Compte rendu

Commission
des affaires sociales

– Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs (n° 1030) (Mme Laure Miller, rapporteure)              2

– Audition de M. Lionel Collet, président de la Haute Autorité de santé..2

– Informations relatives à la commission......................25

– Présences en réunion.................................26

 

 

 

 

 


Mercredi
12 mars 2025

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 52

session ordinaire de 2024-2025

Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président

 


  1 

La réunion commence à dix heures

(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)

 

La commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements à la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs (n° 1030) (Mme Laure Miller, rapporteure)

La commission n’a accepté aucun amendement.

*

*     *

La commission procède ensuite à l’audition de M. Lionel Collet, président de la Haute Autorité de santé.

M. le président Frédéric Valletoux. Compte tenu de l’étendue des compétences de la Haute Autorité de santé (HAS), il est important que nous puissions faire régulièrement le point avec son président. La précédente audition remonte à environ deux ans, le 12 avril 2023, lorsque nous vous avions entendu, préalablement à votre nomination à ces fonctions.

Nous avions ensuite entendu votre directeur général, M. Jean Lessi, le 19 décembre 2023, préalablement à sa nomination.

M. Lionel Collet, président de la Haute Autorité de santé. C’est effectivement la première fois, depuis près de deux ans, que je viens devant la commission des affaires sociales. J’étais venu avant d’exercer les fonctions de président de la HAS.

Je vais pouvoir vous expliquer comment fonctionne cette institution, quelles ont été ses activités essentielles au cours de la dernière année, et comment nous envisageons l’avenir de notre système de santé et la place de la HAS dans celui-ci.

Comme vous le savez, la HAS a été créée par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. Il est intéressant de noter que la loi la définit comme une autorité publique indépendante à caractère scientifique, ce qui est unique parmi les autorités publiques. Cela souligne que la finalité de cette autorité est véritablement l’expertise scientifique de la qualité de notre système de santé.

À l’époque, les parlementaires se demandaient quelle structure devait avoir la compétence pour définir ce qui doit être remboursé par l’assurance maladie. Pour simplifier, nous sommes dans une logique d’aide à la régulation de notre système de santé, par la qualité et l’efficience.

Nous avons trois grandes missions. Premièrement, nous évaluons les produits de santé, qu’il s’agisse de médicaments, de dispositifs médicaux, voire d’actes professionnels quand ils sont liés à des produits de santé, et nous les évaluons dans une perspective de remboursement. Nous déterminons ce qui doit être remboursé et ce qui ne le sera pas. Mais nous allons plus loin, en situant chaque produit dans la stratégie thérapeutique globale.

Concernant les médicaments et dispositifs médicaux, notre rôle est d’évaluer leur efficacité et leur utilité, ce qui influence leur remboursement et les négociations entre les différents acteurs du système de santé. Notre première mission est donc l’évaluation.

La deuxième mission concerne les recommandations de bonnes pratiques, sur lesquelles je reviendrai ultérieurement.

La troisième mission consiste à évaluer la qualité de nos établissements de santé. Nous certifions les 2 500 établissements de santé français, chacun devant être certifié tous les quatre ans. Nous évaluons également, de manière indirecte, les 41 000 établissements sociaux et médico-sociaux de France.

Il est important de souligner que nos trois grandes missions s’appuient sur trois valeurs fondamentales.

Premièrement, la rigueur scientifique : toute notre expertise repose sur la science, conformément à la volonté du législateur, qui nous a définis comme une autorité à caractère scientifique.

Deuxièmement, l’indépendance : nos avis, qu’ils concernent le remboursement des produits de santé ou les prises en charge, sont émis en toute autonomie.

Troisièmement, la transparence : tout ce que nous faisons est accessible au public. Par exemple, lors de l’élaboration d’une recommandation de bonne pratique, nous publions la composition du groupe de travail, une fois la recommandation validée par le collège de l’autorité scientifique, afin de garantir la sérénité des débats jusqu’à la version définitive.

Revenons à la base légale de notre institution. L’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, créé en 2004, définit les missions de la HAS. En vingt et un ans, cet article a connu trente et une versions, principalement par l’ajout de nouvelles missions.

Parmi ces ajouts, nous pouvons citer l’évaluation médico-économique, l’évaluation des vaccins par l’intégration du comité technique des vaccinations, l’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux, et plus récemment, des missions liées à la santé numérique et à l’intelligence artificielle. La dernière mission en date concerne l’élaboration du ratio soignants-soignés, confiée à la HAS il y a à peine plus d’un mois.

Il est important de noter que notre système de santé a considérablement évolué depuis 2004. Quatre éléments majeurs expliquent en partie nos activités actuelles et nos projets stratégiques pour l’avenir.

Premièrement, la transition épidémiologique et sociale, caractérisée par le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques, nous amène à émettre de nombreuses recommandations dans ces domaines. Par exemple, nous avons récemment mis à jour nos recommandations sur le diabète de type 2, en mettant l’accent sur les traitements non médicamenteux, notamment l’activité physique.

Deuxièmement, nous devons prendre en compte la transition sociale, marquée par une hausse de la pauvreté et une crise du logement. Ces déterminants sociaux influencent les pathologies et doivent être considérés par les professionnels de santé. Nous avons ainsi élaboré des recommandations sur la grande précarité et les troubles psychiques, ainsi que sur l’accompagnement vers et dans l’habitat par les professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux.

Troisièmement, nous faisons face à des défis liés à la démographie des professionnels de santé. Pour y répondre, nous émettons des avis sur des protocoles de coopération, comme la place des orthoptistes dans le suivi des patients ou celle des masseurs-kinésithérapeutes dans la prise en charge de la douleur lombaire aiguë.

Enfin, nous observons une évolution sociétale majeure : les usagers sont de plus en plus demandeurs d’informations et de participation. C’est pourquoi nous intégrons des représentants des usagers dans toutes nos commissions et nos groupes de travail. Nous sommes également à l’écoute des usagers, ayant traité plus de 2 500 courriers l’année dernière pour répondre à leurs préoccupations.

En ce qui concerne la certification des établissements de santé, je tiens à préciser quelques chiffres importants. Actuellement, 87 % de tous les établissements de santé sont certifiés. Parmi ceux-ci, 64 % sont simplement certifiés, tandis que 23 % le sont avec mention.

Pour compléter ces chiffres, 13 % des établissements restent à certifier. Parmi eux, 9 % sont certifiés sous condition, ce qui signifie qu’ils ont un an pour répondre à certaines exigences et atteindre un niveau de qualité permettant leur certification. Enfin, 4 % des établissements en France ne sont pas certifiés, ce qui représente environ cent établissements.

Concernant l’information des usagers, l’outil Qualiscope est disponible sur le site de la HAS. Il permet à chacun de consulter l’évaluation d’un établissement donné, sans établir de palmarès, mais en fournissant des informations objectives, y compris les indicateurs de satisfaction des patients.

Pour le secteur social et médico-social, l’évaluation est en cours depuis 2023. Environ 10 000 établissements ont été évalués entre 2023 et 2024. Nous analysons actuellement ces évaluations et prévoyons de mettre à disposition un outil similaire à Qualiscope pour l’été ou la rentrée, permettant d’obtenir des informations sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou les structures accueillant des personnes en situation de handicap. Le troisième grand domaine de mutation, pour nous, concerne donc cette évolution sociétale.

Le quatrième domaine est le développement d’un ensemble d’outils d’innovation technologique et organisationnelle. Dans le domaine médical, concernant l’évaluation des médicaments, nous avons le droit commun. L’année dernière, nous avons rendu 360 avis, dont 75 concernaient de nouveaux médicaments. Parmi ces 75, nous avons considéré que 72 méritaient d’être remboursés, en raison de leur service médical suffisant. Sur ces 72, 28 apportaient une réelle innovation.

Je peux citer quelques exemples marquants : une innovation dans le domaine de la mucoviscidose pour une forme liée à une mutation très spécifique, un nouveau vaccin contre la covid‑19, et un vaccin remarquable contre le zona, qui peut prévenir les douleurs associées à cette maladie chez les personnes âgées.

Concernant les délais, nous sommes parvenus à réduire le temps nécessaire pour rendre un avis à 111 jours, ce qui est relativement court.

Le second grand domaine d’innovation concerne la procédure d’accès précoce. Depuis 2021, un industriel peut proposer que le médicament soit évalué par la HAS, et si nous l’acceptons, il devient disponible immédiatement, avant même la négociation du prix. Pour être éligible, le médicament doit remplir quatre conditions : concerner une maladie rare, grave ou invalidante, l’absence de traitement approprié existant, le traitement ne peut pas être différé, et enfin l’existence d’une présomption d’innovation.

