Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

 

 

 Audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission de la défense nationale et des forces armées, de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur la situation au Liban               2


Mercredi
13 novembre 2024

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 15

session ordinaire de 2024-2025

Co-présidence
de M. Bruno Fuchs,
président de la commission des affaires étrangères, et de
M. Jean-Michel Jacques,
président de la commission de la défense nationale et des forces armées


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La commission procède à l’audition, ouverte à la presse et conjointe avec la commission de la défense nationale et des forces armées, de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur la situation au Liban.

La séance est ouverte à 16 h 35.

Co-présidence de M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères,
et de M. Jean-Michel Jacques, président de la commission de la défense nationale
et des forces armées.

M. le président Bruno Fuchs. Monsieur le président de la commission de la défense, chers collègues, nous sommes heureux de recevoir, dans ce format élargi à nos deux commissions, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Noël Barrot, pour évoquer avec lui la situation plus que préoccupante au Liban. Monsieur le ministre, nous vous sommes reconnaissants d’avoir bien voulu répondre aussi rapidement que possible à notre invitation.

Avec mon homologue Jean-Michel Jacques, il nous a semblé urgent de vous entendre car, depuis le début des bombardements de Tsahal au Liban le 23 septembre dernier, ce pays qui entretient une relation si étroite et particulière avec la France est en proie à des difficultés décuplées. Nous nous préoccupons aussi du sort des quelques 700 militaires français intégrés à la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL).

On dénombre aujourd’hui au Liban plus de 3 000 victimes, environ 15 000 blessés et plus de 1,3 million de déplacés – sur une population totale de 5 millions de personnes – depuis qu’Israël a engagé ses opérations contre la milice chiite du Hezbollah.

La France, ces derniers mois, n’a pas ménagé ses efforts pour essayer, avec ses partenaires, de sortir le pays du Cèdre de sa paralysie institutionnelle et de ses problèmes économiques, liés à l’absence de réformes ainsi qu’à la tragédie du port de Beyrouth, le 4 août 2020.

Monsieur le ministre, vous êtes vous-même allé au Liban dès que vous l’avez pu, le 29 septembre, avec du matériel humanitaire. Vous étiez alors sans doute le premier ministre étranger à vous rendre sur place.

Depuis le 7 juin 2023, l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian, nommé représentant personnel du président de la République pour le Liban, s’est aussi beaucoup impliqué pour essayer de stabiliser la situation.

Dès le 25 septembre, vous avez, Monsieur le ministre, plaidé devant le Conseil de sécurité des Nations unies pour un cessez-le-feu, afin d’engager des négociations sur les paramètres d’une sortie de crise diplomatique, reposant sur la résolution 1701 de 2006 poursuivant le double objectif de sécurisation du Nord d’Israël ainsi que du Sud-Liban.

Enfin, sous l’égide de la France, une Conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban s’est tenue à Paris, le 24 octobre. Cet événement, auquel ont participé plusieurs parlementaires, a marqué la forte mobilisation de la communauté internationale. En effet, 800 millions d’euros d’aide humanitaire et 200 millions d’euros destinés au soutien des forces de sécurité du Liban ont été récoltés à cette occasion, la France mobilisant pour sa part 100 millions d’euros et 100 tonnes de fret humanitaire.

Les clés de la paix sont connues. Elles ont fait l’objet de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies que j’ai mentionnée. Il est essentiel que cette résolution soit pleinement appliquée. En effet, les populations du Nord d’Israël doivent, elles aussi, pouvoir vivre chez elles sans craindre les tirs de roquettes ou de missiles et le Liban doit sortir de l’ornière institutionnelle, économique et financière.

M. le président Jean-Michel Jacques. Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir accepté cette première audition conjointe sous cette législature.

À l’exemple du Liban, nombre de sujets étant communs à nos deux commissions, il est en effet important pour nous de travailler ensemble.

La France et le Liban sont liés depuis des décennies, singulièrement dans le domaine de la défense.

Les armées françaises sont d’abord présentes au Liban dans le cadre de l’opération Daman, au titre de sa participation à la FINUL. Je souhaite rendre un hommage appuyé aux 700 militaires français qui y sont actuellement déployés. Ils subissent depuis plusieurs semaines les conséquences d’affrontements ouverts entre Israël et le Liban. Nous ne les oublions pas et nous nous tenons à leurs côtés.

Les armées françaises ont également su répondre présentes pour aider le Liban lorsque le pays a été confronté à la catastrophe de l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Elles ont porté une assistance précieuse aux Libanais dans le cadre de l’opération Amitié.

Pour toutes ces raisons, la stabilité du Liban constitue un enjeu majeur pour les armées françaises. Nous souhaiterions ainsi connaître, Monsieur le ministre, votre analyse de la situation sécuritaire au Liban, de ses conséquences pour nos militaires sur place et des perspectives que vous discernez.

Au-delà du Liban, il me semble pertinent d’élargir l’analyse à l’ensemble de la région. Il est en effet à craindre que la dégradation de la situation au Liban ne soit une étincelle qui embrase toute la région. Les foyers de préoccupation ne manquent pas : guerre à Gaza, instabilité en Cisjordanie, tensions en mer Rouge, guerre civile au Yémen, persistance de la menace terroriste en Syrie et en Irak, sans parler de la guerre larvée qui oppose désormais directement l’Iran et Israël.

La déstabilisation du Moyen-Orient concernerait directement l’armée française. Les forces françaises sont en effet déployées au Levant contre Daesh, en mer Rouge, dans le cadre de l’opération Aspides – nos frégates ont neutralisé plus d’une fois des drones en direction de navires de commerce –, aux Émirats arabes unis et dans le Golfe persique, dans le cadre de l’opération Agénor, ainsi qu’en Jordanie au sein de la base aérienne projetée H5.

En cette date du 13 novembre, jour de commémoration des attentats du Bataclan, je souhaite aussi rappeler le lien qui existe entre la déstabilisation de la région et la sécurité de notre pays.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, Monsieur le président de la commission de la défense nationale, je vous remercie d’avoir convoqué cette audition conjointe, à l’image du travail conjoint que nous menons avec Sébastien Lecornu sur ces sujets.

Pour la France, le Liban n’est pas un pays comme les autres. « Dans tout cœur de Français, […] le nom seul du Liban fait remuer quelque chose de très particulier. Les Libanais ont été à travers les siècles le seul peuple dont jamais le cœur n’a cessé de battre au rythme du cœur de la France. ». Ainsi parlait le général De Gaulle de la relation entre la France et le Liban en 1941.

L’identité même de ce pays, si singulière, s’est construite par l’assimilation de notre langue et de notre culture, avant que la France ne vienne donner en 1920 à la nation libanaise l’État auquel elle aspirait. Aujourd’hui encore, c’est au Liban que nous trouvons le plus grand nombre d’écoles françaises homologuées au monde. C’est aussi au Liban que se trouve notre principal poste diplomatique aux Proche et Moyen-Orients. Cet enracinement fait du Liban tout à la fois notre ancre et notre relais dans la région.

Ce pays qui nous est si cher est aujourd’hui menacé d’effondrement par une guerre qui le frappe alors qu’il était déjà terriblement fragilisé par la succession des crises qui l’ont secoué ces dernières années.

Je pense d’abord à la crise économique. L’effondrement depuis 2020 du système financier libanais, devenu une véritable pyramide de Ponzi, a engendré une crise dont les annales de l’histoire économique connaissent peu d’équivalents. Le produit intérieur brut (PIB) a été divisé par trois depuis 2020, les Libanais ont perdu la quasi-totalité des économies placées dans les banques et l’hyperinflation a réduit à peu de chose les retraites et les salaires. Une vague d’émigration sans précédent depuis la guerre civile a touché le pays. Seules les remises de la diaspora et l’aide internationale ont permis une stabilisation, qui ne saurait toutefois déboucher sur un redressement, en l’absence de réformes indispensables que la classe politique a rejetées avec constance.

Je pense ensuite à la crise politique, avec la vacance de la présidence de la République depuis plus de deux ans. Faute d’accord entre les forces politiques sur la désignation d’un nouveau président, processus qui suppose un large consensus, le Liban n’a plus ni chef d’État capable de le rassembler et de le représenter, ni gouvernement de plein exercice, ni Parlement capable de légiférer. L’État lui-même, dont les responsables partent les uns après les autres à la retraite sans pouvoir être remplacés, est paralysé.

Je pense enfin, bien sûr, à la terrible explosion qui a dévasté le 4 août 2020 Beyrouth, tuant 235 personnes, dont plusieurs ressortissants français, et dont la capitale porte encore les stigmates.

C’est donc un pays au bord de la rupture que le Hezbollah a choisi, à la faveur de calculs régionaux, d’entraîner dans la guerre au lendemain des terribles massacres antisémites du 7 octobre 2023.

Cette guerre a d’abord été contenue pendant près d’un an au Sud du pays, n’atteignant pas le niveau d’intensité et de destruction du conflit de Gaza, même si elle causait des morts chaque jour. Elle s’est ensuite brutalement accélérée et amplifiée mi-septembre, avec le lancement d’une opération israélienne de très grande envergure, qui a éliminé l’essentiel du commandement du Hezbollah et a largement détruit ses infrastructures et ses stocks d’armes, tout en ravageant le Sud, la Bekaa et la banlieue de Beyrouth, sans épargner ni la population ni les infrastructures civiles. 

