée, ce ne sera la victoire d’aucun groupe mais bien la leur.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Guillaume Florquin (RN). Nous avons l’occasion de réparer les dégâts causés par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, qui n’ont eu de cesse de trahir le peuple et les travailleurs.
Au Rassemblement National, nous sommes les seuls à défendre ceux qui travaillent, à porter la voix des oubliés de la République. Quand d’autres n’ont fait que des promesses vides, nous proposons un projet concret et juste : rétablir l’âge de départ en retraite à 62 ans, après 42 annuités. Il s’agit d’une réponse claire à des décennies de trahison.
La gauche s’est détournée de ses propres valeurs, trahissant ses électeurs et les ouvriers qu’elle prétendait défendre. Ainsi, elle n’a pas soutenu notre motion référendaire lors de l’examen de la réforme des retraites, refusant de donner la parole au peuple et prouvant qu’elle préfère protéger ses intérêts politiciens plutôt que d’écouter ceux qui souffrent.
Les électeurs ne se laissent plus berner. Le porte-parole du Parti communiste, Léon Deffontaines, l’a bien compris puisqu’il appelle à voter notre texte. Les communistes connaissent les conséquences désastreuses des réformes imposées. Ils savent que nous sommes les seuls à défendre les intérêts des travailleurs. Mon élection au premier tour face à Fabien Roussel en apporte la preuve. Les collègues de gauche devraient arrêter de s’abriter derrière des discours sectaires et écouter leurs électeurs. Quant aux collègues de l’ancienne majorité, continueront-ils de défendre un bilan aussi désastreux ou reconnaîtront-ils enfin leurs erreurs ?
Mme Prisca Thevenot (EPR). Monsieur Ménagé, d’après le slogan de votre famille politique, « quand le peuple vote, le peuple gagne ». Cependant, quand le RN propose des textes au vote, le peuple peut perdre beaucoup.
Nous sommes réunis pour examiner la première proposition de loi déposée par le groupe RN lors de cette législature. S’agit-il de redresser les comptes publics ? Non. De défendre le pouvoir d’achat des retraités ? Non plus. De garantir la pérennité de notre système de solidarité intergénérationnelle alors ? Toujours pas. Avec ce texte, le seul objectif du RN est de faire un coup politique en se livrant au jeu du « je t’aime moi non plus » avec La France insoumise.
Vous rappelez ici ce que nous savons depuis 2022 : RN et LFI sont unis dans la démagogie. Que direz-vous, vous et vos nouveaux amis, aux 850 000 retraités qui, grâce à la réforme que vous voulez supprimer, ont bénéficié d’une revalorisation de leur petite pension ? Que direz-vous aux enfants orphelins qui peuvent dorénavant percevoir une pension jusqu’à 21 ans et, quand ils sont en situation de handicap, sans limite d’âge ? Que direz-vous aux sportifs de haut niveau qui peuvent dorénavant racheter des trimestres ? Leur direz-vous que votre coup politique compte bien davantage que leur quotidien et leurs besoins, parce que vous avez envie de vous faire de nouveaux amis ?
Ne nous dites pas que vous ne comptez pas toucher à ces avancées et que vous souhaitez seulement revenir sur les paramètres de la réforme. En le faisant, vous empêcherez le financement de ces avancées. Notre groupe défendra l’intérêt de ces personnes et s’opposera à ce coup politique.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’extrême droite se présente à nouveau parée de son vernis social, espérant convaincre qu’elle souhaite faire abroger cette réforme et que son texte peut aboutir. Il s’agit d’un mensonge qui s’inscrit dans une longue série.
En 2007, Jean-Marie et Marine Le Pen se prononçaient pour la retraite à 65 ans. Ils ont ensuite présenté une fausse proposition de retraite à 60 ans, entretenant le flou tant sur le nombre d’annuités que sur l’âge réel de départ. Les dernières élections européennes ont permis de clarifier le programme : la retraite à 66 ans, chiffre auquel M. Jordan Bardella est parvenu après un brillant calcul.
Qui peut croire que le RN lutte contre la retraite à 64 ans alors que ses députés n’ont déposé que soixante‑quinze amendements contre la réforme en 2023 ? Qui peut y croire alors que jamais un seul de ses élus ne s’est rendu aux manifestations les plus massives que la France a connues depuis la Libération, préférant légitimer les violences policières et les arrestations arbitraires sur les chaînes de Vincent Bolloré ? Qui peut y croire alors que ses députés ont voté contre l’abrogation lors de l’examen du PLFSS il y a moins de 48 heures, qu’ils n’ont pas censuré le gouvernement Barnier ni choisi de destituer le Président de la République ?
Ce texte rappelle les obsessions nauséabondes de l’extrême droite en proposant comme seule piste de financement une hausse de la natalité, corolaire d’une vision des femmes dont la seule mission serait d’enfanter. Le RN propose aussi de supprimer les cotisations sociales, ce qui ruinerait la sécurité sociale. Au fond, Mme Marine Le Pen ne sait même pas comment financer sa réforme des retraites.
Collègues, nul besoin de participer à cette arnaque puisque notre proposition de loi visant à abroger la retraite à 64 ans sera discutée le 28 novembre. Notre texte sera le seul à pouvoir être repris au Sénat et à permettre que cette réforme injuste soit enfin abolie.
Mme Sandrine Runel (SOC). Cette proposition de loi est une escroquerie. Le RN ne représente pas la solution pour répondre aux préoccupations des Français. Son programme n’est qu’imposture.
En juin 2023, vous vouliez inscrire la progressivité en fonction de l’âge d’entrée dans la vie active. En mai 2024, Jordan Bardella proposait d’allonger l’âge légal de départ à la retraite à 66 ans. Le 12 juin 2024, le même affirmait qu’il faudrait faire des choix et que le retour à la retraite à 60 ans ne ferait pas partie de ses priorités. En octobre 2024, vous voulez abroger la réforme des retraites.
On se perd dans vos coups de communication. En fin de compte, quel est votre projet ? Voulez-vous ruiner le système par répartition en réduisant toujours davantage les cotisations ? Vous vous êtes pris pour des macronistes ? Pour des Mozart de la retraite ? Si vous vouliez vraiment abroger cette réforme injuste, vous auriez censuré le gouvernement de Michel Barnier, vous voteriez nos amendements d’abrogation dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et vous auriez été dans la rue pendant que nous manifestions avec les syndicats, les travailleurs et les partenaires sociaux. Où étiez-vous alors, pour défendre les plus précaires, pour évoquer les petites retraites, les carrières hachées, les métiers pénibles et les femmes ?
Nous ne participerons pas à cette escroquerie.
M. Thibault Bazin (DR). Ce texte propose de revenir sur la réforme des retraites en rétablissant l’âge de l’ouverture des droits à 62 ans à compter de la génération née en 1955, ce qui est étonnant puisque les personnes concernées ont aujourd’hui 69 ans et qu’elles sont déjà à la retraite pour leur immense majorité. Dans l’article 1er, vous revenez même sur ceux qui sont nés en 1951. La communication a ses limites.
La proposition de loi vise également à abaisser la durée de cotisation nécessaire pour obtenir le taux plein. Dans la lignée du programme du NFP, il s’agirait de repasser à 42 annuités en revenant sur une réforme votée sous le quinquennat de François Hollande. Quel serait l’impact d’une telle mesure ? Un déficit encore creusé : 3,4 milliards d’euros en 2025 et 16 milliards d’euros par an à partir de 2032. Un tel déséquilibre des caisses de retraite entraînerait une baisse des pensions ou une augmentation des cotisations, soit une baisse du pouvoir d’achat pour les retraités ou pour les actifs, voire pour les deux. C’est inacceptable. Notre système connaît un déficit que la réforme a limité. Mais l’effort reste insuffisant.
Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre s’est dit ouvert à des aménagements raisonnables et justes, en concertation avec les partenaires sociaux, tout en rappelant qu’il est impératif de préserver l’équilibre durable de notre système par répartition. Il a fixé deux priorités : l’emploi des seniors et le système d’indemnisation du chômage.
Certaines limites de la loi du 14 avril 2023 peuvent être corrigées. Les questions de la retraite progressive, de l’usure professionnelle ou de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir.
Votre proposition de loi menace nos pensions et il vaudrait mieux s’atteler à améliorer le soutien aux travailleurs ayant des enfants et le taux d’emploi. L’intérêt des Français doit prévaloir sans opposer retraités et actifs. Nous voterons contre ce texte.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Marine Le Pen est tartufe sur les questions sociales comme sur les autres.
Tartufe parce qu’elle a adhéré à un parti fondé sur l’ultra-libéralisme, la xénophobie et un mépris profond pour les conquêtes de la République sociale. Elle a adhéré à un parti dirigé par son père, qui qualifiait le Smic d’erreur économique, dénonçait l’État‑providence, prônait la dérégulation et la casse des protections sociales, adulait Reagan et désignait le secteur public comme un obstacle à la compétitivité.
