Compte rendu
Commission
des affaires sociales
– Audition de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, et Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle « Défense des droits de l’enfant », sur la décision-cadre n° 2025‑005 du 28 janvier 2025 relative à la protection de l’enfance 2
– Présences en réunion.................................18
Mercredi
19 mars 2025
Séance de 10 heures
Compte rendu n° 54
session ordinaire de 2024-2025
Présidence de
M. Frédéric Valletoux,
président
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La réunion commence à dix heures cinq.
(Présidence de M. Frédéric Valletoux, président)
La commission procède à l’audition de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, et Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle « Défense des droits de l’enfant », sur la décision-cadre n° 2025‑005 du 28 janvier 2025 relative à la protection de l’enfance.
M. le président Frédéric Valletoux. Madame la Défenseure des droits, le 28 janvier dernier, vous avez adopté une importante décision-cadre relative à la protection de l’enfance, accompagnée de quarante‑six recommandations, que je vous remercie de venir présenter ce matin à notre commission.
Mme Claire Hédon, Défenseure des droits. L’institution du Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante inscrite dans la Constitution, ce qui constitue l’une de ses grandes forces.
La loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits dispose que ses missions sont de protéger les droits et de promouvoir à la fois les droits et les libertés. Le législateur a donc pensé que notre institution n’existe pas seulement pour résoudre des cas individuels, mais bien pour dire ce qu’il faudrait faire pour que les droits soient mieux respectés.
Nos cinq domaines de compétences sont les droits des usagers de services publics, la lutte contre les discriminations, la protection des droits des enfants, la déontologie des forces de sécurité et, depuis 2016, la protection et l’orientation des lanceurs d’alerte. La question des droits des enfants traverse l’intégralité de l’institution, puisqu’elle concerne chacun de ces cinq domaines.
Nous agissons majoritairement via des médiations, qui aboutissent dans les trois quarts des cas et sont le plus souvent menées par nos 620 délégués territoriaux bénévoles. Quand la médiation n’est pas possible, nous partons en instruction et rédigeons des recommandations, sans pouvoir de contrainte. Nous pouvons également faire un rapport spécial, permettant de nommer l’organisme mis en cause. Notre grande force est en outre de pouvoir effectuer des observations devant les tribunaux.
En 2022, nous avons été alertés par des magistrats au sujet de décisions de placements ou d’accompagnements en milieu ouvert non effectuées. Les magistrats ne pouvant pas nous saisir, ils nous ont alertés et nous nous sommes autosaisis de la situation dans un certain nombre de départements. De plus, nous avons été saisis par des travailleurs sociaux pour d’autres départements. À partir de 2022, nous avons donc débuté une enquête dans quatorze départements, à la suite de laquelle nous avons rendu des décisions pour sept d’entre eux, tandis que quatre décisions sont encore en cours d’élaboration. Nous avons décidé de rédiger une décision-cadre, car nous avons constaté de nombreux points communs dans les décisions rendues pour chaque département.
Les alertes portaient sur des évaluations de danger non réalisées, des délais de prise en charge de mesures éducatives à domicile, des décisions de placements non exécutées, des accueils d’enfants dans des lieux non autorisés, des ruptures dans les lieux d’accueil, un non‑respect du droit de visite d’un parent pourtant ordonné par le juge et des maltraitances d’enfants non prises en compte dans un établissement ou une famille d’accueil, ce qui renvoie au manque de contrôle de ces derniers. Ces éléments ont pu avoir des conséquences dramatiques, comme le décès d’un enfant de trois ans resté au domicile de sa mère alors qu’un placement avait pourtant été ordonné par le juge.
Je rappelle que 400 000 enfants sont accompagnés par l’aide sociale à l’enfance (ASE), ce qui représente une forte augmentation. De plus, en 2024, 77 % des juges des enfants ont déjà renoncé à prendre des décisions de placement d’enfants en danger dans leur famille en raison d’une absence de places et de structures. En 2023, 3 000 enfants vivaient à la rue. Je souligne également que 3 350 enfants sont en liste d’attente de leurs mesures de placement, que 8 000 personnes anciennement placées sont sans domicile fixe et que 10 000 jeunes sont abandonnés chaque année à leur majorité.
Dans cette situation, nous avons voulu jouer notre rôle d’alerte, mais aussi rédiger des propositions.
L’institution observe un écart entre le droit annoncé et son effectivité. Par exemple, alors que le projet pour l’enfant est inscrit dans la loi, il n’est pas effectif ou trop succinct.
Nous avons travaillé dans le respect du contradictoire pour ces décisions, qui sont passées devant l’un des collèges composés de personnalités nommées par la Présidente de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, le premier président de la Cour de cassation, le vice-président du Conseil d’État et le président du Conseil économique, social et environnemental.
Ces décisions ne remettent pas en cause l’investissement de l’ensemble des professionnels. Des progrès ont d’ailleurs été réalisés entre le moment où nous nous sommes saisis, la note soumise au contradictoire et la décision finale.
L’objectif est aussi de mettre en avant la responsabilité de l’État, garant de l’application de la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). L’institution du Défenseur des droits veille à son application, mais aussi à l’intérêt supérieur de l’enfant et au respect de ses droits.
La nette augmentation des enfants en protection de l’enfance est due à un meilleur dépistage, l’aggravation de certaines situations avec le covid-19, la pauvreté, l’usage des écrans, l’accroissement des difficultés des services publics, aux difficultés d’accès au logement, aux retards dans la prise en charge et au manque de moyens et de places.
Nous voulons insister sur la prévention, qui passe par une politique de logement et par un soutien à la parentalité. Je suis d’ailleurs inquiète des baisses de budgets que j’observe sur ce point.