Comme vous l’avez rappelé, la guerre a causé 3 000 morts, dont deux de nos compatriotes, et quelque 15 000 blessés. Près de 1 million de personnes – soit plus d’un Libanais sur cinq – ont dû quitter leur foyer ; 5 000 hectares ont été détruits ; 500 000 élèves n’ont plus accès à leur école. Le bilan humain et matériel de cette guerre est déjà sans commune mesure avec celui de la guerre de 2006.

La solidarité dont font preuve les Libanais est remarquable mais il est évident que des déplacements de population aussi massifs déstabilisent gravement des équilibres communautaires fragiles, au risque de tensions internes dangereuses.

Dans ce contexte dramatique, la France se tient aux côtés du Liban et des Libanais.

Elle se tient tout d’abord à leurs côtés en apportant à la population l’aide dont elle a besoin pour tenir, face aux conséquences de la guerre.

Quelques jours après ma prise de fonctions, j’ai effectué à Beyrouth mon premier déplacement bilatéral, porteur de deux postes sanitaires mobiles qui soignent actuellement 1 000 blessés graves à l’Hôtel-Dieu et à l’hôpital Rafic Hariri, et de 10 tonnes de médicaments et de matériel médical. J’ai débloqué 10 millions d’euros pour financer des projets d’urgence portés par des organisations non gouvernementales (ONG) et des agences des Nations unies.

Le 24 octobre, soit un mois après le début de l’incursion terrestre israélienne au Liban, nous avons organisé à Paris une conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban, qui a rassemblé plus de soixante-dix États et organisations internationales. Cette conférence a permis de mobiliser 1 milliard de dollars, dont 800 millions d’aide humanitaire, au bénéfice des Libanais affectés par la guerre. La France a pris toute sa part dans cet effort, en annonçant un engagement de 100 millions d’euros, complétés par l’envoi de 100 tonnes de fret. Une première livraison de 30 tonnes de tentes, de couvertures et d’autres biens de première nécessité a été effectuée le 1er novembre. D’autres suivront.

Cette mobilisation ne concerne pas uniquement l’État. Toutes les forces vives de la nation – associations, entreprises, collectivités territoriales, élus – s’engagent à nos côtés. J’ai lancé un appel aux dons, qui a été entendu. Les groupes CMA CGM, BNP Paribas, Engie, Sanofi et l’association Tulipe se sont déjà mobilisés, apportant leur soutien aux opérations humanitaires et des millions d’euros de contributions additionnelles à l’effort collectif. Qu’ils en soient profondément remerciés.

Nous sommes également mobilisés pour venir en aide à nos 21 000 ressortissants qui résident au Liban. Un dispositif dédié a été mis en place par notre ambassade à Beyrouth, dont je salue l’engagement exemplaire, avec le soutien du centre de crise de mon ministère. Des vols spéciaux ont été affrétés pour pallier la disponibilité limitée des vols commerciaux et permettre à ceux qui le souhaitent de regagner la France. Des moyens financiers ont été dégagés pour soutenir nos compatriotes les plus vulnérables. Je tiens aussi à saluer le travail de nos agents à Beyrouth, qui exercent leur métier dans des conditions particulièrement difficiles.

La France se tient aussi aux côtés du Liban et des Libanais en soutenant leurs institutions, politiques et sécuritaires.

La conférence du 24 octobre a permis de mobiliser 200 millions de dollars pour les forces de sécurité libanaises, en premier lieu pour l’armée. Il s’agit aujourd’hui de donner aux forces de sécurité les moyens de préserver la paix civile, dans un contexte tendu par la guerre et par les déplacements de populations. Il s’agira demain de permettre à l’armée de prendre toute sa part à un règlement diplomatique de la situation, dont nous savons bien qu’il passe par son déploiement renforcé au Sud du Liban, en coopération avec la FINUL, conformément à la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies.

La France prend toute sa part dans ce soutien direct à l’armée libanaise, en l’équipant, en la formant et en assurant la pérennité de son service de santé. Nous resterons à ses côtés.

Nous avons aussi formé, avec l’Italie et le Royaume-Uni, également présents au sein de la FINUL, un comité militaire technique pour soutenir de façon très concrète ce renforcement de l’armée libanaise.

L’horizon pour le Liban est en effet un État fort, souverain, disposant du monopole de la force légitime et capable d’assurer la protection de toutes les communautés. Aucune puissance extérieure ne peut imposer durablement l’hégémonie d’une communauté. Le Liban est pluriel et le restera. La communauté chiite, aujourd’hui la plus touchée par la guerre, a toute sa place au Liban. Elle doit pouvoir vivre en sécurité, sous la protection de l’État.

Or cet État doit avoir un chef. Que la guerre se poursuive ou que des négociations s’ouvrent, il est inconcevable de laisser aujourd’hui le Liban sans président qui puisse le rassembler et le représenter. C’est à cette condition que l’unité du Liban et son existence même en tant qu’État pourront être préservées.

Le président de la République a confié cette mission à mon prédécesseur et ami Jean-Yves Le Drian, qui poursuit ses démarches auprès de l’ensemble des forces politiques libanaises et de nos partenaires du Quintette, groupe formé par la France, les États-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Égypte, pour faciliter l’élection d’un nouveau président libanais. Nous allons continuer nos bons offices collectifs pour pousser les Libanais à s’accorder. Il en est plus que temps.

Enfin, la France se tient aux côtés du Liban et des Libanais en œuvrant à une solution diplomatique permettant de mettre un terme à cette guerre et d’assurer une sécurité durable aux populations, en Israël comme au Liban, que la force seule ne garantira pas.

Cette solution est connue : c’est la pleine mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Il s’agit de faire cesser les hostilités de part et d’autre de la frontière, de déployer massivement les forces armées libanaises au Sud du pays, de renforcer la capacité de la FINUL à mettre en œuvre son mandat et de régler le contentieux sur la frontière terrestre. Le Hezbollah, qui porte une lourde responsabilité dans cette guerre, doit cesser ses attaques et se conformer aux résolutions des Nations unies.

Je continue mes efforts en ce sens. J’étais jeudi dernier – pour la deuxième fois en un mois – en Israël, où j’ai pu approfondir les échanges, de façon détaillée et concrète, sur les paramètres d’un accord permettant la cessation des hostilités : sécurité pour Israël, souveraineté pour le Liban. Je me suis entretenu dimanche avec mon homologue américain sortant, Antony Blinken, et j’ai des contacts réguliers avec les acteurs libanais et mon homologue iranien.

Nous sommes en effet la seule puissance qui parle à toutes les parties. Nous tenons la plume au Conseil de sécurité au sujet du Liban. Nos militaires forment l’épine dorsale de la FINUL, à laquelle je rends hommage pour son courage et son professionnalisme, alors qu’elle a fait face ces dernières semaines à des attaques inacceptables, violant le droit international. Tout ceci nous donne un rôle particulier dans ces efforts diplomatiques.

La France restera aux côtés du Liban, parce que cet engagement est conforme aussi bien à ses valeurs qu’à ses intérêts. Comme l’a dit le président de la République, ce qui se joue dans ce Liban pluriel, « Liban-message » où coexistent chrétiens et musulmans, Orient et Occident, n’est pas seulement le destin de ce pays qui nous est si cher mais peut-être bien la possibilité d’une civilisation.

M. le président Bruno Fuchs. La résolution 1701 datant de 2006, il est peut-être possible, Monsieur le ministre, d’envisager aujourd’hui de nouveaux moyens d’action pour faire en sorte que cette résolution ait enfin des chances d’être mise en œuvre ?

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Kévin Pfeffer (RN). Depuis le 10 octobre dernier, le contingent des casques bleus des Nations unies au Liban, au sein duquel la France compte 700 soldats, a été la cible de plusieurs attaques de l’armée israélienne. Cinq casques bleus de nationalité malaisienne ont été blessés le 7 novembre ; cinq autres l’avaient déjà été ces dernières semaines à la suite d’attaques israéliennes délibérées, comme le précise un communiqué du Quai d’Orsay. Ces attaques doivent être fermement condamnées.

Depuis maintenant plus d’un an, l’État d’Israël s’est lancé dans une campagne d’éradication des mouvements terroristes islamistes qui minent le Proche-Orient. Nous nous réjouissons que l’offensive israélienne ait conduit à la neutralisation de hauts dirigeants terroristes du Hezbollah à la solde de l’Iran. Le Hezbollah sème en effet depuis plus de quarante ans la peur et la pauvreté au sein du peuple libanais. Parmi les têtes dirigeantes de ce mouvement terroriste qui ont été abattues, se trouvaient d’ailleurs les personnes ayant commandité l’attentat contre les cinquante-huit parachutistes français qui furent lâchement assassinés le 23 octobre 1983, lors de la guerre civile au Liban. Notre groupe tenait à leur rendre hommage. Quarante ans plus tard, le spectre d’une deuxième guerre civile n’est malheureusement plus si éloigné.

