Compte rendu
Commission de la défense nationale
et des forces armées
– Audition, ouverte à la presse, de Mme Eva Berneke, directrice générale d’Eutelsat sur l’Europe de la défense et les coopérations européennes (cycle Europe de la défense) 2
Mercredi
26 mars 2025
Séance de 10 heures 30
Compte rendu n° 54
session ordinaire de 2024-2025
Présidence
de M. Jean-Michel Jacques,
Président
— 1 —
La séance est ouverte à dix heures trente et une.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous poursuivons donc ce matin notre cycle sur les enjeux de l’Europe de la défense avec l’audition de Mme Eva Berneke, directrice générale d’Eutelsat. Madame, vous avez rejoint en janvier 2022 Eutelsat, le premier opérateur français de satellites, à un moment clef de son histoire. À la suite du rachat de OneWeb, Eutelsat s’est en effet lancé dans les constellations de satellites en orbite basse, c’est-à-dire autour de 1 000 kilomètres d’altitude. Jusqu’alors, le groupe exploitait surtout des satellites géostationnaires positionnés à 36 000 kilomètres d’altitude. L’univers des télécommunications a été bouleversé par Starlink, la constellation initiée par Elon Musk, qui offre des débits internet élevés grâce à des milliers de satellites gravitant en orbite basse.
Satellites et défense entretiennent des liens de plus en plus étroits. La guerre en Ukraine a ainsi placé l’accent l’importance stratégique de l’internet par satellite. À la suite de l’attaque russe sur les infrastructures de communication ukrainiennes, le gouvernement ukrainien a fait appel à Starlink pour assurer son accès à internet. Les récentes menaces de suspension du service à l’Ukraine ont souligné la nécessité et l’urgence pour l’Europe de se doter d’un accès souverain à l’internet spatial. Chacun reconnaît désormais que les satellites sont cruciaux dans le domaine militaire, qu’il s’agisse de l’observation des mouvements de troupes, du guidage des missiles ou de la sécurisation des communications.
L’Europe du spatial fait face à de nombreux défis. Il s’agit d’accélérer l’innovation pour rester compétitif face aux États-Unis, de développer les applications pour la défense ou encore d’assurer la soutenabilité du modèle de constellation en orbite. Eutelsat semble bien positionné pour y répondre. En témoigne la forte hausse de sa valorisation boursière le jour de la rencontre entre les présidents Trump et Zelensky à la Maison, Blanche et l’annonce de la suspension du soutien à l’Ukraine par les États-Unis. En effet, l’action est passée de 1,19 euros le 28 février 2025, à 8,85 euros le 5 mars. Depuis, elle a baissé, jusqu’à atteindre 3,41 euros à la clôture de la bourse de Paris hier soir. Pourriez-vous nous donner votre interprétation de cette hausse, puis de cette baisse ? Les évolutions de votre valorisation boursière peuvent-elles entraîner des difficultés pour votre entreprise ?
D’autre part, pourriez-vous nous préciser également quels sont les principaux défis auxquels vous devez faire face pour mener à bien votre projet Iris2, dont l’objectif consiste à déployer une constellation de 290 satellites, pour concevoir un réseau internet sécurisé à destination des gouvernements et des armées d’ici 2030. Serez-vous à l’heure ? Par ailleurs, vos partenaires industriels sont-ils au rendez-vous ? Enfin, quelle est votre stratégie face à l’ensemble de ces défis ?
Mme Eva Berneke, directrice générale d’Eutelsat. Je vous remercie de nous recevoir aujourd’hui. J’ai pris la tête d’Eutelsat il y a maintenant trois ans, quelques semaines avant le déclenchement de la crise en Ukraine, dont nous aurons certainement l’occasion de reparler lors de vos questions. Le dernière passage d’Eutelsat devant une commission permanente remonte à 2021, bien avant cette crise, mais également avant que notre société ne devienne un opérateur multi-orbites. Au-delà de notre activité historique de satellites géostationnaires, Eutelsat est aujourd’hui avec Starlink le seul opérateur doté d’une constellation en orbite basse (low earth orbit ou LEO).
Eutelsat Group s’inscrit dans un contexte particulier, où l’espace est désormais devenu un champ de compétition, de contestation, voire d’affrontement, y compris militaire. Cet espace se caractérise également par une dualité, avec un volet de télécommunications par satellite (satcom pour satellite communication) intégré dans les systèmes d’armes et les architectures de commandement, et un volet civil, à des fins commerciales, non militaires. L’actualité récente illustre cet aspect, avec le rachat en Espagne de Hispasat, l’opérateur espagnol, par Indra Sistemas.
L’industrie spatiale européenne est très fortement concurrencée aujourd’hui par les Américains, mais elle le sera aussi très bientôt par les Chinois. Les Américains sont revenus dans le spatial il y a maintenant une quinzaine d’années et ont investi massivement, à la fois sur leurs propres moyens, mais surtout à travers des opérateurs commerciaux comme Starlink et SpaceX, qui ont développé des compétences industrielles extraordinaires.
Le spatial recouvre aujourd’hui des enjeux de souveraineté très puissants. À ce titre, si les Européens n’agissent pas de concert, ils seront dépassés et n’auront comme alternative que se raccrocher aux solutions spatiales américaines ou chinoises. Cela serait d’autant plus regrettable que ce secteur dispose depuis très longtemps d’une industrie européenne vivante et innovante grâce à de grands industriels comme Airbus, Thales ou Arianespace, c’est-à-dire des acteurs essentiels pour l’Europe.
Eutelsat Group réunit aujourd’hui Eutelsat et OneWeb. Eutelsat est un opérateur historique créé par les pays européens il y a maintenant quarante-sept ans, chacun d’entre eux disposant de positions orbitales. Ces derniers avaient ainsi considéré qu’il était plus pertinent de les exploiter ensemble et Eutelsat est la seule entreprise qui opère sur le spectre du géostationnaire. Eutelsat a développé son activité autour de satellites de diffusion (broadcasting) et porte près de 6 500 chaînes à travers le monde, sur ses trente-cinq satellites. À chaque fois que vous voyez une parabole sur le toit d’un foyer, cela signifie que celui-ci reçoit la télévision grâce à un satellite.
Ce segment constitue aujourd’hui la moitié de notre activité. Il connaît un déclin structurel, dans la mesure où la population reçoit désormais la télévision à travers internet. L’autre activité, en croissance, est celle relative à la connectivité, symbolisée par le rachat de OneWeb il y a un an et demi, qui nous permet d’offrir une connectivité avec une latence basse, qui avoisine celle d’internet, c’est-à-dire de 50 à 70 millisecondes. Nous sommes désormais la seule alternative à Starlink grâce à ce rachat. Même si nous disposons de ressources importantes, le lancement d’une constellation nécessite au minimum cinq à sept ans. Nous avons donc choisi d’acquérir un opérateur disposant d’une couverture déjà bien avancée et d’ici la fin de l’année, nous bénéficierons d’une couverture mondiale.