Concernant le lien avec le handicap et les problèmes de santé, nous constatons que les délais de prise en charge dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et en pédopsychiatrie ont des conséquences sur la santé des enfants et leur bien-être. Nous remarquons également l’importance d’octroyer les moyens nécessaires aux services de la protection maternelle et infantile (PMI).
Nous ne savons pas combien d’enfants sont à la fois en situation de handicap et pris en charge par l’ASE.
Je note également que les ruptures de placement sont souvent assorties de ruptures de scolarité et d’accompagnement par les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH).
Nous tenons à souligner l’importance de l’écoute des enfants et des parents dans les questions de protection de l’enfance.
Un autre point important est de permettre aux enfants d’avoir des projets ambitieux. Je voudrais rappeler l’obligation d’entretien un an avant la majorité du mineur confié et l’importance du contrat jeune majeur. Certains départements considèrent qu’ils peuvent interrompre le contrat jeune majeur lorsque le jeune perçoit des revenus du fait d’une alternance. Or, les jeunes ont besoin d’accompagnement financier et humain après leur majorité. D’autres départements utilisent plutôt le contrat d’engagement jeune, ne permettant pas forcément la poursuite d’études.
Nous avons constaté l’épuisement des travailleurs sociaux, le turnover dans certaines équipes, le recours à des contrats courts avec des travailleurs pas suffisamment formés et le nombre de mesures de placement par travailleur social.
Nos décisions visent à rappeler la responsabilité des départements, dont un quart du budget finance la protection de l’enfance, et de l’État.
Nous ne considérons pas qu’une réforme législative est nécessaire, mais que la loi doit être réellement appliquée.
Nos recommandations s’adressent aux départements, au premier ministre, aux ministres de l’Intérieur, de la justice, de l’éducation nationale et de la santé ainsi qu’aux préfectures et aux agences régionales de santé (ARS). Nous leur avons donné quatre mois pour répondre et nous ferons un suivi.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, référente de la commission pour le Défenseur des droits. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
Plusieurs institutions, parmi lesquelles la vôtre, ont alerté ces dernières années sur les atteintes faites aux principes de la CIDE. Beaucoup partagent le constat que l’État s’est trop désengagé et déresponsabilisé.
La France est encore condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour n’avoir pas mis en place l’ensemble des moyens qui auraient permis de protéger un enfant.
Une cruelle inégalité territoriale existe entre les enfants de notre pays.
L’état du système judiciaire est alarmant et impacte toute la chaîne de la protection de l’enfance. Le manque de moyens de la justice ne permet plus de garantir le respect des droits de l’enfant. Notons que 30 % des juges des enfants tiennent des audiences en l’absence de greffier. Le manque de moyens au sein de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est un grave manquement, associé à la menace de la suppression de 500 postes de contractuels, soit 10 % des effectifs du secteur.
Cette politique austéritaire aboutit à une importante surcharge de travail pour les professionnels de la justice, mais aussi pour les travailleurs sociaux en première ligne, bien souvent débordés et sans ressources.
Les représentants des enfants placés alertent régulièrement sur les maltraitances institutionnelles, physiques et sexuelles, ainsi que sur l’absence de soutien et les sorties sans toit, que peuvent subir ces enfants.
Les chiffres alarmants concernant le devenir des jeunes placés à leur majorité nous obligent à repenser la politique d’accompagnement et de suivi de ces jeunes adultes.
Dans la mesure où 50 % des enfants pris en charge par la protection de l’enfance présentent un handicap, il est urgent de proposer un lieu de prise en charge pluriprofessionnelle et de contraindre l’ASE, les maisons départementales des personnes handicapées et les ARS à travailler ensemble. Nous observons de plus une augmentation des AESH et du nombre d’élèves concernés. La question est celle de la qualité de l’enseignement et du nombre d’heures d’enseignement dispensé à ces élèves.
Concernant les mineurs non accompagnés, l’Organisation des Nations unies (ONU) a exhorté l’État français à prendre des mesures considérables afin de garantir enfin le respect de la présomption de minorité. Or, la France continue de violer leurs droits dans un contexte profondément hostile envers les populations migrantes. Ces enfants font face au froid, à la faim et à la précarité. Certains départements ne respectent pas leurs obligations légales, en particulier celle de l’accueil provisoire d’urgence des mineurs dans l’attente de l’évaluation de leur minorité et de l’accompagnement dans leurs démarches administratives. Ces mineurs doivent bénéficier, comme tout enfant, du respect de leurs droits fondamentaux. La réduction des crédits de l’aide médicale de l’État (AME) doit aussi nous alerter.
Enfin, le sans-abrisme des enfants est très préoccupant. L’État se désengage en coupant le budget et en faisant peser la responsabilité sur les collectivités territoriales. Or, le sans-abrisme et la précarité ont des conséquences sur la santé physique et psychique des enfants, dont les séquelles sont importantes et souvent irréversibles.
J’ajoute que l’organe dont vous êtes à la tête n’a jamais été si essentiel, en cette période où la démocratie et les droits sont menacés. Ses moyens d’action doivent donc être renforcés.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Katiana Levavasseur (RN). Je ne peux qu’appuyer votre constat alarmant.
L’État semble ne pas assumer son rôle au côté des départements. Les financements sont aléatoires et la justice des mineurs est engorgée. En outre, les professionnels de la protection de l’enfance sont sous-formés et en nombre insuffisant.
En matière de santé, le manque de pédopsychiatres, le sous-financement des établissements spécialisés et l’absence de coordination entre protection de l’enfance et secteur médico-social laissent de nombreux enfants sans prise en charge adaptée.