Amie du Liban et protectrice des chrétiens d’Orient depuis Saint Louis, la France ne peut accepter la destruction du Sud-Liban et la mort de civils innocents. Des villages chrétiens non liés au Hezbollah ont été totalement détruits. Puissance d’équilibre, la France doit être une muraille pour empêcher un conflit généralisé au Proche-Orient, dont les conséquences seraient non seulement désastreuses pour le Liban mais aussi pour l’Europe, qui pourrait alors assister à une nouvelle vague migratoire.

Dans ce contexte, la France ne peut se contenter de proposer l’arrêt des combats. Quant au Liban, il devrait utiliser cette situation comme un catalyseur pour rétablir pleinement l’État libanais. Cela doit passer par l’organisation de l’élection d’un président de la République libanaise dans les meilleurs délais et par l’affirmation de l’armée libanaise comme seule institution à être autorisée à disposer d’armes de guerre.

À ce jour, aucune solution positive ne semble se profiler au Liban, proie de plusieurs pays de la région. Nous sommes convaincus que l’arrêt des bombardements et la paix ne pourront advenir que lorsque ce pays aura retrouvé une pleine souveraineté sur son territoire, débarrassé de la mainmise des puissances étrangères et du désordre semé par le Hezbollah. Comment la France, puissance d’équilibre, se positionne-t-elle pour aboutir à un tel plan politique de sortie de crise dans toute la région ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Si la résolution 1701 n’a pas été appliquée pleinement depuis 2006, c’est peut-être parce qu’elle a été prise indépendamment du contexte. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, il nous faut bien définir les paramètres sécuritaires nécessaires pour que le Sud du Liban cesse d’être le lieu où se livrent toutes les querelles de la région, avec des conséquences sécuritaires très préoccupantes pour Israël. Pour rappel, 60 000 personnes déplacées ne peuvent toujours pas rentrer chez elles, du côté israélien tandis que plusieurs centaines de milliers de Libanais ont dû fuir le Sud-Liban. Cela n’est pas indépendant de la résolution de la crise politique au Liban.

La sécurisation du Sud du Liban, à travers le déploiement des forces armées libanaises, aux côtés d’une FINUL renforcée pour exercer pleinement son mandat, n’est possible en effet que si les autorités politiques appuient très largement cette nouvelle dynamique et acceptent d’assurer le rôle d’un État souverain qui dispose du monopole de la force, en prenant ses responsabilités plutôt qu’en déléguant ou sous-traitant la sécurisation du Liban aux milices.

Notre effort diplomatique porte aussi sur la dimension politique.

La troisième dimension est régionale. Le Liban ne pourra en effet trouver de résolution définitive au conflit qui le mine si les protecteurs des groupes armés, en particulier l’Iran pour le Hezbollah, continuent de faire du pays un théâtre pour leurs conflits avec Israël plutôt que de le considérer comme un État souverain.

Si nous faisons avancer de front ces trois éléments – de sécurité, de politique intérieure et de politique régionale –, nous avons des chances de réussir là où nous avons échoué en 2006.

Mme Amélia Lakrafi (EPR). Monsieur le ministre, vous revenez d’un déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens qui a fait grand bruit après l’arrestation de deux gendarmes français, à qui je témoigne toute ma gratitude. Cet événement ne contribue absolument pas à l’apaisement nécessaire dans un contexte plus qu’explosif. Je profite aussi du passage à Paris de mon suppléant Joseph Moukarzel, établi à Beyrouth, pour vous interroger en priorité sur le Liban, pris dans l’engrenage de ce conflit désormais régional qui s’est embrasé après les attaques du Hamas le 7 octobre 2023.

Comment comprendre les frappes massives et meurtrières sur le Liban, qui terrorisent la population et provoquent des destructions insensées, y compris en plein cœur de Beyrouth, ville décidément toujours meurtrie ? Comment les comprendre en effet, puisque ces frappes israéliennes certes affaiblissent le Hezbollah mais ne l’éliminent pas, ce qui les rend contre-productives ?

Elles font également courir des risques graves à la société libanaise, déjà éprouvée par tant de luttes fratricides par le passé, démoralisée par l’explosion du 4 août 2020 et anéantie par la situation économique et l’incurie politique qui règne dans ce pays. Notre inquiétude est que le Liban se fragmente une nouvelle fois dans le cadre de violences intercommunautaires.

Comment comprendre la logique de ces frappes et, surtout, comment les arrêter ? Que vous ont dit vos interlocuteurs en Israël de leurs objectifs et de leur logique jusqu’au-boutiste, qui détruisent un pays ami de la France ? Quel est le poids de la France aujourd’hui dans cette région et comment faire taire les armes et obtenir un cessez-le-feu ? Les Libanais, désespérés, voient dans la France leur seule planche de salut. Ne les décevons pas.

De manière plus générale, sur le plan humanitaire, je souhaite aussi vous interroger sur l’aide apportée au Liban après la conférence organisée à Paris. Où en est la mise en place des soutiens décidés et par quel organisme cette aide sera-t-elle supervisée ? La France ne pourrait-elle pas dédier une partie de la sienne aux 20 000 ressortissants, qui sont en très grande majorité franco-libanais, et tout particulièrement aux déplacés qui dorment parfois dans la rue ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je salue votre action, ainsi que celle menée par votre suppléant à Beyrouth. L’armée israélienne a incontestablement engrangé des succès militaires et tactiques ces dernières semaines. Pourtant, les frappes qui se poursuivent ne sont pas justifiées, de notre point de vue. Nous le disons car nous contemplons l’histoire et nous nous souvenons que lorsqu’Israël a chassé l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) du Sud du Liban en 1982, à force de destructions, de pertes civiles et de bombardements, s’est créé un terreau à partir duquel, en dépit du départ de l’OLP, est né le Hezbollah. Il faut savoir faire taire les canons et cesser le feu. Ce moment est arrivé depuis longtemps. C’est dans l’intérêt du Liban mais aussi d’Israël et de sa sécurité. Les violences n’ont que trop duré et nous appelons à un cessez-le-feu immédiat.

Concernant les suites de la conférence qui s’est tenue à Paris, nous avons déjà engagé un tiers des sommes et fait parvenir, le 1er novembre, 30 tonnes de tentes, de couvertures et d’autres biens de première nécessité ; 50 millions d’euros supplémentaires ont déjà été fléchés vers des projets des agences humanitaires des Nations unies et d’ONG de confiance engagées sur le terrain. Le reste des crédits nécessaire pour tenir notre engagement, à savoir 17 millions d’euros, seront engagés en 2025.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Jeudi 7 novembre dernier, des agents de la police israélienne se sont introduits en armes et sans autorisation de la France sur le site de pèlerinage de l’Eléona, l’un des quatre domaines français à Jérusalem. Quelques instants plus tard, deux gendarmes français, pourtant sous statut diplomatique, ont été arrêtés et retenus plusieurs heures par les autorités israéliennes. C’est une provocation intolérable et une évidente violation de la souveraineté française. Elle intervient dans le contexte que l’on connaît : celui d’une guerre génocidaire à Gaza – on parle de plus de 43 000 morts –, d’une intensification de la colonisation et de la généralisation du conflit au Liban. Quand on dénombre 3 000 morts et plus de 15 000 blessés au Liban, il s’agit d’une guerre non pas contre le Hezbollah mais contre le Liban.

Pour vous paraphraser, Netanyahou, qui porte une très lourde responsabilité dans le conflit au Proche-Orient, doit être mis face à sa responsabilité et soumis à des mesures, afin qu’il respecte le droit international. La convocation de l’ambassadeur d’Israël en France est une première réponse mais elle est insuffisante. Il est évident que le gouvernement de Netanyahou n’entend pas les rappels au respect du droit international et au cessez-le-feu exprimés par la France. Des réponses plus fortes sont nécessaires.

Hier, mon collègue David Guiraud vous a interrogé, lors de la séance de questions au gouvernement. Ce sujet mérite une réponse sérieuse. La France doit se faire respecter. De la même façon, la France doit faire respecter le droit international, non d’une voix timide mais par des actes.

Ainsi, pourquoi l’ambassadeur de France en Israël n’a-t-il pas été rappelé, comme le demande une tribune signée par plusieurs dizaines de députés, y compris issus du groupe macroniste ? Quelles mesures la France compte-t-elle prendre face à un gouvernement qui ne respecte ni le droit international, ni les Nations unies, ni la souveraineté territoriale de ses voisins comme le Liban ? Pourquoi la France n’a-t-elle pas elle-même interdit la présence sur son sol du ministre d’extrême droite Smotrich, lors du gala qui a lieu ce soir ? Soutien au Liban, embargo sur les armes, imposition d’un cessez-le-feu sont les réponses indispensables à opposer à ce gouvernement d’extrême droite. La France doit impérativement prendre des mesures.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Vous l’avez rappelé, l’incident qui s’est produit au domaine de l’Eléona est inacceptable : d’abord parce que la France refuse que quiconque entre armé sans son autorisation dans les domaines placés sous sa responsabilité et sa protection à Jérusalem mais aussi parce que le traitement réservé aux deux gendarmes, au mépris de leur statut diplomatique, est proprement scandaleux et indigne de la relation que nous entretenons avec Israël. Pour cette raison, après avoir veillé à leur libération, j’ai pris la décision d’activer le premier degré dans l’échelle des sanctions diplomatiques, à savoir la convocation de l’ambassadeur d’Israël en France, qui a été reçu hier matin au Quai d’Orsay. Il s’est vu signifier que la France considérait ces agissements comme inadmissibles et attendait que ces incidents ne se reproduisent plus. Nous allons convenir avec mon homologue israélien par exemple par un échange de lettres des procédures à suivre dans le cadre des visites officielles, pour que ces incidents ne se reproduisent plus.