Nous sommes d’abord un acteur français, dont le siège est situé à Issy‑les‑Moulineaux. Né en Europe, nous sommes également au cœur de la chaîne de valeur spatiale, quand Starlink est totalement intégré verticalement, construisant ses propres lanceurs, produisant ses terminaux, opérant ses réseaux et les distribuant à travers le web. De notre côté, nous achetons les satellites, souvent chez Thales ou Airbus ; les terminaux (Intellian, Hughes) ; les lanceurs (Ariane 6 ou SpaceX), mais nous sommes d’abord un opérateur, comme Orange peut l’être dans son secteur.
Notre actionnariat reflète notre nature d’opérateur mondial. Notre premier actionnaire est Bharti Telecom, un grand opérateur télécom en Inde et en Afrique ; le deuxième est l’État français à travers BPIFrance ; le troisième est le gouvernement du Royaume-Uni, depuis le rachat de OneWeb ; le quatrième est CMA-CGM. Cet actionnariat reflète lui aussi notre dualité entre commercialisation mondiale, nécessaire pour bien utiliser un réseau, et intérêt des gouvernements.
Nous sommes de plus en plus intégrés dans la défense en France et en Europe et notre présence devant vous aujourd’hui atteste que nous sommes de plus en plus perçus comme appartenant à la base industrielle et technologique de défense (BITD). Nous disposons ainsi de relations de proximité avec la défense. Des charges utiles (payloads) sont par exemple portées par nos satellites géostationnaires, comme le satellite E36D, en collaboration avec Airbus. Je pense par ailleurs à la connectivité en latence basse sur le Charles de Gaulle. Il s’agit là d’une activité émergente, mais à laquelle nous accordons une grande attention et que nous voulons développer.
Au niveau européen ce changement de perception est perceptible, à travers la nomination d’Andrius Kubilius comme commissaire européen à la défense et à l’espace.
Le projet de constellation européenne Iris2 doit également être relevé. La Commission a lancé ce grand projet il y a quelques années, avec l’objectif de créer une capacité souveraine européenne, dans un cadre de partenariat public-privé (PPP), avec des développements militaires mais aussi commerciaux. Eutelsat est le premier investisseur privé, à côté de la Commission, pour pouvoir exploiter la partie commerciale d’Iris2.
Iris2 ne poursuit pas uniquement l’objectif de produire de la capacité en orbite spatiale, mais également de créer l’ensemble de l’écosystème et de le rendre plus compétitif en Europe. Du côté industriel, un grand nombre de contenus devront ainsi être européens. Il s’agit également de développer le NewSpace à travers des entreprises de plus petite taille, au sein de cette constellation. Ce travail prend nécessairement du temps et nous visons à disposer d’une constellation opérationnelle à l’échéance 2031. Entretemps, Eutelsat continue à investir dans la capacité utilisable aujourd’hui, car nous devons être mesure de répondre, dans un très court délai, à des crises telles que celle que nous connaissons actuellement en Ukraine. En dépit des montants engagés, le projet Iris2 demeure modeste en comparaison des investissements militaires du département de la défense des États-Unis au profit du projet Starshield développé par SpaceX.
Face à la domination américaine et l’émergence de la Chine dans le domaine spatial, il est urgent de créer une alternative souveraine et européenne pour ne pas dépendre de ces solutions extérieures, rattraper notre retard, nourrir l’innovation et renforcer l’industrie européenne. À titre d’exemple, il n’existe pas à ce jour de producteurs majeurs de terminaux en Europe. Heureusement, Airbus et Thales produisent encore des satellites géostationnaires, mais ni l’un ni l’autre ne sont très concurrentiels s’agissant de l’orbite basse, qui représente le futur du spatial.
La France joue aujourd’hui un rôle majeur, d’abord parce qu’elle bénéficie d’opérateurs comme Eutelsat, mais également d’industriels comme Thales et Airbus et Arianespace. Des projets sont également en cours avec le ministère des armées, la direction générale de l’armement (DGA) et des industriels français sur des usages militaires. De plus, OneWeb déploie sa connectivité à travers le contrat Astel de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (Dirisi). Ces projets demeurent certes plus modestes que ceux que nous menons avec les militaires américains, qui sont habitués à de très importants contrats, à la hauteur des budgets dont ils disposent. Mais nous avons hâte de continuer notre développement et notre collaboration avec les acteurs français.
Vous m’avez également interrogé sur l’évolution de notre cours de bourse. Il est exact que celui-ci a fait preuve d’une grande volatilité ces derniers temps, surtout depuis les discussions concernant la souveraineté de l’Ukraine. Une partie de cette volatilité est simplement liée à la répartition de notre actionnariat. En effet, Eutelsat a la chance d’avoir à ses côtés de grands actionnaires stables, ce qui limite relativement notre flottant et donc le nombre de titres qui peuvent s’échanger sur le marché. En conséquence, puisque les volumes sont relativement faibles, il suffit de peu de mouvements pour entraîner de fortes variations sur notre cours.
Une autre partie de l’explication est liée à la reconaissance par le marché que nous sommes l’unique alternative à Starlink en Ukraine. Lorsque les discussions entre les présidents Trump et Zelensky dans le Bureau ovale ont tourné à l’aigre et que la possibilité d’éteindre Starlink en Ukraine a été envisagée, Eutelsat est apparu comme un opérateur critique et nécessaire, non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour la souveraineté européenne. Par la suite, notre cours est redescendu, ce qui fait partie des évolutions habituelles d’un titre de bourse.
Aujourd’hui, nous réfléchissons pour savoir si notre actionnariat reflète bien notre dualité entre d’une part un opérateur lié à la souveraineté et travaillant avec les militaires et d’autre part, la nécessité de conduire une activité commerciale pour bien exploiter notre réseau sur le reste du monde.
En effet, si les satellites géostationnaires présentent l’intérêt d’être positionnés de manière stable au-dessus de l’Europe, une constellation en orbite basse tourne de manière permanente, au-dessus des pôles, des océans ou d’autres continents comme l’Amérique latine ou l’Afrique. Cela signifie donc qu’un opérateur commercial est nécessaire pour pouvoir vendre la capacité quand ces satellites ne sont pas au-dessus de l’Europe ou de l’Ukraine. À ce titre, la collaboration autour d’Iris2 est très importante, mais il nous faut également nous assurer de notre futur immédiat, jusqu’à ce que cette constellation soit déployée en 2031-2032. Nous ne sommes pas naïfs et savons pertinemment que des projets d’une telle envergure connaissent parfois des développements plus longs de la part des industriels. En conséquence, nous devons demeurer agiles pour lancer un plus grand nombre de satellites, être certains d’assurer la continuité et de pouvoir proposer à nos clients de la capacité autour du monde, à la fois avant et après l’arrivée d’Iris2.
Je précise à ce titre qu’Iris2 ne couvrira qu’imparfaitement les pôles ou le Groenland par exemple, lesquels constituent des enjeux importants à des fins militaires. À cet effet, OneWeb aura besoin de pouvoir lancer des satellites et disposer en conséquence des financements appropriés, qui font partie des discussions actuelles.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je cède à présent la parole aux orateurs de groupe.