Enfin, la protection des enfants victimes de violence demeure insuffisante. Le déploiement des dispositifs d’aide, comme le déploiement des unités d’accueil pédiatriques pour les enfants en danger, est encore trop inégal. Le manque de formation des forces de l’ordre au recueil de la parole des mineurs entrave souvent la bonne prise en charge des victimes.
Dans ce contexte, quelles réformes sont à mettre en œuvre ? Comment renforcer l’engagement de l’État auprès des départements ?
Par ailleurs, pourquoi tant d’enfants victimes de violences passent-ils encore entre les mailles du filet ? Comment leur garantir une protection et un accès à des soins adaptés ?
Enfin, comment expliquer la part disproportionnée d’enfants protégés qui se retrouvent en psychiatrie ? Comment mieux les accompagner ?
Mme Christine Le Nabour (EPR). Cette décision-cadre met en lumière les défis persistants auxquels est confronté notre système de protection de l’enfance, qui décrivent un tableau très sombre.
Il y a urgence à agir pour se mettre en conformité avec les droits fondamentaux des enfants tels que définis par la CIDE.
L’État a engagé des efforts significatifs par le renforcement de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance ou encore par l’amélioration des dispositifs de lutte contre les violences faites aux enfants.
Force est de constater que les difficultés demeurent et s’amplifient, que les politiques publiques ne sont pas toujours appliquées sur le terrain et que nous péchons dans l’articulation entre les différents niveaux d’intervention.
La gouvernance de la protection de l’enfance est également au cœur des questionnements.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur le sujet de l’adoption ? Êtes-vous saisis par les assistants familiaux des difficultés à adopter des enfants devenus pupilles ? Dans un souci de simplification, que pensez-vous de dispenser les assistants familiaux du parcours d’agrément sur ce sujet ? Avez-vous connaissance du nombre de fratries adoptées aujourd’hui ?
Par ailleurs, il semble que les comptes rendus des techniciens de l’intervention sociale et familiale ne soient jamais pris en compte. En avez-vous connaissance ?
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Très récemment, à la Gaîté lyrique, 450 mineurs non accompagnés ont été expulsés, après trois mois d’occupation, par les services de la préfecture. Pouvez-vous caractériser les attaques aux droits fondamentaux des enfants et les manquements de la préfecture, du département et de la mairie de Paris ?
De manière plus générale, votre décision-cadre rappelle la responsabilité du gouvernement et de ceux qui laissent des budgets très austéritaires passer depuis des années. Vous indiquez qu’il faut augmenter significativement le financement des solidarités à destination de la protection et l’accompagnement des enfants. Pour autant, ce que nous constatons est une baisse de 487 millions d’euros pour la justice, de 1,1 milliard d’euros pour l’éducation et de 111 millions d’euros pour la santé, notamment à travers l’AME. Les départements se désengagent alors qu’ils devraient être pilotes. L’État central doit reprendre son rôle de protection de l’enfance.
Ce rapport a-t-il suscité des réactions de l’exécutif ?
Mme Sandrine Runel (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés partage vos constats et recommandations.
La situation d’hébergement des mineurs non accompagnés est particulièrement désastreuse. Ces jeunes migrants se retrouvent souvent sans solution d’hébergement, dans des conditions qui ne permettent absolument pas d’exercer un suivi éducatif. Quelle est la responsabilité de l’État dans la prise en charge de ces jeunes, non reconnus comme mineurs par les départements et qui se retrouvent dans cet entre-deux le temps de leur recours devant le juge des enfants, qui peuvent prendre plusieurs mois ?
Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, le Conseil de l’Europe et la Défenseure des droits ont rappelé à la France ses obligations à l’égard des mineurs non accompagnés et ont recommandé que la présomption de minorité s’applique jusqu’à la décision du juge. Or, l’État n’a pour l’instant rien mis en place. Certaines collectivités territoriales ont instauré des dispositifs d’accueil et d’accompagnement pour la période du recours, allant au-delà des exigences légales, mais aucun cadre n’existe aujourd’hui.
Quelles sont les modalités de modification du cadre légal ? Quelles seraient les modalités d’une présomption de minorité qui ne serait pas à la charge du département ?
Mme Josiane Corneloup (DR). Des enfants demeurent privés de la protection à laquelle ils ont droit. La crise sanitaire de 2020 n’a fait qu’accentuer une situation déjà dégradée, avec un impact préoccupant sur la santé mentale des enfants, amplifié par l’utilisation des écrans.
Notre système est arrivé à bout de souffle. J’insisterai sur la nécessaire coordination soutenue entre les actions de l’État et des départements. Vous rappelez l’importance des instances de coordination, du projet pour l’enfant, de la prise en compte de ses besoins d’affection et de sécurité et de l’innovation.
Les départements supportent la majeure partie du coût de la protection de l’enfance, mais leurs ressources sont instables et dépendent notamment du marché immobilier. L’État, lui, participe peu. La question du financement est bien sûr de nature à nous interroger.
Il est essentiel de redéfinir les interventions socio-éducatives autour du respect effectif des droits de l’enfant en garantissant leurs besoins fondamentaux. Tous les enfants en danger ont vocation à être protégés par un dispositif de protection de l’enfance exempte de toute discrimination.
Je salue le dévouement des professionnels du champ de la protection de l’enfance.
Vous nous invitez à interroger la place accordée aux politiques publiques de lutte contre la pauvreté, de soutien à la parentalité et de protection de l’enfance. C’est bien une prise en charge globale que nous devons effectuer.