Concernant les violations par Israël du droit international et du droit international humanitaire, nous les condamnons systématiquement et, lorsque nous le pouvons, nous les sanctionnons. Nous l’avons fait à propos de la colonisation en sanctionnant à titre national vingt-huit individus coupables de faits de colonisation agressive.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). C’est vrai, la colonisation pas agressive, c’est mieux…

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Nous avons aussi créé un régime de sanctions au niveau européen, que nous avons activé à deux reprises. Il a permis de sanctionner des entités et des individus, coupables et complices de faits de colonisation. Nous envisageons de l’activer une troisième fois.

À vous entendre dans l’hémicycle ou dans cette salle de commission, on a le sentiment que la France ne prend pas ses responsabilités et s’éloigne de son rôle de vigie concernant le respect en toutes circonstances du droit international et de la justice. Je vous invite à m’accompagner lors de mon prochain déplacement dans la région. Vous verrez les réactions d’irritation que certaines paroles de la France peuvent susciter en Israël. Nous n’en avons pour autant que faire car nous serons toujours aux côtés du droit international et de la justice.

M. Olivier Faure (SOC). Je prends note de votre proposition. Il serait en effet très intéressant de pouvoir assister à vos réunions.

J’aurai par ailleurs deux questions. L’histoire du Proche-Orient ressemble à l’histoire d’un jour sans fin. En 1982, Arafat quitte Beyrouth. En 2006, Israël propose de détruire les infrastructures de l’OLP. En 2024, le Hezbollah a largement remplacé l’OLP et n’est pas simplement une organisation terroriste, puisqu’il participe au gouvernement du Liban. Quel est alors, selon vous, l’objectif de guerre poursuivi par Israël ? Comment éradiquer le Hezbollah qui est lui-même l’un des gouvernants de l’État libanais ? Aussi, quelle est la ligne rouge que la France fixe à Israël en la matière ? Vous avez fort bien réagi, en disant que l’incident diplomatique à l’Eléona était scandaleux et indigne mais ce qui se passe aujourd’hui, tant au Liban qu’à Gaza, est également scandaleux et indigne.

Votre homologue israélien, Gideon Sa’ar, a expliqué avant-hier que la création d’un État palestinien n’était pas une position réaliste. Il a même opposé à cette idée le fait qu’il s’agirait d’un État Hamas. J’avais compris que la guerre permettait d’éradiquer le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban. Si, après les milliers de morts, on nous explique que créer un État palestinien reviendrait à créer un État Hamas, il est difficile de comprendre à quoi sert la guerre. La question que le premier ministre espagnol socialiste, Pedro Sánchez, a posé aux Européens est de savoir si nous sommes toutes et tous prêts, dans un geste diplomatique puissant, à reconnaître un État palestinien. Si la France le faisait, cela permettrait de fixer un cap et de donner une ligne de conduite aux Européens en la matière.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Quel doit être l’objectif de la guerre ? Le seul objectif pertinent du point de vue de la France et de bien d’autres pays est de créer les conditions d’une paix durable.

Au Liban, celle-ci passera par le retour d’un État fort, souverain, disposant du monopole de la force. Cela implique le désarmement des milices et la capacité de l’État, avec un président de la République nommant le commandant en chef de l’armée libanaise et un premier ministre qui forme un gouvernement, de prendre en main son propre destin.

C’est la meilleure garantie de sécurité pour Israël car, si le Liban venait à s’effondrer et que les risques de guerre civile évoqués çà et là venaient à se concrétiser, vous trouveriez au Nord d’Israël un État failli qui ressemblerait bientôt à la Syrie, c’est-à-dire à un foyer où prospèrent les trafics et le terrorisme et d’où émigrent des centaines de milliers de personnes fuyant l’insécurité et la violence. Ce serait un foyer durable d’instabilité à la frontière au Nord de l’État d’Israël. Dans l’intérêt de ce dernier, le cessez-le-feu doit intervenir et la mise en œuvre effective de la résolution 1701 doit être accomplie. Cela suppose de la part de la France, ainsi que des autres pays participant à la FINUL, de tirer les leçons de 2006 et de faire en sorte que les conditions d’un cessez-le-feu soient réunies, tant sur le plan sécuritaire et politique que régional.

À Gaza et en Cisjordanie, il n’y aura aucune paix juste et durable sans État palestinien, comme nous l’avons dit. Notre objectif est qu’à l’issue de cette année tragique pour la région, on aboutisse à une solution à deux États, avec des reconnaissances mutuelles, des garanties de sécurité et deux peuples vivant côte à côte. Cela implique trois étapes selon nous. La première est le cessez-le-feu immédiat car la tragédie humanitaire est insupportable. La deuxième est la solution politique qui associera des États de la région et des États comme la France, pour la reconnaissance de l’État de Palestine ainsi créé. Il y aura aussi une troisième étape, même si nous en sommes loin : celle de la réconciliation. J’ose à peine prononcer ce mot aujourd’hui, tant la guerre a tendance à durcir les esprits dans la région.

M. Michel Herbillon (DR). Au nom du groupe de la droite républicaine, je veux exprimer notre soutien au peuple libanais qui subit une guerre dévastatrice, dans laquelle le Hezbollah porte une très lourde responsabilité. Je veux aussi exprimer notre soutien à la FINUL, et notamment aux soldats français qui la composent. L’heure est à la résolution diplomatique du conflit. Vous l’avez dit et avez pris en ce sens une initiative avec votre homologue américain, le secrétaire d’État sortant, Antony Blinken, pour appeler à une solution permettant d’assurer la sécurité d’Israël et de garantir la souveraineté du Liban. Vous vous êtes entretenu la semaine dernière avec lui, qui intensifie ces derniers jours ses efforts diplomatiques. Quelle chance entrevoyez-vous au succès de ces missions diplomatiques et quelles sont les conditions à réunir ?

Je profite par ailleurs de votre présence pour vous poser une question sur un tout autre sujet. Le directeur général de l’Agence française de développement (AFD), Rémy Rioux, dans un entretien donné au journal Le Point la semaine dernière, a jugé « excessive » la baisse de l’aide publique au développement fournie par notre pays. Cette prise de parole, la veille de l’examen du budget de l’aide publique au développement par notre commission des affaires étrangères, est inacceptable de la part d’un dirigeant d’une institution financière publique, qui méconnaît son devoir de réserve en cherchant à s’immiscer de la sorte dans le débat parlementaire et en exerçant ainsi une pression intolérable vis-à-vis de la représentation nationale et du gouvernement. Monsieur le ministre, quelle a été votre réaction s’agissant de cette prise de position du directeur général de l’AFD et quelles conséquences en avez-vous tirées ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je commencerai par répondre rapidement à votre seconde question. J’ai relevé les nombreuses observations formulées par les parlementaires de la commission des affaires étrangères car vos auditions sont diffusées et nous les suivons. Nous avons par ailleurs fait part, avec Antoine Armand, de nos propres observations au directeur général de l’AFD. Je peux vous annoncer que le décret créant la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, issu du texte examiné en début d’année, est désormais en passe d’être signé.

S’agissant de votre première question, je dois dire qu’à condition de ne pas heurter de manière frontale l’administration entrante, une administration sortante a des marges de manœuvre après les élections, dont elle ne disposait pas forcément auparavant. Elle peut ainsi prendre un peu plus de risques. De fait, j’ai senti chez mes interlocuteurs américains la volonté de mettre à profit les dix semaines qui les séparent de la prise de fonction de la nouvelle administration pour cheminer le plus rapidement possible vers le cessez-le-feu, au Liban et à Gaza. Nous verrons si ces intentions sont suivies d’effet.

Mme Dominique Voynet (EcoS). En 2018, 2020, 2021, ainsi que le 24 octobre dernier, la France a pris l’initiative de conférences sur la stabilité du Liban. Cependant, celles-ci attirent de moins en moins de participants de haut rang, comme cela est apparu il y a quelques jours. La formule est peut-être à bout de souffle et l’on produit plus de beaux discours que d’engagements sonnants et trébuchants à la hauteur des enjeux. Il s’agit pour l’essentiel d’appliquer des pansements sur des plaies ouvertes, sans perspective de sortie, avec toujours les mêmes objectifs : répondre aux urgences humanitaires, garantir la paix civile, restructurer et renforcer l’État, former et équiper l’armée libanaise… et bien peu de résultats. Vous l’avez dit, la crise actuelle démontre une fois de plus l’incapacité totale de l’État libanais, en voie de décomposition avancée, à répondre aux besoins de sa population.

Je ne vous envie pas, Monsieur le ministre. Vous nous dites en effet que la France pèse toujours d’un poids conséquent et qu’elle tient la plume à l’Organisation des Nations unies (ONU) sur la question. Certes, nous sommes autorisés à parler mais de nombreux signaux indiquent une perte d’influence de notre pays dans la région. Je pense bien évidemment aux attaques contre les soldats de la FINUL, qui montrent que le mandat des casques bleus est négligé, mais aussi à ce qui s’est passé à l’Eléona il y a quelques jours – je n’y reviens pas.