M. Romain Tonussi (RN). Le projet Iris2 ambitionne de renforcer notre souveraineté numérique et spatiale en déployant une constellation de satellites sur plusieurs orbites. Eutelsat joue un rôle clé dans ce programme essentiel pour préserver notre indépendance dans le domaine des communications satellitaires, en se focalisant principalement sur l’orbite basse. Mais ce projet se heurte à plusieurs obstacles. Son budget a considérablement augmenté, passant de 2,4 milliards d’euros à 10,6 milliards d’euros. De plus, le calendrier a été repoussé, avec un lancement prévu pour 2029 et une mise en service complète d’ici 2030-2031.
Ce retard permet à la concurrence, comme Starlink ou la constellation chinoise Guowang de prendre de l’avance dans un secteur où l’innovation et la rapidité de déploiement sont capitales. Dès lors, comment garantir qu’Iris2 restera dans la compétition face à des réseaux déjà opérationnels ? Par ailleurs, le récent ralliement d’Eutelsat à OneWeb suscite des questions sur la synergie entre ces deux projets, notamment en ce qui concerne la souveraineté et les implications stratégiques de cette collaboration. Ainsi, pouvez-vous nous dire comment cette fusion s’inscrit-elle dans la vision d’Eutelsat pour Iris2 ?
Enfin, Iris2 repose sur un consortium de plusieurs acteurs européens dont les opérateurs SES et Hispasat, ainsi qu’un grand nombre de sous-traitants industriels. Or, ces entreprises ne poursuivent pas nécessairement les mêmes priorités. Ainsi, SES est déjà impliqué dans d’autres constellations et pourrait chercher à privilégier ses propres solutions. Quant aux sous-traitants, la répartition des marchés et des responsabilités techniques peut être source de tensions. Ainsi, comment s’assurer qu’Eutelsat conservera une position centrale dans le projet et que les décisions stratégiques qui seront prises serviront pleinement les intérêts français ?
Mme Eva Berneke. Le projet Iris2 a effectivement évolué au cours du temps, mais il convient d’apporter quelques précisions concernant les montants que vous avez évoqués. La première tranche du programme est financée par l’UE à hauteur de 2,4 milliards d’euros, puis la Commission financera à nouveau 4 milliards d’euros sur une deuxième période. Le financement public est abondé par l’Esa à hauteur de 600 millions d’euros, le solde étant fourni par des acteurs privés. Au total, les montants budgétés s’établissent à 10,6 milliards d’euros. Mais il est exact que le projet s’est développé au fil du temps, le nombre de satellites envisagés étant supérieur à ce qui était prévu initialement. Cela témoigne de la volonté d’assurer une meilleure couverture et de fournir plus de capacités.
Initialement, la Commission avait fixé la période 2028-2029, mais la date de déploiement s’établit désormais à 2031. Ce report témoigne de la volonté d’utiliser une chaîne d’approvisionnement européenne, à partir de composants produits en très grande partie sur notre continent. Or à l’heure actuelle, les grands industriels comme Thales et Airbus s’approvisionnent en grande partie en dehors de l’Europe, notamment pour les antennes, les terminaux ou les circuits intégrés. Dès lors, ce choix européen implique nécessairement un rallongement des délais.
Ensuite, SES (société européenne des satellites) a effectivement lancé un projet avec Intelsat, le plus grand opérateur américain en géostationnaire. Ce projet se fonde essentiellement sur des synergies industrielles et devrait se finaliser à la fin de l’année. Pour le moment, SES nous garantit qu’au sein du consortium SpaceRISE, ils restent toujours focalisés sur Iris2. Dans la mesure où le gouvernement du Luxembourg est le premier actionnaire de SES, nous espérons qu’il demeure bien ancré en Europe. Mais il n’en demeure pas moins que leur activité sera plus tournée vers les États-Unis dans le cadre de leur projet avec Intelsat.
Le projet Iris2 a une durée prévisionnelle de douze ans et constitue une priorité stratégique pour Eutelsat, qui a été confirmée par notre conseil d’administration. Mais nous devons également faire preuve d’agilité face au décalage dans le temps ou d’autres difficultés qui pourraient survenir, afin de pouvoir garantir à nos clients – militaires ou civils – une capacité jusqu’au déploiement final de la constellation Iris2.
Mme Corinne Vignon (EPR). Dans un article publié début mars dans La Tribune, vous dressiez un constat préoccupant. Vous indiquiez ainsi que l’Europe prend du retard et risque devenir une simple spectatrice de la compétition spatiale si elle ne réagit pas rapidement. Les récents développements en Ukraine ont mis en évidence le rôle vital de la connectivité par satellite dans les zones de conflit. Les forces armées ukrainiennes qui exploitent les kits Starlink pour gérer leurs drones d’attaque et assurer leur coordination sur le terrain pourraient se retrouver totalement démunies en cas de coupure brutale du réseau d’Elon Musk.
Eutelsat est à travers OneWeb le seul opérateur européen d’un réseau satellitaire géostationnaire en orbite basse à pouvoir fournir des communications sécurisées, fiables et permettant l’autonomie stratégique de l’Europe en matière de connectivité spatiale. Pourtant, OneWeb souffre d’un déficit de notoriété au niveau européen et à l’international face à Starlink, Kuiper ou Guowang. Envisagez-vous de déployer une stratégie de communication pour faire connaître plus largement votre constellation ?
Ensuite, la double dégradation de la note financière d’Eutelsat par deux agences de notation illustre les difficultés financières de votre entreprise. La situation d’Eutelsat est un peu critique, en raison de l’impossibilité de fournir une couverture complète de la planète à cause de retards dans les infrastructures terrestres, des obstacles pour obtenir les autorisations d’accès au marché dans plusieurs pays, de la dette élevée, d’un segment vidéo en recul et des investissements massifs que nécessite le financement de 100 satellites supplémentaires qui garantissent la continuité du service avec des fonctionnalités améliorées comme l’intégration de la 5G au sol.
Pourtant, ces nouveaux satellites sont nécessaires et assureront la compatibilité avec la constellation Iris2, annoncée pour 2030, et dont le coût est estimé à plus de 10 milliards d’euros. Même si la valorisation boursière d’Eutelsat a bondi de 200 % dernièrement, comment prévoyez-vous de financer votre participation dans Iris2 en tant que membre du conseil du consortium SpaceRISE ?
Mme Eva Berneke. Je partage totalement vos propos : l’Europe a pris du retard, surtout dans le segment des satellites en orbite basse. Elle a toujours disposé d’un secteur spatial très important et la France a toujours mis l’accent aussi sur les grands industriels comme Airbus ou Thales, qui étaient d’abord focalisés sur les satellites géostationnaires, soit des gros objets. Simultanément, elle a pris du retard sur l’industrialisation de plus petits satellites. Or c’est en augmentant les volumes que l’on parvient à diminuer les coûts. À titre d’exemple, les coûts des lanceurs de SpaceX sont les plus compétitifs du marché, contribuant au succès de Starlink. Par comparaison, ceux d’Ariane 6 sont bien plus élevés.
Cela ne signifie pas pour autant que nous ne disposons pas des capacités, des compétences et de l’innovation suffisante en Europe. Simplement, nous devons les traduire sur le plan industriel, afin de devenir compétitifs. Cela nécessitera du temps, dans la mesure où nous avons pris du retard dans ce domaine. Mais en proposant un volume conséquent, la constellation Iris2 a aussi pour vocation à rendre cette industrie plus concurrentielle et ainsi moins dépendre de subventions de l’État.