M. Nicolas Turquois (Dem). La protection de l’enfance est particulièrement en souffrance. Sachant que seulement 5 % des enfants pris en charge suivent un second cycle général ou technologique, qu’une jeune fille a treize fois plus de risques d’avoir un enfant à 17 ans et qu’une personne sans-abri sur quatre a connu un parcours en protection de l’enfant, on ne peut que s’interroger sur l’efficacité de cette politique et sur notre promesse d’égalité des chances, pourtant au cœur de notre modèle républicain.
Nous savons que la réussite d’un parcours en protection de l’enfance est souvent due à l’accompagnement d’un professionnel, lequel crée un lien avec l’enfant. Malheureusement, ces métiers n’attirent plus. Quel regard portez-vous sur cet enjeu d’attractivité ?
De plus, comment, dans le contexte de crise de la protection de l’enfance, les pouvoirs publics peuvent-ils rapidement renforcer cet aspect longtemps négligé de la prise en charge des enfants confiés à l’ASE ?
Enfin, j’ai reçu de nombreux retours négatifs sur des structures associatives tierces permettant à des parents de recevoir leurs enfants dans un cadre sécurisé. J’aimerais des précisions sur ce sujet.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Quelle société voulons-nous et quels moyens voulons-nous mettre en œuvre pour protéger les enfants les plus vulnérables ? C’est là un enjeu majeur.
Vous relevez de multiples manquements. Si la situation s’améliore, de nombreux progrès restent à faire. Qu’attendez-vous du législateur ? Vous avez indiqué que vous n’attendez pas de nouvelle loi ni de renationalisation de cette politique publique. S’agit-il donc uniquement d’un problème d’application et de mise en œuvre globale des dispositifs existants ou d’une mauvaise coordination entre l’État, la justice, l’éducation nationale et les départements ? Si c’est le cas, que faire concrètement pour y remédier ?
M. Paul-André Colombani (LIOT). Dans votre décision-cadre, vous insistez sur la nécessité de renforcer la PMI. Or, les tendances actuelles vont dans le sens inverse, avec des fermetures de structures de PMI, des diminutions des effectifs de médecins et un recul des services de proximité essentiels aux familles vulnérables, ce qui a des conséquences directes sur la santé des mères et des nouveau‑nés, alors que la mortalité infantile augmente en France. Parmi les causes identifiées, vous relevez la précarisation croissante des familles.
Je voudrais d’ailleurs signaler que, concernant les enfants en danger, les graves carences que connaît l’ASE s’ajoutent aux fragilités dans la prévention précoce.
Au regard des difficultés rencontrées par l’ASE, notre groupe parlementaire fait part de notre vive inquiétude sur le parcours des enfants les plus vulnérables, aussi bien sur le volet de la prévention que de leur prise en charge en foyer. Face à ce constat, quels leviers prioritaires recommandez-vous pour rétablir un accès équitable aux soins périnataux, en particulier pour les familles les plus précaires, et pour renforcer durablement les PMI ?
M. Yannick Monnet (GDR). L’intérêt de cette décision-cadre est de permettre de ne pas considérer les faits divers régulièrement mis en avant comme des faits isolés ou accidentels, mais bien comme des conséquences dramatiques d’un système à bout de souffle. Elle rappelle également instamment l’État à sa responsabilité.
Une première réponse du Gouvernement a été de créer un haut-commissariat à l’enfance par un décret en date du 10 février 2025. Cette idée avait été défendue par l’association La Voix de l’enfant, qui voyait une manière de réintroduire de la stabilité et de la cohérence dans cette politique. Toutefois, plusieurs associations émettent des doutes sur la capacité de la haute-commissaire à entraîner les ministères et leurs administrations, la tâche n’ayant déjà pas été aisée pour la secrétaire d’État chargée de l’enfance en 2022 et 2023, pourtant rattachée à Matignon. La présidente d’Unicef France voit dans cette annonce un recul par rapport aux ambitions affichées lors de la compagne présidentielle de 2022. Le collectif Dynamique pour les droits de l’enfant a considéré que la création d’un ministère de plein exercice est indispensable pour mettre en œuvre une stratégie globale de l’enfance capable de résoudre efficacement les problématiques et urgences rencontrées par les enfants. La convention nationale des associations de protection de l’enfance y a vu, de son côté, une évolution des priorités gouvernementales qui doit nous inquiéter collectivement. Quelles sont vos attentes concernant ce haut-commissariat à l’enfance ? Que pensez-vous de l’idée d’un ministère dédié ?
Enfin, ne faut-il pas réinterroger la pertinence d’une décentralisation de la protection de l’enfance dans notre pays ?
M. Olivier Fayssat (UDR). En juillet 2024, un rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques indiquait qu’au 31 décembre 2021, 22 % des jeunes pris en charge dans les établissements de la protection de l’enfance étaient des mineurs et jeunes majeurs non accompagnés. Ces chiffres ont dû évoluer à la hausse. Presque la totalité des mineurs non accompagnés étant nés hors de France, les contraintes capacitaires et financières que vous évoquez seraient-elles toujours présentes si l’ASE ne s’occupait plus des mineurs non accompagnés, mais uniquement des enfants français ?
M. Arnaud Bonnet (EcoS). J’ai rencontré, dans le cadre de la commission d’enquête sur les manquements de l’ASE, de nombreux jeunes et d’adultes ayant subi des maltraitances psychologiques, physiques et sexuelles. Notre société doit s’engager de manière systématique dans la lutte contre les violences faites aux enfants, notamment les plus vulnérables, qui n’ont pas le support d’une famille pour les accompagner. L’État est déficient et maltraitant envers les enfants dont il a la charge.