Tartufe parce qu’elle a participé à la structuration de ce parti qu’elle préside aujourd’hui et dont le programme souligne qu’il est nécessaire de réduire la durée d’indemnisation du chômage, pour inciter les gens à reprendre un emploi plus rapidement.
Tartufe parce qu’elle a déclaré, en janvier 2022, que les allocataires du revenu de solidarité active devraient travailler quelques heures par semaine, stigmatisant ainsi les plus pauvres.
Tartufe parce qu’elle a dit, en 2018, qu’il fallait réduire les aides sociales, rendant ainsi hommage à son père, qui déclarait que la protection sociale était un luxe que la France ne pouvait plus se permettre.
Tartufe parce que le programme du RN proposait en 2012 la retraite à 65 ans avant de changer sous la pression de l’opinion.
Tartufe parce que le RN a continué de tergiverser sur ces questions lors de la campagne législative de 2024, oscillant entre différentes positions incohérentes et s’alliant même à M. Éric Ciotti, défenseur de la retraite à 65 ans.
Tartufe parce que le RN a refusé de voter l’abrogation de la réforme des retraites en empruntant le chemin le plus solide pour y parvenir, celui qu’offrent nos amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il est impossible de vous faire confiance. Vous êtes insincères et vous restez les ennemis de la question sociale.
M. Philippe Vigier (Dem). Ce texte supprime la réforme des retraites. Mais il ne dit rien du chiffrage. Au-delà des 10 milliards d’euros de déficit annoncés, l’État ajoute déjà 40 milliards d’euros. Il manque donc en vérité 50 milliards d’euros, ce qui signifie que les pensions devront baisser.
Je n’évoquerai pas les imprécisions et les différents âges de départ à la retraite avancés par le RN. Cependant, il vous faudra expliquer ce que vous ferez de la revalorisation des petites retraites que nous avons instaurée et que votre texte propose de balayer. Il vous faudra expliquer ce qu’il adviendra des dispositifs que nous avons mis en place pour les carrières longues. Il vous faudra expliquer que la clause de revoyure en 2026, que notre groupe a imposée, devra être oubliée. Il vous faudra expliquer que le dispositif ambitieux que nous avons voté pour les fins de carrière, en particulier chez les femmes, devra être balayé, comme les avantages attribués aux sapeurs-pompiers et la possibilité de rachat des trimestres d’études.
M. François Gernigon (HOR). Cette proposition de loi prétend restaurer un système de retraite plus juste en annulant les réformes récentes sur l’âge de départ à la retraite et la durée de cotisation. Derrière les annonces simplistes, il se cache une réalité préoccupante.
Notre système de retraite repose sur un principe fondamental : l’équilibre entre les cotisations des actifs et les pensions des retraités. Ce rapport est déjà sous pression : nous ne comptons plus 4 actifs pour financer 1 retraité mais à peine 1,7. Face à ce constat, les réformes que nous avons engagées sont indispensables pour éviter un effondrement financier. Le RN propose pourtant de revenir dessus sans alternative de financement crédible. Votre contre‑budget, qui prévoit difficilement 13 milliards d’euros d’économies, omet le coût colossal de cette proposition. S’agit-il d’un manque de sérieux ou d’une volonté de tromper les Français ?
Trois possibilités s’offrent à nous : diminuer les pensions, augmenter les cotisations ou travailler plus longtemps. En refusant de choisir, vous mettez en péril le système de retraite. Concentrons-nous plutôt sur des questions concrètes comme le soutien à l’emploi des seniors et le renforcement de la transmission des savoirs dans l’entreprise.
Nous voterons contre cette proposition de loi populiste et irresponsable, preuve de l’imposture du RN sur ces questions essentielles.
M. Stéphane Viry (LIOT). Notre groupe souhaite que la question des retraites soit reconsidérée car la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Nous éprouvons tous de l’amertume en songeant à la méthode employée en 2023, qui a enflammé le pays et produit des résultats qui ne sont pas à la hauteur en matière de financement du système comme de justice sociale.
Pour notre groupe, la conférence de financement constitue une base. Il s’agit de se mettre autour de la table et d’en finir avec les chicailleries pour réfléchir aux moyens de garantir à tous les Français des retraites d’un montant suffisant en tenant compte des situations individuelles, des parcours professionnels et de la pénibilité.
Notre groupe est prêt à trouver des compromis. Mais cette proposition de loi n’est pas sérieuse. Le groupe RN joue aux apprentis sorciers en proposant de déséquilibrer les bases mêmes de notre régime de financement. Nous aurions apprécié que le texte évoque l’emploi des seniors ainsi que de nouvelles recettes, qu’il comporte des incitations concrètes à travailler plus longtemps, mais aussi des mesures de justice sociale. Cette proposition de loi opportuniste ne permet pas de corriger un système insatisfaisant.
M. Yannick Monnet (GDR). Il y a deux débats. Le premier oppose les partisans et les opposants à la réforme des retraites. Le second porte sur le fait que le RN soit la force qui s’empare de cette question.
Certes, il s’agit d’un coup politique et d’opportunisme. Le RN étant à la botte du capital, ses élus seraient même embêtés que cette proposition de loi soit votée. Cette question cruciale mérite mieux car le RN est un fossoyeur de la question sociale, notamment sur le sujet des retraites. En témoignent les déclarations de son président, Jordan Bardella, l’opposition systématique de ses élus à une augmentation des recettes de la sécurité sociale et son absence de soutien à la grande mobilisation populaire contre cette réforme.
Il s’agit d’un coup politique, monsieur Ménagé, et vous vous fichez bien de la possibilité pour cette proposition de loi d’avancer. Si vous étiez convaincus par ce que vous dites, vous laisseriez ceux qui défendent cette abrogation depuis le début porter ce combat.
Au sein du groupe Gauche Démocrate et Républicaine, deux positions cohabitent quant à cette proposition de loi. Pour ma part, je considère qu’il s’agit de défendre l’intérêt supérieur et j’ai toujours accordé quelque vertu au vol des voleurs. Je voterai le texte, s’il reste en l’état.
M. le rapporteur. Madame Thevenot, vous avez repris notre slogan : « Si le peuple vote, le peuple gagne ». Le peuple a gagné le 7 juillet et vous avez perdu. Vous n’aviez déjà pas de majorité à l’époque de la réforme des retraites et vous êtes aujourd’hui plus minoritaire encore sur la question.
Avec la morgue habituelle des élus d’Ensemble pour la République, vous avez rappelé la nécessité de redresser les comptes publics. Un peu d’humilité, Madame Thevenot ! Vous avez participé à un gouvernement qui a généré 1 000 milliards d’euros de dette en sept ans. Vous avez été le chantre de la pérennité du système de retraite, dont vous avez prétendu qu’il serait équilibré par la réforme. Mais le COR vous donne tort.
Concernant un éventuel lien avec LFI, je rappelle que votre président de groupe a appelé la France entière à voter pour LFI contre le RN.
Madame Cathala, votre décalage avec les travailleurs fait du RN le premier parti chez les ouvriers. Ceux qui travaillent, ceux qui se lèvent tôt et ceux qui ont le dos cassé vous abandonnent d’élection en élection. Cela s’est d’ailleurs mal terminé pour M. Roussel balayé dès le premier tour.
Les sondages ont montré que le RN était le parti qui avait combattu de la manière la plus intelligente et la plus efficace la réforme des retraites. Vous avez fait le choix de l’obstruction, qui a notamment empêché le débat à l’Assemblée nationale sur l’article 7 portant sur le report de l’âge légal. Vous avez choisi de faire le spectacle dans l’hémicycle et vous avez été les idiots utiles du gouvernement. Vous faites de même en ce moment sur le budget.
J’ai évoqué un certain nombre de pistes de financement à moyen et à long termes. Nous devons prévoir et prendre en compte la natalité, la productivité et le taux d’emploi. Il est plus simple de demander aux Français de travailler deux ans de plus que de se pencher sur les sujets macroéconomiques et la relance de notre économie.
Madame Cathala, je n’ai pas bien compris votre position de vote. Mme Alma Dufour reconnaissait hier, sur un plateau de télévision, qu’il serait bon que LFI vote ce texte. J’interpelle un certain nombre de députés, qui ont été élus à quelques voix près, pour leur rappeler qu’une dissolution est probable dans quelques mois...
M. le président Frédéric Valletoux. Je vous invite tous à rester concentrés sur le fond de la proposition de loi.
M. le rapporteur. Madame Runel, vous avez indiqué que Jordan Bardella aurait défendu un départ en retraite à 66 ans. Je vous invite à reprendre notre programme : nous défendons une retraite progressive, à 60 ans et 40 annuités pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans et à 62 ans et 42 annuités pour les autres.