Néanmoins, les effets d’échelle jouent et les commandes publiques aux États-Unis portent sur des volumes et des montants bien plus élevés. À ce titre, le département de la défense américain a toujours été le plus gros client de presque tous les opérateurs du monde. Les militaires européens doivent apprendre à travailler avec des opérateurs commerciaux pour exploiter les constellations existantes plutôt que de construire des satellites souverains. Ce virage a été amorcé depuis longtemps aux États-Unis.
Vous avez également évoqué la stratégie de communication. Nous sommes positionnés sur un segment de marché BtoB, nous travaillons avec nos distributeurs. Dans le domaine civil, nous vendons par exemple notre capacité à un distributeur comme Marlink, qui déploie ensuite ces solutions dans les aéroports ou les ports du monde. Il en va de même dans le militaire, où Airbus fait partie de nos distributeurs. En Italie, Telespazio est un distributeur de notre capacité, qu’il vend ensuite aux militaires.
Sur la partie grand public, nous travaillons avec des opérateurs télécoms : si vous achetez une offre satellite auprès d’Orange, vous utilisez très certainement notre capacité. Nous travaillons également avec Swisscom en Suisse, qui vend sous sa propre marque. Nous considérons donc ces opérateurs télécom comme des compléments plutôt que des concurrents. Il s’agit là d’une autre différence avec Starlink, qui préfère tout réaliser par lui-même, y compris la vente de ses produits.
Par conséquent, nous n’effectuons pas d’opérations de communication auprès du grand public, car nous ne lui proposons pas un produit sous notre propre marque. C’est la raison pour laquelle le grand public nous connaît moins. Il ne faut donc pas s’attendre à de grandes campagnes publicitaires de notre part. En revanche, nous sommes en train de préparer une tournée pour rencontrer nos clients industriels et les sensibiliser sur notre rôle : sans la partie spatiale que nous fournissons, il ne leur est pas possible de développer leur offre.
Vous avez également mentionné l’abaissement de notre notation financière. Il est certain que notre situation est très différente de celle de Starlink, qui dispose d’une très grande capacité à lever des fonds, d’une chaîne de valeur totalement intégrée et d’une boucle décisionnelle beaucoup plus courte. De notre côté, nous travaillons avec l’écosystème européen. À titre d’exemple, nous achetons cent satellites à Airbus, qui les produit en Europe, et nous avons donc besoin de les financer. À cet effet, nous menons des discussions avec nos actionnaires européens, en incluant le gouvernement britannique. Ces gouvernements sont particulièrement intéressés de pouvoir disposer d’une alternative aux solutions américaines et chinoises.
Ces besoins de financement portent à fois sur Iris2, mais aussi sur nos besoins immédiats, c’est-à-dire avant le déploiement de cette constellation. Il est donc impératif pour nous, mais aussi les pays dans lesquels nous opérons, de pouvoir obtenir ces financements. Une partie sera financée par les cash-flows de l’entreprise, ce qui nous empêchera de distribuer des dividendes à nos actionnaires, mais il nous faudra également obtenir des financements supplémentaires si nous voulons être capables de construire plus de capacités, plus rapidement.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). La France a renoncé à la construction d’un nouveau satellite Syracuse de télécommunication militaire au profit d’Iris2. Quelles garanties pouvez-vous nous donner concernant la souveraineté dont la France et les armées françaises disposeront par le biais de cette constellation ? Pouvez-vous garantir que ces satellites seront bien construits sur le sol européen et que les lanceurs qui propulseront cette constellation seront également européens ? Quelles seront les garanties que d’autres pays européens n’auront pas accès aux données chiffrées de l’armée française ?
Ensuite, votre modèle est totalement différent de celui de Starlink, vraisemblablement plus proche de celui de Kuiper. Nous allons assister à une course à l’orbite basse, avec trois grandes constellations qui représenteront des milliers de satellites, pour la plupart jetables. Cela ne peut que poser question en ce qui concerne la pollution de l’orbite basse. Quelles sont aujourd’hui vos analyses sur les risques et les conséquences de la pollution et de réactions en chaîne qui rendraient l’orbite basse inutilisable ?
Mme Eva Berneke. Iris2 proposera à partir de 2031 des solutions sur différentes orbites, mais les militaires sont essentiellement intéressés par l’orbite basse. Une partie conséquente de son budget, de l’ordre de plusieurs milliards d’euros, est par ailleurs dévolue à la couche de sécurité et la protection des données. La bande de fréquences Ka Mil, fournie par la France pour Iris2 sera par exemple très sécurisée. La partie plus commerciale concernera le spectre Ku et sera totalement déconnectée de la bande Ka Mil. Cela se traduira aussi dans les prix, la capacité militaire étant plus chère car elle nécessite de prendre en compte les coûts de développement en matière de sécurité.
Des demandes spécifiques portent ainsi sur la chaîne d’approvisionnement, les contenus (satellites, terminaux) devant être produits en Europe. Du côté des lanceurs, de nombreuses discussions interviennent avec Ariane 6 concernant des lancements qui doivent maintenant intervenir en 2029-2030, puisque jusqu’à cette date, Ariane a vendu sa capacité de lancement à Kuiper.
Les discussions en cours sur Iris2 visent à déterminer qui seront les fournisseurs sur les différentes parties industrielles. Nous saurons à la fin de l’année où seront situées les différentes productions en Europe, c’est-à-dire leur répartition entre la France, la Belgique ou l’Italie. Nous savons déjà où seront situées les stations au sol.
Ensuite, les satellites français Syracuse étaient essentiellement situés sur une orbite géostationnaire. Or les militaires, y compris français, privilégient désormais les investissements sur des orbites basses, afin de disposer d’une latence basse.
Le modèle Starlink repose effectivement sur le lancement de milliers d’objets, occasionnant par la même des débris spatiaux, d’autant plus que la durée de vie de ses satellites en orbite basse n’est que de cinq ans. Chez Eutelsat, notre gestion des débris est fort différente et nous avons des engagements en matière de RSE (responsabilité sociale des entreprises) et de gestion de la « pollution » spatiale. Nous respectons ainsi bien volontiers la loi française, qui nous impose de signaler nos débris en orbite et de partager ces informations. À ce titre, nous travaillons avec plusieurs start up sur des solutions permettant de dé-orbiter les satellites dont nous perdons le contrôle.
La stratégie d’Elon Musk est différente, elle se fonde sur le volume et des satellites que vous avez qualifié de « jetables ». De plus, il ne contrôle pas une plus grande proportion de satellites et accorde une bien moindre attention aux débris, considérant que ce sujet ne pose pas problème, compte tenu de l’immensité de l’espace. Cette position illustre bien un état d’esprit différent de celui des Européens, qui se soucient des problèmes avant qu’ils n’interviennent. À l’inverse, les Américains ont tendance à considérer qu’il sera toujours temps de proposer une solution technologique une fois que les problèmes apparaîtront. Nous estimons à ce titre qu’il est impératif de disposer d’une règlementation de la part de l’Union internationale des télécommunications (UIT). À l’heure actuelle, il n’existe pas de règles internationales bien établies dans le domaine spatial. L’Europe est en train de développer une loi spatiale, qui sera, je l’espère, fortement inspirée par la législation française.