Quelles sont les pistes pour mettre un terme à cette nouvelle guerre ? Voilà la seule question qui vaille. Certains appellent à l’application de la résolution 1701, mais Israël est-il prêt à quitter le Sud-Liban dans un avenir proche ? L’État libanais est-il en mesure, avec l’armée libanaise, de prendre la place du Hezbollah tout-puissant entre la ligne bleue et le fleuve Litani ?

La même question se pose pour la bande de Gaza, où la situation est tout simplement indescriptible. Qui héritera de la gestion des ruines de Gaza ? Que pensent vraiment vos homologues d’un retour de l’Autorité palestinienne dans l’enclave – on connaît en fait la réponse ? Est-il question de confier la gestion de la bande de Gaza aux grandes familles gazaouies exilées en Égypte ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Israël n’a pas d’intention d’occupation, exprimée comme telle, au Liban. Notre responsabilité, en tant qu’amis et partenaires du Liban, consiste à créer les conditions pour que l’État libanais reprenne possession, avec la FINUL, du Sud du Liban et que la souveraineté de ce pays soit assurée en même temps que la sécurité d’Israël. À Gaza, il n’existe par ailleurs aucune justification possible pour reporter davantage un cessez-le-feu.

S’agissant des conférences, je tiens à rappeler que, un mois après le 7 octobre 2023, la France a accueilli une conférence humanitaire pour Gaza qui a permis de lever 1 milliard d’euros. Elle a fait de même, en avril 2024, pour le Soudan, qui connaît la principale crise humanitaire dans le monde aujourd’hui, ce qui a permis de lever 2 milliards d’euros. Un mois après le début des hostilités israéliennes au Liban, une nouvelle conférence internationale s’est tenue en France et a permis de lever 1 milliard de dollars. Bien sûr, le meilleur remède est la paix : l’aide humanitaire ne viendra jamais résoudre le problème à la racine. Toutefois, si nous nous désintéressions de la tragédie que vivent les civils, femmes et enfants de ces régions, alors nous ne serions pas à la hauteur de notre histoire et de ce qu’est la France.

De même, des gens me disent parfois : vous allez là-bas et vous parlez sans qu’il ne se passe rien. Mais c’est important de parler et de dénoncer systématiquement les violations du droit international humanitaire. Le simple fait de rappeler que la perspective dans ce conflit est un État palestinien et deux États vivant côte à côte a de la valeur. Comme je l’ai déjà dit, lors de ma première audition, j’ai bien conscience de l’importance de la diplomatie parlementaire ; toutefois, il ne faut pas sous-estimer celle que peut avoir la parole de la France, même si les situations sont parfois compliquées et appellent la mobilisation de plusieurs acteurs pour être résolues.

Mme Maud Petit (Dem). Le Liban est un territoire exsangue, marqué par des crises successives qui sapent la stabilité de ce pays si précieux pour la région. Depuis le mois de septembre, il se trouve pris au piège du conflit entre Israël et le Hezbollah, subissant les conséquences d’une escalade qui menace sa stabilité et affecte durablement sa population. Le 24 octobre, lors de la conférence internationale pour le Liban, vous avez rappelé, Monsieur le ministre, qu’il était essentiel que le pays dispose d’une armée nationale, forte et unifiée, capable de garantir la sécurité sur l’ensemble de son territoire. L’époque où le Hezbollah jouait ce rôle doit prendre fin pour restaurer une paix durable le long de la ligne bleue et permettre à la FINUL de remplir sa mission sans entrave. Le traumatisme laissé par l’explosion du port de Beyrouth survenue le 4 août 2020 reste vif dans nos mémoires. Cette catastrophe a causé des pertes humaines tragiques et infligé des dommages économiques et institutionnels colossaux. Elle a mis en lumière les dysfonctionnements de l’État libanais et les failles d’un système qui, depuis lors, peine à se relever. Depuis 2022, cette crise s’est aggravée du fait d’une impasse institutionnelle alarmante, marquée par une vacance présidentielle qui paralyse le gouvernement. Le Liban est sans chef d’État et cette absence compromet encore davantage la résilience du pays.

Monsieur le ministre, la situation du Liban interpelle notre conscience et notre responsabilité. Le Liban est plus qu’un partenaire : c’est un pays frère, porteur d’une riche diversité culturelle et religieuse et qui incarne une véritable chance pour la région. Par sa composition même, ce pays symbolise l’unité dans la diversité et incarne une valeur fondamentale que la France partage et s’efforce de promouvoir. Pourriez-vous nous éclairer sur les actions que la France envisage de mettre en place pour aider le Liban à surmonter cette crise ? Vous avez abordé le sujet de la défense et de l’humanitaire mais je souhaiterais aussi vous entendre sur les aspects économiques, culturels et sanitaires.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je vous remercie pour cette question très importante. Le coût et les ravages de la guerre ne se limitent pas en effet au champ de bataille, ni même aux hôpitaux et aux conséquences humanitaires. Ils concernent aussi le patrimoine culturel et historique. Nous avons ainsi tremblé lorsque nous avons vu les bombes tomber près du temple de Baalbek, l’un des principaux complexes archéologiques du bassin méditerranéen. Aussi, nous avons salué l’appel de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à épargner ces sites qui font partie de notre patrimoine commun.

Vous avez raison de rappeler aussi ce qui fait la singularité du Liban, à savoir la coexistence des communautés maronite, chiite, sunnite et druze, au travers d’une architecture institutionnelle inédite, aujourd’hui mise sous une pression considérable. Des centaines de milliers de chiites fuient en effet la plaine de la Bekaa et le Sud du Liban et se retrouvent accueillis dans des villages chrétiens ou sunnites. Ils y occupent parfois des écoles, si bien que les enfants chrétiens ou sunnites peuvent se retrouver privés d’école et embolisent, dans certains cas, les hôpitaux utilisés habituellement par d’autres communautés.

Si nous voulons préserver ce qu’il reste de ce modèle, déjà largement éprouvé par des décennies de violences et de conflits, opposant des communautés qui sont dressées les unes contre les autres par des acteurs extérieurs à ce pays, nous devons construire les conditions d’une paix juste et durable et d’un Liban fort et maître de son destin, en travaillant sur le plan régional, sur le plan de la politique intérieure et sur le plan sécuritaire, avec les forces armées libanaises et la FINUL.

M. Loïc Kervran (HOR). Au nom du groupe Horizons, je commencerai par redire la place toute particulière qu’occupe le Liban, dans le cœur de la France, des Français et de notre groupe, d’abord par ce que j’appelle le « sang mêlé », c’est-à-dire notre histoire commune, très présente dans les monastères de Ouadi Qadisha de la vallée sainte ou dans la plaque commémorant le passage des troupes napoléoniennes à Nahr el-Kalb, que l’on peut citer parmi tant d’autres exemples, et aussi dans le temps présent, le réseau d’écoles et la langue française en commun. Je me souviens également de ces premiers pas avec le président de la République, le 6 août 2020, sur le site de l’explosion du port de Beyrouth, et de l’accueil de cette jeunesse libanaise désespérée à Gemayzé. Cette histoire commune, c’est aussi le sang versé. Je n’oublie pas nos cinquante-huit parachutistes du Drakkar. J’ai également une pensée et des remerciements pour tous ceux qui aujourd’hui servent dans la FINUL.

Au nom du groupe Horizons, je veux dire notre préoccupation devant l’ampleur du bilan et des destructions mais aussi devant la montée des tensions. Vous l’avez très bien dit, Monsieur le ministre, les déplacements obligent certaines communautés à vivre ensemble alors qu’elles ne le faisaient pas nécessairement jusque-là, résidant auparavant dans des régions très homogènes. Il est urgent de restaurer la souveraineté du Liban. Que vous disent vos interlocuteurs israéliens sur les conditions d’un cessez-le feu et de l’arrêt des hostilités ? Ma question reprend celle de mon collègue Olivier Faure sur l’objectif de guerre. Aussi, que peut-on faire concrètement pour renforcer l’armée libanaise, au-delà des chiffres annoncés ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Je vous remercie de saluer, comme d’autres de vos collègues avant vous, le sacrifice des cinquante-huit parachutistes du Drakkar ainsi que le courage des 700 soldats français de notre contingent dans la FINUL. Vous pouvez imaginer dans quelles circonstances extrêmement difficiles ces derniers exercent aujourd’hui leur métier.

Concernant les buts de guerre d’Israël au Liban, ils ne sont pas tout à fait précis. À l’horizon, se trouve bien l’idée d’un État libanais voisin ne représentant pas une menace pour Israël et avec lequel vivre en paix. À court terme, les logiques de la guerre l’emportent toutefois et les positions se durcissent. Il y a encore un mois, quelques semaines après le début de l’incursion terrestre au Liban, les paramètres sécuritaires qui permettraient à Israël de cesser les hostilités étaient fixés : ils concernaient la sécurisation du territoire entre la ligne bleue et le Litani. Aujourd’hui, des voix s’élèvent en Israël pour dire que le plus important est de pouvoir conserver une capacité à frapper au Liban, voire entrer au Liban, à tout moment, comme c’est le cas avec la Syrie. Or cette perspective est évidemment incompatible avec la souveraineté d’un État fort, disposant du monopole de la force légitime, que j’évoquais précédemment.