L’an passé, nous avons traité plus de 110 demandes, dont 51 pour des nouveaux médicaments. Nous en avons accepté 30, soit près de 60 %. Depuis 2021, notre taux d’acceptation moyen est d’environ 70 %. Nous analysons actuellement les raisons de cette légère baisse, qui peut s’expliquer par l’arrivée de traitements appropriés pour certaines pathologies ou par des demandes d’indications trop larges, sans données suffisantes pour garantir l’absence de perte de chance pour les patients.

Je vous rappelle les principaux enjeux auxquels nous sommes confrontés : la transition épidémiologique et sociale, l’évolution sociétale, la tension sur la démographie professionnelle, et l’arrivée d’innovations technologiques et organisationnelles. Ces enjeux sont au cœur de notre projet stratégique pour les cinq prochaines années, qui s’articule autour de trois axes.

Le premier axe vise à promouvoir le parcours intégré des personnes, en allant au-delà du simple parcours de soins pour englober un parcours de santé plus complet, incluant ce qui se passe après les soins. Cela implique de considérer également les aspects sociaux, de la même façon que nous devons nous interroger sur le parcours depuis la ville, l’hôpital, jusqu’aux soins de suite. Par exemple, nous prenons en compte les soins pour les personnes en situation de handicap.

Cette approche globale est fondamentale pour nous, car elle englobe l’ensemble du parcours, de l’évaluation du médicament jusqu’aux soins et au médico-social. Ce premier axe est particulièrement important pour l’avenir. Cela implique également de favoriser l’exercice coordonné et les événements de coopération, bien que nous n’en parlions pas en détail ici.

Le deuxième axe concerne la défense de la qualité dans un système en tension. Il est nécessaire de continuer à développer les bons usages des médicaments et l’identification par médicament, pour garantir une prise en charge optimale pour chaque patient. La tension s’étend également aux délais de l’assurance maladie. Nous estimons que la pertinence des actes et la réduction de l’errance médicale contribuent à la maîtrise des dépenses.

Le troisième axe vise à anticiper l’avenir. Notre modèle de santé et notre modèle social doivent se préparer à d’éventuelles nouvelles menaces sanitaires. La HAS doit être en mesure d’y répondre rapidement avec des méthodologies adaptées, comme elle l’a fait durant la crise de la covid‑19.

Nous sommes également de plus en plus sensibilisés aux questions de santé et d’environnement. Par exemple, dans l’évaluation des médicaments, nous intégrons des critères tels que l’adaptation du conditionnement à la posologie prescrite et la gestion des déchets liés aux dispositifs médicaux à usage unique.

Il existe de nombreux autres sujets que je n’ai pas abordés, comme les autres technologies médicales, nos recommandations vaccinales ou le pilotage interne de la HAS pour optimiser ses dépenses. Je reste à votre disposition pour en discuter.

M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie pour cet exposé particulièrement complet. Je donne maintenant la parole à notre rapporteur général, référent de la commission pour la HAS.

M. Thibault Bazin, rapporteur général, référent de la commission pour la Haute Autorité de santé. Je suis ravi que notre commission reçoive aujourd’hui le président de la HAS, dont nous avions approuvé la nomination en avril 2023. En tant que référent pour la HAS, je tiens à remercier le président Collet pour sa disponibilité et la qualité de nos échanges précédents.

Vous avez mentionné qu’en 2004, la HAS devait initialement répondre à trois missions : évaluer les produits de santé soumis au remboursement, élaborer des recommandations de bonne pratique et évaluer les établissements de santé.

Aujourd’hui, ses attributions ont considérablement évolué, notamment sous l’effet des lois votées qui élargissent son champ d’intervention. L’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale, qui définit les missions de la HAS, en est à sa trente et unième version et est modifié entre une et trois fois par an depuis sa création.

Dans un contexte de forte augmentation des dépenses publiques et de recherche d’efficience, il convient de s’interroger sur la place de la HAS, ses missions et ses moyens. Je souhaiterais aborder certaines grandes priorités de la HAS, notamment dans le domaine des produits de santé, de la certification des établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que de la psychiatrie et de la santé mentale.

Premièrement, concernant le rôle de la HAS, pensez-vous que certaines de ses missions soient redondantes avec celles d’autres opérateurs ? Je pense notamment à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, à l’Agence nationale d’appui à la performance et à l’Agence nationale du développement professionnel continu.

Deuxièmement, concernant l’évaluation des produits de santé, pouvez-vous revenir sur votre communiqué paru vendredi dernier, dans la revue APM, en réponse aux critiques des industriels du médicament sur les autorisations d’accès précoce ? Qu’entendez-vous par une diminution de la qualité des dossiers d’accès précoces ? Pouvez-vous nous éclairer sur les enjeux liés à l’entrée en vigueur du règlement européen relatif à l’évaluation des technologies de santé ?

Troisièmement, concernant la certification des établissements sociaux et médico-sociaux, quel bilan faites-vous de ce processus et quelles seraient vos propositions pour en améliorer l’efficacité et l’efficience ?

Enfin, pourriez-vous nous parler du programme pluriannuel dédié à la santé mentale et à la psychiatrie pour la période 2025-2030, adopté par la HAS en février ?

M. le président de la Haute Autorité de santé. Effectivement, comme nous l’avons évoqué, les missions de la HAS sont accrues. Cela signifie que les pouvoirs publics et le législateur considèrent qu’il y a un besoin accru de cette autorité indépendante pour répondre à un ensemble de questions. J’estime que c’est très positif. Bien entendu, il faudra que les moyens suivent, mais c’est une autre question. L’augmentation des missions au fil du temps est un signe positif.

Concernant l’efficience, la HAS élabore des recommandations de bonnes pratiques. La question qui se pose est celle de l’impact de ces recommandations. Sont-elles mises en œuvre ou non ? Il y a deux approches possibles pour les mettre en œuvre.

La première serait d’entrer dans un système d’opposabilité. Nous ne sommes pas dans un pays où les recommandations sont opposables, même si personnellement, je considère qu’il y a des domaines où il ne faudrait pas marginaliser en France les prises en charge, voire les standardiser. Je ne suis pas favorable à ce qu’une recommandation de la HAS soit rendue opposable pour une période donnée, sauf dans des cas extrêmement précis, qui mériteraient d’être discutés.

La seconde approche concerne l’appropriation des recommandations par les professionnels. Pour qu’une recommandation ait un impact, il faut s’assurer que les professionnels y ont accès et sont formés dans les domaines concernés. En ce sens, tout ce qui relève de la formation continue dans sa partie scientifique doit être pris en compte. Il y a aussi une partie financière à considérer, notamment pour rémunérer les opérateurs et ceux qui participent à ces formations.

Concernant la partie scientifique, nous sommes tout à fait prêts à accueillir la mission du développement professionnel continu. Cela nous permettrait d’ouvrir un ensemble de domaines, allant de l’évaluation à l’assurance de la qualité de nos formations. Notre rôle n’est pas de réaliser ces formations, mais de s’assurer que les actions proposées aux professionnels sont de qualité et cohérentes avec nos recommandations de bonnes pratiques.

Quant au règlement européen sur l’évaluation des technologies de santé, nous l’appliquons depuis le 12 janvier dernier, pour un médicament dans le domaine de l’oncologie expérimentale. Ce règlement modifie le processus d’évaluation d’un médicament en termes d’évaluation du rapport bénéfice/risque et de remboursement.

Deux étapes existent : une évaluation purement scientifique, que nous réalisons en commission médicale ; une étape d’appréciation pour le remboursement, réalisée par la commission de la transparence de la HAS.

Le règlement européen a décidé qu’il n’y aurait plus qu’une seule évaluation scientifique pour un médicament, à l’échelle européenne, réalisée par deux États membres. Nous serons probablement régulièrement impliqués dans cette évaluation.

Cependant, chaque pays conservera ses propres critères de remboursement. Ce changement implique que notre évaluation scientifique devra répondre aux critères des vingt‑sept États membres, ce qui représente un travail considérable, passant d’environ 20 à 30 jours‑hommes par an à environ 200 jours‑hommes. Nous nous préparons à ce changement et sommes largement prêts.

De leur côté, les crèches ne sont pas incluses dans la liste des établissements et services sociaux et médico-sociaux, définie par le code de l’action sociale et des familles. Par conséquent, nous n’avons pas mandat pour les évaluer.