Mais il est absolument nécessaire de disposer d’une collaboration internationale dans ce domaine et d’obtenir l’adhésion des Américains et des Chinois. Si tel n’est pas le cas, des distorsions de concurrence subsisteront. Pour le moment, les positions respectives demeurent très différentes, mais nous considérons qu’il est essentiel de limiter les débris et de préserver l’espace, pour les générations à venir.
M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). Au moment où les craintes se multiplient au sujet de la fourniture d’accès internet à l’Ukraine, dont nous connaissons tous ici l’importance, Eutelsat se montre intéressé pour remplacer Starlink. Avant d’atteindre cet objectif, vous devez faire face à des défis capacitaires majeurs, puisque la flotte d’Eutelsat est aujourd’hui bien moins dense que celle de l’entreprise d’Elon Musk. De plus, les terminaux d’Eutelsat sont actuellement utilisés par Kiev et vous avez plaidé légitimement en faveur d’une hausse des investissements, afin de pouvoir concurrencer la capacité de Starlink. Si cet objectif est souhaitable, force est de constater que vos terminaux sont plus chers que ceux proposés par les Américains, ce qui pourrait susciter des défis supplémentaires en termes de déploiement rapide à grande échelle.
Afin de favoriser votre déploiement, le plan ReArm Europe de 800 milliards d’euros annoncé par la Commission européenne vous semble-t-il constituer opportunité pour soutenir l’ambition d’Eutelsat de devenir une alternative à Starlink, notamment en Ukraine ? Votre regard de cheffe d’entreprise et précieux pour comprendre comment vous appréhendez ces annonces européennes.
Par ailleurs, la guerre contre la Russie est également une guerre de l’information. L’Union européenne avait pris des sanctions d’application immédiate contre les intérêts russes dès décembre 2022. Cette décision vous obligeait, à mon sens, à cesser la diffusion de STS et Kanal 5, deux nouvelles chaînes de télévision russes. Faute d’action de votre part, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) vous a mis en demeure, afin de suspendre ces chaînes. Pourquoi ne pas avoir agi et suspendu ses chaînes dès 2022 ? Pour rappel, l’Assemblée nationale a voté le 12 mars dernier, une résolution visant à renforcer le soutien à l’Ukraine et appelant notamment l’Arcom à exercer immédiatement ses prérogatives.
Plus qu’une critique, nous aimerions comprendre ce qui vous a conduit à ne pas agir plus rapidement. Devons-nous travailler à un renforcement du cadre légal afin que les actions soient plus rapides et probablement automatiques face à cette guerre hybride ?
Mme Eva Berneke. Nous mettons en œuvre les sanctions imposées par la Commission européenne dès que celle-ci les annonce. Nous avons toujours respecté cette ligne de conduite, qui concerne notamment la Russie, mais également les autres pays soumis à des sanctions, notamment au Moyen-Orient ou en Afrique. Elle nous permet également d’expliquer à nos clients diffuseurs que nous ne pouvons pas porter sur nos satellites des chaînes sanctionnées qui feraient partie de leur bouquet. De notre côté, nous disposons d’un délai maximum de soixante-douze heures pour mettre en œuvre les sanctions imposées par l’Arcom.
S’agissant des deux chaînes mises en demeure la semaine dernière, nous avons reçu hier la lettre officielle, mais elles ont déjà été retirées de nos bouquets. Nous avons toujours travaillé de la sorte et nous nous targuons de disposer d’une très bonne collaboration avec l’Arcom sur ces sujets, en travaillant assez souvent en amont avec l’Autorité. Certains lobbyistes estiment que nous devrions aller plus loin et enlever des chaînes russes non sanctionnées. Il s’agit essentiellement de chaînes de sport ou de divertissement à destination du grand public. Mais nous respectons rigoureusement les décisions de l’Arcom : si cette dernière ne sanctionne pas des chaînes, nous continuons à les porter sur nos satellites. Nous défendons cette position, qui a pour objet d’offrir de la clarté à nos clients à travers le monde.
S’agissant de la connectivité, notre flotte est certainement moins dense que celle de Starlink. Cela est lié pour partie à l’orbite : nous sommes positionnés sur une orbite de 1 200 kilomètres. Ainsi, nous avons besoin d’un plus faible nombre de satellites pour couvrir l’ensemble de la terre, quand les satellites d’Elon Musk sont positionnés à 450 kilomètres, ce qui l’oblige à disposer d’une flotte plus importante. Par ailleurs, il construit et lance plus de satellites car il est parvenu à industrialiser sa chaîne de production, ce qui lui permet de diminuer son coût unitaire. Enfin, il utilise également ses propres lanceurs. En Europe, il est précisément nécessaire de parvenir à une telle industrialisation, qui ne peut être atteinte que grâce à des grandes commandes permettant de bâtir une véritable chaîne de valeur continentale.
Par ailleurs, l’offre de Starlink à destination du grand public se fonde sur un service « best effort », c’est-à-dire non garanti, au mieux des capacités du réseau. Il a construit des millions de terminaux, quand nous en avons construit des dizaines de milliers, ce qui lui permet de les proposer à un prix bien moindre, autour de 500 euros. De notre côté, nos terminaux les moins chers coûtent environ 3 000 euros et sont un peu plus grands que les siens.
En résumé, la plus grande différence réside dans l’industrialisation de l’ensemble de la chaîne, qui permet de tirer les coûts vers le bas. Le même raisonnement s’applique pour les lanceurs : SpaceX effectue des centaines de lancement chaque année, contre seulement cinq ou six pour Ariane.
M. Jean-Louis Thiériot (DR). Nous sommes absolument convaincus de la nécessité d’avancer dans le domaine spatial pour éviter de devenir une colonie technologique, une colonie spatiale américaine ou chinoise.
Je tiens à vous interroger sur un sujet qui nous préoccupe particulièrement, celui des perspectives avec l’Italie. Les médias se sont fait écho il y a quelques mois du projet de rapprochement de l’Italie avec la constellation Starlink et du projet d’un marché de 1,5 milliard d’euros pour l’armée italienne en matière de communications militaires cryptées avec cette même entreprise. Le rapprochement entre Mme Meloni et M. Musk n’a évidemment échappé à personne.
Pourriez-vous établir un point de situation sur ce projet ? En quoi Starlink serait-il ou non mieux positionné qu’Eutelsat pour répondre aux besoins de l’armée italienne à court terme et, surtout, à moyen et long terme ? Dans quelle mesure une telle coopération pourrait‑elle susciter un impact sur la future constellation Iris2, dont nous savons tous qu’elle est absolument vitale ? Enfin, Iris2 a-t-il pour ambition de disposer de satellites « ITAR free » ou en tout cas de s’en rapprocher au maximum ?