Pour en venir à votre deuxième question, tous nos efforts diplomatiques visent précisément à faire monter le plus rapidement possible en puissance les forces armées libanaises. J’ai parlé de la conférence qui a permis de lever 200 millions d’euros, des efforts de formation et d’équipements de l’armée libanaise. Les autorités libanaises et le gouvernement doivent par ailleurs prendre un certain nombre de décisions, sans attendre un cessez-le-feu, afin de permettre des déploiements, voire des redéploiements de forces déployées ailleurs que sur la ligne de front.

Pour compléter, j’ajouterai que j’échange beaucoup avec Sébastien Lecornu au sujet d’une évolution de la posture de la FINUL, à mandat constant, concernant les équipements qu’elle pourrait mobiliser pour surveiller l’application d’un cessez-le-feu le moment venu, la fréquence des patrouilles et sa capacité à intervenir. Le mandat de la FINUL, tel qu’il est rédigé dans la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies, montre en effet qu’en principe, et à condition que les autorités politiques sur place l’autorisent, la FINUL dispose d’une marge pour assurer la sécurité du territoire qui lui a été confié. Une discussion est en cours avec les autres pays ayant des contingents au sein de la FINUL, pour que des forces armées libanaises affermies, d’une part, et une FINUL renforcée dans sa posture, de l’autre, puissent garantir la sécurité d’Israël, au Sud, et donc justifier pleinement le retrait des forces israéliennes.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Les frappes israéliennes ciblées sur le Hezbollah pro-iranien continuent au Liban, dans ce pays déjà largement affaibli par la crise économique qu’il subit depuis plusieurs années et la tragédie du port de Beyrouth. En juin 2024, la direction générale du Trésor français indiquait que les perspectives d’une stabilisation macroéconomique à court et moyen termes étaient très incertaines et dépendaient notamment de l’évolution du conflit au Sud-Liban. Pourtant, cette situation s’est encore dégradée. En octobre, au moins vingt et une personnes ont été tuées par une frappe israélienne, dans un village situé au Nord du Liban. Ce fut le premier cas de la sorte et nous connaissons la suite.

Les frappes continuent et, au-delà des hommes et des femmes qui en sont victimes quotidiennement, elles menacent aussi le patrimoine historique du Liban. Des archéologues ainsi que des députés libanais ont alerté l’UNESCO sur la situation. Nous assistons désormais à une guerre contre notre histoire, notre patrimoine, notre culture. « C’est un crime d’effacer la mémoire d’un pays et d’un peuple », considère Bachir Khodr, le gouverneur de Baalbek. Dans ce contexte, à la demande du Liban, le comité spécial de l’UNESCO chargé de la protection des biens culturels en cas de conflit armé se réunira à Paris le 18 novembre prochain. Pourriez-vous nous donner plus d’éléments et nous indiquer comment notre pays peut aider le Liban sur cette question particulière, qui ne saurait rester un angle-mort du conflit en cours ? Quand on veut détruire un pays, on détruit sa mémoire, son histoire, comme d’ailleurs Daesh l’a fait en Syrie par exemple.

De façon plus générale, quelles initiatives concrètes notre pays compte-t-il mettre en œuvre pour promouvoir un dialogue constructif entre les différentes parties prenantes intra-libanaises ? La France envisage-t-elle de renforcer son engagement diplomatique pour favoriser une désescalade des tensions et encourager un retour à la stabilité politique locale, essentielle pour la réconciliation intra-libanaise et le redéveloppement du Liban ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Concernant l’UNESCO, je regarderai attentivement ce qui ressortira de la réunion du 18 novembre. J’ai par ailleurs reçu le candidat soutenu par la France pour succéder à la directrice générale de l’UNESCO. Le point que j’ai soulevé avec lui est précisément celui que vous évoquez, à savoir la protection du patrimoine historique et culturel dans les zones de conflit, en citant l’exemple de Balbek. Je lui ai notamment demandé de réfléchir avant même sa prise de fonctions avec l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph) et d’autres acteurs de la protection du patrimoine sur la manière de mieux protéger ce patrimoine en réfléchissant aux sanctions qui pourraient être établies afin de dissuader les acteurs des guerres, au Moyen-Orient comme ailleurs.

Votre seconde question me permet de revenir à la mission de Jean-Yves Le Drian, à laquelle j’ai, d’une certaine manière, pris aussi ma part quand je me suis rendu au Liban et lorsque je reçois à Paris des acteurs de la vie politique libanaise. Nous cherchons à éviter que ne s’aggravent les forces centrifuges de la guerre. La guerre conduit en effet à un durcissement des positions. Celui qui est en situation de faiblesse considère qu’il ne doit pas discuter, attendant d’être en meilleure position pour le faire. Celui qui est en position de force estime, quant à lui, qu’il sera encore plus fort par la suite et qu’il vaut mieux repousser l’engagement de discussions. Notre obsession, avec Jean-Yves Le Drian, est d’amener les responsables politiques libanais à s’orienter au plus vite vers une discussion afin d’avancer sur l’élection du président de la République, la nomination d’un gouvernement et celle d’un commandant en chef des forces armées libanaises. Cela suppose qu’ils aillent chercher en eux la part de courage nécessaire pour surmonter ces forces centrifuges engendrées par la guerre pour agir dans l’intérêt supérieur du pays.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR). Il me semble qu’il n’existe dans la région qu’un seul État en position de force : Israël. Tous les autres sont en position de faiblesse, qu’ils subissent des bombardements sans être eux-mêmes armés ou qu’ils ne puissent prendre de décisions, n’étant pas gouvernés. Israël fait ainsi figure de superpuissant, tandis que les autres sont sous sa domination. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises dans cette commission, après l’opération Plomb durci et après le 7 octobre, l’État d’Israël a franchi des lignes rouges. Dans sa façon de se défendre face au terrorisme, il applique une politique terroriste d’État. J’avais qualifié ainsi cette politique à l’époque du gouvernement d’Ehud Olmert et suis toujours de cet avis.

Vous n’avez pas dit un mot des bippers. Est-ce une nouvelle façon de faire la guerre ? Dois-je faire attention à mon téléphone, qui pourrait être piégé par Israël car cet État n’accepte pas la façon dont je parle de lui au sein de cette commission ? À aucun moment, la France ne s’est prononcée sur ce point. Elle aurait pu considérer qu’un tel procédé était un crime contre l’humanité puisqu’on ne sait pas qui peut avoir l’objet entre les mains : un enfant, une femme, un travailleur à proximité. C’est condamnable. Le terrorisme appelle le terrorisme, que ce soit un terrorisme d’État ou non.

Aujourd’hui, pour aider la région à se sortir de cette situation, si on est ami du Liban et ami d’Israël, il faut donner de la voix, de la force et des actes. Nous sommes en situation de pouvoir le faire. Alors qu’est-ce qui coince ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Lorsque j’évoquais la logique des négociations, je pensais notamment aux dynamiques internes au Liban – et c’est le plus triste. Avec le délitement de l’État et l’importance prise par le Hezbollah sur le plan sécuritaire, évoquée par Olivier Faure, le climat entre les leaders des communautés se durcit. La guerre se poursuivant, je constate aujourd’hui que certains différends, qu’ils devraient surmonter pour défendre leur pays et sa souveraineté, ont au contraire tendance à s’aggraver. Le message que nous leur adressons est clair : ils doivent se serrer les coudes pour créer les conditions d’une souveraineté et d’une unité du Liban, incarnée par un président qui puisse s’asseoir à la table avec Israël et défendre les intérêts libanais.

Je rappelle une fois encore que la France appelle au cessez-le-feu depuis le premier jour. Vous avez fait allusion aux bippers piégés ; d’autres députés ont évoqué les bombardements massifs qui ont touché le Sud du Liban, y compris des villages chrétiens, ainsi que la banlieue de Beyrouth et parfois même des villages du Nord, soupçonnés d’avoir accueilli par solidarité des déplacés du Sud. Le Liban traverse aujourd’hui une épreuve inouïe. C’est la raison pour laquelle la France dénonce et condamne ces violences, chaque fois qu’elle les constate, à la fois par attachement pour le Liban mais aussi dans l’intérêt même de la sécurité durable d’Israël et des Israéliens.

M. Matthieu Bloch (UDR). Fidèle à son rôle de puissance d’équilibre, la France doit contribuer aux efforts de stabilisation du Proche-Orient. La guerre imposée par l’organisation islamiste du Hezbollah sur le sol libanais est une tragédie. Notre relation privilégiée avec le Liban, ainsi qu’avec les chrétiens d’Orient, nous enjoint de tout faire pour que les hostilités cessent.