La création d’un ministère de l’enfance aurait été indispensable au vu du problème systématique que rencontre la protection de l’enfance et du besoin de transformation. Les financements sont insuffisants.
Nous devons avancer réellement et rapidement sur ce sujet.
Mme la Défenseure des droits. Des moyens sont en effet nécessaires pour que l’institution du Défenseur des droits accomplisse ses missions.
Par ailleurs, nos recommandations sont que les unités pédiatriques d’enfance en danger soient développées dans tous les départements.
Concernant les mesures les plus urgentes, il me semble que c’est au contraire un ensemble de mesures qui doivent être prises, les droits des enfants étant interdépendants et indissociables.
L’accès aux soins en santé mentale est insuffisant, ce qui n’est pas acceptable. Le manque de pédopsychiatres et de psychologues ne suffit pas à l’expliquer et la question des moyens reste assez centrale.
Concernant l’articulation entre les différents niveaux, une partie de la réponse est relative aux moyens financiers, mais nous constatons que la concertation entre les différents acteurs, notamment entre le médico-social et le social, est souvent à revoir.
Par ailleurs, nous sommes très peu saisis au sujet de l’adoption.
Des chiffres me sont demandés, mais je rappelle que nous n’avons pas la capacité d’aller faire une évaluation globale.
Je ne peux pas m’exprimer sans avoir étudié concrètement la situation quant à de possibles atteintes aux droits lors des expulsions à la Gaîté lyrique. La question essentielle est de savoir si des relogements ont été proposés à ces jeunes.
Concernant les moyens financiers, cet élément dit quelque chose des moyens que nous nous donnons pour faire respecter les droits des enfants.
Nous n’avons pas encore eu de réaction de l’exécutif. Toutefois, nous avons eu quelques retours, plutôt très constructifs, dans les départements. Nous ferons un état des lieux au bout de quatre mois.
Je rappelle que les mineurs non accompagnés sont avant tout des enfants. En ratifiant la CIDE, la France s’engage à protéger tous les enfants. Ne pas prendre en charge ces mineurs non accompagnés, c’est prendre le risque de les mettre dans les mains des trafiquants d’êtres humains. L’institution du Défenseur des droits est en cohérence avec la CIDE et demande que le jeune soit protégé pendant tout le temps d’évaluation de sa minorité, notamment pendant le temps des recours. Nous avons constaté plusieurs situations dans lesquelles le jeune n’a pas été pris en charge avant que la justice reconnaisse sa minorité à l’issue d’un recours. Cesser de prendre en charge les mineurs non accompagnés ne permettrait pas aux départements de faire des économies. Je rappelle d’ailleurs que monter les populations les unes contre les autres n’est pas raisonnable ni dans le respect du droit.
Par ailleurs, plutôt qu’une modification du cadre légal, nous souhaitons une application du droit. Le rôle des parlementaires est également de surveiller l’application des lois.
La question de l’articulation entre les différents dispositifs n’est pas qu’une question de moyens financiers, mais aussi des moyens que nous nous donnons pour que cela fonctionne mieux.
Ce qui ressort de nos décisions est vraiment cette question d’une prise en charge globale.
Concernant l’attractivité des métiers du travail social, nous avons tout à fait conscience de ce problème. La question du taux d’encadrement est absolument cruciale, car ces professionnels se trouvent en difficulté dans leur travail s’il leur est demandé de suivre un trop grand nombre de jeunes. Résoudre cette problématique rendra un certain nombre de métiers attractifs à nouveau.
Le projet pour l’enfant n’est pas suffisamment effectif, circonstancié et développé, ce qui ne permet pas un accompagnement sur la durée.
En outre, il existe effectivement un manque de médecins et d’infirmiers scolaires, ce qui constitue un point essentiel de prévention, sur lequel nous devons nous donner les moyens.
Je ne vois pas comment une recentralisation améliorerait la situation dans les départements. En revanche, nous recommandons que l’État joue véritablement son rôle.
Par ailleurs, la question de la création d’un ministère à l’enfance me semble moins primordiale que celle des moyens et de la place interministérielle qui vont être donnés à un haut-commissaire.
Enfin, nous devons en effet nous engager collectivement contre les violences, notamment sexuelles, faites aux enfants. Je voudrais insister sur l’importance des cours d’éducation sexuelle à l’école, qui constituent des moments de libération de la parole. Nous constatons d’ailleurs une hausse du nombre de paroles inquiétante recueillies dans ce cadre.
Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle « Défense des droits de l’enfant » du Défenseur des droits. La PMI est l’un des aspects qui nous ont particulièrement préoccupés. Il existe un enjeu de moyens. Nous recommandons donc aux départements, en lien avec les caisses d’allocations familiales, de donner les moyens à ces services de développer les aides et les soutiens à la parentalité, mais aussi de faciliter une information claire sur le rôle de la PMI. En outre, des initiatives individuelles dans certains départements, comme « Petits pas, grands pas » ou Ariane, sont des enjeux de développement.
Nous sommes saisis concernant le manque de lieux de visites médiatisées. De nombreux enfants et parents voient leurs liens rompus pendant plusieurs mois du fait de l’absence de disponibilité dans ces lieux. De plus, des assistantes familiales et des référents ASE sont parfois obligés d’effectuer elles-mêmes la visite médiatisée.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des autres députés.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Celles et ceux qui ont commis une infraction dans leur jeunesse sont, semble-t-il, de plus en plus destinés à « croupir » en prison. Constatez‑vous, comme nous, un discours durci, viriliste et rétrograde sur la jeunesse malgré des droits à la protection par la Nation, consacrés par les ordonnances de 1945 ?