Ce qui est étonnant, c’est que l’on demande à l’établissement qui va être évalué de choisir son évaluateur et de le payer. La première règle en termes d’indépendance devrait être que l’établissement ne choisisse pas son évaluateur.

La seconde critique concerne l’accréditation des organismes pour réaliser ces évaluations. Plus de cent organismes ont déjà été accrédités. Nous avons, avec ces 11 000 premières évaluations, commencé à dresser un bilan de la qualité de l’évaluation par ces organismes.

Une évaluation coûte entre 7 000 et 8 000 euros par établissement en moyenne. Si on considère nos 40 000 établissements, cela représente déjà 320 millions d’euros, soit 64 millions par an. La question est de savoir qui financerait si nous avions un autre modèle d’organisation, sachant que la certification des établissements de santé n’est pas financée par les établissements eux-mêmes, mais par un budget qui nous est alloué.

Concernant la santé mentale et la psychiatrie, nous avons retenu ce thème comme l’une de nos trois priorités stratégiques, avec la prévention et le numérique/intelligence artificielle en santé. Un comité a été constitué et nous avons défini plusieurs sujets. Ce qui est frappant en psychiatrie, c’est l’absence de recommandations de bonnes pratiques françaises. Or, il est important d’avoir un raisonnement national en psychiatrie, pour deux raisons principales.

Premièrement, les professions ne sont pas strictement les mêmes d’un pays à l’autre. Par exemple, la formation des psychologues britanniques et français diffère significativement.

Deuxièmement, depuis les années 1960, nous avons un modèle sectorisé en psychiatrie, ce qui n’est pas le cas partout. Nous devons donc prendre en compte ces spécificités en évaluant les parcours. C’est pourquoi nous avons besoin de recommandations nationales en psychiatrie.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Thierry Frappé (RN). Notre HAS occupe une place centrale dans notre système de soins. Elle joue un rôle fondamental en matière d’évaluation, de recommandations et de garantie de la qualité des soins.

L’évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux demeure un enjeu majeur pour notre système de santé. De nombreuses critiques s’élèvent concernant la durée des processus d’évaluation, qui peut atteindre jusqu’à 111 jours en moyenne. Cela peut retarder l’accès aux traitements pour les patients atteints de maladies rares et graves.

Comment assurer un juste équilibre entre la rigueur scientifique et la réactivité nécessaire pour répondre rapidement aux besoins des patients, sans compromettre la qualité des évaluations ? Les recommandations en matière de santé publique, notamment concernant la vaccination, revêtent également une forte importance.

La récente crise sanitaire a démontré la nécessité impérieuse de restaurer et de renforcer la confiance du public dans les approches scientifiques. Quels moyens envisagez‑vous pour anticiper et gérer efficacement d’éventuelles crises sanitaires futures ?

La certification des établissements de santé, essentielle pour garantir une amélioration continue des soins, peut toutefois être perçue comme une contrainte administrative supplémentaire par les professionnels.

Comment faire en sorte que cette mesure continue de servir d’outil d’amélioration sans alourdir la charge de travail quotidienne des soignants ? Avec un budget de 73,9 millions d’euros, estimez-vous disposer des ressources adéquates pour relever les défis actuels, notamment dans le domaine de la santé numérique ?

Mme Annie Vidal (EPR). Votre expertise sur ces éléments est essentielle à la conduite de nos évaluations des politiques publiques. Nous avons voté l’instauration du ratio minimal de patients par personnel. Ce changement a été fait en février et vise à instituer, pour chaque spécialité et chaque type d’activité hospitalière, un ratio minimal de soignants par lit.

Si cette mesure ambitionne de garantir une meilleure répartition des effectifs et une meilleure prise en charge, elle soulève néanmoins certaines questions. D’une part, la HAS sera chargée d’établir de nombreux référentiels spécifiques, ce qui nous semble aller à l’encontre d’une approche pragmatique et décentralisée, qui valoriserait l’autonomie des établissements.

D’autre part, cette multiplication de référentiels pourrait être perçue comme une potentielle complexification, tant pour votre institution que pour les établissements de santé, en raison des contraintes associées. Quel est votre avis sur cette disposition ? Comment la HAS pourra-t-elle garantir la faisabilité de cette réforme sans alourdir inutilement les démarches administratives pour les établissements ? Quels pourraient être vos délais pour fournir ces référentiels ?

La HAS a établi un nouveau référentiel de qualité pour les établissements et les services médico-sociaux. Il reste à établir des cahiers des charges pour les organismes chargés d’évaluation. Où en sont vos travaux dans ce domaine ?

Mme Élise Leboucher (LFI -NFP). Je souhaite également vous interroger sur la loi sur les ratios. La HAS a permis de mesurer la qualité des soins et la sécurité des patients dans les établissements de santé et en médecine de ville. Vous avez évoqué dans ce cadre le travail d’établissement de référentiels de ratios que la HAS sera amenée à conduire.

Ce travail a-t-il déjà commencé ? Comment allez-vous y procéder ? Et si oui, pouvez-vous garantir que ce travail s’alignera sur les positions les plus protectrices en matière de santé, comme on peut l’observer à l’international ?

En 2023, je vous avais interrogé sur le budget de la HAS, qui avait été réduit de 15 millions d’euros sur un budget de 63 millions d’euros. J’en profite pour vous poser la question sur la dotation budgétaire de 2025. Pensez-vous que cela vous permettra de revenir à un niveau satisfaisant de fonctionnement, comme vous le souhaitez ?

Par ailleurs, plusieurs experts et professionnels de la psychiatrie s’inquiètent de la poussée d’un discours neuro-essentialiste, qui se concentre sur les déterminants biologiques de la santé psychique et de son traitement, au détriment de la prise en compte des éléments environnementaux et sociaux et des relations thérapeutiques.

Pourtant, cela revient à négliger un point essentiel de la santé psychique. Rappelons‑le, la précarité est un facteur de détérioration de la santé psychique, ce qui amène à apporter des réponses incomplètes à ces enjeux, notamment au niveau politique.

Quelles mesures sont prises afin de garantir une pluralité d’approches thérapeutiques lors de l’élaboration des recommandations de la HAS et une prise en compte complète des déterminants biologiques, psychologiques et sociologiques de la santé psychique ?

M. Arnaud Simion (SOC). La santé mentale et la psychiatrie constituent un enjeu majeur de santé publique. En France, près de 9 millions de personnes sont prises en charge chaque année pour un trouble psychiatrique ou bénéficient d’un traitement chronique.

Cette dégradation de la santé mentale s’observe notamment chez les jeunes depuis quelques années, avec une forte progression de la prescription d’antidépresseurs. Une telle prévalence n’est pas sans conséquence. Les personnes atteintes de troubles sévères voient leur espérance de vie réduite de dix à vingt ans, tandis que le suicide est la première cause de mortalité entre 15 et 35 ans.

À cela s’ajoute la consommation de médicaments psychotropes, qui place la France, selon Santé publique France, au premier rang mondial pour la prescription de ces traitements.

La consommation sociale et économique représente aujourd’hui le premier poste de dépense pour l’assurance maladie. Face à ces besoins croissants, la psychiatrie doit répondre, et ce, « dans un cadre marqué par une pénurie de moyens et une désorganisation des parcours de soins », comme le rappelle le récent rapport sur le sujet de nos collègues Dubré‑Chirat et Rousseau.

Il s’agit globalement de mieux repérer, d’améliorer l’offre de soins et de promouvoir des stratégies de prévention. La HAS a adopté un programme pluriannuel pour la période 2025‑2030. Pourriez-vous nous indiquer la place occupée par la santé mentale et la psychiatrie ? Quelles sont les préconisations du programme pour améliorer le diagnostic et la prise en charge des pathologies à ce sujet, et en particulier les soins des populations vulnérables ? Quelles sont les orientations du programme en matière de prévention et de repérage des comportements suicidaires ?

Mme Justine Gruet (DR). La HAS est une autorité administrative indépendante. À ce titre, elle doit travailler aux côtés des pouvoirs publics et des politiques pour, je vous cite, « éclairer la décision sur des fondements scientifiques ».

Quelle n’a donc pas été notre surprise lorsqu’en décembre dernier, nous avons pris connaissance d’une recommandation de la part de la HAS sur le remboursement intégral de la transition de genre, notamment pour les mineurs.

Votre autorité recommanderait l’utilisation des pronoms demandés par la personne en transition avant le début du traitement et avant même son évaluation psychiatrique. Quant à la chirurgie pour la féminisation d’un visage masculin ou carrément le changement de sexe, par exemple, l’autorité que vous représentez recommande sa réalisation au plus tôt.