Concernant l’amendement au PLFSS, vous continuez à mentir aux Français. Je comprends que le Parti socialiste soit en difficulté sur cette question. Vous avez fait élire M. François Hollande, qui a soutenu la réforme Touraine et qui siège dans votre groupe, alors que vous avez été élus en juillet en défendant la retraite à 60 ans avec le NFP.
Monsieur Bazin, j’entends votre argument sur la question de la génération née en 1955. Pour le calcul de la surcote, il fallait inclure tous ceux qui liquideront leurs droits de façon tardive.
Monsieur Lucas-Lundy, vous avez évoqué de supposées tartuferies. Vous êtes spécialiste en la matière. Vous avez fait élire deux fois Emmanuel Macron, qui a imposé la réforme des retraites, Élisabeth Borne, dont le gouvernement l’a portée, et vous êtes allié au Parti socialiste, qui a institué les 43 annuités.
Monsieur Vigier, vous avez manqué d’efficacité dans votre lecture du texte. Nous ne remettons pas en cause les éléments que vous avez évoqués et les pompiers ne seront pas lésés. Au contraire, appartenant à la catégorie active, ils partiront à la retraite deux ans plus tôt grâce à cette proposition de loi. Je suis en faveur des clauses de revoyure mais il y en a déjà eu une sur cette réforme, le 7 juillet dernier.
Monsieur Viry, nous nous retrouvons tous autour de ce constat : à long terme, le système n’est pas équilibré. Je vous invite à soutenir la conférence de financement, qui permettra de trouver des réponses. Quant à notre dispositif, dont vous avez dit qu’il n’était pas sérieux, sachez que nous avons repris celui prévu par M. Charles de Courson.
Enfin, je remercie M. Yannick Monnet. Nous devrions tous travailler pour les Français, dès lors que nous sommes élus.
M. le président Frédéric Valletoux. Pour les deux premiers articles de la proposition de loi, je vous indique avoir été saisi par treize députés du groupe RN d’une demande de vote par scrutin. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 44 du Règlement de l’Assemblée nationale, le scrutin est de droit quand il est demandé par au moins 10 % des membres de la commission. Nous procèderons donc à un vote par scrutin sur ces deux articles.
Article 1er : Abrogation du report de l’âge légal de départ à la retraite et autres mesures d’âge
Amendement AS11 de M. Stéphane Viry.
M. Stéphane Viry (LIOT). Cet amendement renforce le mécanisme du cumul emploi‑retraite, qui concerne environ 482 000 personnes, chiffre quasiment inchangé depuis une quinzaine d’années. Pourtant, les retraités qui ont recours à ce dispositif voient leurs revenus s’accroître et ils permettent de financer le système grâce à leurs cotisations sociales.
Je propose de soumettre la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) à une obligation de fournir un document informatif concernant le cumul emploi-retraite aux assurés qui s’apprêtent à atteindre l’âge mentionné au premier alinéa.
M. le rapporteur. Effectivement, moins de 5 % des retraités déclarent exercer une activité professionnelle tout en percevant une pension. Le cumul emploi-retraite constitue un dispositif utile, qui permet d’augmenter le taux d’emploi des seniors. Il semble plus adapté qu’un éventuel index senior.
L’obligation d’information me semble aller dans le bon sens. Avis favorable.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Cet amendement nous rappelle que la réforme comportait des mesures pour les fins de carrière, telles que le cumul emploi-retraite mais aussi le départ progressif pour les agents de la fonction publique, qui était très attendu. Votre proposition de loi vise aussi à abroger cette dernière possibilité.
M. Thibault Bazin (DR). Je suis d’accord avec notre collègue Stéphane Viry. Néanmoins, il serait peut-être possible d’améliorer cet amendement avant la séance publique, la Cnav ne traitant pas tous les futurs ayants droit.
Il faut aussi aller plus loin sur l’assouplissement de ce dispositif, notamment pour les personnes – des femmes le plus souvent – qui ont des carrières incomplètes et qui sont confrontées à des plafonds, ce qui est injuste car elles perçoivent les retraites les plus basses.
Enfin, nous avions défendu un contrat de travail à durée indéterminée de fin de carrière, notamment pour les seniors éloignés de l’emploi. Cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel car elle n’était pas prévue dans le projet de loi initial. Il faut remettre cette question sur la table.
M. René Lioret (RN). L’idée défendue par cet amendement est bienvenue quand de nombreux retraités souhaitent reprendre une activité professionnelle pour compléter leur pension ou rester actifs. L’information aujourd’hui reçue est défaillante et seuls six retraités sur dix connaissent ce mécanisme. Le pourcentage de bénéficiaires stagne et il reste bien inférieur à celui atteint dans les pays voisins.
Le programme du RN met l’accent sur la nécessité de défendre le pouvoir d’achat des Français mais également de soutenir l’emploi dans tous les secteurs. En rendant plus accessible ce dispositif, nous offrons à nos aînés une plus grande autonomie financière, tout en répondant aux besoins du marché du travail dans des domaines qui connaissent des pénuries de main-d’œuvre comme la santé, l’éducation ou les services à la personne. Il peut contribuer à lutter contre les déserts médicaux.
M. Fabien Di Filippo (DR). Le cumul emploi-retraite pose encore des problèmes. En reprenant une activité, les retraités risquent des pertes de pension qui restent définitives dans de nombreux cas. Il faut aussi mettre l’accent sur les personnes ayant eu des carrières incomplètes, qui sont celles ayant le plus besoin de travailler.
Plus largement, nous constatons combien les répercussions du « quoi qu’il en coûte » représentent un fardeau financier pour l’État et pour chaque Français. Or, les mesures dont nous discutons aujourd’hui pèseraient sur les comptes publics. Avant de me prononcer sur cette proposition de loi, j’ai besoin de savoir comment vous en financeriez le coût.
M. François Gernigon (HOR). Je suis favorable à cet amendement. Plutôt que d’abroger la réforme des retraites, il faudrait une loi relative au statut du travailleur senior et à son accompagnement dans le maintien à l’emploi, notamment à travers la transmission du savoir et des compétences.
M. le rapporteur. Madame Rist, vous avez raison : il faut encore développer les dispositifs tels que le cumul emploi-retraite, le départ progressif ou les mécanismes de tutorat, pour une augmentation du taux d’emploi des seniors. En revanche, dans la réforme, vous avez repoussé l’âge de départ à la retraite pour la catégorie active, ce qui génère un certain nombre de perdants.
Monsieur Bazin, il serait effectivement intéressant de retravailler l’amendement pour intégrer les autres régimes.
Je souscris au propos de M. Di Filippo : la question du financement à long terme du système par répartition doit nous occuper. Il faut néanmoins rappeler que ce système n’existe déjà plus puisqu’un tiers de ses dépenses ne sont pas financées par les cotisations. L’abrogation de la réforme coûterait une dizaine de milliards d’euros. Mais, dès qu’on reporte l’âge de départ de deux ans, on observe des effets d’éviction puisque, au-delà d’un certain âge, ceux qui travaillent sont plus exposés au chômage, à l’invalidité et aux maladies professionnelles. Ainsi, un Français sur deux parvient à l’âge de la retraite sans être au travail. Le coût de ces effets est d’environ 5 milliards d’euros par an. Des leviers d’action existent, notamment ceux du taux emploi et de la natalité.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS27 du rapporteur.
M. le président Frédéric Valletoux. Avant que nous ne passions au vote par scrutin, plusieurs députés souhaitent prendre la parole sur l’article 1er.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ce texte est très mauvais. Hier, vous avez communiqué un projet de rapport dans lequel vous précisez que le relèvement du taux de cotisation n’est pas pertinent. Ceci signifie que tout le monde paiera, sauf les hauts salaires protégés par le plafond de la sécurité sociale, et les grandes entreprises préservées par les exonérations de cotisations sociales que vous avez sauvées hier soir.
Vous ouvrez aussi des pistes angoissantes, expliquant notamment que le financement passera par la natalité. En Hongrie ou en Pologne, nous avons vu ce que font vos amis quand ils tiennent ce genre de propos : ils interdisent l’interruption volontaire de grossesse. Et, quand bien même la natalité augmenterait, il faudrait des années pour que cette hausse ait des conséquences sur le financement du système.
Vous proposez aussi de baisser les frais de gestion de la sécurité sociale, qui ne représentent qu’1 % de son budget. Que ferez-vous, à part licencier ?
Votre rapport estime que nous avons un problème avec le taux d’emploi des personnes âgées de 60 à 65 ans. Ainsi, pour baisser l’âge de départ à 62 ans, vous comptez mettre plus de gens au travail à 62 ans !