Vous déplorez des manques concernant la justice familiale et la justice des mineurs. L’établissement pénitentiaire pour mineurs de mon département est concerné par les coupes budgétaires, les restrictions de chauffage, les manques de moyens ainsi que l’épuisement face aux polémiques venues d’en haut et aux directives court-termistes du ministère. Notre groupe trouve insupportable de jeter le discrédit sur un corps de fonctionnaires qui fait tenir la réinsertion des jeunes à bout de bras. Nous serons d’ailleurs aux côtés du mouvement social de la PJJ contre la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents.
Pouvez-vous nous faire un bilan rapide de l’accès aux droits dans les établissements pénitentiaires pour mineurs ?
Ne croyez-vous pas que les discours de MM. Jean Terlier et Gabriel Attal risquent de mettre en cause le droit à la seconde chance pour nos jeunes ?
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Un courrier rédigé par des professionnels de la protection de l’enfance incite les parlementaires à ne pas voter la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, jugée inutile et injuste. Ces enfants sont avant tout les plus fragiles et abîmés par la vie, les plus souvent confrontés à la précarité et aux violences psychologiques, physiques et sexuelles. Les professionnels constatent notamment l’état catastrophique des juridictions pour enfants et de la protection de l’enfance ainsi que le recul de la prévention spécialisée. Les enfants sont le reflet de notre société et nous renvoient à la violence du monde des adultes. Agir en responsabilité, c’est faire le pari de l’éducatif et refuser de voter une loi inutilement coercitive. Agissons par des moyens humains débloqués en urgence pour l’enfance et par la création d’un grand ministère dédié, ainsi que d’une convention citoyenne.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’État s’autorise à ne pas respecter sa propre loi et laisse des jeunes seuls du jour au lendemain à leur majorité. L’accès à un accompagnement jusqu’à 21 ans dépend de la volonté et des moyens du département, ce qui constitue une loterie territoriale indigne. Dans la rue, je rencontre des jeunes que j’ai connus placés et qui, sans accompagnement, sont passés de l’ASE à la rue. Il existe une solution simple : une garantie d’autonomie versée par l’État pour chaque jeune majeur sortant de l’ASE, ce qui constituerait un filet de sécurité et un soutien pour les départements qui peinent à porter seuls ce fardeau.
M. Serge Muller (RN). Les professionnels du droit et des associations de défense des enfants alertent sur l’accès inégal des mineurs à une assistance juridique effective. Nous savons que les conséquences de l’absence de défense sont lourdes. L’article 1186 du code de procédure civile ne prévoit une assistance effective d’un avocat que sous conditions et, dans le cadre pénal, elle n’est obligatoire que dans certaines infractions. Notre groupe parlementaire demande que la présence d’un avocat devienne une obligation légale pour tout mineur impliqué dans une procédure afin d’assurer que ses intérêts soient systématiquement défendus. Nous devons envoyer un message clair : aucun enfant ne doit être seul face à la justice.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Le premier parent défaillant et démissionnaire est l’État. Qui est là pour protéger les enfants placés ? Le niveau de prise de conscience politique est encore extrêmement faible sur la question.
Alors que deux cyclones ont ravagé Mayotte, nous avons été capables de nommer un ministre d’État chargé des outre-mer pour signifier l’importance de la reconstruction de ce territoire. Or, au vu de la situation dramatique de la protection de l’enfance, quand aura lieu la prise de conscience politique quant au fait que cela ne peut plus durer ? Le Titanic est en train de couler et nous sommes l’orchestre qui continue de jouer, avec certains parlementaires qui sont même prêts à jeter d’autres enfants par-dessus bord pour sauver le bateau du naufrage. Il faut que cela change.
Mme Justine Gruet (DR). Je tiens à souligner, dans le Jura, la rénovation des maisons d’enfants à caractère social et la création d’un village d’enfants pour garantir la préservation des fratries, quand cela est possible. À Dole, nous verrons l’ouverture prochaine d’une maison de la parentalité. Quelles pistes pourrions-nous explorer pour mieux prévenir les difficultés d’éducation de certaines familles dans l’intérêt de l’enfant ? Au-delà des investissements bâtis, comment rendre plus attractif ce secteur pour garantir une meilleure formation ?
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Dans un rapport remis avec Sandrine Rousseau sur les urgences psychiatriques, nous faisons des recommandations, notamment sur le repérage, avec la formation des médecins généralistes, l’augmentation des infirmiers scolaires, l’accès à des consultations non programmées et des regroupements de dispositifs afin de permettre une ouverture plus large des centres médico-psychologiques et une prise en charge plus précoce et adaptée. Pensez-vous que ces mesures contribuent à une meilleure prise en charge ?
Ensuite, faudrait-il renforcer les contrôles et envisager des regroupements pour éviter la dispersion des personnes qui s’occupent de l’accompagnement à la parentalité ?
Par ailleurs, les jeunes du collectif « Cause majeure ! » dénoncent régulièrement des difficultés liées au financement de leurs études, avec une remise en cause des aides financières chaque année. Quelles sont vos préconisations ?
Enfin, quelles sont vos attentes concernant la création d’un haut-commissariat ?
Mme la Défenseure des droits. Je n’ai pas à me prononcer sur la création d’un ministère de plein exercice. J’irai voir la haute-commissaire pour lui faire part de nos constats. La question est celle des moyens que nous nous donnons.