Seules précautions dans ces situations : il serait toutefois nécessaire de prendre la décision en concertation concernant les transitions des personnes mineures de 16 à 18 ans.

La HAS dessine, au gré de ces recommandations, les contours d’un véritable service public, lequel emploierait les moyens et les personnels du système de santé, alors même que les documents rappellent que la transidentité n’est plus considérée comme une pathologie.

De lors, les personnes qui demandent une transition ne sont pas considérées comme des malades. Or, vos recommandations exigent de mettre à leur disposition une gamme très sophistiquée de soins et d’accompagnement par des soignants, tout en préconisant d’y rembourser intégralement cette prise en charge.

Pour les parents de mineurs qui ne suivraient pas cette voie, il est même envisagé une démarche de déchéance de l’autorité parentale ou d’émancipation. Ces réflexions ne semblent pas refléter les préoccupations de la majorité des Français, comme le montrent les études et les élections récentes. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

Par ailleurs, la HAS est attendue sur d’autres sujets importants pour notre société, notamment le débat sur l’accompagnement de la fin de vie, qui reviendra bientôt à l’ordre du jour. La notion de court terme ou moyen terme occupera une grande partie de nos discussions lors de l’examen en commission spéciale et dans l’hémicycle. La ministre de la santé, il y a près d’un an, vous a sollicité pour définir la notion de moyen terme. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements précis qui nous seront utiles dans les discussions à venir ?

M. Hendrik Davi (EcoS). La HAS a fêté ses vingt ans l’été dernier. Elle a démontré son utilité, notamment dans l’évaluation des nouveaux médicaments, des vaccins et des dispositifs médicaux. Elle joue également un rôle important dans l’établissement des bonnes pratiques pour les professionnels, s’appuyant sur l’expertise scientifique de différentes disciplines. Cependant, je reste perplexe concernant son rôle dans la mesure de la qualité des soins, votre troisième mission.

L’offre de soins est en tension, et votre projet stratégique le mentionne. Plus d’un tiers des établissements hospitaliers déclarent des incidents graves, liés à la surcharge d’activité. Je ne compte plus les unes de journaux qui mentionnent les décès de patients arrivés aux urgences et qui n’ont pas pu être pris en charge. Cet été, certains patients ont attendu jusqu’à 70 heures aux urgences. Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous en médecine de ville a doublé en cinq ans pour la majorité des spécialités. Cette situation conduit à un renoncement aux soins.

On constate également une augmentation du taux de mortalité infantile, en raison de l’éloignement des maternités. De plus, la qualité des soins s’est dégradée sur de nombreux points. Pourtant, vous ne mentionnez aucunement les causes de ces problèmes dans votre projet stratégique.

La qualité des soins repose avant tout sur un personnel bien qualifié, correctement rémunéré et travaillant dans de bonnes conditions. En réalité, il n’est pas nécessaire d’avoir un processus de certification complexe pour établir ce constat. Or, depuis dix ans, 43 000 lits ont été supprimés, soit 10 % de l’offre de soins. Tous les soignants sont en surcharge de travail. Les burn‑out et les démissions sont fréquents. Je n’ai trouvé aucune mention des mots « lits » et « salaires » dans le document stratégique.

Concernant les enjeux, l’alcool et le tabac ne sont pas mentionnés dans le document stratégique. La pollution et la santé mentale non plus.

En réalité, nous devons appréhender la question de la qualité de la santé de façon globale. La HAS doit jouer pleinement son rôle, et cesser de multiplier les injonctions concernant la qualité, avec des certifications, qui apparaissent inappropriées pour des personnels en situation de sous-effectif chronique.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Merci pour votre réponse concernant l’évaluation des établissements médico-sociaux. La proposition de loi a été déposée et n’attend qu’à être mise à l’ordre du jour de l’Assemblée.

J’ai lu avec attention le plan stratégique de la HAS pour 2025‑2030. Je vous remercie pour ce travail qui embrasse tous les aspects de la santé populationnelle, par parcours et préventive. Il s’agit d’une liste complète et ambitieuse.

La HAS évalue la qualité et la pertinence des soins, ainsi que l’efficience médico-économique. Comme vous le rappelez, sa mission est d’éclairer les décideurs publics. Vous le savez, notre système ne répond plus aux attentes et besoins actuels. Il est en grande difficulté de compréhension, d’harmonisation et dans son financement. Il est en pleine transition, et ne peut pas tout entreprendre simultanément. Des priorités doivent donc être établies.

Le document indique que les priorités 2025-2030 sont la prévention, la santé mentale et le numérique. Or, définir des priorités implique de renoncer à d’autres politiques de santé. Votre rôle est de nous éclairer. Quels arbitrages devons-nous faire ?

Il nous faut désormais établir des priorités, au regard de l’état de nos finances publiques et des tensions du système de santé. Nous ne pouvons pas entamer tous les chantiers que vous proposez.

La santé mentale reste un défi majeur. Je salue votre engagement sur ce point. Les maladies chroniques augmentent et pèsent lourdement sur nos dépenses. L’innovation soulève la question de son modèle économique. Quant à la prévention, omniprésente dans les débats, elle peine encore à se systématiser, voire à s’industrialiser.

Notre système de santé doit être réformé, mais nous ne pouvons pas tout financer. Quelles seront nos priorités ? Quels arbitrages devrons-nous faire ?

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La HAS est devenue un acteur central dans le paysage sanitaire français, depuis sa création en 2004. Elle est une autorité publique indépendante à caractère scientifique, chargée d’améliorer la qualité des soins au bénéfice des patients, des professionnels de santé et des financeurs publics.

Son rôle est essentiel : elle évalue les médicaments, les dispositifs médicaux et les actes professionnels pour déterminer leur remboursement par l’assurance maladie, élabore des recommandations de bonnes pratiques à destination des professionnels de santé et mesure la qualité des soins dans les établissements hospitaliers, les cliniques, ainsi que dans les structures sociales et médico-sociales.

Le défi est complexe aujourd’hui, avec le vieillissement de la population, l’explosion des maladies chroniques, les inégalités territoriales dans l’accès aux soins et la tension sur les ressources humaines dans le secteur médical.

Vous venez de publier votre projet stratégique 2025-2030. Ce plan est destiné à répondre aux besoins immédiats, tout en préparant l’avenir. Parmi les axes et les thématiques phares du plan figurent la prévention, la santé mentale et l’utilisation du numérique en santé.

Ces orientations sont évidemment porteuses d’espoir pour répondre aux défis de notre système de santé. Comment la HAS compte-t-elle concilier les objectifs à moyen et long terme avec les besoins immédiats du terrain ? Concrètement, quelles sont les actions immédiates que vous prévoyez pour renforcer, par exemple, la prévention ou pour accélérer l’adoption des technologies numériques et de l’intelligence artificielle dans les parcours de soins ?

Ma seconde question concerne l’égalité d’accès aux soins. En décembre 2021, le règlement européen sur l’évaluation des technologies de santé a été adopté, et vise à harmoniser les systèmes d’évaluation au niveau européen. L’objectif est de permettre à tous les citoyens européens une égalité d’accès aux médicaments innovants, notamment ceux qui peuvent être pris en charge dans un pays voisin, mais pas en France.

Je pense par exemple à certains médicaments dans le domaine oncologique, qui sont remboursés dans des pays voisins, ou encore aux sept à huit millions de Français qui souffrent de migraines sévères et qui voient certains médicaments autorisés en Allemagne et en Italie, mais pas en France.

Malheureusement, nous ne sommes pas parvenus à une évaluation européenne unique. Chaque État membre a souhaité garder sa propre autorité. Je voudrais avoir votre avis sur ce point. Comment envisagez-vous d’articuler votre travail avec celui de vos homologues européens ?

M. Paul-André Colombani (LIOT). La mortalité infantile, en France, est en hausse, atteignant 4,1 décès pour 1 000 naissances en 2024, alors qu’elle diminue dans le reste de l’Europe. La fermeture des maternités apparaît comme un facteur majeur, avec trois maternités sur quatre ayant disparu en un demi-siècle.

Actuellement, 900 000 femmes vivent à plus de 30 minutes d’une maternité, et le nombre de femmes à plus de 45 minutes a augmenté de 40 % depuis 2000. Une enquête récente révèle qu’un trajet de plus de 45 minutes augmente le taux de mortalité infantile. Paradoxalement, une mission « flash » de 2022, sur la mortalité infantile, concluait que le maintien des petites maternités représentait un danger pour la mère et l’enfant. Quelle est votre position à ce sujet ?