Enfin, vous concluez en précisant qu’il faut utiliser l’intelligence artificielle pour doper la productivité.
Mme Justine Gruet (DR). Je fais confiance au Premier ministre pour mener à bien les actions nécessaires à la pérennisation du système par répartition. Nous l’avons dit quand la réforme des retraites était discutée : si le système s’effondre, ce ne sont pas ceux qui ont le plus de moyens qui seront pénalisés à l’âge de la retraite. Le Premier ministre a souligné que nous devions travailler ensemble, avec les partenaires sociaux, pour trouver des solutions.
Je trouve démagogique de présenter un texte qui propose des solutions simples à un problème complexe et de le faire à l’occasion d’une niche parlementaire, qui ne nous laissera pas le temps de discuter des sujets de fond.
M. Thibault Bazin (DR). Vous avez évoqué les effets d’éviction. Mais le taux d’emploi des 55‑59 ans est passé de 50,4 % en 2000 à 77 % en 2023. La progression est aussi significative pour les 60‑64 ans, avec respectivement 11,2 % en 2000 et 38,9 % en 2023. Quand l’âge est relevé, le taux d’emploi s’améliore, ce qui crée des recettes tout en générant moins de dépenses.
Il y a un problème dans votre analyse économique. Nous nous opposerons à cet article.
M. Christophe Bentz (RN). Je m’adresse aux collègues qui ont voté pour Emmanuel Macron aux seconds tours des élections présidentielles de 2017 et 2022, avant de passer un accord avec lui en 2024 : vous êtes caricaturaux quand vous employez des termes comme « mensonge », « escroquerie » ou « imposture ». Vous pouvez ne pas croire en notre sincérité. Mais vous devriez mettre fin à votre comportement puéril et sectaire.
Je remercie le porte-parole du Parti communiste, Léon Deffontaines, ainsi que notre collègue Yannick Monnet, de sortir du sectarisme habituel pour défendre les Français qui souffrent et qui travaillent dur. Voter une proposition de loi du RN, si vous en approuvez le fond, ne vous rendra pas radioactifs. Votez en vous pinçant le nez si vous le souhaitez, mais faites‑le en pensant aux Français.
M. Fabien Di Filippo (DR). Avant de voter cet article, il faut en mesurer les conséquences financières, dont le possible appauvrissement de ceux que vous pensez défendre. Cette proposition de loi ne permettra pas d’augmenter le taux d’emploi. Elle le fera baisser.
La réforme des retraites n’a pas résolu le problème auquel notre système est confronté et qui reste avant tout démographique. Quand nous ne compterons plus que 1,5 actif pour 1 retraité, nous ne pourrons plus financer qu’un socle minimal et nous basculerons dans un système par capitalisation individuelle.
Votre texte entraînerait un creusement de la dette, une accélération de l’effet boule de neige de ses intérêts et un appauvrissement de la population.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Le RN est un parti de menteurs. Ce texte est un coup d’un soir législatif puisque vous n’avez pas la capacité de le mettre à l’ordre du jour du Sénat, où vous n’avez pas de groupe – heureusement ! Vous n’abrogerez pas la réforme des retraites. Il ne s’agit que d’esbroufe. Cependant, vous auriez pu agir en censurant le gouvernement de Michel Barnier ou en votant nos amendements.
Vous nous reprochez d’avoir appelé au barrage républicain. Je l’assume : face à l’extrême droite, je choisirai toujours n’importe qui. De votre côté, vous avez fait élire dix‑sept députés partisans d’Éric Ciotti, en faveur de la retraite à 65 ans. Nous n’avons aucune leçon à recevoir de votre part !
M. Philippe Vigier (Dem). La seule question qui vaille est de savoir si vos mesures sont financées. Comme elles ne le sont pas, ce seront toujours les mêmes qui souffriront : les classes moyennes et les petits retraités. La réforme des retraites prévoyait certains aménagements. Mais il faut aller plus loin, notamment sur les questions de la pénibilité et des petites retraites.
Le COR et le haut‑commissaire au plan l’ont rappelé : l’État dépense déjà près de 50 milliards d’euros pour équilibrer le système.
Nous nous opposerons à cet article.
Mme Prisca Thevenot (EPR). Les dernières prises de parole le montrent bien : ce texte n’est qu’un prétexte pour simuler une vaine opposition avec LFI. Comment financerez‑vous les mesures proposées ? Ne me répondez pas que ce sera grâce à la capacité des femmes de faire des enfants. Si cette proposition de loi était adoptée, l’ensemble des retraités verraient leurs pensions de retraite baisser de façon immédiate.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je voudrais dénoncer le culot du RN. Lors de la réforme des retraites, vous n’étiez pas dans la rue et vous avez fait le choix de travailler avec Emmanuel Macron pour « améliorer » le texte. Les Français n’ont pas la mémoire courte. Ils n’oublieront pas les propos tenus par Jordan Bardella pendant les dernières campagnes.
Vous n’avez pas voté les amendements du NFP, qui prévoyaient de financer l’abrogation en taxant les personnes gagnant plus de 4 000 euros par mois. Vous avez également voté contre la censure du Gouvernement et contre la destitution d’Emmanuel Macron, dont vous êtes l’assurance vie.
Votre proposition de loi a été écrite avec les pieds. Les mesures prévues pour la financer sont ridicules – le réarmement démographique cher à Emmanuel Macron ou l’augmentation de 1 000 % des droits sur l’alcool et les tabacs... Vous mentez aux Français et vous jouez avec leurs espoirs. Je veux les rassurer : le 28 novembre, nous pourrons voter la proposition de loi du NFP. Elle prévoit un financement pour l’abrogation et elle pourra être discutée au Sénat.
M. le rapporteur. Monsieur Clouet, nous ne forcerons pas les femmes à avoir des enfants. Nous voulons juste leur donner la possibilité matérielle d’en avoir si elles le souhaitent. La Chine n’est pas notre modèle.
Monsieur Bazin, monsieur Di Filippo et madame Thevenot, vous avez évoqué la protection des retraités et de leur pouvoir d’achat. Mais, dans les prochains jours, nous allons débattre de la désindexation des retraites sur proposition d’un gouvernement que vous soutenez ensemble. Vous prévoyez donc de diminuer les retraites alors que nous avons connu une inflation inédite ces dernières années.
Monsieur Di Filippo, en 2023, vous avez voté la motion de censure pour faire tomber le gouvernement sur la réforme des retraites. Vous êtes-vous vendu pour une circonscription ? Vous êtes l’incohérence faite homme.
Enfin, dans notre contre-budget, nous ne proposons pas 15 milliards d’euros d’économies mais 15 milliards d’euros d’économies supplémentaires, à ajouter aux 60 milliards d’euros déjà prévus. Quel que soit le coût exact de l’abrogation, il faut le mettre en regard des 15 milliards d’euros qui peuvent être récupérés sur la fraude à la TVA et des 25 milliards d’euros qui peuvent l’être sur la fraude sociale. Nous faisons le choix de frapper les profiteurs d’en haut et d’en bas pour redonner à ceux qui travaillent.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous allons procéder au scrutin.
Plusieurs députés LFI-NP. Nous ne participerons pas à cette mascarade.
Il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, de l’article 1er.
Votent pour :
M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sandra Delannoy, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc et M. Emmanuel Taché de la Pagerie.
Votent contre :
M. Thibault Bazin, Mme Sylvie Bonnet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul‑André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Sophie Delorme, M. Fabien Di Filippo, M. Olivier Falorni, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, Mme Brigitte Liso, Mme Joséphine Missoffe, M. Christophe Mongardien, M. Laurent Panifous, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier et M. Stéphane Viry.
S’abstiennent :
Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa‑Cherifi, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, M. Hendrik Davi, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Karen Erodi, Mme Océane Godard, Mme Zahia Hamdane, Mme Florence Herouin‑Léautey, Mme Élise Leboucher, M. Benjamin Lucas‑Lundy, M. Damien Maudet, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon et Mme Sandrine Runel.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 64
Pour : 17
Contre : 28
Abstentions : 19
En conséquence, la commission rejette l’article 1er.
Il est ensuite procédé au dépouillement du scrutin du 16 octobre 2024 sur la proposition de nomination de Mme Catherine Paugam‑Burtz aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette proposition de nomination opéré par la commission des affaires sociales du Sénat.
La commission désigne comme scrutateurs Mmes Sandrine Rousseau et Annie Vidal.
Les résultats du scrutin sont les suivants :
Nombre de votants : 52
Abstentions : 15
Suffrages exprimés : 37
Avis favorables : 30
Avis défavorables : 7
En conséquence, la commission a émis un avis favorable à la proposition de nomination de Mme Catherine Paugam‑Burtz aux fonctions de directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Puis la commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités (n° 284) (M. Thomas Ménagé, rapporteur).