Au groupe UDR, nous soutiendrons toute initiative qui accompagnera notre partenaire historique dans la reconstruction d’un État solide et démocratique. Nous sommes évidemment favorables aux efforts financiers décidés à l’issue de la conférence d’octobre, qu’il s’agisse de l’aide humanitaire ou de l’enveloppe prévue pour l’armée libanaise, seule force légitime qui doit s’imposer dans le pays. Cependant, nous sommes convaincus que cette solidarité ne peut se dispenser d’orientations stratégiques. En effet, les mots du président de la République visant à condamner, sur un pied d’égalité, le Hezbollah et l’armée israélienne sèment une grande confusion. Bien que l’arrêt des combats soit indispensable, il doit s’accompagner d’une solution politique durable. Comment la rendre possible avec une organisation terroriste belliqueuse, téléguidée par l’Iran des mollahs et qui demeure au cœur des institutions politiques du Liban ? Le Hezbollah continue d’imposer sa croisade contre Israël à toute la région, faisant vivre un cauchemar à la fois aux Israéliens et aux Libanais. Si nous n’agissons pas, le Hezbollah continuera de mettre en péril la souveraineté du Liban. Le pays du Cèdre sera alors définitivement le terrain de jeu de l’Iran.

Alors que la France a annoncé 100 millions d’euros d’aide pour le Liban, pourriez-vous nous éclairer sur le suivi de leur utilisation sur le terrain ? Comment allons-nous assurer que ces montants ne finiront pas entre les mains d’entités qui mettent le Liban à genoux aujourd’hui ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Le centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a établi avec des associations du Liban, comme la Croix-Rouge libanaise, des relations très étroites. Il est d’ailleurs considéré par certains acteurs comme une référence. Ainsi, les entreprises évoquées précédemment, qui ont participé à l’effort, n’oseraient pas envoyer de l’aide directement au Liban, de peur qu’elle soit détournée, mais elles ont toute confiance dans le CDCS – vous pourrez d’ailleurs visiter le centre ou rencontrer ses membres si vous le souhaitez.

Je suis d’accord avec vous sur le rôle déstabilisateur de l’Iran pour la région. L’Iran, au travers de ses proxies, a favorisé le massacre antisémite du 7 octobre 2023. Il a également encouragé le Hezbollah à ouvrir, le lendemain, un nouveau front et à entraîner le Liban dans la guerre. C’est aussi l’Iran qui, depuis l’Irak, la Syrie ou le Yémen, continue de mener des actions de déstabilisation. Dans le cadre de cette audition sur le Liban, je le dis tout net : dans l’intérêt du Liban, l’Iran doit cesser d’en faire le théâtre de son conflit avec Israël. C’est un pays unique et fragile. Cette « instrumentalisation » dans le cadre de la conflictualité avec Israël doit cesser.

Concernant la remarque sur le fait de mettre sur le même plan l’armée israélienne et le Hezbollah, comme je l’ai déjà dit à l’Assemblée nationale, nous dénonçons toutes les violations du droit international et du droit international humanitaire : en Israël par le Hamas, à Gaza par Israël, en Israël par le Hezbollah, au Liban par Israël, au Soudan par les forces armées, en Afghanistan par les talibans, en Ukraine par la Russie… Nous ne changeons pas de position. C’est probablement parce qu’elle ne prend pas parti pour les uns ou les autres, mais qu’elle ne prend que le parti du droit et de la justice, que la France reste aujourd’hui entendue dans un monde en cours de fragmentation.

Mme Véronique Besse (NI). Vous avez répondu, Monsieur le ministre, à beaucoup de mes préoccupations. Je tiens toutefois à insister sur l’importance d’un engagement fort de la France au Liban, à la hauteur de notre histoire commune.

Depuis plusieurs années, le Liban souffre d’une crise politique et d’une crise économique auxquelles s’est ajoutée une crise humanitaire, avec plus d’un million de Syriens venus se réfugier sur son sol. En dépit des annonces appelant à sauver le Liban, lancées par le président de la République, le pays s’est chaque jour enfoncé davantage dans la précarité et l’instabilité. Le risque est grand que, malgré sa résilience légendaire, les conflits de ces derniers mois l’aient définitivement mis à genoux. Une fois de plus, le Liban se retrouve victime d’une guerre qu’il n’a pas souhaitée, avec plus de 1,2 million de déplacés, 3 000 morts et des milliers de blessés. Le pays du Cèdre est redevenu une zone de guerre à ciel ouvert et sa population une victime collatérale du conflit.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas détourner le regard et nous contenter d’une aide matérielle, même si celle-ci est très importante. Les enjeux sont trop grands et la disparition de ce pays serait désastreuse pour la région. La France a le devoir moral d’être présente aux côtés du Liban pour l’aider à trouver une solution durable de sortie de crise et lui assurer un avenir apaisé.

Au nom du passé intime qui nous lie à ce pays, la réponse de la France doit être forte, sans pour autant être dans l’ingérence. Or, actuellement, elle n’est à la hauteur ni de l’histoire ni des enjeux géopolitiques. Il est urgent d’intensifier notre engagement et d’aider le Liban à se relever. Qu’allez-vous faire concrètement pour favoriser un cessez-le-feu ? Et comment comptez-vous accompagner le pays du Cèdre ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Comment procédons-nous ? Depuis le 8 octobre 2023, nous échangeons avec nos interlocuteurs dans la région, du côté libanais et du côté israélien. À un moment donné, nos efforts ont convergé avec ceux des Américains. Nous avons accepté une telle convergence car les États-Unis ont une relation privilégiée avec Israël et nous avons, nous, une relation ancienne et profonde avec le Liban, ainsi qu’une capacité à parler avec tous les acteurs. Il y a bientôt deux mois de cela, nous avons ainsi émis une proposition de trêve de trois semaines, pour l’application effective de la résolution 1701. Cette proposition a été endossée par différents pays, sans avoir encore été reprise par les parties.

Voilà ce que nous nous efforçons de faire. Cela explique qu’y compris pendant la période de transition, je reste en relation très étroite avec le secrétaire d’État américain sortant, évoqué par Michel Herbillon précédemment. Dès que son successeur sera désigné, nous chercherons à nous rapprocher de lui car il nous faut continuer à cheminer ensemble. Si la France mène des initiatives seule de son côté, la capacité des États-Unis à amener Israël à la table risque de lui faire en partie défaut. À l’inverse, sans la France, il manquera aux États-Unis une appréciation fine des dynamiques politiques internes au Liban et une capacité à sonder vraiment le cœur des parties prenantes.

Nous allons ainsi continuer de cultiver un travail commun avec les Américains, de nature à permettre la résolution durable de la crise. Nous avons aussi des échanges très réguliers avec nos partenaires européens, notamment ceux qui sont représentés dans la FINUL.

M. le président Jean-Michel Jacques. Nous en venons à présent aux interventions et questions posées à titre individuel.

M. Pierre Pribetich (SOC). La résolution 1701 de 2006 comporte au moins trois points : le retrait des forces israéliennes du Liban, le désarmement de tous les groupes, y compris le Hezbollah, et la libération inconditionnelle des soldats israéliens. Vous avez rappelé votre souhait de converger avec les États-Unis. Quelle appréciation portez-vous sur les annonces de la presse américaine concernant Marco Rubio, pressenti pour être le nouveau secrétaire d’État américain ?

M. Michel Guiniot (RN). Le ministre israélien des affaires étrangères a indiqué le 11 novembre des progrès en vue d’un cessez-le-feu au Liban, où l’armée israélienne est en conflit avec le Hezbollah. Doit-on cette avancée aux États-Unis ? Il semblerait qu’elle soit liée au fait que ceux-ci cherchent à rompre le contact avec les Palestiniens, ou du moins avec le Hamas, dans les échanges de médiation au Qatar.

Après l’intensification des frappes israéliennes au Sud-Liban, vous vous êtes rapidement rendu sur place et avez proposé un cessez-le-feu de trois semaines entre Israël et le Hezbollah à la fin du mois de septembre. Avez-vous des éléments nouveaux à nous communiquer à cet égard ? Pensez-vous que le changement de paradigme lié aux élections américaines pourrait permettre d’entrevoir une issue pacifique au conflit au Liban ? Que reste-t-il réellement de l’armée libanaise ? Au regard de la situation actuelle, l’action de la FINUL est-elle efficace et utile ?

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). La propagande israélienne, reprise jusqu’ici, parle d’incursion limitée et ciblée contre le Hezbollah. Il s’agit en réalité d’une invasion pure et simple du territoire libanais et d’une guerre faite au Liban par Israël. Avec la dégradation de la situation, outre les plus de 3 000 morts et les 15 000 blessés, les casques bleus de la FINUL font également les frais de cette invasion et des bombardements. Plusieurs d’entre eux ont été blessés. Vendredi dernier, un communiqué de la FINUL, qui compte 700 Français, indiquait que des engins de l’armée d’occupation israélienne avaient, pour la huitième fois, détruit une partie de clôture et une structure en béton. Cette destruction délibérée par l’armée d’occupation de biens clairement visibles appartenant à la FINUL constitue une violation flagrante du droit international et de la résolution 1701.

Au-delà de timides remontrances verbales et de conférences humanitaires, la France va-t-elle réellement agir avec force pour sanctionner vigoureusement Israël pour ses crimes de guerre, de manière à obtenir le respect du droit international et la protection des casques bleus et des civils au Liban, à Gaza et partout où le gouvernement suprématiste israélien décide de semer la mort indifférenciée et de perpétrer ces massacres ?

M. Frank Giletti (RN). Plus de 20 000 Français résident au Liban, dont 90 % ont la double-nationalité. Aujourd’hui, ces derniers subissent, comme l’ensemble de la population, les conséquences d’un conflit qui prend de l’ampleur, aux dépens de la résolution 1701, laquelle prévoyait déjà en 2006 le retrait des troupes israéliennes et le démantèlement des milices armées.