Par ailleurs, nous devons nous préoccuper de la résurgence de maladies transmissibles sous contrôle. Deux régions signalent des clusters de rougeole, et une situation de propagation rapide et réelle. Quelles actions sont actuellement mises en œuvre concernant la couverture vaccinale ?

Enfin, nous souhaitons une clarification de votre part sur les propos relatifs à la prévention des déformations crâniennes et à la mort inattendue du nourrisson. Vous indiquez que les données scientifiques ne permettent pas de recommander l’ostéopathie, tout en évoquant son utilisation en deuxième intention, en complément de la kinésithérapie. Cette position ne risque-t-elle pas d’entretenir une confusion sur son efficacité, alors qu’aucune preuve scientifique solide ne la justifie ?

M. le président de la Haute Autorité de santé. Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à la HAS.

Je souhaite d’abord revenir sur une question que je n’avais pas abordée, concernant une dépêche parue récemment dans APM. Il s’agit d’un industriel mécontent du refus d’accès précoce pour son médicament, qui a déposé un recours gracieux, ce qui est son droit. J’ai dû répondre publiquement, car il a soulevé plusieurs points dans cette dépêche.

En France, lorsque nous déclarons un médicament remboursable, cela ne préjuge pas de son amélioration du service médical rendu, information qui sert au Comité économique des produits de santé, pour fixer le prix. Les industriels ont du mal à comprendre que parfois, leurs produits n’apportent pas l’amélioration qu’ils espèrent. Ce n’est pas la HAS qui fixe ces règles, mais un décret qui spécifie les niveaux d’amélioration du service médical rendu.

Concernant la présomption d’innovation dans les accès précoces, il s’agit d’un enjeu fondamental pour nous. Nous avons lancé une consultation publique, de février à fin mars, pour définir ce concept et établir les critères permettant de lever le pari de l’innovation. Nous ne pouvons pas accorder une présomption d’innovation sans avoir les éléments qui nous permettront de trancher la question un an plus tard.

La question des délais de la HAS a également été abordée. Ayant coordonné le Conseil stratégique des industries de santé en 2016, je peux vous dire que les industriels ne se plaignent plus des délais de la HAS. Leur préoccupation actuelle concerne plutôt les délais de négociation des prix, qui interviennent après notre évaluation.

Je vais vous donner quelques chiffres : en droit commun, notre délai moyen est de 111 jours, soit moins de quatre mois. Pour les accès précoces, notre délai médian est de 84 jours, ce qui est relativement peu et conforme à la loi. La période de 84 jours correspond également au délai médian pour l’évaluation des dispositifs médicaux en droit commun. Ces données montrent que nos délais sont tout à fait raisonnables pour ces éléments.

Concernant le ratio soignants-soignés, nous attendons la saisine du ministère pour préciser le cadre dans lequel nous devrons élaborer cet avis. La loi prévoit une échéance à 2027, et nous ferons tout pour respecter ce délai, mais cela dépendra de l’ampleur de la saisine.

Quant à la pluralité d’approches thérapeutiques en santé mentale et psychiatrie, je suis totalement d’accord sur la nécessité de cette diversité, d’autant plus que nous sommes dans un domaine complexe.

Les analyses de sang permettent de suivre l’évolution d’une pathologie. Actuellement, 70 % des décisions cliniques en France, toutes spécialités confondues, reposent sur ces outils de diagnostic. Cependant, la psychiatrie fait exception. Bien qu’elle représente l’un des premiers postes de dépenses de l’assurance maladie, elle ne dispose d’aucun outil diagnostique biologique. Le diagnostic en psychiatrie repose uniquement sur l’évaluation clinique. Nous manquons de données biologiques et de biomarqueurs, même si des équipes de recherche y travaillent actuellement. Il est essentiel de répondre à cette spécificité de la psychiatrie. Nous devons également prendre en compte les déterminants sociaux et la grande précarité, qui affectent de nombreux patients. Nous intégrons pleinement ces aspects dans notre approche.

Concernant le budget de la HAS, j’avais exprimé des inquiétudes il y a deux ans. La HAS bénéficiait auparavant des redevances des industriels, en échange de son travail. Cette pratique a été abandonnée pour éviter tout conflit d’intérêts. Le fonds de roulement s’est progressivement épuisé, créant un déficit d’environ 20 millions d’euros. La loi de financement de la sécurité sociale a permis de combler ce manque, à hauteur de 18 millions d’euros.

Notre budget actuel est d’environ 73,9 millions d’euros, avec 450 employés permanents. Nous faisons également appel à 2 500 experts externes, pour participer à nos groupes de travail et évaluer les établissements.

Le budget 2025 de la HAS prévoit un prélèvement sur notre fonds de roulement, pour atteindre l’équilibre, tout en optimisant nos dépenses. Par exemple, nous réduisons notre surface de bureaux et renégocions notre loyer.

Nous développons également l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer notre efficacité, notamment dans la préparation de nos analyses scientifiques et l’examen critique de la littérature. En effet, nous explorons comment utiliser l’intelligence artificielle, en particulier l’IA générative, pour préparer nos analyses scientifiques et nos examens critiques de la littérature. Pour l’évaluation d’un médicament, nous devons analyser un nombre considérable d’articles. L’IA peut nous aider à sélectionner ces articles et à en faire une première analyse. Bien entendu, un expert humain vérifiera toujours le travail, mais cela nous permettra de gagner en efficacité. Les principales agences de santé mondiales travaillent également sur ce sujet.

Concernant la prétendue recommandation sur la transidentité, je tiens à clarifier qu’il n’existe pas de recommandation de la HAS à ce sujet. Ce qui a été publié dans Le Figaro, et pour lequel nous avons demandé un droit de réponse qui nous a été refusé, est inexact. Un référé sera prononcé la semaine prochaine à ce sujet.

La HAS a été saisie par le ministre Olivier Véran pour élaborer une recommandation sur la prise en charge des personnes transgenres. En France, environ 10 000 personnes sont en attente de traitement. Notre objectif est d’assurer la qualité de cette prise en charge.

Pour élaborer ces recommandations, nous constituons un groupe de travail incluant des sociétés savantes, des chirurgiens, des pédiatres, et des associations d’usagers. Le document produit par ce groupe n’engage pas la HAS à ce stade. Il sera soumis à un groupe de lecture, puis revu par le groupe de travail, avant d’être examiné par la commission des recommandations de la HAS, puis par le collège de la HAS. Nous n’aurons pas de recommandation au moins avant l’été.

Concernant spécifiquement la question des mineurs, la demande du ministre Olivier Véran concerne toutes les personnes transgenres. L’augmentation des interrogations sur l’identité de genre chez les mineurs est observée dans de nombreux pays occidentaux, comme le montre le rapport Cass au Royaume-Uni.

En France, les sénateurs se sont prononcés pour un projet de loi interdisant toute prise en charge médicale des mineurs transgenres. À la HAS, nous travaillons dans le cadre légal actuel qui n’interdit pas cette prise en charge. Le Défenseur des droits et l’Académie nationale de médecine travaillent également sur cette question. Nous espérons avoir leurs conclusions avant la finalisation de nos recommandations, probablement à l’été.

Je n’étais pas président de la HAS lorsque la décision a été prise de fixer l’âge à 16 ans. Je respecte les choix de mes prédécesseurs, même si cela ne correspond peut-être pas à ce que j’aurais choisi aujourd’hui.

Concernant la certification des établissements de santé, deux questions sont posées. Premièrement, faut-il les certifier ? Deuxièmement, faut-il les certifier dans un contexte de tension sur les moyens ? Le premier point concerne la loi. Je ne me prononce pas sur le principe de la certification. Sachez que cela existait avant la HAS. Avant la HAS, l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé était déjà chargée de la certification. La HAS en a hérité en 2004.

Concernant la situation actuelle, nous sommes bien conscients des difficultés. Cependant, nous devons garantir la qualité des soins dans ces établissements de santé. Nous ne pouvons pas faire comme si rien ne se passait. La réalité est que nos établissements, malgré ce système en tension et les difficultés, sont de qualité. Seuls 4 % des établissements de santé en France ne sont pas certifiés.

Notre plan stratégique aborde la question du système en tension, dans l’objectif de défendre la qualité dans ce contexte. En règle générale, les directeurs d’établissement de santé sont satisfaits de ce dispositif de certification.

Par ailleurs, il est particulièrement compliqué de comparer le système français avec celui d’autres pays. En Allemagne, pour un certain nombre de maladies rares, les traitements sont considérés comme remboursables et améliorant le service médical rendu par principe, dans l’attente de l’évaluation. De notre côté, nous évaluons avant de rembourser. Ce choix appartient aux élus. Personnellement, je préfère savoir que le traitement que je vais prendre a été évalué à un moment donné, plutôt que de le rembourser a priori.