Article 2 : Abrogation de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’un départ à la retraite à taux plein
Il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, de l’article 2.
Votent pour :
M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sandra Delannoy, Mme Sandrine Dogor‑Such, M. Gaëtan Dussausaye, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Serge Muller, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc et M. Emmanuel Taché de la Pagerie.
Votent contre :
M. Thibault Bazin, Mme Sylvie Bonnet, Mme Nathalie Colin‑Oesterlé, M. Paul‑André Colombani, Mme Sophie Delorme, M. Fabien Di Filippo, M. Olivier Falorni, M. Jean‑Carles Grelier, M. Michel Lauzzana, Mme Christine Le Nabour, Mme Brigitte Liso, M. Benjamin Lucas‑Lundy, Mme Joséphine Missoffe, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier et M. Stéphane Viry.
S’abstiennent :
Mme Ségolène Amiot, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa‑Cherifi, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, M. Hendrik Davi, Mme Karen Erodi, Mme Florence Herouin‑Léautey, Mme Élise Leboucher, M. Damien Maudet et Mme Sandrine Runel.
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 50
Pour : 16
Contre : 22
Abstentions : 12
En conséquence, la commission rejette l’article 2.
Amendement AS26 de M. Thomas Ménagé
M. le rapporteur. Permettez-moi d’expliquer ce qui vient de se passer à l’intention de ceux qui suivent nos discussions. Les Français ont attendu ce débat pendant des mois, espérant depuis les élections législatives que la majorité absolue qui s’est dégagée en faveur de l’abrogation de la réforme des retraites parviendrait à ce résultat demandé par les urnes. Mais une alliance dont on commence à avoir l’habitude entre le bloc central – macronistes et DR – et le NFP conduit à l’instant, en commission, à renoncer à cette abrogation. Selon le même mécanisme que lors des dernières élections, en s’abstenant, à l’exception – que je salue – des communistes de M. Monnet, l’extrême gauche a permis aux macronistes de se sauver encore une fois. On empêche les Français de partir deux ans plus tôt à la retraite. J’espère que la suite des débats sera plus ouverte et moins sectaire.
L’amendement prévoit l’organisation d’une conférence de financement du système de retraite dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi et, un an après celle-ci, la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur les solutions envisagées. Dans un esprit transpartisan, nous reprenons le dispositif proposé à l’époque par M. Charles de Courson. Il s’agit d’associer les partenaires sociaux au processus, conformément à ce qu’ils demandent.
Je l’ai dit en préambule, mais certains ont fait mine de ne pas l’entendre : l’abrogation n’est qu’une première étape. Il ne s’agit pas du programme d’un parti politique, mais d’un retour à la situation antérieure. Ceci n’équivaut pas à ne rien faire : nous avons notre propre projet de réforme. Aux Français de choisir le programme le plus efficace lors des prochaines échéances législatives et présidentielle !
En attendant, pour préparer l’avenir, il faut réfléchir aux nouvelles sources de financement. Elles ne peuvent se réduire – je le dis notamment à nos collègues du NFP – à des taxes et à des cotisations alors que notre pays est déjà champion en la matière, ses cotisations vieillesse atteignant 28 % du salaire brut contre 18 % en moyenne dans l’Organisation de coopération et de développement économiques. Lors des auditions auxquelles j’aurais aimé qu’assistent nos collègues du NFP, il est apparu que les cotisations vieillesse sont le premier poste de dépenses pour un salarié – 928 euros pour le salaire moyen –, devant le logement – 900 euros. On ne peut pas augmenter les cotisations pour équilibrer la branche vieillesse. Il faut d’autres financements : taux d’emploi, productivité, démographie.
Je vous invite à soutenir cet amendement, qui reprend les propos et les propositions de nombre d’entre vous.
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). En vous écoutant, je suis très surpris. D’abord, le financement du texte est totalement décousu, hasardeux et dangereux. Deuxièmement, tous ici, et le RN en premier lieu, savent que la proposition de loi, quelle que soit l’issue de son examen en commission – que l’on devine déjà –, n’ira pas bien loin. Elle a une durée de vie très limitée. Alors pourquoi l’avoir déposée ?
À mon sens, il s’agit d’une arnaque, d’un coup politique sans lendemain parlementaire. Cela me révolte. Mais je m’inquiète aussi de votre mépris pour la population. A-t-on pris en compte la détresse des gens qui bossent, qui ont trimé et qui triment ? Le désespoir des salariés ultramarins, qui ne savent plus où donner de la tête, qui sont épuisés, qui souhaitent partir à la retraite ? RN, êtes-vous les traîtres de la retraite ?
Nous, le Nouveau Front populaire, nous avons un plan de financement juste, crédible et équilibré. Nous avons manifesté pendant des jours, des semaines, des mois. Où était le Rassemblement National ? Pire : il y a à peine quarante-huit heures, vous avez voté ici même contre nos amendements visant à abroger la réforme des retraites. Oui, vous êtes vraiment les traîtres de la retraite !
Nous portons la voix des sans-voix, de tous ceux qui souhaitent que nous nous battions pour eux dans cette assemblée. C’est notre responsabilité de parlementaires et d’élus. L’arnaque n’a pas sa place dans cette commission. Rendez-vous le 28 novembre !
M. Fabien Di Filippo (DR). La logique économique du Rassemblement National apparaît d’une fragilité inquiétante : l’idée est d’abroger la réforme des retraites et de voir ensuite seulement, dans le cadre d’une conférence, s’il est possible de financer cette abrogation. Cela finira soit par des prélèvements supplémentaires, soit par une diminution du niveau des pensions. La leçon de la gestion d’Emmanuel Macron ces dernières années est que les promesses chimériques non financées se paient toujours le double, au détriment de tous les Français.
Monsieur le rapporteur, vous m’avez renvoyé à mon vote lors de la motion de censure il y a un an. Je vous avais dit qu’il venait du fait que je refusais, en tant que député, que nous soyons privés d’un vote sur un sujet aussi important. À l’époque déjà, je m’opposais à la réforme parce que, quels que soient les reports d’âge, le système par répartition est condamné à cause de l’état du pays. Il faudra y ajouter un étage de capitalisation individuelle.
Vous avez voté ici même, hier, avec la gauche, des taxes supplémentaires sur les dispositifs d’intéressement, de participation, de primes dépassant 6 000 euros par an pour les salariés. Cela confirme que, quand on fait des promesses chimériques non financées, on finit par les faire payer aux Français, et toujours à ceux qui travaillent ou ont travaillé toute leur vie. Nous ne pouvons pas l’accepter.
M. Stéphane Viry (LIOT). La mesure que propose l’amendement aurait dû figurer dans la proposition de loi. La question du financement est la porte d’entrée : quand on est responsable, avant d’abroger une ressource, on en cherche une autre pour ne pas déséquilibrer le système.
Dans l’absolu, j’approuve l’idée, proposée jadis, d’une conférence de financement pour aller chercher d’autres solutions et ouvrir le champ des possibles, qui dépasse en effet le seul régime par répartition. La proposition de loi de Charles de Courson avait été préparée dans un contexte d’urgence et de tensions sociales. C’est pourquoi elle contenait des mesures chocs pour décaler l’application de la réforme votée en 2023. Le contexte a changé. Je plaide pour que notre assemblée travaille sérieusement et sereinement à un système de financement plus pérenne, pour assurer le paiement durable des pensions.
M. Philippe Vigier (Dem). Notre rapporteur sait bien que cet amendement ne sera jamais appliqué pour une raison simple : le texte que nous examinons est une proposition de loi, qui ne sera jamais reprise au Sénat. Le délai de six mois après promulgation de la loi n’a pas de sens puisque le texte ne sera pas publié. Une conférence est par ailleurs annoncée pour faire le point sur l’état des retraites, les déficits, étudier des solutions alternatives et les moyens d’améliorer le pouvoir d’achat des retraités. L’amendement est inopérant.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). De La France insoumise aux Républicains, les critiques envers la proposition de loi abrogeant l’injuste réforme des retraites d’Emmanuel Macron sont les mêmes : le parti unique constitué à l’occasion des élections législatives se porte toujours bien ! Seul problème : c’est au détriment de la France, des Français, de ceux qui travaillent.
Le passage en force de la retraite à 64 ans à coups de 49.3 a été la cause d’un grand malaise démocratique, quasi équivalent à celui qui a suivi le rejet de la Constitution européenne lors du référendum de 2005. Il y a 89 % des Français qui veulent revenir sur cette réforme, 55 % des députés qui se sont fait élire sur la promesse de l’abroger. Au risque de plagier Stéphane Viry : arrêtons les chicailleries et mettons-nous à travailler ensemble !