Quelles dispositions la France a-t-elle prises pour protéger du danger nos compatriotes sur le territoire libanais ? Des moyens humains supplémentaires ont-ils été mis en place pour faciliter leurs démarches administratives, diplomatiques et consulaires ? Plusieurs sources nous alertent sur le délai de prise en charge des demandes de visa par la société choisie en externe. Pouvez-vous nous éclairer sur l’efficience de cette sous-traitance ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Monsieur Giletti, un dispositif dédié a été mis en place par notre ambassade à Beyrouth, avec le soutien du centre de crise situé à Paris, pour qu’une réponse téléphonique soit disponible en permanence. Face à la disponibilité limitée des vols, nous avons également affrété quatre vols spéciaux, civils et militaires, au début de la crise, il y a un mois et demi, pour permettre à ceux qui le souhaitaient, notamment aux plus vulnérables, de rentrer en France. Plus de 300 personnes en ont bénéficié. Aujourd’hui, un vol direct quotidien continue de desservir Paris – j’en remercie la compagnie nationale libanaise. Des places sont régulièrement disponibles et nous faisons en sorte que nos ressortissants puissent en bénéficier. Nous avons également débloqué des subventions additionnelles pour porter assistance à nos compatriotes les plus vulnérables, notamment à ceux du Sud-Liban. Enfin, comme vous le savez, des moyens militaires ont été prépositionnés en Méditerranée, dans l’hypothèse où nous serions contraints de procéder rapidement à une évacuation. Concernant le service privé de délivrance des visas, je n’ai pas la réponse à votre question mais je m’assurerai qu’elle puisse vous parvenir.

Monsieur Guiniot, la résolution 1701 précise que les contingents de la FINUL peuvent atteindre 13 000 hommes et ceux des forces armées libanaises jusqu’à 15 000. Aujourd’hui, dans le Sud du Liban, la FINUL atteint quasiment son effectif maximal mais les forces armées libanaises sont bien en deçà de la volumétrie mentionnée dans la résolution. D’où l’importance de renforcer ces dernières, pas seulement en équipements et en formation, mais en leur permettant de recruter, voire de redéployer, des soldats. Les rédacteurs de la résolution 1701 avaient bien identifié le besoin de deux fois 15 000 hommes environ pour couvrir la zone du Sud-Liban, ce qui est considérable, au regard de la zone à couvrir.

Concernant l’administration entrante et Marco Rubio, je commencerai par rappeler que le président élu aux États-Unis a toujours fait part de son exaspération à l’égard des guerres sans fin. En outre, en matière de politique étrangère dans la région, il a contribué aux accords d’Abraham, qui ont conduit à une forme de normalisation et que nous avons salués. Enfin, je constate qu’on est passés d’une administration sortante qui, à l’approche des élections, ne voulait prendre aucun risque ni même reprocher à Israël de violer le droit international quand cela s’est produit, à une administration entrante dont je ne peux dire quelle sera l’orientation mais qui conduira sans doute à une évolution de la situation.

Je crois que personne n’a intérêt à s’écarter de la perspective, aujourd’hui soutenue par l’immense majorité dans la communauté internationale, à savoir la solution à deux États, en ce qui concerne Israël et la Palestine. À nous de faire en sorte que cette vision, qui est la nôtre et celle de la majorité des pays européens, soit bien prise en compte par la nouvelle administration américaine dans ses échanges avec Israël. Un cessez-le-feu décidé unilatéralement par les uns ne vaudrait pas, en effet, condition d’une paix juste et durable pour l’ensemble de la région.

Il existe ainsi peut-être des opportunités dans le nouveau chapitre qui s’ouvre aux États-Unis, après celui d’une administration finissante, tétanisée à l’idée de prendre le moindre risque en matière de politique étrangère et dont l’action ne restera pas dans les annales de l’avancée vers la paix au Proche et au Moyen-Orient.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Monsieur le ministre, vous avez dit devant l’Assemblée nationale que parler de génocide à Gaza était « une faute morale mais aussi une faute juridique ». Vous avez, par ces mots, commis une grave faute politique. Rony Brauman, voix incontournable de la solidarité internationale, parle quant à lui de situation génocidaire. « Mal nommer un objet, c’est ajouter aux malheurs de ce monde », disait Camus. Vous en avez fait la preuve car c’est au nom de l’application de la convention de prévention et de répression du crime de génocide (CPRCG) que la Cour internationale de justice (CIJ) a enjoint Israël à un cessez-le-feu, en mai dernier. Or la CIJ et la CPRCG ne sont pas décoratives. Elles visent à empêcher qu’un génocide ait lieu. Refuser au nom des horreurs passées de qualifier l’horreur présente est indéfendable.

Comme Camus, nous nous efforçons d’avoir un langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel. La France, qui a ratifié la CPRCG, se doit de faire appliquer par tous les moyens l’ordonnance de mai dernier. Par votre aveuglement volontaire, alors que l’ONU indique que les habitants de Gaza sont menacés de façon imminente par une famine et que les pluies ravageuses de l’hiver approchent avec leur lot de maladies, vous ajoutez aux malheurs du monde. Quand agirez-vous enfin ?

Mme Liliana Tanguy (EPR). Vous avez rappelé, Monsieur le ministre, les liens historiques très forts entre le Liban et la France et je voudrais saluer ici votre action, ainsi que celle de Jean-Yves Le Drian et du président de la République, en tant que médiateurs actifs pour protéger les civils. L’escalade de la violence entre le Liban et Israël met en danger les civils. Quelle est la position de la France quant à l’hypothèse d’un renforcement des forces de la FINUL pour protéger les civils et assurer le retour de la stabilité dans la région ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Concernant le point que vous soulevez, Monsieur Cadalen, la CIJ n’a pas arbitré. Elle n’a pas décidé de juger qu’Israël s’était rendu coupable de génocide. En revanche, il est vrai qu’elle a pris des mesures conservatoires – le format de réponse de deux minutes lors des questions au gouvernement ne permet pas toujours de donner des réponses détaillées et exhaustives. Dans son ordonnance, la CIJ a appelé Israël à mettre en œuvre des mesures. Israël, ne s’étant pas conformé à cette décision, se met une nouvelle fois en situation de violation manifeste du droit international et du droit international humanitaire.

Madame Tanguy, je le répète, notre approche pour soutenir le Liban passe par tous les canaux que nous avons à notre disposition, notamment la mobilisation de notre poste, qui est le principal au Proche et au Moyen-Orients. Il compte plusieurs centaines d’agents qui, depuis le début de la guerre et, singulièrement, depuis le début de l’offensive israélienne terrestre au Liban, vivent dans une situation de très grande inquiétude. Certains doivent ainsi traverser des zones bombardées pour aller de leur domicile à l’ambassade. D’autres, qui ont des enfants en âge d’aller à l’école, se trouvent obligés de jongler entre le travail et la maison et de trouver de l’aide pour garder leurs enfants ou faire en sorte qu’ils puissent suivre à distance les cours, les établissements scolaires étant fermés. Comme vous le savez, les agents de nos postes diplomatiques se consacrent corps et âme à ce métier, qui est pour eux une vocation, et continuent à exercer leur métier. Je pense notamment à ceux qui se sont portés volontaires à la cellule d’appel, mise en place pour répondre aux questions de nos ressortissants au Liban. Plus généralement, nous allons veiller à ce que les engagements pris lors de la conférence du 24 octobre soient bien suivis d’effet pour l’ensemble de la population libanaise.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour vos réponses nourries. Nous arrivons au terme de cette audition, à laquelle beaucoup de parlementaires ont assisté. C’est une preuve supplémentaire de notre intérêt pour le Liban.

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La réunion est levée à 18 heures 10.

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Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Anne Bergantz, M. Hervé Berville, Mme Véronique Besse, M. Guillaume Bigot, M. Pierre-Yves Cadalen, Mme Eléonore Caroit, M. Pierre Cordier, Mme Dieynaba Diop, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, M. Michel Guiniot, M. Stéphane Hablot, M. Michel Herbillon, Mme Sylvie Josserand, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Jean-Paul Lecoq, M. Laurent Mazaury, Mme Isabelle Mesnard, Mme Nathalie Oziol, Mme Maud Petit, M. Kévin Pfeffer, M. Pierre Pribetich, M. Remi Provendier, M. Franck Riester, M. Jean-Louis Roumégas, Mme Liliana Tanguy, Mme Dominique Voynet

 

Excusés. - Mme Nadège Abomangoli, Mme Clémentine Autain, M. Bertrand Bouyx, M. Perceval Gaillard, Mme Pascale Got, M. François Hollande, M. Alexis Jolly, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, Mme Mathilde Panot, M. Davy Rimane, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Michèle Tabarot, M. Laurent Wauquiez, Mme Estelle Youssouffa

 

Assistaient également à la réunion. - M. Matthieu Bloch, M. Alexandre Dufosset, M. Emmanuel Fernandes, M. Frank Giletti, M. Michel Gonord, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Nadine Lechon, M. Julien Limongi, M. Thibaut Monnier, Mme Natalia Pouzyreff