Nous rencontrons effectivement cette difficulté sur certains médicaments. Vous avez évoqué la migraine. Nous avons considéré que le médicament apportait un service médical suffisant. Cependant, nous ne disposons pas de données suffisantes, notamment sur la qualité de vie, qui est fondamentale dans le cas de la migraine, tout autant que le nombre de jours de douleurs. Nous réaliserons une nouvelle évaluation de ces médicaments, lorsque les industriels auront des données supplémentaires à nous apporter.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Katiana Levavasseur (RN). Depuis sa création en 2004, la HAS a vu son champ d’action s’élargir considérablement : recommandations en santé publique, évaluation des innovations thérapeutiques, certification des établissements de santé, mais aussi des sujets sociaux plus sensibles, comme la transition de genre ou la maladie de Lyme.

Face à cette inflation d’activités, vous aviez vous-même alerté en avril 2023 sur le manque de moyens humains et financiers de l’institution : un déficit susceptible d’entraîner la production d’un travail de moindre qualité scientifique.

Dans ce contexte, pensez-vous que la HAS dispose encore des ressources nécessaires pour assumer pleinement l’ensemble de ses missions, ou serait-il préférable de restreindre le nombre de missions qui lui sont dévolues ?

Par ailleurs, des avancées ont-elles été réalisées pour pallier ces insuffisances ? La récente fuite d’un document de travail sur la prise en charge des personnes transgenres, avant même sa publication officielle, a soulevé des interrogations quant à la fiabilité et la crédibilité de l’institution. Quelles décisions concrètes envisagez-vous pour éviter que ce type d’incident ne se reproduise et ne remette en cause sa légitimité auprès des professionnels de santé et du public ?

Enfin, de façon plus générale, après plusieurs années à la tête de la HAS, quelles réformes ou évolutions vous semblent possibles pour renforcer son rôle et garantir son efficacité, tout en préservant son indépendance et la pertinence de ses recommandations face aux défis actuels ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Vous avez évoqué dans votre propos la proposition de loi sur la profession d’infirmier, dont je suis rapporteure. Celle-ci prévoit que la liste des produits et examen de santé, pouvant être prescrits par les infirmières, sera fixée par arrêté ministériel, après avis de la HAS. Cet avis sera réputé rendu sous trois mois. Ce délai vous semble-t-il raisonnable ?

Par ailleurs, j’ai récemment interrogé le Gouvernement au sujet de la légalisation de l’usage du cannabis thérapeutique. Cette approche est expérimentée depuis quatre ans et prend fin en juillet. Elle a fait ses preuves pour soulager de nombreux patients résistants à tout traitement anti-douleur, avec un avis positif de la communauté médicale. Pour mettre en place le cadre réglementaire nécessaire à la généralisation, le Gouvernement a demandé à la HAS de rendre un avis sur l’efficacité du dispositif. Dans quel délai pensez-vous publier cet avis ?

Enfin, concernant la certification et la réforme de cette certification avec un nouveau référentiel, pensez-vous intégrer davantage de critères sur la psychiatrie et alléger la procédure, qui est souvent assez lourde et différente entre les années d’accréditation ?

M. Fabien Di Filippo (DR). Les transitions de genre chez les mineurs soulèvent des questions. Le principe de prudence, de précaution et de protection de l’enfance devrait guider les travaux de la HAS, plutôt que d’accompagner une forme militante de lobby sociétal. Certains pays, ayant plus de recul sur cette question, font marche arrière.

La Suède interdit désormais la prescription d’hormones aux mineurs, tandis que l’Angleterre a décidé d’arrêter les bloqueurs de puberté chez les mineurs. Ces processus sont souvent irréversibles. Des études récentes montrent les conséquences à long terme de la prise d’hormones à la puberté sur la santé physique des futurs adultes, notamment en termes de risques de cancer, d’ostéoporose, de thrombose et de maladies cardiovasculaires.

Il est essentiel de mener des études rigoureuses sur le plan scientifique pour réévaluer les décisions prises par vos prédécesseurs. La composition du comité précédent, incluant des personnes militantes concernées par le sujet, ainsi que la place prépondérante des associations trans dans le processus aux côtés des médecins soulèvent des interrogations.

De plus, les menaces qui pèseraient sur des parents ayant des scrupules à accompagner de telles transitions chez de très jeunes enfants, allant jusqu’à évoquer le retrait de l’autorité parentale, nous éloignent considérablement du domaine médical pour aborder des sujets sociétaux.

Ne devrions-nous pas faire preuve de davantage de rigueur scientifique ? Ne serait-il pas judicieux de protéger nos enfants jusqu’à leur majorité et de fournir un rapport complet sur les conséquences irréversibles de la prise précoce d’hormones sur leur santé, ainsi que sur le suivi psychologique et psychiatrique nécessaire, avant toute décision ?

Mme Christine Le Nabour (EPR). Actuellement en France, plus de 75 000 patients sont dialysés, mais seulement 250 bénéficient de l’hémodialyse longue nocturne, en chambre individuelle, dont 110 en Bretagne. Un tiers des patients dialysés a moins de 65 ans. Parmi les patients en âge de travailler, moins de 2 % sont encore en activité professionnelle après huit ans de dialyse. Pourtant, les données relatives à l’hémodialyse longue nocturne montrent des taux de maintien dans l’emploi atteignant près de 60 %. La HAS a-t-elle connaissance de ces résultats ?

La dernière étude médico-économique de la HAS sur le sujet de la dialyse date de novembre 2014. Elle ne prend pas en compte cette modalité ni l’évolution de l’hémodialyse en format fréquent à domicile, qui est passée de 30 % en 2012 à plus de 85 % aujourd’hui, particulièrement sous l’influence de lobbying industriel. La HAS envisage-t-elle d’actualiser cette étude.

Enfin, le mode de facturation actuel à l’acte favorise les dialyses fréquentes au détriment des séances plus longues et moins fréquentes. Peut-on envisager une réforme du financement pour encourager les modalités plus adaptées au projet de vie des patients et à leur maintien dans l’emploi ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Je tiens également à souligner la qualité de votre intervention. J’apprécie particulièrement cette audition, car elle me permet de découvrir des aspects de la HAS que je ne connaissais pas.

J’aurais plusieurs questions à poser. Tout d’abord, concernant l’évaluation des établissements de santé et des pratiques, quels sont les liens entre la HAS et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) ?

Deuxièmement, j’ai été surpris d’apprendre que vous évaluez également les établissements médico-sociaux. Je pensais que cela relevait principalement de la responsabilité du conseil départemental ou de l’agence régionale de santé (ARS).

Concernant les parcours de santé, qui sont primordiaux pour les personnes âgées ou en situation sociale difficile confrontées à des maladies complexes, il existe parfois un sentiment de cloisonnement entre les différents services. Comment évaluez-vous la coordination entre ces services au sein des hôpitaux ?

Enfin, je suis particulièrement sensible à la question de l’accès précoce aux traitements pour les maladies rares. Comment peut-on améliorer les protocoles d’évaluation pour ces situations où les méthodes statistiques habituelles ne sont pas toujours adaptées ?

Mme Brigitte Liso (EPR). Dans votre projet stratégique 2025-2030, vous souhaitez accorder une attention particulière aux déterminants sociaux de santé, tels que le logement ou l’insertion, en réponse au constat d’importantes inégalités sociales et territoriales.

Les personnes LGBT sont confrontées à ces inégalités, notamment des lacunes dans l’accès aux soins, une méconnaissance de leurs besoins spécifiques, ainsi que la stigmatisation et la violence qui compromettent grandement leur prise en charge médicale et préventive. C’est pourquoi j’aimerais savoir si la HAS prévoit d’intégrer dans ses prochains travaux ces paramètres qui contribuent aux inégalités sociales de santés des personnes LGBT.

M. le président de la Haute Autorité de santé. Concernant la question sur l’adéquation entre la HAS et ses missions, nous sommes actuellement en train de réaliser une revue de missions. Nous aurons prochainement la possibilité d’évaluer ces missions afin de déterminer si elles correspondent effectivement aux enjeux actuels.

Je souhaiterais proposer une évolution de la HAS. Il serait pertinent d’envisager une modification législative sur un point précis qui concerne de nombreux sujets que vous avez abordés. Lors de la création de la HAS en 2004, une disposition prévoyait que les attributions des commissions pourraient être exercées par le collège. Cette disposition a été supprimée par l’ordonnance de 2017. Actuellement, lorsqu’il y a un travail sur un produit de santé ou une évaluation, les commissions sont autonomes par rapport au collège de la HAS. Par exemple, la commission de la transparence émet un avis sur un médicament, indépendamment du collège de la HAS. Je souhaiterais un retour à la situation antérieure.