Concernant la justice des mineurs, nous observons une augmentation des incarcérations, de grandes difficultés d’accès à la scolarité – en raison d’un manque de surveillants pour faire sortir les jeunes de leur cellule – et d’accès au sport, d’autant plus important pour les jeunes incarcérés. Le ministère de la justice a lancé à ma demande une étude sur le parcours de ces jeunes après l’incarcération en termes d’inclusion, de vie familiale et d’accès à la vie professionnelle et aux études.
Concernant la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, je note que le premier point pour restaurer l’autorité de la justice serait que les décisions des juges des enfants soient appliquées. Créer une circonstance de responsabilité, pour le parent, des actes commis par l’enfant est contraire à notre Constitution et il semble complexe de faire le lien entre les actes et la défaillance du parent. En outre, je ne vois pas l’intérêt d’ajouter une comparution immédiate. J’insiste sur le fait que notre ratification de la CIDE nous engage à faire primer l’éducatif. Les professionnels du secteur disent que cette proposition de loi n’est pas nécessaire, car tous les éléments existent déjà dans la loi.
Je partage l’idée qu’il faut soutenir les enfants jusqu’à l’autonomie complète. Nous voyons des applications très disparates de la « loi Taquet », avec une incertitude néfaste pour le jeune.
Par ailleurs, nous voulons que l’accompagnement par un avocat soit clairement proposé à l’enfant, avec des explications sur ce que cela signifie. Ce point renvoie également au respect de la parole de l’enfant, dont les souhaits doivent être entendus.
Effectivement, ces questions ne sont pas assez prises en compte par les politiques et l’État peut être maltraitant dans sa manière de ne pas suffisamment bien prendre en charge correctement ces enfants, ce qui dit quelque chose des moyens que nous sommes prêts à mettre pour respecter les droits des enfants. Cette prise en charge devrait être la priorité des priorités.
De plus, je partage la recommandation liée à la sauvegarde du lien des fratries.
Je note que la formation initiale et continue des travailleurs est essentielle. Nous avons été frappés, dans un certain nombre de décisions, par l’absence de retour d’expérience, de supervision et d’analyse des pratiques, pourtant indispensables.
Enfin, concernant l’accès à des consultations non programmées, les maisons des adolescents font un travail extraordinaire, mais elles sont, elles aussi, tous les ans en difficulté au sujet du renouvellement de leur budget et des différentes aides qu’elles peuvent percevoir. La prise en charge de la santé mentale de mineurs, notamment en protection de l’enfance, est un vrai problème.
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). Ce système à bout de souffle crée de la maltraitance institutionnelle, notamment dans le cadre de l’école inclusive, qui n’en a que le nom.
Face à ce constat, nous saluons vos préconisations, mais cela ne suffira pas. Il est également nécessaire d’augmenter les moyens de la justice.
Concernant la perte d’attractivité du secteur de la protection de l’enfance, nous ne pourrons pas passer à côté d’une revalorisation des salaires.
Ensuite, il faut renforcer la coordination des acteurs et sortir de la politique en silo. Nous ne parviendrons pas à rendre l’école inclusive sans coordonner tous les acteurs sur tout le temps de la journée de l’enfant.
Enfin, je voudrais insister sur la nécessité d’un portage politique fort de l’État, à l’échelle du Gouvernement.
M. Fabien Di Filippo (DR). Premièrement, nous constatons une problématique relative au suivi des familles signalées pour des manquements quand elles se déplacent d’un département à l’autre. Pourquoi un système centralisé de recoupement des informations préoccupantes n’est-il toujours pas mis en place ?
Deuxièmement, pourquoi ne pas formuler des recommandations bien plus strictes au regard du rôle destructeur des écrans, alors que ces derniers sont utilisés de manière dévoyée dans certains milieux sociaux ?
M. Thibault Bazin (DR). Il est de notre devoir impérieux de protéger les enfants vulnérables. S’il est nécessaire de dénoncer les dysfonctionnements, le risque est parfois de donner l’impression de généraliser. Je tiens à saluer le travail de tous ces professionnels, très investis dans la protection de l’enfance. En ne parlant que des dysfonctionnements, nous risquons d’aggraver la crise des vocations.
Par ailleurs, la responsabilité des parents se pose, alors qu’ils continuent parfois à percevoir des aides destinées à leurs enfants et dont les structures auraient pourtant besoin.
Enfin, je constate que vous ne formulez aucune recommandation sur le bloc communal, qui constitue pourtant un échelon de proximité. Il me semblerait intéressant que les maires soient informés quand des enfants sont protégés. En effet, les écoles, qui dépendent des communes, n’ont pas toujours accès aux informations.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Vous avez évoqué le rôle des départements, chefs de file de la protection de l’enfance, qui ont demandé à de nombreuses reprises que la prise en charge des mineurs non accompagnés soit compensée pour ne pas grever les budgets de l’ASE, car la politique migratoire est du ressort exclusif de l’État. Le coût de la mise à l’abri des mineurs non accompagnés et les dépenses des départements pour leur prise en charge doivent être compensés à l’euro près pour que les mineurs confiés à la solidarité de la Nation puissent être accueillis et soutenus dans de bonnes conditions.