Le but de cet amendement est simple : mettre un terme à sept années de ce mépris macroniste qui a fait entièrement fi du dialogue social. Il faut chercher des pistes de financement ensemble. Nous en avons déjà proposé un certain nombre : macroéconomiques, concernant le taux d’emploi, la productivité, la natalité.
Soyez à la hauteur des enjeux, répondez à l’injonction du peuple français ! Il vous regarde et ne comprendra pas que, par votre faute, son quotidien ne puisse s’améliorer.
M. Thibault Bazin (DR). Au lieu de se tenir après la promulgation de la loi, la conférence de financement devrait être un préliminaire. C’était d’ailleurs le cas dans l’amendement de nos collègues sénateurs de la droite républicaine. Nous sommes favorables au dialogue. Le Premier ministre l’a dit : il veut ouvrir une concertation avec les partenaires sociaux.
Dans l’amendement, vous évoquez l’emploi des seniors. Cela tombe bien, cela fait partie de ce sur quoi il veut se pencher. Vous mentionnez le renouvellement des générations. C’est un des axes de notre réflexion depuis longtemps ; nous voulons une politique familiale dans la lignée de celle des gaullistes et des communistes juste après la guerre, caractérisée par l’universalité des allocations. Quant à l’harmonisation par le haut des pensions de réversion, dont il existe actuellement treize systèmes différents, elle requiert des financements. Or, vous réduisez justement les financements, ce qui la rend impossible. Nous sommes attachés aux droits conjugaux et familiaux. Il faudra se donner les moyens de relever ce défi. Mais cela passe par l’équilibre de notre système de retraite.
La composition que vous souhaitez pour la conférence correspond à celle du COR. Cela ne créerait-il pas un doublon qui pourrait entraîner des surcoûts ?
M. Hendrik Davi (EcoS). La conférence de financement répond à une demande des syndicats et c’est une bonne idée. Pour cette raison, nous aurions pu voter l’amendement. Mais une petite phrase nous en empêche : « elle propose des pistes afin de relancer la natalité française ». Comme l’a dit Hadrien Clouet, si la natalité française augmente à nouveau aujourd’hui, cela ne produira des effets que dans vingt ou trente ans. De plus, si la France a longtemps fait exception en Europe par son taux de natalité, c’est parce que la caisse d’allocations familiales permettait d’aider les familles et que l’école maternelle accueillait les enfants, contrairement à ce qui a cours en Allemagne.
Si on veut, de manière sociale et sans stigmatiser les femmes, permettre aux familles qui en ont envie d’avoir des enfants, il faut aider les parents. Pour cela, il faut un service public de la petite enfance, aider les parents isolés qui n’arrivent pas à subvenir à leurs besoins et à se loger décemment. Mais cela suppose d’augmenter les cotisations sociales : c’est la seule façon de bien financer la sécurité sociale. Vous proposez exactement le contraire. Sans ces éléments qui favorisent la politique familiale telle que nous la connaissons depuis 1945, la natalité baissera.
Mme Prisca Thevenot (EPR). À notre collègue du Rassemblement National qui propose que nous nous mettions à travailler : faites-le, il est temps ! Nous n’avons cessé de vous demander comment vous financez votre proposition d’abrogation de la réforme des retraites. Et voilà que, dans un amendement caché au fin fond du texte, vous dites que vous allez y réfléchir plus tard et que vous voulez saisir le Gouvernement pour le faire. Si votre travail était sérieux, vous sauriez expliquer comment financer le système de retraite, puisque vous voulez abroger la réforme qui permet ce financement. Si vous n’en êtes pas capables, tournez-vous vers vos amis du jour, La France insoumise, pour améliorer votre proposition de loi. M. Éric Coquerel a annoncé il y a quelques jours un colloque sur le sujet. Vous savez bien que, quand ils déposeront le même texte, vous le voterez.
M. le rapporteur. Monsieur Ratenon, vous avez évoqué différents sujets sociaux à propos desquels je peux vous rejoindre. J’ai du mal à comprendre que vous ayez mis autant de cœur à défendre ceux qui travaillent après vous être félicité de saborder le texte qui leur aurait permis de partir à la retraite plus tôt. Manifester, c’est bien ; voter, c’est mieux. Votre fonction, ce n’est pas d’être dans la rue. C’est d’accompagner et soutenir les partenaires sociaux, bien sûr, et ceux qui se sont mobilisés. Mais votre mandat, ce pour quoi vous êtes payé, c’est de voter quand on vous propose un texte en ce sens. J’ai bien compris l’objectif de votre encart publicitaire pour le 28 novembre. Nous, nous sommes cohérents. Nous avons toujours dit que nous voterions un tel texte de quelque groupe qu’il émane. Nous ne sommes pas là pour défendre une chapelle ou Jean-Luc Mélenchon, mais pour protéger les Français, qui attendent de nous que nous abrogions la réforme des retraites.
Monsieur Di Filippo, selon le COR, à l’horizon 2070, le niveau de vie des personnes retraitées va baisser. C’est la preuve que la réforme n’a apporté aucune solution. Et vous avez pour projet de casser encore plus leur niveau de vie par la désindexation ! La capitalisation, évoquée tout au long des auditions, est l’objet d’un débat depuis plusieurs années. Au-delà du fait que nous sommes tous attachés à la répartition, la question aurait pu se poser si nous pouvions demander aux Français un peu plus d’efforts pour capitaliser. Mais quand les cotisations vieillesse représentent 28 % du salaire, seuls les plus riches ont cette possibilité. Il est donc impossible d’instaurer un tel système.
Lisez les rapports du COR : le système sera équilibré si la croissance est élevée, si les jeunes gens entrent plus tôt sur le marché du travail, si on agit sur d’autres leviers. Vous faites semblant de ne pas entendre nos pistes de financement. Il est vrai qu’elles demandent plus de travail qu’un simple report qui oblige les gens à bosser deux ans de plus. Il s’agit de réindustrialiser le pays et de faire réellement diminuer le chômage – qui va encore augmenter, d’après les données de l’Unedic publiées ce matin, ce qui implique des cotisants en moins et des comptes qui continuent de se déséquilibrer.
Monsieur Davi, je suis d’accord avec vous puisque vous dites ce que j’écris dans le rapport : il faut soutenir les familles en créant des places de crèche, par des services publics qui fonctionnent, des allocations familiales pour accompagner ceux qui veulent avoir des enfants et les familles monoparentales – bref, par une politique sociale globale. Alors ne refusez pas cette conférence, et arrêtez de croire que « natalité » est un gros mot. Ce n’est pas honteux d’avoir des enfants. On en a le droit ! Et c’est le rôle de l’État de soutenir ceux qui souhaitent en avoir, car les bébés qui vont naître, ce sont – à moyen ou long terme, certes – des cotisations supplémentaires pour notre système par répartition.
Madame Thevenot, vous avez mené tout votre combat en faveur de la réforme des retraites au nom de l’équilibrage du système et vous avez échoué. Il est toujours déficitaire. Balayez devant votre porte !
La commission rejette l’amendement.
Article 2 bis (nouveau) : Remise d’un rapport au Parlement sur la diversification des ressources du système de retraite
Article 2 ter (nouveau) : Remise d’un rapport au Parlement sur la création d’une instance confiant diverses compétences aux partenaires sociaux en matière de retraite
Article 2 quater (nouveau) : Remise d’un rapport au Parlement sur le paritarisme au sein des réformes des retraites
Article 2 quinquies (nouveau) : Remise d’un rapport au Parlement sur la natalité et le financement du système de retraite
Article 2 sexies (nouveau) : Remise d’un rapport au Parlement sur la réforme des retraites de 2023
Article 2 septies (nouveau) : Remise d’un rapport au Parlement sur le caractère redistributif du système de retraite
Article 2 octies (nouveau) : Remise d’un rapport au Parlement sur l’impact des différentes réformes du système de retraite depuis 2000
Amendements AS5, AS6, AS7 et AS8 de M. Stéphane Viry, amendements AS9 de M. Stéphane Viry et AS13 de Mme Prisca Thevenot (discussion commune), amendement AS12 de Mme Prisca Thevenot, amendement AS14 de Mme Prisca Thevenot et sous‑amendements AS28, AS29 et AS30 de M. Thibault Bazin
M. Stéphane Viry (LIOT). L’amendement sur la conférence de financement venant d’être rejeté, je propose dans l’amendement AS5 une autre solution, traditionnelle mais parfois utile : un rapport du Gouvernement au Parlement. Remis dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, il porterait sur les pistes de financement possibles. Le rapporteur l’a dit : le COR fait une description inquiétante de l’avenir à l’échéance de 2070. Il faut donc trouver de l’argent pour le réinjecter dans le système. À cause du mur démographique devant nous, le régime par répartition devra être modifié, complété et diversifié. Parmi ces sources de financement nouvelles pourrait figurer un régime universel à points. En effet, ce n’est pas parce qu’Édouard Philippe, alors Premier ministre, a échoué à appliquer à la France un tel régime, juste et tenant compte de l’individualité des parcours, qu’il ne s’agit pas d’une bonne solution.