La raison de cette ordonnance en 2017 était liée à une situation où la présidente de l’époque, Agnès Buzyn, avait été confrontée à un nouveau médicament pour lequel le collège ne disposait pas des compétences nécessaires pour l’expertiser.

Cependant, depuis 2021, avec l’introduction de l’accès précoce, la situation a évolué. L’accès précoce implique une décision collégiale, ce qui signifie que le collège peut décider de rendre immédiatement disponible un médicament innovant, mais ne peut pas émettre un avis sur un autre médicament. Cette situation présente une incohérence. De plus, lorsqu’une commission ne parvient pas à se mettre d’accord dans le cadre d’un vote, la voix du président fait la différence. Or, la science ne doit pas se voter. D’autres arguments sont donc pris en compte. Je pense qu’il est important que le collège de la HAS puisse se positionner sur ces questions.

Je souhaiterais donc que l’on réintroduise dans la loi la phrase suivante : « Les attributions des commissions peuvent être exercées par le collège de la HAS ». Je suis à votre disposition pour discuter de ce point.

Concernant la proposition de loi sur la profession d’infirmier, le délai de trois mois pour rendre un avis sur l’arrêté relatif aux médicaments dépendra de l’ampleur de l’arrêté, du nombre de produits à évaluer et des examens complémentaires nécessaires. Nous respecterons le délai légal de trois mois, mais je souhaite qu’un travail préparatoire soit mené avec le ministère.

Pour le cannabis thérapeutique, nous attendons une saisine qui devrait arriver rapidement. Je pourrai vous donner plus de détails sur les délais, une fois que nous l’aurons reçue.

Concernant la certification, vous avez raison de souligner la difficulté de comparer les résultats d’une année à l’autre, en raison du changement de procédure. Nous sommes actuellement dans le cinquième cycle de certification, qui diffère significativement des précédents. Auparavant, nous nous intéressions aux processus, maintenant nous nous concentrons sur les résultats. À la fin de ce cycle complet de 2 500 établissements, nous disposerons d’une base de référence pour l’avenir.

Sur la question des personnes transgenres, je confirme qu’il n’y a pas, à ce jour, de recommandation de la HAS. Nous attendons les recommandations prévues pour l’été, et je serai à votre disposition pour en discuter.

Concernant l’hémodialyse, nous travaillons actuellement sur une recommandation relative à la malade rénale chronique avec les sociétés savantes concernées. J’ai également été en contact avec l’association de patients Renaloo. Ce travail est en cours et pourrait aboutir à une forme de labellisation.

Nous avons deux types de recommandations : celles sur des sujets complexes comme la question transgenre, et celles sur des sujets plus simples élaborées par les sociétés savantes. Pour ces dernières, nous voulons garantir la qualité des recommandations à travers un processus de labellisation. Nous veillons à ce que la méthodologie soit rigoureuse, que les liens d’intérêts de tous les participants soient connus, et que la recommandation soit finalement validée par la HAS.

Concernant les établissements et services sociaux et médico-sociaux, vous avez raison de souligner la multiplicité des acteurs. Notre rôle se limite à l’évaluation, ce qui n’empêche pas d’autres interventions, comme des inspections par les ARS ou les départements.

Vous avez évoqué la difficulté pour les maladies rares de soumettre des données répondant à l’ensemble des critères scientifiques que nous attendons. Il s’agit effectivement d’une situation complexe. Pour les maladies très rares, nous ne nous limitons pas aux données françaises. Nous prenons en compte les données à l’échelon européen, voire international, pour obtenir des séries de patients suffisantes pour l’évaluation.

Il existe aujourd’hui un courant souhaitant l’utilisation de nouvelles méthodologies, qui sortent de l’étude statistique, notamment dans le cadre des essais randomisés, en utilisant par exemple le numérique. Personnellement, je suis favorable aux nouvelles méthodologies, dès lors qu’elles sont réalisées de manière robuste. La doctrine de la HAS a été modifiée en février, pour permettre ce type de comparaison. Rien n’empêche d’avoir peu de cas, d’obtenir des résultats et de les comparer avec une cohorte ou un registre de populations spontanées. Il n’est pas toujours nécessaire d’avoir un groupe contrôle. À la HAS, nous sommes conscients de cela et j’espère que nous développerons cette approche pour les maladies rares et ces protocoles.

Par ailleurs, notre métier est différent de celui de l’Oniam, qui indemnise les accidents médicaux. Nous n’avons pas de relation avec cet office, sauf s’il nous est demandé une expertise ou une recommandation dans une situation donnée.

Concernant la prise en compte des problématiques LGBT, un rapport prospectif de la HAS est paru deux ou trois ans avant mon arrivée, intitulé « Sexe, genre et santé », dans lequel cette question a été abordée.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Vous avez récemment présenté un programme pluriannuel dédié à la santé mentale et à la psychiatrie pour la période 2025-2030. Ce troisième programme vise à améliorer le parcours de santé des personnes, dès l’apparition de troubles de la santé mentale, et à mieux prendre en charge les troubles les plus sévères. Il s’agit d’un objectif louable, mais je m’interroge sur sa mise en œuvre dans des territoires comme le mien, où il existe une pénurie importante de psychiatres.

Je souhaite également savoir ce que vous prévoyez pour l’accompagnement des familles. J’ai récemment rencontré des parents démunis face à la maladie de leur enfant majeur, qui présente un danger pour eux. Comment les protéger ? Enfin, que préconisez-vous en matière de prévention des suicides chez les enfants et les adolescents ?

Mme Joëlle Mélin (RN). Pour établir vos recommandations, vous utilisez quatre niveaux de preuves : preuve scientifique établie, présomption scientifique, faible niveau de preuve et accord d’experts préalable à des études.

Compte tenu de l’importance de vos recommandations, quels sont les critères de sélection des experts du groupe de lecture et du groupe de travail ? Certes, la liste est divulguée lors du dépôt de votre avis définitif, mais le choix initial peut-il garantir une totale neutralité ? L’exemple de la divulgation prématurée des rapports intermédiaires sur le parcours de transition des personnes trans, fondés uniquement sur des avis d’experts, a laissé penser à une réponse orientée. Comment éviter cela à l’avenir ?

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je souhaite aborder la question des inégalités territoriales de santé, présente dans votre projet stratégique 2025-2030. Vous analysez les tensions qui pèsent sur le système public de santé et montrez que nous sommes dans un pays où les inégalités sociales et territoriales sont parmi les plus importantes d’Europe.

Les chiffres sont connus : vingt‑deux départements comptent moins de cinq cardiologues, et selon les spécialités, le temps d’attente pour un rendez-vous peut varier de 6 à 123 jours.

J’aimerais avoir votre avis professionnel sur deux sujets. Premièrement, que pensez‑vous de la régulation potentielle de l’installation des praticiens de santé, notamment les médecins, sur le modèle de ce qui se fait pour kinésithérapeutes ou les sages-femmes ? Ce sujet sera débattu à l’Assemblée nationale le 31 mars. Pensez-vous que cela pourrait contribuer à résorber partiellement les inégalités territoriales d’accès aux soins ?

Deuxièmement, quelle est votre position sur la situation actuelle des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ? On sait qu’aujourd’hui, 300 d’entre eux sont en grève de la faim. En novembre dernier, 800 postes, ouverts lors des évaluations de vérification des connaissances, ont été supprimés, laissant des milliers de praticiens, qui exercent quotidiennement dans nos hôpitaux, dans une situation de précarité absolue.

Mme Josiane Corneloup (DR). Je souhaite également aborder la question de l’accès aux soins. Depuis plusieurs années, la télémédecine, qu’il s’agisse de consultation ou d’expertise, s’est imposée comme une solution pour répondre aux défis d’accès aux soins, notamment dans les déserts médicaux, en facilitant la mise en relation entre patients et professionnels de santé.

Selon une enquête récente, 78 % des Français estiment que la télémédecine permet de lutter contre les déserts médicaux, 80 % pensent qu’elle contribue à désengorger les services d’urgence hospitaliers, et 85 % considèrent qu’elle permet de consulter un médecin plus facilement. Cependant, sept téléconsultations de médecine générale sur dix concernent des patients de grands pôles urbains, ce qui soulève la question de l’accès pour certains patients, notamment en zone rurale.

Dans ce contexte, comment la HAS évalue-t-elle ces dispositifs, pour s’assurer qu’ils soient accessibles à tous, sur l’ensemble du territoire national ?