Mme Eva Berneke. De nombreuses discussions sont effectivement intervenues en Italie concernant la souveraineté spatiale. L’Italie fait partie de l’équipe « élargie » du consortium SpaceRISE, dans lequel trois opérateurs investisseurs se sont engagés à hauteur de 4,4 milliards d’euros : Eutelsat, SES et Hispasat. Au même titre qu’Orange, Deutsche Telekom ou Telefonica, Telespazio appartient au « core team » de SpaceRISE, qui ne s’engage pas sur l’investissement, mais fournit des capacités, de manière très volontaire. Telespazio dispose ainsi du centre spatial de Fucino en Italie, qui jouera un rôle important dans le cadre d’Iris2. En outre, dans le cadre du financement assuré par l’Europe, le soutien de l’Italie est extrêmement important, au même titre que celui des autres pays européens.
Les discussions précédemment mentionnées ont eu lieu au niveau politique, concernant l’éventuelle adoption par le gouvernement italien d’un système de communication par satellite Starlink, à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Il s’agirait en quelque sorte de la réplique de la version réalisée pour les militaires américains, qui ne garantit absolument pas une souveraineté italienne, puisqu’elle fait partie du système américain et nécessite de conserver de bonnes relations avec Elon Musk. Or le précédent ukrainien est instructif en la matière. Cela dit, les Italiens arguent que ce système pourrait potentiellement être livré plus rapidement que l’échéance de 2031. De fait, il n’est pas contraint par les obligations d’un contenu exclusivement européen comme c’est le cas pour Iris2, qui reste néanmoins à mon sens extrêmement important pour la souveraineté à long terme en Europe.
Il n’en demeure pas moins que cette échéance de 2031 est un peu lointaine, ce qui nous conduit à réfléchir à ce que nous pouvons faire d’ici là. C’est la raison pour laquelle nous discutons avec l’Italie sur ce qui peut envisager à court terme, notamment avec Telespazio, qui représente l’un des grands distributeurs de nos capacités, y compris en latence basse, à des fins militaires. Du côté civil, nous disposons de capacités géostationnaires pour l’Italie, que nous avons essayé de faire distribuer par Team, pour répondre à des besoins internet pour le grand public, comme Orange peut le faire en France. À court terme, il existe des réponses européennes, qui nécessitent de travailler avec l’ensemble de l’écosystème, dont Telespazio et Leonardo.
À ce stade de notre dialogue avec l’Italie, nous étudions les solutions envisageables, en amont d’une demande de proposition (request for proposal ou RFP) qui pourrait intervenir ultérieurement cette année. Il s’agit de bien cerner les exigences qui figureront dans ce RFP en matière de souveraineté, de garantie de service, mais aussi de fonctionnalités technologiques. À ce sujet, vous avez sans doute relevé que l’Italie avait demandé à Leonardo de produire une quarantaine de satellites d’observation, qui ne permettront pas d’offrir une couverture globale, mais qui fourniront un complément militaire pour l’Italie.
En résumé, nous discutons aujourd’hui en Italie, à la fois avec les militaires et le gouvernement, sur les actions à conduire d’ici le déploiement de la constellation Iris2. Il me semble nécessaire de conserver ces relations et de rester soudés en Europe autour d’Iris2, dans la mesure où cette solution permettra de garantir la souveraineté européenne, dans la durée.
Mme Catherine Hervieu (EcoS). L’espace devient un lieu de conquête intense en raison de l’environnement géopolitique de plus en plus compétitif porté par des technologies militaires intenses. La présence des États-Unis, de la Chine et de la Russie est significative dans le domaine spatial. Les États ont tenté de préserver l’espace comme un domaine pacifique, des traités et des accords avaient été signés en ce sens sous l’égide du Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique (Cupeea).
En Europe, les enjeux du domaine spatial sont cruciaux pour garantir notre sécurité et notre autonomie stratégique. Il faut également mentionner la priorité de la protection des infrastructures spatiales contre les cyberattaques et autres menaces émergentes. La dépendance s’accroît à l’égard des technologies spatiales pour des opérations militaires sensibles et le renseignement. Cela nécessite des moyens de défense robustes et de nouvelles stratégies de sécurité pour nos systèmes de défense spatiale.
Face à la montée en puissance de SpaceX, vous avez déclaré que l’enjeu consiste à savoir si nous serons capables d’industrialiser la chaine spatiale en Europe pour produire des milliers de satellites et rester compétitifs. L’Agence spatiale européenne et quelques États, dont la France, travaillent en coopération pour développer nos capacités technologiques avancées.
De plus, l’usage dual des satellites dans les domaines civil et militaire, le recours à l’intelligence artificielle et le phénomène de conversion des satellites doivent être surveillés. Nous avons besoin de projeter la présence européenne pour notre renseignement et la surveillance, notamment pour surveiller les objets spatiaux et éviter les collisions.
Selon vous, comment passer le cap industriel dont nous avons besoin en Europe ? Ensuite, il apparaît urgent d’utiliser durablement l’espace extra-atmosphérique. En conséquence, comment peser en ce sens face à la compétition étatique et technologique que nous connaissons actuellement ? Enfin, je vous remercie de nous apporter des précisions sur les enjeux de pollution en orbite basse.
Mme Eva Berneke. Une réglementation est effectivement essentielle dans le domaine spatial et nous attendons à ce titre le projet de loi européen. Des discussions sont intervenues dans ce domaine avec l’UIT et les précédentes administrations américaines au sujet de la gestion des débris dans l’espace.
Vous avez raison de souligner que l’espace représente un lieu de conquête, mais il faut également souligner que le domaine spatial constitue également un creuset pour des innovations qui peuvent ensuite se diffuser vers d’autres secteurs. Investir dans le spatial permet de faire émerger d’autres technologies. Historiquement, l’époque de la conquête de la lune nous en a fourni des preuves extrêmement tangibles, qu’il s’agisse des filtres à eau, des panneaux solaires ou même de la mousse à mémoire de forme aujourd’hui utilisée dans les matelas.
Ces technologies ont d’abord été développées dans le spatial, pour permettre aux humains de pouvoir s’adapter à des contextes très difficiles, avant d’être diffusées dans de nombreuses applications industrielles. Ce creuset d’innovations existe en Europe, à condition que nous franchissions le stade de l’industrialisation, pour établir un secteur pérenne et compétitif. Il s’agit d’un immense défi, qui prend du temps et implique de lourds investissements. Starlink et SpaceX ne sont pas nés hier, leur activité a débuté en 2003. Les Américains y sont parvenus et l’Europe doit également y arriver, en conservant sa vision d’une utilisation durable des ressources dans l’espace.
Mme Sabine Thillaye (Dem). Je souhaite revenir sur le contrat de concession signé avec le consortium SpaceRISE pour Iris2. Ce projet de 10,6 milliards d’euros sera financé à hauteur de 6 milliards d’euros par l’UE et pour 550 millions d’euros par l’Esa, le solde étant assuré le secteur privé. Il semble que la Commission européenne souhaite que l’Esa en soit le coordonnateur. L’Esa regroupe vingt-deux pays européens et elle est particulièrement financée par la France et l’Allemagne. L’Agence fonctionne sur le principe d’un retour géographique, que je trouve assez préoccupant, compte tenu des urgences actuelles, mais aussi du retard accumulé. Comment envisagez-vous cette articulation ?
Ensuite, votre activité nécessite des investissements conséquents, mais vous avez également besoin d’être compétitif dans un marché très concurrentiel. Quels sont aujourd’hui vos principaux d’axes d’investissement ?