M. René Lioret (RN). La défense des petites filles face aux mutilations génitales est cruciale. Il existe des lois, mais elles sont aujourd’hui détournées, comme le prouvent deux cas récents dans mon département. Des associations et services hospitaliers essaient tant bien que mal de réparer. J’aimerais savoir si vous êtes suffisamment sensibilisée à ce problème et ce que vous comptez faire.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Un enfant arraché à sa famille, placé et en situation de handicap demande de la stabilité et des repères. Or, il vit l’inverse dans la mesure où, à chaque changement de foyer, il perd son école, ses soins et son AESH. Pendant que l’enfant subit, les institutions se renvoient la balle. Les droits de ces enfants ne sont pas respectés alors que des solutions existent, comme les dispositifs Pégase et Santé protégée. Sans moyens, ces ambitions sont juste des mots. Comment garantir une véritable inclusion tant que nous laisserons les AESH dans la précarité ? Pourquoi ne pas garantir qu’un enfant placé puisse garder son AESH et son école malgré les changements de foyer ? L’école devrait être un refuge et un repère qu’on ne lui enlève pas.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Je souhaite mettre l’accent sur le cumul de vulnérabilités pour un enfant à la fois placé et en situation de handicap. J’aimerais connaître vos recommandations sur le volet de la formation et sur la culture commune que nous devons avoir dans les différents lieux, notamment sur les questions du médico-social. De plus, je m’interroge sur la place de la parole de l’enfant en cas de cumul des vulnérabilités et quand un accès à la parole est difficile.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Je voudrais vous interroger sur le fonctionnement des conseils de famille des pupilles de l’État, qui joue un rôle central pour déterminer les conditions d’avenir, les projets éventuels, l’adoption et le quotidien des enfants placés. J’ai été alerté de dysfonctionnements au sein de conseils de famille des pupilles de l’État de l’Isère, notamment dans la transmission des bilans, sur les initiatives prises par le tuteur et sur la composition du conseil de famille, qui doit en principe intégrer d’anciens enfants placés. Existe-t-il, plus largement, des dysfonctionnements dans d’autres conseils de famille ?
Mme la Défenseure des droits. Concernant la perte d’attractivité pour les métiers de la protection de l’enfance, je tiens à souligner qu’au-delà de la nécessité de revaloriser les salaires, les conditions de travail et l’accès au logement sont également essentiels.
L’inclusion scolaire ne concerne pas seulement le temps méridien, mais aussi l’avant, l’après et l’accès aux loisirs, encore difficile. Nous sommes favorables au fait que la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées puisse également se prononcer sur les besoins d’accompagnement de l’enfant pendant le temps périscolaire.
Par ailleurs, la CIDE indique que l’État doit accorder l’aide appropriée aux parents dans l’exercice de leur parentalité. Les parents sont les premiers responsables de l’éducation, mais ils doivent être aidés et accompagnés en cas de difficulté.
Une centralisation des informations sur les familles ayant fait l’objet d’un signalement est en effet nécessaire afin d’informer les départements sur les parents qui changent de lieu d’habitation.
Concernant les écrans, il est nécessaire d’alerter. Néanmoins, il est injuste d’accuser les parents, car les enfants défavorisés ont davantage de difficultés d’accès aux loisirs. Nous avions préconisé, dans notre rapport annuel consacré à la santé mentale, que des informations soient données aux parents et aux enfants dans les écoles sur les effets néfastes des réseaux sociaux et des écrans.
Au début de toutes ses décisions, notre institution salue le travail des travailleurs sociaux et des éducateurs. En revanche, il me semble important de dire les moments où cela ne va pas, ce qui permet d’apporter les corrections nécessaires.
Concernant les communes, nous avons tout de même formulé des recommandations sur l’importance de la présence des éducateurs de rue et spécialisés sur le terrain. La présence de la médecine scolaire est effectivement importante.
L’excision est une violence, pour laquelle la justice doit être saisie. Je crois beaucoup à la prévention auprès des soignants dans les écoles et des parents, en rappelant la règle et l’existence de contrôles, ce qui peut être dissuasif.
Nous sommes très inquiets concernant les ruptures de placement, qui devrait avoir lieu dans le même quartier afin d’éviter un changement d’école. Nous voyons des déscolarisations pendant plusieurs mois.
Concernant le cumul des vulnérabilités, certains départements n’ont pas pu nous dire le nombre d’enfants en protection de l’enfance en situation de handicap. L’école ne fournit pas de données non plus sur cette question. Nous avons besoin de davantage de chiffres. La question de la parole de l’enfant est effectivement d’autant plus importante dans le cas des enfants en situation de handicap, notamment psychique. La question de la formation à la différence pour mieux appréhender et entendre les besoins me paraît essentielle.
Enfin, nous réalisons une enquête sur les conseils de famille dans l’Isère, où il existe effectivement des dysfonctionnements. Nous rendrons une décision ultérieurement. Des décisions individuelles ont été rendues au sujet de défauts de prise en charge d’enfants.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous vous remercions pour votre présence et la précision de vos réponses.
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La réunion s’achève à onze heures cinquante-cinq.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Thibault Bazin, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Théo Bernhardt, Mme Sylvie Bonnet, M. Éric Bothorel, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, M. Hendrik Davi, Mme Sandra Delannoy, M. Arthur Delaporte, Mme Sylvie Dezarnaud, M. Fabien Di Filippo, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Olivier Fayssat, M. Thierry Frappé, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Zahia Hamdane, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Michel Lauzzana, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Katiana Levavasseur, M. René Lioret, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Hanane Mansouri, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Stéphane Viry
Excusés. – Mme Anchya Bamana, Mme Béatrice Bellay, M. Louis Boyard, M. Paul Christophe, M. Guillaume Florquin, M. Guillaume Garot, Mme Perrine Goulet, Mme Karine Lebon, M. Jean-Philippe Nilor, M. Laurent Panifous, M. Jean-Hugues Ratenon
Assistaient également à la réunion. – M. Joël Aviragnet, M. Arnaud Bonnet, M. Elie Califer, Mme Ayda Hadizadeh, M. Christophe Naegelen, M. Jean-François Rousset