Les deux amendements suivants renforcent le dialogue social. Le sujet des retraites est lié à celui du travail : les partenaires sociaux, employeurs comme salariés, doivent s’en saisir. Il faut leur redonner le rôle qui leur revient dans le processus de réforme.
Dans l’amendement AS8, j’évoque à mon tour, mais sans dogmatisme, la question de la natalité. Pour un régime par répartition, la dynamique démographique est essentielle. Faire l’impasse sur le sujet pour des raisons doctrinales serait une erreur. Voyons comment investir dans une nouvelle politique familiale, car l’actuelle fait défaut.
Dans l’amendement AS9, enfin, je propose d’évaluer dès à présent une partie de la réforme de 2023, notamment s’agissant des carrières dites hachées, des carrières longues, de la pénibilité et de l’égalité des sexes. On ne sait pas si, dans ces domaines, la réforme porte ses fruits comme le Gouvernement l’avait annoncé. L’équité et la justice sociale sont pourtant cruciales.
Mme Prisca Thevenot (EPR). Nos amendements tendent à l’évaluation de la réforme de 2023 pour que nous puissions fonder des propositions sur du concret – au contraire de ce que vous faites, monsieur le rapporteur.
Nous sommes favorables aux amendements de M. Viry. Je le dis sans provocation et avec la plus grande bienveillance : nous devons pouvoir discuter de démographie, de natalité et de famille. Je me réjouis que nous puissions trouver un chemin dans ce domaine. En début d’année, quand le Président de la République a parlé de réarmement démographique, j’ai plutôt entendu des quolibets.
À la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous travaillons sur ce sujet dans sa globalité, incluant les questions de l’infertilité féminine et masculine et des modes de garde. Nous formulerons des propositions par l’intermédiaire de la présidente Véronique Riotton. J’espère que nous pourrons alors compter sur toutes les voix qui se sont fait entendre ici aujourd’hui.
M. Thibault Bazin (DR). Le dernier rapport du COR fait état de risques non négligeables sur l’avenir de notre système de retraite, qu’il s’agisse du taux d’emploi ou du taux de renouvellement des générations. Je propose que les rapports demandés approfondissent les questions de dynamique démographique, des mères de famille qui travaillent et du taux d’emploi des seniors. Ils pourront ainsi dessiner des trajectoires en fonction de l’évolution des politiques publiques. Ceci nous permettra de débattre de la stratégie à adopter, en respectant bien sûr la liberté et les aspirations de chaque citoyen.
M. le rapporteur. Avis défavorable à l’ensemble des amendements et des sous‑amendements. Ce n’est pas que je juge inopportuns les sujets qui y sont évoqués, bien au contraire. Mais la multiplication des demandes de rapport au Gouvernement risque de submerger celui-ci, qui a beaucoup à faire, et de nourrir la complexité administrative.
Madame Thevenot, l’article L. 114‑2 du code de la sécurité sociale confie au COR la mission de « suivre l’évolution des écarts et inégalités de pensions des femmes et des hommes et d’analyser les phénomènes pénalisant les retraites des femmes ». Autrement dit, vous demandez un rapport au Gouvernement alors qu’il existe un organisme dont la fonction est de traiter ce sujet. C’est symptomatique de la bureaucratie.
En revanche, vous évoquez un vrai sujet en abordant ce que le Président de la République a appelé le réarmement démographique. Il s’est réveillé un peu tard à ce sujet. Vous‑même, vous étiez l’une des plus virulentes face à notre collègue Laure Lavalette quand elle parlait natalité. Mais maintenant qu’il a donné le signal... Et vous avez raison : ce n’est pas un gros mot.
En matière de retraites, les femmes subissent une injustice criante. L’écart de niveau de leur pension avec celle des hommes, de 40 % en 2021 selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, est l’un des éléments majeurs qui a motivé le combat du Rassemblement National contre la réforme des retraites. C’était couru d’avance, et même avoué d’avance : M. Franck Riester avait reconnu sur les plateaux de télévision que les femmes seraient les plus pénalisées par la réforme. Vous-même et les autres membres de la majorité de l’époque avez tenté de le masquer et vous êtes passés en force. La réforme n’a fait qu’aggraver les inégalités au détriment des femmes, qui partiront à 63,2 ans en moyenne contre 62,7 ans pour les hommes.
Je le répète, tous les sujets abordés dans les amendements et les sous-amendements sont parfaitement pertinents. Mais laissons le COR faire son travail et faisons le nôtre : quand un texte permet d’abroger une réforme dont vous énumérez tous les aspects problématiques, faites les bons choix – pas comme ce matin où on a vu réapparaître l’alliance de la carpe et du lapin, le parti unique allant de M. Wauquiez et M. Philippe à M. Mélenchon. Les électeurs jugeront.
M. Benjamin Lucas-Lundy (EcoS). Je ne vois pas de difficulté à ce que l’on parle natalité à condition de rompre avec l’injonction permanente aux femmes de faire des enfants, d’admettre la réalité de l’infertilité liée aux pesticides et aux perturbateurs endocriniens que vous avez souvent refusé de combattre, de questionner la précarité des jeunes couples et des familles monoparentales – très souvent des femmes – et d’être prêts à déconstruire la société patriarcale qui discrimine les femmes, notamment celles qui élèvent seules leurs enfants.
Et si l’on décide de lever tous les tabous concernant les sources de financement de nos retraites et de vitalité économique, chers collègues RN, DR et de la Macronie, il va falloir rompre avec vos orientations en matière d’immigration. Si on applique la politique migratoire que vous souhaitez, ce sera la retraite à 68 ans parce qu’il n’y aura plus beaucoup de cotisants ! Dans ce domaine aussi, que tout le monde ouvre ses chakras !
Concernant les amendements et sous-amendements, je suis favorable à ce que nous ayons un maximum de rapports pour éclairer nos débats.
M. Théo Bernhardt (RN). L’identification de nouvelles sources de financement visée par l’amendement AS5 est cruciale. C’est précisément pourquoi nous demandons la tenue d’une conférence nationale associant l’ensemble des partenaires sociaux. La demande de rapport n’est pas pour autant pertinente dans la mesure où elle s’adresse aux fossoyeurs mêmes de notre système de retraite. En effet, ce sont les macronistes qui se sont portés en fer de lance dans cette réforme injuste et injustifiée dont personne ne voulait, faisant preuve d’une violence institutionnelle inouïe qui a abîmé notre démocratie et notre République.
Le NFP y prend également part : tout à l’heure encore, comme pendant les élections législatives, il s’est uni à la Macronie. Mais on savait déjà qu’il contribuait à abîmer la démocratie.
Les Républicains, enfin, portent la responsabilité ou, du moins, l’héritage de la gestion calamiteuse de notre pays et de son économie, qui met en danger la pérennité de notre système de retraite. Le modèle par répartition, fondé avant tout sur le nombre de cotisants, est intrinsèquement lié à la natalité. Or, cette question n’a jamais retenu l’attention des Républicains qui ont préféré, lorsqu’ils étaient au pouvoir, offrir aux Français des centres d’accueil pour migrants plutôt que des crèches. Ils sont également coupables de la désindustrialisation continue du pays, faisant de nos usines des ruines et réduisant la création de richesse, donc les prélèvements obligatoires qui financent les retraites. En somme, vos anciens collègues ont préféré dresser le couvert pour leurs amis mondialistes que remplir le frigo de nos grands-parents !
Plutôt que de choisir entre ceux qui ont saboté les fondements de notre système de retraite et ceux qui lui ont porté le coup de grâce pour camoufler leur incompétence, l’auteur de l’amendement devrait se tourner vers le Rassemblement National pour trouver des sources de financement « différentes et novatrices ».
M. Michel Lauzzana (EPR). Je suis favorable à ces amendements. Faire le point sur la réforme des retraites, qui n’est présentée que de manière négative par les oppositions, est une bonne chose. Or, selon le rapport du COR du mois de juin 2024, elle a des effets positifs. Son président Gilbert Cette considère qu’elle est redistributive. Bien qu’imparfaite, elle réduit les inégalités. Par exemple, les écarts de pension entre les hommes et les femmes seront réduits et la progression des pensions des femmes sera, de manière relative, deux fois plus importante que celle des hommes.