Mme Eva Berneke. L’Esa contribue de manière non négligeable au financement d’Iris2, mais joue également un rôle de conseiller technique auprès de la Commission. Nous intégrons des ressources de l’Esa dans nos équipes de SpaceRISE, pour profiter de leur expertise. Par ailleurs, le programme vise à allouer au moins 30 % de l’enveloppe de l’UE aux start-ups et PME, exigeant une cartographie d’un retour géographique. Ce retour géographique représente ainsi une problématique qui n’est pas toujours simple à gérer et qui peut contribuer à complexifier la livraison. Elon Musk n’est pas soumis aux mêmes contraintes, ses implantations sont limitées à la Californie, au Texas et à la Floride. Nous devrions tendre vers une plus grande simplicité si nous voulons être compétitifs et rapides.
Heureusement, la France, l’Italie et l’Allemagne figurent parmi les financeurs les plus importants de l’Esa et nous disposons d’opérateurs et d’entreprises dans ces pays. Ce planning comporte des défis, mais l’implication d’Esa dans ce projet critique pour l’Europe me semble bénéfique.
M. Matthieu Bloch (UDR). Le programme de constellation Iris2 est devenu indispensable. En effet, la sécurisation des communications militaires est essentielle pour gagner les guerres de demain, comme en témoigne le conflit actuel en Ukraine. Ce programme devra donc répondre au niveau d’exigence très élevé de nos armées.
Ainsi, j’aimerais évoquer avec vous les besoins spécifiques des forces engagées dans des zones sans infrastructures de communication. Le commandement des opérations spéciales et les unités de renseignement ont besoin de terminaux satellite portables durcis, discrets, capables de fonctionner sous brouillage. Mais à ce jour, aucune solution européenne n’offre ces garanties.
Certaines armées occidentales, y compris la nôtre, ont ainsi recours à l’offre américaine Starlink, la constellation de SpaceX. Bien qu’efficace sur le terrain en Ukraine, Starlink présente également des limites, notamment une émission continue détectable et une vulnérabilité face à des capacités de guerre électronique avancées.
De plus, dans le contexte actuel, l’indépendance de la France vis-à-vis d’un fournisseur américain ne devrait plus être une option. Ainsi, bien que la constellation Iris2 offrira une plus grande interopérabilité aux armées européennes, pouvez-vous affirmer que votre service répondra aussi aux besoins spécifiques des armées françaises ?
Bien que financé par les États, le programme Iris2 sera mis en œuvre par un groupement industriel. Certains services seront donc accessibles aux acteurs publics, mais aussi privés. Dès lors, se pose la question de savoir qui décidera des priorités d’action lorsqu’une crise interviendra. En cas de conflit, par exemple, existe-t-il un mécanisme permettant à un État membre comme la France d’accéder prioritairement, voire exclusivement, à une portion de bande passante ou à des services dédiés ? Comment s’assurer que des arbitrages privés restent éloignés de certaines décisions que seuls les États doivent prendre ?
Mme Eva Berneke. Des terminaux spécialisés, avec des niveaux de sécurité spécifiques, peuvent effectivement être nécessaires à des fins militaires. Je pense notamment aux manpacks, des terminaux qui peuvent se loger dans un sac à dos. Nous les développons, à la fois pour des usages militaires, mais également grand public, comme Starlink a pu le faire à ses débuts. Lorsque nous avons commencé notre service en Ukraine, nous avons ainsi dû développer en urgence des éléments antibrouillage sur les terminaux. Désormais, nous travaillons avec des développeurs en France, notamment avec la société Greenerwave, sur un projet de terminal.
Un grand travail doit être accompli dans ce domaine, dans la mesure où l’Europe a été particulièrement distancée sur le volet des terminaux. Il y a encore deux à trois ans, la plupart des terminaux étaient ainsi développés par les Coréens ou les Américains. Nous commençons à disposer de terminaux développés et produits en Espagne, mais ils ne sont pas encore parfaitement au point.
À ses débuts, Starlink a fabriqué des produits grand public avec un service « best effort », évoqué précédemment, c’est-à-dire au mieux des capacités du réseau. De notre côté, nous avons développé dès le départ une offre BtoB, en approvisionnant chaque terminal avec une capacité garantie à nos clients. Cette garantie constitue ainsi un élément différenciant de notre offre, qui permet également d’utiliser moins de terminaux. Aujourd’hui, il existe par exemple entre 40 000 et 100 000 terminaux Starlink en Ukraine.
Dans notre réseau, nous sommes également capables de séparer les flux. En termes d’infrastructures, les besoins militaires ou BtoB ne sont pas très gourmands en capacités. En revanche, Facebook, YouTube et les flux vidéo consomment environ les deux tiers de la capacité, qui peut cependant être fournie par des capacités géostationnaires. À mon sens, il ne me semble pas incongru d’attendre une demi-seconde de plus avant de pouvoir lancer une vidéo sur Netflix, tandis que la priorité de la latence la plus basse possible doit être accordée aux militaires.
M. le président Jean-Michel Jacques. Nous passons maintenant à une séquence de cinq questions complémentaires, en commençant par une première série de deux questions.
Mme Michèle Martinez (RN). L’information est une arme de guerre. Nous savons que des chaînes et d’autres pays tiennent un discours souvent négatif et même parfois hostile envers la France ou, plus indirectement, remettent en cause nos valeurs et notre mode de vie.
La question se pose bien sûr pour les chaînes russes, mais également pour d’autres canaux. Je pense à Al Jazeera, relai de l’islamisme le plus fondamentaliste qui a déjà frappé durement notre pays. En tant qu’opérateur, vous avez déjà interrompu la diffusion de certaines chaînes. Ce fut le cas de la radio-télévision serbe en 1999, après l’intervention de l’Otan en ex-Yougoslavie, d’Al-Manar, chaîne du Hezbollah libanais en 2004 et de Première Caucase, chaîne russophobe de Géorgie.
Pourriez-vous nous expliquer le processus de décision aboutissant à l’arrêt de la diffusion d’une chaîne sur votre réseau ? Si la France vous adresse une demande concernant une chaîne hostile, notamment si notre pays est attaqué, êtes-vous prêt à donner une suite favorable à cette requête ?
Mme Valérie Bazin-Malgras (DR). Le XXIe siècle est marqué par la montée en puissance de la guerre hybride. La désinformation est, dans ce cadre, une arme de guerre qu’il ne faut pas négliger. En 2022, vous avez choisi de maintenir la diffusion des principales chaînes d’État russes. Vous invoquiez à l’époque un principe de neutralité. Mais vous omettiez la violation pourtant rédhibitoire des principes de pluralisme inscrit dans la convention d’Eutelsat IGO, mais également le fait que ces chaînes diffusent de la propagande de guerre. Vous êtes allé jusqu’à déclarer, contre toute évidence, que les chaînes en question sont essentiellement des chaînes de divertissement, de sport et à destination des enfants.
En novembre dernier, le comité Diderot et quatre associations partenaires ont mis en évidence qu’Eutelsat ne respectait pas les sanctions européennes contre les entreprises russes de médias. Comme en 2022, vous vous défaussez sur les régulateurs français et européens. Face à la montée en puissance de la guerre hybride, n’est-il pas nécessaire de renforcer la responsabilité des opérateurs de diffusion d’informations provenant d’acteurs hostiles ?