Par ailleurs, vous évoquiez la prévention comme un enjeu central pour notre système de santé. La HAS promeut les bonnes pratiques, notamment en matière de prévention et de bon usage des soins auprès des usagers. Elle participe à l’information du public et à l’amélioration de la qualité de l’information médicale. Quels leviers identifiez-vous afin de renforcer la diffusion et l’application de ces recommandations sur le terrain, tant auprès des professionnels de santé que du grand public ?

M. René Lioret (RN). Nous avons évoqué le remboursement des médicaments, mais nous avons peu abordé la question du déremboursement, pourtant bien réelle. En effet, des déremboursements devaient être prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale de M. Barnier. Ces déremboursements sont souvent justifiés par un service médical rendu insuffisant. Cependant, il est fréquent que les patients continuent à utiliser ces produits, malgré leur déremboursement.

Le déremboursement par classe thérapeutique pose un problème, car il empêche les patients de passer d’un produit à un autre au sein de cette classe. Prenons l’exemple des veinotoniques, encore largement utilisés, notamment par les personnes qui travaillent debout, mais qui ne sont plus remboursés. Une fois déremboursés, ces produits deviennent soit des médicaments conseils du pharmacien, nécessitant d’importantes remises, ce qui augmente leurs prix, soit des produits grand public soumis à des coûts de communication élevés. Dans les deux cas, le prix final pour le patient peut être multiplié par deux ou trois.

Avant de procéder à ces déremboursements, réalise-t-on de nouvelles études d’évaluation en double aveugle, contre placebo, pour s’assurer de la pertinence de cette décision ? Ne serait-il pas plus judicieux de procéder à des déremboursements au cas par cas plutôt que par classe entière, sachant que l’efficacité peut varier d’un produit à l’autre au sein d’une même classe thérapeutique ?

M. Michel Lauzzana (EPR). La France est le pays qui utilise le plus les immunothérapies pour ses patients. Certaines pratiques dans ce domaine sont peut-être mal évaluées. Comment sont-elles prises en compte ?

Je voudrais également aborder la question des tests compagnons dans les immunothérapies. Ces tests, qui permettent de déterminer si la cible de l’immunothérapie est présente, ne sont pas obligatoires pour les praticiens. N’est-ce pas une anomalie ? Cela me semble dangereux, car les patients peuvent subir des immunothérapies potentiellement inefficaces et risquer des séquelles. Pourquoi n’y a-t-il pas d’obligation d’effectuer le test compagnon lorsqu’il est disponible pour ces immunothérapies ?

M. le président de la Haute Autorité de santé. Concernant la question sur la situation de la psychiatrie, c’est effectivement une situation problématique. Nous manquons de psychiatres par rapport aux besoins, notamment en pédopsychiatrie. Nous devons répondre à ce besoin de prise en charge des enfants et adolescents.

Quant à l’accompagnement des familles, nous y travaillons, notamment à travers l’élaboration de guides avec les usagers. Je pense que nous pouvons aller encore plus loin sur cette question.

Concernant la méthode GRADE, l’avis d’experts est effectivement utilisé par défaut, lorsque nous manquons de données suffisantes pour répondre à une question importante. Ce fut le cas au début de la crise du covid‑19, par exemple. Nous sommes particulièrement vigilants sur ce qui relève de l’avis d’experts ou non, et nous le précisons clairement dans nos recommandations.

Je m’abstiendrai de donner mon avis personnel sur la régulation des professions de santé. Concernant les Padhue, je tiens à souligner un point. Il est vrai que nos établissements fonctionnent aujourd’hui en grande partie grâce à ces praticiens. Cependant, dans l’intérêt de la sécurité des patients et de la qualité des soins, il est légitime de s’assurer de la qualité de tous les praticiens. C’est pourquoi je considère normal qu’il y ait des épreuves de vérification de leurs connaissances. Je ne suis pas au courant des détails de ce qui s’est passé cette année concernant ces épreuves.

Concernant la télésanté, je tiens à souligner que depuis septembre, dans le cadre de la certification des établissements de santé, nous avons intégré des questions sur ce sujet. Nous évaluons notamment si l’établissement utilise la télésanté pour optimiser le parcours du patient, par exemple pour éviter des déplacements inutiles. Il s’agit désormais pour nous d’un critère « standard » dans la certification.

Quant à la question des lieux où peuvent se dérouler les téléconsultations, nous nous sommes prononcés sur l’intégration des cabines de téléconsultation. Nous avons émis un avis sur cette question, montrant que nous sommes plutôt favorables à cette approche, même si on pourrait s’interroger sur certains aspects de l’installation de ces cabines.

Comme nous l’avons évoqué précédemment, nous travaillons sur la question des compétences partagées et de la délégation de tâches. L’objectif est de mieux utiliser le potentiel de l’ensemble des professionnels de santé. Dans certaines situations, des infirmiers bien formés peuvent répondre à des questions de santé et assurer des soins de première intention dans certains endroits. Cela ne remplacera pas le médecin, mais permettra une meilleure articulation entre des professionnels aux compétences accrues et la téléconsultation.

Concernant le déremboursement, il y a deux aspects à considérer. Au cours des sept dernières années, la HAS s’est prononcée sur le déremboursement de certains médicaments, comme les anti-Alzheimer, ou de l’homéopathie en 2018 ou 2019. Dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé, il est légitime de s’interroger sur le remboursement d’un médicament qui ne fait pas preuve de son efficacité. Votre question soulève le problème des patients qui continuent à prendre un médicament déremboursé. Je ne peux pas répondre directement à cette question, mais je souhaite que les patients prennent des médicaments qui ont démontré leur efficacité. C’est le rôle actuel de la HAS.

Concernant les tests compagnons et leur association aux immunothérapies, nous disposons actuellement du référentiel des actes innovants hors nomenclature (Rihn), qui inclut de nombreux tests compagnons. Cela représente plus de 900 situations cliniques. L’objectif est de faire passer ces tests dans le droit commun. Les dépenses du Rihn correspondent à environ la moitié de l’enveloppe. Nous travaillons à intégrer certains tests dans le droit commun, comme nous l’avons fait récemment pour des panels de gènes. Notre objectif est de traiter 80 % des cas les plus coûteux en trois ans.

S’agissant des recommandations pour le cancer, c’est l’Institut national du cancer (Inca) qui les établit. La HAS peut se prononcer sur le remboursement de l’immunothérapie, les tests compagnons ou le dépistage. Cependant, nous collaborons étroitement avec l’Inca sur ces questions.

M. René Lioret (RN). Je tiens à préciser que ces médicaments ne sont pas déremboursés parce qu’ils sont inefficaces, mais parce qu’ils ont un service médical rendu insuffisant. Il s’agit d’une distinction importante. Ces médicaments ne sont pas inefficaces, puisque les patients continuent à les prendre.

M. le président de la Haute Autorité de santé. Notre préoccupation principale est le bien-être du patient. Il est vrai que certains patients pensent qu’un traitement est extrêmement efficace. Pour autant, l’efficacité est remise en question par les études. Le terme correct est effectivement « service médical rendu insuffisant ». Lorsque le service médical rendu est jugé insuffisant, le médicament n’est plus remboursable. Un médicament est considéré comme tel s’il n’apporte pas de bénéfice significatif au patient par rapport à sa pathologie, en fonction de certains critères. Nous sommes particulièrement vigilants pour les pathologies graves.

M. le président Frédéric Valletoux. Monsieur le président, je vous remercie pour la qualité des réponses et des échanges que nous avons eus au cours de cette audition.

La réunion s’achève à douze heures cinq.

 


Informations relatives à la commission

La commission a désigné :

 Mme Agnès Firmin Le Bodo rapporteure sur la proposition de loi visant à renforcer la démographie professionnelle des orthophonistes (n° 666) ;

 M. Stéphane Viry, M. Hadrien Clouet et Mme Josiane Corneloup rapporteurs en vue du débat thématique de contrôle en séance publique du 29 avril 2025 sur le thème « Rendre plus efficace le dispositif d’allocation des travailleurs indépendants ».

 


Présences en réunion

Présents.  Mme Anchya Bamana, M. Thibault Bazin, Mme Béatrice Bellay, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Louis Boyard, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Arthur Delaporte, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Océane Godard, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Hanane Mansouri, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Laure Miller, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Arnaud Simion, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal

Excusés.  M. Elie Califer, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Laurent Panifous, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Stéphane Viry

Assistaient également à la réunion.  M. Patrick Hetzel, Mme Sandrine Runel