Les rapports demandés visent précisément à étudier des pistes de financement, question à laquelle vous n’avez toujours pas répondu. Alors que 44 % de l’augmentation de la dette entre 2017 et 2023 est due aux retraites, on ne peut continuer ainsi. Je m’inquiète pour mes enfants et mes petits-enfants.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Je remercie le Rassemblement National de respecter la décision du Conseil d’État qui a classé le Rassemblement National à l’extrême droite et La France insoumise à gauche.
Demander un rapport relatif à l’égalité salariale est nécessaire car les lois successives en matière d’égalité professionnelle n’ont pas réduit l’écart de salaires entre les femmes et les hommes. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, en 2022, le salaire des femmes était inférieur de 23 % à celui des hommes en moyenne, et de 15 % à temps de travail identique. Si elles perçoivent de plus faibles rémunérations, elles ont également des contrats plus précaires : les trois quarts des salariés à temps partiel sont des femmes. Nous devons avancer sur les inégalités salariales.
Je suis favorable à ces amendements car il importe de mener un travail sur ces questions et de faire preuve de sérieux en matière de financement du système de retraite.
M. Thibault Bazin (DR). Je suis sidéré par les propos caricaturaux tenus sur ces demandes de rapport. Monsieur Ménagé, votre approche est quelque peu sectaire : vous donnez des avis défavorables tout en concédant que vous êtes d’accord sur le fond.
Nos concitoyens, retraités et actifs, sont inquiets. Ils ont peur. Ils sont nombreux à penser qu’ils n’auront pas de retraite et à ne plus croire au système. Or, les mesures contenues dans la proposition de loi aggraveraient le déficit.
Selon le COR, l’évolution du pouvoir d’achat des retraités sera moindre que celle des actifs si l’on ne fait rien. Il ne faut ni raser gratis ni raconter n’importe quoi. Selon un député RN, nous n’aurions rien fait pour la politique familiale lorsque nous étions au pouvoir. Nous avons rédigé des rapports ; nous avons créé des dispositifs afin de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale. Où est la responsabilité dont le RN prétend faire preuve ? Ce n’est pas sérieux.
Mme Katiana Levavasseur (RN). Nous sommes défavorables à l’amendement AS13 pour la simple et bonne raison que nous savons très bien l’impact de la réforme des retraites sur les femmes. Même Franck Riester, alors ministre chargé des relations avec le Parlement, avait avoué en 2023 que les femmes seraient pénalisées par le report de l’âge. Malgré l’ajout de quelques trimestres supplémentaires liés à la maternité ou à l’adoption, elles devront toujours travailler plus longtemps que les hommes. L’écart est particulièrement important pour les femmes nées dans les années 1970 puisque, selon le COR, l’âge moyen de départ des femmes nées en 1972 augmentera de neuf mois contre cinq mois pour les hommes. De plus, l’ouverture du droit à la surcote est mécaniquement décalée de deux ans.
Déjà qu’il était difficile pour une femme d’obtenir tous les trimestres requis pour une pension à taux plein, elle devra désormais redoubler d’efforts pour une surcote, souvent bienvenue dans à l’issue d’une carrière hachée ou faiblement rémunérée. Alors que le minimum contributif devait être augmenté de 100 euros, les femmes concernées ne percevraient, en réalité, que 38 euros supplémentaires par mois en moyenne. C’est un montant dérisoire. Il n’est nul besoin d’un énième rapport pour le savoir. Allez à la rencontre de vos concitoyens, madame Thevenot, ils vous expliqueront les conséquences sur eux de la réforme des retraites, qui est une réelle injustice sociale.
M. Nicolas Turquois (Dem). Le débat sur les demandes de rapports est à l’image de cette matinée : pathétique. Tous les arguments ont été développés mais chacun s’en tient à sa posture, qui relève de l’imposture. À quel moment les soixante-dix députés ici présents ont-ils œuvré pour les Français et la pérennité du système de retraite ?
Je suis catastrophé : la proposition de loi, qui se borne à l’abrogation de la réforme des retraites, est creuse au possible. Elle ne prend aucunement en compte les arguments qui auraient pu conduire à adapter le droit en vigueur et qui ont été exposés ce matin.
Je suis défavorable à ces demandes de rapports car je suis défavorable au texte. Les sujets évoqués par monsieur Viry sont pertinents mais ils n’ont pas leur place ici.
M. Christophe Bentz (RN). Une instance est déjà chargée de rédiger des rapports sur cette question : le COR. Les rapports demandés constitueraient donc des doublons. C’est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements, même si les sujets qu’ils évoquent, en particulier la natalité et l’égalité entre les hommes et les femmes, sont intéressants.
S’agissant de l’amendement AS6, les syndicats et les partenaires sociaux ont été consultés à l’époque. À titre personnel, je les ai tous reçus à l’exception d’un – je vous laisse deviner lequel. Il faut que nous redonnions toute leur place aux corps intermédiaires, il faut de l’écoute et du dialogue social. En fait, il faut faire l’inverse de ce qu’a fait le Gouvernement il y a un an, c’est-à-dire brutaliser notre pays, les syndicats représentatifs, les actifs qui sont à 90 % opposés à cette réforme, et les Français qui la rejettent pour les deux tiers. Bref, s’agissant de la réforme des retraites, notre pays a surtout besoin de dialogue et d’apaisement.
M. Stéphane Viry (LIOT). Nous demandons un rapport en vue d’éclairer les futurs débats et d’avoir des outils pour prendre la meilleure décision possible. Qui a la certitude d’avoir l’expertise en matière de retraites ? S’opposer à ces demandes de rapports relatifs à des sujets que vous tous considérez comme pertinents, c’est verser dans la petite politicaillerie, bien loin des attentes de nos concitoyens.
M. le rapporteur. Monsieur Lucas-Lundy, vous avez lié la question de la natalité à celle de l’immigration. Alors qu’on dénombre plus de cinq millions et demi de chômeurs, avant de faire venir de la main-d’œuvre bon marché dans une logique capitaliste, il conviendrait d’appliquer des politiques publiques permettant à ces Français de travailler. En vous opposant à l’abrogation de la réforme des retraites, vous avez oublié les Français qui travaillent. Cette fois, vous oubliez les chômeurs, ceux qui cherchent à travailler dans notre pays, préférant défendre vos visions idéologiques en matière d’immigration.
Monsieur Lauzzana, certes, le président Gilbert Cette n’apporte pas les mêmes éclairages que son prédécesseur, débarqué pour avoir contredit le Gouvernement. Mais il est beaucoup plus facile d’être d’accord avec les personnes qu’on nomme plutôt qu’avec celles qui expriment une parole libre dans l’intérêt du pays.
Monsieur Bazin, j’ai donné un avis défavorable aux demandes de rapport par souci de cohérence. La pratique veut qu’on ne demande pas de rapports relatifs à des sujets qui font déjà l’objet de nombreuses études, notamment de la part du COR. La différence entre nous, c’est que nous ne faisons pas confiance au Gouvernement pour apporter des solutions. Il est précisément le fruit d’une alliance entre les macronistes et votre formation, responsables tous deux des réformes successives qui ont échoué à rééquilibrer le système et qui n’ont fait qu’accroître la souffrance des Français. Einstein l’a dit : « il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre ».
Monsieur Viry, le COR a déjà rédigé des rapports sur tous ces sujets et de nouvelles études seront rédigées dans les prochains mois.
Monsieur Turquois, je suis également catastrophé de l’image donnée ce matin aux Français alors que nous avions une chance unique d’abroger la réforme des retraites. Comme le 7 juillet dernier, le NFP et les macronistes se sont alliés pour se sauver mutuellement et pour taper encore une fois sur la tête des Français qui travaillent.
La commission adopte successivement les amendements AS5, AS6, AS7 et AS8. Les articles 2 bis, 2 ter, 2 quater et 2 quinquies sont respectivement ainsi rédigés.
Puis la commission adopte l’amendement AS9. L’article 2 sexies est ainsi rédigé.
En conséquence, l’amendement AS13 tombe.
Puis la commission adopte l’amendement AS12. L’article 2 septies est ainsi rédigé.
Enfin, elle adopte successivement les sous-amendements AS28, AS29 et AS30 et l’amendement AS14 sous-amendé. L’article 2 octies est ainsi rédigé.
Article 3 : Gage financier
La commission adopte l’article 3 non modifié.
Enfin, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
La réunion s’achève à douze heures trente.
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Elie Califer, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, Mme Sophie Delorme, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, M. Gaëtan Dussausaye, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Olivier Fayssat, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, Mme Florence Herouin-Léautey, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Hanane Mansouri, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Joséphine Missoffe, M. Christophe Mongardien, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, Mme Lisette Pollet, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry
Excusée. – Mme Karine Lebon
Assistaient également à la réunion. – M. Belkhir Belhaddad, M. Mickaël Bouloux, Mme Gabrielle Cathala