Mme Eva Berneke. Comme je l’ai indiqué précédemment, nous retirons toutes les chaînes qui sont sanctionnées par l’Arcom, avec laquelle nous travaillons étroitement depuis longtemps. Nous portons plus de 6 500 chaînes et les équipes de l’Arcom sont compétentes pour évaluer celles qui doivent faire l’objet de sanctions. Les chaînes d’information russes ne sont plus distribuées sur notre capacité, ce qui ne signifie pas qu’elles ne sont pas diffusées en Russie, dans la mesure où les Russes disposent de leurs propres capacités satellitaires. Malheureusement, il arrive que ces chaînes passent d’un de nos satellites à un satellite russe situé sur la même position orbitale.
La loi française et la loi européenne confèrent ses pouvoirs à l’Arcom, qui est compétente sur ces deux volets. Avant-hier, j’ai ainsi rendu visite au nouveau directeur général de l’Arcom pour lui confirmer que nous avons bien retiré les chaînes qui ont été sanctionnées la semaine dernière, même si nous n’avons reçu le courrier que ce lundi.
Mme Nadine Lechon (RN). Au regard de l’avancée dont disposent aujourd’hui les Américains et les Chinois en raison de leurs constellations respectives, les pays européens partent avec un retard considérable, qu’il sera difficile de compenser sans innovation et prise de risque. Depuis plusieurs années maintenant, diverses jeunes entreprises, notamment françaises, souhaitent miser sur les micro-satellites et les micro-lanceurs. Cette solution offre un gain de temps et financier considérable.
Je pense par exemple à l’entreprise Latitude qui, depuis 2019, travaille dans ce domaine. Pour reprendre les termes de cet entrepreneur, ces segments de marché ne sont pas couverts, alors même qu’ils disposent d’un potentiel conséquent. Je souhaite donc savoir si la filière des micro-lanceurs et des micro-satellites est étudiée par Eutelsat, notamment dans le cadre du projet Iris2. Considérez-vous que cette voie pourrait être prometteuse pour nos industriels ?
M. Pascal Jenft (RN). Depuis presque deux années, la société Eutelsat a fusionné avec la société britannique OneWeb. Du fait de cette fusion, le groupe dispose de satellites en provenance de OneWeb, mais la Grande-Bretagne détient une action spécifique (golden share), qui n’est rien autre qu’un droit de veto sur certaines décisions stratégiques en lien avec l’utilisation de ces satellites. Le Royaume-Uni n’est plus dans l’Union européenne et on connaît ses relations particulières avec les États-Unis, notamment en ce qui concerne l’utilisation de l’arme nucléaire. Si l’on ajoute par ailleurs la présence de Starlink, il est loisible de se poser des questions.
Même si Starlink domine le marché, il faut souligner qu’Eutelsat est un acteur clé en Europe et dispose d’atouts non négligeables. Au vu de ces éléments, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les mesures mises en place pour s’assurer que les décisions les plus sensibles pouvant être prises par Eutelsat soient protégées de tout intérêt étranger ? Cette question est capitale, dans la mesure où Eutelsat représente un acteur majeur pour la sécurité des communications et notamment en cas de conflit.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). La bande Ka Mil ne sera pas spécialement dévolue à la France ; d’autres armées européennes pourront également l’utiliser. En conséquence, comment sera-t-il possible de sécuriser les flux entre les différentes armées ? Quel en sera coût pour les armées françaises ? Enfin, vous avez souligné la volonté de tout fabriquer en France. Quels segments de dépendances critiques vis-à-vis de nos partenaires identifiez-vous aujourd’hui ?
Mme Eva Berneke. Le segment des micro-lanceurs est effectivement en plein développement, puisqu’une vingtaine de projets européens existent à l’heure actuelle. Ces derniers sont ainsi intégrés dans les réflexions menées sir Iris2, dans la mesure où ils sont particulièrement utiles pour les lancements de satellites test ou des satellites pour les Narrowband. Au-delà d’Iris2, nous sommes en discussion en France avec les entreprises Maiaspace d’ArianeGroup et Latitude, car ces micro-lanceurs offrent une plus grande flexibilité.
La Grande-Bretagne détient effectivement une action spécifique dans OneWeb, qui a été mise en place à l’époque où le gouvernement britannique a sauvé cette entreprise de la faillite. Lorsque nous avons racheté OneWeb, nous nous sommes assurés que nous pourrions lancer une grande partie de nos satellites sans être contraints par cette action spécifique, notamment pour Iris2. Il en sera de même pour des satellites en orbite basse financés par la France ou d’autres pays. À cet effet, nous avons mis en place un comité de sécurité, qui permet de traiter en priorité des éléments confidentiels relatifs à la sécurité de la France. Dans ce comité figure ainsi un observateur du ministère des armées français.
Dans le cadre d’Iris2, la capacité placée sur la bande de fréquences Ka Mil sera gratuite pour les militaires des pays européens membres du consortium. Des discussions sont également menées en bilatéral avec des pays, afin d’utiliser une partie de nos satellites pour transporter des charges utiles, notamment militaires, et ainsi créer une capacité véritablement souveraine, par exemple pour la France ou l’Allemagne. Le coût sera également plus attrayant pour les clients, puisque les satellites seront de toute manière lancés pour porter notre capacité commerciale. Cette offre n’a pas encore été définitivement arrêtée, elle demeure pour le moment au stade de l’option. Mais je rappelle que la constellation Starshield s’est développée de cette manière, en étant portée par les satellites de Starlink. En Europe, nous disposons des compétences et capacités pour en faire autant.
M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie.
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La séance est levée à douze heures zéro deux.
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Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Édouard Bénard, M. Christophe Blanchet, M. Matthieu Bloch, M. Philippe Bonnecarrère, M. Hubert Brigand, M. Vincent Caure, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Geneviève Darrieussecq, M. Alexandre Dufosset, Mme Sophie Errante, Mme Stéphanie Galzy, M. Frank Giletti, Mme Florence Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Habib, Mme Catherine Hervieu, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Pascal Jenft, M. Guillaume Kasbarian, M. Bastien Lachaud, M. Abdelkader Lahmar, Mme Anne Le Hénanff, Mme Nadine Lechon, Mme Gisèle Lelouis, M. Benjamin Lucas-Lundy, Mme Lise Magnier, Mme Michèle Martinez, Mme Alexandra Martin, M. Jean Moulliere, Mme Anna Pic, Mme Josy Poueyto, Mme Catherine Rimbert, M. Aurélien Saintoul, M. Sébastien Saint-Pasteur, M. Thierry Sother, M. Thierry Tesson, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, M. Romain Tonussi, Mme Corinne Vignon
Excusés. – M. Christophe Bex, Mme Anne-Laure Blin, M. Frédéric Boccaletti, M. Manuel Bompard, M. Elie Califer, M. Bernard Chaix, M. Paul Christophe, Mme Alma Dufour, M. Damien Girard, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Mereana Reid Arbelot, M. Arnaud Saint-Martin, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, M. Boris Vallaud, M. Stéphane Viry, M. Éric Woerth